ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
26 mai 1998 (1)
«Fonctionnaires Rémunération Coefficient correcteur Dispositions
particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans des
pays tiers Violation des principes de l'équivalence du pouvoir d'achat et de
l'égalité de traitement»
Dans l'affaire T-177/96,
Mario Costacurta, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes,
demeurant à Luxembourg, représenté par Me Nicolas Decker, avocat au barreau
de Luxembourg, ayant élu domicile en l'étude de ce dernier, 16, avenue Marie-Thérèse,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gianluigi
Valsesia, conseiller juridique principal, et Mme Florence Clotuche, membre du
service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de
M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner,
Kirchberg,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la
Commission, du 22 juillet 1996, portant refus de l'application au requérant de
coefficients correcteurs du Zaïre pendant la période de son affectation à la
délégation de la Commission dans ce pays et, d'autre part, une demande
d'indemnisation du préjudice en résultant,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. J. Azizi, président, R. García-Valdecasas et M. Jaeger, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 20 janvier 1998,
rend le présent
Arrêt
Cadre réglementaire
- 1.
- Le régime pécuniaire applicable aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers
figure à l'annexe X du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»). Cette annexe, ajoutée au statut par le règlement (Euratom, CECA,
CEE) n° 3019/87 du Conseil, du 5 octobre 1987, établissant des dispositions
particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés
européennes affectés dans un pays tiers (JO L 286, p. 3), dispose en son article 11:
«La rémunération, ainsi que les indemnités visées à l'article 10, sont payées en
francs belges en Belgique. Elles sont affectées du coefficient correcteur applicable
à la rémunération des fonctionnaires affectés en Belgique.»
- 2.
- L'article 12 de cette annexe énonce:
«Sur demande du fonctionnaire, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut
décider de payer la rémunération, en tout ou en partie, en monnaie du pays
d'affectation. Elle est alors affectée du coefficient correcteur du lieu d'affectation
et convertie selon le taux de change correspondant.
Dans des cas exceptionnels dûment justifiés, l'autorité investie du pouvoir de
nomination peut effectuer tout ou partie de ce paiement dans une monnaie autre
que celle du lieu d'affectation selon des modalités appropriées visant à assurer le
maintien du pouvoir d'achat.»
- 3.
- L'article 13 dispose:
«En vue d'assurer dans toute la mesure du possible l'équivalence du pouvoir
d'achat des fonctionnaires indépendamment de leur lieu d'affectation, le Conseil
fixe tous les six mois les coefficients correcteurs visés à l'article 12. Le Conseil
statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue au
paragraphe 2, second alinéa, premier tiret, de l'article 148 du traité instituant la
Communauté économique européenne et de l'article 118 du traité instituant la
Communauté européenne de l'énergie atomique, par voie de procédure écrite dans
le délai d'un mois. Au cas où un État membre demande l'examen formel de la
proposition de la Commission, le Conseil statue dans un délai de deux mois.
Toutefois, lorsque la variation du coût de la vie mesurée d'après le coefficient
correcteur et le taux de change correspondant s'avère supérieure à 5 % depuis la
dernière adaptation pour un pays donné, la Commission décide des mesures
d'adaptation intermédiaire de ce coefficient et en informe le Conseil dans les plus
brefs délais.»
- 4.
- La Commission, sur la base de l'article 1er, troisième alinéa, de l'annexe X du
statut, a adopté des «directives internes relatives à la fixation des modalités de
paiement visées à l'article 12 de l'annexe X du statut des fonctionnaires» (ci-après
«directives internes») dont l'article 1er a la teneur suivante:
«En application de l'article 12 de l'annexe X du statut et sur demande du
fonctionnaire, l'AIPN procède au paiement, en monnaie du pays d'affectation,
d'une partie de sa rémunération jusqu'à concurrence de 80 % de la rémunération
nette.
Dans des cas dûment motivés, l'AIPN peut accepter de procéder au paiement en
monnaie du pays d'affectation d'une partie de la rémunération dépassant ce
pourcentage de 80 %.»
Faits à l'origine du litige et procédure
- 5.
