Language of document : ECLI:EU:T:2018:424

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 juillet 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ANTONIO RUBINI – Marque de l’Union européenne figurative antérieure RUTINI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑707/16,

Enoitalia SpA, établie à Calmasino di Bardolino (Italie), représentée par Me S. Rizzo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Zaera Cuadrado, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

La Rural Viñedos y Bodegas SA Ltda, établie à Capital Federal (Argentine),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 28 juin 2016 (affaire R 1085/2015-5), relative à une procédure de nullité entre La Rural Viñedos y Bodegas et Enoitalia,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, I. S. Forrester (rapporteur) et E. Perillo, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 novembre 2010, la requérante, Enoitalia SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p.1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ANTONIO RUBINI.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières), vins ».

4        La marque a été enregistrée le 18 janvier 2013.

5        Le 17 octobre 2013, La Rural Viñedos y Bodegas SA Ltda a présenté une demande de nullité de la marque contestée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus. Cette demande était fondée sur la cause de nullité relative visée à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

6        Au titre de la cause de nullité relative, La Rural Viñedos y Bodegas invoquait, notamment, l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative antérieure reproduite ci-après, enregistrée le 8 juin 1999 sous le numéro 744813 pour les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; vins, vins mousseux, vins spiritueux » :

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7        Le 7 avril 2015, la division d’annulation a fait droit à la demande de nullité présentée par La Rural Viñedos y Bodegas et a déclaré, par conséquent, la nullité de la marque de l’Union européenne contestée pour tous les produits. La division d’annulation a examiné la demande au regard de la marque de l’Union européenne figurative antérieure no 744813 et a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en raison de l’identité existant entre les produits concernés et des similitudes phonétiques, visuelles et conceptuelles entre les signes en conflit. La division d’annulation a également indiqué que les produits concernés s’adressaient au grand public et que le niveau d’attention à l’égard de ces produits était moyen.

8        Le 4 juin 2015, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation de l’EUIPO, en demandant l’annulation de la décision dans son intégralité.

9        Par décision du 28 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que le consommateur moyen des produits concernés était censé faire preuve d’un niveau d’attention normal. Elle a également constaté, d’une part, que les signes en conflit étaient globalement similaires du fait que l’élément « dominant » de la marque contestée, « rubini », et l’unique élément verbal de la marque antérieure, « rutini », étaient presque identiques et, d’autre part, que les produits concernés étaient identiques. Sur la base de ces constatations, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque significatif pour les consommateurs de croire que la marque ANTONIO RUBINI provenait de la même origine commerciale que la marque RUTINI.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

13      La requérante fait valoir, en substance, que les marques en conflit ne présentent pas de similitude suffisante pour établir l’existence d’un risque de confusion. Elle reproche à la chambre de recours une appréciation erronée des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit ainsi qu’une application incorrecte du critère de l’« impression d’ensemble » lors de la comparaison desdites marques.

14      L’EUIPO conteste cette argumentation.

15      Aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

18      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner l’appréciation par la chambre de recours du risque de confusion entre les marques en conflit.

19      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause sont identiques, seule étant débattue la question de savoir si la chambre de recours a considéré à bon droit qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le public pertinent

20      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir procédé à une appréciation erronée de la perception des marques par le public pertinent et le niveau d’attention du consommateur moyen. Contrairement aux observations de la chambre de recours formulées aux points 43 à 49 de la décision attaquée, la requérante estime que le niveau d’attention du consommateur moyen est relativement élevé eu égard au fait que les vins sont choisis sur la base de l’étiquette de la bouteille où la marque est reproduite.

21      L’EUIPO conteste cette argumentation.

22      Il résulte d’une jurisprudence constante que le niveau d’attention du consommateur peut varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, au vu de la nature des produits concernés, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 43 à 49 de la décision attaquée, que les produits en cause étaient des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent était le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46].

