CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 20 octobre 2022 (1)
Affaire C‑291/21
Starkinvest SRL
[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance de Liège (Belgique)]
« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) nº 655/2014 – Procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires – Conditions de délivrance d’une ordonnance de saisie conservatoire – Notions de “décision” et de “décision exigeant du débiteur le paiement de la créance” – Décision judiciaire ordonnant le paiement d’une astreinte pour violation d’un ordre de cessation »
I. Introduction
1. Le présent renvoi préjudiciel trouve son origine dans une procédure dans le cadre de laquelle la société de droit belge Starkinvest SRL demande l’autorisation de procéder à une saisie-arrêt conservatoire européenne de compte bancaire sur les sommes se trouvant potentiellement sur le compte bancaire français d’une société de droit irlandais.
2. Par cette procédure, la requérante au principal cherche à garantir une créance sur des astreintes qui seraient dues par cette société de droit irlandais sur la base d’une décision judiciaire rendue en Belgique l’obligeant, sous peine d’une astreinte de 2 500 euros par infraction, à cesser certains comportements.
3. Ainsi que l’a précisé la Cour, le règlement (UE) nº 655/2014 (2) prévoit des conditions différentes pour la délivrance d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (ci-après l’« OESC ») selon que le créancier a déjà obtenu ou non un titre exigeant du débiteur le paiement de sa créance dans l’État membre d’origine. Dans le premier cas, le créancier ne doit démontrer que le caractère urgent de la mesure du fait de l’existence d’un danger imminent, tandis que, dans le second cas, il doit également convaincre la juridiction du fumus boni iuris (3).
4. Dans la présente affaire se pose la question de savoir si le créancier, qui a obtenu une décision judiciaire condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation imposé par cette décision, dispose d’un titre remplissant les conditions requises par le règlement nº 655/2014 et s’il est, dès lors, dispensé de l’obligation qui est exigée dans ce second cas de figure.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
5. Aux termes de l’article 4, points 5 et 8, du règlement nº 655/2014, on entend par :
« 5) “créance”, un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminé qui est devenue exigible ou un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable découlant d’une transaction ou d’un événement qui a déjà eu lieu, pour autant que cette créance puisse être produite en justice ;
[...]
8) “décision”, toute décision rendue par une juridiction d’un État membre quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision sur la fixation par le greffier du montant des frais du procès ; »
6. L’article 5 de ce règlement, intitulé « Cas d’ouverture », prévoit :
« Le créancier dispose de la possibilité de recourir à l’[OESC] dans les situations suivantes :
a) avant que le créancier n’engage une procédure au fond dans un État membre à l’encontre du débiteur, ou à tout moment au cours de cette procédure jusqu’au moment où la décision est rendue ou jusqu’à l’approbation ou la conclusion d’une transaction judiciaire ;
b) après que le créancier a obtenu, dans un État membre, une décision, une transaction judiciaire ou un acte authentique exigeant du débiteur le paiement de sa créance. »
7. L’article 7 dudit règlement, qui énonce les conditions de délivrance d’une OESC, prévoit :
« 1. La juridiction délivre l’[OESC] lorsque le créancier a fourni suffisamment d’éléments de preuve pour la convaincre qu’il est urgent de prendre une mesure conservatoire sous la forme d’une [OESC] parce qu’il existe un risque réel qu’à défaut d’une telle mesure le recouvrement ultérieur de sa créance soit empêché ou rendu sensiblement plus difficile.
2. Lorsque le créancier n’a pas encore obtenu, dans un État membre, une décision, une transaction judiciaire ou un acte authentique exigeant du débiteur le paiement de sa créance, le créancier fournit également suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre la juridiction qu’il sera probablement fait droit à sa demande au fond contre le débiteur. »
8. Le règlement (UE) no 1215/2012 (4) dispose, à son article 55, que « [l]es décisions rendues dans un État membre condamnant à une astreinte ne sont exécutoires dans l’État membre requis que si le montant en a été définitivement fixé par la juridiction d’origine ».
B. Le droit belge
9. En droit belge, l’astreinte est régie par les articles 1385 bis à 1385 nonies du code judiciaire (5). Ces dispositions sont issues de la convention Benelux de 1973 portant loi uniforme relative à l’astreinte (6).
