Language of document : ECLI:EU:T:2014:896

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 octobre 2014 (*) (1)

« Aides d’État – Électricité – Tarif préférentiel – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Notion d’aide d’État – Aide nouvelle – Égalité de traitement – Délai raisonnable »

Dans l’affaire T‑291/11,

Portovesme Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Mes F. Ciulli, G. Dore, M. Liberati et A. Vinci, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et É. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation totale, ou partielle « dans la mesure jugée raisonnable », de la décision 2011/746/UE de la Commission, du 23 février 2011, relative aux aides d’État C 38/B/04 (ex NN 58/04) et C 13/06 (ex N 587/05) mises à exécution par l’Italie en faveur de Portovesme Srl, ILA SpA, Eurallumina SpA et Syndial SpA (JO L 309, p. 1), et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de ladite décision en tant qu’y est ordonnée la restitution des aides en cause,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Portovesme Srl, est un producteur de métaux non ferreux, au nombre desquels figurent, en ce qui concerne ses usines de Portoscuso (Italie) et San Gavino (Italie), le zinc, l’argent et le plomb.

2        Par l’article 1er du décret du président du Conseil des ministres du 6 février 2004 (GURI n° 93, du 21 avril 2004, p. 5, ci-après le « décret de 2004 »), « les conditions [tarifaires] prévues au point 2 du décret du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat du 19 décembre 1995 [ont été étendues] aux fournitures d’énergie destinées à la production et transformation de l’aluminium, du plomb, de l’argent et du zinc dans les limites des structures existantes à la date d’entrée en vigueur du présent décret situées dans des territoires insulaires caractérisés par une absence ou une insuffisance de connexions aux réseaux nationaux de gaz et d’électricité ».

3        Le décret de 2004 a donc permis à de nouveaux bénéficiaires, dont la requérante, de se voir appliquer le tarif préférentiel déjà accordé jusqu’au 31 décembre 2005 à Alcoa Trasformazioni Srl, productrice d’aluminium établie en Sardaigne (Italie), par le décret ministériel du 19 décembre 1995 (GURI n° 39, du 16 février 1996, p. 8, ci-après le « décret de 1995 »). Cette extension devait revêtir un caractère temporaire et prendre fin avec la mise en place ou le renforcement des connexions susmentionnées ou, au plus tard, le 30 juin 2007.

4        Il importe de préciser que le décret de 1995 s’inscrivait dans le cadre de la privatisation d’Alumix SpA. Cette privatisation a donné lieu à la communication de la Commission, adressée aux autres États membres et autres intéressés, conformément à l’article [88], paragraphe 2, [CE], concernant une aide d’État du gouvernement italien en faveur d’Alumix, notifiée à la République italienne et publiée le 1er octobre 1996 (JO C 288, p. 4 ; ci-après la « décision Alumix »).

5        Le décret de 2004 prévoit, en son article 1er, premier alinéa, que l’Autorità per l’energia elettrica e il gas (autorité italienne pour l’énergie électrique et le gaz, ci-après l’« AEEG ») « étend[e] les conditions tarifaires prévues au point 2 » du décret de 1995. Ce dernier comporte cinq points, dont les deux premiers sont pertinents au titre du présent litige. Le point 1 dudit décret dispose que « le barème de la fourniture d’électricité pour la production d’aluminium primaire figurant au tableau A-9 joint en annexe de la décision n° 15 du 14 décembre 1993 est abrogé à partir du 1er janvier 1996 » et que, « [e]n remplacement, s’appliquent les tarifs par tranches horaires prévus au tableau A-6 de cette mesure ». Le point 2 du décret de 1995 énonce que « le régime de surtaxes prévu par la mesure CIP n° 13 du 24 juillet 1992 et ses modifications ultérieures, à appliquer à toute fourniture destinée aux productions d’aluminium primaire dans les limites des structures existantes à la date d’entrée en vigueur du présent décret, est abrogé au 31 décembre 2005 ».

6        Il convient, à cet égard, de rappeler que, en Italie, il revient au Comitato interministeriale dei prezzi (comité interministériel des prix, ci-après le « CIP ») de fixer les niveaux de prix et les conditions afférentes à la fourniture d’électricité. Le tarif d’électricité comprend une part forfaitaire, « correspondant à l’énergie électrique promise ou fournie », et une part variable, « qui est fonction de l’énergie consommée » (point 2.5.1 de la décision Alumix). Cette part variable comprend elle-même deux composantes, le « prix de l’énergie » et la « surtaxe thermique ». À l’instar de la part forfaitaire, le « prix de l’énergie » sert à « couvrir […] les coûts administratifs et financiers de la production d’électricité » (même point de la décision Alumix), tandis que la « surtaxe thermique » « est liée aux coûts des combustibles utilisés pour la production d’électricité et aux coûts de l’acquisition d’électricité d’origine nationale ou étrangère » (même point de la décision Alumix).

7        La part forfaitaire et le « prix de l’énergie » avaient été déterminés, au moment de l’adoption de la décision Alumix, par la décision n° 45/1990 du CIP, la « surtaxe thermique » l’étant par sa décision n° 26/1989. Par la décision n° 13/1992 du CIP, la « surtaxe thermique » pour la production d’aluminium de première fusion dans la fonderie sise sur le territoire de la commune de Portovesme, en Sardaigne, a été réduite des deux tiers, passant de 26,6 lires italiennes (ITL) par kilowatt/heure à 8,8 ITL. Ce tarif (ci-après le « tarif pré-Alumix ») est antérieur aux décisions prises par les autorités italiennes, dans le cadre de la privatisation d’Alumix, concernant les tarifs de l’électricité applicables aux fonderies d’aluminium établies sur le territoire des communes de Portovesme et de Fusina, en Vénétie (Italie).

8        À cet égard, la Commission des Communautés européennes avait indiqué que, « [s’agissant de] l’ancien tarif de l’électricité applicable à la fonderie de Portovesme en vertu de la décision n° 13/[1992] du CIP, prévoyant une diminution de la surtaxe thermique, il y a[vait] lieu de conclure que cette réduction thermique constitu[ait] une aide d’État », cette décision, « prise unilatéralement par le gouvernement italien, a[yant] réduit le coût supporté par cette fonderie, sans accorder le bénéfice de cette mesure à d’autres industries du reste de l’Italie » (point 4.2 de la décision Alumix).

9        Le tarif pré-Alumix a, ensuite, été examiné « sous l’angle de la poursuite de l’objectif de développement régional à long terme au sens de l’article 92, paragraphe 3, [sous a], CE » (point 4.2 de la décision Alumix) et en tenant compte du fait que ces tarifs préférentiels avaient été supprimés à partir du 1er janvier 1996. La Commission a conclu que les « injections de capital, le paiement des dettes gelées et [‘le tarif pré-Alumix’ relevaient] donc des dérogations prévues à l’article 92, paragraphe 3, [sous a et c], CE » (point 5 de la décision Alumix).

10      La privatisation d’Alumix (qui a abouti à la cession de la plupart des actifs du groupe Alumix à Alcoa Italia SpA, devenue, à l’issue de ce processus, Alcoa Trasformazioni) avait amené le législateur italien à adopter une série de mesures, dont certaines concernaient la réduction des tarifs d’électricité applicables à cette société. À ce titre avaient été adoptés trois tarifs différents, l’un concernant l’usine sise à Portovesme, les deux autres concernant l’usine sise à Fusina. Pour ces deux usines, le tarif comprenait le coût marginal de production d’électricité dans la région concernée, à savoir 36 ITL par kilowatt/heure pour l’usine de Portovesme et 39 ITL par kilowatt/heure pour l’usine de Fusina, cette base étant majorée d’une participation aux coûts fixes.

