Language of document : ECLI:EU:T:2014:117

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 mars 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BTS – Marques communautaires et nationales figuratives antérieures TBS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑592/10,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes M. López Camba et J. L. Rivas Zurdo, puis par Mes Rivas Zurdo, E. Seijo Veiguela et I. Munilla Muñoz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Technisynthese SARL, établie à Saint-Pierre-Montlimart (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 septembre 2010 (affaire R 1380/2009-1), relative à une procédure d’opposition entre Technisynthese SARL et El Corte Inglés, SA,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur, 

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2011,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu les lettres des parties du 13 et du 14 novembre 2013 indiquant qu’elles ne participeront pas à l’audience,

à la suite de l’audience du 21 novembre 2013, à laquelle aucune des parties n’a participé,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 novembre 2006, la requérante, El Corte Inglés, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BTS.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 017/2007, du 30 avril 2007.

5        Le 24 juillet 2007, Technisynthese, SARL a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur l’ensemble des enregistrements antérieurs suivants :

–        enregistrement communautaire numéro 1269943, du 12 décembre 2001, et enregistrement en France numéro 96629948, du 20 décembre 1996, de la marque figurative suivante :

Image not found

–        enregistrement communautaire numéro 4003497, du 10 octobre 2005, et enregistrement en France numéro 1249409, du 28 octobre 1983, de la marque figurative suivante :

Image not found

7        Les marques antérieures désignent les produits suivants :

–        pour l’enregistrement communautaire numéro 1269943 et pour l’enregistrement en France numéro 96629948, les produits relevant notamment de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements, chaussures y compris les bottes, les souliers et les pantoufles » ;

–        pour l’enregistrement communautaire numéro 4003497, les produits relevant des classes 18 et 25 et correspondant notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir, malles et valises, parapluies, parasols et cannes » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        pour l’enregistrement en France numéro 1249409, les produits relevant des classes 18 et 25 et correspondant notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Malles et valises » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

9        Le 28 septembre 2009, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

10      Le 17 novembre 2009, Technisynthese a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 23 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition. Elle a partiellement fait droit à l’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire pour les « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes », compris dans la classe 18, ainsi que pour les « vêtements, chaussures et chapellerie » compris dans la classe 25, et elle a rejeté l’opposition pour les « peaux d’animaux », comprises dans la classe 18.

12      Après avoir constaté que le public pertinent était constitué des consommateurs moyens de vêtements et d’accessoires en cuir dans l’Union européenne, et notamment en France, et que les produits couverts par les marques en conflit étaient identiques, elle a considéré, s’agissant de la comparaison des marques en conflit, que les lettres des signes en conflit étaient la seule caractéristique de la marque demandée et l’élément dominant des marques antérieures que le public pertinent percevrait clairement en premier lieu. Elle a, en outre, estimé que les signes en conflit présentaient, d’une part, un degré de similitude visuelle qui ne pouvait être considéré comme élevé sans pour autant être faible et, d’autre part, un degré élevé de similitude phonétique. Quant à la comparaison conceptuelle, que la division d’opposition avait refusé d’effectuer au motif que des lettres ne sont pas des concepts, elle a considéré que le fait même que les signes en conflit puissent être perçus comme des acronymes par le public pertinent était un facteur de similitude conceptuelle. Elle en a déduit l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures et a estimé qu’il était donc inutile d’examiner l’argument de Technisynthese selon lequel les marques antérieures jouissaient d’une renommée.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI ainsi que Technisynthese aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque un moyen unique, tiré en substance, de la violation des articles 8, paragraphe 1, sous b), et 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

16      Elle estime que Technisynthese n’a pas prouvé l’usage sérieux de ses marques antérieures ni démontré leur notoriété. Par ailleurs, elle fait en substance grief à la chambre de recours d’avoir erronément apprécié la similitude des signes en conflit ainsi que le risque de confusion.

 Sur le premier grief, relatif à l’usage sérieux des marques antérieures

17      La requérante fait valoir, en substance, au soutien du premier grief, que Technisynthese n’a pas prouvé l’usage des marques antérieures de sorte que l’opposition doit être rejetée conformément à l’article 42, paragraphe 2, avant-dernière phrase, du règlement n° 207/2009.

18      L’OHMI invoque que ce grief doit être rejeté en vertu de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

19      À cet égard, en premier lieu, il importe de relever que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité de la décision prise par la chambre de recours de l’OHMI [arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, point 18, et du 3 juillet 2003, José Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 67]. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 16].