10. Aux termes de l’article 1385 bis de ce code :
« Le juge peut, à la demande d’une partie, condamner l’autre partie, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale [...], au paiement d’une somme d’argent, dénommée astreinte, le tout sans préjudice des dommages-intérêts, s’il y a lieu. [...] »
11. Aux termes de l’article 1385 ter dudit code :
« Le juge peut fixer l’astreinte soit à une somme unique, soit à une somme déterminée par unité de temps ou par contravention. Dans ces deux derniers cas, le juge peut aussi déterminer un montant au-delà duquel la condamnation aux astreintes cessera ses effets. »
12. Conformément à l’article 1385 quater du même code, le titre exécutoire permettant le recouvrement de l’astreinte est constitué par la décision judiciaire qui la prononce et le bénéficiaire ne doit pas obtenir, préalablement à l’exécution, la liquidation de l’astreinte.
13. Le bénéficiaire de l’astreinte a la charge de la preuve de la réunion des conditions d’exigibilité de celle-ci. En cas de contestation du débiteur, ledit bénéficiaire doit apporter la preuve des manquements allégués. Il appartient alors au juge de l’exécution d’apprécier si les conditions de l’astreinte sont réunies.
III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
14. Par jugement du 3 septembre 2013, rendu par le tribunal de commerce de Liège (Belgique) dans le cadre d’un litige opposant Starkinvest à deux sociétés (ci-après le « jugement du 3 septembre 2013 »), confirmé ensuite par un arrêt de la cour d’appel de Liège (Belgique) du 6 janvier 2015 (ci-après l’« arrêt du 6 janvier 2015 ») (7), il a été ordonné à ces deux sociétés, sous peine d’une astreinte de 2 500 euros par infraction (8), notamment, de cesser toute commercialisation sur le territoire du Benelux de leurs produits et services sous la marque verbale SOFT PARIS.
15. Le 27 avril 2021, Starkinvest a fait procéder à un commandement de payer la somme de 86 694,22 euros, dont 85 000 euros à titre d’astreinte pour la période allant du 24 mars au 27 avril 2021.
16. Par requête déposée le 3 mai 2021 au greffe du tribunal de première instance de Liège (Belgique), Starkinvest a demandé l’autorisation de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire européenne de compte bancaire, à concurrence de 85 000 euros, sur toutes les sommes se trouvant potentiellement sur les comptes bancaires français de l’une des sociétés impliquées dans le litige, dont le siège social se trouve en Irlande.
17. La juridiction de renvoi souligne qu’une décision ordonnant le paiement des astreintes en cas de manquement à l’ordre de cessation n’indique pas le montant exact de ces astreintes. Par définition, ce montant n’est donc pas connu au moment de l’adoption de cette décision.
18. Par ailleurs, le droit belge prévoit qu’il n’est pas nécessaire de faire liquider le montant des astreintes préalablement à la saisie conservatoire. Comme il résulte des informations fournies par les intéressés, les manquements à l’ordre de cessation ne sont constatés que par un huissier. Dès lors, selon le droit belge, si la décision de condamnation est exécutoire et signifiée, c’est uniquement dans le cadre de la procédure d’opposition à la saisie pratiquée que le juge se prononce, notamment, sur la question de savoir si ces astreintes sont dues au regard des obligations imposées.
19. Saisie d’une demande d’OESC, la juridiction de renvoi est tenue d’examiner si les conditions et les exigences prévues par le règlement no 655/2014 sont réunies.
20. La juridiction de renvoi reconnaît que, sous l’empire du règlement no 655/2014 (9), la situation d’un créancier qui dispose d’un titre portant sur une créance que celui-ci cherche à garantir, tel qu’une décision, une transaction judiciaire ou un acte authentique, est bien différente de celle d’un créancier n’en disposant pas.
21. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi émet des doutes quant à l’interprétation du règlement no 655/2014.
22. Plus précisément, en premier lieu, dans la mesure où la « créance » est définie, à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014, comme « un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminé qui est devenue exigible ou un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable découlant d’une transaction ou d’un événement qui a déjà eu lieu, pour autant que cette créance puisse être produite en justice », la juridiction de renvoi se demande si l’astreinte, dont le principe et le montant de base sont fixés dans une décision judiciaire, le montant exigible variant toutefois en fonction des éventuels manquements futurs du débiteur, peut être considérée comme une « créance », au sens de cette disposition.