11      Le tableau reproduit après le quatrième alinéa du point 2.5.2 de la décision Alumix expose le tarif applicable à la fonderie sise à Portovesme pour les années 1996 à 2005. Quant à la fonderie de Fusina, son approvisionnement faisait l’objet de deux contrats distincts, l’un conclu entre l’Ente nazionale per l’energia elettrica (ENEL) et SAVA, une entreprise rachetée par Alumix, l’autre fixant un tarif calculé à partir du coût marginal moyen de l’électricité produite, à savoir 39 ITL par kilowatt/heure. Ce sont les premier et troisième tarifs qui constituaient, à la date d’adoption de la décision Alumix, la dernière évolution des tarifs préférentiels de l’électricité (ci-après le « tarif Alumix »).

12      Dans le premier cas, concernant l’usine de Portovesme, la Commission a considéré ce qui suit :

« [D]ans les circonstances actuelles, ENEL a le comportement normal d’une entreprise commerciale et […] le tarif qu’elle pratique ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 92, paragraphe 1, [CE] » (point 4.2 de la décision Alumix).

13      Dans le second cas, concernant l’usine de Fusina, elle a adopté un raisonnement similaire s’agissant du troisième tarif, calculé à partir du coût marginal moyen de l’électricité produite.

14      Enfin, toujours en ce qui concerne cette usine, mais à propos du contrat conclu entre ENEL et SAVA (deuxième tarif), elle a indiqué qu’il s’agissait d’une opération commerciale normale et que, au lieu d’être versé en une fois, le paiement de cinq centrales hydroélectriques et du réseau correspondant avait été échelonné sur plusieurs années et avait été effectué sous la forme d’une fourniture d’électricité.

15      La Commission a donc considéré que ces trois tarifs – dont le tarif Alumix – ne comportaient « aucun élément d’aide d’État au sens de l’article 92, paragraphe 1, [CE] » (dernier alinéa du point 4.2 de la décision Alumix).

16      La mise en œuvre du tarif préférentiel résultant du décret de 2004, exposé aux points 2 et suivants ci-dessus, supposait que l’AEEG prît une décision en ce sens.

17      Celle-ci a adopté la décision n° 110/04, du 5 juillet 2004, subordonnant l’octroi du tarif préférentiel à l’issue positive de la procédure de notification, au sens des règles en matière d’aides d’État.

18      Toutefois, il s’est avéré que les autorités italiennes n’avaient pas procédé à ladite notification, mais que c’est à la suite de la communication qui lui avait été faite d’articles de presse que la Commission avait demandé à la République italienne, par lettres des 22 janvier et 19 mars 2004, des éclaircissements concernant les mesures en cause. Par courriers des 9 février, 9 juin et 20 septembre 2004, cet État membre a apporté des précisions à la Commission, notamment concernant le décret de 2004, a informé l’AEEG du cadre dans lequel ces éléments avaient été fournis et lui a donné instruction de mettre en œuvre ledit décret, ce qui a été fait par la décision n° 148/04, du 9 août 2004.

19      Par décision notifiée à la République italienne par lettre du 16 novembre 2004, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’aide d’État C 38/2004 (ex NN 58/04) – Aides en faveur de la société Portovesme Srl (résumé au JO 2005, C 30, p. 7).

20      Le 17 décembre 2004, l’AEEG a informé le ministre des Activités productives italien du fait que, compte tenu de ladite décision, elle interrompait avant terme l’application du régime issu du décret de 2004.

21      Il résulte des renseignements communiqués dans le cadre de la procédure administrative par la République italienne que, en application dudit régime, pour l’électricité consommée entre le mois d’avril et le mois d’octobre 2004, la requérante a perçu de l’organisme public Cassa Conguaglio per il settore elettrico (caisse de péréquation italienne pour le secteur électrique) des versements d’un montant total de 12 845 892,82 euros, représentant l’indemnité compensatoire obtenue en effectuant la différence entre le prix pratiqué par le fournisseur d’électricité de la requérante et le tarif préférentiel fixé par l’État, multiplié par la quantité d’énergie électrique consommée.

22      Toutefois, le 14 mars 2005, les autorités italiennes ont adopté le décret-loi n° 35 (GURI n° 111, du 14 mai 2005, p. 4), converti en loi, après modification, par la loi n° 80, du 14 mai 2005 (supplément ordinaire à la GURI n° 91, du 14 mai 2005, ci-après la « loi de 2005 »).

23      En vertu de l’article 11, paragraphe 12, de la loi de 2005, le tarif préférentiel accordé à la requérante a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2010. Cependant, tandis que le décret de 2004 n’avait pas fait l’objet d’une notification à la Commission, non plus que l’article 11, paragraphe 11, de la loi de 2005, concernant le tarif préférentiel appliqué à Alcoa Trasformazioni, l’article 11, paragraphe 12, de cette même loi a été notifié à la Commission conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE le 23 novembre 2005, un courrier complémentaire intervenant le 28 novembre suivant.

24      Par lettre du 22 décembre 2005, la Commission a demandé des informations supplémentaires à la République italienne, qui les lui a fournies par courrier du 3 mars 2006.

25      Par décision notifiée à la République italienne par lettre du 26 avril 2006, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’aide d’État C 13/06 (ex N 587/05) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Sardaigne (résumé au JO C 145, p. 8).

26      Le 22 août 2006, des précisions complémentaires ont été demandées par la Commission, que la République italienne a apportées par courrier du 28 septembre 2006.

27      L’application du régime issu de l’article 11, paragraphe 12, de la loi de 2005 étant subordonnée à l’autorisation de la Commission, compte tenu de la notification intervenue, ledit régime n’a pas été mis à exécution.

28      Le 29 octobre 2008, la Commission a décidé d’examiner séparément le tarif préférentiel issu du décret de 2004 selon qu’il concernait, d’une part, Alcoa Trasformazioni et, d’autre part, les nouveaux bénéficiaires dudit tarif, dont la requérante.

29      Après divers échanges entre la Commission et la République italienne, il est apparu que le tarif préférentiel dont bénéficiait Alcoa Trasformazioni n’avait pas, dans les faits, été prorogé par le décret de 2004, cette dernière étant demeurée régie par le décret de 1995 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 11, paragraphe 11, de la loi de 2005.

30      Par la décision 2011/746/UE, du 23 février 2011, relative aux aides d’État C 38/B/04 (ex NN 58/04) et C 13/06 (ex N 587/05) mises à exécution par l’Italie en faveur de Portovesme Srl, ILA SpA, Eurallumina SpA et Syndial SpA (JO L 309, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), la Commission, d’une part, concernant l’aide résultant, selon elle, de l’article 11, paragraphe 12, de la loi de 2005, a considéré que celle-ci était incompatible avec le marché intérieur et, par suite, a interdit à la République italienne de la mettre à exécution et, d’autre part, concernant l’aide issue, d’après elle, du décret de 2004, l’a regardée comme étant également incompatible avec le marché intérieur et, en conséquence, a ordonné à la République italienne de procéder à sa récupération auprès de ses bénéficiaires.

31      La décision attaquée a été notifiée à la requérante le 31 mars 2011.

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2011, la requérante a introduit le présent recours.

33      Le 27 octobre 2011, la Commission a fait parvenir au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

34      Le 17 novembre 2011 et le 9 janvier 2012 ont été respectivement déposés au greffe du Tribunal la réplique et la duplique.

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle l’affaire a, par conséquent, été réattribuée. Par la suite, la présente affaire a été confiée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la même chambre.

36      À la suite du renouvellement partiel du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été réattribuée.

37      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 décembre 2013.

39      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler totalement, ou partiellement « dans la mesure jugée raisonnable », la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ladite décision en tant qu’y est ordonnée la restitution des aides en cause ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

41      Dans le cadre de ses conclusions présentées à titre principal, la requérante demande au Tribunal de procéder, d’abord, à l’annulation totale de la décision attaquée et, ensuite, à défaut, à l’annulation partielle de cette dernière « dans la mesure jugée raisonnable ». Dans le cadre de ses conclusions présentées à titre subsidiaire, elle demande au Tribunal de procéder à l’annulation de la décision attaquée « en tant qu’y est ordonnée la restitution des aides en cause ».

