Language of document : ECLI:EU:T:2018:619

Affaire T288/15

Ahmed Abdelaziz Ezz e.a.

contre

Conseil de l’Union européenne

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds – Recevabilité – Objectifs – Critères d’inclusion des personnes visées – Prorogation de la désignation des requérants sur la liste des personnes visées – Base factuelle – Exception d’illégalité – Base juridique – Proportionnalité – Droit à un procès équitable – Présomption d’innocence – Droit à une bonne administration – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (cinquième chambre élargie) du 27 septembre 2018

1.      Procédure – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Identification de l’objet du litige – Référence, dans la requête, à un acte distinct de l’acte cité du fait d’une erreur de plume – Référence n’excluant pas la possibilité d’identifier l’objet du litige

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 76)

2.      Procédure – Autorité de la chose jugée – Décisions du juge de l’Union se prononçant sur la désignation d’un requérant sur une liste de personnes visées par des mesures restrictives – Portée

3.      Droit de l’Union européenne – Valeurs et objectifs de l’Union – Valeurs – Respect de l’État de droit – État de droit – Notion

(Art. 2 TUE)

4.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés – Nature de ces mesures – Mesures purement conservatoires – Absence de caractère pénal

(Art. 21 TUE et 29 TUE ; décision du Conseil 2011/172/PESC)

5.      Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés – Portée du contrôle – Preuve du bien-fondé de la mesure – Obligation, pour le Conseil, d’évaluer la nécessité d’obtenir la communication d’informations ou d’éléments de preuve additionnels de la part des autorités nationales – Portée

[Art. 2 TUE, 3 TUE, 21, § 1, al. 1, et 2, b), TUE et 23 TUE ; décisions du Conseil 2011/172/PESC, (PESC) 2015/486, (PESC) 2016/411 et (PESC) 2017/496]

6.      Actes des institutions – Choix de la base juridique – Décision concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés – Article 29 TUE – Admissibilité

[Art. 21 TUE, 23 TUE, 24 TUE et 29 TUE ; décisions du Conseil 2011/172/PESC, art. 1er, (PESC) 2015/486, (PESC) 2016/411 et (PESC) 2017/496]

7.      Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés – Portée du contrôle – Contrôle restreint pour les règles générales – Contrôle s’étendant à l’appréciation des faits et à la vérification des preuves pour les actes s’appliquant à des entités spécifiques

[Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47 ; décisions du Conseil 2011/172/PESC, (PESC) 2015/486, (PESC) 2016/411 et (PESC) 2017/496]

8.      Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés – Portée du contrôle – Appréciation de la légalité en fonction des éléments d’information disponibles au moment de l’adoption de la décision

[Art. 263 TFUE ; décisions du Conseil 2011/172/PESC, (PESC) 2015/486, (PESC) 2016/411 et (PESC) 2017/496]

9.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés – Détournement de fonds publics – Notion – Interprétation autonome et uniforme – Interprétation large

(Décision du Conseil 2011/172/PESC, art. 1er, § 1)

10.    Droit de l’Union européenne – Principes – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Égypte – Décision subséquente ayant maintenu le nom du requérant dans la liste des personnes visées par ces mesures – Obligation de communication des raisons individuelles et spécifiques justifiant les décisions prises – Obligation de permettre à l’intéressé de faire connaître utilement son point de vue sur les motifs retenus à son encontre – Portée

[Décisions du Conseil 2011/172/PESC, (PESC) 2015/486, (PESC) 2016/411 et (PESC) 2017/496]

11.    Droit de l’Union européenne – Principes – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Obligation des institutions d’adhérer au point de vue des parties intéressées – Absence – Obligation de répondre à l’ensemble des arguments des parties – Absence

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 41, § 2, et 48)

1.      L’exigence selon laquelle, aux termes de l’article 76 du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige implique que cette indication soit suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de présenter sa défense et au juge de l’Union de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui.