- Le requérant a été affecté, à partir du 16 février 1993, auprès de la délégation de
la Commission à Kinshasa (Zaïre). Il y a occupé le poste d'assistant administratif
et financier à partir du 26 mars 1993. A cette date, le coefficient correcteur pour
le Zaïre était de 97,49.
- 6.
- Le requérant a été seul en poste à Kinshasa de juillet 1993 au 3 février 1994, date
à laquelle un deuxième fonctionnaire y a été affecté, suivi d'un troisième le 13 mars
1995.
- 7.
- Par règlement (CECA, CE, Euratom) n° 2403/94, du 29 septembre 1994, portant
fixation des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des
fonctionnaires affectés dans les pays tiers (JO L 257, p. 1), le Conseil a fixé le
coefficient correcteur du Zaïre à 117,66, avec effet à compter du 1er janvier 1993.
- 8.
- Les coefficients correcteurs du Zaïre ont ensuite fait l'objet des adaptations
suivantes, publiées dans les Informations administratives n° 907 du 8 septembre
1995:
109,93 avec effet au 1er mars 1993;
216,22 avec effet au 1er avril 1993;
243,34 avec effet au 1er mai 1993;
247,13 avec effet au 1er juin 1993.
- 9.
- A la suite d'une note établie par l'Office statistique des Communautés européennes
(ci-après «Eurostat») du 15 novembre 1993, la Commission n'a plus fait de
propositions de fixation de nouveaux coefficients correcteurs pour le Zaïre. Dans
cette note, Eurostat indiquait que la valeur statistique des données disponibles pour
le calcul des parités pour le Zaïre était tellement douteuse qu'il était d'avis de
suspendre la publication des coefficients correcteurs relatifs à ce pays.
- 10.
- Par règlement (CE, Euratom, CECA) n° 793/95, du 31 mars 1995, portant fixation
des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des fonctionnaires
affectés dans les pays tiers (JO L 80, p. 1), le Conseil a fixé les coefficients
correcteurs avec effet au 1er juillet 1993 à «0,00» pour le Zaïre, avec la mention
«non disponible». Ce renseignement a été communiqué au personnel de la
Commission par les informations administratives spéciales du 31 octobre 1995.
- 11.
- Par note du 19 octobre 1995, le requérant à demandé à l'autorité investie du
pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») le transfert mensuel, à partir de janvier
1996, d'une somme en monnaie du pays d'affectation, le nouveau zaïre,
correspondant à 40 000 BFR, affectée du coefficient correcteur 247,13.
- 12.
- Par note du 10 novembre 1995, le requérant a demandé, sur la base des articles 12
et 13 de l'annexe X du statut, l'application rétroactive des coefficients correcteurs
sur le montant mensuel de 60 000 BFR pour la période allant de mars 1993 à
décembre 1995.
- 13.
- Par note du 14 novembre 1995, l'AIPN a rejeté la demande du requérant du 19
octobre 1995, au motif que le Conseil n'avait plus fixé de coefficient correcteur
pour le Zaïre depuis le 1er juillet 1993.
- 14.
- Le 22 novembre 1995, le requérant a réitéré ses demandes des 19 octobre et 10
novembre 1995. S'agissant des transferts à effectuer à partir de janvier 1996, il a
sollicité le versement mensuel d'une somme de 100 000 BFR affectée du coefficient
correcteur 247,13, dans l'hypothèse où l'AIPN opterait pour l'application de l'article
12, deuxième alinéa, de l'annexe X du statut.
- 15.
- Ces demandes sont restées sans réponse.
- 16.
- Le 16 février 1996, le requérant a introduit, sur la base de l'article 90, paragraphe
2, du statut, une réclamation, enregistrée au secrétariat général le 20 février 1996.
- 17.
- Ce n'est que le 22 juillet 1996 que l'AIPN a pris une décision explicite de rejet de
la réclamation, qui est parvenue au requérant à Kinshasa le 13 août 1996.
- 18.
- Le 1er septembre 1996, le requérant a été réaffecté à l'Office des publications
officielles des Communautés européennes à Luxembourg.
