Language of document : ECLI:EU:T:2007:129

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 mai 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Congé de maternité – Congé de maladie – Date probable d’accouchement – Début du congé de maternité »

Dans l’affaire T‑255/04,

Monique Negenman, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Roosendaal (Pays-Bas), représentée par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. D. Waelbroeck, puis par Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents, cette dernière assistée de Me N. Rampal, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission fixant les dates de début et de fin de congé de maternité au titre de l’article 58 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 58 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable en l’espèce (ci-après le « statut ») :

« Indépendamment des congés prévus à l’article 57, les femmes enceintes ont droit, sur production d’un certificat médical, à un congé commençant six semaines avant la date probable d’accouchement indiquée dans le certificat et se terminant dix semaines après la date de l’accouchement, sans que ce congé puisse être inférieur à seize semaines. »

2        Selon l’article 59, paragraphe 1, premier alinéa, du statut :

« Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie. »

 Faits et procédure

3        Le 2 juin 2003, la requérante, Mme Monique Negenman, fonctionnaire de la Commission, a bénéficié d’un congé de maladie pour des raisons liées à sa grossesse, sur la base d’un certificat médical délivré par son gynécologue. Ce même certificat fixait la date probable de l’accouchement de la requérante au 3 août 2003.

4        Le 20 juillet 2003, soit deux semaines avant la date probable de l’accouchement, la requérante a donné naissance à des jumeaux.

5        Le 17 octobre 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a demandé à la requérante de produire les extraits des actes de naissance de ses enfants. La requérante a déféré à cette demande dans les plus brefs délais.

6        Par décision du 23 octobre 2003, l’AIPN a indiqué à la requérante que son congé de maternité s’étendrait du 8 juin au 27 septembre 2003. Un congé spécial pour cause d’allaitement lui a également été accordé du 28 septembre au 25 octobre 2003 sur sa demande et sur la base d’un certificat médical attestant l’allaitement (ci-après la « décision du 23 octobre 2003 »).

7        Par courrier électronique du 25 octobre 2003, la requérante a contesté ce calcul.

8        Par courrier électronique du 30 octobre 2003, l’AIPN a confirmé la décision du 23 octobre 2003 (ci-après la « décision du 30 octobre 2003 »).

9        Le 25 novembre 2003, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du 30 octobre 2003, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

10      Par décision du 8 mars 2004, notifiée à la requérante le 11 mars 2004, l’AIPN a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2004, la requérante a introduit le présent recours.

12      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 10 juillet 2006.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation et, pour autant que de besoin, les décisions des 23 et 30 octobre 2003 ;

–        condamner la Commission à une indemnité de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur le recours en annulation

 Sur l’acte attaqué

16      La requérante demande l’annulation de la décision du 8 mars 2004 rejetant sa réclamation et, pour autant que de besoin, des décisions des 23 et 30 octobre 2003.

17      Il convient de rappeler à cet égard, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le requérant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable. Ce n’est que lorsque cette décision fait, en tout ou en partie, droit à la réclamation de l’intéressé qu’elle constituera, le cas échéant, par elle-même, un acte susceptible de faire l’objet d’un recours (voir arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 16, et la jurisprudence y citée). Il s’ensuit que le recours est irrecevable en tant qu’il vise l’annulation de la décision du 8 mars 2004.

18      Il y a lieu d’observer, ensuite, que dans sa décision du 30 octobre 2003, l’AIPN s’est bornée à confirmer la décision du 23 octobre 2003. Or, la qualité d’un acte faisant grief ne saurait être reconnue à l’égard d’un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur faisant grief et qui ne s’est donc pas substitué à celui-ci (ordonnance du Tribunal du 27 juin 2000, Plug/Commission, T‑608/97, RecFP p. I‑A‑125 et II‑569, points 22 et 23). Il s’ensuit que seule la décision du 23 octobre 2003 fait grief à la requérante (ci-après la « décision attaquée ») et que les conclusions visant à l’annulation de la décision du 30 octobre 2003 sont irrecevables.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 58 du statut, du principe de protection de la confiance légitime et de la protection des droits acquis

 Arguments des parties

19      En premier lieu, la requérante estime que, en fixant a posteriori les dates de début et de fin de son congé de maternité du 8 juin au 27 septembre 2003, et ce alors même qu’elle était en congé de maladie depuis le 2 juin 2003, l’AIPN a pris en considération la date réelle de son accouchement en violation de l’article 58 du statut.

