Language of document : ECLI:EU:T:2016:62

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

4 février 2016 (*)

« Programme de soutien au secteur audiovisuel européen (MEDIA 2007) – Mesures de soutien à la distribution transnationale des films européens – Appel à propositions dans le cadre du système ‘sélectif’ 2013 – Acte de l’EACEA informant la requérante du rejet de sa candidature relative au film ‘Only God Forgives’ – Acte de l’EACEA confirmant le refus mais comportant de nouveaux motifs – Compétence – Répartition des tâches entre la Commission et l’EACEA – Compétence liée – Recours en annulation – Acte attaquable –Recevabilité – Obligation de motivation – Lignes directrices permanentes 2012‑2013 – Accord de distribution matérielle ou physique – Absence de communication préalable à l’EACEA – Inéligibilité de la candidature »

Dans l’affaire T‑676/13,

Italian International Film Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Mes A. Fratini, B. Bettelli et M. Bottino, avocats,

partie requérante,

contre

Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), représentée par MM. H. Monet et D. Homann, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Fosselard et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision rejetant la candidature de la requérante à l’octroi d’une subvention pour le film « Only God Forgives », à la suite de l’appel à propositions EACEA/21/12 MEDIA 2007 – Soutien à la distribution transnationale des films européens – système « sélectif » 2013 (JO 2012, C 300, p. 5), publié dans le cadre de la décision no 1718/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2006, portant sur la mise en œuvre d’un programme de soutien au secteur audiovisuel européen (MEDIA 2007) (JO L 327, p. 12), établi pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 octobre 2012 a été publié l’appel à propositions EACEA/21/12 MEDIA 2007 – Soutien à la distribution transnationale des films européens – système « sélectif » 2013 (JO 2012, C 300, p. 5), dans le cadre du système « sélectif » visant à choisir un certain nombre de projets afin de les subventionner, de façon à stimuler et à soutenir la distribution transnationale plus vaste de films européens récents non nationaux.

2        Cette publication s’inscrivait dans le cadre de la décision no 1718/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2006, portant sur la mise en œuvre d’un programme de soutien au secteur audiovisuel européen (MEDIA 2007) (JO L 327, p. 12), établi pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013, dont la teneur a été précisée par les lignes directrices permanentes du programme MEDIA 2007, jointes audit appel à propositions (ci‑après les « lignes directrices »).

3        Le point 5 des lignes directrices, intitulé « Critères d’éligibilité », comporte un point 5.1, dénommé « Sociétés éligibles », qui est ainsi rédigé :

« […]

Un distributeur cinématographique/en salles doit remplir les critères suivants :

1.      être le détenteur des droits de distribution en salles du film sur le territoire concerné ;

2.      assurer la distribution en salles du film sur le territoire (fixer la date de sortie, planifier, contrôler et mettre en œuvre la distribution et la campagne promotionnelle) et

3.      payer les sommes portant sur les coûts associés à la distribution. (Voir aussi point 5.5, ‘Propositions éligibles’).

Un recours limité à la sous‑traitance est autorisé, à condition que :

–        il ait été porté à la connaissance de l’Agence ;

–        il soit corroboré par des factures acquittées ;

–        il soit conforme à la règle de sous‑traitance exposée au point 10.

Dans le cas où les activités de distribution sont partagées entre plusieurs sociétés, les contrats/accords entre ces sociétés doivent être communiqués à l’Agence. L’Agence considérera normalement comme éligible la société qui effectue en fait la distribution du film sur le territoire. La décision de l’Agence est sans appel.

Le recours à des ‘distributeurs physiques’ pour des services particuliers, comme la réservation des salles, la circulation des copies et la collecte des recettes, est autorisé. De tels distributeurs physiques ne peuvent être éligibles à un soutien financier.

[…] »

4        Le point 5.5 des lignes directrices, intitulé « Propositions éligibles », est rédigé comme suit :

« […]

Le formulaire de candidature doit être accompagné d’une lettre officielle de l’entité candidate et de tous les autres documents auxquels il est fait référence dans le formulaire de candidature.

[…]

L’Agence se réserve le droit de demander des éléments d’information additionnels au candidat.

[…] »

5        Aux termes du point 13 des lignes directrices, intitulé « Procédure de soumission des propositions » :

« […]

13.2 Formulaire de candidature

[…]

En outre, un envoi global pour la candidature doit être effectué par courrier, contenant :

–        une version imprimée du formulaire électronique ;

–        tous les documents énumérés dans la liste récapitulative.

[…]

13.3 Soumission de la candidature à une subvention

[…]

Aucun changement au dossier ne peut être effectué après que la candidature a été envoyée. Toutefois, s’il est nécessaire de clarifier certains points, l’Agence peut contacter le candidat à cette fin.

[…]

Tous les candidats n’ayant pas été retenus seront informés par écrit.

Le candidat doit soumettre tous les accords de distribution pertinents au regard de sa candidature, y compris les accords déjà produits à l’occasion de demandes de soutien financier au titre d’un précédent appel à propositions du programme MEDIA. Les candidatures incomplètes seront considérées comme inéligibles.

