Language of document : ECLI:EU:T:2009:372

Affaire T-341/07

Jose Maria Sison

contre

Conseil de l’Union européenne

« Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Position commune 2001/931/PESC et règlement (CE) nº 2580/2001- Recours en annulation — Adaptation des conclusions — Contrôle juridictionnel — Motivation — Conditions de mise en œuvre d’une mesure communautaire de gel des fonds »

Sommaire de l'arrêt

1.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision de gel des fonds prise à l'encontre de certaines personnes et entités soupçonnées d'activités terroristes

(Art. 253 CE; position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 6; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

2.      Recours en annulation — Moyens — Défaut ou insuffisance de motivation — Moyen distinct de celui portant sur la légalité au fond de l’acte attaqué

(Art. 230 CE et 253 CE)

3.      Union européenne — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Décision de gel des fonds

(Position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 4; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

4.      Union européenne — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Décision de gel des fonds

(Position commune du Conseil 2001/931, 1er considérant et art. 1er, § 4; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

5.      Union européenne — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Décision de gel des fonds

(Position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 4 et 6; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

1.      Tant la motivation d’une décision initiale de gel des fonds que la motivation des décisions subséquentes doivent porter non seulement sur les conditions légales d’application du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, en particulier l’existence d’une décision nationale prise par une autorité compétente, mais également sur les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une mesure de gel des fonds.

Par ailleurs, il ressort de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, auquel renvoie également l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001, que, si les décisions subséquentes de gel des fonds doivent bien être précédées d’un réexamen de la situation de l’intéressé, c'est afin de s’assurer que son maintien dans la liste litigieuse reste justifié, le cas échéant sur la base de nouveaux éléments d’information ou de preuve. Cependant, lorsque les motifs d’une décision subséquente de gel des fonds sont essentiellement les mêmes que ceux déjà invoqués à l’occasion d’une précédente décision, une simple déclaration à cet effet peut suffire, en particulier lorsque l’intéressé est un groupe ou une entité.

À cet égard, le large pouvoir d’appréciation dont dispose le Conseil, quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption ou du maintien d’une mesure de gel des fonds, s’étend à l’évaluation de la menace que peut continuer à représenter une personne ou une entité ayant commis par le passé des actes de terrorisme, nonobstant la suspension de ses activités terroristes pendant un temps plus ou moins long. Dans ces conditions, il ne saurait être exigé du Conseil qu’il indique de façon plus spécifique en quoi le gel des fonds du requérant contribue, de façon concrète, à la lutte contre le terrorisme ou qu’il fournisse des preuves tendant à démontrer que l’intéressé pourrait utiliser ses fonds pour commettre ou faciliter des actes de terrorisme à l’avenir.

(cf. points 60-62, 65-66)

2.      Dans le cadre d'un recours en annulation, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Ainsi, une contestation du bien-fondé de cette motivation ne peut être examinée au stade du contrôle du respect de l’obligation édictée par l’article 253 CE.

(cf. point 67)

3.      Dans le cadre de l'adoption d'une décision de gel des fonds au titre du règlement nº 2580/2001 et de la position commune 2001/931 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, le Conseil adresse aux personnes visées par cette décision l'exposé des motifs de celle-ci. Lorsque le Conseil se réfère, dans cet exposé des motifs, à plusieurs décisions nationales dont il pourrait a priori être allégué qu'elles ont été prises par des autorités compétentes, au sens de l'article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune, pour ensuite, dans son mémoire en défense, affirmer et, lors de l'audience, confirmer que seules certaines de ces décisions nationales ont été retenues comme fondement de la décision de gel des fonds attaquée, au regard de cette dernière disposition, de telles explications équivalent à un aveu judiciaire qui doit profiter au requérant, dès lors qu’elles ne sont pas manifestement incompatibles avec le libellé même de la décision de gel des fonds en question.

(cf. points 100-103)

4.      Pour interpréter la portée d’une disposition de droit communautaire, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités. Eu égard tant aux termes, au contexte et aux finalités des dispositions pertinentes de la position commune 2001/931, relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, (voir, en particulier, le considérant 1 des motifs de cette position commune) et du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qu’au rôle majeur joué par les autorités nationales dans le processus de gel des fonds prévu à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, une décision d’« ouverture d’enquêtes ou de poursuites » doit, pour pouvoir être valablement invoquée par le Conseil, s’inscrire dans le cadre d’une procédure nationale visant directement et à titre principal à l’imposition d’une mesure de type préventif ou répressif à l’encontre de l’intéressé, au titre de la lutte contre le terrorisme et du fait de son implication dans celui-ci. Ne satisfait pas à cette exigence la décision d’une autorité judiciaire nationale qui ne se prononce qu’à titre accessoire et incident sur l’implication possible de l’intéressé dans une telle activité, dans le cadre d’une contestation portant, par exemple, sur des droits et obligations de caractère civil.

(cf. points 110-111)

5.      Lorsque le Conseil envisage d’adopter ou de maintenir, après réexamen, une mesure de gel des fonds au titre du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sur la base d’une décision nationale d'« ouverture d’enquêtes ou de poursuites » pour un acte de terrorisme, il ne peut pas faire abstraction des développements ultérieurs de ces enquêtes ou de ces poursuites. Il se peut, ainsi, qu’une enquête de police ou de sûreté soit close sans faire l’objet d’aucune suite judiciaire, faute d’avoir permis de recueillir des preuves suffisantes, ou qu’une instruction judiciaire fasse l’objet d’un non-lieu pour les mêmes raisons. De même, une décision de poursuites peut déboucher sur l’abandon de ces poursuites ou sur un acquittement au pénal. Il serait inadmissible que le Conseil ne tienne pas compte de tels éléments, qui font partie de l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier la situation. En décider autrement reviendrait à conférer au Conseil et aux États membres le pouvoir exorbitant de geler indéfiniment les fonds d’une personne en-dehors de tout contrôle juridictionnel et quelle que soit l’issue des procédures judiciaires éventuellement suivies.

(cf. point 116)