Language of document : ECLI:EU:T:2024:374

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative DESSI – Marque de l’Union européenne verbale antérieure DESHI – Cause de nullité relative – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑472/23,

Małgorzata Marcinkowska-Dec, demeurant à Cracovie (Pologne), représentée par Me A. Witońska-Pakulska, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Aza Ismailova, demeurant à Herselt (Belgique), représentée par Mes M. Zoebisch et J. Wachinger, avocats,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et T. Tóth (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Małgorzata Marcinkowska-Dec, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 31 mars 2023 (affaire R 1738/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 mai 2021, l’intervenante, Mme Aza Ismailova, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 28 août 2019 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 3 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande en nullité était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure DESHI, enregistrée le 20 décembre 2018, désignant des produits relevant des classes 3, 8, 21 et 26.

5        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 60, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6        Le 15 juillet 2022, la division d’annulation de l’EUIPO a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 60, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour tous les produits et les services couverts par la marque contestée, à l’exception des « services de publicité en matière de cosmétiques » relevant de la classe 35.

7        Le 7 septembre 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours dans son intégralité. En substance, après avoir considéré que le territoire pertinent était celui de l’Union européenne et que le public pertinent était composé du grand public et des professionnels faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, la chambre de recours a constaté, d’une part, que les produits et les services en cause étaient identiques ou similaires à des degrés divers et, d’autre part, que les signes en conflit présentaient entre eux un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan visuel, ainsi que sur le plan phonétique pour le public anglophone et germanophone, tandis que les signes en conflit étaient identiques sur le plan phonétique pour le public hispanophone. Elle en a déduit, dans le cadre d’une appréciation globale du risque de confusion, l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties 

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par elle dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

 En droit 

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. En substance, elle reproche à la chambre de recours, en premier lieu, d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation des éléments distinctifs et dominants ainsi que dans celle de la similitude des signes en conflit et, en second lieu, d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation globale du risque de confusion.

13      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

14      En vertu des dispositions combinées de l’article 60, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

17      Par ailleurs, en vue de constater l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire de constater que ce risque existe pour la totalité du public visé. En effet, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque [voir arrêt du 20 novembre 2017, Stada Arzneimittel/EUIPO – Urgo recherche innovation et développement (Immunostad), T‑403/16, non publié, EU:T:2017:824, points 49 et 50 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent, sur la comparaison des produits et des services en cause et sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure

18      Aux points 22 à 24 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, lors de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, il convenait en l’espèce de prendre en considération principalement la perception du grand public et des professionnels espagnols. En outre, au point 29 de cette décision, elle a relevé que les produits et les services désignés par les marques en cause étaient soit identiques, soit similaires à différents degrés.

19      Ces appréciations ne sont pas contestées.

20      De même, les parties ne contestent pas la constatation de la chambre de recours, faite au point 72 de la décision attaquée, selon laquelle la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque normal.

 Sur la comparaison des signes en conflit

21      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

22      En outre, afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, il faut déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 27).

23      En l’espèce, avant de traiter la question de la similitude des signes en conflit, il y a lieu d’examiner l’appréciation des éléments distinctifs et dominants desdits signes effectuée par la chambre de recours.

 Sur les éléments distinctifs et dominants des marques en cause

24      Selon la jurisprudence, afin d’apprécier le caractère distinctif d’un élément d’une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération, notamment, les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 47 et jurisprudence citée].

25      Plus particulièrement, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 20 septembre 2019, The Logistical Approach/EUIPO – Idea Groupe (Idealogistic Compass Greatest care in getting it there), T‑716/18, EU:T:2019:642, point 48 (non publié) et jurisprudence citée].

26      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35 ; voir, également, arrêt du 13 décembre 2012, Natura Selection/OHMI – Ménard (natura), T‑461/11, non publié, EU:T:2012:693, point 45 et jurisprudence citée].

27      S’il est vrai que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait, notamment, être le cas lorsqu’un composant d’une marque complexe est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que le ou les autres composants de cette marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (voir arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43 et jurisprudence citée).

28      Cependant, le fait qu’un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu’il soit dominant, de même que le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’implique nullement qu’il soit négligeable (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 44).

29      À cet égard, aux points 33 à 49 et 72 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure verbale DESHI était dépourvue de signification pour le public pertinent et dotée d’un caractère distinctif normal. Quant à la marque contestée, après avoir constaté qu’elle était composée d’un élément verbal et d’un élément figuratif, tous deux dotés d’un caractère distinctif, la chambre de recours a estimé que, malgré les caractéristiques de l’élément figuratif, l’élément verbal était susceptible d’avoir un impact plus fort sur le public pertinent que l’élément figuratif.

30      En substance, la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en accordant plus de poids à l’élément verbal qu’à l’élément figuratif de la marque contestée. Selon elle, la nature très stylisée, la couleur, la position, le caractère gras et, donc, la taille de l’élément figuratif sont tels qu’ils détourneraient l’attention du public pertinent de l’élément verbal situé dans la partie inférieure de ladite marque. La requérante ajoute que, alors que la chambre de recours a plusieurs fois mentionné le rôle particulier joué par l’élément figuratif, elle aurait omis d’expliquer les raisons pour lesquelles l’élément verbal avait un impact plus fort sur les consommateurs que l’élément figuratif. Enfin, la requérante fait grief à la chambre de recours de n’avoir pas pris en considération le type de produits, les modalités de vente de ces derniers, ni le fait que le choix des cosmétiques se fait principalement de manière visuelle afin de déterminer l’élément dominant de la marque contestée.