[…] »

6        La requérante, Italian International Film Srl, a soumis, le 22 mars 2013, sa candidature visant à l’octroi d’une subvention pour la distribution en Italie du film « Only God Forgives » (« Seul Dieu pardonne », ci‑après le « film »).

7        Le 4 juin 2013, l’un des agents de l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA) chargé de l’instruction des demandes de subvention a indiqué à la requérante qu’il souhaitait obtenir plusieurs documents complémentaires. Le 6 juin 2013, celle‑ci a produit certaines pièces, qui ont été jointes par l’EACEA à sa candidature, afin qu’il soit procédé à l’évaluation de cette dernière.

8        Le comité chargé d’évaluer les demandes de subvention (ci‑après le « comité d’évaluation ») a relevé, lors de ses réunions des 20 et 21 juin 2013, que le film était distribué, en Italie, par la société 01 Distribution et non par la requérante, de sorte que sa candidature ne pouvait être sélectionnée. C’est donc une proposition de décision de rejet qui a été transmise par le comité d’évaluation à la Commission européenne.

9        Lors de sa réunion du 26 juillet 2013, le comité MEDIA 2007 établi près la Direction générale (DG) « Éducation et culture » de la Commission a émis un avis reprenant la proposition du comité d’évaluation, hormis deux changements ne concernant pas la requérante.

10      Par décision d’exécution C(2013) 5212 final, du 2 août 2013, relative à une décision individuelle d’attribution de subventions dans le cadre du programme MEDIA 2007 – Soutien sélectif à la distribution (ci‑après la « décision du 2 août 2013 »), la Commission a suivi l’avis du comité MEDIA 2007 (considérant 3 de ladite décision), la requérante ne faisant pas partie des candidats subventionnés pour la distribution du film, mentionnés en annexe à ladite décision.

11      Le 7 août 2013, l’EACEA a notifié la teneur de la décision du 2 août 2013 à la requérante, sous le timbre de l’EACEA, au moyen du formulaire standard, indiquant que « [l]e demandeur ne va pas assurer lui‑même la distribution en salle du film ».

12      Par lettre du 4 septembre 2013, la requérante a contesté ce motif de rejet et a présenté à l’EACEA un certain nombre d’observations. En particulier, la requérante a indiqué qu’elle était bel et bien le distributeur du film en salle et que cela résultait des documents transmis en annexe à ladite lettre. Elle y a exposé pour quelles raisons commerciales le logo de 01 Distribution apparaissait à titre principal et a déclaré regretter que cela ait pu conduire la Commission à considérer qu’elle n’était pas le distributeur du film. En conséquence, elle a demandé le réexamen de la décision du 2 août 2013 dont la teneur lui avait été notifiée le 7 août 2013.

13      Par lettre du 8 octobre 2013, l’EACEA a répondu aux observations de la requérante, les écartant au motif que, si, en application du point 5.1 des lignes directrices, la sous‑traitance des activités de facturation et de collecte de recettes à un distributeur physique pouvait être autorisée, cette autorisation étant cependant subordonnée à la communication des accords s’y rapportant à l’EACEA. Cette dernière soulignait que, ayant contacté la requérante le 4 juin 2013 pour obtenir des explications supplémentaires (voir point 7 ci‑dessus), celle‑ci avait omis de porter à sa connaissance l’accord signé le 26 avril 2013 avec 01 Distribution pour la distribution du film, ce qui était indispensable pour permettre une juste appréciation par le comité d’évaluation de la possibilité pour la requérante d’être subventionnée. En conclusion, l’EACEA a indiqué « regrette[r] de [devoir] confirmer l’inéligibilité du projet ci‑dessus, conformément à la recommandation initiale du comité d’évaluation ».

14      L’EACEA y informait également la requérante des voies et des délais de recours dont elle disposait contre « cette décision » (ci‑après la « lettre du 8 octobre 2013 »).

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2013, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 14 mars 2014, l’EACEA a soulevé une exception d’irrecevabilité, au sens de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

17      Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 24 avril 2014, la requérante a contesté les fins de non‑recevoir avancées par l’EACEA.

18      Par ordonnance du 15 septembre 2014, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a joint au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EACEA.

19      Le 27 octobre 2014, l’EACEA a déposé le mémoire en défense. Un mémoire en réplique a été déposé le 12 décembre 2014 et un mémoire en duplique produit le 26 janvier 2015.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la « décision […] du 8 octobre 2013 » ;

–        condamner l’EACEA à adopter « les mesures subséquentes » ;

–        condamner l’EACEA aux dépens.

21      L’EACEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ou, à tout le moins, comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

22      Il convient de relever que le recours est dirigé contre la décision que la requérante affirme être contenue dans la lettre du 8 octobre 2013, et non contre la décision du 2 août 2013. Cela ressort des termes exprès de la requête. En outre, s’il est exact que, le 4 septembre 2013, la requérante a demandé le réexamen de cette dernière décision, seuls le sens et le motif de celle‑ci avaient été portés à sa connaissance au moyen du formulaire standard notifié le 7 août 2013, et non la décision du 2 août 2013 en tant que telle, qui n’était pas mentionnée dans ledit formulaire et n’a été identifiée, à son égard, que dans l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EACEA.