20      En effet, en vertu de l’article 58 du statut, le début du congé de maternité serait fixé à « six semaines avant la date probable d’accouchement », telle qu’elle apparaît dans le certificat médical produit par le fonctionnaire concerné. Par conséquent, son congé de maternité n’aurait dû commencer que six semaines avant le 3 août 2003, date prévisible de son accouchement, soit le 23 juin 2003, pour se terminer seize semaines plus tard, soit le 11 octobre 2003.

21      En outre, la requérante fait valoir que la circonstance qu’elle se soit trouvée en congé de maladie avant le début de son congé de maternité est indifférente, dès lors que, en vertu de l’article 58 du statut, le congé de maternité commence six semaines avant la date probable de l’accouchement, de plein droit et indépendamment de la situation administrative du fonctionnaire concerné. Ainsi, six semaines avant la date prévisible de son accouchement, la requérante, alors en congé de maladie au titre de l’article 59 du statut, serait passée sous le régime du congé de maternité au titre de l’article 58 du statut, sans que l’AIPN puisse modifier ou affecter cette situation administrative a posteriori.

22      Par ailleurs, la requérante s’interroge quant au motif qui a autorisé l’administration à abréger son congé de maternité en anticipant artificiellement le point de départ de celui-ci, eu égard à la date anticipée de la naissance de ses enfants, pour convertir en vacances annuelles une absence qui s’inscrivait dans le délai de seize semaines à compter du point de départ du congé de maternité, tel que défini à l’article 58 du statut.

23      La requérante estime avoir été discriminée dans la mesure où l’AIPN a procédé de façon particulière pour le calcul du point de départ de son congé de maternité au seul motif qu’elle était précédemment en congé de maladie. Elle fait valoir, à cet égard, que l’article 58 du statut prévoit un traitement identique pour toutes les femmes enceintes, sans distinction quant à l’existence d’un éventuel congé de maladie au titre de l’article 59 du statut avant le congé de maternité, la circonstance que la maladie dont a souffert la requérante avant son congé de maternité était liée à sa grossesse étant indifférente à cet égard.

24      En second lieu, la requérante prétend que c’est à tort que la Commission lui conteste l’existence de droits acquis au motif qu’il n’existerait aucun acte adopté par l’AIPN lui reconnaissant de tels droits, dès lors que ces droits acquis résultent directement du texte même de l’article 58 du statut.

25      La requérante fait valoir, en outre, que l’AIPN a violé le principe de protection de la confiance légitime, lequel suppose que, à aucun moment, les fonctionnaires ne doivent avoir une hésitation sur leur situation administrative.

26      À cet égard, l’article 58 du statut aurait été conçu de manière à ce que le fonctionnaire connaisse exactement la situation administrative dans laquelle il se trouve avant ou après l’accouchement. Ainsi, le début du congé de maternité serait fixé en fonction de la date prévisible de l’accouchement telle qu’elle est médicalement établie. En revanche, la fin du congé de maternité serait déterminée en fonction de la date réelle de l’accouchement, car, à ce moment, la date de l’accouchement serait évidemment connue et le fonctionnaire concerné pourrait donc prévoir son changement de situation administrative en temps utile sans être surpris par une appréciation a posteriori.

27      La requérante souligne que le début et la fin du congé de maternité doivent être fixés par application de l’article 58 du statut, indépendamment des autres régimes de congé, lesquels envisageraient des situations administratives différentes soumises à des conditions spécifiques et ayant des effets juridiques distincts.

28      Par ailleurs, le manuel de gestion des congés et des absences, invoqué par l’AIPN afin de justifier la décision attaquée, ne serait pas opposable aux fonctionnaires, à défaut de publication, et ne pourrait en toute hypothèse méconnaître les dispositions formelles de l’article 58 du statut.

29      La requérante soutient, enfin, que la décision de l’AIPN est tardive parce que celle-ci est intervenue après le terme de son congé de maternité.

30      La Commission fait valoir, en premier lieu, d’une part, que la requérante a pu s’absenter, à sa demande, dès la sixième semaine avant la date probable de son accouchement et, d’autre part, qu’elle a bénéficié d’un congé prenant fin dix semaines après la date de son accouchement. Par conséquent, la durée minimale du congé de seize semaines, telle que prévue à l’article 58, aurait été respectée, la requérante ayant bénéficié d’un congé allant du 8 juin jusqu’au 27 septembre 2003.