23. La juridiction de renvoi estime que, dans l’affirmative, la décision qui prononce une astreinte pourrait être considérée comme une décision « exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014. Elle observe que, si tel était le cas, le juge des saisies chargé d’autoriser la saisie-arrêt conservatoire européenne de compte bancaire serait alors privé de tout pouvoir au regard du contrôle de l’« apparence » de la créance concernée. Or, selon cette juridiction, un tel contrôle permet au juge saisi de vérifier que l’astreinte demandée est bien due, qu’il n’y a pas lieu d’appliquer une éventuelle prescription et que toutes les règles procédurales ont été respectées.
24. En second lieu, en faisant référence à l’article 55 du règlement no 1215/2012, la juridiction de renvoi semble vouloir attirer l’attention de la Cour sur le fait que, sous l’empire de ce règlement, bien qu’une décision condamnant à une astreinte soit exécutoire dans l’État membre d’origine, celle-ci est exécutoire dans l’État membre requis uniquement si le montant en a été définitivement fixé par la juridiction d’origine (10). Cette juridiction se demande s’il doit en être de même en ce qui concerne le règlement no 655/2014, de sorte que la liquidation de l’astreinte doit être requise pour qu’une décision condamnant à une astreinte puisse être qualifiée de « décision » au sens de l’article 4, point 8, de ce règlement.
25. C’est dans ces circonstances que le tribunal de première instance de Liège, par décision du 6 mai 2021, parvenue à la Cour le 7 mai 2021, a décidé de surseoir à statuer et de soumettre les questions préjudicielles suivantes à l’appréciation de la Cour :
« 1) Une décision judiciaire signifiée condamnant une partie au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation constitue-t-elle une décision exigeant du débiteur le paiement de sa créance au sens de l’article 7, paragraphe 2 du [règlement no 655/2014] ?
2) Une décision judiciaire condamnant une partie au paiement d’une astreinte, bien qu’exécutoire dans le pays d’origine, relève-t-elle de la notion de “décision” au sens de l’article 4 du [règlement no 655/2014] alors qu’elle n’a pas fait l’objet d’une liquidation conformément à l’article 55 du [règlement no 1215/12] ? »
26. Des observations écrites ont été déposées par Starkinvest, les gouvernements belge et néerlandais ainsi que par la Commission. Starkinvest, le gouvernement belge et la Commission ont été représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 16 juin 2022.
IV. Analyse
27. Les questions préjudicielles portent, la première, sur le point de savoir si une décision judiciaire condamnant une partie au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation constitue une « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 655/2014, et, la seconde, sur le point de savoir si cette décision judiciaire relève de la notion de « décision », telle que définie à l’article 4, point 8, de ce règlement.
28. Il semble plus approprié soit d’inverser l’ordre des questions préjudicielles, ainsi que le propose le gouvernement belge, soit d’examiner celles-ci conjointement, comme le propose le gouvernement néerlandais. Je suis en faveur de cette seconde proposition.
29. En effet, la réponse donnée par la Cour aux questions préjudicielles permettra à la juridiction de renvoi d’établir l’étendue de l’examen qu’elle doit effectuer pour délivrer une OESC.
30. À cet égard, il résulte de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 655/2014 qu’une juridiction saisie d’une demande d’OESC doit examiner si les conditions et les exigences énoncées dans ce règlement sont réunies. Il importe de souligner, dans ce contexte, que les deux questions préjudicielles concernent le même point de cet examen, c’est-à-dire celui de savoir si une juridiction nationale saisie d’une demande d’OESC peut contrôler, notamment, l’existence et le montant de la créance que le créancier cherche à garantir par la mesure conservatoire.
31. Par ailleurs, sous l’empire du règlement no 655/2014, le fait de disposer d’une « décision » au sens de l’article 4, point 8, de ce règlement, qui est le cas de figure envisagé dans la seconde question préjudicielle, ne change pas substantiellement, en ce qui concerne ce point de l’examen mené par une juridiction saisie, la situation du créancier par rapport à la situation d’un créancier qui ne disposerait d’aucune décision. En effet, conformément à l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, la situation d’un créancier ne se présente différemment que lorsque celui-ci a obtenu une « décision exigeant du débiteur le paiement de sa créance », qui est le cas de figure envisagé dans la première question préjudicielle.
32. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par ses deux questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 655/2014 doit être interprété en ce sens qu’une décision judiciaire signifiée condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation constitue une « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », au sens de cette disposition, de sorte que la juridiction saisie d’une demande d’OESC par laquelle le créancier cherche à garantir le paiement de la créance relative à cette astreinte ne peut pas vérifier l’existence et le montant de cette créance.
A. Positions des intéressés
33. Seule Starkinvest soutient qu’il convient de répondre par l’affirmative aux deux questions préjudicielles.
34. Il ressort de ses observations écrites relatives à la première question préjudicielle que, selon Starkinvest, la créance que constitue l’astreinte est une « créance » au sens de l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014. Elle fait valoir que le montant de l’astreinte est clairement déterminable et découle d’un événement qui a déjà eu lieu, à savoir le non-respect de l’ordre de cessation durant une période déterminée, étant entendu que ce montant est rendu déterminable par l’arrêt du 6 janvier 2015.
35. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, Starkinvest soutient, en premier lieu, qu’une OESC constitue non pas une mesure d’exécution mais une mesure conservatoire qui est sollicitée en vue de garantir une exécution effective ultérieure de la décision nationale prononcée. Selon elle, le règlement no 655/2014 s’applique à une étape antérieure à l’exécution et ne saurait être interprété à la lumière du règlement no 1215/2012.
36. En second lieu, Starkinvest fait valoir qu’il est matériellement impossible d’appliquer l’article 55 du règlement no 1215/2012 au stade conservatoire en raison du fait que le droit belge ne prévoit, pour le créancier, aucune action ou aucun recours lui permettant de faire liquider une astreinte.
37. Le gouvernement néerlandais indique que, selon l’article 48, sous b), du règlement no 655/2014, cette disposition s’entend sans préjudice du règlement no 1215/2012. Selon ce gouvernement, la saisie conservatoire européenne sur les comptes bancaires entre également dans le champ d’application de ce dernier règlement, celui-ci s’appliquant en matière civile et commerciale. Ainsi, ledit gouvernement soutient que, dans la mesure où le règlement no 655/2014 fait référence à une « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », cette expression doit être interprétée en tenant compte de l’article 55 du règlement no 1215/2012. Selon lui, il résulte de cette interprétation qu’une décision condamnant à une astreinte pour d’éventuelles violations futures d’un ordre de cessation ne constitue pas une telle « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance ».
38. Dans ses observations écrites relatives à la seconde question préjudicielle, le gouvernement belge rappelle que la Cour a déjà précisé qu’un titre doit être exécutoire dans l’État membre d’origine pour que le créancier qui en est le titulaire puisse se prévaloir de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014 (11). Or, selon lui, cette précision devrait être lue en combinaison avec les articles 39 et 55 du règlement no 1215/2012. Pour le gouvernement belge, une décision judiciaire condamnant une partie au paiement de l’astreinte en cas d’inexécution de l’obligation principale, alors qu’elle n’a pas fait l’objet d’une liquidation, ne constitue pas une « décision » au sens de l’article 4, point 8, du règlement no 655/2014.
39. En ce qui concerne la première question préjudicielle, le gouvernement belge souligne, à titre supplémentaire, que l’astreinte constitue une pénalité accessoire à la condamnation à une obligation principale d’action ou d’abstention ayant pour objectif d’assurer l’exécution de cette obligation principale. L’inexécution de ladite obligation principale est toutefois un événement qui, par définition, n’a pas encore eu lieu au moment où la décision condamnant une partie au paiement de l’astreinte en cas d’inexécution de l’obligation principale est rendue.
40. Par ailleurs, selon ce gouvernement, une décision judiciaire condamnant au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation ne constitue pas une décision exigeant du débiteur le paiement de la créance, étant donné que la procédure ayant mené à cette décision judiciaire ne saurait être considérée comme une « procédure visant à obtenir un titre exécutoire portant sur la créance sous-jacente », au sens du considérant 13 du règlement no 655/2014. En effet, ledit gouvernement soutient que l’objet principal de la condamnation assortie d’une astreinte est non pas la créance d’astreinte en elle-même, mais bien l’obligation d’action ou d’abstention.
41. Sans proposer de renverser l’ordre des questions préjudicielles, la Commission indique que, bien qu’une décision condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, constitue une « décision », au sens de l’article 4, point 8, du règlement no 655/2014 (seconde question préjudicielle), une telle décision ne constitue toutefois pas une « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », au sens de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement (première question préjudicielle).
