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ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 mai 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie et de l’implication de la Biélorussie dans l’agression russe contre l’Ukraine – Gel des fonds – Listes des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Organisation des activités du régime de Loukachenko facilitant le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union ou contribution auxdites activités – Profit tiré du régime de Loukachenko – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑116/22,

Belavia – Belarusian Airlines AAT, établie à Minsk (Biélorussie), représentée par Mes N. Tuominen et M. Krestiyanova, avocates,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Boggio-Tomasaz et A. Antoniadis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu l’ordonnance du 24 novembre 2022, Belavia/Conseil (T‑116/22 R, non publiée, EU:T:2022:726),

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 25 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Belavia – Belarusian Airlines AAT, demande l’annulation, premièrement, de la décision d’exécution (PESC) 2021/2125 du Conseil, du 2 décembre 2021, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2021, L 430 I, p. 16), et du règlement d’exécution (UE) 2021/2124 du Conseil, du 2 décembre 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 430 I, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), et, deuxièmement, de la décision (PESC) 2023/421 du Conseil, du 24 février 2023, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie et de l’implication de la Biélorussie dans l’agression russe contre l’Ukraine (JO 2023, L 61, p. 41), et du règlement d’exécution (UE) 2023/419 du Conseil, du 24 février 2023, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie et de l’implication de la Biélorussie dans l’agression russe contre l’Ukraine (JO 2023, L 61, p. 20) (ci-après les « actes de maintien »), en tant que ces actes la concernent.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        La requérante est une compagnie de transport aérien établie à Minsk (Biélorussie).

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées par l’Union européenne depuis 2004 en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme.

4        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Loukachenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1), dont l’intitulé a été remplacé, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) no 588/2011 du Conseil du 20 juin 2011 (JO 2011, L 161, p. 1), par l’intitulé « Règlement (CE) no 765/2006 du Conseil du 18 mai 2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie ».

5        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).

6        Selon l’article 4, paragraphe 1, sous b) et sous c), i), de la décision 2012/642, telle que modifiée par la décision (PESC) 2021/1990 du Conseil, du 15 novembre 2021 (JO 2021, L 405, p. 10), et l’article 2, paragraphes 5 et 6, du règlement no 765/2006, tel que modifié par le règlement (UE) no 1014/2012 du Conseil, du 6 novembre 2012 (JO 2012, L 307, p. 1) et le règlement (UE) 2021/1985 du Conseil, du 15 novembre 2021 (JO 2021, L 405, p. 1), les dernières dispositions renvoyant aux premières, sont gelés tous les fonds et ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par, notamment, des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent ainsi que des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui organisent les activités du régime de Loukachenko facilitant le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union ou qui contribuent auxdites activités.

7        Par lettre du 1er novembre 2021, adressée à un membre du cabinet du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la requérante a fait valoir que les allégations contenues dans certains articles de presse selon lesquelles elle était impliquée dans des « opérations de trafic de migrants » en Biélorussie étaient erronées.

8        Le 2 décembre 2021, le Conseil a adopté les actes initiaux. Il ressort des considérants 2 de ceux-ci que « [l]es 21 et 22 octobre 2021, le Conseil européen a adopté des conclusions dans lesquelles il a déclaré qu’il n’accepterait aucune tentative de pays tiers visant à instrumentaliser les migrants à des fins politiques et qu’il condamnait toutes les attaques hybrides menées aux frontières de l’Union et y réagirait en conséquence », et que le Conseil européen « a souligné que l’Union continuerait à lutter contre l’attaque hybride en cours qui a été lancée par le régime biélorusse, y compris en adoptant de nouvelles mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités juridiques, conformément à son approche progressive, et ce, de manière urgente ».

9        Par les actes initiaux, le nom de la requérante a été inséré à la ligne 16 du tableau B de la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2012/642 figurant à l’annexe de ladite décision et à la ligne 16 du tableau B de la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 765/2006 figurant à l’annexe I dudit règlement (ci‑après les « listes litigieuses »).

10      Dans les actes initiaux, s’agissant de la requérante, le Conseil a inscrit les informations d’identification « [a]dresse : 14A, rue Nemiga, Minsk, Biélorussie, 220004 », « [d]ate d’enregistrement : 4.1.1996 », « [n]uméro d’enregistrement : 600390798 » et a justifié l’adoption des mesures restrictives à son égard par la mention des motifs suivants :

« [La requérante] est la compagnie aérienne nationale d’État. Aliaksandr Loukachenk[o] a promis que son administration fournirait tout le soutien possible à [la requérante] après que l’Union a décidé d’instaurer une interdiction de survol de l’espace aérien de l’Union et d’accès aux aéroports de l’Union pour tous les transporteurs aériens biélorusses. Pour ce faire, il [est] convenu avec le président russe Vladimir Poutine de préparer l’ouverture de nouvelles routes aériennes pour [la requérante].

La direction de [la requérante] a en outre interdit à ses employés de manifester contre les irrégularités électorales et les emprisonnements massifs en Biélorussie, compte tenu du fait que [la requérante] est une entreprise d’État.

[La requérante] tire donc profit du régime de Loukachenk[o] et le soutient.

[La requérante] a participé au transport de migrants du Moyen-Orient vers la Biélorussie. Des migrants désireux de franchir les frontières extérieures de l’Union se sont rendus à Minsk à bord de vols opérés par [la requérante] au départ d’un certain nombre de pays du Moyen-Orient, notamment le Liban, les Émirats arabes unis et la Turquie. Afin de faciliter cette pratique, [la requérante] a ouvert de nouvelles routes aériennes et augmenté le nombre de vols sur des routes existantes. Des voyagistes locaux ont joué un rôle d’intermédiaires en vendant des billets d’avion [de la requérante] à des candidats migrants, aidant de la sorte [la requérante] à ne pas se faire remarquer.

[La requérante] contribue donc aux activités du régime de Loukachenk[o] qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union. »

11      Par lettre du 3 décembre 2021, le Conseil a informé la requérante que son nom était inscrit sur les listes litigieuses.