- 19.
- Le 8 novembre 1996, le requérant a déposé la requête introductive du présent
recours.
- 20.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a ordonné une
mesure d'organisation de la procédure en invitant les parties à produire certains
documents, lesquels ont été dûment déposés.
Conclusions des parties
- 21.
- Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler les décisions de la Commission du 14 novembre 1995 et du 22 juillet
1996, en tant qu'elles portent rejet des demandes d'application des
coefficients correcteurs du Zaïre au transfert mensuel de 60 000 BFR, pour
la période de mars 1993 à décembre 1995, et de 100 000 BFR pour la
période de janvier à août 1996;
condamner la Commission à verser au requérant la différence entre la
somme qu'il aurait dû percevoir à titre de rémunération si les coefficients
correcteurs avaient été correctement appliqués et celle qu'il a effectivement
perçue (à savoir un montant de 4 075 352 BFR), majorée des intérêts
légaux à partir du 16 février 1996, date de sa réclamation;
condamner la Commission aux dépens.
- 22.
- La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme irrecevable en tant qu'il vise à la condamnation
de la défenderesse à verser au requérant une somme de 4 075 352 BFR,
augmentée des intérêts au taux légal à dater du 16 février 1996;
rejeter le recours comme non fondé pour le surplus;
statuer sur les dépens comme de droit.
Sur la recevabilité
Argumentation des parties
- 23.
- Selon la défenderesse, la demande tendant à ce que le Tribunal lui enjoigne de
verser au requérant la somme de 4 075 352 BFR, majorée des intérêts légaux à
partir du 16 février 1996, est irrecevable, le juge communautaire n'ayant pas
compétence pour adresser à l'administration des injonctions dans le cadre d'un
contrôle de légalité fondé sur les articles 179 du traité et 91 du statut (arrêt du
Tribunal du 8 juin 1995, P/Commission, T-583/93, RecFP p. II-433, point 17).
- 24.
- A l'audience, le requérant a précisé que la conclusion critiquée devait se
comprendre comme une demande de réparation du préjudice subi.
Appréciation du Tribunal
- 25.
- La conclusion critiquée tend à obtenir la réparation du préjudice que le requérant
allègue avoir subi. En effet, dans son argumentation, le requérant identifie un
dommage et un lien de causalité entre le comportement reproché à la défenderesse
et ce dommage.
- 26.
- Cette action en indemnité se rattache étroitement au recours en annulation
puisqu'elle tend à la réparation d'un préjudice qui résulterait des actes dont
l'annulation est demandée. Or, lorsqu'il existe un lien direct entre un recours en
annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant
qu'accessoire au recours en annulation (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993,
Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point
46, et la jurisprudence y citée).
- 27.
- En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir.
Sur le fond
Sur les conclusions en annulation
Exposé des moyens
- 28.
- A l'appui de son recours, le requérant invoque trois moyens. Le premier est tiré
d'une violation des articles 12 et 13 de l'annexe X du statut. Le deuxième est pris
d'une atteinte aux droits financiers du requérant et d'un manquement au devoir de
sollicitude et le troisième d'une violation du principe de non-discrimination et du
droit à l'égalité de traitement.
- 29.
- Les dispositions régissant le droit des fonctionnaires affectés dans un pays tiers à
percevoir tout ou partie de leur rémunération affectée d'un coefficient correcteur
approprié étant les articles 11 à 13 de l'annexe X du statut (voir ci-dessus points
1 à 3), il y a lieu de regrouper le premier moyen et le deuxième moyen en tant que
ce dernier est pris d'une atteinte aux droits financiers du requérant.
- 30.
- En tant qu'il est pris d'un manquement au devoir de sollicitude, le deuxième moyen
ne constitue qu'un prolongement du raisonnement exposé par le requérant dans le
cadre de son premier moyen en ce qui concerne la fixation des coefficients
correcteurs. Il est, dès lors, également opportun d'examiner ensemble ces moyens.
- 31.