31      La Commission soutient que l’objectif poursuivi par le législateur, lorsqu’il a fixé la durée minimale du congé de maternité à seize semaines, était de permettre aux travailleurs féminins de s’absenter pendant une période au cours de laquelle les troubles inhérents à la grossesse et à l’accouchement surviennent (arrêt de la Cour du 8 novembre 1990, Handels- og Kontorfunktionaerernes Forbund, C‑179/88, Rec. p. I‑3979, point 15).

32      Ainsi, la distinction entre les six semaines de congé avant l’accouchement et les dix semaines de congé après celui-ci répondrait à deux ordres de besoins spécifiques de la femme : d’une part, la protection de sa condition biologique au cours de sa grossesse et, à la suite de celle-ci, jusqu’au moment où ses fonctions physiologiques et psychiques sont normalisées à la suite de l’accouchement ; d’autre part, la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l’accouchement, en évitant que ces rapports ne soient troublés par le cumul des charges résultant de l’exercice simultané d’une activité professionnelle (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1999, Burrill et Noriega Guerra/Commission, T‑51/98, RecFP p. I‑A‑203 et II‑1059, points 48 à 50).

33      Or, en l’espèce, ces deux objectifs auraient été atteints dès lors que la requérante a pu s’absenter dès la survenance des symptômes pathologiques liés à son état de grossesse et qu’elle a bénéficié du temps prescrit pour développer des liens avec ses enfants.

34      Par ailleurs, compte tenu de l’impossibilité de connaître la date exacte de l’accouchement, le statut aurait instauré le concept de date probable, en vue de permettre aux femmes de cesser de travailler et de partir en congé de maternité avant l’accouchement, en contournant ainsi l’aléa temporaire constitué par la date réelle de l’accouchement.

35      Toutefois, selon une pratique constante conforme à la ratio legis de l’article 58 du statut, la date effective de l’accouchement serait toujours prise en compte pour le calcul final du congé de maternité dès lors que, une fois l’enfant né, la raison d’être de la prise en considération de la date probable de l’accouchement disparaîtrait. Partant, si la femme enceinte est déjà en congé de maladie pour des raisons liées à sa grossesse six semaines avant la date probable de son accouchement et que l’accouchement a lieu au cours de ces six semaines, il convient de prendre en compte la date effective de l’accouchement pour calculer son congé de maternité.

36      La Commission ajoute que le congé de maternité ne peut être inférieur à seize semaines, que ce soit dans l’hypothèse d’un accouchement ayant lieu avant la date probable d’accouchement ou dans celle d’un accouchement ayant lieu après cette date. Ainsi, selon elle, dans le premier cas, si la femme accouche avant la date probable sans avoir été en congé plus de six semaines avant la date probable de son accouchement pour des raisons liées à sa grossesse, elle n’aura certes pas bénéficié de six semaines de repos avant son accouchement, mais pourra reporter postérieurement à son accouchement les jours de repos qu’elle n’aura pas pris avant celui-ci afin de pouvoir bénéficier du minimum de seize semaines prévu par le statut. Dans le second cas, si la femme accouche après la date probable de son accouchement, elle est en principe en congé depuis plus de six semaines. Elle bénéficiera toutefois du congé de dix semaines postérieurement à l’accouchement pour se remettre de son accouchement et développer des liens avec son enfant. Si, en pareille hypothèse, la femme bénéficie d’un congé supérieur à seize semaines au total, ce n’est ainsi qu’en vue de permettre la réalisation de l’objectif poursuivi par le congé de maternité.

37      En revanche, la Commission estime que, en l’espèce, rien ne justifiait qu’un congé plus long que le minimum de seize semaines prévu par le statut soit accordé à la requérante. En effet, s’il est vrai que la requérante a eu ses jumeaux avant la date probable de l’accouchement, cette circonstance n’aurait pas eu d’effet sur la durée de son congé de maternité, dès lors qu’elle a bénéficié des seize semaines statutaires.