24      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le niveau d’attention du public pertinent est relativement élevé dans la mesure où les vins sont distribués dans des magasins ou des restaurants et, dès lors, sont choisis sur la base de l’étiquette où la marque est reproduite, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que ce ne sont pas les modalités d’achat qui constituent le facteur pertinent lors de la définition du niveau d’attention du public pertinent, mais la nature des produits ou des services en cause.

25      Or, en l’espèce, la requérante n’a pas limité sa demande d’enregistrement à des vins d’un segment spécifique du marché s’adressant aux consommateurs dont le niveau d’attention serait élevé.

26      Partant, dans la mesure où la chambre de recours n’a commis aucune erreur en concluant, au point 49 de la décision attaquée, que le consommateur moyen était censé faire preuve d’un niveau d’attention normal, il y a lieu de rejeter le premier grief de la requérante comme non fondé.

 Sur la comparaison des signes

27      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

28      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

 Sur le caractère dominant et distinctif des éléments constituant les marques en conflit

29      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir procédé à une appréciation erronée des éléments dominants et distinctifs des marques en conflit.

–       Sur le caractère dominant et distinctif des éléments constituant la marque contestée

30      S’agissant de la marque contestée, la requérante estime que la décision attaquée est entachée de contradiction dans la mesure où, tout en admettant que les marques verbales ne contiennent pas, par définition, d’élément dominant (point 76 de la décision attaquée), la chambre de recours a considéré que l’élément « rubini » constituait l’élément « dominant » de cette marque (point 70 de la décision attaquée). Or, selon la requérante, l’autre élément verbal de la marque contestée, « antonio », serait autant « dominant » que l’élément « rubini », malgré son caractère distinctif faible.

31      Par ailleurs, en ce qui concerne les éléments distinctifs de la marque contestée, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu « de manière automatique », aux points 66 à 69 de la décision attaquée, que le nom de famille Rubini attirerait davantage l’attention du consommateur que le prénom Antonio. La requérante admet que les noms de famille ont en principe une valeur intrinsèque supérieure à celle des prénoms, mais estime que cette règle ne doit pas être appliquée de manière automatique dans tous les cas.

32      La requérante fait valoir que Rubini est un nom de famille italien très courant, étant donné qu’il est présent dans plus de 550 villes italiennes et que, sur les 350 000 noms de famille existant en Italie il se situe en 891e position. En conséquence, en présence d’un prénom et d’un nom de famille très courants, le consommateur pertinent ne concentrerait pas son attention sur l’un ou l’autre de ces éléments, mais percevrait la marque plutôt globalement. Dès lors, les deux éléments composant la marque contestée auraient dû être pris en considération de manière égale aux fins de la comparaison de l’« impression d’ensemble » produite par les marques en conflit.

33      L’EUIPO conteste cette argumentation.

34      À cet égard, il convient de constater que le grief de la requérante tiré de l’appréciation prétendument erronée de l’élément dominant de la marque contestée repose sur une lecture excessivement littérale de la décision attaquée. D’une part, il ressort sans ambiguïté du point 76 de celle-ci que la chambre de recours a appliqué le principe selon lequel les marques verbales ne contiennent pas d’éléments dominants.

35      D’autre part, quant aux points 69 et 70 de la décision attaquée, s’il est vrai que la chambre de recours a utilisé les expressions « dominer » et l’ « élément dominant » s’agissant de la marque contestée, il convient de relever que lesdits passages de la décision attaquée se rapportent, en substance, à l’examen du caractère distinctif des éléments verbaux de cette marque et à la question de savoir quel élément attirera davantage l’attention du consommateur. En l’espèce, la chambre de recours a estimé que c’était le second élément verbal, à savoir « rubini », qui « dominera[it] » l’image de la marque contestée dans l’esprit du public pertinent dans la mesure où, du point de vue de l’impression d’ensemble produite par ladite marque, c’est le nom de famille que le consommateur garderait en mémoire. En revanche, la chambre de recours n’a pas considéré l’élément verbal « antonio » comme purement négligeable.

