Language of document : ECLI:EU:C:2023:111

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

16 février 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Mesures de soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural – Paiements agroenvironnementaux – Règlement (CE) no 1974/2006 – Impossibilité des bénéficiaires de continuer à honorer les engagements souscrits – Notions de “remembrement” et de “mesures d’aménagement foncier”  Absence de mesures nécessaires pour adapter les obligations du bénéficiaire à la nouvelle situation de l’exploitation – Règlement (CE) no 1122/2009 – Notion de “force majeure et circonstances exceptionnelles” »

Dans l’affaire C‑343/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 19 mai 2021, parvenue à la Cour le 2 juin 2021, dans la procédure

PV

contre

Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie »,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra, faisant fonction de président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour PV, par Mme S. Angelova, advokat,

–        pour le zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie », par M. I. Boyanov, Mmes P. Slavcheva et I. B. Zareva,

–        pour le gouvernement bulgare, par Mmes T. Mitova, E. Petranova et L. Zaharieva, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes J. Aquilina, G. Koleva et M. A. Sauka, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 15 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 45, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2006, L 368, p. 15), et de l’article 31 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant PV, un agriculteur, au zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » (directeur exécutif adjoint du Fonds national agricole, Bulgarie) au sujet d’une décision imposant à PV le remboursement de 20 % d’un financement perçu par celui-ci au titre de la mesure 214 « Paiements agroenvironnementaux » du programme de développement rural 2007-2013 (ci-après la « mesure 214 »), pour les campagnes de 2013 à 2016.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CE) no 1698/2005

3        Le considérant 35 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), énonçait :

« (35)      Les paiements agroenvironnementaux devraient continuer à jouer un rôle de premier plan pour contribuer au développement durable des zones rurales et satisfaire à la demande croissante de la société en matière de services écologiques. Ils devraient aussi continuer à encourager les agriculteurs et autres gestionnaires de terres à exercer une véritable fonction au service de l’ensemble de la société en introduisant ou en maintenant des méthodes de production agricole compatibles avec la protection et l’amélioration de l’environnement, des paysages et de leurs caractéristiques, des ressources naturelles, des sols et de la diversité génétique. À cet égard, il convient d’accorder une attention particulière à la conservation des ressources génétiques en agriculture. Conformément au principe du “pollueur-payeur”, ces paiements ne devraient couvrir que des engagements qui vont au-delà des normes obligatoires correspondantes. »

4        L’article 36 de ce règlement, intitulé « Mesures », disposait :

« L’aide prévue au titre de la présente section concerne :

a)      Les mesures axées sur l’utilisation durable des terres agricoles grâce à :

[...]

iv)      des paiements agroenvironnementaux,

[...]

[...] »

5        L’article 39 dudit règlement, intitulé « Paiements agroenvironnementaux », prévoyait :

« 1.      Les États membres accordent l’aide prévue à l’article 36, point a) iv), sur l’ensemble de leur territoire, en fonction de leurs besoins particuliers.

2.      Les paiements agroenvironnementaux sont accordés aux agriculteurs qui prennent volontairement des engagements en faveur de l’agroenvironnement. [...]

3.      [...]

Ces engagements sont pris en général pour une durée de cinq à sept ans. [...]

4.      Les paiements sont accordés annuellement et couvrent les coûts supplémentaires et la perte de revenus dus aux engagements pris ; le cas échéant, ils peuvent également couvrir les coûts induits.

[...] »

 Le règlement no 1974/2006

6        Le considérant 23 du règlement no 1974/2006 énonçait :

« S’agissant de l’aide à l’action agroenvironnementale ou en faveur du bien-être des animaux, les conditions minimales à respecter par les bénéficiaires dans le cadre des différents engagements en faveur de l’agroenvironnement et du bien-être des animaux doivent assurer une application du soutien qui soit équilibrée et qui tienne compte des objectifs, et contribuer ainsi à un développement rural durable. Il est très important, à cet égard, d’établir une méthode de calcul des coûts supplémentaires, des pertes de revenus et des coûts probables des transactions découlant des engagements contractés. Lorsque ces engagements portent sur une limitation des apports d’intrants, il convient de n’octroyer l’aide que s’il est possible d’évaluer lesdites limitations de manière à vérifier de façon satisfaisante le respect des engagements concernés. »

7        L’article 45 de ce règlement disposait :

« 1.      Lorsque, pendant la période d’exécution d’un engagement souscrit comme condition d’octroi d’un soutien, le bénéficiaire accroît la superficie de son exploitation, les États membres peuvent prévoir l’extension de l’engagement à la surface supplémentaire pour la période d’exécution de l’engagement restant à courir, conformément au paragraphe 2, ou le remplacement de l’engagement initial par un nouvel engagement, conformément au paragraphe 3.