12      Par lettre du 30 décembre 2021, la requérante a demandé au Conseil l’accès aux informations et aux preuves étayant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

13      Par lettre du 14 janvier 2022, le Conseil a communiqué à la requérante les documents contenant les preuves utilisées pour décider de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

14      Par lettre du 25 février 2022, le Conseil a informé la requérante du maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

15      Par lettre du 21 décembre 2022, le Conseil a signifié à la requérante son intention de proroger les mesures restrictives à son égard en s’appuyant sur un document joint à ladite lettre.

16      Par lettre du 19 janvier 2023, la requérante a répondu que le document communiqué par le Conseil ne justifiait pas le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

17      Le 24 février 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien par lesquels il a maintenu le nom de la requérante sur les listes litigieuses pour des motifs en substance identiques à ceux retenus dans les actes initiaux.

18      Par lettre du 27 février 2023, le Conseil a indiqué que les observations figurant dans la lettre du 19 janvier 2023 ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle il y avait lieu de maintenir l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

 Procédure et conclusions des parties

19      À la suite de l’adaptation de la requête sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal ainsi que de l’audience, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux et de maintien, en tant qu’ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens ;

–        rejeter les demandes subsidiaires du Conseil visant à ordonner, d’une part, que les effets de la décision d’exécution 2021/2125 soient maintenus en ce qui la concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/2124 prenne effet et, d’autre part, que les effets de la décision 2023/421 soient maintenus en ce qui la concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2023/419 prenne effet.

20      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, d’une part, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes initiaux en tant qu’ils concernent la requérante, ordonner que les effets de la décision d’exécution 2021/2125 soient maintenus en ce qui la concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/2124 prenne effet et, d’autre part, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes de maintien en tant qu’ils concernent la requérante, ordonner que les effets de la décision 2023/421 soient maintenus en ce qui la concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2023/419 prenne effet.

 En droit

21      Il convient d’examiner, en premier lieu, la demande en annulation partielle des actes initiaux et, en second lieu, la demande en annulation partielle des actes de maintien.

 Sur la demande en annulation partielle des actes initiaux

22      À l’appui de la demande en annulation des actes initiaux en ce qu’ils la concernent, la requérante invoque formellement deux moyens tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil et, le deuxième, de ce que les actes initiaux « comportent un type illégal de sanction faute pour le Conseil d’avoir satisfait au niveau de preuve requis ».

23      Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante.

24      À titre liminaire, premièrement, il convient d’observer que les deux moyens formellement soulevés par la requérante se recoupent dans une large mesure en ce qu’ils sont tous deux tirés, en substance, d’une erreur dans l’appréciation des faits et d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b) et sous c), i), de la décision 2012/642. À l’audience, la requérante a d’ailleurs déclaré avoir soulevé, en substance, un moyen unique.

25      Dans ces conditions, le Tribunal considère que les deux moyens soulevés par la requérante forment, en substance, un moyen unique.

26      Deuxièmement, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

27      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

28      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

29      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 93 et jurisprudence citée).

30      Par ailleurs, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans l’exposé en cause est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance selon laquelle d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130, et du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 168).

31      En l’espèce, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen des motifs des actes initiaux figurant dans les quatrième et cinquième paragraphes mentionnés au point 10 ci-dessus, dont il ressort que la requérante a participé au transport de ressortissants de pays tiers du Moyen-Orient vers la Biélorussie, que des ressortissants de pays tiers désireux de franchir les frontières extérieures de l’Union se sont rendus à Minsk à bord de vols opérés par la requérante au départ d’un certain nombre de pays du Moyen-Orient, notamment du Liban, des Émirats arabes unis et de la Turquie, que, afin de faciliter cette pratique, la requérante a ouvert de nouvelles routes aériennes et augmenté le nombre de vols sur des routes existantes, que des voyagistes locaux ont joué un rôle d’intermédiaires en vendant des billets d’avion de la requérante à des ressortissants de pays tiers susceptibles d’avoir l’intention de franchir lesdites frontières extérieures, aidant de la sorte la requérante à ne pas se faire remarquer, et que cette dernière contribue donc aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal de ces frontières extérieures.

32      Ces motifs sont fondés sur le critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous c), i), de la décision 2012/642, disposition à laquelle renvoie l’article 2, paragraphe 6, sous a), i), du règlement no 765/2006.

33      Au soutien de ses allégations, en premier lieu, le Conseil se réfère au contexte dans lequel s’inscrivent les faits litigieux.

34      À cet égard, le Conseil s’appuie sur un article publié sur le site Internet « wyborcza.pl » le 21 octobre 2021 et un article publié sur le site Internet « spiegel.de » le 14 août 2021, dont il ressort, en substance, que, dans le courant de l’année 2021, en réaction à certaines mesures prises par l’Union à l’encontre de la Biélorussie, les autorités biélorusses ont encouragé le déplacement de ressortissants de pays tiers vers la Biélorussie par transport aérien afin de les diriger, à partir de ce pays, vers les frontières extérieures de l’Union. Il se réfère également à un message publié sur le réseau social Twitter le 26 octobre 2021 selon lequel l’ambassade biélorusse en Syrie a établi une liste d’agences de voyage disposant du droit exclusif de délivrer des visas à des citoyens de pays arabes à leur arrivée dans la zone restreinte de l’aéroport de Minsk.

