Language of document : ECLI:EU:T:2008:261

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 juillet 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale COLOR EDITION – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 – Intérêt à agir – Article 55 du règlement n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑160/07,

Lancôme parfums et beauté & Cie SNC, établie à Paris (France), représentée par Me E. Baud, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

CMS Hasche Sigle, établi à Cologne (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 26 février 2007 (affaire R 231/2006‑2), relative à une procédure de nullité entre CMS Hasche Sigle et Lancôme parfums et beauté & Cie SNC,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2007,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2007,

à la suite de l’audience du 19 février 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 décembre 2002, la requérante, Lancôme parfums et beauté & Cie SNC, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal COLOR EDITION.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits cosmétiques et de maquillage ».

4        La marque demandée a été enregistrée le 11 février 2004 et publiée dans le Bulletin des marques communautaires du 19 avril 2004.

5        Le 12 mai 2004, le cabinet d’avocats Norton Rose Vieregge a introduit une demande en nullité de la marque verbale COLOR EDITION sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce même règlement.

6        Le 21 décembre 2005, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité de la marque verbale COLOR EDITION.

7        Le 9 février 2006, le cabinet d’avocats CMS Hasche Sigle, venant aux droits de Norton Rose Vieregge, a formé un recours contre la décision de la division d’annulation, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94.

8        Par décision du 26 février 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours.

9        La décision attaquée repose sur la motivation suivante. Tout d’abord, la chambre de recours a observé que le recours introduit par CMS Hasche Sigle était recevable, au titre de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, la distinction faite par la requérante entre la capacité à agir et l’intérêt à agir n’apparaissant nulle part dans le règlement n° 40/94, et l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 poursuivant un but d’intérêt général qui justifierait que les demandes en nullité fondées sur cet article puissent être introduites par le plus grand éventail d’acteurs possibles. Ensuite, la chambre de recours a conclu que la marque verbale COLOR EDITION était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, dans la mesure où, d’une part, la combinaison des mots « color » et « edition » exprimait un message immédiatement et directement compris par le public concerné comme se référant à une gamme de produits cosmétiques ou de maquillage dans différents tons de couleur et, d’autre part, ces termes étaient susceptibles d’être utilisés par des concurrents pour décrire certaines qualités de leurs produits et devaient donc rester dans le domaine public. Enfin, la chambre de recours a affirmé que la marque verbale en cause étant descriptive, elle était également dépourvue de tout caractère distinctif en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 55, paragraphe 1, sous a), de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

13      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que, en déclarant recevable la demande en nullité formée par CMS Hasche Sigle, alors même que ce dernier n’avait pas démontré un intérêt à agir, la chambre de recours a violé l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94.

14      À l’appui de cette affirmation, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la chambre de recours ne pouvait affirmer que la notion d’intérêt à agir est implicitement intégrée au texte de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94. De l’avis de la requérante, cette affirmation méconnaît le principe général de droit selon lequel l’intérêt à agir doit être démontré dans toute action en justice.

15      L’exigence d’un intérêt à agir dans toute action résulterait, premièrement, des dispositions de procédure du règlement n° 40/94. En particulier, selon la requérante, l’exigence d’un intérêt à agir ne résultant pas clairement du libellé de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, la chambre de recours aurait dû, en application de l’article 79 du règlement n° 40/94, se référer aux principes généraux de droit applicables aux États membres. Or, dans tous les États membres, sans exception, l’action en justice serait ouverte uniquement à ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. Deuxièmement, l’exigence d’un intérêt à agir dans toute action résulterait du traité CE, en particulier des articles 230 CE, 232 CE et 236 CE, ainsi que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal qui y est afférente.

16      En deuxième lieu, la requérante prétend que l’OHMI ne pouvait soutenir que la jurisprudence communautaire invoquée par la requérante pour justifier l’exigence d’un intérêt à agir ne relève pas du domaine des marques, mais plutôt d’autres domaines tels que l’agriculture, le droit douanier et la fonction publique. En effet, dans l’arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (Tablette rectangulaire avec incrustation) (T‑129/00, Rec. p. II‑2793, point 12), le juge communautaire aurait constaté la nécessité d’un intérêt à agir dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 63 du règlement n° 40/94. Or, cet article prévoirait précisément la possibilité d’un recours contre les décisions de la chambre de recours devant les juridictions communautaires.

17      De surcroît, la requérante fait observer que la jurisprudence communautaire relative aux recours en annulation est applicable à l’OHMI et que ce dernier doit respecter les principes relatifs à la nécessité d’un intérêt à agir dans les recours formés au titre de l’article 63 du règlement n° 40/94. À cet égard, l’OHMI lui-même exigerait un intérêt à agir, sous la forme d’un intérêt légitime spécifique, dans le cadre d’une déclaration du demandeur sur les causes de nullité invoquées [décision de la division d’annulation de l’OHMI du 3 mai 2001 concernant la marque AROMATONIC].

18      En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’existence d’un intérêt à agir suppose que l’acte attaqué concerne le demandeur en nullité directement, individuellement et personnellement.