36      En conséquence, malgré le fait que la terminologie utilisée par la chambre de recours a pu prêter à confusion, le grief de la requérante tiré du raisonnement prétendument contradictoire de la décision attaquée doit être écarté.

37      En ce qui concerne le grief de la requérante tiré de l’appréciation erronée des éléments distinctifs de la marque contestée et de la conclusion selon laquelle le nom de famille Rubini attirera davantage l’attention du consommateur que le prénom Antonio, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle la perception des signes composés du prénom et du nom d’une personne peut varier dans les différents pays de l’Union européenne. Ainsi, il ne saurait être exclu que, dans certains États membres, les consommateurs gardent à l’esprit le nom de famille plutôt que le prénom quand ils perçoivent des marques constituées par la combinaison d’un prénom et d’un nom, la perception de tels signes pouvant varier dans les différents pays. Toutefois, cette règle, qui est tirée de l’expérience, ne saurait être appliquée de façon automatique sans tenir compte des particularités caractérisant le cas d’espèce. Il y a toujours lieu d’opérer la comparaison des marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble [arrêt du 12 juillet 2006, Rossi/OHMI – Marcorossi (MARCOROSSI), T‑97/05, non publié, EU:T:2006:203, points 44 et 45].

38      De même, s’il se peut que, dans une partie de l’Union, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom, il convient, cependant, de tenir compte des éléments propres à l’espèce et, en particulier, de la circonstance que le nom de famille en cause est peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur ce caractère distinctif [arrêts du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, point 36, et du 5 octobre 2011, Cooperativa Vitivinicola Arousana/OHMI – Sotelo Ares (ROSALIA DE CASTRO), T‑421/10, EU:T:2011:565, point 50].

39      Ainsi, dans une marque composée de plusieurs éléments verbaux, un nom de famille ne conserve pas dans tous les cas une position distinctive autonome au seul motif qu’il sera perçu comme un nom de famille. La constatation d’une telle position ne peut, en effet, être fondée que sur un examen de l’ensemble de facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, point 38).

40      À cet égard, la Cour a précisé qu’il y avait lieu de tenir compte, notamment, de la circonstance selon laquelle le nom de famille en cause était peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur son caractère distinctif, ainsi que de l’éventuelle notoriété de la personne qui demande que son prénom et son nom, pris ensemble, soient enregistrés en tant que marque (arrêt du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, points 36 et 37).

41      En l’espèce, il est constant entre les parties que le prénom Antonio est courant. Les parties s’opposent, en revanche, sur la question de savoir si c’est également le cas du nom de famille Rubini. La requérante soutient, à cet égard, que ledit nom de famille est très courant dès lors qu’il est présent dans 550 villes italiennes et que, sur le nombre total de 350 000 noms de famille en Italie, il se situe en 891e position. En conséquence, selon la requérante, dès lors que, comme en l’espèce, la marque contestée est composée de la combinaison d’un prénom courant et d’un nom de famille courant, le consommateur pertinent ne concentrera pas son attention sur l’un de ces éléments, mais les percevra de manière égale, comme une marque globale. Seraient perçus et gardés en mémoire non seulement le nom de famille Rubini, mais aussi le nom complet Antonio Rubini.

42      Le Tribunal constate, à cet égard, que, à supposer même que les éléments de preuve avancés par la requérante soient de nature à démontrer le caractère courant du nom de famille Rubini, ils ne concernent qu’une partie du territoire pertinent – qui est celui de l’Union – à savoir les consommateurs italiens et, dès lors, ne sont pas conclusifs.

43      Dès lors, sans contester la thèse de la requérante selon laquelle les noms de famille n’ont pas en toutes circonstances une valeur intrinsèque supérieure à celle des prénoms, il convient de constater que, dans le contexte des particularités caractérisant le cas d’espèce et en présence d’une marque composée d’un prénom courant et d’un nom de famille ne revêtant pas un caractère courant sur la totalité du territoire pertinent, le prénom possède un caractère distinctif plus faible que le nom de famille.