35      La requérante ne conteste pas l’existence du contexte ainsi décrit par le Conseil.

36      En second lieu, le Conseil produit les documents suivants :

–        un article publié sur le site Internet « reuters.com » le 7 juillet 2021 dont il ressort, notamment, qu’un fonctionnaire du gouvernement lituanien a transmis à l’agence de presse Reuters des copies de quatre billets d’embarquement pour un vol au départ d’Istanbul (Turquie) et à destination de Minsk opéré par la requérante qu’un ressortissant d’un pays tiers entré sur le territoire de la Lituanie portait sur lui ;

–        un article publié sur le site Internet « lemonde.fr » le 10 novembre 2021 selon lequel, notamment, dans le courant du mois de novembre 2021, plusieurs ressortissants de pays tiers étaient présents à l’aéroport de Beyrouth (Liban) afin d’embarquer pour un vol vers Minsk opéré par la requérante, que l’une de ces personnes a déclaré avoir obtenu un visa auprès du consul honoraire de Biélorussie afin que son voyage ait « les allures de la légalité » et avoir l’intention de pénétrer la « forteresse Europe », qu’une autre de ces personnes a indiqué vouloir profiter de la « route [qui] s’est ouverte » en Biélorussie afin de se rendre en Allemagne, que la requérante opérait depuis le mois de novembre 2021 deux vols directs par semaine depuis Beyrouth vers Minsk, alors qu’elle n’assurait auparavant qu’un seul vol par semaine, que le nombre de voyageurs transportés par la requérante a considérablement augmenté depuis le mois d’août 2020 et que, « [s]’il est impossible de réserver un vol sur [le] site [de la requérante], les voyagistes locaux se charg[aient] de remplir ses avions » ;

–        un article publié sur le site Internet « dw.com » le 9 novembre 2021 dont il ressort notamment, d’une part, qu’un voyagiste établi à Bagdad (Irak) aurait déclaré que « [la requérante avait] des vols directs vers Minsk depuis Istanbul, Dubaï [(Émirats arabes unis)] et ailleurs », que « la seule chose [à faire était] de vous y rendre » et que « c’[était] un peu plus cher mais toujours faisable » et, d’autre part, que les avions exploités par la requérante étaient utilisés pour « transporter des migrants vers la frontière de l’Union » ;

–        un article publié sur le site Internet « reform.by » le 23 août 2021 selon lequel « les avions depuis Istanbul volent quotidiennement vers Minsk – quatre vols par jour », « [d]eux sont opérés par [la requérante], depuis peu principalement sur des Embraer E195 (capacité jusqu’à 125 personnes), mais en juin il y avait des Boeing avec une capacité d’environ 150-190 places » ;

–        trois extraits d’informations publiées sur le site Internet « flightradar24.com » dont il ressort que la principale liaison aérienne depuis l’aéroport international d’Erbil (Irak) est celle vers Istanbul avec 23 vols par semaine, que la principale liaison aérienne depuis l’aéroport international de Bagdad est celle vers Istanbul avec 28 vols par semaine et que la requérante opère deux vols par jour au départ d’Istanbul et à destination de Minsk ;

–        un article publié sur le site Internet « belsat.eu » le 11 octobre 2021 rapportant notamment qu’un journaliste « a remarqué environ 50 passagers originaires du Moyen-Orient à [l’aéroport d’Istanbul] » qui « s’enregistraient, se tenant dans une file d’attente séparée devant le stand de [la requérante] ».

37      Premièrement, d’une part, il convient d’observer que, parmi ces documents, l’article publié sur le site Internet « lemonde.fr », l’article publié sur le site Internet « dw.com », l’article publié sur le site Internet « belsat.eu » ainsi que l’article publié sur le site Internet « reuters.com » concordent sur le fait que des ressortissants de pays tiers ont pu embarquer à Beyrouth, à Dubaï et à Istanbul sur des vols opérés par la requérante à destination de Minsk.

38      Certes, le Conseil ne conteste pas l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’a jamais exploité de vols à destination ou en provenance de l’Afghanistan, de l’Iran, de l’Iraq, du Myanmar, du Pakistan et de la Syrie. En outre, ainsi que le relève la requérante, dès lors que le Conseil a évoqué, dans les motifs litigieux, des vols opérés par la requérante au départ d’un certain nombre de pays du Moyen-Orient, « notamment » du Liban, des Émirats arabes unis et de la Turquie, il ne peut valablement prétendre, dans le mémoire en défense, s’être fondé « uniquement » sur les vols en provenance de ces trois pays tiers pour inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses.

39      Toutefois, le recours au terme « notamment » dans les motifs litigieux doit être compris en ce sens que le Conseil a énuméré de façon non exhaustive les pays au départ desquels ont été opérés des vols de la requérante. L’existence de tels vols à destination de Minsk au départ du Liban, des Émirats arabes unis et de la Turquie étant établie, il n’est pas nécessaire d’analyser si des éléments factuels permettent d’établir que la requérante opérait des vols en provenance d’autres pays tiers.

40      Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur en considérant, à tout le moins, que des ressortissants de pays tiers se sont rendus à Minsk à bord de vols opérés par la requérante au départ du Liban, des Émirats arabes unis et de la Turquie.

41      D’autre part, selon l’article publié sur le site Internet « lemonde.fr » et l’article publié sur le site Internet « dw.com », des ressortissants de pays tiers ont emprunté des vols opérés par la requérante afin de franchir ultérieurement les frontières extérieures de l’Union depuis la Biélorussie et, selon l’article publié sur le site Internet « reuters.com » un ressortissant d’un pays tiers étant entré sur le territoire d’un État membre a été trouvé en possession de billets d’embarquement de la requérante. En outre, il ressort de l’article publié sur le site Internet « lemonde.fr » qu’un ressortissant d’un pays tiers s’apprêtant à embarquer sur un vol de la requérante au départ de Beyrouth et à destination de Minsk a déclaré vouloir « aborder la forteresse Europe », que « ce sont “des réseaux” qui [l’attendent en Biélorussie] » et qu’ont été évoqués « les morts à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne », tandis qu’un autre ressortissant d’un pays tiers a indiqué avoir l’intention de rejoindre l’Allemagne, tout en « mesur[ant] le danger », car « la Biélorussie n’ouvre pas ses portes par bienveillance » et qu’« une route s’est ouverte ».

42      Ces éléments accréditent la thèse du Conseil selon laquelle des ressortissants de pays tiers ont embarqué sur des vols opérés par la requérante à destination de Minsk dans l’intention de franchir les frontières de certains États membres sans se conformer aux règlementations pertinentes.