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

32      D’emblée, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles l’élément verbal de la marque contestée aurait un impact plus fort sur les consommateurs que l’élément figuratif, dès lors qu’il procède d’une lecture partielle et erronée de la décision attaquée.

33      En effet, tout d’abord, la chambre de recours a décrit les éléments composant la marque contestée et déterminé leur caractère distinctif. Au point 41 de la décision attaquée, elle a constaté que cette marque était composée de l’élément verbal « dessi », écrit en lettres dorées majuscules légèrement stylisées, dans lequel la lettre initiale « d » était représentée par une ligne non finie. Au point 42 de ladite décision, elle a estimé que cet élément était dépourvu de signification et qu’il possédait un caractère distinctif. Quant à l’élément figuratif de couleur dorée situé au-dessus de l’élément verbal, la chambre de recours a considéré qu’il pouvait être perçu soit comme un élément totalement abstrait, soit comme deux lettres « d » entremêlées et qu’il était doté d’un caractère distinctif dès lors qu’il n’avait aucun rapport avec les produits et les services visés. Ensuite, aux points 47 et 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, malgré les caractéristiques et la position de l’élément figuratif au sein de la marque contestée, l’élément verbal était susceptible d’avoir un impact plus fort que l’élément figuratif sur le public pertinent. Pour parvenir à cette conclusion, elle s’est fondée sur le fait que, lorsque des signes sont composés d’éléments à la fois verbaux et figuratifs, l’élément verbal du signe produit généralement un impact plus fort sur le consommateur que l’élément figuratif dès lors que le public n’a pas tendance à analyser les signes et fera plus facilement référence aux signes en conflit par leurs éléments verbaux que par la description de leurs éléments figuratifs. Enfin, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a complété son analyse en indiquant que la stylisation et la couleur de la marque contestée étaient purement décoratives, de sorte que le public pertinent n’y attribuerait aucune importance majeure.

34      Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ces considérations de la chambre de recours sont exemptes d’erreur d’appréciation. C’est en effet à juste titre que la chambre de recours a considéré, d’une part, que les éléments composant la marque contestée possédaient tous les deux un caractère distinctif et, d’autre part, que l’élément verbal attirait davantage l’attention du public pertinent que l’élément figuratif, sans pour autant que ce dernier soit négligeable au sens de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

35      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante relatif aux conditions de commercialisation. En effet, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, la prise en compte de telles conditions relève de l’étape de l’appréciation globale du risque de confusion, et non de celle de l’appréciation de la similitude des signes en conflit [voir arrêt du 12 octobre 2022, MCO (IP)/EUIPO – C8 (C2 CYPRUS CASINOS), T‑460/21, non publié, EU:T:2022:623, point 48 et jurisprudence citée].

 Sur la similitude visuelle

36      Aux points 50 à 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques en cause présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan visuel. Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit coïncidaient par la suite de lettres « d », « e », « s » et « i », à savoir par quatre lettres sur cinq placées dans le même ordre, et qu’ils différaient par leur quatrième lettre respective, à savoir « h » et « s », ainsi que par l’élément figuratif de la marque contestée, qui n’était pas présent dans la marque antérieure. Toutefois, elle a estimé que, étant donné que l’élément verbal de la marque contestée aurait un impact plus fort sur le public pertinent que l’élément figuratif, ce dernier n’était pas en mesure de compenser de manière significative la similitude créée par la coïncidence de la suite de lettres « d », « e », « s » et « i ».

37      La requérante remet en cause cette appréciation de la chambre de recours. En substance, elle fait valoir que, s’il est vrai que l’élément verbal d’un signe a, en principe, un impact plus fort sur le consommateur que son élément figuratif, tel ne serait pas le cas dans l’industrie cosmétique en raison des conditions de commercialisation des produits ou des services.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir point 21 ci-dessus). En effet, le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes et doit se fier à l’image imparfaite de ceux-ci qu’il a gardée en mémoire (voir arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 60 et jurisprudence citée). En outre, c’est l’impression d’ensemble produite par les marques en cause qui doit être prise en considération [arrêt du 12 novembre 2009, Spa Monopole/OHMI – De Francesco Import (SpagO), T‑438/07, EU:T:2009:434, point 23].

40      En l’espèce, il est certes vrai que les signes en conflit coïncident par quatre lettres sur cinq et qu’ils présentent donc une identité partielle de nature à créer, dans l’esprit du public pertinent, une certaine impression de similitude sur le plan visuel. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la différence introduite par l’élément figuratif, sans aller jusqu’à introduire une dissimilitude visuelle entre les signes en conflit, atténue leur similitude visuelle. En effet, bien que cet élément soit susceptible de jouer un rôle moins important que l’élément verbal pour distinguer les produits et les services dans l’esprit du public pertinent, il est raisonnable de s’attendre à ce que ce public puisse se souvenir de cette différence dans l’image imparfaite qu’il gardera en mémoire.