B. Appréciation
1. Remarques liminaires
42. Pour que le créancier soit dispensé de l’obligation de convaincre la juridiction saisie d’une demande d’OESC du fumus boni iuris, ce créancier doit, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014, disposer d’« une décision [...] exigeant du débiteur le paiement de sa créance ». L’article 5, sous b), de ce règlement emploie la même expression.
43. Dès lors, pour répondre utilement aux questions préjudicielles, il convient de déterminer si le créancier dispose d’une décision exigeant du débiteur le paiement de sa « créance » lorsqu’il est en possession d’une décision judiciaire fixant un montant de base de l’astreinte pour chaque violation d’un ordre de cessation imposé par cette décision.
44. La définition de la notion de « créance », figurant à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014, semble être à l’origine des doutes de la juridiction de renvoi (12).
45. Cette définition est composée de deux parties qui concernent des hypothèses distinctes, à savoir celle d’une créance constituant « un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminé qui est devenue exigible » (première partie de la définition) et celle d’une créance constituant « un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable découlant d’une transaction ou d’un événement qui a déjà eu lieu, pour autant que cette créance puisse être produite en justice » (seconde partie de la définition).
46. Dans un premier temps, et en ce qui concerne la première partie de cette définition, se pose la question de savoir si une décision judiciaire fixant un montant de base de l’astreinte pour chaque violation d’un ordre de cessation imposé par cette décision constitue une décision exigeant du débiteur le paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminé qui est devenue exigible.
47. Je suis d’avis que tel n’est pas le cas en l’espèce.
48. Une décision judiciaire, telle que le jugement du 3 septembre 2013 ou l’arrêt du 6 janvier 2015, qui fixe un montant de base d’une astreinte, ne détermine pas le montant que le débiteur doit payer au créancier. Ce dernier montant n’est pas même connu au moment de l’adoption de la décision judiciaire et dépend d’événements postérieurs à celle-ci. En revanche, en droit belge, ledit montant est déterminé sur la base des constatations faites par un huissier (13), postérieurement à l’adoption de toute décision judiciaire.
49. Dans un second temps, et en ce qui concerne la seconde partie de ladite définition, se pose la question de savoir si, pour considérer que le créancier dispose d’une décision exigeant du débiteur le paiement de sa créance, il suffit que le montant que le créancier cherche à garantir par une OESC soit « déterminable », au sens de la seconde partie de la définition donnée à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014.
50. Or le point de départ est de savoir si le terme « créance », utilisé dans l’expression « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », doit être lu également au sens de la seconde partie de cette définition, selon laquelle une créance constitue « un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable découlant d’une transaction ou d’un événement qui a déjà eu lieu, pour autant que cette créance puisse être produite en justice ».
51. Interrogées sur ce point lors de l’audience, Starkinvest et la Commission ont indiqué que ce terme doit être lu au sens de la seconde partie de la définition donnée à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014 (14), tandis que le gouvernement belge a indiqué que ledit terme doit être lu uniquement au sens de la première partie de cette définition.
52. Il y a lieu de relever que le terme « créance » est employé à plusieurs reprises dans le règlement no 655/2014 et dans des contextes différents.
53. En principe, une notion doit avoir la même signification dans un même texte législatif, quel que soit le contexte dans lequel elle apparaît dans ce texte. Dans cette logique, l’identité de sens de mêmes notions utilisées dans un même acte de l’Union peut être présumée (15).
54. À cet égard, d’une part, comme il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 655/2014, une OESC permet d’empêcher que le recouvrement ultérieur d’une « créance » ne soit mis en péril (16). Par conséquent, une OESC doit toujours porter sur une « créance » au sens de l’article 4, point 5, de ce règlement et les deux parties de la définition de cette notion sont parfaitement applicables dans ce contexte.
55. Toutefois, d’autre part, compte tenu des caractéristiques d’une « créance » telle que définie dans la seconde partie de la définition de cette notion, il semble douteux que cette partie de la définition soit pertinente lorsque le créancier cherche à se prévaloir d’une décision qui détermine un montant de base de l’astreinte pour être dispensé de l’obligation de convaincre la juridiction saisie d’une demande d’OESC du fumus boni iuris.