43      Deuxièmement, il ressort de l’article publié sur le site Internet « lemonde.fr » que la requérante a augmenté le nombre de vols au départ de Beyrouth dans le courant de l’année 2021. Par ailleurs, les extraits d’informations publiées sur le site Internet « flightradar24.com » ainsi que l’article publié sur le site Internet « reform.by » indiquent que la requérante a opéré deux vols par jour sur la liaison entre Istanbul et Minsk. Enfin, il ressort de ce dernier article que la requérante a augmenté les capacités de transport des avions desservant ladite liaison.

44      Troisièmement, l’article publié sur le site Internet « lemonde.fr » rapporte que, « depuis le mois d’août [2020,] le nombre de voyageurs de [la requérante] a considérablement augmenté », que, dans ce contexte, « [la requérante] fai[sai]t profil bas » et que, « [s]’il [était] impossible de réserver un vol sur [le] site [Internet de la requérante], les voyagistes locaux se charg[ai]ent de remplir ses avions ».

45      Il ressort des considérations exposées aux points 36 à 44 ci-dessus que, lors de l’adoption des actes initiaux, le Conseil disposait d’un faisceau d’indices suffisamment précis, concrets et concordants pour établir, à la lumière du contexte décrit au point 34 ci-dessus, que des ressortissants de pays tiers ayant l’intention de franchir les frontières extérieures de l’Union sans se conformer aux réglementations pertinentes se sont rendues à Minsk à bord de vols opérés par la requérante au départ du Liban, des Émirats arabes unis et de la Turquie, que, afin de faciliter cette pratique, la requérante a augmenté le nombre de vols sur des routes existantes et que des voyagistes locaux ont joué un rôle d’intermédiaires en vendant des billets d’avion de la requérante aux personnes susmentionnées, aidant de la sorte celle-ci à ne pas se faire remarquer.

46      Afin de contester le faisceau d’indices apporté par le Conseil, premièrement, la requérante fait valoir que d’autres compagnies aériennes opèrent des vols entre les Émirats arabes unis et la Turquie, d’une part, et la Biélorussie, d’autre part, que celles-ci ont transporté de nombreuses personnes depuis Minsk vers des pays tiers entre les mois d’octobre et de décembre 2021, lorsque « la crise des migrants a commencé à perdre en intensité, les migrants commençant à regagner leur pays », et qu’elle ne transporte pas directement, en comparaison d’autres compagnies aériennes, un grand nombre de passagers, étant notamment donné que les avions qu’elle exploite ont une capacité maximale inférieure à celle des avions exploités par lesdites autres compagnies. Elle fait également valoir que, bien qu’elle soit la seule compagnie aérienne à desservir la liaison entre Beyrouth et Minsk, il s’agit d’un vol saisonnier, pour lequel les billets sont vendus par un tiers, que, durant l’année 2021, le nombre de voyageurs empruntant cette liaison aérienne était négligeable par rapport à d’autres liaisons à partir ou vers d’autres pays tiers que le Liban et qu’elle a transporté moins de passagers sur la liaison entre Beyrouth et Minsk au cours de l’année 2021 qu’au cours des années 2018 et 2019. Au soutien de ses allégations, la requérante se prévaut de données obtenues auprès du département de l’aviation de Biélorussie.

47      Aucun de ces arguments ne saurait prospérer.

48      Il est vrai qu’il ressort des données produites par la requérante que, durant l’année 2021, elle a transporté moins de passagers que deux autres compagnies aériennes qui desservent, comme elle, les liaisons aériennes entre Istanbul et Minsk ainsi qu’entre Dubaï et Minsk, que d’autres compagnies aériennes ont transporté de nombreuses personnes depuis Minsk vers Bagdad, Erbil et Damas (Syrie) à la fin de l’année 2021 et que le nombre de personnes qu’elle a transportées sur la liaison entre Beyrouth et Minsk est inférieur à celui des personnes transportées sur d’autres liaisons à partir ou vers d’autres pays tiers que le Liban pour lesquelles elle produit des données chiffrées.

49      Néanmoins, ces circonstances ne démontrent pas que la requérante n’a pas contribué, à la mesure de ses propres opérations de transport de personnes depuis le Liban, les Émirats arabes unis et la Turquie, vers la Biélorussie, aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union.

50      En outre, selon les données transmises par la requérante, durant l’année 2021, le nombre de passagers transportés par elle depuis Istanbul vers Minsk a substantiellement augmenté, passant de 2 978 passagers au mois de mai, à 6 975 passagers au mois d’octobre, et le nombre de passagers transportés par elle depuis Beyrouth vers Minsk a considérablement augmenté, passant de 187 passagers au mois de juin à 1681 passagers au mois de septembre, ce qui tend à accréditer les allégations du Conseil.

51      Il ne saurait davantage être souscrit à l’argumentation de la requérante selon laquelle, d’une part, les autres compagnies aériennes qu’elle mentionne doivent également être tenues pour responsables des activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union et, d’autre part, la circonstance que le nom d’une de ces compagnies aériennes ait été inscrit puis retiré des listes litigieuses justifie le retrait de l’inscription de son nom.

52      À cet égard, il suffit de rappeler que le fait que la responsabilité d’autres compagnies aériennes ait dû ou pu être éventuellement recherchée n’exclut pas en soi que la responsabilité de la requérante puisse être recherchée en tant que telle, compte-tenu de ses propres activités de transport de personnes vers la Biélorussie (voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2014, Ipatau/Conseil, T‑646/11, non publié, EU:T:2014:800, point 116, et du 7 juin 2023, Skryba/Conseil, T‑581/21, non publié, EU:T:2023:321, point 57).

53      Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas reçu d’instruction du gouvernement lui enjoignant d’opérer des vols visant à participer aux activités de facilitation du franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union, que ses vols desservant le Liban, les Émirats arabes unis et la Turquie n’ont pas été affrétés par l’État biélorusse et qu’ils sont rentables.