38      Quant à la prétendue discrimination dénoncée par la requérante, la Commission estime que l’article 58 du statut permet de respecter le principe de non-discrimination en laissant une marge de manœuvre suffisante à l’administration pour adapter l’application de la règle à chaque cas d’espèce et en garantissant que, en fonction des circonstances spécifiques de chaque situation, les buts poursuivis par le législateur sont toujours respectés. Par conséquent, les seules différences de traitement admises entre les femmes seraient toujours justifiées et proportionnelles aux buts poursuivis par le congé de maternité.

39      S’agissant de l’argumentation de la requérante tendant à contester la conversion de son congé de maladie accordé pour des troubles liés à sa grossesse en congé de maternité, la Commission soutient que, si l’article 58 du statut prévoit l’indépendance du congé de maternité par rapport au congé annuel prévu à l’article 57 du statut, le congé de maternité ne serait en aucune manière exclusif du congé de maladie prévu à l’article 59 du statut. En effet, le congé de maternité s’apparenterait, de par sa nature, à une forme spéciale de congé de maladie lié aux troubles causés par la grossesse et accordé de plein droit aux femmes enceintes. Par conséquent, les principes de bonne administration et de non-discrimination impliqueraient que le congé de maladie accordé à une femme pour des troubles liés à sa grossesse et s’étendant à la période couverte par son congé de maternité soit automatiquement converti en congé de maternité.

40      En second lieu, la Commission estime que, en l’absence d’un acte lui reconnaissant ou lui accordant des droits, la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation des droits acquis. La décision attaquée n’aurait à cet égard nullement modifié une situation acquise pour la requérante, dès lors que l’AIPN n’aurait pas précisé officiellement à celle-ci les modalités de son congé de maternité avant cette décision. Ce serait précisément par la décision attaquée, reprenant le calcul de son congé de maternité, que la requérante se serait vue reconnaître des droits.

41      Par ailleurs, l’article 58 du statut ne pourrait, en soi, être créateur de droits acquis. S’agissant d’une disposition de portée générale, applicable à tous les fonctionnaires, il n’établirait qu’un droit potentiel, lequel ne deviendrait acquis que si le fonctionnaire qui se trouve dans la situation qui y est décrite est, à sa demande, destinataire d’une décision individuelle à ce sujet.

42      La Commission souligne, également, que la décision attaquée a été adoptée dans un délai raisonnable. En effet, elle aurait été prise le 23 octobre 2003, soit immédiatement après la transmission par la requérante des extraits d’actes de naissance de ses enfants et donc à une date encore couverte par le congé d’allaitement.

43      S’agissant du grief de la requérante tiré de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 113), le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées (arrêts du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellet/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I-A-449 et II‑1305, point 104, et du 26 septembre 2002, Borremans e.a./Commission, T‑319/00, RecFP p. I‑A‑171 et II‑905, point 63). Or, la Commission soutient qu’aucune assurance n’a été donnée à la requérante.

44      La Commission souligne que, dès lors que la décision attaquée correspondait à une pratique constante de l’administration que la requérante ne pouvait ignorer, rien n’a empêché celle-ci d’aménager son temps comme elle le désirait. En effet, les modes de calcul du congé de maternité, et notamment la circonstance que les absences pour maladie pendant les six semaines précédant l’accouchement sont imputées sur le congé de maternité, seraient parfaitement connus des fonctionnaires et apparaîtraient dans certains documents rédigés à l’attention de ceux-ci, tels que le document publié aux Informations administratives du 8 mai 1989, intitulé « Absence pour maladie » et accessible sur l’intranet de la Commission.

45      La Commission fait ainsi valoir que l’AIPN a utilisé le manuel de gestion des congés et des absences afin d’exposer à la requérante les règles qu’elle a suivies pour le calcul du congé de maternité, conformément à une pratique établie en application de l’article 58 du statut et n’a jamais entendu lui opposer ledit document.

 Appréciation du Tribunal

46      Il ressort de ce qui précède que le moyen unique de la requérante se subdivise, en substance, en deux branches tirées, premièrement, de la prise en considération illégale de la date réelle de l’accouchement comme date de référence pour le calcul de son congé de maternité et de la conversion illégale de ce congé de maternité en congé de maladie et, deuxièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la protection des droits acquis.

