Language of document : ECLI:EU:T:2009:478

ORDONNANCE DU 30. 11. 2009 – AFFAIRE T-2/09

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 novembre 2009 (*)

« Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑2/09,

Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par MA. Rinne, avocat, MM. S. Kon et C. Humpe, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de la décision C (2008) 5955 final de la Commission, du 15 octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (affaire COMP/39.188 – Bananes), en ce qu’elle concerne la requérante, ou, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        La requérante, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. KG, est une société en commandite de droit allemand.

2        Le 21 octobre 2008, la requérante s’est vu notifier la décision C (2008) 5955 final de la Commission, du 15 octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (affaire COMP/39.188 – Bananes) (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises, parmi lesquelles la requérante, ont enfreint l’article 81 CE en participant à une pratique concertée portant sur la coordination, dans une partie du marché commun, des prix de référence des bananes et a infligé des amendes auxdites entreprises.

3        Par télécopie parvenue au greffe du Tribunal le 2 janvier 2009, la requérante a transmis une copie de la requête à l’origine du présent recours. L’original de la requête a été déposé au greffe du Tribunal le 9 janvier suivant.

4        Par lettre du greffier du Tribunal du 4 février 2009, la requérante a été informée que le présent recours n’avait pas été formé dans le délai prévu par l’article 230 CE et a été invitée à exposer, pour le 20 février 2009, les raisons du dépôt tardif de la requête.

5        Par décision du président du Tribunal du 9 février 2009, l’affaire a été attribuée à la huitième chambre.

6        Par lettre du 20 février 2009, la requérante a déposé des observations sur le caractère tardif du dépôt de la requête et a demandé qu’il soit dérogé au délai de recours en exposant les raisons justifiant, selon elle, le dépôt de la requête le 2 janvier 2009.

 Conclusions de la requérante

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, modifier l’article 2 de la décision attaquée de manière à annuler ou à réduire substantiellement l’amende qui lui a été infligée dans une mesure appropriée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

8        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

9        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

10      Aux termes de l’article 230, cinquième alinéa, CE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

11      En outre, conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

12      Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge communautaire de vérifier, d’office, s’il a été respecté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I-403, point 21 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39, et ordonnance du Tribunal du 19 juin 2008, Comune di Ne e.a./Commission, T‑158/08, non publiée au Recueil, point 7).

13      S’agissant des règles de computation des délais, l’article 101, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure énonce que, si un délai exprimé en mois est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel survient cet événement ou se situe cet acte n’est pas compté dans le délai.

14      Par ailleurs, l’article 101, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure dispose qu’un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir desquels le délai est à compter.

15      Ainsi que la Cour l’a jugé, une telle disposition, qui exclut du calcul des délais de procédure le jour où intervient l’acte qui en constitue le point de départ, vise à assurer à toute partie la pleine utilisation des délais. Dans le cas d’un acte devant faire l’objet d’une notification, le délai ne commence à courir qu’à la fin du jour de la notification, indépendamment de l’heure à laquelle cette notification a eu lieu. La Cour a ajouté que, lorsque le délai de recours est exprimé en mois, il expire donc à la fin du jour qui, dans le mois indiqué par le délai, porte le même chiffre que le jour qui a fait courir le délai, à savoir le jour de la notification (arrêt de la Cour du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, points 7 et 8 ; voir également, par analogie, ordonnance de la Cour du 17 mai 2002, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑406/01, Rec. p. I‑4561, point 14, et ordonnance du Tribunal du 12 mai 2009, CHEMK et KF/Conseil et Commission, T‑190/08, non publiée au Recueil, point 21).

16      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le délai prévu par l’article 230, cinquième alinéa, CE a commencé à courir le 22 octobre 2008, jour suivant la notification de la décision attaquée, à minuit, pour prendre fin le 21 décembre à minuit. Augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours, le délai de recours a donc expiré le 31 décembre 2008 à minuit.