54      À cet égard, il y a lieu d’observer que le Conseil n’a pas évoqué, dans les motifs litigieux, l’existence d’instructions du gouvernement biélorusse, l’affrètement de certains vols par l’État biélorusse ou la circonstance que les vols en cause n’étaient pas rentables.

55      En outre, d’une part, ainsi que le relève le Conseil, le fait, constant entre les parties, que la requérante soit entièrement détenue par l’État biélorusse prive de plausibilité l’argument selon lequel ses activités pourraient être déterminées indépendamment de la volonté du gouvernement biélorusse, en l’absence de preuves susceptibles de l’étayer.

56      D’autre part, selon les articles publiés sur le site Internet « wyborcza.pl » et sur le site Internet « spiegel.de », mentionnés au point 34 ci-dessus, les autorités biélorusses ont favorisé l’augmentation des flux de voyageurs vers la Biélorussie en prenant des mesures visant à ce que de nombreux visas de tourisme soient délivrés à des ressortissants de pays tiers, notamment en déléguant des pouvoirs spéciaux à des agences de voyages, dont certaines étaient contrôlées par l’État biélorusse. Ces mêmes articles, ainsi que l’article publié sur le site Internet « lemonde.fr » visé au point 36 ci-dessus, rapportent que, dans ce contexte, des ressortissants de pays tiers ont déboursé des sommes importantes pour se rendre en Biélorussie par avion. En outre, il ressort de ce dernier article qu’« [u]ne multitude d’acteurs s’enrichiss[ai]ent ainsi sur les espoirs d’une vie meilleure des [ressortissants de pays tiers] », notamment des compagnies aériennes dont certaines, pour répondre à la demande accrue de services de transport aérien depuis des pays tiers vers la Biélorussie, avaient augmenté leurs capacités de transport ou envisagé d’ouvrir de nouvelles liaisons aériennes.

57      Ainsi, il ressort des preuves versées au dossier que le régime de Loukachenko a organisé le transport de ressortissants de pays tiers vers la Biélorussie par voie aérienne non en affrétant des vols, mais en favorisant la délivrance de visas pour la Biélorussie, que cette mesure a eu pour effet une augmentation de la demande de services de transport aérien vers la Biélorussie et que des compagnies aériennes tiraient profit de l’exploitation commerciale des vols répondant à cette demande. Il s’ensuit que les allégations de la requérante selon lesquelles ses vols desservant le Liban, les Émirats arabes unis et la Turquie n’ont pas été affrétés par l’État biélorusse et ses propres opérations de transport étaient rentables, à supposer même qu’elles soient établies, ne sont pas susceptibles de démontrer que lesdits vols et opérations ne s’inscrivaient pas dans le cadre des activités du régime de Loukachenko facilitant le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union.

58      Troisièmement, la requérante soutient se conformer aux règlementations pertinentes lors de l’enregistrement de ses passagers, notamment s’agissant de l’obligation de disposer d’un visa.

59      À cet égard, il suffit de relever que, comme il ressort du point 56 ci-dessus, les activités de facilitation du franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union du régime de Loukachenko incluaient la délivrance de visas aux ressortissants de pays tiers afin qu’ils puissent se rendre sur le territoire biélorusse. L’article publié sur le site Internet « lemonde.fr », visé au point 36 ci-dessus, rapporte ainsi qu’un ressortissant de pays tiers s’apprêtant à embarquer sur un vol opéré par la requérante au départ de Beyrouth et ayant l’intention de franchir lesdites frontières extérieures a déclaré disposer d’un visa afin que son voyage ait « les allures de la légalité ».

60      Il s’ensuit que la circonstance que la requérante ait procédé aux contrôles requis lors de l’enregistrement de ses passagers, notamment s’agissant de l’obligation de disposer d’un visa, n’exclut pas qu’elle ait participé aux activités du régime de Loukachenko facilitant le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union.

61      Quatrièmement, la requérante fait valoir qu’elle n’exerce pas d’autres activités que l’exploitation de vols et qu’elle n’a « jamais assisté dans ses aéroports à des activités telles que le ramassage organisé de grands groupes de migrants présumés ».

62      Dans la mesure où ces considérations sont sans rapport avec les éléments retenus par le Conseil à l’encontre de la requérante, elles doivent être écartées comme inopérantes.

63      Certes, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’observer qu’il ne ressort pas des pièces produites par le Conseil que, comme il ressort des motifs litigieux, la requérante a ouvert de nouvelles routes aériennes pour faciliter le transport de ressortissants de pays tiers vers la Biélorussie.

64      Toutefois, ce constat ne suffit pas à conclure à l’annulation des actes initiaux, dès lors que le Conseil a apporté la preuve du bien-fondé des allégations factuelles exposées au point 45 ci-dessus, et que celles-ci suffisent à établir que la requérante a contribué aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union, au sens du critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous c), i), de la décision 2012/642.

65      En outre, le Tribunal estime que les motifs avancés par le Conseil au soutien de l’appréciation selon laquelle la requérante a contribué aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union, qui sont suffisamment précis et concrets et sont exempts d’erreur d’appréciation des faits ou d’erreur de droit, constituent en eux-mêmes un fondement suffisant pour justifier l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

66      Partant, en vertu de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, il convient de rejeter le moyen unique comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la requérante dirigés contre les autres motifs justifiant les actes initiaux, puisque la circonstance selon laquelle ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

67      Il s’ensuit que la demande en annulation partielle des actes initiaux doit être rejetée.

 Sur la demande en annulation partielle des actes de maintien

68      Par un mémoire en adaptation déposé conformément à l’article 86 du règlement de procédure, la requérante demande l’annulation des actes de maintien en ce qu’ils la concernent en réitérant le moyen unique invoqué, en substance, dans la requête.