44      Par conséquent, le grief de la requérante tiré de l’appréciation prétendument erronée des éléments distinctifs de la marque contestée doit être écarté.

–       Sur le caractère dominant des éléments constituant la marque antérieure

45      S’agissant de la marque antérieure, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que son élément dominant était l’élément verbal « rutini » et non les éléments figuratifs qui l’entourent et qui seraient significatifs en raison de leur taille et de leur position. Dès lors, lesdits éléments ne sauraient être négligés lors de l’évaluation de l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure.

46      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [voir arrêt du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, EU:T:2005:285, point 54 et jurisprudence citée].

47      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que l’élément dominant de la marque antérieure était l’élément verbal « rutini » et non les éléments figuratifs, dans la mesure où ils n’éclipsaient pas le mot « rutini », qui n’est pas de petite taille et est placé au milieu de l’étiquette. Par analogie avec l’arrêt du 13 juillet 2005, Julián Murúa Entrena (T‑40/03, EU:T:2005:285), la chambre de recours a estimé que les feuilles de vigne et les rubans figurant sur la marque antérieure, s’agissant d’un produit tel que le vin, auraient une faible valeur distinctive pour les produits désignés par la marque et que, par conséquent, l’élément verbal « rutini », dominait l’impression d’ensemble produite par le signe. La même appréciation a été étendue par la chambre de recours, aux points 60 à 65 de la décision attaquée, aux armoiries situées en haut de l’élément figuratif.

48      Cette appréciation ne peut qu’être approuvée dans la mesure où les éléments figuratifs contenus dans la marque antérieure sont d’une importance secondaire par rapport à l’élément verbal.

49      Dans le contexte de la commercialisation de vins, il peut raisonnablement être considéré que les éléments figuratifs de la marque antérieure sont de nature à évoquer une propriété viticole et seront perçus par le public pertinent comme une référence au vin. La représentation des feuilles de vigne et des rubans ne constitue pas un élément permettant au public pertinent de retenir cette composante figurative comme dominant l’image qu’il retiendra de la marque. En revanche, les consommateurs sont habitués à désigner et à reconnaître le vin en fonction de l’élément verbal qui sert à l’identifier, que cet élément désigne notamment le récoltant ou la propriété sur laquelle le vin est produit (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2005, Julián Murúa Entrena, T‑40/03, EU:T:2005:285, point 56). Cette appréciation doit être étendue à la présence d’armoiries situées au-dessus de l’élément verbal de la marque antérieure. Compte tenu de la place et de la taille de la représentation desdites armoiries, ces dernières constituent uniquement un élément décoratif sans portée réelle. Partant, cet élément n’est pas capable de dominer l’image que le public pertinent gardera de la marque (arrêt du 13 juillet 2005, Julián Murúa Entrena, T‑40/03, EU:T:2005:285, point 57).

50      Au vu de ces considérations, la chambre de recours a donc considéré à juste titre que l’élément verbal « rutini » dominait la perception de la marque antérieure.

51      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer, aux fins de la comparaison des signes en cause, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans l’appréciation des éléments dominants et distinctifs des marques en conflit.

 Sur la similitude des signes

52      La requérante conteste l’existence de similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle entre les marques en conflit.

53      La chambre de recours a considéré, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, que les signes étaient similaires sur les plans visuel et phonétique dans la mesure où il n’y a qu’une lettre de différence entre « rutini » et « rubini ». Néanmoins la chambre de recours a admis qu’ils différaient au regard du premier élément verbal de la marque contestée, à savoir « antonio », qui n’a pas d’équivalent dans la marque antérieure, et au regard des éléments figuratifs, placés sur une étiquette, qui entourent le seul mot présent dans la marque antérieure.