Cependant, lorsque le contenu de la requête permet d’identifier le ou les actes attaqués, il est possible de requalifier des conclusions désignant de manière imprécise ou erronée le ou les actes en cause. Il en va ainsi en cas d’erreur de plume, dans la situation où un requérant mentionne dans sa requête le numéro d’un acte mais se réfère aux dispositions d’un autre acte ainsi qu’à l’intitulé complet de cet autre acte et joint une copie de ce dernier à ladite requête.

(voir points 38-40)

2.      La légalité de la désignation initiale ou de la prorogation de la désignation d’un requérant sur une liste de personnes visées par des mesures restrictives, déjà contestées dans des recours antérieurs, ne saurait être remise en cause en soumettant au Tribunal des questions déjà tranchées par des décisions du juge de l’Union européenne, une telle contestation se heurtant à l’autorité relative de la chose jugée, qui s’attache non seulement au dispositif desdites décisions, mais aussi aux motifs qui en constituent le support nécessaire.

(voir point 52)

3.      Voir le texte de la décision.

(voir point 61)

4.      Voir le texte de la décision.

(voir point 64)

5.      Le respect des principes de l’État de droit et des droits de l’homme ainsi que de la dignité humaine s’impose à toute action de l’Union, y compris dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, TUE et de l’article 23 TUE.

S’agissant plus particulièrement du droit au procès équitable et au respect de la présomption d’innocence, il occupe, notamment en matière pénale, une place éminente dans une société démocratique. De même, les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice ainsi que du droit à un contrôle juridictionnel effectif constituent des normes essentielles au respect de l’État de droit, lequel forme lui-même une des valeurs premières sur lesquelles repose l’Union, ainsi qu’il résulte de l’article 2 TUE, des préambules du traité UE et de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les exigences découlant du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence visent, notamment en matière pénale, à garantir que la décision par laquelle il sera définitivement statué sur le bien-fondé des accusations dirigées contre la personne en cause est fiable et à éviter qu’elle ne soit entachée d’un déni de justice, voire d’arbitraire, ce qui constituerait la négation même de l’État de droit.

Les caractéristiques du régime de la décision 2011/172, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte, ne justifient pas une exception à l’obligation générale du Conseil, lorsqu’il adopte des mesures restrictives, de respecter les droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, laquelle exception aurait pour conséquence de l’exonérer de toute vérification de la protection des droits fondamentaux assurée en Égypte.

Par conséquent, d’une part, dans la mesure où la décision 2011/172 s’inscrit dans le cadre d’une politique de soutien aux autorités égyptiennes fondée, notamment, sur les objectifs de consolidation et de soutien de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des principes du droit international, l’hypothèse que cette décision soit manifestement inappropriée au regard de ces objectifs en raison de l’existence de violations graves et systématiques des droits fondamentaux ne peut être complètement exclue.

D’autre part, si l’existence de procédures judiciaires en cours en Égypte constitue, en principe, une base factuelle suffisamment solide pour la désignation des personnes sur la liste annexée à la décision 2011/172 ainsi que sa prorogation, tel n’est pas le cas lorsqu’il y a lieu, pour le Conseil, de présumer raisonnablement que la décision prise à l’issue de ces procédures ne sera pas fiable, d’autant plus qu’il n’appartient pas, en principe, au Conseil d’apprécier l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels ces procédures sont fondées.

Dès lors, dans le cadre d’un régime de mesures restrictives tel que celui de la décision 2011/172, il ne peut être exclu que le Conseil soit tenu de vérifier si les procédures judiciaires sur lesquelles il se fonde peuvent être considérées comme fiables au regard des éléments soumis par les personnes en cause relatifs à des violations de l’État de droit et des droits fondamentaux, notamment du droit à un procès équitable, à condition qu’il s’agisse d’éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect de ce droit.