19      L’OHMI conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

20      Dans le cadre du premier moyen, il incombe au Tribunal de déterminer si l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 subordonne la recevabilité d’une demande en nullité à la démonstration d’un intérêt à agir. À ce titre, il convient d’analyser le libellé, l’économie ainsi que la finalité de l’article 55, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

21      Il ressort, tout d’abord, du libellé de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 qu’une demande en nullité d’une marque communautaire, fondée en particulier sur le caractère descriptif de la marque en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, ou sur son absence de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, peut être présentée auprès de l’OHMI « par toute personne physique ou morale ainsi que par tout groupement constitué pour la représentation des intérêts de fabricants, de producteurs, de prestataires de services, de commerçants ou de consommateurs et qui, aux termes de la législation qui lui est applicable, a la capacité d’ester en justice ». L’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 ne fait donc aucune référence à un quelconque intérêt à agir.

22      Ensuite, il ressort de l’économie de l’article 55, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 qu’un intérêt à agir n’est pas requis dans le cadre d’une demande en nullité telle que celle en cause en l’espèce. En effet, cet article réserve un traitement différent aux demandes en nullité fondées sur des causes de nullité absolue et à celles fondées sur des causes de nullité relative.

23      Ainsi, l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, qui concerne notamment les demandes en nullité fondées sur une cause de nullité absolue, ne fait pas mention, comme il a été relevé au point 21 ci-dessus, de la nécessité pour le demandeur en nullité de démontrer l’existence d’un intérêt à agir. Tout au plus requiert-il que la demande en nullité soit introduite par une personne physique ou morale ou par un groupement ayant la capacité d’ester en justice.

24      En revanche, l’article 55, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, qui concerne les demandes en nullité fondées sur une cause de nullité relative, prévoit que ces demandes ne peuvent être formées que par les titulaires de marques ou de droits antérieurs ainsi que par les licenciés habilités par les titulaires de marques ou par les personnes habilitées à exercer les droits antérieurs. En d’autres termes, seules des personnes possédant un intérêt à agir sont admises à former les demandes en nullité visées à l’article 55, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

25      Il ressort donc de l’économie de l’article 55, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 que le législateur a entendu permettre à toute personne physique ou morale et à tout groupement ayant la capacité d’ester en justice de former des demandes en nullité fondées sur des causes de nullité absolue, alors que, en ce qui concerne les demandes en nullité fondées sur des causes de nullité relative, il a explicitement restreint le cercle des demandeurs en nullité.

26      Cette analyse est enfin corroborée par une interprétation téléologique des dispositions concernées. En effet, à la différence des motifs relatifs de refus, qui ne protègent que les intérêts privés des titulaires de certains droits antérieurs, les motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 sont fondés sur différents intérêts généraux (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 25). Or, afin d’assurer la protection la plus étendue de ces intérêts généraux, les motifs absolus de refus doivent pouvoir être soulevés par le plus grand éventail d’acteurs possibles. C’est pourquoi l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 se limite à exiger du demandeur en nullité qu’il ait la personnalité juridique ou la capacité d’ester en justice, mais n’exige pas de ce dernier qu’il démontre un intérêt à agir.

27      Cette analyse n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante. S’agissant, d’une part, de l’argument selon lequel l’exigence d’un intérêt à agir découle d’une lecture combinée de l’article 55, paragraphe 1, sous a), et de l’article 79 du règlement n° 40/94, il convient de rappeler que cette dernière disposition prévoit que, en l’absence d’une disposition de procédure dans ledit règlement ou les règlements d’application, l’OHMI doit prendre en considération les principes généralement admis en la matière dans les États membres. Or, force est de constater que l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 est la disposition de procédure applicable, au sens de l’article 79 du règlement n° 40/94, aux demandes en nullité absolue visées à l’article 51 du règlement n° 40/94. Cette disposition de procédure étant dépourvue d’ambiguïté, l’article 79 du règlement n° 40/94 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.

28      De surcroît, à supposer que cet article eût été applicable en l’espèce, il convient de relever que la requérante n’a nullement démontré que, comme elle le prétend, l’action en justice est ouverte, dans tous les États membres sans exception, à ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. La requérante s’est en effet bornée, dans ses écritures, à renvoyer au droit français et, plus particulièrement, au droit français des marques.

29      Partant, l’argument de la requérante relatif à l’article 79 du règlement n° 40/94 doit être rejeté.

30      S’agissant, d’autre part, des autres arguments avancés par la requérante, selon lesquels, en substance, la jurisprudence afférente aux articles 230 CE, 232 CE et 236 CE, y compris la jurisprudence relative à la nécessité d’un intérêt direct et individuel de la part de la requérante, est applicable dans la présente affaire, il y a lieu d’observer, à l’instar de l’OHMI, que cette jurisprudence n’est pertinente en l’espèce ni directement ni par analogie.

31      Tout d’abord, les articles 230 CE, 232 CE et 236 CE ne sont pas applicables en l’espèce. En effet, les articles 230 CE et 232 CE concernent les recours en annulation et en carence contre les actes ou les omissions des institutions limitativement énumérées dans ces dispositions, lesquelles ne mentionnent pas l’OHMI, et l’article 236 CE concerne le contentieux de la fonction publique.