42      Toutefois, invitée par le Tribunal, lors de l’audience, à préciser la portée de ses conclusions, la requérante a indiqué que ses chefs de conclusions devaient être compris comme se limitant à une demande d’annulation de la décision attaquée dans la mesure où cette décision la concernait, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

43      Ces précisions conduisent à juger le recours comme étant recevable dans la mesure où la requérante demande, à titre principal, l’annulation de la décision attaquée en ce qui la concerne et, à titre subsidiaire, l’annulation de cette même décision en tant qu’elle lui fait obligation de restituer l’aide qui lui avait été consentie.

44      Cependant, concernant la demande d’annulation partielle de la décision attaquée « dans la mesure jugée raisonnable », il importe de rappeler que, lorsque le juge de l’Union européenne est saisi d’une demande d’annulation d’un acte visé à l’article 263 TFUE, sa compétence est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec. p. I‑4695, point 36, et arrêt du Tribunal du 9 juin 2009, NDSHT/Commission, T‑152/06, Rec. p. II‑1517, point 73).

45      Le constat d’une illégalité, pour l’une des causes énoncées à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, doit donc le conduire à annuler, selon les cas, en tout ou en partie, ledit acte, en fonction, notamment, de la nature et de la portée de ladite illégalité, sans qu’il puisse décider de cette annulation ou en moduler l’étendue pour des considérations tenant à l’équité ou l’opportunité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Micha/Commission, T‑50/04, RecFP p. I‑A‑339 et II‑1499, point 46), considérations auxquelles semble faire appel la requérante par l’emploi de l’expression « dans la mesure jugée raisonnable ».

46      Le recours est donc recevable, exception faite de la seconde partie du chef de conclusions présenté à titre principal par la requérante, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée « dans la mesure jugée raisonnable ».

 Sur le fond

47      À l’appui de son recours, la requérante soulève onze moyens.

48      Le premier moyen est tiré de la violation du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime et des articles 4, 7, 10 et 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), le deuxième moyen est pris de l’exposé erroné et incomplet du cadre juridique applicable à la présente affaire, et de la violation consécutive du devoir de diligence et d’impartialité de la Commission, le troisième moyen porte sur la violation du principe d’égalité de traitement entre Alcoa Trasformazioni et la requérante, le quatrième moyen repose sur l’absence d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le cinquième moyen est fondé sur le fait que la Commission a adopté des prémisses inexactes pour édicter la décision attaquée, le sixième moyen est pris du caractère existant de l’aide en cause, le septième moyen est fondé sur sa compatibilité « avec le marché commun », le huitième moyen repose sur la violation des articles 2 CE, 3 CE, 5 CE et 12 CE ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le neuvième moyen porte sur la violation de l’article 174 TFUE et de la déclaration n° 30, relative aux régions insulaires, annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam, modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (JO 1997, C 340, p. 136, ci-après la « déclaration relative aux régions insulaires »), le dixième moyen a trait à la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a) à c), TFUE, des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9) et à l’absence de prise en compte des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13), et le onzième moyen, à l’instar du premier, est tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

49      Le Tribunal juge opportun de statuer en premier lieu sur le huitième moyen.

 Sur le huitième moyen, relatif à la violation des articles 2 CE, 3 CE, 5 CE et 12 CE ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

50      Aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette exigence suppose que les indications en cause soient suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci est fondé ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du Tribunal du 7 décembre 2010, Frucona Košice/Commission, T‑11/07, Rec. p. II‑5453, point 59, et du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, non publié au Recueil, point 28).

51      La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consistent le ou les moyens sur lesquels elle est fondée, de sorte que leur seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333, et du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, Rec. p. II‑1, point 54). Or, force est de relever que la requérante se borne, dans le cadre de son huitième moyen, sans fournir le moindre argument à l’appui de ses allégations (arrêts Kronoply/Commission, précité, point 56, et Italie/Commission, précité, point 28), à invoquer la violation de dispositions de droit primaire, de surcroît caduques, puisqu’elle vise le traité CE et non le traité FUE, applicable à la date de la décision attaquée, en ce qu’elles constituent des illustrations (formulées en termes très généraux, comme s’agissant de l’objectif d’un niveau d’emploi élevé et d’un haut degré de compétitivité, mentionné à l’article 2 CE) des principes généraux d’égalité de traitement et de proportionnalité. La méconnaissance de ces derniers est également invoquée en tant que telle, de façon tout aussi imprécise. Par conséquent, en n’indiquant pas en quoi la Commission, dans la décision attaquée, a méconnu lesdits principes, la requérante soumet au Tribunal un moyen qu’il convient de rejeter comme étant irrecevable, conformément à la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par la Commission.

52      Il convient, en deuxième lieu, d’analyser la teneur de la deuxième branche du quatrième moyen de la requérante, dans le cadre de laquelle cette dernière invoque la violation de l’obligation de motivation, qui relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et dont l’examen doit, par conséquent, être disjoint de celui du reste dudit moyen (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 66 à 68, et arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 97).

 Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qui concerne le deuxième grief de cette dernière, relatif à la violation de l’obligation de motivation s’agissant du caractère sélectif de la mesure en cause

53      La requérante soutient que le caractère incomplet de l’argumentation de la Commission, dans la décision attaquée, quant au caractère sélectif de l’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne lui a pas permis de déterminer quel était le raisonnement juridique qui avait conduit cette institution à conclure, en l’espèce, à la sélectivité de l’aide.

54      Ce grief tiré du défaut de motivation, qui n’est pas repris dans la réplique, ne résiste pas à l’examen de la décision attaquée. En effet, la Commission, certes de façon concise, y a énoncé, au considérant 117, sous le titre « Caractère sélectif » (point 5.1.2 de la décision attaquée), ce qui suit :

« Les tarifs d’électricité préférentiels italiens n’étant accordés qu’aux entreprises possédant des installations existantes situées en Sardaigne et opérant dans un nombre restreint de secteurs définis par les actes législatifs et réglementaires qui constituent la base juridique des mesures en cause, l’avantage conféré est de nature sélective. »

55      Compte tenu du fait que, par ailleurs, ces actes et les secteurs en cause sont définis avec précision aux considérants 21 à 37 de la décision attaquée, cette motivation a bien permis à la requérante de comprendre pourquoi la Commission avait considéré la mesure en cause comme présentant un caractère sélectif [sélectivité tant d’un point de vue géographique (« territoires insulaires caractérisés par une absence ou une insuffisance de connexions aux réseaux nationaux de gaz et d’électricité », selon le décret de 2004 cité au considérant 21 de la décision attaquée, la loi de 2005 visant, pour sa part, expressément la Sardaigne, comme le rappellent les considérants 31 et 117 de cette même décision) que matériel (secteurs de la production et de la transformation de l’aluminium, du plomb, de l’argent et du zinc, toujours selon le considérant 21 de ladite décision citant le décret de 2004, auxquels il convient d’ajouter, en vertu de la loi de 2005 citée au considérant 31 susmentionné, le cycle chlore-soude)]. Partant, le Tribunal est lui-même mis en mesure d’exercer son contrôle sur la décision attaquée quant au caractère sélectif de l’aide.

56      Ces deux conditions (permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle) étant, selon une jurisprudence constante, requises pour que soit respectée l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 15, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 59, et la jurisprudence citée), il convient d’en déduire que la Commission a, en l’espèce, quel que soit le bien-fondé de la motivation retenue, que la requérante discute par ailleurs, satisfait à ladite obligation.

57      Il échet donc de rejeter le grief tiré du défaut de motivation de la décision attaquée.

58      Il importe, en troisième lieu, d’examiner conjointement les premier et onzième moyens, tous deux relatifs à la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime et des articles 4, 7, 10 et 14 du règlement n° 659/1999, et le onzième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

59      Les premier et onzième moyens comportent deux séries d’arguments, l’une portant sur la violation de diverses dispositions du règlement n° 659/1999 et l’autre sur celle des principes généraux du droit que sont la sécurité juridique et la protection de la confiance légitime.