47      Dans le cadre de la première branche de son moyen unique, la requérante soutient que l’AIPN a violé l’article 58 du statut en ce qu’elle a fixé les dates de début et de fin de son congé de maternité a posteriori, du 8 juin au 27 septembre 2003, en prenant en considération la date réelle de son accouchement, alors que, aux termes de cet article, le congé de maternité débute six semaines avant la date probable d’accouchement indiquée dans un certificat médical.

48      Elle ajoute que la circonstance qu’elle s’est trouvée en congé de maladie avant le début de son congé de maternité est dénuée de pertinence dès lors que, en vertu de l’article 58 du statut, le congé de maternité commence six semaines avant la date probable de l’accouchement, de plein droit et indépendamment de la situation administrative du fonctionnaire concerné. Ainsi, six semaines avant la date prévisible de son accouchement, la requérante, alors en congé de maladie au titre de l’article 59 du statut, serait passée sous le régime du congé de maternité au titre de l’article 58 du statut, sans que l’AIPN puisse modifier ou affecter cette situation administrative a posteriori.

49      À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que l’article 58 du statut prévoit expressément que les femmes enceintes bénéficient d’un congé de maternité commençant six semaines avant la date probable d’accouchement indiquée dans le certificat médical produit à cette fin. Il s’ensuit que le point de départ du congé de maternité est déterminé en fonction de la seule date prévisible d’accouchement telle qu’elle ressort de ce certificat. Cette disposition ne prévoit ainsi nullement que, lorsque la date probable de l’accouchement ne coïncide pas avec sa date effective, le point de départ du congé doit être rétroactivement modifié en conséquence.

50      Dès lors, lorsque la date réelle de l’accouchement est antérieure à la date probable de celui-ci, il convient de considérer que le point de départ du congé de maternité reste inchangé et que le fonctionnaire concerné doit bénéficier, après l’accouchement, du complément de congé nécessaire pour lui assurer le minimum statutaire, soit un congé de maternité d’une durée totale de seize semaines.

51      En outre, il ne ressort d’aucune disposition du statut ou de ses annexes que l’AIPN est autorisée à prendre en considération la date effective de l’accouchement pour calculer a posteriori la date du début du congé de maternité.

52      Le système mis en place par le statut vise au contraire, conformément au principe de sécurité juridique, à déterminer à l’avance et de manière certaine le point de départ du congé de maternité afin de permettre à la femme enceinte de connaître sa situation administrative avant de partir en congé de maternité.

53      Il résulte de ce qui précède que le statut a établi un système de calcul du congé de maternité clair et non ambigu dans le cadre duquel l’AIPN ne dispose d’aucune marge de manœuvre quant à la fixation de la date de début et de fin du congé de maternité. Ainsi, si l’AIPN doit certes tenir compte de la date effective de l’accouchement pour déterminer la date de retour au travail du fonctionnaire, elle ne doit cependant prendre en compte que la seule date probable d’accouchement de celui-ci, telle qu’elle a été établie par un certificat médical, pour déterminer le début de son congé de maternité et ne peut, en aucun cas, le déterminer a posteriori, en fonction de la date effective de l’accouchement.

54      La Commission prétend néanmoins qu’il y a lieu de déterminer a posteriori le point de départ du congé de maternité en fonction de la date réelle de l’accouchement dans l’hypothèse où la femme enceinte se trouve déjà en congé de maladie pour des raisons liées à sa grossesse et où la date réelle de son accouchement est antérieure à sa date probable. La partie du délai de six semaines antérieure à la date réelle de l’accouchement et non prise en considération par application de la date probable d’accouchement se trouverait ainsi convertie en congé de maternité pour un nombre équivalent de jours de congé de maladie. Ainsi, il n’y aurait pas lieu d’augmenter la période de dix semaines postérieure à la date réelle d’accouchement afin de garantir au fonctionnaire le minimum statutaire, soit un congé de maternité d’une durée totale de seize semaines.

55      Force est de constater que cette argumentation ne trouve aucun fondement dans l’article 58 du statut, cette disposition n’opérant aucune distinction selon que la femme enceinte se trouvait ou non précédemment en congé de maladie pour des raisons liées à son état de grossesse.

56      Par ailleurs, aucune disposition statutaire ne saurait être interprétée comme autorisant l’AIPN à convertir, pour quelque motif que ce soit, un congé de maladie, même lorsque celui-ci est lié à l’état de grossesse du fonctionnaire concerné, en congé de maternité.