20      En second lieu, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 que, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Il convient donc de déterminer si la question de l’usage sérieux des marques antérieures relevait du cadre du litige porté devant la chambre de recours.

21      Comme il ressort de la jurisprudence du Tribunal, lorsque la question de l’usage sérieux de la marque antérieure, au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, n’est pas spécifiquement soulevée devant la chambre de recours, elle ne constitue pas une question de droit devant nécessairement être examinée par la chambre de recours afin de trancher le litige porté devant elle et, par conséquent, elle doit être considérée comme ne faisant pas l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, Rec. p. II‑5119, points 35, 39 et 40].

22      En l’espèce, force est de constater que cette question n’a pas fait l’objet d’un examen par la chambre de recours. En effet, il est constant que, si la question de la preuve de l’usage a été soulevée par la requérante devant la division d’opposition et a été examinée par celle-ci avant qu’elle ne procède à l’appréciation du bien-fondé de l’opposition, cette question n’a été portée devant la chambre de recours ni par Technisynthese ni par la requérante.

23      Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 216/96 de la Commission, du 5 février 1996, portant règlement de procédure des chambres de recours de l’OHMI (JO L 28, p. 11), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2082/2004 de la Commission, du 6 décembre 2004 (JO L 360, p. 8), dans les procédures inter partes, la partie défenderesse peut, dans ses observations en réponse, formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision contestée sur un point non soulevé dans le recours.

24      L’objet du litige devant la chambre de recours est donc, en vertu de cette disposition, défini à la fois par la partie requérante et par la partie défenderesse devant celle-ci, de sorte que la jurisprudence issue de l’arrêt OFTEN, précité, doit être considérée comme étant pleinement applicable au cas d’espèce.

25      Devant la chambre de recours, Technisynthese a contesté l’appréciation du risque de confusion opérée par la division d’opposition. Quant à la requérante, qui avait obtenu gain de cause devant la division d’opposition, elle a fait valoir, en réponse au recours introduit par Technisynthese contre la décision de la division d’opposition, que ladite décision était fondée et qu’elle devait être confirmée, sans contester les constatations de la division d’opposition en ce qui concerne la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures. Elle a, en revanche, contesté la notoriété des marques antérieures au motif que la seule preuve que l’opposante avait apportée à l’appui de cet argument se résumait à deux arrêts rendus par une juridiction d’un État membre.

26      Par conséquent, la question de l’usage n’a pas fait l’objet du litige devant la chambre de recours et l’examen de cette question par le Tribunal irait au-delà du cadre factuel et juridique de la décision attaquée.

27      Il s’ensuit que le premier grief modifie l’objet du litige de façon contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure et doit, dès lors, être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le deuxième grief, relatif à la renommée des marques antérieures

28      La requérante fait valoir que Technisynthese n’a pas démontré la renommée de ses marques antérieures. En effet, elle considère qu’il ne suffit pas de produire deux arrêts rendus par des juridictions d’un État membre de l’Union pour démontrer que tous les éléments de droit et de fait qui doivent être réunis pour que la notoriété d’une marque déterminée soit démontrée le sont, a fortiori, lorsque le plaideur ne fournit aucune autre documentation en complément de ces décisions de justice.

29      À cet égard, il suffit de relever, ainsi que l’a fait remarquer l’OHMI, que, à le supposer fondé, le deuxième grief formulé par la requérante est inopérant, dès lors qu’il ne résulte pas de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en considération, dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit, un prétendu caractère distinctif élevé de la marque antérieure, résultant d’une hypothétique renommée.

30      En effet, la chambre de recours n’a pas examiné le bien-fondé de l’argument selon lequel les marques antérieures jouissaient d’une renommée, en indiquant clairement les raisons pour lesquelles cela n’était pas utile. Aux points 30 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, considéré que, compte tenu de l’identité des produits et de la similitude des signes en conflit, il existait un risque de confusion sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’éventuelle renommée des marques antérieures.

31      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le deuxième grief comme étant inopérant.

 Sur le troisième grief, relatif à la comparaison des signes et à l’appréciation du risque de confusion

32      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures, notamment, les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

33      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée]. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 48, et arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 25].