Ledit remplacement peut être prévu également en cas d’extension, à l’intérieur de l’exploitation, de la surface sur laquelle porte l’engagement.

2.      L’extension de l’engagement visée au paragraphe 1 ne peut être octroyée que si :

a)      elle est utile pour la mesure concernée ;

b)      elle est justifiée au regard de la nature de l’engagement, de la période restant à courir et de la superficie supplémentaire concernée ;

c)      elle ne porte pas atteinte à l’efficacité des contrôles visant à vérifier le respect des conditions d’octroi du soutien.

3.      Le nouvel engagement visé au paragraphe 1 porte sur la totalité de la surface concernée, dans des conditions qui sont au moins aussi rigoureuses que celles qui s’appliquaient à l’engagement initial.

4.      Si le bénéficiaire se trouve dans l’impossibilité de continuer à honorer les engagements souscrits du fait que son exploitation fait l’objet d’un remembrement ou de mesures d’aménagement foncier décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes, les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre d’adapter les engagements à la nouvelle situation de l’exploitation. Si l’adaptation se révèle impossible, l’engagement prend fin sans qu’il soit exigé de remboursement pour la période pendant laquelle l’engagement a été effectif. »

 Le règlement no 73/2009

8        L’article 31 du règlement no 73/2009, intitulé « Force majeure et circonstances exceptionnelles », disposait :

« Aux fins du présent règlement, sont notamment reconnus comme cas de force majeure ou circonstances exceptionnelles par l’autorité compétente les cas suivants :

a)      le décès de l’agriculteur ;

b)      l’incapacité professionnelle de longue durée de l’agriculteur ;

c)      une catastrophe naturelle grave qui affecte de façon importante la surface agricole de l’exploitation ;

d)      la destruction accidentelle des bâtiments de l’exploitation destinés à l’élevage ;

e)      une épizootie affectant tout ou partie du cheptel de l’agriculteur. »

 Le règlement (CE) no 1122/2009

9        L’article 75 du règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65), intitulé « Force majeure et circonstances exceptionnelles », disposait :

« 1.      Lorsqu’un agriculteur n’a pas été en mesure de respecter ses engagements en raison d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles visées à l’article 31 du règlement [...]no 73/2009, le droit à l’aide lui reste acquis pour la surface ou les animaux admissibles au moment où le cas de force majeure ou les circonstances exceptionnelles sont intervenus. En outre, lorsque la non-conformité résultant de ces cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles concerne la conditionnalité, la réduction correspondante n’est pas appliquée.

2.      Les cas de force majeure et les circonstances exceptionnelles au sens de l’article 31 du règlement [...]no 73/2009 sont notifiés par écrit à l’autorité compétente et les preuves y afférentes sont apportées à la satisfaction de celle-ci dans un délai de dix jours ouvrables à partir du jour où l’agriculteur est en mesure de le faire. »

 Le règlement (UE) no 65/2011

10      L’article 18 du règlement (UE) no 65/2011 de la Commission, du 27 janvier 2011, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2011, L 25, p. 8), intitulé « Réductions et exclusions en cas de non-respect d’autres critères d’admissibilité, engagements et obligations y afférentes », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« [...]

Dans le cas d’engagements pluriannuels, les réductions d’aides, les exclusions et les recouvrements s’appliquent également aux montants déjà payés au cours des années antérieures en ce qui concerne cet engagement. »

 Le droit bulgare

 La ZSPZZ

11      L’article 37 quater du zakon za sobstvenostta i polzvaneto na zemedelskite zemi (loi sur la propriété et l’utilisation des terres agricoles) (DV no 17, du 1er mars 2001, ci-après la « ZSPZZ »), dispose :

« (1)      Des remembrements de terres agricoles aux fins de leur exploitation sont effectués sur la base d’accords entre les propriétaires et/ou les exploitants de ces terres. La conclusion de l’accord est dirigée par une commission pour chaque localité située sur le territoire de la municipalité, désignée par décision du directeur de la direction régionale de l’“Agriculture” pour le 5 août de l’année concernée au plus tard. [...]

(2)      L’accord est conclu suivant un modèle agréé par le ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts [...] L’accord est conclu et actualisé chaque année, avant le 30 août, pour l’exercice suivant au sens du paragraphe 2, point 3, des dispositions complémentaires du zakon za arendata v zemedelieto (loi sur les baux ruraux). Il ne peut comprendre des propriétés déclarées pour la culture dans leurs limites réelles ainsi que des propriétés exploitées de manière permanente en tant que pâturages et prairies. L’accord entre en vigueur à la condition qu’il ne couvre pas moins de deux tiers de la surface totale des remembrements dans la localité concernée.