- Le troisième moyen étant pris d'une violation du principe de non-discrimination et
de l'égalité de traitement et le premier moyen reposant en substance sur une
prétendue atteinte à ce principe, il convient donc d'examiner l'ensemble des
moyens conjointement.
Argumentation des parties
- 32.
- Selon le requérant, les traités confèrent aux fonctionnaires le droit à une
rémunération à laquelle est appliquée un coefficient correcteur calculé sur la base
du coût de la vie dans le pays dans lequel ils sont affectés.
- 33.
- Eu égard à l'article 1er des directives internes, la Commission devrait accéder
automatiquement aux demandes de versement de la rémunération dans le pays
d'affectation jusqu'à concurrence de 80 %. Le pouvoir d'appréciation qui lui est
conféré par l'article 12 de l'annexe X du statut se limiterait à la partie de la
rémunération dépassant ce pourcentage.
- 34.
- En l'espèce, le requérant critique le rejet de sa demande du 10 novembre 1995 en
ce que la défenderesse lui a refusé l'aplication, pour la période de mars à juin 1993,
des coefficients correcteurs en vigueur pendant cette période, à une somme
mensuelle de 60 000 BFR.
- 35.
- Premièrement, ce rejet violerait les articles 12 et 13 de l'annexe X du statut.
- 36.
- Deuxièmement, il enfreindrait le principe de non-discrimination, car il entraînerait
un traitement défavorable du requérant par rapport aux fonctionnaires ayant
bénéficié de l'application des coefficients correcteurs de leur pays d'affectation pour
la même période lorsque ces coefficients étaient supérieurs à 100.
- 37.
- Troisièmement, la publication tardive des coefficients correcteurs de mars à juin
1993, dont il a demandé l'application rétroactive, constituerait un manquement au
devoir de sollicitude qui incombait à la défenderesse.
- 38.
- Le requérant critique également le rejet de sa demande en tant que la
défenderesse lui a refusé l'application du coefficient correcteur de juin 1993 pour
la période allant de juillet 1993 à août 1996.
- 39.
- Premièrement, ce rejet violerait également les articles 12 et 13 de l'annexe X du
statut. Dans l'hypothèse où la monnaie d'un pays tiers ou les données le concernant
manqueraient de fiabilité, le principe de l'équivalence du pouvoir d'achat
commanderait à la Commission de faire usage de la possibilité, que lui confère
l'article 12, deuxième alinéa, de l'annexe X du statut, de proposer au Conseil la
fixation du coefficient correcteur du pays concerné sur la base d'une autre monnaie
de référence. En outre, le principe de la hiérarchie des normes interdirait au
Conseil et à la Commission de supprimer la publication d'un coefficient correcteur
de 247,13 sur un simple avis d'Eurostat. Enfin, en cas d'indisponibilité de
coefficients correcteurs au jour de leur publication (mention «0,00»), la
Commission et le Conseil seraient tenus de calculer, de fixer et de publier par la
suite les coefficients correcteurs concernant les périodes considérées, avec effet
rétroactif. A cet égard, le requérant invoque les articles 3, paragraphe 5, deuxième
alinéa, et 8 de l'annexe XI du statut, qui prévoient la possibilité de faire rétroagir
des coefficients correcteurs dans les lieux d'affectation qui subissent une forte
inflation.
- 40.
- Deuxièmement, le requérant aurait fait l'objet d'une discrimination par rapport aux
fonctionnaires affectés en Russie. Pour ce pays, dont la monnaie aurait connu des
difficultés analogues, un coefficient sur parité économique en USD aurait été fixé
avec effet au 1er janvier 1994.
- 41.
- Troisièmement, le requérant fait grief à la défenderesse d'avoir manqué à son
devoir de sollicitude en n'entreprenant pas les démarches nécessaires pour
proposer au Conseil la fixation de nouveaux coefficients correcteurs pour le Zaïre
pour la période considérée.
- 42.
- La défenderesse conclut au rejet des conclusions en annulation. D'une part, la
demande de paiement d'une somme équivalente à 60 000 BFR affectée des
coefficients correcteurs de mars 1993 à juin 1993 aurait été tardive, car introduite
postérieurement aux dépenses. D'autre part, l'application du coefficient correcteur
de juin 1993 aux rémunérations postérieures aurait été interdite, car ce coefficient
avait cessé d'être en vigueur.