34      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

35      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

36      Dans le cas d’espèce, la requérante ne conteste pas que le public pertinent est le consommateur moyen de vêtements et d’accessoires en cuir dans l’Union, et notamment en France, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ni que les produits désignés par les marques en conflit sont identiques. Elle fait, en revanche, grief à la chambre de recours d’avoir erronément apprécié la similitude des signes en conflit ainsi que, par conséquent, le risque de confusion.

 Sur la comparaison des signes

37      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

38      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 16 mai 2007, Merant/OHMI – Focus Magazin Verlag (FOCUS), T‑491/04, non publié au Recueil, point 45].

39      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

40      Selon la requérante, il n’existerait aucun risque de confusion pour le public pertinent dès lors que, d’une part, les marques en conflit ne présentent pas une similitude suffisante visuellement et phonétiquement et que, d’autre part, toute comparaison conceptuelle est exclue.

–       Sur la comparaison visuelle

41      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [arrêt du Tribunal du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, Rec. p. II‑3907, point 50.]

42      Ensuite, il convient de constater que les marques antérieures sont composées d’un élément verbal constitué par les lettres « t », « b » et « s », en caractères majuscules gras inclinés vers la droite et de taille identique, disposées de manière à former l’acronyme TBS. Pour deux des marques antérieures, l’élément verbal est accompagné d’un élément figuratif constitué de cinq colonnes de quatre points chacune. Pour l’une de ces deux marques antérieures, l’élément verbal et l’élément figuratif sont représentés en bleu. La marque demandée est, quant à elle, composée d’un seul élément verbal constitué par les lettres « b », « t » et « s » en caractères majuscules formant l’acronyme BTS.

43      La requérante signale, tout d’abord, que ni la division d’opposition ni la chambre de recours n’ont mentionné la protection de la couleur bleue pour l’une des marques antérieures. Or, selon elle, cela serait pertinent en l’espèce aux fins de comparer les signes en conflit. Elle souligne, ensuite, que les lettres qui constituent les marques en conflit, sont placées dans un ordre différent au début des mots qui les composent, ce qui serait important en l’espèce, dès lors qu’il s’agit de marques brèves dans lesquelles les différences revêtent une plus grande importance que dans des marques comportant des mots plus longs, qui plus est lorsque cette différence se situe au début du mot. Enfin, elle ajoute que les éléments figuratifs ont une importance particulière dans les marques du secteur de la mode, non seulement parce que le consommateur observe ces produits avant de les choisir au lieu de les commander oralement, mais aussi parce qu’en ce qui les concerne le dessin, y compris le dessin de la marque, est particulièrement pertinent, car il constitue un élément essentiel de l’attrait de ces articles pour le consommateur.

44      En premier lieu, il convient d’observer que les éléments verbaux des signes en conflit sont composés d’une combinaison de trois lettres, ces trois lettres étant en outre identiques. La seule dissemblance entre ces lettres réside dans le fait que les deux premières lettres, qui précèdent la lettre « s », ont été inversées, les marques antérieures commençant par le groupe de lettres « tb » et la marque demandée commençant par le groupe de lettres « bt ». Les signes en cause présentent donc une identité partielle de nature à créer, dans l’esprit du public pertinent, une certaine impression de similitude sur le plan visuel.

45      Il est vrai, ainsi que le fait valoir en substance la requérante, que l’inversion des deux premières lettres de chacun des signes constitue un élément de différenciation, dont l’importance est accrue en raison de la brièveté des signes en conflit. Toutefois, ces différences ne sauraient en l’espèce conduire à considérer ces signes comme complètement dissemblables.

46      En effet, l’impression d’ensemble produite par les marques en conflit doit être prise en considération [arrêt du Tribunal du 12 novembre 2009, Spa Monopole/OHMI – De Francesco Import (SpagO), T‑438/07, Rec. p. II‑4115, point 23]. À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation du degré de similitude entre les signes doit tenir compte de la circonstance que le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (voir point 37 ci-dessus). Or, en l’espèce, il ne saurait être exclu que le consommateur moyen ne se rappellera pas si la marque commence par le groupe de lettres « tb » ou « bt ».

47      En second lieu, il convient de considérer qu’une dissimilitude visuelle entre les signes n’est pas introduite par l’élément figuratif des signes antérieurs. En effet, en application du principe énoncé par la Cour et rappelé au point 37 ci-dessus, lors de la comparaison des signes, il y a lieu de prendre en considération, notamment, les éléments dominants de ceux-ci. Or, en l’espèce, s’agissant des signes antérieurs, il est manifeste que l’élément figuratif est accessoire par rapport à l’élément dominant, à savoir l’acronyme TBS. La chambre de recours a relevé à juste titre, à cet égard, que la stylisation et le motif en pointillé, à savoir les cinq colonnes de quatre points chacune, ne sont pas suffisamment frappants pour réduire la visibilité de l’élément verbal dans les marques antérieures.