Au regard de ces principes, il incombe donc au Tribunal d’exercer un contrôle, en principe, complet sur la question de savoir si le Conseil a satisfait à son devoir d’examen soigneux et impartial en s’assurant qu’il pouvait considérer comme fiables les procédures pénales visant le requérant concerné. En particulier, ce contrôle implique de vérifier si le Conseil a jugé, à bon droit, qu’il disposait de suffisamment d’éléments pour considérer que tel était le cas en l’espèce, nonobstant les allégations contraires de ce requérant.

Au demeurant, nonobstant son caractère conservatoire, le gel des avoirs édicté dans le cadre du régime de la décision 2011/172 a sur les libertés et les droits des personnes visées une incidence négative importante de sorte que, pour assurer un juste équilibre entre les objectifs de ce gel d’avoirs et la protection de ces droits et libertés, il est indispensable que le Conseil puisse, le cas échéant, évaluer de manière appropriée, sous le contrôle du juge de l’Union, le risque que de telles violations surviennent.

(voir points 58-63, 66-71, 213, 214)

6.      L’article 1er de la décision 2011/172 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte, tel que prorogé par les décisions 2015/486, 2016/411 et 2017/496, peut légalement être adopté sur le fondement de l’article 29 TUE.

En effet, le contrôle de la base juridique d’un acte permet de vérifier si l’auteur de l’acte est compétent et si la procédure d’adoption de cet acte est entachée d’irrégularité. En outre, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte.

À cet égard, il suffit que cet acte poursuive des objectifs qui se rattachent à ceux énoncés à l’article 21 TUE pour qu’il soit considéré comme relevant de la PESC. Par ailleurs, eu égard à la vaste portée des buts et des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), tels qu’exprimés à l’article 3, paragraphe 5, TUE et à l’article 21 TUE ainsi que dans les dispositions spécifiques relatives à la PESC, notamment les articles 23 et 24 TUE, la contestation du bien-fondé dudit acte au regard des objectifs définis à l’article 21 TUE n’est pas de nature à établir un défaut de base juridique de cet acte.

À ce titre, les décisions 2015/486, 2016/411 et 2017/496, qui se sont bornées à proroger la décision 2011/172 et s’inscrivent dans le cadre de la même politique visant, comme l’indique le considérant 1 de cette dernière décision, le soutien au processus de stabilisation politique et économique de l’Égypte, dans le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux, répondent à ces exigences.

À ce sujet, même à supposer que la situation en Égypte au regard de laquelle le Conseil a adopté la décision 2011/172 ait évolué, y compris dans un sens contraire au processus de démocratisation que vise à soutenir la politique dans le cadre de laquelle cette décision s’inscrit, cette circonstance ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet d’affecter la compétence de cette institution pour proroger cette décision sur le fondement de l’article 29 TFUE. En effet, nonobstant cette circonstance, les finalités poursuivies par les décisions 2015/486, 2016/411 et 2017/496 et les règles dont elles prorogent la validité n’en relèveraient pas moins du domaine de la PESC.

(voir points 118, 122-124)

7.      De manière générale, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour adopter des actes dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, qui constitue un domaine impliquant de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes.

En outre, le Conseil dispose d’une large marge d’appréciation pour la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives, au regard des objectifs sur lesquels ces mesures reposent.

En conséquence, une marge d’appréciation de même portée doit également lui être reconnue s’agissant de la prorogation de l’application de ces critères.

À cet égard, dans la mesure où le régime de mesures restrictives édicté par la décision 2011/172 a pour seul objet de faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements, il ne peut être exclu que la prorogation de ce régime conserve sa pertinence, y compris dans l’hypothèse d’évolutions politiques et judiciaires défavorables au regard des progrès de la démocratie, de l’État de droit ou du respect des droits fondamentaux. Ainsi, il appartenait au Conseil d’apprécier si, pour proroger la désignation initiale des requérants, effectuée par cette décision, sur la liste des personnes visées par les décisions attaquées, au regard des éléments dont il disposait, il pouvait raisonnablement considérer que la poursuite de l’assistance aux autorités égyptiennes dans la lutte contre le détournement de fonds publics demeurait, y compris dans un tel contexte, un moyen approprié de favoriser les objectifs de stabilité politique et de respect de l’État de droit dans le pays.

