Language of document : ECLI:EU:F:2008:126

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

7 juillet 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Transport par route – Dispositions sociales – Règlement (CE) no 561/2006 – Dérogations – Article 13, paragraphe 1, sous b) – Notion de “rayon allant jusqu’à 100 kilomètres (km) autour du lieu d’établissement de l’entreprise” – Véhicules effectuant des transports dans ce rayon et aussi au-delà dudit rayon »

Dans l’affaire C‑13/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Judecătoria Miercurea Ciuc (tribunal de première instance de Miercurea Ciuc, Roumanie), par décision du 10 novembre 2020, parvenue à la Cour le 4 janvier 2021, dans la procédure

Pricoforest SRL

contre

Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR),

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes L. Nicolae et C. Vrignon, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil (JO 2006, L 102, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2020/1054 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020 (JO 2020, L 249, p. 1) (ci‑après le « règlement no 561/2006 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pricoforest SRL, une entreprise opérant dans le secteur de la sylviculture, établie en Roumanie, à l’Inspectoratul de Stat pentru Controlul în Transportul Rutier (ISCTR) [inspection nationale pour le contrôle du transport routier (ISCTR), Roumanie] au sujet des sanctions administratives infligées à cette entreprise pour des infractions aux règles relatives à la durée de conduite journalière et aux temps de repos journalier du conducteur.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 17 du règlement no 561/2006 énonce :

« Le présent règlement vise à améliorer les conditions sociales pour les travailleurs auxquels il s’applique, ainsi qu’à améliorer la sécurité routière en général. Il vise à atteindre cet objectif principalement au moyen des dispositions relatives au temps de conduite maximum par jour, par semaine et par période de deux semaines consécutives, de la disposition obligeant un conducteur à prendre un temps de repos hebdomadaire normal au moins une fois sur une période de deux semaines consécutives, et des dispositions qui prévoient qu’en aucun cas un temps de repos journalier ne peut être inférieur à une période ininterrompue de neuf heures. [...] »

4        Aux termes de l’article 1er de ce règlement :

« Le présent règlement fixe les règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos qui doivent être observés par les conducteurs assurant le transport de marchandises et de voyageurs par route afin d’harmoniser les conditions de concurrence entre les modes de transport terrestre, en particulier en ce qui concerne le secteur routier, et d’améliorer des conditions de travail et la sécurité routière. Le présent règlement vise également à promouvoir de meilleures pratiques de contrôle et d’application des règles par les États membres et de meilleures méthodes de travail dans le secteur du transport routier. »

5        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, celui‑ci s’applique, notamment, au transport routier « de marchandises par des véhicules, y compris des véhicules à remorque ou à semi‑remorque, dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes ».

6        Aux termes de l’article 4, sous e) et g), du même règlement :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

e)      “autre tâche” : toute activité, à l’exception de la conduite, définie comme temps de travail à l’article 3, point a), de la directive 2002/15/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (JO 2002, L 80, p. 35)], y compris toute activité accomplie pour le même ou un autre employeur dans le secteur du transport ou en dehors ;

[...]

g)      “temps de repos journalier” : la partie d’une journée pendant laquelle un conducteur peut disposer librement de son temps et qui peut être un “temps de repos journalier normal” ou un “temps de repos journalier réduit”:

–        “temps de repos journalier normal” : toute période de repos d’au moins onze heures. Ce temps de repos journalier normal peut aussi être pris en deux tranches, dont la première doit être une période ininterrompue de trois heures au moins et la deuxième une période ininterrompue d’au moins neuf heures ;

–        “temps de repos journalier réduit” : toute période de repos d’au moins neuf heures, mais de moins de onze heures ».

