Language of document : ECLI:EU:T:2012:144

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 mars 2012 (*)

« Aides d’État – Remboursement de l’aide – Disparition de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑114/09,

Viasat Broadcasting UK Ltd, établie à West Drayton, Middlesex (Royaume‑Uni), représentée par Mes S. Kalsmose‑Hjelmborg et M. Honoré, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. N. Khan et B. Martenczuken, puis par MM. B. Stromsky et L. Flynn, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté initialement par M. J. Bering Liisberg, puis par M. C. Vang, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Biering et K. Lundgaard Hansen, avocats,

et par

TV2 Danmark A/S, établie à Odense C (Danemark), représentée par MO. Koktvedgaard, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 4224 final de la Commission, du 4 août 2008, dans l’affaire N 287/2008, relative à l’aide au sauvetage accordée à TV2 Danmark A/S,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par lettre du 16 juin 2008, le Royaume de Danemark a notifié à la Commission des Communautés européennes, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, son intention d’accorder une aide au sauvetage sous forme d’une ligne de crédit à TV2 Danmark A/S. Postérieurement à cette notification, le Royaume de Danemark a communiqué à la Commission des informations et des documents additionnels, en dernier lieu le 18 juillet 2008.

2        Par sa décision C (2008) 4224 final, du 4 août 2008 (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission a, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, approuvé l’aide au sauvetage notifiée comme étant compatible avec le marché commun. Il a été rappelé aux autorités danoises dans la même décision que, conformément aux engagements qu’elles avaient pris au cours de l’examen préliminaire de l’aide notifiée, elles devaient présenter un plan de restructuration ou un plan de liquidation de TV2 Danmark ou prouver que l’aide au sauvetage avait été remboursée intégralement dans les six mois à compter de son autorisation.

 Procédure

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 mars 2009, la requérante, Viasat Broadcasting UK Ltd, a introduit le présent recours en annulation de la décision attaquée.

4        Dans sa requête, la requérante a exposé qu’elle se proposait de communiquer à la Commission de nouvelles informations et de demander à celle-ci de réexaminer la décision attaquée et d’engager la procédure formelle d’examen, au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Elle a ajouté que l’acceptation de sa demande par la Commission pourrait l’amener à se désister de son recours et, dans ces conditions, elle a demandé au Tribunal de suspendre la procédure dans l’affaire en attendant que la Commission statue sur la demande qu’elle allait lui soumettre.

5        Dans ses observations sur la demande de suspension de la requérante, déposées au greffe du Tribunal le 26 mai 2009, la Commission a confirmé que la requérante lui avait entre temps soumis, le 15 mai 2009, une demande de réexamen de la décision attaquée et elle s’est ralliée à la demande de suspension de la procédure, présentée par la requérante.

6        Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal, du 9 juin 2009, la procédure a été suspendue jusqu’à ce que la Commission réponde à la demande de réexamen, introduite par la requérante le 15 mai 2009.

7        Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité, le 13 avril 2010, les parties à l’informer sur l’état de traitement de la demande susvisée de la requérante et à présenter, en conséquence, leurs observations sur la suite qu’il convenait de donner à la procédure dans la présente affaire.

8        Dans sa réponse déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 2010, la Commission a indiqué que, par lettre du 11 juin 2009, elle avait informé la requérante que sa demande de réexamen de la décision attaquée soulevait certains points qui revêtaient une importance également par rapport à la procédure relative à l’aide d´état C 19/09 (ex N 64/09), en l’occurrence l’aide à la restructuration accordée à TV2 Danmark, notifiée par le Royaume de Danemark, (ci‑après l’« aide à la restructuration »), laquelle se trouvait, à l’époque, en phase d’examen préliminaire. Elle a également indiqué que la requérante avait accepté sa proposition de suspendre la procédure administrative relative à sa demande de réexamen, jusqu’à la fin de l’examen de l’aide à la restructuration. Elle a, dès lors, demandé au Tribunal de maintenir la suspension de la procédure dans la présente affaire jusqu’à l’adoption d’une décision définitive concernant l’aide à la restructuration.

9        Dans sa réponse, déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2010, la requérante a confirmé ces indications et elle a ajouté que la décision concernant l’aide à la restructuration pourrait, en fonction de son contenu et de son libellé, exercer une influence déterminante s’agissant de la nécessité de statuer sur la présente affaire. Elle s’est, dès lors, ralliée à la demande de maintien de la suspension de la procédure dans la présente l’affaire, présentée par la Commission.

10      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal, du 17 mai 2010, la procédure a été suspendue jusqu’à l’adoption de la décision finale de la Commission s’agissant de l’aide à la restructuration.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la même chambre.