(3)      Lorsque les exploitants ne parviennent pas à un accord dans les conditions du paragraphe 1, de même qu’en ce qui concerne les terres ne relevant pas de l’accord, la commission établit un projet d’attribution de l’exploitation des terres remembrées pour le 15 septembre de l’année concernée au plus tard, selon les modalités suivantes :

1.      le droit d’utiliser les terres remembrées séparées est accordé à l’exploitant disposant, en propriété et/ou en location de la plus grande part de terres agricoles dans lesdites terres remembrées ;

2.      les surfaces des terres agricoles pour lesquelles aucun accord n’a été conclu et aucune déclaration n’a été rendue par leur propriétaire au titre de l’article 37 ter, sont réparties parmi les exploitants proportionnellement aux surfaces et en fonction du mode d’exploitation permanent des terres agricoles possédées ou louées dans la localité concernée.

(4)      La commission prépare un rapport à l’intention du directeur de la direction régionale de l’“Agriculture”, qui contient l’accord conclu, l’attribution des terres remembrées aux fins de l’exploitation et les données concernant les terres visées au paragraphe 3, point 2, leurs propriétaires et le paiement des loyers dus, et sur la base de ce rapport le directeur de la direction régionale de l’“Agriculture” délivre un arrêté d’attribution des terres dans la localité avant le 1er octobre de l’année concernée.

[...]

(14)      L’accord de remembrement ou l’attribution des terres remembrées aux fins de l’exploitation est considéré(e) comme une base juridique au sens du zakon za podpomagane na zemedelskite proizvoditeli (loi relative à l’aide aux agriculteurs) et, dans la partie concernant les terres visées au paragraphe 3, il s’agit d’une base juridique à la condition que ces terres aient fait l’objet d’un paiement.

(15)      Les terres agricoles comprises dans les remembrements et admises au bénéfice de l’aide au titre de la mesure “Paiements agroenvironnementaux” du programme de développement rural pour la période 2007-2013 et/ou de la mesure “Agroenvironnement et climat” et “Agriculture biologique”, du programme de développement rural pour la période 2014-2020, sont réparties sans modification de la localisation des personnes admises au bénéfice de la mesure, dans les cas où :

1.      les propriétés présentées au titre de l’article 37 ter pour la participation à la procédure ont une surface supérieure ou égale à celle admise au bénéfice de la mesure, et

2.      les propriétaires et les exploitants, dont les propriétés sont accordées aux personnes admises au bénéfice de la mesure en question, ont déclaré leur intention de participer avec les mêmes propriétés à la procédure de remembrement prévue par le présent article.

[...] »

 L’arrêté no 11/2009

12      Le naredba no 11 za usloviyata i reda za prilagane na myarka 214 « Agroekologichni plashtania » ot Programata za razvitie na selskite rayoni za perioda 2007-2013 (arrêté no 11 relatif aux conditions et aux modalités d’application de la mesure 214 « Paiements agroenvironnementaux » du programme de développement rural pour la période 2007-2013), du 6 avril 2009 (DV no 29, du 17 avril 2009, ci-après l’« arrêté no 11/2009 »), adopté par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, contient un article 18, qui dispose :

« (3)      Le darzhaven fond “Zemedelie” [(Fonds national agricole, Bulgarie)] résilie l’engagement agroenvironnemental et les bénéficiaires remboursent l’aide financière reçue, pour la partie du programme concernée, conformément aux dispositions du paragraphe 4, lorsque :

[...]

3.      les exigences de l’article 24, paragraphe 2, n’ont pas été respectées ;

[...]

(4)      Les bénéficiaires remboursent l’aide financière reçue jusqu’alors, majorée des intérêts légaux en fonction de l’année de l’admission initiale au bénéfice de la mesure, jusqu’à l’année de résiliation de l’engagement agroenvironnemental, de la manière suivante :

[...]

c)      jusqu’à la fin de la cinquième année – 20 % ;

[...]

(5)      En cas de constat du non‑respect des exigences de gestion applicables aux parties du programme concernées, conformément à l’article 26, l’aide financière est remboursée à hauteur du montant calculé selon les modalités visées à l’article 16.

(6)      Dans les cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, l’engagement agroenvironnemental est résilié et le remboursement partiel ou total de l’aide financière perçue par l’agriculteur n’est pas exigé.