41      Il s’ensuit que, au vu des caractéristiques des éléments constituant les marques en cause et indépendamment des conditions de commercialisation qui ne sont pas un facteur pertinent aux fins de la comparaison des signes, il convient de conclure à l’existence d’une similitude visuelle moyenne entre les signes en conflit pris dans leur globalité. La chambre de recours a donc commis une erreur en concluant à l’existence d’une similitude supérieure à la moyenne sur le plan visuel.

 Sur la comparaison phonétique et conceptuelle

42      Aux points 59 à 63 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la structure, le rythme et l’intonation des éléments verbaux des marques en cause étaient les mêmes. Compte tenu du fait que la différence de prononciation entre le groupe de consonnes « sh » et la consonne « s » n’est pas très forte en anglais et en allemand, la chambre de recours a conclu que les signes présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique pour les publics anglophone et germanophone. Elle a également constaté que la lettre « h » ne se prononçait pas en espagnol et que, dès lors, les signes étaient identiques sur le plan phonétique pour le public hispanophone.

43      En outre, aux points 64 et 65 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, les signes en conflit étant dépourvus de signification pour le public pertinent, il n’était pas possible de procéder à leur comparaison sur le plan conceptuel.

44      Ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante, sont exemptes d’erreur.

45      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, les marques en cause ne présentent qu’un degré de similitude moyen sur le plan visuel et un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique pour le public anglophone et germanophone, tandis qu’elles sont identiques sur le plan phonétique pour le public hispanophone. Il n’en demeure pas moins que, dans le cadre d’une appréciation globale et compte tenu du fait qu’une comparaison conceptuelle de ces marques est dénuée de pertinence s’agissant du public pertinent, il y a lieu de conclure que ces marques sont similaires à l’égard de ce public.

46      À toutes fins utiles, il convient de relever que l’erreur de la chambre de recours quant à la comparaison des marques sur le plan visuel ne saurait suffire pour annuler la décision attaquée, puisque la similitude des signes ne constitue que l’un des facteurs à prendre en considération dans l’appréciation globale du risque de confusion. Il est donc nécessaire de vérifier si, en présence d’une similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, il est possible de conclure à l’existence d’un risque de confusion [voir, par analogie, arrêt du 20 octobre 2011, Poloplast/OHMI – Polypipe (P), T‑189/09, non publié, EU:T:2011:611, point 85].

 Sur le risque de confusion

47      En substance, la requérante fait valoir que, en n’accordant pas suffisamment d’importance à l’impression visuelle produite par les marques en cause, et en particulier à l’élément figuratif de la marque contestée, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation du risque de confusion. En effet, selon elle, les différences entre lesdites marques, en particulier sur le plan visuel, excluent la possibilité que les consommateurs puissent croire que les produits en question proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement lorsqu’ils sont vendus sous les marques en cause.

48      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

49      Il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a effectué une appréciation globale des facteurs pertinents. Aux points 74 et 75 de la décision attaquée, en tenant compte de l’identité ou de la similitude des produits et des services visés par les signes en conflit, de leur similitude visuelle et phonétique ainsi que du caractère distinctif normal de la marque antérieure, elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour ces produits et ces services au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

50      En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que, premièrement, les produits et les services en cause s’adressent au grand public ainsi qu’au public professionnel faisant preuve d’un niveau d’attention moyen ; deuxièmement, les produits et les services en cause sont identiques ou similaires ; troisièmement, les signes en conflit sont dans l’ensemble similaires et, quatrièmement, la marque antérieure avait un caractère distinctif normal.

51      Il s’ensuit que, dans le cadre d’une appréciation globale du risque de confusion, il existe, en l’espèce, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion.

52      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument selon lequel, en substance, la chambre de recours n’aurait pas accordé suffisamment d’importance à l’impression visuelle produite par les marques en cause, et en particulier à l’élément figuratif de la marque contestée. En effet, il suffit de constater à cet égard, ainsi qu’il ressort des points 32 à 45 ci-dessus, que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’élément verbal de la marque contestée attirait davantage l’attention du public pertinent que l’élément figuratif et que les différences introduites par l’élément figuratif n’étaient pas de nature à gommer la similitude visuelle et phonétique que présentaient les signes en conflit.

53      Par ailleurs, l’argument de la requérante tiré des conditions de commercialisation des produits et des services en cause ne saurait davantage prospérer. En effet, ainsi que le souligne à juste titre l’intervenante, il y a lieu de relever que ces produits et ces services ne sont pas exclusivement vendus en libre-service, mais qu’ils peuvent l’être sur conseil oral, notamment dans des pharmacies ou des magasins de cosmétiques. Par conséquent, il ne saurait valablement être soutenu qu’il convient d’accorder, en l’espèce, plus de poids à l’aspect visuel des marques en cause dans l’appréciation du risque de confusion.

54      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’écarter le moyen unique présenté par la requérante et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Małgorzata Marcinkowska-Dec est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Mme Aza Ismailova.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.