12      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2011, la Commission a indiqué qu’elle avait adopté, le 20 avril 2011, une décision finale concernant l’aide à la restructuration. Elle a ajouté que le Royaume de Danemark avait demandé le traitement confidentiel de certaines parties de cette décision et qu’une version non confidentielle était en cours de préparation et serait communiquée au Tribunal dès qu’elle serait disponible. La procédure dans la présente affaire a, par conséquent, été reprise.

13      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement les 21 et 31 juillet 2009, le Royaume de Danemark et TV2 Danmark avaient demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. À la suite de la reprise de la procédure dans la présente affaire, ces interventions ont été admises par ordonnances du président de la troisième chambre du Tribunal, du 12 juillet 2011. Le Royaume de Danemark et TV2 Danmark ont déposé leurs mémoires en intervention le 10 octobre 2011.

14      La Commission a déposé son mémoire en défense le 1er août 2011.

15      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2011, la requérante a indiqué qu’elle n’avait pas encore reçu la version non confidentielle de la décision de la Commission concernant l’aide à la restructuration et elle a, pour ce motif, sollicité une prorogation du délai pour le dépôt de son mémoire en réplique. Par décision du 4 octobre 2011, ce délai a été prorogé jusqu’au 15 décembre 2011.

16      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2011, la requérante a indiqué que le 19 octobre 2011 elle avait reçu la version non confidentielle de la décision concernant l’aide à la restructuration. Dans cette décision, la Commission aurait demandé au Royaume de Danemark de suspendre la facilité de crédit approuvée en tant qu’aide au sauvetage par la décision attaquée. En outre, selon ses informations, le Royaume de Danemark se serait conformé à la demande de la Commission et TV2 Danmark lui aurait remboursé les sommes prêtées au titre d’aide au sauvetage. La requérante a relevé que, dans ces conditions, l’objectif de son recours avait été atteint, dans la mesure où, en substance, l’éventuelle annulation de la décision attaquée n’était pas susceptible de modifier sa situation. Elle a, dès lors, demandé au Tribunal de constater qu’il n’y avait pas lieu de statuer dans l’affaire.

17      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 15 décembre 2011, la Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas « à la demande de la requérante tendant à obtenir la radiation de la présente affaire au registre du Tribunal ».

18      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 18 janvier 2012, le Royaume de Danemark a indiqué que, pour les motifs exposés dans son mémoire en intervention, il « se ralli[ait] à la thèse selon laquelle » le recours devait être rejeté.

19      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 18 janvier 2012, TV2 Danmark a exprimé son accord avec la demande de non‑lieu à statuer de la requérante et elle a rappelé que, dans son mémoire en intervention, elle avait également relevé qu’il n’y avait pas lieu de statuer dans la présente affaire.

 En droit

20      Aux termes de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

21      En l’espèce, il ressort des affirmations de la requérante et de TV2 Danmark, non contredites par les autres parties, que TV2 Danmark a intégralement remboursé l’aide d’État approuvée par la décision attaquée. Dans l’hypothèse d’une annulation de la décision attaquée, la Commission serait obligée de reprendre l’examen de ladite aide et, au terme de cet examen, elle ne saurait, tout au plus, qu’ordonner le remboursement de cette aide, lequel a déjà eu lieu. Une telle annulation ne modifierait, par conséquent, en rien la situation actuelle de TV2 Danmark et ne serait susceptible d’apporter aucun bénéfice à la requérante, comme celle-ci le reconnaît.

22      Il convient également de rappeler que l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non‑lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, c’est la requérante elle-même qui affirme qu’elle n’a plus aucun intérêt à l’annulation de la décision attaquée. Le Tribunal doit nécessairement prendre acte d’une telle déclaration et constater la disparition, en cours d’instance, de l’intérêt à agir de la requérante.

23      Dans ces conditions, il convient de conclure que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

 Sur les dépens

24      Dans sa demande de non‑lieu, la requérante conclut à ce que le Tribunal ordonne que chaque partie supportera ses propres dépens. Elle relève, à cet égard, qu’elle a introduit le présent recours à titre de précaution, dès lors que la demande de réexamen de la décision attaquée qu’elle avait l’intention d’introduire, et qu’elle a effectivement introduite, n’aurait pu être traitée par la Commission avant l’expiration du délai de recours. Elle ajoute qu’elle s’est efforcée de limiter les dépens de la présente procédure, ainsi qu’en témoigne le fait qu’elle a, concomitamment à l’introduction du recours, demandé la suspension de la procédure et qu’elle s’est, par la suite, ralliée à la proposition de la Commission visant à prolonger la durée de la suspension. Selon elle, la majeure partie des dépens exposés par les autres parties dans la présente affaire a été occasionnée par des événements échappant à son contrôle. En effet, ce ne serait qu’à la lecture de la version non confidentielle de la décision concernant l’aide à la restructuration, à savoir postérieurement à la reprise de la procédure dans l’affaire, qu’elle aurait pu constater la disparition de l’objet du litige.