48      Quant à l’argument de la requérante relatif à la pertinence de la revendication de la couleur bleue, il ne peut qu’être rejeté. En effet, ainsi que l’a fait remarquer à juste titre l’OHMI, la marque demandée est une marque verbale ne revendiquant aucune couleur si bien qu’elle pourra être représentée dans n’importe quelle couleur, y compris le bleu protégé par l’une des marques antérieures.

49      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il existait, même si elle est moyenne, une similitude visuelle entre les signes en cause.

–       Sur la comparaison phonétique

50      La chambre de recours a conclu qu’il existait un degré élevé de similitude phonétique entre les signes en conflit au motif que ces signes étaient composés des mêmes lettres, se prononçant de la même façon, la seule différence entre les signes tenant au fait que les deux premières lettres de la marque demandée étaient inversées, ce qui constituait une faible différence.

51      Le Tribunal considère que cette analyse est correcte, contrairement à ce que fait valoir la requérante.

52      À titre liminaire, d’une part, il y a lieu de relever que, sur le plan phonétique, la prononciation d’un signe complexe correspond à celle de tous ses éléments verbaux, indépendamment de leurs spécificités graphiques, qui relèvent plutôt de l’analyse du signe sur le plan visuel [arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Creative Technology/OHMI – Vila Ortiz (PC WORKS), T‑352/02, Rec. p. II‑1745, point 42]. Dès lors, s’agissant des marques antérieures, l’élément figuratif ne doit pas être pris en compte lors de la comparaison phonétique des signes en conflit. D’autre part, il importe de rappeler que, pour déterminer la perception phonétique des signes par le public pertinent, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents et des circonstances spécifiques au cas d’espèce et en particulier du fait que le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et qu’il doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (voir point 37 ci-dessus).

53      En l’espèce, il est constant que les signes en conflit devraient, en principe, être prononcés comme la succession des caractères qui les composent, à savoir « b » « t » « s » pour la marque demandée et « t » « b » « s » pour les marques antérieures. Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, sans être contestée par la requérante dans le cadre du présent recours, force est de constater, d’une part, qu’il est facile de mal lire une suite de lettres qui sont apparemment dépourvues de signification et, d’autre part, que, si ces erreurs affectent rarement les mots, car ceux‑ci sont généralement significatifs et plus faciles à mémoriser, cela peut arriver plus fréquemment pour des acronymes. Il ne saurait donc être exclu en l’espèce que le consommateur moyen puisse se rappeler des lettres qui sont présentes dans les marques en conflit, mais pas nécessairement dans le bon ordre, raison pour laquelle il ne percevra pas une grande différence entre les éléments verbaux « bts » et « tbs ».

54      Dans ces conditions, il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude phonétique.

–       Sur la comparaison conceptuelle

55      La chambre de recours a indiqué, au point 28 de la décision attaquée, que le fait que les marques en conflit puissent être perçues comme des acronymes par le public pertinent est un facteur de similitude. La notion de « concept » ne devrait pas être interprétée de façon trop restrictive. Selon elle, un concept est une chose qui peut être évoquée par l’esprit, si bien que si deux marques évoquent des acronymes, cela est pertinent aux fins de la comparaison conceptuelle.

56      La requérante conteste cette affirmation. En substance, elle fait valoir qu’il n’existe aucune similitude conceptuelle dès lors que les marques en conflit n’ont pas de signification.

57      À cet égard, à l’instar de ce qu’avait indiqué la division d’opposition, il apparaît qu’une comparaison conceptuelle des signes n’est pas possible, dès lors que la marque demandée et les marques antérieures apparaissent dépourvues de toute signification et que, en l’espèce, les lettres n’évoquent aucun concept.

58      En tout état de cause, il n’y a pas lieu de considérer, ainsi que l’a fait en substance la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, que les signes en conflit sont similaires conceptuellement au seul motif qu’ils pourraient être perçus par le public pertinent comme des acronymes dès lors que, dans les circonstances de l’espèce, aucun concept ne saurait y être associé. La chambre de recours a donc commis une erreur en concluant que les signes en cause étaient similaires conceptuellement.

