Language of document : ECLI:EU:T:2012:557

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT

DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

18 octobre 2012 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Association représentative – Objet statutaire »

Dans l’affaire T‑245/11,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni),

The International Chemical Secretariat, établie à Göteborg (Suède),

représentées par Me P. Kirch, avocat,

parties requérantes,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mmes M. Heikkilä et A. Iber, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver, E. Manhaeve et Mme C. ten Dam, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation d’une décision de l’Agence européenne des produits chimiques refusant aux requérantes l’accès à des informations fournies dans le cadre de la procédure d’enregistrement de certaines substances chimiques,

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents et procédure

1        Par courriel du 1er décembre 2010, The International Chemical Secretariat (ci-après « ChemSec ») a, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43) et du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13), sollicité de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) l’accès à trois catégories spécifiques d’informations concernant 356 substances chimiques, à savoir :

« 1      nom(s) du ou des fabricants/importateurs avec les coordonnées ;

2      quantité exacte des substances fabriquées ou mises sur le marché ;

3      quantité totale, sous forme d’une fourchette (c’est-à-dire de 1 à 10 tonnes, de 10 à 100 tonnes, de 100 à 1 000 tonnes ou plus de 1 000 tonnes), pour laquelle les 356 substances en cause ont été enregistrées, dans l’hypothèse où l’accès aux informations visées au point 2 serait impossible ».

2        Par lettre du 22 décembre 2010, l’ECHA a répondu à ChemSec qu’elle refusait de lui accorder l’accès aux deux premiers types d’informations susmentionnés. S’agissant de la troisième catégorie d’informations, l’ECHA a précisé que la majorité des substances visées dans la demande d’accès n’étaient pas encore enregistrées et que, en conséquence, elle ne disposait pas, à ce stade, de l’information requise.

3        Par lettre du 21 janvier 2011, ChemSec a soumis une demande confirmative à l’ECHA afin qu’elle reconsidère son « rejet de la demande du 1er décembre 2010 sollicitant l’accès à des documents environnementaux ». Cette demande confirmative a été cosignée par ClientEarth, qui n’était pas partie à la demande initiale, en raison d’un intérêt commun.

4        Par lettre du 4 mars 2011 dont l’objet est intitulé « Demande confirmative de réexamen d’une décision relative à l’accès du public aux documents », l’ECHA a confirmé son refus d’accès pour les deux premières catégories d’informations sollicitées et son absence de détention d’un document correspondant à l’information requise quant à la quantité totale, exprimée sous forme d’une fourchette, pour laquelle les 356 substances chimiques en cause ont été enregistrées. Elle a, toutefois, joint à sa lettre un tableau comportant, pour certaines substances, ladite information, tout en précisant qu’elle ne pouvait en garantir l’exactitude.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2011, ChemSec et ClientEarth (ci-après les « requérantes ») ont introduit le présent recours.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 août 2011, l’ECHA a, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d’irrecevabilité. Par ordonnance du Tribunal du 13 décembre 2011, l’exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

7        Par actes déposés au greffe du Tribunal le 9 août 2011, la Commission et le Conseil européen de l’industrie chimique (ci-après le «CEFIC») ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de l’ECHA.

8        Par ordonnance du 8 février 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de la Commission et a ordonné que lui soit communiquée une copie de toutes les pièces de procédure. La Commission a déposé son mémoire en intervention dans les délais impartis.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2011, l’ECHA a indiqué ne pas avoir d’objections à l’égard de la demande d’intervention du CEFIC.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2011, les requérantes ont conclu au rejet de la demande d’intervention du CEFIC.

 En droit

11      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

12      Selon une jurisprudence constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers [ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C‑151/98 P, Rec. p. I‑5441, point 6 ; ordonnances du président du Tribunal du 28 mai 2001, Poste Italiane/Commission, T‑53/01 R, Rec. p. II‑1479, point 51 et du 26 juillet 2004, Microsoft/Commission, T‑201/04 R, Rec. p. II‑2977, point 37]. Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnances du Tribunal du 8 décembre 1993, Kruidvat/Commission, T‑87/92, Rec. p. II‑1375, point 14, et du 28 mai 2004, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑253/03, Rec. p. II‑1603, point 21).

13      La Cour a précisé que l’adoption d’une interprétation large du droit d’intervention des associations vise à permettre de mieux apprécier le cadre des affaires tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure (ordonnance National Power et PowerGen, point 12 supra, point 66).

14      En l’espèce, les requérantes concluent au rejet de la demande d’intervention du CEFIC, association internationale sans but lucratif, en excipant d’une violation de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour et d’une incompatibilité de celle-ci avec les statuts du CEFIC, lesquels ne mentionnent pas, au titre de l’objet de l’association, la protection des intérêts de ses membres.

15      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties.

16      Contrairement aux affirmations des requérantes, le fait que le CEFIC a conclu au rejet du recours alors que l’ECHA a soulevé une exception visant à faire constater l’irrecevabilité de celui-ci ne permet pas de conclure à une violation de la disposition susvisée, l’admission par le Tribunal d’une telle exception entraînant nécessairement un rejet du recours.