En revanche, dans le cadre de l’adoption de mesures restrictives qui revêtent une portée individuelle pour les personnes visées, le Conseil est soumis au principe de bonne administration qui exige, notamment, de lui qu’il examine avec soin et impartialité les éléments de preuve qui lui ont été transmis, au regard, en particulier, des observations et des éventuels éléments à décharge présentés par ces personnes.

Par conséquent, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige un contrôle, en principe, complet de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire le nom d’une personne sur la liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives. En particulier, le juge de l’Union doit s’assurer que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide.

(voir points 130, 155, 211, 212)

8.      Voir le texte de la décision.

(voir point 205)

9.      Dans le cadre du régime de mesures restrictives prévu par la décision 2011/172, la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte, doit être comprise comme englobant toute utilisation illicite de ressources qui appartiennent aux collectivités publiques ou qui sont placées sous leur contrôle à des fins contraires à celles prévues, en particulier à des fins privées et dont résulte un préjudice évaluable financièrement pour lesdites collectivités publiques.

À cet égard, dans une situation dans laquelle les autorités nationales ont procédé à une qualification pénale des faits reprochés au requérant correspondant à la notion de détournement de fonds publics, le fait que la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, doive recevoir une interprétation autonome, indépendante de tout système national, ne signifie pas que cette notion pourrait éventuellement exclure des agissements ayant reçu une telle qualification pénale de la part des autorités égyptiennes. Au contraire, cette notion vise, à tout le moins, des agissements susceptibles de recevoir ladite qualification en droit pénal égyptien.

(voir points 253, 255, 266)

10.    Les juridictions de l’Union doivent assurer, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, ce qui comprend notamment le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective.

En particulier, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision de désigner une personne sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés ou de la décision de proroger cette désignation, le respect des droits de la défense exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à son égard pour fonder sa décision, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus en l’espèce. Enfin, lorsqu’il s’agit d’une décision consistant à maintenir le nom de la personne concernée sur une telle liste, le respect de cette double obligation procédurale doit, contrairement à ce qui est le cas pour une inscription initiale, précéder l’adoption de cette décision. Cependant, cette double obligation procédurale ne s’impose que lorsque, dans le cadre de la prorogation de la désignation des personnes concernées, l’autorité compétente se fonde sur de nouveaux éléments. Par ailleurs, les personnes concernées disposent, en tout état de cause, d’un droit permanent de présenter des observations, en particulier à l’occasion du réexamen périodique des mesures restrictives les concernant.

À ce sujet, le droit d’être entendu a pour corollaire l’obligation pour l’autorité compétente de motiver sa décision en identifiant les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit continuer à faire l’objet de mesures restrictives malgré les éventuels éléments à décharge présentés par cette personne.

En outre, il convient de tenir compte du fait que l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée.

Dans la situation où le motif de désignation du requérant repose sur l’existence de procédures judiciaires en cours, il appartient au Conseil de vérifier, en particulier à l’occasion du réexamen périodique de cette désignation en vue de son éventuelle prorogation, le stade auquel se trouvent ces procédures judiciaires et, le cas échéant, leur issue.

Par conséquent, afin de respecter les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, il appartient au Conseil de lui communiquer ces éléments réactualisés, de lui permettre, avant d’adopter les décisions attaquées, de présenter des observations à cet égard et de lui indiquer, dans le cadre de la motivation desdites décisions, les raisons pour lesquelles il continue à considérer que la prorogation de sa désignation est justifiée.

(voir points 312-316)

11.    Si le respect des droits de la défense exige des institutions de l’Union de permettre aux personnes concernées de faire connaître utilement leur point de vue, il ne peut imposer auxdites institutions d’adhérer à celui-ci. Le caractère utile de la soumission du point de vue de ces personnes requiert seulement que ce point de vue ait pu être soumis en temps voulu pour que les institutions de l’Union puissent en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption.

(voir point 330)