57      Au demeurant, il y a lieu d’observer que, en principe, le certificat médical justifiant l’incapacité du fonctionnaire à exercer ses fonctions à la suite d’une maladie ou d’un accident ne doit pas mentionner la nature de la maladie en cause.

58      L’octroi d’un congé de maladie, d’une part, et d’un congé de maternité, d’autre part, poursuivant des objectifs distincts, il ne saurait être question d’assimiler ces deux types de congés de nature différente quand bien même la maladie justifiant l’octroi d’un congé de maladie serait liée à l’état de grossesse du fonctionnaire. Il convient de souligner à cet égard que la grossesse ne saurait être considérée comme constituant une maladie.

59      Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que l’AIPN a, d’une part, pris en considération a posteriori, en vue de déterminer le point de départ du congé de maternité de la requérante, la date réelle de son accouchement au lieu de prendre en considération la date probable de celui-ci, conformément aux exigences de l’article 58 du statut et, d’autre part, converti, en violation des articles 58 et 59 du statut, des jours de congé de maladie en jours de congé de maternité.

60      Aucun des arguments de la Commission n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

61      S’agissant, premièrement, de l’argument selon lequel sa méthode d’application de l’article 58 du statut constitue la seule façon d’éviter toute discrimination entre les femmes enceintes, il y a lieu de relever que le raisonnement de la Commission conduit précisément à opérer une discrimination entre, d’une part, les femmes enceintes ayant une grossesse sans difficultés et n’ayant donc pas besoin de prendre un congé de maladie tel que prévu à l’article 59 du statut et, d’autre part, celles qui, comme la requérante, sont contraintes de prendre un congé de maladie avant leur congé de maternité, car elles sont dans l’incapacité de travailler. En effet, force est de constater que la méthode préconisée par la Commission conduirait à faire bénéficier d’une même période de congé deux fonctionnaires se trouvant pourtant dans des situations objectivement différentes.

62      De même, cette méthode aboutirait à attacher des conséquences différentes à une maladie liée à l’état de grossesse selon que cette maladie intervient ou non avant la période de six semaines précédant la date réelle d’accouchement. En effet, dans la première hypothèse, la femme enceinte se verrait octroyer le bénéfice à la fois de son congé de maladie et de l’intégralité de son congé de maternité, tandis que, dans la seconde hypothèse, elle se verrait privée du droit de bénéficier d’un congé de maladie dans la mesure où celui-ci serait converti en congé de maternité.

63      Deuxièmement, s’agissant de l’argument tiré du manuel de gestion des congés et des absences ainsi que de l’existence de certains autres documents rédigés à l’attention des fonctionnaires, tels que celui publié aux Informations administratives du 8 mai 1989, intitulé « Absence pour maladie », il suffit de constater que de tels instruments administratifs ne sauraient, à l’évidence, prévaloir sur les règles claires et précises du statut, conformément au principe fondamental de hiérarchie des normes.

64      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’annuler la décision attaquée, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde branche du moyen unique de la requérante, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la protection des droits acquis.

 Sur le recours en indemnité

 Arguments des parties

65      La requérante prétend avoir subi un préjudice qu’elle chiffre à 10 000 euros et qui résulterait du fait que certains jours d’absence qui auraient dû être compris dans son congé de maternité ont, à tort, été imputés sur ses congés annuels de 2003.

66      La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées (arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 90).

67      En l’espèce, selon la Commission, il existerait un lien étroit entre le recours en indemnité et le recours en annulation, compte tenu du fait que le préjudice invoqué résulte du calcul prétendument erroné du congé de maternité de la requérante.

68      La Commission fait ainsi valoir que, le congé de maternité ayant été calculé correctement par l’AIPN, la demande en annulation est non fondée et, par conséquent, la demande en réparation du préjudice matériel prétendument subi doit également être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la nature et l’étendue de ce préjudice ainsi que le lien de causalité entre le comportement reproché et celui-ci.

69      Subsidiairement, la Commission relève que la requérante se contente d’affirmer que des congés plus longs auraient été les bienvenus et qu’elle aurait volontiers fait l’économie des tracas administratifs et du temps qu’a supposés l’introduction d’une telle réclamation, sans apporter de preuves concluantes quant à l’existence ou à l’étendue du préjudice qu’elle invoque (arrêt de la Cour du 7 mai 1998, Somaco/Commission, C‑401/96 P, Rec. p. I‑2587, point 71, et arrêt du Tribunal du 21 juin 2000, Héritiers d’Edmond Ropars/Conseil, T‑429/93, Rec. p. II‑2439).