 Sur la recevabilité

23      L’EACEA soulève trois fins de non‑recevoir, tirées, la première, de la forclusion du recours à supposer qu’il faille le regarder comme dirigé contre la décision du 2 août 2013, la deuxième, du fait que la lettre du 8 octobre 2013 n’est pas un acte faisant grief, seule la décision du 2 août 2013, notifiée le 7 août 2013, présentant un tel caractère, et, la troisième, de la nature purement confirmative de la lettre du 8 octobre 2013 au regard de la décision du 2 août 2013.

24      La requérante conteste ces fins de non‑recevoir et estime son recours recevable.

 Sur la forclusion du recours

25      Il résulte du point 22 ci‑dessus que le recours est dirigé contre la décision que la requérante soutient être contenue dans la lettre du 8 octobre 2013, à l’exclusion de toute autre. Par suite, la fin de non‑recevoir tirée de la forclusion du recours en tant qu’il serait dirigé contre la décision du 2 août 2013, dont il importe de souligner qu’elle n’avait pas été identifiée, ni s’agissant de sa date ni s’agissant de son instrumentum, aux yeux de la requérante avant la présente procédure juridictionnelle, ne peut qu’être écartée.

 Sur le caractère décisionnel de la lettre du 8 octobre 2013

26      Il convient de rappeler qu’il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ouvrant ainsi la voie du recours en annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 27 janvier 1993, Miethke/Parlement, C‑25/92, Rec, EU:C:1993:32, point 10 ; arrêt du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T‑277/94, Rec, EU:T:1996:66, point 50, et ordonnance du 5 novembre 2003, Kronoply/Commission, T‑130/02, Rec, EU:T:2003:293, point 42).

27      En effet, si le recours en annulation est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, ainsi que, le cas échéant, dans les conditions et selon les modalités particulières autorisées par l’article 263, cinquième alinéa, TFUE, à l’égard des dispositions adoptées par les organes et organismes de l’Union, c’est à la condition, lorsque le recours est introduit par une personne physique ou morale, que ces dispositions visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts de celle‑ci, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec, EU:C:1981:264, points 9 et 10 ; du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, Rec, EU:C:2011:656, point 37 et jurisprudence citée, et ordonnance du 13 mars 2015, European Coalition to End Animal Experiments/ECHA, T‑673/13, Rec, EU:T:2015:167, point 22).

28      L’EACEA est un organisme de l’Union doté de la personnalité juridique (arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, EU:T:2010:442, point 35), qui a été créé par la décision 2005/56/CE de la Commission, du 14 janvier 2005, instituant l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » pour la gestion de l’action communautaire dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture, en application du règlement (CE) no 58/2003 du Conseil (JO L 24, p. 35), abrogée et remplacée par la décision 2009/336/CE de la Commission, du 20 avril 2009, instituant l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » pour la gestion de l’action communautaire dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture, en application du règlement (CE) no 58/2003 du Conseil (JO L 101, p. 26). La décision 2009/336, telle que modifiée par la décision d’exécution 2012/797/UE de la Commission, du 18 décembre 2012 (JO L 349, p. 68), et désormais elle‑même abrogée, mais applicable au présent litige, ne comporte aucune disposition prise en application de l’article 263, cinquième alinéa, TFUE.

29      Ce n’est donc que s’il devait être démontré que la lettre du 8 octobre 2013 a produit, à l’égard de la requérante, des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, qu’elle serait recevable à former un recours en annulation visant ladite lettre (voir, en ce sens, arrêts IBM/Commission, point 27 supra, EU:C:1981:264, point 9 ; du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, Rec, EU:T:2006:104, point 35, et ordonnance du 19 novembre 2013, 1. garantovaná/Commission, T‑42/13, EU:T:2013:621, point 20).

30      Pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêt IBM/Commission, point 27 supra, EU:C:1981:264, point 9 ; ordonnances du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission, T‑308/02, Rec, EU:T:2004:119, point 39, et du 9 octobre 2012, Région Poitou‑Charentes/Commission, T‑31/12, EU:T:2012:528, point 32).

31      D’une part, cela emporte pour conséquence que le fait que l’EACEA a employé, dans la lettre du 8 octobre 2013, le terme « décision » ne constitue qu’une indication, parmi d’autres, susceptible d’être prise en considération par le juge de l’Union pour définir la substance de l’acte en cause, mais ne saurait, à lui seul, lui permettre de qualifier ce dernier de décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. D’autre part, l’EACEA ne saurait arguer utilement, dans le cadre d’une fin de non‑recevoir, de son incompétence supposée pour adopter une telle décision, car, si l’analyse des circonstances de l’espèce conduit à conclure au caractère décisionnel de la lettre du 8 octobre 2013, la question de la compétence de l’auteur de ladite lettre devra être examinée au titre de la légalité externe de la décision qu’elle contient, ce qui relève du fond du droit et non de la recevabilité.

32      En l’espèce, il y a lieu de relever que, par la lettre du 8 octobre 2013, l’EACEA est allée au‑delà de ce qu’eût impliqué une simple explication de la décision du 2 août 2013, dont la teneur et le motif avaient été notifiés par ses soins. Elle ne s’est pas bornée à mettre en lumière ladite décision, elle a elle‑même pris position dans le sens du rejet de la demande de subvention introduite par la requérante.