25      La Commission considère que la requérante doit être condamnée aux dépens, en application de l’article 87, paragraphe 5, du règlement de procédure. Elle souligne que, pour les motifs qu’elle a exposés dans son mémoire en défense, le recours était irrecevable à défaut de qualité pour agir de la requérante. Celle-ci n’aurait aucunement abordé ce sujet et, par conséquent, admettrait implicitement le bien‑fondé de l’argumentation de la Commission. Cette dernière considère, dans ces conditions, que rien dans son comportement ne justifie qu’elle supporte une partie ou l’intégralité des dépens qu’elle a exposés en l’espèce.

26      Le Royaume de Danemark n’a pas formulé d’observations au sujet de la répartition des dépens en cas de non‑lieu à statuer.

27      TV2 Danmark relève que la requérante doit être condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à son intervention, dès lors que, pour les motifs exposés dans son mémoire en intervention, le recours était manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de fondement.

28      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Le présent cas relève du champ d’application de ce paragraphe et non du paragraphe 5 du même article, évoqué à tort par la Commission, ce dernier paragraphe étant applicable en cas de désistement.

29      Ensuite, bien que, en raison de la disparition de l’objet du litige, le Tribunal ne puisse se prononcer sur la recevabilité du recours, force est de reconnaître que sa contestation par la Commission et par les intervenantes n’est pas dépourvue de sérieux et mériterait un examen approfondi s’il devait être statué sur l’affaire.

30      Toutefois, il convient de rappeler, en premier lieu, que la requérante est une concurrente de TV2 Danmark, le bénéficiaire de l’aide litigieuse, en deuxième lieu, qu’elle avait, dans le passé, introduit un recours en annulation à l’encontre d’une autre décision de la Commission concernant une aide d’état versée à TV2 Danmark, lequel n’a pas été rejeté comme irrecevable par le Tribunal, dans son arrêt du 22 octobre 2008, TV 2/Danmark e.a./Commission (T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec. p. II‑2935), en troisième lieu, que, peu après l’introduction du présent recours, elle a présenté à la Commission une demande de réexamen de la décision attaquée, dans laquelle elle répétait, en substance, l’argumentation avancée dans son recours et, en quatrième et dernier lieu, qu’elle a participé activement à la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision de la Commission concernant l’aide à la restructuration, comme la Commission l’a elle-même relevé dans sa réponse à la question du Tribunal, du 13 avril 2010.

31      Dans ces conditions, indépendamment de la question de la recevabilité du recours, sur laquelle il n’y a plus lieu de statuer, il convient de reconnaître que ce recours ne présentait pas, en toute hypothèse, un caractère vexatoire ou frustratoire.

32      Il convient également de relever que, comme elle le fait elle-même valoir, la requérante a déployé tous ses efforts pour éviter que les autres parties au litige et, avant tout, la Commission, n’exposent des dépens qui auraient pu être évités. Il suffit de rappeler, à cet égard, que la requérante a demandé elle‑même la suspension de l’affaire en attendant le traitement de la demande de réexamen de la décision attaquée présentée à la Commission et que, par la suite, elle a exprimé son accord avec la proposition de la Commission, tendant à maintenir cette suspension aussi longtemps que l’aide à la restructuration était sous examen.

33      Il convient, en outre, de constater que la requérante a présenté sa demande de non‑lieu dans un délai raisonnable après la réception de la version non confidentielle de la décision concernant l’aide à la restructuration.

34      Il apparaît que, dans ces conditions, la plus grande partie, voire l’intégralité, des dépens exposés par les autres parties à l’affaire concerne la période entre la reprise de la procédure et la communication, à la requérante, de la version non confidentielle de la décision concernant l’aide à la restructuration. Par ailleurs, la demande de traitement confidentiel de certaines parties de cette décision, qui a nécessité la préparation d’une version non confidentielle de celle-ci, a empêché la Commission de la communiquer au Tribunal, de sorte que la constatation, d’office, de la disparition de l’objet du litige n’était pas possible.

35      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal conclut qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la présente espèce en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Viasat Broadcasting UK Ltd, la Commission européenne, le Royaume de Danemark et TV2 Danmark A/S supporteront chacun leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 22 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’anglais.