60      S’agissant de la première série d’arguments, la requérante invoque, tout d’abord, concernant le décret de 2004, la violation de l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999, en ce que cette disposition prévoit que « [l]a Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure ». Cette disposition prévoit également la possibilité de proroger ledit délai d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné. La requérante fait valoir que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen a été adoptée le 16 novembre 2004, la décision attaquée l’étant près de sept ans plus tard, le 23 février 2011, et qu’aucun accord n’a été conclu entre la Commission et la République italienne en l’espèce. Toutefois, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, l’article 7 du règlement n° 659/1999 présuppose, selon ses termes mêmes, que la mesure ait été notifiée, ce qui n’a pas été le cas du décret de 2004. En outre, il résulte tant du libellé de cette disposition que de son interprétation par le juge de l’Union que ledit délai n’est qu’indicatif (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 57). Ce premier argument doit, par conséquent, être rejeté.

61      Elle invoque, ensuite, la violation de l’article 4 du règlement n° 659/1999, qui indique, en son paragraphe 5, que, sauf prorogation en vertu d’un accord mutuel entre la Commission et l’État membre, les décisions prises à la suite de la notification de la mesure le sont dans un délai de deux mois. Ici encore, concernant le décret de 2004, un tel argument ne saurait porter, faute pour ce texte d’avoir été dûment notifié. Concernant la loi de 2005, ledit délai a bien été respecté, puisque, selon l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999, « [l]a notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations ». Or, en l’espèce, comme cela a été rappelé aux points 10 à 12 ci-dessus, la République italienne a notifié l’article 11, paragraphe 12, de la loi de 2005 par courriers des 23 et 28 novembre 2005, la Commission lui a demandé des informations supplémentaires par courrier du 22 décembre 2005 (dans le délai initial de deux mois), apportées par la République italienne par courrier du 3 mars 2006, et la Commission a pris une décision dans un délai de deux mois à compter de cette réponse, le 26 avril 2006, en ouvrant la procédure formelle d’examen. L’argument tiré de la violation de l’article 4 du règlement n° 659/1999 n’est donc pas fondé.

62      La requérante soutient, enfin, que l’article 10 de ce règlement a été méconnu. L’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 prévoit que la Commission, en possession d’informations concernant une aide prétendue illégale (ce qui était le cas du décret de 2004), examine ces dernières « sans délai ». Toutefois, il importe de souligner que cela implique seulement, pour la Commission, un traitement immédiat, pouvant, par exemple, se traduire par une demande de renseignements adressée à l’État membre concerné, et non l’adoption immédiate d’une décision. Ainsi qu’il ressort du libellé même de cette disposition, c’est uniquement l’examen qui doit intervenir sans délai. Or, il résulte des pièces du dossier que, dès avant l’adoption du décret de 2004, par lettre du 22 janvier 2004, et immédiatement après, par lettre du 19 mars 2004, la Commission a demandé des renseignements à la République italienne. L’argument manque donc en fait.

63      La violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999 n’étant alléguée qu’en ce que cette disposition fait interdiction à la Commission, lorsqu’elle envisage d’ordonner la récupération d’une aide, d’aller à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union, elle sera appréciée au terme de l’examen de la seconde série d’arguments, s’il s’avérait qu’un tel principe ait été violé.

64      Il en résulte que la première série d’arguments ne peut prospérer.

65      S’agissant de la seconde série d’arguments, il convient d’examiner, d’abord, la question de la confiance légitime que la requérante pouvait fonder dans la pérennité de la compatibilité du tarif préférentiel avec le marché intérieur, du fait que quinze années s’étaient écoulées entre la décision Alumix et la décision attaquée, et, ensuite, celle de la violation du délai raisonnable découlant des exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

66      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime est un principe fondamental du droit de l’Union (arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52), qui permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir [arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Foods Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C‑369/09 P, Rec. p. I‑2011, point 123 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, non publié au Recueil, point 18]. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée (arrêt de la Cour du 1er février 1978, Lührs, 78/77, Rec. p. 169, point 6, et arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié au Recueil, point 102). Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt Producteurs de légumes de France/Commission, précité, point 19, et la jurisprudence citée).

67      S’agissant plus particulièrement de l’applicabilité de ce principe en matière d’aides d’État, il importe de préciser que, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Producteurs de légumes de France/Commission, précité, points 20 et 21, et la jurisprudence citée), sauf existence de circonstances exceptionnelles (arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, Rec. p. II‑4315, point 263).

68      De même, dans le cas d’aides non notifiées, l’absence de sécurité juridique dans le chef des bénéficiaires résulte de l’absence de notification des aides en cause (arrêt de la Cour du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑474/09 P à C‑476/09 P, non publié au Recueil, point 127).

69      C’est au regard de ces principes que doivent être examinés les arguments de la requérante.

70      D’abord, concernant l’argument tiré de l’écoulement du temps entre la décision Alumix et la décision attaquée, il importe de rappeler que la décision Alumix ne concernait pas la requérante, mais uniquement Alcoa Trasformazioni. Ce n’est que par le décret de 2004 qu’un certain nombre d’autres sociétés, dont la requérante, ont été élues au bénéfice du tarif préférentiel – tel qu’il avait évolué jusqu’alors. Or, le décret de 2004, comme cela a été rappelé aux points 5, 10, 47 et 48 ci-dessus, n’a pas été notifié à la Commission, mais, néanmoins, après certains atermoiements, mis à exécution, d’où l’obligation de restitution de l’aide posée par la Commission dans la décision attaquée. Par conséquent, la requérante ne pouvait fonder aucune confiance légitime sur une décision concernant une autre société qu’elle, à propos d’un tarif ayant lui-même beaucoup évolué, comme cela a été indiqué dans l’arrêt Alcoa Trasformazioni/Commission, précité, alors surtout que le tarif préférentiel, prévu pour une durée de dix ans et dont rien ne permettait d’être certain de la reconduction et, a fortiori, de l’extension, n’avait pas été notifié à la Commission. Pour la même raison, l’insécurité juridique éventuelle qu’a pu ressentir la requérante résultait, conformément à la jurisprudence, de cette absence même de notification. Bien plus, très tôt après l’adoption du décret de 2004, la Commission a ouvert, le 16 novembre 2004, la procédure formelle d’examen concernant ledit décret et, s’agissant de l’article 11, paragraphe 12, de la loi de 2005, régulièrement notifié, a fait de même le 26 avril 2006. Par conséquent, dès le mois d’avril 2006, soit environ deux ans après l’adoption de la première mesure la concernant, la requérante savait que la Commission concevait des « doutes », puisque c’est là la raison même de l’ouverture de ce type de procédure, quant à sa compatibilité avec le marché commun (devenu marché intérieur à la date d’adoption de la décision attaquée).

71      Ensuite, concernant l’argument tiré de la violation du délai raisonnable par la Commission, il importe de rappeler que ce principe s’applique en matière d’aides d’État (arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 4, et du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, points 12 à 17).

72      S’il est vrai que la durée s’étant écoulée entre la date de la première décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen et la décision attaquée est importante (près de sept ans), il convient néanmoins de souligner que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (arrêts de la Cour du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 116, et du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, non encore publié au Recueil, point 82 ; arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec. p. II‑5015, point 136).

73      Il ressort, en outre, de la jurisprudence rendue en matière de droit de la concurrence, laquelle est transposable, par analogie, en matière d’aides d’État (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non publié au Recueil, point 175), que, « [l]orsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d’être invoquée devant le juge de l’Union » (arrêt Djebel – SGPS/Commission, précité, même point).