59      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, les marques en conflit ne présentent une similitude que sur les plans visuel et phonétique. Il n’en demeure pas moins que, appréciées globalement, et compte tenu du fait qu’une comparaison conceptuelle de ces marques est dénuée de pertinence s’agissant du public pertinent, il y a lieu de conclure que ces marques sont similaires à l’égard de ce public.

60      À toutes fins utiles, il convient de relever que l’erreur de la chambre de recours quant à la comparaison des marques du point de vue conceptuel ne saurait suffire pour annuler la décision attaquée, puisque la similitude des signes ne constitue que l’un des facteurs à prendre en considération dans l’appréciation globale du risque de confusion. Il est donc nécessaire de vérifier si, en présence d’une similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, il est possible de conclure à l’existence d’un risque de confusion [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 mai 2007, Trek Bicycle/OHMI – Audi (ALLTREK), T‑158/05, non publié au Recueil, point 75].

 Sur le risque de confusion

61      Ainsi que cela a été rappelé au point 33 ci-dessus, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

62      Aux points 30 à 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a tout d’abord considéré en substance que, appréciées globalement, les marques en conflit étaient similaires, en précisant toutefois que cette similitude n’était pas d’un degré élevé. Ensuite, elle a indiqué que les produits désignés par les marques en conflit étaient identiques, si bien que, en vertu du principe d’interdépendance des facteurs, l’identité des produits compensait le degré moindre de similitude des marques. Enfin, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion pour les produits contestés sauf pour les « peaux d’animaux ».

63      À la lumière des considérations relatives à l’identité des produits et à la similitude des marques en conflit, cette conclusion de la chambre de recours doit être approuvée.

64      En effet, au vu de l’identité existant entre les produits en cause, d’une part, et des similitudes visuelle et phonétique existant entre les marques, d’autre part, et compte tenu de la jurisprudence selon laquelle cette identité a pour corollaire que la portée des différences entre les marques en cause est atténuée [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 74], il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il existait un risque de confusion dans la présente espèce.

65      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel il est assez improbable que, dans une situation réelle, le consommateur qui achète les produits désignés par les marques en conflit puisse les confondre ou même les associer à une entreprise ou à des entreprises liées économiquement. À l’appui de cet argument, elle donne l’exemple d’un consommateur qui se trouverait dans un grand magasin où les rayons des vêtements, des chaussures et des accessoires sont séparés les uns des autres et où, dans chacun de ces rayons, les articles sont disposés par marques, comme c’est généralement le cas.

66      En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre l’OHMI, un tel argument est fondé sur une comparaison directe des signes en conflit. Or, il convient de rappeler que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (voir point 37 ci-dessus).

67      En outre, il importe de relever que, si l’argument de la requérante devait être interprété en ce sens que la chambre de recours n’a pas tenu compte de ce que la comparaison visuelle des marques en cause était plus importante que les comparaisons phonétique et conceptuelle, dès lors que les vêtements sont en général achetés dans des grands magasins en libre-service « à vue », il y aurait lieu de le rejeter dès lors que la chambre de recours a pris en considération cette comparaison dans son appréciation du risque de confusion au point 29 de la décision attaquée. Elle a en effet constaté que, dans le contexte des vêtements, les marques sont essentiellement perçues visuellement, non phonétiquement, et que les différences visuelles prévalent dès lors en importance. De même, elle a signalé qu’en l’espèce les éléments dominants des signes en conflit étaient presque identiques et que les éléments graphiques ne sont pas suffisamment frappants. Ainsi, selon la chambre de recours, un consommateur mis en présence des marques TBS antérieures pourrait faire une confusion en voyant le signe BTS sur les mêmes produits, étant donné qu’il ne se rappellerait pas si la marque commence par le groupe de lettres « bt » ou « tb ».

68      En tout état de cause, s’il est vrai que les produits concernés sont habituellement achetés « à vue » et que la comparaison visuelle revêt, de ce fait, plus d’importance dans l’appréciation globale du risque de confusion, la conclusion selon laquelle un tel risque existe reste pleinement fondée dès lors que, ainsi qu’il a été constaté au point 44 ci-dessus, les marques en conflit présentent précisément un degré de similitude sur le plan visuel.

69      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il existait, entre les marques en cause, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sauf pour les « peaux d’animaux ».

70      Aucun des griefs avancés à l’appui de son moyen unique n’étant fondé, le recours doit par conséquent être rejeté.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      El Corte Inglés, SA est condamnée aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.