33      S’il est vrai que la lettre du 8 octobre 2013 contient une interprétation du point 5.1 des lignes directrices, ladite interprétation ne vise pas à indiquer à la requérante les raisons de l’adoption de la décision du 2 août 2013, qui n’est d’ailleurs pas citée en tant que telle dans la lettre (voir point 22 ci‑dessus), mais vient au soutien du refus opposé par l’EACEA elle‑même, « conformément à la recommandation initiale du comité d’évaluation ».

34      Il résulte donc de l’examen de cette lettre que l’EACEA a entendu lui conférer des effets juridiques obligatoires, en maintenant le refus préalablement opposé à la demande de subvention de la requérante, ce qui était de nature à affecter les intérêts de cette dernière, la privant ainsi de la possibilité de voir subventionnée la distribution du film sur le territoire italien. Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 26 à 30 ci‑dessus, il y a donc lieu de conclure que la lettre du 8 octobre 2013 constitue bien une décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (ci‑après la « décision du 8 octobre 2013 ») et, partant, de rejeter la deuxième fin de non‑recevoir soulevée par l’EACEA.

 Sur le caractère confirmatif de la décision du 8 octobre 2013

35      Selon une jurisprudence bien établie, une décision est purement confirmative d’une décision antérieure lorsqu’elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur et qu’elle n’a pas été précédée d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur (arrêts du 14 avril 1970, Nebe/Commission, 24/69, Rec, EU:C:1970:22, point 8 ; du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec, EU:C:1980:284, point 18, et du 11 juin 2002, AICS/Parlement, T‑365/00, Rec, EU:T:2002:151, point 30).

36      Or, force est de constater que l’EACEA a effectué, avant d’adopter la décision du 8 octobre 2013, un examen des éléments produits par la requérante dans son courrier du 4 septembre 2013, avant d’indiquer que ceux‑ci, conformément au point 5.1 des lignes directrices, auraient dû lui être transmis au moment où elle avait contacté la requérante, le 4 juin 2013, « pour de plus amples explications sur la capacité opérationnelle de [l]a société à sortir le film », puisqu’une telle communication aurait été de nature à permettre au comité d’évaluation de procéder à une « évaluation exacte du projet ». Il convient donc d’en déduire que, alors que la décision du 2 août 2013, dont la teneur a été notifiée le 7 août 2013 au moyen du formulaire standard, était fondée sur le motif que la requérante n’allait pas assurer elle‑même la distribution en salle du film, la décision du 8 octobre 2013 repose sur le motif selon lequel la requérante n’avait pas porté à la connaissance de l’EACEA les éléments nécessaires à l’évaluation exacte du projet. À cet égard, l’EACEA a précisé qu’un recours limité à la sous‑traitance, comme pour la billetterie et la facturation, pouvait être autorisé, à condition que cela ait été porté à sa connaissance. La décision du 8 octobre 2013, comportant un motif différent de celui figurant dans la décision du 2 août 2013, témoignant de la prise en compte des éléments nouveaux mentionnés par la requérante dans son courrier du 4 septembre 2013, ne présente donc pas un caractère confirmatif.

37      Partant, il y a lieu de rejeter la troisième fin de non‑recevoir soulevée par l’EACEA et de juger le recours recevable.

 Sur le fond

38      La requérante invoque, au soutien de son recours, deux moyens, qui sont tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation, entachant la légalité de la décision du 8 octobre 2013.

39      L’EACEA soutient qu’aucun de ces moyens n’est fondé.

 Sur la compétence de l’EACEA pour adopter la décision du 8 octobre 2013

40      Avant de procéder, le cas échéant, à l’examen des deux moyens du recours, il importe d’examiner, d’office, si l’EACEA était compétente pour adopter la décision du 8 octobre 2013 (voir, s’agissant du caractère d’ordre public du moyen tiré de l’incompétence de l’auteur d’une décision soumise au contrôle de légalité du juge de l’Union, arrêts du 10 mai 1960, Allemagne/Haute Autorité, 19/58, Rec, EU:C:1960:19, p. 488 ; du 28 janvier 2003, Laboratoires Servier/Commission, T‑147/00, Rec, EU:T:2003:17, point 45, et du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, Rec, EU:T:2013:645, point 70), étant précisé que les parties ont eu l’occasion de débattre contradictoirement de cette question, puisque l’EACEA a elle‑même fait valoir, dans l’exception d’irrecevabilité, qu’elle n’aurait pas été compétente pour adopter une décision telle que la décision du 8 octobre 2013 et que plusieurs questions ont été posées à l’EACEA à l’audience, notamment pour savoir si celle‑ci était compétente pour procéder à un réexamen de décisions telles que la décision du 2 août 2013 et s’il existait des cas de compétence liée en matière de rejet de demandes de subvention. La requérante a été invitée, lors de l’audience, à donner son avis sur ces questions et sur les réponses qu’y avait apportées l’EACEA. Il en résulte que, au cours tant de la phase écrite de la procédure que de la phase orale de celle‑ci, le principe du contradictoire a été respecté concernant le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué, conformément à la jurisprudence, s’agissant d’un moyen de droit relevé d’office (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec, EU:C:2009:742, points 57 et 60).