74      Le juge de l’Union a déjà jugé qu’un délai de près de dix ans entre le dépôt d’une plainte et l’adoption de la décision de rejet de celle-ci, et de sept ans entre ledit dépôt et l’information orale du rejet ultérieur de cette même plainte, ne constituait pas, dans les circonstances de l’espèce, une violation du délai raisonnable en raison de la complexité de l’affaire et de la nécessité d’examiner, dans un contexte mondial, de nombreux faits et documents (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Haladjian Frères/Commission, T‑204/03, Rec. p. II‑3779, points 192 à 196). De la même façon, toujours en raison des circonstances (à savoir un retard en partie imputable aux autorités espagnoles) et de la complexité de l’affaire (au cas particulier, le caractère ardu de la législation espagnole, dû à une succession rapide de différents régimes fiscaux), un délai de plus de six ans et demi s’étant écoulé entre le moment où la Commission avait eu connaissance des régimes d’aides en cause et celui de l’ouverture de la procédure formelle d’examen concernant ces derniers n’a pas été regardé comme étant déraisonnable (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, Rec. p. II‑2919, points 259 à 277).

75      Or, il convient de relever que, dans la présente espèce, plusieurs circonstances ont rendu la conduite de la procédure administrative très complexe. Tout d’abord, la Commission a été conjointement saisie de deux problématiques distinctes, présentant chacune leurs spécificités, concernant, d’une part, la prorogation du tarif préférentiel – tel qu’ayant évolué – au profit d’Alcoa Trasformazioni et, d’autre part, l’extension dudit tarif à d’autres bénéficiaires. De plus, ces prorogation et extension sont intervenues en deux temps, d’abord par le décret de 2004 – que la Commission avait initialement regardé comme emportant prorogation du tarif préférentiel au bénéfice d’Alcoa Trasformazioni [considérant 2 de la décision 2010/460/CE de la Commission, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06), mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni (JO 2010, L 227, p. 62)] avant de le voir comme constituant seulement le volet « extension » de ce tarif à d’autres bénéficiaires (considérant 23 de la décision attaquée) – puis par la loi de 2005. De surcroît, sur les trois instruments en cause (décret de 2004, article 11, paragraphe 11, de la loi de 2005 et article 11, paragraphe 12, de cette même loi), seul le dernier a fait l’objet d’une notification régulière. En outre, il résulte des pièces du dossier, ce qu’admet la requérante au point 51 de la requête, que les échanges de la République italienne avec la Commission ont duré jusqu’en 2007, à propos de la loi de 2005. Cela réduit donc à quatre ans la durée qui s’est écoulée entre ces derniers échanges et la décision attaquée. Enfin, le dernier facteur est lié à la contestation juridictionnelle de la décision notifiée à la République italienne par lettre du 19 juillet 2006, concernant l’aide d’État C 36/06 (ex NN 38/06) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Italie (résumé au JO C 214, p. 5), marquant l’ouverture de la procédure formelle d’examen relative à la prorogation du tarif préférentiel consenti à Alcoa Trasformazioni. La Commission ne saurait être blâmée d’avoir attendu l’arrêt du Tribunal, intervenu le 25 mars 2009, pour adopter la décision 2010/460 et, ce volet de l’affaire traité, poursuivre l’instruction concernant les nouveaux bénéficiaires du tarif préférentiel.

76      Il convient donc de juger que les circonstances particulières de l’espèce permettent d’expliquer la longueur de la procédure administrative en cause et, partant, de rejeter l’argument tiré de la violation du délai raisonnable par la Commission.

77      Il en résulte que la seconde série d’arguments doit également être écartée.

78      Par suite, les premier et onzième moyens doivent être rejetés.

79      Les autres moyens du recours seront traités dans l’ordre de leur présentation par la requérante.

 Sur le deuxième moyen, pris de l’exposé erroné et incomplet du cadre juridique applicable à la présente affaire et de la violation consécutive du devoir de diligence et d’impartialité de la Commission

80      La requérante prétend que la détermination, par le décret de 2004 et les décisions l’ayant mis en œuvre, du tarif préférentiel aboutit à un tarif identique au tarif pré-Alumix, regardé par la Commission comme étant compatible avec le marché commun dans la décision Alumix. Elle estime être en droit de se prévaloir de ce précédent pour que l’aide soit considérée comme étant compatible avec le marché intérieur. Si tel était le cas, la requérante ne serait pas tenue de restituer les montants perçus au titre de ladite mesure. Cela suppose, toutefois, que la pratique décisionnelle en cause soit légale et invocable (car la Commission n’est pas tenue par sa pratique décisionnelle antérieure, mais l’est, en revanche, par le principe d’égalité de traitement s’agissant des mêmes aides).

81      La requérante fonde son analyse sur le raisonnement suivant : le décret de 2004, en son article 1er, premier alinéa, se réfère au point 2 du décret de 1995, qui opère lui-même un renvoi à la décision n° 13/92 du CIP. Or, cette décision façonnait, notamment s’agissant de la « surtaxe thermique », le tarif pré-Alumix. C’est donc bien ce tarif, reconnu, en 1996, comme étant compatible avec le marché commun, qui lui a été appliqué en 2004, ce qui implique naturellement, conclut-elle, l’illégalité de la décision attaquée sur cette question.

82      Le deuxième moyen de la requérante ne peut être accueilli.

83      Il convient d’abord de souligner que, dans le cadre de la privatisation d’Alumix, la République italienne s’était engagée vis-à-vis d’Alcoa Italia à respecter le tarif Alumix [cette dernière était même contractuellement en droit de suspendre l’exploitation des usines susmentionnées si, « pendant trois mois ou plus, sur une période de six mois, les tarifs de l’électricité dépass[ai]ent d’au moins 5 % les tarifs prévus » (point 2.7 de la décision Alumix)], de sorte que, lorsque le décret de 1995 a été adopté, il a repris les caractéristiques du tarif Alumix, ainsi que cela a été confirmé par la Commission lors de l’audience. La décision Alumix, adoptée en 1996, le valide donc implicitement.

84      Ainsi que cela a été rappelé aux points 6 à 15 ci-dessus, le tarif préférentiel approuvé par la Commission dans la décision Alumix recouvrait une réalité multiforme, à savoir, d’abord, le tarif d’origine, accordé par ENEL à Alumix en vertu, notamment, de la décision n° 13/1992 du CIP (le tarif pré-Alumix) et, ensuite, les tarifs consentis à Alumix dans l’optique de sa privatisation et pérennisés par le décret de 1995 au profit du principal acquéreur du groupe Alumix, Alcoa Italia, devenue Alcoa Trasformazioni (le tarif Alumix).

85      Il échet ensuite de relever que, si, d’un point de vue formel, il est exact que le décret de 2004 procède à un renvoi au point 2 du décret de 1995, il n’en demeure pas moins que, comme l’indique à bon droit la Commission, celui-ci ne peut être lu isolément du point 1. Aux termes de ce dernier, comme rappelé au point 5 ci-dessus, le régime spécifique de prix pour l’aluminium primaire figurant dans le tableau A-9 annexé à la décision n° 15/93 du CIP était abrogé à partir du 1er janvier 1996, au profit d’un régime comprenant des tarifs par tranches horaires, figurant dans le tableau A-6 annexé à ladite décision, sans que cela emporte de modification quant à la « surtaxe thermique » définie conformément à la décision n° 13/92 du CIP.

86      Par conséquent, tant le tarif pré-Alumix que le tarif Alumix contenaient, au nombre des éléments permettant leur détermination, la « surtaxe thermique » réduite, seul élément entrant dans la détermination du prix final de l’électricité défini par la décision n° 13/92 du CIP.

87      Ce n’est donc ni le tarif pré-Alumix ni le tarif Alumix que la requérante s’est vu appliquer, mais bien le régime issu du décret de 1995 tel qu’ayant évolué jusqu’au seuil de l’année 2004. Ainsi, en 2004, l’extension à d’autres bénéficiaires dudit tarif par le décret de 2004 n’avait plus le même objet qu’en 1996, à la date d’adoption de la décision Alumix.