17      Il y a lieu, en tout état de cause, de constater que l’ECHA a également déposé un mémoire en défense concluant au rejet du recours comme étant non fondé.

18      En second lieu, il résulte de l’article 5 des statuts  du CEFIC que ce dernier compte parmi ses membres : i) les fédérations nationales des industries chimiques de 28 pays en Europe, ii) les « corporate members », sociétés qui fabriquent des substances chimiques dans un ou plusieurs pays européens et dont le chiffre d’affaires mondial réalisé en matière de produits chimiques est supérieur à un milliard d’euros, iii) les « business members », sociétés dont le site de production est établi en Europe et dont le chiffre d’affaires mondial réalisé en matière de produits chimiques est inférieur à un milliard d’euros, et iv) les « associate companies », sociétés intervenant dans la production de produits chimiques en dehors de l’Europe. 

19      Le CEFIC, qui a joint à sa demande d’intervention la liste de ses membres, a indiqué qu’il représente ainsi 29 000 sociétés opérant dans le secteur chimique de l’Union, réalisant environ un quart de la production chimique mondiale, et que la plupart de ces sociétés interviennent dans la fabrication ou l’importation d’une ou de plusieurs des 356 substances concernées, ainsi que d’un grand nombre d’autres substances, dont les renseignements commerciaux identiques à ceux demandés par les requérantes sont fournis à l’ECHA.

20      S’agissant de l’objet statutaire, il ressort de l’article 3 des statuts  du CEFIC que cette association « poursuit un but principalement scientifique en assurant la promotion de l’ensemble des sujets intéressant l’industrie chimique, au sens le plus large, en Europe et dans les pays dont elle relève, ainsi que sa contribution au développement durable ». Aux fins de la réalisation de son objectif, le CEFIC se consacre à « l’étude et à la recherche d’une solution possible concernant l’ensemble des questions intéressant l’industrie chimique au sens le plus large, notamment sur le plan scientifique, technique, environnemental, économique, statistique, juridique, documentaire et institutionnel ainsi que ceux relatifs à la coopération internationale et européenne, et la recherche et la réalisation des solutions qui s’y rapportent ». En outre, le CEFIC « pourra accomplir tous autres actes ou opérations, entreprendre toutes démarches ou initiatives susceptibles de favoriser la réalisation de son objectif ».

21      Il apparaît que l’objet statutaire du CEFIC est suffisamment large pour lui conférer un intérêt à la solution du litige (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 décembre 1993, Kruidvat/Commission, T‑87/92, Rec. p. II‑1369, points 12 et 13), la réalité des activités de l’association démontrant qu’il inclut la protection des intérêts et la représentation de ses membres.

22      Le CEFIC a ainsi précisé, sans être contredit par les requérantes, qu’il siège en qualité de représentant de l’industrie au sein de tous les organes décisionnels et consultatifs majeurs intervenant dans la mise en œuvre du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1) et que, s’agissant précisément de la divulgation des noms et/ou des coordonnées des déclarants, fabricants et/ou importateurs de substances, il a présenté des observations détaillées au groupe consultatif sur la divulgation relevant du comité de direction de l’ECHA, par un courriel du 28 octobre 2010 et une lettre du 25 novembre 2010, dans lesquelles il a fait valoir que de tels renseignements ne devraient pas être divulgués sur le site de l’ECHA. 

23      Il importe de souligner que le CEFIC a déjà été admis à intervenir par le Tribunal dans deux procédures, au soutien d’une société chimique ayant introduit un recours visant à l’annulation de certaines dispositions du règlement (CE) n° 2032/2003 de la Commission, du 4 novembre 2003, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 et modifiant le règlement n° 1896/2000 (JO L 307, p. 1) (ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 2 août 2004, Bactria/Commission, T‑76/04, non publiée au Recueil) et au soutien de sociétés chimiques, dont certaines avaient la qualité de membre de l’association, sollicitant du Tribunal l’annulation de plusieurs dispositions du règlement (CE) nº 1451/2007 de la Commission, du 4 décembre 2007, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO L 325, p. 3) (ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 14 janvier 2011, Arch Chemicals e.a./Commission, T‑120/08, non publiée au Recueil).

24      Il convient enfin de relever que la présente affaire soulève des questions de principe tenant à la portée de l’obligation de l’ECHA de donner accès à des informations contenues dans des demandes d’enregistrement tant pour les 356 substances concernées que pour l’ensemble des autres substances enregistrées. L’arrêt à intervenir est susceptible d’affecter, dans une mesure importante, le fonctionnement du secteur de la chimie dans son ensemble et donc des membres du CEFIC.

25      Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le CEFIC justifie d’un intérêt à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la partie défenderesse. Par conséquent, il convient d’accueillir la demande d’intervention.

26      La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 2 juillet 2011, la demande d’intervention a été présentée dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits de la partie intervenante seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Le Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC) est admis à intervenir dans l’affaire T-245/11 à l’appui des conclusions de la partie défenderesse.

2)      Le greffier communiquera à la partie intervenante une copie de chaque acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter un mémoire en intervention.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 18 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’anglais.