56. Il y a donc lieu d’examiner ces caractéristiques au regard des exigences que le règlement no 655/2014 énonce pour les situations dans lesquelles le créancier est dispensé de l’obligation de convaincre la juridiction du fumus boni juris. Ces exigences concernent, d’une part, la nécessité de préciser, dans la décision que ce créancier a obtenue, le montant de la créance que ledit créancier cherche à garantir par une OESC et, d’autre part, la nécessité d’obtenir cette décision dans le cadre d’une procédure portant sur cette créance.
2. Sur la nécessité de préciser le montant de la créance que le créancier cherche à garantir par une OESC
57. Afin qu’un droit au paiement corresponde aux caractéristiques prévues à la seconde partie de la définition de la notion de « créance », figurant à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014, il suffit que ce droit concerne le paiement d’une somme d’argent d’un montant « déterminable ».
58. Or, comme l’a argué le gouvernement belge lors de l’audience, l’expression « une décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », figurant tant à l’article 5, sous b), qu’à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014, doit être lue en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous g), ii), de ce règlement.
59. Dans le prolongement de cet argument, il ressort de l’article 8, paragraphe 2, sous g), ii), du règlement no 655/2014 (17), lu à la lumière du considérant 12 de celui-ci (18), que le créancier peut demander à ce qu’une OESC soit délivrée pour « le montant du principal de [sa] créance précisé dans la décision » ou pour « une partie de ce montant ». De même, l’article 6, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que « [l]orsque le créancier a déjà obtenu une décision [...], les juridictions de l’État membre dans lequel la décision a été rendue [...] sont compétentes pour délivrer l’[OESC] pour la créance précisée dans la décision [...] » (19).
60. Dans cet ordre d’idées, conformément aux indications figurant dans le formulaire devant être utilisé (20) dans le cadre d’une demande d’OESC (21), le créancier qui dispose d’un titre exigeant du débiteur le paiement de sa créance indique, selon la section 8 de ce formulaire, outre les informations sur le titre, le montant à conserver, qui est soit le montant indiqué dans le titre, à savoir le « [m]ontant principal octroyé dans la décision », soit un montant inférieur (22). Par ailleurs, ledit formulaire précise que « le montant [pour lequel une OESC est demandée] doit normalement être le montant figurant dans la décision ».
61. En l’espèce, le seul montant qui figure dans la décision judiciaire invoquée par Starkinvest est le montant de base pour chaque violation de l’ordre de cessation (23). Le montant correspondant à un multiple du montant de base d’une astreinte pour chaque violation de l’ordre de cessation, que cette société cherche à garantir par une OESC, est donc nécessairement supérieur à tout montant que l’on peut considérer comme celui ayant été « précisé » par cette décision judiciaire. Or le règlement no 655/2014 prévoit qu’une OESC peut être délivrée pour le montant du principal de la créance précisé dans la décision ou pour un montant inférieur.
62. Plus important encore, bien que théoriquement « déterminable », le montant correspondant à un multiple du montant de base d’une astreinte pour chaque violation de l’ordre de cessation n’est pas précisé dans la décision judiciaire imposant cet ordre. Ce montant n’est pas non plus octroyé par cette décision judiciaire et ne figure pas dans celle-ci.
63. Ainsi, une décision judiciaire dont le créancier entend se prévaloir pour être dispensé, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014, de l’obligation de convaincre la juridiction saisie d’une demande d’OESC du fumus boni iuris doit porter non pas sur un droit de paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable mais sur un montant précisé par cette décision. Or tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une décision judiciaire condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation imposé par cette décision.
3. Sur la nécessité d’obtenir la décision dans le cadre d’une procédure portant sur une créance sous-jacente
64. Même si l’on souhaitait comprendre le terme « créance » dans l’expression « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance », au sens de la seconde partie de la définition figurant à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014, il conviendrait de tenir compte du fait que, selon cette partie de la définition, la créance doit découler d’une « transaction » ou d’un « événement qui a déjà eu lieu ».
65. Lors de l’audience, le gouvernement belge a fait valoir que la seconde partie de cette définition du terme « créance » peut viser uniquement des créances qui résultent d’événements, tels qu’« une transaction » ou « un événement qui a déjà eu lieu », qui précèdent l’adoption d’une décision judiciaire (« [créance qui peut être] produite en justice ») dont le créancier entend se prévaloir pour être dispensé de l’obligation de convaincre la juridiction saisie d’une demande d’OESC du fumus boni juris.