Appréciation du Tribunal
- 43.
- Il ressort de l'article 11 de l'annexe X du statut que la rémunération des
fonctionnaires affectés dans un pays tiers est, en principe, payée en francs belges
en Belgique et affectée du coefficient correcteur afférent à ce pays (arrêt du
Tribunal du 15 décembre 1992, Scaramuzza/Commission, T-75/91, Rec. p. II-2557,
point 19). A ce principe, deux exceptions sont prévues à l'article 12 de ladite
annexe: le paiement de la rémunération en tout ou en partie en monnaie du pays
d'affectation avec application du coefficient correcteur afférent à ce pays (premier
alinéa) ou le paiement de la rémunération en tout ou en partie dans une monnaie
autre que celle du lieu d'affectation selon des modalités appropriées visant à
assurer le maintien du pouvoir d'achat (second alinéa).
- 44.
- L'article 12, premier alinéa, de l'annexe X du statut confère à l'AIPN une marge
d'appréciation pour déterminer dans quelle mesure elle doit faire droit aux
demandes introduites par les fonctionnaires sur la base de cette disposition (arrêt
Scaramuzza/Commission, cité au point 43 ci-dessus, points 17 et 18). Il ressort du
terme «peut», figurant au second alinéa du même article, qu'il en va de même
dans l'application de cet alinéa.
- 45.
- Toutefois, ce pouvoir d'appréciation doit s'exercer dans le respect des principes
généraux du droit et des règles statutaires.
- 46.
- La légalité d'une décision prise en application de l'article 12 de l'annexe X du
statut ne saurait donc être valablement contestée que si le requérant établit que
l'AIPN a enfreint l'une de ces normes.
- 47.
- En invoquant une violation des articles 12 et 13 et une atteinte à ses droits
financiers, le requérant se prévaut, en substance, d'une violation du principe de
l'équivalence du pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires quel que soit leur lieu
d'affectation. Ainsi que l'observe le requérant, ce principe est à la base des articles
12 et 13 de l'annexe X du statut (à cet égard, voir arrêts du Tribunal du 15
décembre 1992, Auzat/Commission, T-47/91, Rec. p. II-2535, point 38, et
Scaramuzza/Commission, cité au point 43 ci-dessus, point 40). Il constitue une
expression du principe de l'égalité de traitement.
- 48.
- En l'espèce, il est constant que, pendant la période d'affectation du requérant au
Zaïre, sa rémunération a été versée en francs belges en Belgique avec application
du coefficient correcteur afférent à ce pays, en vertu de l'article 11 de l'annexe X
du statut.
- 49.
- En réponse aux questions écrites du Tribunal, le requérant a produit, d'une part,
des documents de l'Institut de recherches économiques et sociales de la faculté des
sciences économiques de l'université de Kinshasa (ci-après «IRES») relatifs à
l'indice des prix de biens de consommation à Kinshasa pour les mois de juin à
septembre 1994, de juin à août 1995 et de mai à juillet 1996 et, d'autre part, 27
factures de la brasserie «La Ciboulette» de Kinshasa, afférentes à des achats et des
repas faits entre le 4 août 1993 et le 6 juillet 1996.
- 50.
- Les premiers documents se rapportent aux prix de 40 produits alimentaires, de 10
produits d'habillement et de 11 produits divers vendus sur les marchés (tableau 4)
ainsi que de 21 produits alimentaires et de 14 produits divers vendus en magasins
(tableau 6).
- 51.
- L'analyse de ces documents révèle qu'entre juin 1994 et juillet 1996 le prix de
l'ensemble des produits du tableau 4 a été multiplié par 102,9 et celui de
l'ensemble des produits du tableau 6 par 84,6; le prix de l'ensemble des produits
des tableaux 4 et 6 a été multiplié par 93,9. Or, le cours d'achat du franc belge
indiqué dans ces mêmes documents (tableau 1) a évolué, au cours de la même
période, selon un rapport de 1 à 102,1. Il s'ensuit que, entre juin 1994 et juillet
1996, l'appréciation du franc belge par rapport au zaïre a été approximativement
de 9 % supérieure à l'augmentation des prix en zaïres.