(7)      Les cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles sont notifiés, accompagnés des éléments de preuve correspondants (documents émanant de l’autorité administrative compétente), sous la forme écrite au [Fonds national agricole] – RA (organisme payeur) par l’agriculteur ou par une autre personne mandatée par lui, ou bien par ses ayants droit dans un délai de 10 jours ouvrables à compter de la date à laquelle l’agriculteur ou une autre personne mandatée par lui ou bien ses ayants droit ont été en mesure de le faire. »

13      L’article 24, paragraphes 1et 2, de cet arrêté énonce :

« (1)      Les activités agroenvironnementales ou les parties du programme agroenvironnemental visées à l’article 2, paragraphe 1, point 1, sous a), points 2, 3 et 4, sont mises en œuvre sur une seule et même surface agricole pour un seul et même bloc d’exploitation agricole pour une période de cinq ans à compter de la souscription de l’engagement agroenvironnemental.

(2)      La surface agricole admise pour la mise en œuvre des activités agroenvironnementales ou des parties du programme agroenvironnemental visées à l’article 2, paragraphe 1, point 1, sous a), points 2, 3 et 4, peut être réduite de 10 % au maximum, et chaque année au moins 90 % de la surface relevant de la partie concernée du programme doit se recouper géographiquement avec la surface objet de l’engagement agroenvironnemental. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Au cours de l’année 2013, PV a introduit une demande d’aide au titre de la mesure 214.

15      Dans le cadre de cette demande, PV s’est engagé à respecter un engagement agroenvironnemental suivant les modalités et les conditions fixées par l’arrêté no 11/2009. L’une des exigences que PV s’est ainsi engagé à respecter était celle d’exercer les activités pour la partie du programme concernée sur une seule et même surface agricole pendant cinq années consécutives.

16      Ladite demande a été acceptée. PV a été admis à participer à la mesure 214 avec 857 ha de terres agricoles qu’il louait et exploitait sur le fondement d’accords conclus au cours de l’année 2012 pour l’exercice 2012/2013. Ces accords étaient conclus pour une durée d’un an avec des propriétaires et/ou des exploitants de terres agricoles, conformément à l’article 37 quater, paragraphe 1, de la ZSPZZ.

17      Des accords similaires ont été conclus pour les trois exercices suivants 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016. Durant ces années, PV a été soumis à tous les contrôles administratifs obligatoires ainsi qu’à des contrôles sur place et a reçu un montant total de 1 063 317,54 leva bulgares (BGN) (environ 544 000 euros) au titre de la mesure 214.

18      Toutefois, au cours de l’année 2016, les propriétaires et les exploitants des terres agricoles en cause ne sont pas parvenus à conclure de tels accords au titre de l’article 37 quater, paragraphe 1, de la ZSPZZ pour l’exercice 2016/2017. Bien que PV ait souhaité conclure ces accords, les autres participants aux accords précédents l’ont informé que, pour cet exercice, ils souhaitaient cultiver ces terres dans les limites réelles des terrains, ce qui excluait la possibilité de parvenir à un accord au titre de cette disposition. PV a ainsi été empêché, pour ledit exercice, d’exploiter lesdites terres, avec lesquelles il avait pris l’engagement environnemental visé au point 15 du présent arrêt, et partant, de respecter les conditions prévues à cet article 37 quater pour pouvoir bénéficier de paiements agroenvironnementaux.

19      Dans la mesure où, conformément audit article 37 quater, paragraphe 2, les accords entre propriétaires et/ou exploitants doivent être conclus chaque année avant le 30 août, PV était déjà conscient, au début du mois d’août 2016, de l’impossibilité de poursuivre l’exploitation des mêmes terres durant l’exercice 2016/2017.

20      Le 29 mai 2017, PV a notifié au Fonds national agricole son intention de résilier son engagement agroenvironnemental au motif que la base juridique pour l’exploitation des terres avec lesquelles il participait à la mesure 214 avait disparu.

21      Le 23 janvier 2018, PV a été informé de l’ouverture d’une procédure résiliation de l’engagement pluriannuel pour non-respect de l’exigence énoncée à l’article 24, paragraphe 2, de l’arrêté no 11/2009, selon laquelle, chaque année, la surface agricole participant à la mesure 214 recoupe au moins 90 % de la surface ayant fait l’objet de l’engagement agroenvironnemental. Or, l’absence d’accords pour la campagne 2016/2017 a conduit à ce que ce pourcentage de recoupement ne représente plus que 76,18 %.

22      Le 17 août 2018, PV a reçu notification de la résiliation de son engagement agroenvironnemental au titre de la mesure 214. Cet acte n’a pas été contesté et est devenu définitif.