88      Cela conduit à rejeter le deuxième moyen, y compris concernant l’exigence d’impartialité de la Commission, puisqu’elle a traité de la même façon la requérante et Alcoa Trasformazioni à compter de l’adoption des nouvelles mesures (à savoir le décret de 2004 et la loi de 2005), ce qui sera plus amplement développé par le Tribunal dans le cadre de sa réponse au troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, portant sur la violation du principe d’égalité de traitement entre Alcoa Trasformazioni et la requérante

89      La requérante fait valoir, dans le cadre de son troisième moyen, que la Commission, dans la décision 2010/460, a considéré que le tarif préférentiel consenti à Alcoa Trasformazioni n’était illégal que pour la période postérieure au 31 décembre 2005, terme de la validité, selon cette institution, de la décision Alumix. Or, la requérante est d’avis que, le tarif appliqué à Alcoa Trasformazioni et celui qui lui a été appliqué à compter de la date d’entrée en vigueur de la décision n° 148/04 de l’AEEG étant identiques (en vertu du décret de 1995, puis, soutient-elle, du décret de 2004, pour Alcoa Trasformazioni, et du seul décret de 2004 pour elle), la différence de traitement n’apparaît justifiée ni quant au constat de l’illégalité de l’aide ni, par conséquent, quant à la demande de restitution des indemnités compensatoires perçues sur le fondement du décret de 2004.

90      Force est de relever qu’un tel moyen ne peut prospérer. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun, C‑248/04, Rec. p. I‑10211, point 72, et la jurisprudence citée).

91      En l’espèce, Alcoa Trasformazioni et la requérante n’étaient pas, à l’origine, dans une situation juridique comparable : Alcoa Trasformazioni bénéficiait d’un tarif préférentiel, validé par la Commission dans la décision Alumix, et a vu celui-ci reconduit, tandis que la requérante est une nouvelle bénéficiaire dudit tarif en vertu du décret de 2004, lequel n’a, en pratique, pas été appliqué à Alcoa Trasformazioni. De plus, la loi de 2005 comprend deux dispositions différentes, l’une, l’article 11, paragraphe 11, non notifiée à la Commission, qui concernait Alcoa Traformazioni, et l’autre, l’article 11, paragraphe 12, qui concernait les nouveaux bénéficiaires du tarif préférentiel et a été régulièrement notifiée à la Commission. Ces éléments divergents suffisent, au demeurant, à justifier le choix de la Commission de scinder l’examen des affaires selon qu’elles concernaient le bénéficiaire initial du tarif préférentiel ou de nouveaux bénéficiaires de celui-ci.

92      En revanche, au regard du tarif préférentiel, tel qu’ayant évolué, les deux sociétés se trouvaient dans une même situation et ont été traitées à l’identique par la Commission, qui, dans un cas comme dans l’autre, a regardé ledit tarif comme une aide d’État incompatible et a, en conséquence, ordonné le remboursement de l’aide.

93      Il est certes vrai que, puisque le tarif préférentiel postérieur au 31 décembre 2005 est regardé comme illégal dans la décision attaquée et qu’il est identique à celui juste antérieur à cette date, la requérante fait pertinemment valoir que la Commission aurait été fondée à intervenir plus précocement, en raison d’un changement substantiel dans la nature de l’aide initialement validée. Il convient, d’ailleurs, de relever que la Commission reconnaît qu’Alcoa Trasformazioni a pu percevoir, en raison des modifications intervenues concernant la détermination et le versement du tarif préférentiel à celle-ci, à la fin de la période initiale (1995-2005), et plus précisément en 2004 et 2005, une aide d’État illégale (ce qui est, au demeurant, pleinement conforme avec la décision 2010/460 et le fait que la prorogation du tarif préférentiel a été regardée comme constitutive d’une telle aide).

94      Cependant, il est de jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, ce qui suppose que nul ne puisse invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 15 ; du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14, et du 10 novembre 2011, The Rank Group, C‑259/10 et C‑260/10, Rec. p. I‑10947, point 62).

95      Le troisième moyen ne peut donc qu’être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, reposant sur l’absence d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

96      Il convient de rappeler, d’abord, qu’une partie du quatrième moyen a été traitée de façon liminaire, en tant qu’elle avait trait à l’obligation de motivation. Il échet, ensuite, de souligner que quatre critères permettent d’établir l’existence d’une aide d’État, à savoir qu’il existe une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, qu’elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C‑72/91 et C‑73/91, Rec. p. I‑887, point 18 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, non encore publié au Recueil, point 25, et du Tribunal du 11 juin 2009, Italie/Commission, T‑222/04, Rec. p. II‑1877, point 39). La requérante conteste ces quatre points, cependant que la Commission en confirme le bien-fondé.

97      S’agissant du troisième critère, compte tenu, précisément, de la très forte consommation d’électricité requise par l’activité de la requérante, il n’est pas douteux que le tarif préférentiel lui profite.

98      Néanmoins, la question est de savoir si ce tarif excède celui qu’elle aurait pu obtenir précisément en sa qualité de grande consommatrice sur le marché en cause. Il résulte de l’analyse de la décision attaquée que la Commission a effectué la différence entre le tarif préférentiel consenti en vertu du décret de 2004, compris entre 26 et 35 euros par mégawatt/heure (considérant 26 et note en bas de page n° 33 de la décision attaquée) et le tarif normal (considérants 106 et 107 de la décision attaquée), qui aurait conduit la requérante à payer 63 euros par mégawatt/heure. Même en tenant compte du particularisme sarde, il est donc établi que la requérante a bénéficié d’un avantage, sans que puissent être retenus comme pertinents ses divers arguments relatifs à la fonction de péréquation de l’aide en cause, destinée à compenser le handicap structurel sarde. Concernant lesdits arguments, il convient, en effet, de rappeler que l’objectif d’une mesure donnée n’est pas à prendre en compte pour déterminer si elle constitue ou non une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 67, et la jurisprudence citée) et que, en revanche, cet objectif peut faire qu’elle soit éligible au titre d’un programme spécifique, comme c’est le cas pour les aides d’État à finalité régionale, examinées au titre du dixième moyen.

99      Compte tenu du fait que, contrairement à ce qu’avance la requérante, le décret de 2004 et, plus explicitement encore, la loi de 2005 visent un territoire insulaire particulier, la Sardaigne, et un nombre restreint de sociétés opérant dans le secteur des métaux lourds, l’avantage en question procède clairement d’une mesure sélective.

100    Quant au premier critère, relatif à l’utilisation de ressources publiques, il importe de relever que, la mesure en cause étant financée par un prélèvement parafiscal, gérée par un organisme public, la Cassa Conguaglio per il settore elettricoCaisse de péréquation, selon des tarifs fixés par un autre organisme public, l’AEEG, elle y satisfait pleinement.

101    Pour asseoir son assertion selon laquelle les deuxième et quatrième critères ne sont pas remplis, la requérante soutient que la mesure en cause est dépourvue d’incidence sur les échanges de zinc entre États membres, en l’absence de flux commerciaux au sein de l’Union concernant ce métal. Elle fait également valoir qu’une distorsion de concurrence ne peut être envisagée, les producteurs européens n’étant pas à même d’influencer le prix dudit métal. La Commission répond à cela que, du fait de cet avantage compétitif, les entreprises rivales de la requérante voient leur chance d’exporter leurs produits en Italie diminuer du fait du tarif préférentiel.

102    La requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir procédé à une analyse économique de la situation réelle du marché concerné ou des courants d’échanges en cause entre États membres, ou entre l’Union et le reste du monde, ni d’avoir démontré l’effet réel des mesures en cause. Tous les arguments de la requérante s’y rapportant doivent donc être rejetés en bloc. En effet, selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 54, et du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, point 140).

103    De plus, dans un marché intérieur librement ouvert à la concurrence, composé d’États membres dont le territoire de chacun constitue une partie substantielle dudit marché (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 28, et arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 176), les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, comme c’est le cas en l’espèce, s’agissant du remboursement d’une partie du coût de l’approvisionnement en électricité, faussent en principe les conditions de concurrence (arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 30, et du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, point 55).