66. S’agissant de la doctrine, elle est d’avis qu’il convient de lire la seconde partie de ladite définition de « créance » en ce sens que le terme « transaction » se réfère aux contrats ou aux activités commerciales susceptibles de donner lieu à la responsabilité contractuelle, tandis que, selon elle, le terme « événement qui a eu lieu » se réfère aux délits donnant lieu à la responsabilité extracontractuelle (24). Cette lecture est corroborée par le considérant 12 du règlement no 655/2014, selon lequel « [il devrait être possible de recourir à une OESC] pour des créances qui ne sont pas encore exigibles pour autant que ces créances résultent d’une transaction ou d’un événement passé et que leur montant puisse être déterminé, y compris les créances liées à des actions en matière délictuelle ou quasi délictuelle et à des actions civiles en réparation de dommage ou en restitution fondées sur une infraction » (25).
67. À cet égard, une astreinte pour le non-respect d’un ordre de cessation imposé par une décision judiciaire ne précède pas cette décision. En effet, l’ordre de cessation lui-même est imposé par ladite décision. Par conséquent, cela signifie que la juridiction qui a rendu la décision judiciaire en cause n’a pas examiné les événements pour lesquels cette astreinte est due.
68. Il me faut observer, dans ce contexte, que, en distinguant la situation d’un créancier qui doit convaincre la juridiction saisie d’une demande d’OESC du bien-fondé de sa demande au fond de celle d’un créancier disposant d’un titre le libérant de cette obligation, l’article 5 du règlement no 655/2014 décrit la première situation comme étant celle d’un créancier avant qu’il « engage une procédure au fond dans un État membre à l’encontre du débiteur » et « à tout moment au cours de cette procédure jusqu’au moment où la décision est rendue » (26). Il en résulte que, pour pouvoir se trouver dans la seconde situation, le créancier doit disposer d’un titre issu d’une telle procédure au fond.
69. Si la notion de « procédure au fond » a une portée large (27), le considérant 13 du règlement no 655/2014 précise toutefois que, pour relever de cette notion, une procédure doit viser à obtenir un titre exécutoire portant sur la créance sous-jacente (28).
70. Il doit donc s’agir d’une créance qui a fait l’objet d’un examen au cours d’une procédure au fond et dont le bien-fondé a été évalué à l’issue de celle-ci, c’est-à-dire qui a été déjà produite en justice. Par conséquent, il ne suffit pas qu’il s’agisse, comme le prévoit la seconde partie de la définition de la notion de « créance » figurant à l’article 4, point 5, du règlement no 655/2014, d’une créance qui puisse être produite en justice. En effet, c’est la raison pour laquelle, selon la logique de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, il n’est plus nécessaire, lorsque le créancier a déjà obtenu un titre, d’examiner le bien-fondé de la créance sur laquelle porte ce titre.
71. Dans cette logique, la doctrine, en faisant référence à la précision figurant au considérant 13 du règlement no 655/2014, a observé que les procédures qui ne visent pas à obtenir un titre exécutoire condamnant le débiteur à payer la créance pécuniaire que l’OESC est censée protéger ne doivent pas relever de la notion de « procédure au fond ». Selon cette lecture doctrinale, « les mesures provisoires et conservatoires visant à l’obtention de preuves, les décisions de gel d’avoir et les mesures nationales équivalentes, telles que la saisie conservatoire de droit francophone », doivent donc être exclues de cette notion (29).
72. De même, une astreinte imposée en cas de violation d’un ordre de cessation ne constitue pas une créance sous-jacente sur laquelle porte une décision judiciaire imposant cet ordre.
73. En effet, dans la mesure où une astreinte est due pour le non-respect d’un ordre de cessation, la créance n’existe pas au moment de l’adoption de la décision judiciaire qui la prononce. A fortiori, la juridiction ayant rendu cette décision judiciaire n’a pas examiné si, et pour quelles infractions, l’astreinte est due. Par conséquent, une astreinte imposée en cas du non-respect d’un ordre de cessation ne constitue pas une créance sous-jacente à la procédure dans laquelle une décision judiciaire imposant cette astreinte a été rendue (30). Le créancier ne saurait donc se prévaloir de cette décision judiciaire pour être dispensé, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014, de l’obligation de convaincre la juridiction saisie de la demande d’OESC du fumus boni iuris de sa prétention relative à l’astreinte.