7        L’article 6 du règlement no 561/2006, qui fixe les durées maximales de conduite journalières, hebdomadaires et sur deux semaines consécutives, précise, à son paragraphe 5 :

« Un conducteur enregistre comme autre tâche tout temps tel qu’il est défini à l’article 4, point e), ainsi que tout temps passé à conduire un véhicule utilisé pour des opérations commerciales n’entrant pas dans le champ d’application du présent règlement [...]. Cet enregistrement est effectué manuellement sur une feuille d’enregistrement, sur une sortie imprimée ou à l’aide de la fonction de saisie manuelle offerte par l’appareil de contrôle. »

8        L’article 13, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Pour autant que cela ne soit pas préjudiciable aux objectifs visés à l’article 1er, chaque État membre peut accorder des dérogations aux articles 5 à 9 [qui fixent les règles applicables à l’équipage d’un véhicule, à la durée de conduite, ainsi qu’aux pauses et aux temps de repos] et subordonner ces dérogations à des conditions particulières sur son territoire ou, avec l’accord de l’État intéressé, sur le territoire d’un autre État membre, applicables aux transports effectués par les véhicules suivants :

[...]

b)      véhicules utilisés ou loués sans chauffeur par des entreprises d’agriculture, d’horticulture, de sylviculture, d’élevage ou de pêche pour le transport de biens dans le cadre de leur activité professionnelle spécifique dans un rayon allant jusqu’à 100 [kilomètres (km)] autour du lieu d’établissement de l’entreprise ;

[...] »

 Le droit roumain

9        Aux termes de l’article 2 de l’Ordonanța Guvernului nr. 37, privind stabilirea cadrului de aplicare a regulilor privind perioadele de conducere, pauzele și perioadele de odihnă ale conducătorilor auto și utilizarea aparatelor de înregistrare a activității acestora (ordonnance du gouvernement no 37, définissant le cadre d’application des règles relatives aux durées de conduite, de pause et de repos des conducteurs et à l’utilisation des appareils de contrôle de leurs activités), du 7 août 2007 (Monitorul Oficial al României, no 565 du 16 août 2007) :

« Les opérations de transport visées à l’article 13, paragraphe 1, sous a) à d), f) à h) et j) à p), du règlement no 561/2006 sont dispensées, sur le territoire de la Roumanie, de l’application des dispositions de ce règlement. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Le 2 septembre 2020, un véhicule automobile tractant une semi‑remorque, utilisé par Pricoforest pour le transport de bois, a fait l’objet d’un contrôle par des agents de l’ISCTR dans une localité située sur le territoire roumain, à environ 130 km par route du lieu d’établissement de cette entreprise.

11      À la suite des vérifications effectuées et de l’analyse des données téléchargées à partir du tachygraphe installé à bord de ce véhicule, il a été constaté, d’une part, que, entre le 17 août 2020, à 5 h 15, et le 18 août 2020, à 19 h 23, le conducteur avait conduit pendant 15 heures et 56 minutes, excédant de 5 heures et 56 minutes la durée maximale de conduite journalière de 10 heures, prévue à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 561/2006. Pendant cette plage horaire, le conducteur avait pris 6 heures et 48 minutes de temps de repos, alors que, conformément à l’article 4, sous g), de ce règlement, il aurait dû prendre un temps de repos journalier d’au moins 9 heures. Pour cette infraction, une amende de 9 000 lei roumains (RON) (environ 1 800 euros), ou de 4 500 RON (environ 900 euros) en cas de paiement dans un délai de 15 jours, a été infligée à Pricoforest.

12      D’autre part, les agents de l’ISCTR ont constaté que, le 25 août 2020, entre 00 h 54 et 4 h 24, le conducteur dudit véhicule avait pris un temps de repos de 3 heures et 30 minutes, alors que ce temps de repos aurait dû être au moins égal à 9 heures, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement. Pour cette infraction, une amende de 4 000 RON (environ 800 euros), ou de 2 000 RON (environ 400 euros) en cas de paiement dans un délai de 15 jours, a également été infligée à Pricoforest.