69      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation, tout d’abord, le Conseil soutient avoir tenu compte des observations de la requérante avant d’adopter les actes de maintien. Ensuite, il estime avoir démontré le bien-fondé des mesures restrictives prises contre la requérante dans le mémoire en défense et la duplique et considère que son appréciation est confirmée par les preuves supplémentaires ajoutées à son dossier lors de l’adoption des actes de maintien. Enfin, il fait valoir que les arguments de la requérante relatifs à la situation de deux autres compagnies aériennes ne démontrent pas l’illégalité des actes de maintien.

70      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner les motifs des actes de maintien figurant dans les quatrième et cinquième paragraphes desdits motifs, selon lesquels la requérante contribue aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union, puis ceux figurant dans les premier et troisième paragraphes de ces motifs, selon lesquels la requérante tire profit du régime de Loukachenko.

 Sur l’appréciation selon laquelle la requérante contribue aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union

71      Dans les quatrième et cinquième paragraphes des motifs des actes de maintien, le Conseil a maintenu inchangées les considérations qui figuraient dans les quatrième et cinquième paragraphes des motifs des actes initiaux, exposées au point 31 ci-dessus.

72      Dans le mémoire en adaptation et lors de l’audience, la requérante a reproché au Conseil de ne pas avoir tenu compte des éléments qu’elle lui avait communiqués lors du réexamen périodique des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie ayant abouti à l’adoption des actes de maintien.

73      La requérante s’est référée au courrier adressé au Conseil le 19 janvier 2023 dans lequel elle avait fait notamment valoir que « la crise migratoire n’existe plus, en ce qui concerne la frontière entre l’[Union] et la Biélorussie ». Elle a ajouté que, dans le courant du mois de novembre 2021, les autorités turques et émiraties avaient interdit aux compagnies aériennes opérant des vols depuis la Turquie et les Émirats arabes unis de transporter, à destination de Minsk, les ressortissants de certains pays tiers du Moyen-Orient et d’Asie, et qu’elle-même avait cessé de desservir la liaison entre Beyrouth et Minsk. Selon elle, le nombre des personnes originaires des pays tiers susmentionnés ayant pu se rendre en Biélorussie par transport aérien avait alors considérablement diminué et, à compter de 2022, les ressortissants de pays tiers essayant de franchir les frontières extérieures de l’Union depuis la Biélorussie n’empruntaient plus l’avion.

74      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil s’est prévalu de « sources confirmant que la requérante continu[ait] d’assurer des vols au départ d’Istanbul, destination la plus prisée des vols partant d’Erbil […], à destination de Minsk ».

75      Lors de l’audience, le Conseil a précisé avoir examiné les éléments invoqués par la requérante préalablement à l’adoption des actes de maintien. Il a indiqué avoir pris en compte le fait que la requérante avait cessé d’opérer des vols depuis le Liban et que des mesures avaient été prises par les autorités turques, mais que d’autres éléments en sa possession démontraient que la requérante avait continué à opérer des vols depuis l’aéroport d’Istanbul, qui était une plateforme de correspondance pour les personnes souhaitant se rendre à Minsk afin de franchir ensuite les frontières extérieures de l’Union, et que la requérante vendait ses billets par des intermédiaires de façon non transparente. Il a également soutenu que ce sont les vols opérés par la requérante depuis Istanbul, et non ceux opérés depuis Dubaï et Beyrouth, qui avaient justifié l’adoption des actes de maintien.

76      Il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée).

77      Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’ait pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

78      En l’espèce, en premier lieu, il convient d’observer que le Conseil a déclaré lors de l’audience que, au regard des éléments dont il avait connaissance lors de l’adoption des actes de maintien, l’appréciation selon laquelle la requérante contribuait aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union ne pouvait plus être justifiée par la circonstance que la requérante opérait des vols depuis le Liban et les Émirats arabes unis. En outre, s’agissant des vols opérés par la requérante sur la liaison entre Istanbul et Minsk, le Conseil a indiqué que ladite appréciation était fondée sur l’existence d’une liaison entre Erbil et Istanbul et d’un système non transparent de vente des billets de la requérante.

79      Ce faisant, le Conseil admet implicitement que les preuves ayant justifié l’adoption des actes initiaux étaient devenues obsolètes à cet égard.

80      Partant, en vertu de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en justifiant les actes de maintien par des motifs inchangés par rapport à ceux fondant les actes initiaux, aux termes desquels « [d]es migrants désireux de franchir les frontières extérieures de l’Union se sont rendus à Minsk à bord de vols opérés par [la requérante] au départ d’un certain nombre de pays du Moyen-Orient, notamment [du] Liban, [d]es Émirats arabes unis et [de] la Turquie ».

81      En second lieu, s’agissant des vols opérés par la requérante sur la liaison entre Istanbul et Minsk, le Conseil, lors de l’audience, s’est prévalu d’informations publiées sur le site Internet « flightradar24.com » auxquelles il a eu accès le 23 novembre 2022.

82      À cet égard, il y a lieu de relever que les informations publiées sur le site Internet « flightradar24.com » ne font aucunement état du prétendu système non transparent de distribution des billets de la requérante évoqué par le Conseil. En outre, lesdites informations établissent tout au mieux qu’une liaison aérienne était assurée entre Erbil et Istanbul et que la requérante continuait à opérer des vols sur la liaison entre Istanbul et Minsk. Or, cette seule circonstance ne saurait suffire à établir que la requérante était impliquée dans des activités de transport de ressortissants de pays tiers susceptibles d’avoir l’intention de franchir les frontières extérieures de l’Union, dès lors que le Conseil admet, par ailleurs, que, depuis le mois d’octobre 2021, il était fait interdiction aux compagnies aériennes opérant des vols depuis la Turquie de transporter, à destination de Minsk, les ressortissants de certains pays tiers du Moyen-Orient et d’Asie.

83      Partant, le Conseil n’a pas apporté à suffisance de droit la preuve que, au jour de l’adoption des actes de maintien, la requérante demeurait impliquée dans les activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union en raison des vols qu’elle opérait sur la liaison entre Istanbul et Minsk.