41      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, aux termes du considérant 7 de la décision 2009/336, telle que modifiée, « [l]a délégation à une agence exécutive de tâches liées à l’exécution de […] programmes peut être effectuée suivant une séparation claire entre, d’une part, les étapes de programmation et l’adoption des décisions de financement […] et, d’autre part, l’exécution des projets, qui peut être confiée à une agence exécutive ». Par ailleurs, le considérant 8 de ladite décision dispose que « [l]a création d’une agence exécutive ne modifie pas la délégation du Conseil à la Commission concernant la gestion de certaines phases des actions couvertes par les divers programmes ».

42      L’article 4, paragraphe 1, de la décision 2009/336, telle que modifiée, dispose que l’EACEA « est responsable de la gestion de certains volets des programmes communautaires suivants : […]

28)      le programme de soutien au secteur audiovisuel européen (MEDIA 2007) (2007‑2013), approuvé par la décision no 1718/2006 […] ».

43      L’article 4, paragraphe 2, de cette même décision, telle que modifiée, dispose que, pour ce qui est de la gestion des volets des programmes communautaires mentionnés au paragraphe 1, l’EACEA « sera chargée des tâches suivantes :

a)      la gestion de tout le cycle de vie des projets au titre de l’exécution des programmes communautaires qui lui sont confiés […] ;

b)      l’adoption des actes d’exécution budgétaire en recettes et en dépenses et l’exécution, en application de la délégation de la Commission, de tout ou partie des opérations nécessaires à la gestion des programmes communautaires, dont celles qui sont liées à l’attribution des subventions et des marchés ».

44      Ensuite, la décision C(2009) 3355 final de la Commission, du 6 mai 2009, portant délégation de pouvoirs à l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » en vue de l’exécution de tâches liées à la mise en œuvre de programmes communautaires dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture comprenant, notamment, l’exécution de crédits inscrits au budget communautaire, telle que modifiée par la décision C(2010) 7095 final, a mis en œuvre la décision 2009/336. Le programme MEDIA 2007 est ainsi mentionné au point 28 des visas de la décision C(2009) 3355 final. L’article 5 de ladite décision, intitulé « Tâches d’exécution budgétaire », précise, en son paragraphe 1, sous a), que l’EACEA procède à « l’octroi de subventions et [à] la gestion des conventions et des décisions y afférentes » et que, « [à] cette fin, l’[EACEA] est chargée, par la Commission, d’effectuer certaines ou toutes les opérations nécessaires au lancement et à la conclusion des procédures de subventions, dont les détails figurent à l’annexe III ».

45      L’annexe I, paragraphe 26, troisième tiret, de la décision C(2009) 3355 final, telle que modifiée, rappelle que l’EACEA participe à la mise en œuvre et à la gestion de la plupart des volets du programme MEDIA 2007, y compris s’agissant de la distribution.

46      L’annexe III de cette même décision établit les tâches déléguées à l’EACEA, parmi lesquelles figurent, aux termes du point A 5, « la sélection de projets ou, lorsque [la base légale des programmes dispose] qu’il revient à la Commission de sélectionner les projets, la préparation d’une proposition de sélection à prendre par la Commission en conformité avec les procédures de comitologie », aux termes du point A 6, la « notification [à leurs bénéficiaires] des décisions individuelles [relatives à l’octroi] de subventions » et, au sens du point A 7, « [le traitement] des demandes [visant à réexaminer les décisions relatives à l’octroi de subventions] ».

47      Enfin, la décision no 1718/2006 (voir point 2 ci‑dessus) prévoit, en son article 10, paragraphe 2, sous e), que toute proposition concernant l’allocation de fonds communautaires d’un montant supérieur à 300 000 euros, dans le cas de la distribution, relève de la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 2, de cette même décision, tandis que l’article 10, paragraphe 3, de ladite décision énonce que les « mesures nécessaires à la mise en œuvre de la[dite] décision en ce qui concerne toutes les autres matières sont arrêtées conformément à la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 3 », de la décision no 1718/2006, ce qui comprend, en particulier, les propositions relatives à l’allocation de fonds communautaires d’un montant inférieur à 300 000 euros, dans le domaine de la distribution. L’article 11 de la décision no 1718/2006 précise, dans son paragraphe 1, que la Commission est assistée par un comité et renvoie, dans son paragraphe 2, aux articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23), et, dans son paragraphe 4, aux articles 3 et 7 de la décision 1999/468. L’article 3 de cette dernière définissait la procédure consultative, l’article 4 dépeignant, quant à lui, la procédure de gestion. Toutefois, la décision 1999/468 a été abrogée par l’article 12, premier alinéa, du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO L 55, p. 13), dont l’article 13 précise que les références faites à l’article 3 de la décision 1999/468 doivent désormais s’entendre comme visant la procédure consultative régie par l’article 4 du règlement no 182/2011, alors que les références faites à l’article 4 de la décision 1999/468 doivent être comprises comme visant la procédure d’examen prévue par l’article 5 du règlement no 182/2011, à l’exception de son paragraphe 4, deuxième et troisième alinéas.