70      En outre, la requérante n’aurait pas établi l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission, à savoir la méthode utilisée par celle-ci pour calculer son congé de maternité, d’une part, et le préjudice allégué, à savoir le désagrément prétendument supporté à la suite de l’imputation de certains jours d’absence non couverts par ses congés de maternité et d’allaitement sur ses vacances, d’autre part. La Commission soutient, en effet, que c’est en pleine connaissance de cause et de son propre chef que la requérante s’est absentée postérieurement à la fin de ses congés de maternité et d’allaitement, dans la mesure où la détermination de la fin et du début de son congé de maternité lui avait été communiquée alors qu’elle était encore en congé d’allaitement. Par conséquent, même si la requérante avait subi un désagrément, celui-ci ne serait nullement dû au comportement de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

71      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté suppose la réunion de trois conditions : l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 21 février 1995, Moat/Commission, T‑506/93, RecFP p. I‑A‑43 et II‑147, points 46 à 49, et du 28 novembre 2002, Scan Office Design/Commission, T‑40/01, Rec. p. II‑5043, point 18).

72      Il résulte de l’examen du recours en annulation exposé précédemment que, en l’espèce, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission doit être considérée comme remplie.

73      Toutefois, il convient de rappeler, par ailleurs, que, selon une jurisprudence constante, il appartient à la partie qui met en cause la responsabilité de la Communauté d’apporter des preuves concluantes quant à l’existence ou à l’étendue du préjudice invoqué et d’établir le lien de causalité entre ce dommage et le comportement incriminé (arrêts Somaco/Commission, point 69 supra, point 71, et Héritiers d’Edmond Ropars/Conseil, point 69 supra, point 45).

74      À cet égard, il suffit de relever que la requérante se contente d’affirmer, dans la requête, que certains jours d’absence qui auraient dû être pris en compte au titre de son congé de maternité ont, à tort, été imputés sur ses congés annuels de 2003, que des congés plus longs auraient été les bienvenus et qu’elle aurait volontiers fait l’économie des tracas administratifs et du temps qu’a supposés l’introduction d’une réclamation, puis la mise en œuvre d’un recours.

75      S’agissant du préjudice matériel résultant de ce que la requérante aurait prétendument dû prendre des jours de congés annuels qui, en réalité, auraient dû lui être octroyés de plein droit au titre de son congé de maternité, force est de constater que ce préjudice matériel, à le supposer avéré, est pleinement réparé par l’annulation de la décision attaquée, les mesures d’exécution de l’arrêt impliquant que la requérante se voie restituer les jours de congés annuels qu’elle aurait pris en vue de combler le déficit de jours de congé de maternité dont elle a été privée du fait de l’illégalité constatée.

76      S’agissant du préjudice moral, résultant de ce que la requérante aurait été privée de vacances plus complètes, il convient de relever que celle-ci ne démontre aucunement que, du fait de l’illégalité constatée, elle s’est trouvée empêchée de prendre, notamment sous forme de congés annuels, des jours de congés lui permettant d’obtenir les vacances dont elle prétend avoir été privée.

77      En tout état de cause, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi, notamment si la décision attaquée n’a comporté aucune appréciation blessante à son égard (arrêts du Tribunal du 25 février 1999, Giannini/Commission, T‑282/97 et T‑57/98, RecFP p. I‑A‑33 et II‑151, point 40, et du 9 juillet 2002, Zavvos/Commission, T‑21/01, RecFP p. I‑A‑101 et II‑483, point 325).

78      En l’espèce, la requérante n’ayant fait l’objet d’aucune appréciation blessante dans la décision attaquée, le Tribunal considère que l’annulation de celle-ci constitue une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral invoqué. Il en va de même du préjudice résultant de ce que la requérante aurait dû faire face à des tracas administratifs et passer du temps pour l’introduction d’une réclamation, puis la mise en œuvre d’un recours.

79      Il résulte de ce qui précède que le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 23 octobre 2003 fixant les dates de début et de fin du congé de maternité de la requérante est annulée.






2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission est condamnée aux dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.