23      Par un courrier du directeur exécutif adjoint du Fonds national agricole reçu le 7 décembre 2018, PV a été informé de l’ouverture d’une procédure d’émission d’un acte de constatation de créance publique de l’État dans le cadre de laquelle il lui était demandé de restituer, conformément à l’article 18, paragraphe 4, sous c), de l’arrêté no 11/2009, 20 % du montant total perçu, à savoir une somme de 212 663,51 BGN (environ 109 000 euros).

24      PV s’est opposé à l’ouverture de cette procédure en arguant que, à la suite d’une modification du cadre réglementaire au mois d’octobre 2015, de nombreux propriétaires et/ou exploitants ont refusé de conclure un accord au titre de l’article 37 quater de la ZSPZZ, ce qui l’avait placé dans l’impossibilité de respecter l’engagement mentionné au point 15 du présent arrêt. Il a soutenu que, dès lors qu’il s’agissait de circonstances qu’il ne pouvait pas prévoir à la date à laquelle il a pris cet engagement et qui, partant, constituaient un cas de force majeure, au sens de l’article 18, paragraphe 6, de l’arrêté no 11/2009, il n’avait pas à rembourser cette somme.

25      Par une décision du 14 novembre 2019, le directeur exécutif adjoint du Fonds national agricole a constaté l’existence d’une créance publique de l’État de 212 663,51 BGN (environ 109 000 euros), représentant 20 % de l’aide versée au titre de la mesure 214, pour les campagnes 2013 à 2016.

26      PV a introduit un recours contre cette décision devant l’Administrativen sad (tribunal administratif, Bulgarie) de Targovichté, qui a rejeté ce recours. Cette juridiction a jugé, en substance, que ladite décision était valide et a écarté l’argument de PV tiré de la survenance d’un cas de force majeure. Ladite juridiction a considéré que PV ne pouvait pas légitimement s’attendre à ce que les propriétaires et/ou exploitants des terrains agricoles avec lesquels il avait conclu des accords au titre de l’article 37 quater de la ZSPZZ renouvelleraient ces accords pour l’exercice 2016/2017. Au surplus, à supposer même que les circonstances puissent être qualifiées de « cas de force majeure », la même juridiction a relevé que PV n’avait pas respecté le délai de notification prévu pour en informer l’autorité administrative compétente, qui est un délai de forclusion.

27      PV a formé un pourvoi contre cette décision devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, en faisant valoir, d’une part, que, en introduisant de nouvelles exigences plus strictes, la modification de l’arrêté n11/2009 entrée en vigueur le 20 octobre 2015 avait dissuadé une partie des propriétaires et/ou exploitants de conclure des accords au titre de l’article 37 quater de la ZSPZZ et que cette modification constituait un cas de force majeure ou une circonstance exceptionnelle, au sens de l’article 18, paragraphe 6, de cet arrêté. D’autre part, PV soutient que la juridiction de première instance a méconnu l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006.

28      La juridiction de renvoi estime que cet article 45, paragraphe 4, doit être interprété en ce sens que, en cas de remembrement ou de mesures d’aménagement foncier décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes, qui placeraient le bénéficiaire d’une aide dans l’impossibilité de continuer à honorer les engagements souscrits, l’État membre concerné devrait prendre les mesures nécessaires pour permettre d’adapter les engagements à la nouvelle situation de l’exploitation de ce bénéficiaire. À défaut, l’engagement devrait prendre fin sans qu’il soit exigé de ce dernier un remboursement des sommes perçues au titre de la période pendant laquelle l’engagement était effectif.

29      Dans l’hypothèse où cette interprétation ne serait pas retenue, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si une situation telle que celle en cause au principal ne pourrait pas relever d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, au sens de l’article 31 du règlement no 73/2009, qui seraient de nature à libérer le bénéficiaire de l’obligation de rembourser ces sommes. À cet égard, ladite juridiction hésite à retenir une telle qualification. En effet, elle souligne que le bénéficiaire savait, lors de sa demande d’aide au titre de la mesure 214, que les accords pour l’exploitation de terrains appartenant à des tiers, prévus à l’article 37 quater de la ZSPZZ, étaient d’une durée d’un an et que les propriétaires et/ou exploitants pouvaient décider de ne pas conclure d’accords pour les exercices suivants.

30      Dans ces conditions, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’interprétation de l’article 45, paragraphe 4, du [règlement no 1974/2006] permet-elle de considérer que, dans un cas comme la présente espèce, on est en présence d’un “remembrement” ou de “mesures d’aménagement” qui font que le bénéficiaire n’est pas en mesure de continuer à respecter les engagements pris ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, le fait que l’État membre n’ait pas pris les mesures nécessaires pour adapter les obligations du bénéficiaire à la nouvelle situation de l’exploitation justifie-t-il qu’il ne soit pas exigé le remboursement des moyens en ce qui concerne la période durant laquelle les obligations ont été remplies ?