104    De même, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges au sein de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (arrêt Unicredito Italiano, précité, point 56, et Cassa di Risparmio di Firenze e.a., précité, point 141). Or, il n’est pas douteux que, au cas d’espèce, les mesures en cause renforcent la position de la requérante, en allégeant ses coûts et, par suite, en améliorant sa rentabilité par rapport à d’autres entreprises opérant dans des conditions normales de marché en concurrence avec elle ou dont il ne saurait être exclu qu’elles le soient (arrêts de la Cour Heiser, précité, point 35, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, Rec. p. I‑7115, point 91).

105    Il convient donc d’en conclure que, les quatre critères susmentionnés étant remplis, la mesure en cause constitue bien une aide d’État.

106    Enfin, il convient de rejeter par voie de conséquence l’argument tiré de la violation du principe de bonne administration, ledit argument étant fondé sur l’incomplétude du raisonnement de la Commission. Or, comme cela a été jugé dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du présent moyen, cette affirmation n’est pas exacte.

107    Il s’ensuit que le quatrième moyen ne peut être accueilli.

 Sur le cinquième moyen, fondé sur le fait que la Commission a adopté des prémisses inexactes pour édicter la décision attaquée

108    La Commission considère que le cinquième moyen est irrecevable, en ce qu’il méconnaît l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Toutefois, cette fin de non-recevoir doit être écartée. En effet, bien que sommaire dans son énonciation, ledit moyen permet au Tribunal d’identifier les éléments qui le constituent.

109    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en prenant comme cadre d’analyse un marché erroné, à savoir le marché de l’électricité italien – et, en particulier, sarde –, au lieu du marché des métaux lourds. Cette erreur fait, selon la requérante, que la Commission a omis de prendre en considération le caractère énergivore de ce type d’activité, en particulier dans un milieu insulaire.

110    Nonobstant, force est de juger le questionnement de la requérante comme étant dépourvu de pertinence :

–        d’une part, la Commission a parfaitement bien vu que la requérante exerçait son activité dans le secteur des métaux lourds, puisque c’est là la condition même qui était requise pour pouvoir bénéficier du décret de 2004 (par exemple, considérant 31 de la décision attaquée) ;

–        d’autre part, tenant compte de cette spécificité, elle a examiné, ce qui était sa seule tâche au titre du contrôle exercé au titre des articles 107 TFUE et 108 TFUE, si la mesure en cause constituait une aide d’État, notamment en raison de l’avantage qu’en retirait la requérante.

111    Il y a donc lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, pris du caractère existant de l’aide en cause

112    Il convient de rappeler que doivent être regardées comme des aides nouvelles soumises à l’obligation de notification prévue par l’article 108, paragraphe 3, TFUE les mesures qui tendent à instituer ou à modifier des aides, étant précisé que les modifications peuvent porter soit sur des aides existantes, soit sur des projets initiaux notifiés à la Commission (arrêts de la Cour du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen, 91/83 et 127/83, Rec. p. 3435, points 17 et 18, et du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C‑44/93, Rec. p. I‑3829, point 13).

113    En l’espèce, le caractère nouveau de l’aide est clairement établi.

114    D’une part, les modifications économiques et juridiques intervenues depuis l’adoption du tarif Alumix illustrent le passage d’un prix pratiqué par un fournisseur à un tarif subventionné par la République italienne. Alors que, dans le cas du tarif Alumix, le prix consenti équivalait au rabais octroyé par ledit fournisseur, fût-il en situation de monopole (ENEL), à l’un de ses plus importants clients, les mesures faisant l’objet de la décision attaquée comportent une réduction de prix fixée par les autorités italiennes, financée par un prélèvement parafiscal permettant un remboursement à la requérante de la différence entre le tarif normalement facturé aux entreprises et le tarif préférentiel qui lui a été reconnu.

115    Il y a donc lieu de juger que l’évolution intervenue entre les modalités d’octroi et de détermination du tarif préférentiel initialement accordé à Alcoa Trasformazioni en vertu du décret de 1995 et celles ayant fait l’objet du décret de 2004, puis de la loi de 2005, permet, en soi, de considérer qu’il s’agissait d’une aide nouvelle.

116    D’autre part, il en va a fortiori de la sorte s’agissant de l’extension de l’aide ayant ainsi évolué à de nouveaux bénéficiaires, qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un régime d’aides déjà autorisé, mais se voient octroyer à leur tour une aide qui n’avait, jusqu’alors, qu’un seul bénéficiaire.

117    Le sixième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le septième moyen, fondé sur la compatibilité de l’aide en cause « avec le marché commun »

118    Il convient, d’abord, pour les raisons exposées dans le cadre de la réponse au deuxième moyen, de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante, les conditions dont elle a bénéficié, lors de l’entrée en vigueur du décret de 2004, ont grandement évolué par rapport à celles qui prévalaient lors de l’adoption de la décision Alumix.

119    Ensuite, les trois arguments de la requérante, relatifs à la situation préoccupante de la Sardaigne sur le plan économique, au fait que la requérante avait dû, par le passé, fermer ses installations et licencier son personnel et au fait que l’aide en cause permette de remédier à ces difficultés structurelles, s’insèrent, en réalité, dans la problématique de l’éligibilité de l’aide au titre des aides d’État à finalité régionale, laquelle sera examinée dans le cadre du dixième moyen.

120    Le septième moyen ne peut, par conséquent, être accueilli.

 Sur le neuvième moyen, portant sur la violation de l’article 174 TFUE et de la déclaration relative aux régions insulaires

121    Aux termes de l’article 174 TFUE, qui reprend ceux de l’article 158 CE :

« Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale.

En particulier, l’Union vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées.

Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s’opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne. »

122    Concernant, en premier lieu, la violation alléguée de l’article 174 TFUE, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec. p. II‑3269, point 299), le Tribunal a jugé que l’instauration d’une concurrence non faussée dans le marché intérieur, d’une part, et le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale, d’autre part, constituaient deux politiques distinctes de l’Union, les fonds structurels étant le principal instrument de la seconde de ces politiques, alors que les dérogations régionales prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous a) et c), TFUE relevaient de la politique de concurrence de l’Union et trouvaient leur limite dans la nécessité d’éviter toute distorsion indue qui serait contraire à l’intérêt commun.

123    Le Tribunal avait alors souligné qu’aucune hiérarchie n’existait entre les objectifs poursuivis par ces deux politiques, ce qui implique que la Commission n’est pas tenue, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, d’appliquer les règles régissant les aides d’État à finalité régionale de manière plus souple de façon à faire prévaloir les objectifs de la politique de cohésion économique et sociale sur ceux de la politique de la concurrence (arrêt Hôtel Cipriani e.a./Commission, précité, point 299).

124    Il avait antérieurement indiqué que le simple fait qu’un projet d’aide nouvelle vise à répondre aux objectifs d’une disposition du traité autre que la dérogation de l’article 107, paragraphe 3, TFUE invoquée par l’État membre concerné n’impliquait pas, en soi, que ce projet répondît aux conditions d’application de cette dérogation (arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, précité, point 175). Il résulte du même arrêt qu’il ne peut pas plus être tenu compte d’éventuels précédents plus favorables, car c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie (arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, précité, point 176).

125    Le neuvième moyen ne peut donc que demeurer sans incidence sur la solution du litige en tant qu’il porte sur la violation de l’article 174 TFUE, le juge de l’Union devant seulement contrôler qu’ont été respectées les règles relatives aux aides d’État à finalité régionale.