13      Le 25 septembre 2020, cette entreprise a saisi la juridiction de renvoi d’un recours visant à l’annulation du procès‑verbal de contravention ou, à titre subsidiaire, à la substitution des amendes infligées par un avertissement. Sans contester les données téléchargées à partir du tachygraphe du véhicule contrôlé, Pricoforest fait valoir que les temps enregistrés se rapportent à des transports de biens effectués par un véhicule visé à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 et que, en vertu de l’ordonnance du gouvernement no 37, du 7 août 2007, ces transports sont dispensés de l’application des règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos établies par ce règlement. En outre, Pricoforest estime que l’agent verbalisateur a erronément assimilé la notion de « rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise », au sens de cette disposition, à la distance par route entre la localité où se situe son lieu d’établissement et celle où ledit véhicule a fait l’objet du contrôle.

14      L’ISCTR, pour sa part, soutient que la dérogation prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 ne vise que les transports de biens effectués dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée. Or, le contrôle en cause au principal ayant été effectué à environ 130 km du lieu d’établissement de Pricoforest, le véhicule objet de ce contrôle ne serait plus couvert par cette dérogation et, partant, les règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos établies par ce règlement lui seraient applicables.

15      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur l’interprétation de la notion de « rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise », au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006. Tout en admettant que le terme « rayon » correspond à une ligne droite tracée sur la carte à partir du centre du cercle dans lequel une action s’exerce, cette juridiction considère, cependant, que les objectifs poursuivis par ce règlement, consistant à améliorer tant les conditions sociales des travailleurs auxquels il s’applique que la sécurité routière, ne seraient pas atteints si, à l’intérieur d’un tel cercle, des transports effectués sur une distance plus importante étaient dispensés de l’application des règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos établies par ledit règlement.

16      En second lieu, ladite juridiction se pose la question de savoir si, lorsqu’un véhicule visé à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 effectue habituellement des transports de biens non seulement dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée, mais aussi au‑delà de ce rayon, cette disposition doit être interprétée en ce sens que sont dispensés de l’application des règles mentionnées au point précédent tous les transports effectués ou, à tout le moins, les transports qui ne dépassent pas ce rayon de 100 km, ou si aucun de ces transports n’est dispensé de l’application desdites règles.

17      À cet égard, la juridiction de renvoi ajoute que l’application des règles en cause aux seuls transports de biens effectués au‑delà d’un rayon de 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée rendrait impossible la vérification des temps de repos hebdomadaires définis par ce règlement. Elle fait également observer qu’une interprétation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006 en ce sens que tous les transports effectués par le véhicule contrôlé, y compris ceux effectués au‑delà de ce rayon de 100 km, sont dispensés de l’application de ce règlement impliquerait que, dans l’affaire au principal, Pricoforest n’a pas commis les infractions qui lui sont reprochées.

18      Dans ces conditions, la Judecătoria Miercurea Ciuc (tribunal de première instance de Miercurea Ciuc, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion de “rayon allant jusqu’à 100 km” figurant à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 doit‑elle être interprétée en ce sens qu’une ligne droite tracée sur la carte entre le lieu d’établissement de l’entreprise et la destination doit être inférieure à 100 km, ou en ce sens que la distance effectivement parcourue par le véhicule doit être inférieure à 100 km ?

2)      L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 doit‑il être interprété en ce sens que, lorsque le cas de figure visé à cette disposition est dispensé de l’application du règlement par une disposition nationale et que des transports relevant de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 sont effectués, sur une période d’un mois, certains dans un rayon allant jusqu’à 100 km du lieu d’établissement de l’entreprise et d’autres au‑delà de ce rayon, la dispense de l’application dudit règlement s’applique à tous les transports concernés, uniquement aux transports effectués [dans un rayon allant jusqu’à] 100 km, ou à aucun de ces transports ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

19      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise », au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006, doit être comprise comme visant une ligne droite tracée sur la carte entre le lieu d’établissement de l’entreprise concernée et la destination du véhicule utilisé par celle‑ci pour le transport de biens dans le cadre de son activité professionnelle spécifique, ou comme visant la distance par route effectivement parcourue par ce véhicule.