17      Étant donné que la copie de la requête a été transmise par télécopie au greffe du Tribunal le 2 janvier 2009, l’original ayant été déposé le 9 janvier 2009, le recours a été introduit après l’expiration du délai.

18      Il convient de préciser que la requérante reconnaît, dans le cadre de ses observations, que le recours a été introduit tardivement, le dépôt tardif de la requête résultant, selon elle, d’une interprétation erronée du règlement de procédure par ses représentants. Plus précisément, elle fournit, en annexe à ses observations, le témoignage de l’un de ses représentants, selon lequel trois collaborateurs de ce dernier ont de bonne foi estimé que le délai de recours expirait, selon une lecture combinée de l’article 101, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, ainsi que de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le 2 janvier 2009.

19      La requérante avance également plusieurs arguments qui justifieraient que, nonobstant le dépôt tardif du recours, le Tribunal déclare celui-ci recevable. Ainsi, tout d’abord, la requérante subirait, en cas d’irrecevabilité du recours, une injustice et un préjudice importants. Ensuite, le délai aurait à peine été dépassé et il existerait une bonne explication pour le dépôt tardif du recours. En outre, la recevabilité du recours n’entraînerait aucune atteinte notable au principe de la sécurité juridique et ne porterait pas préjudice à la Commission. Enfin, en tout état de cause, le principe de proportionnalité et le droit d’accès à un tribunal, garanti par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, l’emporteraient sur le principe de sécurité juridique, ce qui aurait, notamment, été reconnu dans les droits de la procédure pénale en Allemagne et au Royaume-Uni.

20      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé à maintes reprises qu’il ne peut être dérogé à l’application des réglementations communautaires concernant les délais de procédure que dans des circonstances, tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, Rec. p. I‑9757, point 16, et la jurisprudence citée).

21      Or, d’une part, la requérante n’a, en l’espèce, ni établi ni même invoqué l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure. D’autre part, pour autant que, en invoquant l’interprétation incorrecte des dispositions du règlement de procédure par ses représentants, elle entende se prévaloir d’une erreur excusable, il y a lieu d’indiquer que la réglementation relative aux délais applicable en l’espèce ne présente pas de difficulté d’interprétation particulière, de sorte qu’une erreur excusable de la part de la requérante, qui justifierait une dérogation à l’application de ladite réglementation, ne saurait être reconnue (ordonnance Allemagne/Parlement et Conseil, point 15 supra, point 21 ; ordonnance du Tribunal du 19 janvier 2001, Confindustria e.a./Commission, T‑126/00, Rec. p. II‑85, point 21, et arrêt du Tribunal du 28 janvier 2004, OPTUC/Commission, T‑142/01 et T‑283/01, Rec. p. II‑329, point 44).

22      En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’ordre juridique communautaire n’entend pas en principe définir ses qualifications en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux sans précision expresse (arrêts de la Cour du 14 janvier 1982, Corman, 64/81, Rec. p. 13, point 8, et du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a., C‑296/95, Rec. p. I‑1605, point 30). Par conséquent, il convient d’écarter les arguments tirés des droits de la procédure pénale en Allemagne et au Royaume-Uni.

23      En troisième lieu, dans la mesure où la requérante se prévaut du droit à une protection juridictionnelle effective, il y a lieu d’indiquer que ce droit est adéquatement protégé par la possibilité pour la requérante d’introduire un recours contre l’acte lui faisant grief dans le délai prévu par l’article 230 CE (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 5 mars 2008, Combescot/Commission, T‑414/06 P, non encore publié au Recueil, point 44) et n’est nullement affecté par l’application stricte des réglementations communautaires concernant les délais de procédure. Ainsi, ni le droit d’accès à un tribunal ni le principe de proportionnalité ne justifient de déroger au délai de recours au vu des circonstances prétendument exceptionnelles invoquées.

24      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la Commission.

 Sur les dépens

25      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la Commission et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. KG supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 30 novembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’anglais.