126    Concernant, en second lieu, la violation alléguée de la déclaration relative aux régions insulaires, il ressort de la jurisprudence que semblable allégation est dépourvue de pertinence, l’objet du litige étant un acte de portée individuelle dont l’adoption relève de la responsabilité incombant à la Commission d’assurer le respect de l’article 107 TFUE et la mise en œuvre de l’article 108 TFUE, et non de l’exercice du pouvoir législatif de l’Union impliquant « [l’adoption de] mesures spécifiques […], lorsque cela se justifie, en faveur [des] régions [insulaires] afin de mieux les intégrer au marché intérieur dans des conditions équitables », visées par cette déclaration (arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, précité, point 178). Dans l’arrêt Hôtel Cipriani e.a./Commission, précité, un argument tiré de la violation de cette déclaration avait également été écarté au motif que l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distinguait pas selon les causes ou les objectifs d’une mesure d’allégement des charges pesant normalement sur une entreprise, mais définissait cette mesure en fonction de ses effets. Le Tribunal en avait conclu qu’une mesure visant à compenser un désavantage structurel ne pouvait donc, du seul fait de sa finalité, échapper à l’application dudit article, si elle conférait un avantage à ses bénéficiaires au sens de cette disposition (arrêt Hôtel Cipriani e.a./Commission, précité, point 195).

127    Il s’ensuit que le neuvième moyen ne peut qu’être rejeté.

 Sur le dixième moyen, ayant trait à la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a) à c), TFUE, des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale et à l’absence de prise en compte des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013

128    Il importe, premièrement, d’indiquer que c’est à juste titre que la Commission soutient, dans le cadre de sa réponse au dixième moyen, que l’aide en cause est une aide au fonctionnement, exclue, en principe, en tant que telle, du champ d’application des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (points 4.15 à 4.17 desdites lignes). En effet, selon la jurisprudence, les aides au fonctionnement sont des aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (arrêts de la Cour Allemagne/Commission, précité, point 30, et du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, non publié au Recueil, point 34). Il échet donc de juger que l’aide en cause, permettant à la requérante d’alléger les coûts liés à sa consommation d’électricité, laquelle entre par définition dans le cadre de la gestion courante, était bien une aide au fonctionnement. Il en allait d’autant plus ainsi que, le processus de production des métaux non ferreux en cause étant particulièrement énergivore (considérant 23 de la décision attaquée), l’achat d’électricité revêtait pour le fonctionnement de la requérante une importance essentielle.

129    Deuxièmement, la requérante soutient que, même s’agissant des aides au fonctionnement, il était possible, à titre exceptionnel, d’autoriser les aides destinées aux régions éligibles sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, sous réserve qu’elles fussent justifiées par leur contribution au développement régional, leur nature et que leur niveau fût proportionnel aux handicaps qu’elles visaient à pallier. Ces aides devaient également être limitées dans le temps et dégressives. Une telle possibilité était, en effet, admise, mais, précisément, à titre exceptionnel et sous réserve du respect de l’ensemble des conditions susmentionnées, qui présentaient un caractère cumulatif.

130    La requérante estime, à ce titre, que l’aide en cause a contribué au développement régional, notamment en termes d’emploi, et est dégressive et proportionnée, mais au regard de la moyenne européenne et non nationale, au handicap structurel sarde.

131    Tout d’abord, et ce point suffisait à lui seul à ce que la Commission refusât de considérer l’aide comme éligible au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, l’aide en cause ne présentait pas de caractère dégressif (considérants 178 à 185 de la décision attaquée), malgré le fait que la hausse du tarif préférentiel, reflétant l’évolution des prix de l’électricité dans l’Union, était plafonnée à 4 %. En effet, il convient de souligner que l’augmentation plafonnée du montant nominal du tarif préférentiel n’entraîne pas, ipso facto, la diminution du montant compensatoire servi au bénéficiaire dudit tarif, puisque le coût réel de l’électricité pour l’opérateur peut demeurer supérieur à celui qu’il facture audit bénéficiaire en vertu du tarif préférentiel, même majoré de 4 %. Par conséquent, comme l’a indiqué à bon droit la Commission, sans être contredite, le tarif préférentiel n’était dégressif qu’en cas de diminution en termes nets des prix moyens au sein de l’Union, et progressif dans tous les autres cas.

132    Ensuite, la Commission a estimé, à juste titre, que l’aide au fonctionnement en cause n’atténuait pas les problèmes caractérisant le marché de l’énergie sarde et ne contribuait pas de façon durable au développement régional. La requérante fait valoir que le raisonnement tenu par cette institution est contradictoire. Certes, la Commission est partie du constat que « [la] capacité de production excédentaire sur le segment à coût élevé du marché, une inefficience relative des centrales électriques qui deviennent obsolètes, l’absence d’accès au gaz naturel et le manque d’interconnexion » pouvaient se traduire par « l’application de prix plus élevés aux consommateurs finaux, y compris à ceux qui consomment le plus d’électricité » (considérant 170 de la décision attaquée). Pour autant, elle a souligné que, même à supposer que le maintien, en Sardaigne, de certains établissements industriels puisse contribuer à l’emploi et à la préservation d’une base industrielle, les effets en cause « ne seraient pas durables » (considérant 173 de la décision attaquée), car, les coûts élevés de l’électricité constituant un problème structurel sarde, les industries énergivores rencontreraient la même difficulté dès l’expiration du régime tarifaire. S’agissant des projets d’infrastructures et, en particulier, de câble sous-marin, la Commission a estimé, à bon droit, que, « même si [ceux-ci] p[o]uv[ai]ent réduire ou combler l’écart tarifaire entre la Sardaigne et la péninsule, il y a[vait] très peu de chance que ces projets parviennent à réduire de moitié les prix de l’énergie électrique pour les amener aux niveaux jugés nécessaires pour assurer la rentabilité des activités industrielles en cause sur le long terme » (considérant 174 de la décision attaquée). C’est également à juste titre qu’elle a indiqué que le recours à une subvention n’encourageait pas les producteurs d’électricité à baisser leurs prix afin d’éviter de perdre leurs plus gros clients, mais les incitait plutôt à utiliser leur puissance de marché pour conserver le montant de leur subvention.

133    Ainsi que cela ressort de la jurisprudence, la circonstance qu’une région soit éligible au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE n’implique pas que tout projet d’aide susceptible d’être réalisé dans ladite région serait d’office considéré comme nécessaire pour le développement de celle-ci (arrêt HGA e.a./Commission, précité, point 112).

134    Enfin, les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale exigeant que l’aide, pour être éligible, soit proportionnelle aux handicaps qu’elle cherche à pallier, la Commission a relevé, à juste titre, que l’aide en cause visait, en réalité, à aligner les prix sardes sur ceux des concurrents de la requérante au sein de l’Union et excédait de beaucoup ce qu’une simple compensation eût exigé. Dans la décision attaquée (considérants 168 et 176), la Commission a procédé à une comparaison des prix sardes non seulement par rapport à ceux des concurrents de la requérante sur le territoire italien, ce qui était pleinement justifié, mais aussi à l’échelle de l’Union, ce qui contredit l’argument de la requérante. Elle a ainsi pu démontrer l’absence de proportionnalité de l’aide en cause. Dans ces conditions, la requérante ne peut valablement soutenir que l’aide en cause était proportionnée et, par suite, éligible.

135    Ces critères n’étant pas satisfaits, c’est à juste titre que la Commission a considéré que cela faisait obstacle à l’éligibilité du tarif préférentiel en Sardaigne au titre des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale.

136    Troisièmement, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en ne lui appliquant pas, ou, à tout le moins, en écartant sans motif valable, la mesure en cause au regard des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013, s’agissant des dérogations prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b) et c), TFUE.

137    Ce dernier argument doit être écarté, car ces dernières lignes directrices avaient pour champ d’application les aides accordées après le 31 décembre 2006, ce qui exclut la mesure en cause. De surcroît, comme la requérante l’admet elle-même, la Sardaigne n’était plus une région éligible depuis 2007.

138    Il résulte de tout ce qui précède que le dixième moyen doit être rejeté et, avec lui, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

139    La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé, il y a lieu, en application de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Portovesme Srl est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.