54      La requérante soutient, en revanche, que les marques en conflit ont une structure différente, la marque contestée étant composée de deux mots, alors que la marque antérieure ne comprend qu’un mot entouré de plusieurs éléments figuratifs. Une faible similitude résulterait de la présence commune aux deux marques des lettres « r », « u », « i », « n », « i ». Toutefois, elle serait compensée par des différences visuelles significatives, à savoir la présence des lettres « t » et « b » ainsi que du premier mot « antonio » dans la marque contestée, qui n’a pas d’équivalent dans la marque antérieure et qui est placé au début de la marque contestée, sur lequel se concentre généralement l’attention du consommateur. Même si la requérante admet que l’élément « antonio » est moins distinctif, cela ne signifie cependant pas que cet élément sera ignoré lors de la comparaison visuelle entre les marques en conflit.

55      En outre, la requérante soutient qu’il est peu probable que l’élément « antonio » soit omis de la prononciation de la marque et que la sonorité et le rythme des marques en conflit sont différents.

56      À cet égard, il convient de relever que l’élément verbal « rutini » de la marque antérieure et le second élément verbal « rubini » de la marque contestée sont très ressemblants en ce qu’ils ont cinq lettres en commun, placées dans le même ordre, sur un total de six lettres.

57      Certes, l’effet de ce facteur de similitude entre les signes en conflit est, dans une certaine mesure, compensé par la présence des éléments figuratifs dans la marque antérieure ainsi que par la longueur du signe ANTONIO RUBINI et la position initiale de l’élément « antonio ».

58      Toutefois, d’une part, comme il ressort des points 49 et 50 ci-dessus, l’élément verbal « rutini », étant donné sa position et la taille de ses lettres, se détache clairement de l’ensemble de la marque antérieure et se présente comme un élément dominant de ladite marque qui joue un rôle déterminant dans la différentiation sur le plan visuel des signes en conflit. D’autre part, la présence de l’élément verbal « antonio » dans la marque contestée n’est pas non plus en mesure de contrebalancer les similitudes visuelle et phonétique des signes induite par la quasi-identité des éléments distinctifs « rutini » et « rubini » dans la mesure où, comme il a été constaté au point 43 ci-dessus, le prénom Antonio possède un caractère distinctif plus faible que le nom de famille.

59      C’est dès lors à juste titre que la chambre de recours a retenu l’existence d’une similitude entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique.

60      Quant à la similitude conceptuelle, la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude, puisque les deux signes comportent un nom de famille « probablement d’origine italienne ».

61      En revanche, la requérante estime que les marques en conflit renvoient à des personnes différentes appartenant à des familles différentes. La requérante soutient aussi qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les noms de personnes anonymes ou fictives ne peuvent véhiculer aucun concept.

62      L’EUIPO ne partage pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes qui sont constitués d’éléments verbaux susceptibles d’être perçus comme des noms de famille sont nécessairement similaires d’un point de vue conceptuel. La comparaison conceptuelle aurait dû déboucher sur un résultat neutre plutôt que sur une conclusion de similitude, mais cette circonstance n’aurait toutefois aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée.

63      Selon la jurisprudence, les différences conceptuelles peuvent être de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques si au moins une des marques en cause a, pour le public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que le public est susceptible de la saisir immédiatement [arrêt du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, EU:T:2010:476, point 51].

64      Contrairement à la position de la chambre de recours, il y a lieu de considérer que le fait que les deux noms de famille sont probablement tous les deux d’« origine italienne » n’est pas suffisant pour les rapprocher dans l’esprit des consommateurs et les inciter à croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

65      Le public percevra les éléments verbaux des marques en cause comme des noms de personnes n’ayant pas de signification conceptuelle particulière, à moins que le nom ne soit particulièrement connu comme étant celui d’une personne célèbre [voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2011, IIC/OHMI – McKenzie (McKENZIE), T‑502/07, non publié, EU:T:2011:223, point 40]. Or, il n’a pas été établi que tel était le cas en l’espèce.

66      Ainsi, le public pertinent associera les éléments verbaux des signes en conflit à des noms de personnes distinctes, dès lors que ces noms sont différents (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2011, McKENZIE, T‑502/07, non publié, EU:T:2011:223, point 41).