3)      En cas de réponse négative à la première question, comment faut-il interpréter, eu égard aux faits de l’espèce, la disposition de l’article 31 du [règlement no 73/2009] et quelle est la nature du délai de notification visé à l’article 75, paragraphe 2, du [règlement no 1122/2009] ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

31      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 doit être interprété en ce sens qu’il est applicable lorsqu’un agriculteur se trouve dans l’impossibilité de continuer à honorer les engagements agroenvironnementaux qu’il a pris, pour la dernière année d’exécution de ceux-ci, et que cette impossibilité résulte de l’absence d’accords conclus entre cet agriculteur et d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci.

32      Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler que l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 couvre le cas du bénéficiaire se trouvant dans l’impossibilité de continuer à honorer les engagements souscrits du fait que son exploitation fait l’objet d’un remembrement ou de mesures d’aménagement foncier décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes.

33      À cet égard, il importe de relever que ni cette disposition ni aucune autre disposition de ce règlement ni des règlements no 73/2009 et no 1122/2009 ne définit les notions de remembrement et de mesures d’aménagement foncier décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes.

34      En outre, l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 ne comportant, pour ces notions, aucun renvoi au droit national, elles doivent faire l’objet d’une interprétation autonome, de manière à s’appliquer uniformément dans l’Union européenne (voir, par analogie, arrêt du 22 avril 2021, Austrian Airlines, C‑826/19, EU:C:2021:318, point 21 et jurisprudence citée).

35      Dans ce contexte, il convient de rappeler que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (arrêt du 18 mars 2021, Kuoni Travel, C‑578/19, EU:C:2021:213, point 37 et jurisprudence citée).

36      En premier lieu, s’agissant du sens habituel en langage courant du terme « remembrement », celui-ci renvoie à des mesures qui consistent en la reconfiguration de parcelles agricoles en vue d’assurer une exploitation plus rationnelle des sols. L’expression « mesures d’aménagement foncier » renvoie plus généralement, comme Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 36 et 37 de ses conclusions, à des mesures qui visent un réarrangement de parcelles agricoles lié à la mise à disposition d’infrastructures nécessaires à la mise en valeur des terres concernées. Prises ensemble, les notions de « remembrement » et de « mesures d’aménagement foncier », au sens de l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006, renvoient à des opérations visant à la reconfiguration et au réarrangement de parcelles agricoles afin de constituer des exploitations agricoles plus rationnelles dans l’utilisation des sols.

37      En second lieu, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 38 à 40 de ses conclusions, cette disposition exige, selon la plupart des versions linguistiques, que tant le remembrement que les mesures d’aménagement foncier mentionnés à celle-ci soient décidés ou approuvés par les autorités publiques compétentes.

38      À cet égard, il y a lieu de relever que ladite disposition se limite à indiquer, de manière générale, que l’autorité publique est associée à ces mesures soit par voie de décision soit par voie d’approbation, sans préciser davantage les modalités procédurales de la participation de cette autorité aux opérations de remembrement ou aux mesures d’aménagement foncier.

39      Il en découle qu’est susceptible de relever des notions de remembrement ou de mesures d’aménagement foncier décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes toute opération qui vise à la reconfiguration et au réarrangement de parcelles agricoles afin de constituer des exploitations agricoles plus rationnelles dans l’utilisation des sols et qui est décidée ou approuvée par les autorités publiques compétentes.

40      Cette interprétation est corroborée par le contexte dans lequel s’inscrit l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 ainsi que, plus généralement, par les objectifs poursuivis par la réglementation relative au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

41      D’une part, conformément à l’article 36, sous a), iv), et à l’article 39 du règlement no 1698/2005, les paiements agroenvironnementaux constituent des aides accordées annuellement à un agriculteur ayant volontairement pris un engagement agroenvironnemental et visent à couvrir les coûts supplémentaires et la perte de revenus dus à de tels engagements. À ce titre, comme le souligne le considérant 35 de ce règlement, ces paiements agroenvironnementaux jouent un rôle de premier plan pour contribuer au développement durable des zones rurales ainsi que pour protéger l’environnement, dès lors qu’ils encouragent les bénéficiaires à souscrire des engagements pluriannuels allant au-delà du respect des normes obligatoires de la législation agricole de l’Union ainsi que des exigences particulières établies par la législation nationale.