20      Il ressort de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 561/2006 que chaque État membre peut accorder des dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement et les subordonner à des conditions particulières sur son territoire, pour autant que cela ne soit pas préjudiciable aux objectifs visés à l’article 1er dudit règlement. Ces dérogations et ces conditions sont applicables aux transports de biens effectués par les véhicules utilisés ou loués sans chauffeur par des entreprises d’agriculture, d’horticulture, de sylviculture, d’élevage ou de pêche dans l’exercice de leur activité professionnelle spécifique, dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée.

21      Le terme « rayon » n’est pas défini par le règlement nº 561/2006 et l’article 13, paragraphe 1, sous b), de celui-ci ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour définir le sens et la portée de ce terme.

22      Or, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité qu’une telle disposition doit normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement du sens habituel des termes de ladite disposition dans le langage courant, mais aussi du contexte de celle‑ci et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2021, The Software Incubator, C‑410/19, EU:C:2021:742, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

23      Dans le langage courant, le terme « rayon » désigne le segment, en ligne droite, correspondant à la moitié du diamètre d’un cercle reliant le centre de celui-ci à tout point de sa circonférence.

24      Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 28 et 29 de ses conclusions, lorsque le législateur de l’Union a entendu, dans une disposition du règlement nº 561/2006 autre que l’article 13, paragraphe 1, sous b), se référer à une distance concrète, parcourue ou à parcourir, par la route, il en a fourni l’indication précise en ce sens dans le libellé même de cette disposition. C’est notamment le cas de l’article 3, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous b), in fine, de ce règlement.

25      Il s’ensuit que la notion de « rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise », au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006, doit être comprise comme visant une ligne droite ne dépassant pas 100 km, tracée sur la carte à partir de ce lieu d’établissement et reliant celui‑ci à tout point d’une zone géographique circulaire entourant ledit lieu. Cette notion ne couvre donc pas la distance par route effectivement parcourue par le véhicule concerné.

26      Étant donné que cette interprétation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006 découle clairement du libellé de cette disposition et de l’économie de ce règlement, les objectifs poursuivis par celui‑ci, invoqués par la juridiction de renvoi, qui consistent à améliorer tant les conditions sociales des travailleurs auxquels ledit règlement s’applique que la sécurité routière, ne sauraient remettre en cause ladite interprétation.

27      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que la notion de « rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise », au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006, doit être comprise comme visant une ligne droite ne dépassant pas 100 km, tracée sur la carte à partir dudit lieu d’établissement et reliant celui-ci à tout point d’une zone géographique circulaire entourant ce même lieu.

 Sur la seconde question

28      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un État membre a accordé, sur le fondement de cette disposition, des dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement, applicables aux transports de biens effectués par les véhicules visés à ladite disposition, et que ces véhicules effectuent ces transports non seulement dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée, mais aussi au‑delà de ce rayon, une telle utilisation de ces véhicules rend ces dérogations applicables à tous les transports de biens effectués par lesdits véhicules, qu’ils soient effectués au‑delà ou à l’intérieur dudit rayon, ou, au contraire, exclut l’application desdites dérogations à tous ces transports.

29      Il ressort de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 que les dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement, lesquels fixent les règles applicables notamment à la durée de conduite, aux pauses et aux temps de repos du conducteur, que les États membres peuvent accorder en vertu de cette disposition sont applicables aux transports de biens effectués par les véhicules qui y sont visés lorsque les conditions prévues à ladite disposition, rappelées au point 20 du présent arrêt, sont remplies.