84      Il ressort de ce qui précède que le motif selon lequel la requérante contribue aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union est entaché d’une erreur d’appréciation.

 Sur l’appréciation selon laquelle la requérante tire profit du régime de Loukachenko

85      Il ressort des premier et troisième paragraphes des motifs des actes de maintien que la requérante est la compagnie aérienne nationale d’État, que le président Loukachenko a promis que son administration fournirait tout le soutien possible à la requérante après que l’Union a décidé d’instaurer une interdiction de survol de l’espace aérien de l’Union et d’accès aux aéroports de l’Union pour tous les transporteurs aériens biélorusses, que, pour ce faire, il est convenu avec le président russe Vladimir Poutine de préparer l’ouverture de nouvelles routes aériennes pour la requérante et que la requérante tire donc profit du régime de Loukachenko.

86      Ces motifs sont fondés sur le critère du « profit » tiré du régime de Loukachenko, consacré à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, disposition à laquelle renvoie l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, étant précisé qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 que ledit critère d’inscription est distinct de celui du « soutien » au régime de Loukachenko (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2017, BelTechExport/Conseil, T‑765/15, non publié, EU:T:2017:669, point 92 ; du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 44, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 40).

87      Au soutien de ses allégations, le Conseil, dans le mémoire en défense et la duplique, s’appuie sur les pièces suivantes :

–        un article publié sur le site Internet « belta.by » le 1er juin 2021 dont il ressort que, le même jour, à l’occasion d’une réunion sur la coopération avec la Russie, le président Loukachenko a déploré que l’« Ouest » ait « établi un lien entre [la requérante] et [un] incident », a déclaré que l’État biélorusse apportera tout le soutien possible à la requérante et a indiqué que la République de Biélorussie et la Fédération de Russie envisageaient l’ouverture de nouvelles lignes aériennes vers plusieurs villes de Russie au profit de la requérante ;

–        un article publié sur le site Internet « tass.com » le 1er juin 2021 dont il ressort que, selon une information rapportée par le média « SB. Belarus Today », les présidents de la République de Biélorussie et de la Fédération de Russie ont chargé leurs ministres des transports respectifs de déterminer quelles villes russes la requérante pourrait desservir.

88      Il ressort de l’article publié sur le site Internet « belta.by » et de l’article publié sur le site Internet « tass.com » que, selon le président Loukachenko, « [i]l est très important pour nous de fournir du travail à nos pilotes et d’utiliser les avions que nous avons eu tant de mal à acquérir, en des temps difficiles », « [n]ous avons procédé à un renouvellement majeur du parc aérien », « [n]os pilotes sont compétents », « j’ai promis que nous n’abandonnerions pas [la requérante] » et « [n]ous soutiendrons cette entreprise quel qu’en soit le coût, il en va de notre honneur ».

89      Certes, l’article publié sur le site Internet « belta.by » et l’article publié sur le site Internet « tass.com » ne font pas expressément état de ce que, comme le soutient le Conseil dans les motifs litigieux, les déclarations en cause du président Loukachenko ont été faites en réaction à la décision de l’Union d’instaurer une interdiction de survol de son espace aérien et d’accès aux aéroports sur son territoire pour tous les transporteurs aériens biélorusses. Cependant, ainsi que le Conseil l’a souligné lors de l’audience, sans être contredit par la requérante, la référence, dans le premier article, à ce que l’« Ouest » a « établi un lien entre [la requérante] et [un] incident » doit être comprise comme renvoyant au fait que, par la décision (PESC) 2021/908 du Conseil, du 4 juin 2021, modifiant la décision 2012/642/PESC (JO 2021, L 197 I, p. 3), l’Union, en réaction à l’atterrissage forcé d’un vol Ryanair à Minsk, en Biélorussie, le 23 mai 2021, a pris une mesure aux termes de laquelle les États membres refusent à tout aéronef exploité par des transporteurs aériens biélorusses la permission d’atterrir sur leur territoire, d’en décoller ou de le survoler.

90      La requérante reconnaît, d’une part, être une compagnie aérienne appartenant à l’État biélorusse et, d’autre part, l’existence des déclarations publiques du président Loukachenko mentionnées aux points 88 et 89 ci-dessus. Elle ne conteste pas davantage que les présidents de la République de Biélorussie et de la Fédération de Russie ont chargé leurs ministres des transports respectifs de déterminer quelles villes russes elle pourrait desservir. Or, de tels éléments, qui attestent d’un soutien spécifique à la requérante, compagnie aérienne nationale d’État, par le président Loukachenko, ne sauraient être écartés dans l’appréciation d’ensemble des différents éléments pertinents qui justifieraient le fait que la requérante soit considérée comme une entité qui tire profit du régime du président Loukachenko (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2023, Dana Astra/Conseil, T‑239/21, non publié, EU:T:2023:364, point 45 et jurisprudence citée).

91      Cependant, la requérante soutient que les déclarations publiques du président Loukachenko mentionnées aux points 88 et 89 ci-dessus n’ont eu pour elle aucune conséquence commerciale ou financière, notamment car aucune nouvelle liaison vers la Russie ne lui a été attribuée après ladite rencontre. Une seule nouvelle liaison, à savoir celle entre Minsk et Oufa (Russie), aurait été ouverte après que l’Union a imposé des restrictions sur les vols au printemps de l’année 2021 et cette ouverture aurait été décidée et annoncée avant la rencontre entre le président Loukachenko et le président de la Fédération de Russie.