48      À cet égard, il échet d’ajouter que le point 4, avant‑dernier alinéa, des lignes directrices indique que le montant maximal de la subvention sera de 150 000 euros par distributeur et par film et que le point 4, dernier alinéa, des lignes directrices précise que l’EACEA se réserve le droit de ne pas distribuer tous les fonds disponibles. Ce seuil et cette réserve ont été réitérés dans l’appel à propositions EACEA/21/12 au point 5, troisième et quatrième alinéas.

49      Il résulte de l’ensemble des dispositions susvisées que la compétence de l’EACEA, en matière de subventions allouées dans le cadre de l’appel à propositions EACEA/21/12, adopté dans le cadre de la mise en œuvre du programme MEDIA 2007, se bornait, premièrement, à l’instruction du dossier de chaque pétitionnaire pour préparer « une proposition de sélection à prendre par la Commission en conformité avec les procédures de comitologie », en vertu du point A 5, en la seconde branche de l’alternative qu’il énonce, de l’annexe III de la décision C(2009) 3355 final, telle que modifiée, deuxièmement, à la « notification [à leurs bénéficiaires] des décisions individuelles [relatives à l’octroi] de subventions », en application du point A 6 de ladite annexe, et, troisièmement, conformément au point A 7 de cette même annexe, au « [traitement] des demandes [visant à réexaminer les décisions relatives à l’octroi de subventions] ».

50      En l’espèce, l’EACEA a instruit le dossier de la requérante en fonction des éléments qu’elle lui avait fournis et lui a demandé par courriel, le 4 juin 2013, des éléments complémentaires. En réponse à ce courriel, la requérante a confirmé, par courriel du même jour, être « le distributeur italien du film », sans toutefois apporter de pièces justificatives à cet égard, et a adressé à l’EACEA, le 6 juin 2013, des informations complémentaires concernant l’expérience qu’elle avait acquise en tant que distributeur, en particulier au cours des cinq années précédentes. Après analyse de l’ensemble du dossier, l’EACEA a fait une proposition de refus de subvention à la Commission, qui a adopté la décision du 2 août 2013, après observation de la procédure consultative prévue par l’article 4 du règlement no 182/2011, s’agissant d’une proposition relative à l’allocation de fonds de l’Union d’un montant inférieur à 300 000 euros, dans le domaine de la distribution, conformément aux dispositions combinées de l’article 10, paragraphes 2 et 3, de la décision no 1718/2006. Le considérant 3 de la décision du 2 août 2013 s’approprie les motifs émis par le comité MEDIA 2007 dans son avis du 26 juillet 2013, lequel avait lui‑même repris, concernant la requérante, la proposition du comité d’évaluation (voir points 8 à 10 ci‑dessus), à savoir que le film était distribué, en Italie, par la société 01 Distribution et non par la requérante, de sorte que sa candidature ne pouvait être sélectionnée. Le 7 août 2013, l’EACEA a repris ce motif de rejet, en cochant, dans le formulaire standard de notification, la case correspondant à la description suivante : « [l]e demandeur ne va pas assurer lui‑même la distribution en salle du film ». Le 4 septembre 2013, la requérante a adressé à l’EACEA une lettre qui doit clairement être qualifiée de demande visant à réexaminer une décision relative à l’octroi d’une subvention, au sens du point A 7 de l’annexe III de la décision C(2009) 3355 final, telle que modifiée.

51      Par conséquent, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, l’EACEA avait le choix, afin de procéder au traitement de cette demande, entre se limiter à expliciter la décision du 2 août 2013 ou saisir la Commission pour qu’elle modifie celle‑ci, soit dans le sens de l’octroi d’une subvention, soit dans le sens d’un refus, mais pour d’autres motifs que ceux initialement retenus. En effet, l’EACEA ne pouvait, en aucune façon, être compétente pour modifier une décision qu’elle n’avait pas compétence pour adopter.

52      S’il est vrai que le point 5.1 des lignes directrices dispose que, dans le cas où les activités de distribution sont partagées entre plusieurs sociétés, les contrats/accords entre ces sociétés doivent être communiqués à l’EACEA, qui considérera comme étant normalement éligible la société qui effectue en fait la distribution du film sur le territoire et adopte à ce sujet une « décision […] sans appel », il convient d’interpréter ce libellé comme se référant au fait que l’EACEA doit, lors de l’instruction des demandes, arrêter définitivement sa position afin de présenter à la Commission une proposition de sélection, sans préjudice de la possibilité pour le demandeur de contester ultérieurement, dans le cadre d’un recours administratif, la décision de cette institution. Toute autre interprétation serait contraire au libellé exprès du point A 7 de l’annexe III de la décision C(2009) 3355 final, telle que modifiée, consacrant le droit audit recours.

53      Il s’ensuit que, en procédant elle‑même à un refus fondé sur un motif non retenu par la Commission, l’EACEA a entaché la décision du 8 octobre 2013 d’incompétence.