30      Ces dérogations sont d’interprétation stricte et leur portée doit être déterminée en tenant compte notamment des finalités du règlement nº 561/2006 (voir, par analogie, arrêts du 7 février 2019, NK, C‑231/18, EU:C:2019:103, point 21, ainsi que du 21 novembre 2019, Deutsche Post e.a., C‑203/18 et C‑374/18, EU:C:2019:999, point 50 et jurisprudence citée). Ainsi, l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ne saurait être interprété de façon à étendre ses effets au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts qu’il vise à garantir (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2014, A. Karuse, C‑222/12, EU:C:2014:142, point 28 et jurisprudence citée).

31      Il s’ensuit, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 62 et 63 de ses conclusions, que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 561/2006 ne saurait être interprété en ce sens que, lorsque les véhicules qu’il vise effectuent des transports de biens à la fois dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée et au‑delà de ce rayon, cette disposition s’applique à tous les transports de biens effectués par ces véhicules, y compris à ceux dépassant ledit rayon. Ces derniers transports ne peuvent donc pas bénéficier des dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement.

32      En revanche, une interprétation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006 en ce sens que, lorsque les véhicules qu’il vise effectuent des transports de biens à la fois dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée et au‑delà de ce rayon, aucun de ces transports ne peut bénéficier des dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement priverait d’effet utile cette disposition.

33      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 5, du règlement no 561/2006 impose au conducteur d’enregistrer comme « autre tâche », notamment, « tout temps passé à conduire un véhicule utilisé pour des opérations commerciales n’entrant pas dans le champ d’application [de ce] règlement ». En effet, les périodes de conduite enregistrées, conformément à cette disposition, comme « autre tâche » constituent des périodes d’activité réelle du conducteur, au cours desquelles il ne dispose pas librement de son temps et qui, dans la mesure où elles ont des effets sur l’état de fatigue du conducteur, sont susceptibles d’influencer la conduite de ce dernier (voir, par analogie, arrêt du 18 janvier 2001, Skills Motor Coaches e.a., C‑297/99, EU:C:2001:37, points 36 à 39).

34      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 80 de ses conclusions, pour les cas d’utilisation d’un véhicule visé à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006 non seulement dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée, mais aussi au‑delà de ce rayon, cette obligation d’enregistrement permet aux autorités nationales compétentes de vérifier si le temps passé à conduire, enregistré, conformément à l’article 6, paragraphe 5, de ce règlement, comme « autre tâche », correspond à des transports par route couverts par des dérogations aux articles 5 à 9 dudit règlement accordées sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de celui‑ci. Partant, les autorités nationales sont en mesure de vérifier si, en ce qui concerne les transports effectués par le véhicule contrôlé qui ne sont pas couverts par de telles dérogations, les règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos découlant desdits articles 5 à 9 ont été respectées.

35      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un État membre a accordé, sur le fondement de cette disposition, des dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement, applicables aux transports de biens effectués par les véhicules visés à ladite disposition, et que ces véhicules effectuent ces transports non seulement dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée, mais aussi au‑delà de ce rayon, ces dérogations sont applicables uniquement aux transports de biens effectués par ces véhicules ne dépassant pas ledit rayon.

 Sur les dépens

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      La notion de « rayon allant jusqu’à 100 [kilomètres (km)] autour du lieu d’établissement de l’entreprise », au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2020/1054 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020, doit être comprise comme visant une ligne droite ne dépassant pas 100 km, tracée sur la carte à partir dudit lieu d’établissement et reliant celuici à tout point d’une zone géographique circulaire entourant ce même lieu.

2)      L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 561/2006, tel que modifié par le règlement 2020/1054, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un État membre a accordé, sur le fondement de cette disposition, des dérogations aux articles 5 à 9 de ce règlement, applicables aux transports de biens effectués par les véhicules visés à ladite disposition, et que ces véhicules effectuent ces transports non seulement dans un rayon allant jusqu’à 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise concernée, mais aussi audelà de ce rayon, ces dérogations sont applicables uniquement aux transports de biens effectués par ces véhicules ne dépassant pas ledit rayon.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.