92      À cet égard, il convient d’observer que, dans les observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil se réfère à certains documents versés à son dossier lors de l’adoption des actes de maintien, notamment :

–        un article publié sur le site Internet « neg.by » le 10 août 2022 dont il ressort que la requérante a augmenté le nombre de vols au départ de Minsk et à destination de certaines villes de Russie, notamment grâce à la desserte de l’aéroport de Vnoukovo, situé à Moscou (Russie) ;

–        un article publié sur le site Internet « mir24.tv » le 15 juillet 2022, faisant état de ce que la requérante a ouvert une liaison aérienne entre Minsk et l’aéroport de Vnoukovo ;

–        un article publié sur le site Internet « eng.belta.by » le 15 juillet 2022 dont il ressort que la requérante, à compter de cette même date, a rétabli des vols réguliers sur la liaison entre Minsk et l’aéroport de Vnoukovo ;

–        un article publié sur le site Internet « sb.by » le 5 novembre 2022 qui rapporte que la République de Biélorussie et la Fédération de Russie ont développé leur coopération dans le domaine de l’aviation civile à la suite des mesures prises par l’Union pour fermer son espace aérien, que, dans ce contexte, les compagnies aériennes biélorusses « ont réorienté leurs activités vers l’est et le sud », notamment la requérante qui opérait désormais des vols réguliers vers certains pays, y compris la Russie, et que « les transporteurs aériens de Russie et de Biélorussie ouvrent régulièrement de nouvelles liaisons internationales et nationales et développent leur coopération ».

93      Premièrement, l’article publié sur le site Internet « mir24.tv » ainsi que l’article publié sur le site Internet « eng.belta.by » concordent sur le fait que la requérante a commencé à desservir des vols vers l’aéroport de Vnoukovo à compter du 15 juillet 2022. Ces éléments contredisent les allégations de la requérante selon lesquelles la liaison entre Minsk et Oufa aurait été la seule ouverte vers la Russie après que l’Union a décidé d’une interdiction de son espace aérien.

94      Certes, la requérante a soutenu avoir décidé de desservir l’aéroport de Vnoukovo en raison de l’augmentation du nombre de passagers souhaitant se rendre à Moscou et s’est prévalue, en ce sens, d’un courrier daté du 5 juillet 2021 par lequel l’exploitant dudit aéroport invitait le directeur général de la requérante à ouvrir une nouvelle liaison depuis Minsk.

95      Toutefois, il y a lieu de relever, d’une part, que le courrier de l’exploitant de l’aéroport de Vnoukovo du 5 juillet 2021 n’est pas univoque s’agissant des motifs ayant présidé à l’ouverture de la liaison vers ledit aéroport. En effet, dans ce courrier, ledit exploitant évoque la « situation géopolitique ambigüe » qui pourrait, selon lui, limiter les activités de la requérante, mais également permettre une augmentation significative du nombre de passagers sur la liaison entre Minsk et Moscou.

96      D’autre part, le courrier de l’exploitant de l’aéroport de Vnoukovo ayant été adressé à la requérante environ un mois après les déclarations publiques du président Loukachenko annonçant que l’État biélorusse apportera tout le soutien possible à la requérante, le Tribunal considère qu’une telle proximité temporelle accrédite la thèse du Conseil selon laquelle l’ouverture de la liaison vers l’aéroport de Vnoukovo, survenue le 15 juillet 2022, s’inscrit dans le prolongement desdites déclarations et que, partant, la promesse du président Loukachenko de soutenir la requérante a bien été suivie d’effets. L’argument de la requérante selon lequel elle avait déjà desservi l’aéroport de Vnoukovo jusqu’en 2011 et qu’il ne s’agirait pas à proprement parler d’une « nouvelle route » n’est pas susceptible de contredire ce constat. En effet, le fait que la requérante n’ait pas opéré la liaison aérienne entre Minsk et l’aéroport de Vnoukovo depuis 2011, mais qu’elle ait commencé à le faire à la suite d’une invitation reçue peu de temps après les déclarations publiques du président Loukachenko susmentionnées est plutôt de nature à corroborer les allégations du Conseil.

97      Il s’ensuit que les arguments avancés par la requérante ne suffisent pas à remettre en cause les preuves avancées par le Conseil.

98      Deuxièmement, il convient d’observer que l’article publié sur le site Internet « neg.by » ainsi que l’article publié sur le site Internet « sb.by » indiquent que le nombre de vols opérés par la requérante à destination de la Russie s’est accru et qu’une coopération étroite s’est établie entre les opérateurs biélorusses et russes actifs dans le secteur du transport aérien depuis la fermeture de l’espace aérien de l’Union aux aéronefs de la République de Biélorussie et de la Fédération de Russie.

99      Partant, les preuves invoquées par le Conseil constituent un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour établir que, contrairement à ce que soutient la requérante, celle-ci a tiré un bénéfice concret des déclarations publiques du président Loukachenko annonçant que l’État biélorusse lui apportera tout le soutien possible.

100    Il ressort de tout ce qui précède que le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la requérante est la compagnie aérienne nationale d’État, que le président Loukachenko a promis que son administration fournirait tout le soutien possible à la requérante après que l’Union a décidé d’instaurer une interdiction de survol de l’espace aérien de l’Union et d’accès aux aéroports de l’Union pour tous les transporteurs aériens biélorusses et que, pour ce faire, il est convenu avec le président russe Vladimir Poutine de préparer l’ouverture de nouvelles routes aériennes pour la requérante.

101    En outre, le Conseil ayant apporté la preuve que la requérante a bénéficié concrètement des déclarations publiques du président Loukachenko annonçant que l’État biélorusse lui apportera tout le soutien possible, c’est en vain que celle-ci soutient que lesdites déclarations ne permettent pas d’établir qu’elle tire profit du régime de Loukachenko au sens du critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642.

102    Par ailleurs, les motifs selon lesquels la requérante tire profit du régime de Loukachenko, qui sont suffisamment précis et concrets et sont exempts d’erreur d’appréciation des faits ou d’erreur de droit, constituent en eux-mêmes un fondement suffisant pour justifier le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

103    Par conséquent, en vertu de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, il convient de rejeter le moyen unique comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la requérante dirigés contre les motifs des actes de maintien dont il ressort qu’elle soutient le régime de Loukachenko, puisque la circonstance selon laquelle ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

104    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande en annulation partielle des actes de maintien et, partant, le présent recours dans son ensemble comme non fondé.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Belavia – Belarusian Airlines AAT est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Truchot

Kanninen

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.