42      D’autre part, il ressort du considérant 23 du règlement no 1974/2006 que, afin de contribuer à l’objectif de développement rural durable, le législateur de l’Union a entendu privilégier une application équilibrée du soutien de l’Union effectué au moyen des paiements agroenvironnementaux.

43      Dès lors, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 43 de ses conclusions, la poursuite de ces objectifs exige que les agriculteurs ne soient pas dissuadés de souscrire des engagements agroenvironnementaux pluriannuels en raison de la survenance éventuelle, au cours de la période d’exécution de ces engagements, d’une opération de remembrement ou de mesures d’aménagement foncier qui les empêcherait de respecter lesdits engagements. Dans ce contexte, l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 vise à pallier la survenance de tels évènements pendant cette période.

44      Toutefois, cette disposition ne s’applique pas si une telle impossibilité résulte de l’absence d’accords conclus entre un agriculteur et d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci. En effet, dans une telle hypothèse, l’impossibilité, pour un agriculteur, d’honorer ces engagements ne résulte pas directement de mesures décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes, affectant la structure de cette exploitation.

45      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 45, paragraphe 4, du règlement n° 1974/2006 doit être interprété en ce sens qu’il est applicable lorsqu’un agriculteur se trouve dans l’impossibilité de continuer à honorer les engagements agroenvironnementaux qu’il a pris, pour la dernière année d’exécution de ceux-ci, et que cette impossibilité résulte directement d’une opération de remembrement ou d’une mesure d’aménagement foncier affectant la structure de l’exploitation agricole faisant l’objet de ces engagements, décidée ou approuvée par une autorité publique compétente. En revanche, cette disposition n’est pas applicable lorsque ladite impossibilité résulte de la disparition du droit d’utiliser une partie de la superficie de cette exploitation pendant l’exécution desdits engagements.

 Sur la deuxième question

46      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 doit être interprété en ce sens que le défaut d’adoption, par un État membre, des mesures nécessaires pour permettre d’adapter les engagements agroenvironnementaux d’un bénéficiaire à la nouvelle situation de son exploitation agricole résultant d’un remembrement ou de mesures d’aménagement foncier, au sens de cette disposition, s’oppose à ce qu’il soit exigé de ce bénéficiaire qu’il rembourse les fonds perçus au titre de la période durant laquelle ces engagements étaient respectés.

47      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 65/2011 dispose que, dans le cas d’engagements pluriannuels, les réductions d’aides, les exclusions et les recouvrements s’appliquent également aux montants déjà payés au cours des années antérieures en ce qui concerne cet engagement.

48      Toutefois, l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 prévoit que, si le bénéficiaire d’un paiement agroenvironnemental se trouve dans l’impossibilité de continuer à honorer l’engagement souscrit du fait que son exploitation fait l’objet d’un remembrement ou de mesures d’aménagement foncier décidées ou approuvées par les autorités publiques compétentes, les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre d’adapter cet engagement à la nouvelle situation de cette exploitation. Si une telle adaptation se révèle impossible, ledit engagement prend fin, sans qu’il soit exigé de remboursement pour la période pendant laquelle le même engagement a été effectif.

49      Il ressort clairement du libellé de cette disposition que, d’une part, l’adoption ou l’approbation, par les autorités publiques compétentes, d’une mesure de remembrement ou d’aménagement foncier affectant la possibilité d’un bénéficiaire de continuer à respecter un engagement agroenvironnemental souscrit a pour corollaire une obligation, incombant à l’État membre concerné, d’adapter cet engagement à la nouvelle situation de l’exploitation agricole en cause.

50      D’autre part, ce n’est que lorsqu’une telle adaptation se révèle impossible que ledit engagement prend fin, sans qu’il soit exigé de remboursement pour la période pendant laquelle le même engagement a été effectif.

51      En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 42 du présent arrêt, il ressort du considérant 23 du règlement no 1974/2006 que, s’agissant de l’aide à l’action agroenvironnementale, le législateur de l’Union a entendu retenir une application équilibrée du soutien de l’Union afin de contribuer à un développement rural durable.

52      En l’occurrence, à supposer que la réduction de la superficie de l’exploitation agricole du bénéficiaire, plaçant celui-ci dans l’impossibilité de respecter l’engagement agroenvironnemental souscrit, résulte d’un remembrement ou d’une mesure d’aménagement foncier, au sens de l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les autorités nationales compétentes ont pris les mesures nécessaires pour permettre d’adapter cet engagement à la nouvelle situation de cette exploitation. Si cette juridiction parvient à la conclusion que tel n’est pas le cas, il lui appartient alors de considérer que ledit engagement a pris fin, sans qu’il puisse être exigé de ce bénéficiaire un remboursement pour la période pendant laquelle le même engagement a été effectif.

