Language of document : ECLI:EU:T:2005:290

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
14 juillet 2005


Affaire T-371/03


Vincenzo Le Voci

contre

Conseil de l’Union européenne

« Fonctionnaires – Concours interne – Non‑admission aux épreuves orales – Violation de l’avis de concours – Irrégularité dans le déroulement des épreuves de nature à fausser les résultats – Principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination – Principe de bonne administration »

Objet :         Recours ayant pour objet une demande d’annulation des opérations du concours interne Conseil/A/270 ou, à titre subsidiaire, de la décision du jury de concours de ne pas admettre le requérant à participer aux épreuves orales dudit concours.

Décision :         Le recours est rejeté. Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Concours – Modalités et contenu des épreuves – Pouvoir d’appréciation du jury – Contrôle juridictionnel – Limites

(Statut des fonctionnaires, annexe III)

2.      Fonctionnaires – Concours – Pouvoir d’appréciation du jury – Limites – Avis de concours

(Statut des fonctionnaires, annexe III, art. 1er, § 1)

3.      Fonctionnaires – Concours – Obligation des institutions communautaires d’assurer à tous les candidats un déroulement serein et régulier des épreuves – Violation – Incidence sur la légalité des épreuves – Conditions – Charge de la preuve

4.      Fonctionnaires – Concours – Jury – Recours à des assesseurs – Admissibilité – Conditions

(Statut des fonctionnaires, annexe III, art. 3, alinéa 3)

5.      Fonctionnaires – Concours – Évaluation des aptitudes des candidats – Pouvoir d’appréciation du jury – Contrôle juridictionnel – Limites

(Statut des fonctionnaires, annexe III)

6.      Fonctionnaires – Concours – Appréciation des mérites des candidats – Droit d’accès du public aux documents – Exclusion en raison du secret des travaux du jury – Acceptation antérieure par le Conseil d’une recommandation du Médiateur européen visant la transmission d’une copie corrigée d’une épreuve – Absence d’engagement du Conseil dans d’autres cas similaires

(Art. 255, § 1, CE ; statut des fonctionnaires, annexe III, art. 6 ; règlement du Parlement européen et du Conseil n° 1049/2001)


1.      Le jury d’un concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d’un concours. Le Tribunal ne saurait censurer les modalités du déroulement d’une épreuve que dans la mesure nécessaire pour assurer un traitement égal des candidats et l’objectivité de choix entre ceux‑ci. Il n’appartient pas davantage au juge communautaire de censurer le contenu détaillé d’une épreuve, sauf si celui‑ci sort du cadre indiqué dans l’avis de concours ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve ou du concours.

(voir point 41)

Référence à : Cour 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/83 et 78/86, Rec. p. 1399, point 22 ; Tribunal 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T‑132/89, Rec. p. II‑549, point 27 ; Tribunal 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 121 ; Tribunal 11 juillet 1996, Carrer/Cour de justice, T‑170/95, RecFP p. I‑A‑363 et II‑1071, point 37 ; Tribunal 25 mai 2000, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99, RecFP p. I‑A‑101 et II‑433, point 35 ; Tribunal 14 juillet 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑146/99, RecFP p. I‑A‑159 et II‑731, point 37


2.      Si l’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer les conditions d’un concours, le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié. Les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours.

(voir point 50)

Référence à : Cour 18 février 1982, Ruske/Commission, 67/81, Rec. p. 661, point 9 ; Tribunal 16 avril 1997, Fernandes Leite Mateus/Conseil, T‑80/96, RecFP p. I‑A‑87 et II‑259, point 27 ; Tribunal 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, RecFP p. I‑A‑79 et II‑423, point 47


3.      En vertu des principes de bonne administration et d’égalité de traitement, il incombe aux institutions communautaires d’assurer à tous les candidats à un concours un déroulement le plus serein et régulier possible des épreuves. À cette fin, l’administration est tenue de veiller à la bonne organisation du concours et, en particulier, à ce que le matériel distribué aux candidats soit soigneusement préparé. Toutefois, une irrégularité intervenue pendant le déroulement des épreuves d’un concours n’affecte la légalité desdites épreuves que si elle est de nature substantielle et susceptible de fausser les résultats de celles‑ci. Lorsqu’une telle irrégularité intervient, il incombe à l’institution défenderesse de prouver que celle‑ci n’a pas affecté les résultats des épreuves.

(voir points 78 et 79)

Référence à : Tribunal 11 février 1999, Jiménez/OHMI, T‑200/97, RecFP p. I‑A‑19 et II‑73, point 55 ; Tribunal 9 novembre 1999, Papadeas/Comité des régions, T‑102/98, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1091, point 68 ; Tribunal 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, points 46 et 47 ; Tribunal 7 février 2002, Felix/Commission, T‑193/00, RecFP p. I‑A‑23 et II‑101, point 45


4.      Le jury peut recourir à l’assistance d’assesseurs dans tous les cas où il l’estime nécessaire. La régularité des opérations est respectée dès lors que les méthodes de correction ne diffèrent pas selon les candidats et que le jury conserve le pouvoir d’appréciation final.

(voir point 101)

Référence à : Gallone/Conseil, précité, point 28 ; Tribunal 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 26 ; Tribunal 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, RecFP p. I‑A‑105 et II‑541, point 58


5.      Les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve constituent l’expression d’un jugement de valeur. Elles s’insèrent dans le large pouvoir d’appréciation dont dispose le jury et ne sauraient être soumises au contrôle du juge communautaire qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury.

(voir point 102)

Référence à : Papadeas/Comité des régions, précité, point 54 ; Tribunal 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, RecFP p. I‑A‑51 et II‑219, point 36 ; Felix/Commission, précité, point 36


6.      Comme toute norme de caractère général, le droit d’accès aux documents du Conseil, prévu par l’article 255, paragraphe 1, CE et par le règlement n° 1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, peut être limité ou exclus – selon le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale (lex specialis derogat legi generalis) – lorsqu’il existe des normes spéciales qui régissent des matières spécifiques.

À cet égard, l’article 6 de l’annexe III du statut, adopté sur la base de l’article 283 CE et visant, de manière spécifique, la procédure de concours, dispose que les travaux du jury sont secrets. Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux en les mettant à l’abri de toutes ingérences ou pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle‑même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose, dès lors, tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats.

Partant, un candidat à un concours ne peut valablement se fonder sur la notion de transparence pour mettre en cause l’applicabilité de l’article 6 de l’annexe III du statut.

Cette conclusion ne saurait être remise en cause du fait de l’acceptation, par le Conseil, d’une recommandation du Médiateur européen visant la transmission d’une copie corrigée à un plaignant, le Conseil ne s’étant aucunement engagé par une telle acceptation à une divulgation future systématique des épreuves corrigées et la portée de cette décision du Conseil étant limitée au cas d’espèce.

(voir points 122 à 126)

Référence à : Cour 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 5 ; Cour 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, point 24 ; Tribunal 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 84 ; Martínez Páramo e.a./Commission, précité, point 44 ; Tribunal 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861