- 52.
- Par conséquent, sur la base de ces documents, le paiement de la rémunération du
requérant en francs belges au cours de cette période a maintenu, et même accru
approximativement de 9 %, le pouvoir d'achat de ce dernier dans son pays
d'affectation.
- 53.
- Les factures de restaurant ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion. En
effet, pour ponctuelles qu'elles soient, les informations qu'elles contiennent
indiquent néanmoins que, sur la base des taux de change de mai 1994 figurant dans
le tableau 1 des documents de l'IRES, le prix d'un pichet de vin, d'un dessert ou
d'un apéritif, par exemple, n'a pratiquement pas changé entre mai 1994 et juillet
1996, si ce n'est légèrement à la baisse.
- 54.
- Le paiement de la rémunération du requérant en francs belges, en application de
l'article 11 de l'annexe X du statut, au cours de la période en cause n'a pas réduit
son pouvoir d'achat par rapport à celui des autres fonctionnaires. Il en découle que
les décisions attaquées n'ont pas porté atteinte à ses intérêts financiers.
- 55.
- Par conséquent, les reproches formulés par le requérant à l'encontre de ces
décisions manquent en fait. Partant, les moyens tirés d'une violation des articles 12
et 13 de l'annexe X et du principe de l'égalité de traitement ainsi que d'une
atteinte aux droits financiers du requérant doivent être rejetés.
- 56.
- Il s'ensuit également que la publication tardive des coefficients correcteurs afférents
aux mois de mars 1993 à juin 1993 et la non-fixation de coefficients correcteurs
entre juillet 1993 et août 1996 ne sauraient non plus avoir porté atteinte aux
intérêts financiers du requérant. Partant, le moyen tiré d'un manquement au devoir
de sollicitude doit être rejeté.
- 57.
- Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions en indemnité
Argumentation des parties
- 58.
- Selon le requérant, le comportement de la défenderesse lui a causé, pendant 30
mois, une perte de pouvoir d'achat de 59,55 %, la rémunération du requérant ayant
été affectée en totalité du coefficient correcteur 100, au lieu du coefficient 247,13
fixé en dernier lieu (juin 1993) pour la partie dont le versement au Zaïre avait été
sollicité. En 1993, l'inflation aurait été supérieure à 7 000 %. Avec le même
montant nominal en francs belges, malgré la conversion en un montant nominal
toujours plus élevé en zaïres, le pouvoir d'achat du requérant n'aurait pas cessé
de diminuer. Par exemple, le plat du jour au restaurant serait passé d'environ
12 USD en mars 1993 à plus de 30 USD par la suite, une pizza de 7 à 20 USD et
le litre de lait au supermarché de 1 à 3 USD.
- 59.
- La défenderesse invite le Tribunal à rejeter les conclusions en indemnité, estimant
que les décisions attaquées n'ont causé aucun préjudice au requérant.
Appréciation du Tribunal
- 60.
- Selon une jurisprudence constante, la responsabilité non contractuelle de la
Communauté suppose que le requérant prouve l'illégalité du comportement
reproché à l'organe communautaire, la réalité du dommage et l'existence d'un lien
de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du
9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 63, et du 15
février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T-589/93, RecFP p. II-77, point 141).
- 61.
- Il résulte des points 51 à 54 ci-dessus qu'il n'est pas établi que le requérant a subi
un dommage ni que les décisions de la défenderesse sont entachées d'une illégalité
ou qu'elle a commis une faute de service susceptible d'engager la responsabilité de
la Communauté.
- 62.
- Par conséquent, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.
Conclusion
- 63.
- Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
- 64.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en
vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés
et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.
Le requérant ayant succombé en ses moyens et la défenderesse ayant conclu à ce
que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties
supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
AziziGarcía-Valdecasas
Jaeger
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mai 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
J. Azizi