53      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006 doit être interprété en ce sens que le défaut d’adoption, par un État membre, des mesures nécessaires pour permettre d’adapter les engagements agroenvironnementaux d’un bénéficiaire à la nouvelle situation de son exploitation agricole résultant d’un remembrement ou de mesures d’aménagement foncier, au sens de cette disposition, s’oppose à ce qu’il soit exigé de ce bénéficiaire qu’il rembourse les fonds perçus au titre de la période durant laquelle ces engagements étaient respectés.

 Sur la troisième question

54      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31 du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que l’impossibilité, pour un bénéficiaire, de continuer à honorer un engagement agroenvironnemental pluriannuel, pour la dernière année de celui-ci, du fait de l’absence d’accords conclus avec d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci constitue un « cas de force majeure », au sens de cet article 31, et qu’elle doit, par conséquent, être notifiée à l’autorité compétente dans le délai de dix jours ouvrables prévu à l’article 75, paragraphe 2, du règlement no 1122/2009.

55      À cet égard, il convient de relever que l’article 31, sous a) à e), du règlement no 73/2009 énumère différents évènements susceptibles de constituer un cas de force majeure.

56      Toutefois, au nombre de ces évènements ne figure pas la situation d’un bénéficiaire de financement de l’Union au titre d’un engagement agroenvironnemental pluriannuel qui se trouverait dans l’impossibilité de respecter cet engagement en raison de l’absence d’accords conclus avec d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci.

57      Cela étant, il découle de l’adverbe « notamment », figurant à l’article 31 du règlement no 73/2009, que cet article ne contient pas une liste exhaustive des évènements susceptibles de constituer un cas de force majeure.

58      En outre, selon la jurisprudence de la Cour, constitue un cas de force majeure tout évènement dû à des circonstances étrangères à l’opérateur, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées malgré toutes les diligences déployées par ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, EU:C:1970:114, point 23, et du 17 décembre 2015, Szemerey, C‑330/14, EU:C:2015:826, point 58).

59      Dès lors, si l’impossibilité, pour un bénéficiaire, de continuer à respecter un engagement agroenvironnemental du fait de l’absence d’accords conclus avec d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci peut, en principe, constituer un cas de force majeure, il en est ainsi seulement à la condition que cette impossibilité soit due à des circonstances étrangères à ce bénéficiaire, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées malgré toutes les diligences déployées par ce dernier, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

60      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 31 du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que, si l’impossibilité, pour un bénéficiaire, de continuer à respecter un engagement agroenvironnemental du fait de l’absence d’accords conclus avec d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci peut, en principe, constituer un cas de force majeure, il en est ainsi seulement à la condition que cette impossibilité soit due à des circonstances étrangères à ce bénéficiaire, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées malgré toutes les diligences déployées par ce dernier, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

61      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 45, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader),

doit être interprété en ce sens que :

il est applicable lorsqu’un agriculteur se trouve dans l’impossibilité de continuer à honorer les engagements agroenvironnementaux qu’il a pris, pour la dernière année d’exécution de ceux-ci, et que cette impossibilité résulte directement d’une opération de remembrement ou d’une mesure d’aménagement foncier affectant la structure de l’exploitation agricole faisant l’objet de ces engagements, décidée ou approuvée par une autorité publique compétente. En revanche, cette disposition n’est pas applicable lorsque ladite impossibilité résulte de la disparition du droit d’utiliser une partie de la superficie de cette exploitation pendant l’exécution desdits engagements.

2)      L’article 45, paragraphe 4, du règlement no 1974/2006

doit être interprété en ce sens que :

le défaut d’adoption, par un État membre, des mesures nécessaires pour permettre d’adapter les engagements agroenvironnementaux d’un bénéficiaire à la nouvelle situation de son exploitation agricole résultant d’un remembrement ou de mesures d’aménagement foncier, au sens de cette disposition, s’oppose à ce qu’il soit exigé de ce bénéficiaire qu’il rembourse les fonds perçus au titre de la période durant laquelle ces engagements étaient respectés.

3)      L’article 31 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003,

doit être interprété en ce sens que :

si l’impossibilité, pour un bénéficiaire, de continuer à respecter un engagement agroenvironnemental du fait de l’absence d’accords conclus avec d’autres propriétaires ou exploitants de terres agricoles pour l’utilisation de celles-ci peut, en principe, constituer un cas de force majeure, il en est ainsi seulement à la condition que cette impossibilité soit due à des circonstances étrangères à ce bénéficiaire, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées malgré toutes les diligences déployées par ce dernier, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.