74. Cette lecture de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014 est corroborée par l’interprétation systémique et téléologique de ce règlement, dont il résulte que celui-ci cherche à établir un équilibre entre l’intérêt du créancier et celui du débiteur.
4. Sur l’équilibre entre l’intérêt du créancier et celui du débiteur
75. Comme le confirme le considérant 14 du règlement no 655/2014, les conditions de délivrance de l’OESC devraient établir un juste équilibre entre l’intérêt du créancier, visant à obtenir une OESC, et celui du débiteur, visant à éviter tout recours abusif à cette ordonnance. Or un tel équilibre serait remis en cause si l’on suivait l’interprétation selon laquelle une décision judiciaire condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation constitue une « décision [...] exigeant du débiteur le paiement de [la] créance » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 655/2014.
76. En effet, ainsi que l’observe la juridiction de renvoi, suivre cette interprétation impliquerait que la juridiction saisie d’une demande d’OESC par laquelle le créancier cherche à garantir la créance liée à cette astreinte serait privée de tout pouvoir de contrôler l’apparence de la créance invoquée. Si le créancier fournit suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre une juridiction saisie de la demande d’OESC qu’il est urgent de prendre une mesure conservatoire, cette juridiction est dans l’obligation de délivrer l’OESC sollicitée par ce créancier.
77. Par ailleurs, dans un tel cas de figure, le débiteur ne serait pas en mesure de provoquer un contrôle de l’« apparence » de la créance invoquée.
78. En effet, les articles 33 et 34 du règlement no 655/2014 prévoient des recours contre l’OESC et contre l’exécution de cette ordonnance. Ces recours ont un caractère exhaustif. Le débiteur ne saurait donc provoquer la révocation d’une OESC ni par un recours fondé sur les dispositions nationales ni pour des motifs autres que ceux prévus par ce règlement.
79. Le règlement no 655/2014 ne prévoit pas la possibilité pour le débiteur de faire valoir que le montant que le créancier cherchait à garantir, par une OESC basée sur une décision exigeant du débiteur de payer cette créance, n’était pas dû.
80. Dans la mesure où il n’existe aucune décision au fond qui précise que le créancier a le droit de réclamer un multiple du montant de base de l’astreinte, le débiteur ne saurait provoquer, dans l’État membre d’origine, l’annulation d’une telle décision, afin de pouvoir ensuite se prévaloir du recours prévu à l’article 33, paragraphe 1, sous g), du règlement no 655/2014 (31).
81. Dans ces conditions, l’exigence d’une liquidation de l’astreinte préalablement à la délivrance d’une OESC pourrait se justifier en raison du respect du juste équilibre à préserver entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur. Je relève que la Cour a suivi cette ligne de raisonnement dans un contexte différent, relatif à un règlement qui, à l’instar du règlement no 655/2014, ne prévoit pas de disposition équivalente à l’article 55 du règlement no 1215/2012 (32).
82. Par souci d’exhaustivité, je précise que la conclusion selon laquelle une décision judiciaire signifiée condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation ne constitue pas une « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance » et ne dispense pas le créancier de l’obligation de convaincre la juridiction saisie d’une demande d’OESC du fumus boni iuris n’implique pas que cette décision judiciaire est dépourvue de toute pertinence pour le créancier.
83. En effet, le créancier peut joindre à sa demande d’OESC ladite décision judiciaire, accompagnée des documents d’un huissier par lesquels celui-ci constate les manquements à l’ordre de cessation, afin d’essayer de convaincre la juridiction saisie de sa demande du bien-fondé de sa prétention relative à l’astreinte.
V. Conclusion
84. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante aux questions préjudicielles posées par le tribunal de première instance de Liège (Belgique) :
L’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale,
doit être interprété en ce sens que :
une décision judiciaire signifiée condamnant le débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation d’un ordre de cessation ne constitue pas une « décision exigeant du débiteur le paiement de [la] créance » au sens de cette disposition, de sorte que la juridiction saisie d’une demande d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires par laquelle le créancier cherche à garantir le paiement de la créance relative à cette astreinte doit examiner l’existence et le montant de cette créance.