67      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, sur le plan conceptuel, les consommateurs ne relèveront, eu égard aux signes en cause, aucune connotation sémantique particulière leur permettant d’établir une différence ou une similitude entre les deux signes.

68      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours au point 59 de la décision attaquée, les signes en conflit ne présentent pas de similitude conceptuelle. Dès lors, la comparaison des signes sur le plan conceptuel est sans incidence sur le degré de similitudes entre les signes.

 Sur le risque de confusion

69      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du 19 juin 2012, H.Eich/OHMI – Arav (H.EICH), T‑557/10, non publié, EU:T:2012:309, point 72].

70      En l’espèce, après avoir conclu à la similitude globale entre les marques en conflit, la chambre de recours a relevé, au point 95 de la décision attaquée, que le public confondrait les noms de famille et ne verrait dans l’adjonction de l’élément « antonio » dans la marque contestée qu’une façon de distinguer une gamme de vins provenant de l’entreprise titulaire de la marque antérieure ou, à tout le moins, d’une entreprise liée économiquement.

71      La requérante conteste cette analyse en faisant valoir que les différences entre les marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel sont suffisantes pour empêcher que leurs faibles similitudes entraînent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur.

72      L’EUIPO conteste cette argumentation.

73      À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, tout d’abord il convient de constater que les différences visuelles et phonétiques entre les marques en conflit résultant de la présence de la lettre « b » dans la marque contestée et de la lettre « t » dans la marque antérieure ne sont pas de nature à exclure le risque de confusion entre les marques en conflit, dû à leurs ressemblances et à l’impression d’ensemble produite par lesdites marques.

74      À l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de considérer que, eu égard au caractère distinctif moins faible de l’élément « antonio », selon l’impression d’ensemble, la marque contestée ne sera pas perçue comme un tout indissociable dans la mesure où cet élément ne jouit pas d’une position distinctive autonome et sera négligeable dans la perception du public pertinent.

75      Partant, eu égard à la conclusion selon laquelle, d’une part, le mot « rutini » constitue l’élément dominant de la marque antérieure et, d’autre part, les mots « rubini » et « rutini » constituent les éléments les plus distinctifs des marques en conflit, il convient de conclure que les différences entre lesdites marques ne pourront compenser l’importante similitude sur les plans visuel et phonétique résultant de la présence de ces éléments.

76      Il en est d’autant plus ainsi que les produits en cause sont identiques. Or, selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, à supposer même que les marques en conflit ne présentent qu’un faible degré de similitude en raison de leurs différences conceptuelles, celui-ci serait compensé par le degré élevé de similitude entre les produits couverts par lesdites marques [voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

77      Il convient encore d’examiner le grief avancé par la requérante, tiré de l’application prétendument erronée par la chambre de recours du critère de l’« impression d’ensemble » produite par la marque contestée. La requérante soutient, en substance, que, dans la mesure où les deux éléments verbaux de la marque contestée possèdent un caractère distinctif égal, c’est à tort que la chambre de recours a « ignoré » le premier élément verbal « antonio » lors de la comparaison des marques en conflit et n’a, dès lors, pas tenu compte de l’impression d’ensemble produite par ladite marque vue dans sa globalité.

78      À cet égard, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de la décision attaquée, notamment de ses points 55, 56 et 58, que lors de la comparaison des signes en conflit la chambre de recours s’est fondée sur l’impression d’ensemble produite par la marque contestée, en tenant compte de la présence là-dedans de l’élément « antonio ». En outre, il ressort du point 88 de la décision attaquée que, lors de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a explicitement considéré la pertinence de l’élément « antonio », avant de considérer qu’il serait « moins important » que l’élément « rubini ».

79      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en particulier de l’identité des produits, des similitudes phonétique et visuelle des marques en conflit, il y a lieu dès lors de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent entre la marque contestée et la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

80      Par conséquent, le moyen unique doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

82      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Enoitalia SpA est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Forrester

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.