54      Toutefois, il résulte d’une jurisprudence établie dans le contexte d’affaires dont les circonstances étaient comparables à celles de l’espèce que, en cas de compétence liée, le vice d’incompétence ne saurait emporter l’annulation de la décision attaquée, dès lors que ladite annulation effectuée en raison de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée ne pourrait donner lieu, une fois ce vice rectifié à la date à laquelle il est survenu, qu’à l’adoption d’une décision identique quant au fond (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1983, Geist/Commission, 117/81, Rec, EU:C:1983:191, points 6 et 7 ; du 9 octobre 1992, De Persio/Commission, T‑50/91, Rec, EU:T:1992:104, points 10, 22 et 24, et du 19 janvier 2010, De Fays/Commission, T‑355/08 P, RecFP, EU:T:2010:16, points 57 et 58).

55      Il convient donc de déterminer si, en l’espèce, la Commission se fût trouvée en situation de compétence liée, de sorte que, en substituant un motif de rejet de la demande de la requérante à celui retenu par la Commission dans la décision du 2 août 2013, l’EACEA a pris une décision identique quant au fond à celle qu’eût compétemment adoptée la Commission, instruite des mêmes éléments que ceux communiqués dans le courrier du 4 septembre 2013.

56      Ainsi qu’il ressort du point 5.1 des lignes directrices cité au point 3 ci‑dessus, l’octroi d’une subvention au titre de la distribution suppose que le demandeur procède lui‑même à la distribution en salles du film sur le territoire concerné. Nonobstant, cette disposition prévoit la possibilité, pour le distributeur, de recourir de façon limitée à des accords de sous‑traitance, à condition que ce recours « ait été porté à la connaissance de l’[EACEA] ». La suite du point 5.1 réitère cette obligation de communication, cette fois en cas de partage des activités, en énonçant que, « [d]ans le cas où les activités de distribution sont partagées entre plusieurs sociétés, les contrats/accords entre ces sociétés doivent être communiqués à l’[EACEA] ». Ce même point précise que le recours à des distributeurs physiques pour des services particuliers, comme la réservation des salles et la collecte des recettes, est autorisé.

57      La requérante soutient qu’elle est bel et bien le distributeur du film et que l’accord qu’elle a passé avec la société 01 Distribution, concernant la réservation des salles de cinéma, la circulation des copies du film, la collecte des recettes ainsi que la communication du film sous le logo principal 01 Distribution, n’avait pas à être communiqué à l’EACEA, puisque cet accord devrait vraisemblablement être qualifié de délégation à un tiers de l’activité dite de « distribution matérielle » et revêtirait en tout cas une nature autre que celle de sous‑traitance.

58      L’EACEA conteste cette interprétation.

59      Il y a lieu d’indiquer que le point 5.1 des lignes directrices comporte, en réalité, ainsi que cela ressort du point 56 ci‑dessus, une répartition des accords de distribution en trois catégories, qui correspondent, respectivement, aux accords de sous‑traitance, aux accords de partage d’activités de distribution entre plusieurs opérateurs ainsi qu’aux accords visant l’utilisation de « distributeurs physiques » pour des services spécifiques, lesquels ne seront pas éligibles aux subventions. Toutefois, le fait que ces distributeurs physiques ne sont pas éligibles aux subventions ne signifie pas que les accords visant le recours à ceux‑ci pour des services particuliers ne doivent pas être communiqués à l’EACEA. Par ailleurs, ne serait‑ce qu’afin de vérifier l’existence matérielle d’un tel accord de distribution physique et le fait qu’il n’excède pas ce champ précis, tout pétitionnaire est tenu d’éclairer autant que possible l’EACEA sur les éléments nécessaires à l’examen de la demande de subvention, y compris les éléments susceptibles, en raison d’une mécompréhension de leur portée, de faire obstacle à l’issue favorable de la demande de subvention.

60      Cette lecture s’impose d’autant plus que le fait, pour un distributeur, de recourir par contrat à des sociétés tierces pour assurer une partie des tâches de distribution constitue une exception par rapport au principe selon lequel il doit assurer lui‑même la distribution du film, ce qui implique qu’elle est d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2014, Baltic Agro, C‑3/13, Rec, EU:C:2014:2227, point 24 et jurisprudence citée, et du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, Rec, EU:T:2012:247, point 90 et jurisprudence citée). Au demeurant, le point 13.3 des lignes directrices, lorsqu’il fait état de l’obligation de « soumettre tous les accords de distribution pertinents », rappelle l’importance de l’information idoine de l’EACEA.

61      Il convient d’ajouter que la requérante a, en l’espèce, eu une possibilité supplémentaire de compléter son dossier, car elle a été contactée par l’EACEA pour produire un certain nombre de documents. Cela aurait dû attirer son attention sur le caractère possiblement lacunaire dudit dossier et l’amener à être aussi exhaustive que possible.

62      Autrement dit, quand bien même le contrat liant la requérante à la société 01 Distribution serait uniquement un contrat de distribution physique au sens du point 5.1 des lignes directrices, ce que le dossier ne permet pas d’établir, la requérante était dans l’obligation d’en informer l’EACEA dès le dépôt de sa demande de subvention, afin que l’EACEA comme la Commission fussent en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les motifs de la présence du logo de 01 Distribution dans la bande‑annonce et sur les affiches du film. Or, ce n’est que par une pièce jointe au courrier de la requérante du 4 septembre 2013, soit plus d’un mois après la décision du 2 août 2013, que l’EACEA a été informée de l’existence d’un accord signé le 26 avril 2013 par la requérante et la société 01 Distribution.

63      L’interprétation faisant prévaloir l’information aussi complète et adaptée que possible de l’EACEA est, au demeurant, la seule compatible avec le principe de bonne administration et, plus particulièrement, de bonne gestion financière et de contrôle de l’utilisation des moyens budgétaires de l’Union aux fins prévues (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, Rec, EU:T:2010:240, point 126 et jurisprudence citée, et du 19 avril 2013, Aecops/Commission, T‑53/11, EU:T:2013:205, point 45 et jurisprudence citée). En effet, une information incomplète ou erronée fournie par le demandeur ne saurait conduire l’EACEA à recommander à la Commission le financement de la distribution d’un film, alors qu’il existe un doute sur la question de savoir si le distributeur satisfait aux conditions posées par la réglementation applicable. Cela est d’ailleurs explicité au point 13.3 des lignes directrices, aux termes duquel les candidatures incomplètes seront considérées comme inéligibles. Ainsi, en rejetant la demande de subvention en raison de l’absence de communication de l’accord passé par la requérante avec 01 Distribution, motif dont la base factuelle n’est pas contestée par la requérante, l’EACEA a agi dans une situation où la Commission, institution compétente pour adopter une telle décision, l’eût fait dans le cadre d’une compétence liée.

64      Par suite, en application de la jurisprudence citée au point 54 ci‑dessus, le vice d’incompétence ne saurait emporter l’annulation de la décision attaquée, dès lors que ladite annulation effectuée en raison de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée ne pourrait donner lieu, une fois ce vice rectifié à la date à laquelle il est survenu, qu’à l’adoption d’une décision identique quant au fond.

 Sur les moyens du recours

65      Il découle de la jurisprudence citée au point 54 ci‑dessus que, lorsqu’il est établi que l’administration a agi en situation de compétence liée, l’ensemble des moyens dirigés à l’encontre de sa décision ne peuvent qu’être rejetés comme inopérants. Il en va ainsi, notamment, des moyens tirés du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêts du 29 septembre 1976, Morello/Commission, 9/76, Rec, EU:C:1976:129, point 11, et Geist/Commission, point 54 supra, EU:C:1983:191, points 6 et 7) ainsi que, par définition, de l’erreur de fait, de l’erreur de droit ou de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt Morello/Commission, précité, EU:C:1976:129, point 11), puisque l’administration était dans l’obligation de parvenir à la conclusion qu’elle a adoptée.

66      À titre surabondant, il importe de préciser que la motivation contradictoire alléguée par la requérante trouve précisément sa source dans la présence d’un motif de rejet différent de celui figurant dans la décision du 2 août 2013 et retenu par l’EACEA (voir point 36 ci‑dessus), ce dont le Tribunal a tiré les conséquences pour dénier à la décision du 8 octobre 2013 le caractère d’acte confirmatif. Ainsi que cela a été jugé au point 63 ci‑dessus, la requérante ne saurait utilement contester une telle motivation, puisqu’elle correspond à celle que la Commission aurait été tenue de mettre en avant si elle avait été saisie.

67      Enfin, s’agissant du chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal condamne l’EACEA à adopter « les mesures subséquentes », il importe de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (arrêt du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec, EU:T:1998:198, point 53, et ordonnance du 27 janvier 2014, Stolz/Parlement et Commission, T‑582/13, EU:T:2014:69, point 10).

68      Il résulte de tout ce qui précède que le recours n’est pas fondé et doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

70      En l’espèce, d’une part, il résulte des pièces du dossier que la notification du 7 août 2013, effectuée à juste titre sous le timbre de l’EACEA, ne précisait à la requérante ni le fait que l’auteur de la décision de refus de subvention la concernant était la Commission ni la date de ladite décision, à savoir le 2 août 2013. Ce n’est qu’en introduisant le présent recours que la requérante a eu connaissance de ces éléments. En outre, en adoptant, le 8 octobre 2013, une décision en son nom, pour un motif différent de celui retenu par la Commission, tout en déniant par la suite à son acte un caractère décisionnel et en ne saisissant pas la Commission pour qu’elle rectifie sa décision, l’EACEA a créé une situation d’incertitude dans l’esprit de la requérante, que celle‑ci n’a pu lever qu’en introduisant un recours devant le Tribunal.

71      D’autre part, cette situation a été nourrie par le comportement de la requérante qui, en ne fournissant pas, dès sa demande de subvention, des éléments que les lignes directrices lui enjoignaient de communiquer et qui eussent permis à l’EACEA de faire une proposition à la Commission, qui fût adéquate et, en toute hypothèse, fondée sur l’ensemble des composantes du dossier, a elle‑même privé cet organisme et cette institution de la possibilité de déterminer si l’accord passé avec 01 Distribution était un simple accord de distribution matérielle et, partant, si la requérante était le seul distributeur du film.

72      Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Italian International Film Srl et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA) supporteront chacune leurs propres dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 février 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.