32      Ensuite, les recours visés aux articles 230 CE, 232 CE et 236 CE sont des recours juridictionnels, alors que la demande en nullité prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, qui doit être introduite auprès de l’OHMI, est une procédure administrative. À cet égard, la référence à l’arrêt Tablette rectangulaire avec incrustation, point 16 supra (point 12), n’est pas pertinente, dans la mesure où cet arrêt concerne les recours juridictionnels introduits contre les décisions des chambres de recours de l’OHMI devant le juge communautaire, au titre de l’article 63 du règlement n° 40/94.

33      Enfin, en ce qui concerne la référence à la décision de la division d’annulation de l’OHMI du 3 mai 2001 concernant la marque AROMATONIC, il convient d’observer que les décisions relatives à l’annulation d’une marque communautaire que les instances de l’OHMI sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 40/94, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 66].

34      En outre, la décision susmentionnée ne permet pas de conclure que la jurisprudence relative à la recevabilité des recours formés au titre des articles 230 CE, 232 CE et 236 CE est applicable à la recevabilité des demandes en nullités introduites auprès de l’OHMI, au titre de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94. En effet, dans cette décision, comme l’a constaté l’OHMI dans ses écritures, la question posée à la division d’annulation était de savoir si la demande en nullité était dépourvue d’objet, du fait du retrait de la marque à l’encontre de laquelle cette demande était dirigée. Cette décision ne saurait donc être interprétée comme reconnaissant la nécessité de démontrer un intérêt à agir lors du dépôt de la demande en nullité.

35      Eu égard à ce qui précède et étant donné qu’il n’est pas contesté que CMS Hasche Sigle peut être assimilé à une personne morale, il convient de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a déclaré la demande en nullité de CMS Hasche Sigle recevable.

36      Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94

 Argument des parties

37      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient, en premier lieu, que la chambre de recours a méconnu la différence entre une marque suggestive ou évocatrice qui peut parfaitement être protégée, et une marque descriptive. La combinaison des mots « color » et « edition » n’exprimerait pas un message susceptible d’être immédiatement et directement compris par le public pertinent et ne serait donc pas descriptive. La marque COLOR EDITION ferait seulement référence de manière indirecte à certaines caractéristiques des produits revendiqués.

38      En second lieu, la requérante relève qu’un effort intellectuel est requis pour déduire des termes « color » et « edition » les caractéristiques, les propriétés et la nature des produits revendiqués. Or, il ressortirait de la jurisprudence qu’une marque doit être considérée comme étant simplement suggestive et non comme étant descriptive lorsqu’un effort intellectuel est nécessaire de la part du public concerné pour traduire un message suggestif ou émotionnel en une information rationnelle. En l’espèce, comme l’aurait considéré la division d’annulation dans sa décision du 21 décembre 2005, l’association des termes « color » et « edition » ne serait ni banale ni évidente, car il ne serait pas clair si elle vise des produits offerts sous un conditionnement en couleur, incorporant de la couleur ou encore ayant pour objet de donner de la couleur.

39      L’OHMI conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

40      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

41      Il ressort de la jurisprudence que les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public concerné, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [voir arrêts du Tribunal du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, Rec. p. II‑1951, point 26 ; du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24, et la jurisprudence citée, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, non encore publié au Recueil, point 26].

42      Il en résulte que, pour qu’un signe se heurte à l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêts PAPERLAB, point 41 supra, point 25, et la jurisprudence citée, et EUROPIG, point 41 supra, point 27).

43      En outre, une marque constituée d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sauf s’il existe un écart perceptible entre la marque demandée et la simple somme des éléments qui la composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, la marque demandée crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui la composent (voir arrêt PAPERLAB, point 41 supra, point 27, et la jurisprudence citée).

44      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés (arrêts MunichFinancialServices, point 41 supra, point 26, et EUROPIG, point 41 supra, point 30).

45      En l’espèce, les produits concernés sont des produits cosmétiques et de maquillage, susceptibles d’être achetés par tous les consommateurs. Le public concerné est donc le public général, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt de la Cour du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, points 59 et 63 ; arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, Rec. p. II‑1915, point 27]. La marque verbale enregistrée étant composée de deux mots anglais, le public concerné est un public principalement anglophone, voire un public non anglophone mais ayant une connaissance suffisante de la langue anglaise [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 76].

46      Partant, il y a lieu d’examiner s’il existe, du point de vue de ce public, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe COLOR EDITION et les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

47      À cet égard, il convient de relever que le terme anglais « color » indique une couleur ou une teinte et est fréquemment utilisé dans le secteur des cosmétiques pour désigner la destination ou les caractéristiques des produits. Le mot « edition » renvoie non seulement au monde littéraire ou de la presse, mais signifie également, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, une gamme d’un produit en une ou plusieurs versions ou formes. Tout comme le terme « color », il est lui aussi employé dans le domaine des cosmétiques.

48      Il y a donc lieu de considérer que le signe COLOR EDITION est composé exclusivement d’indications pouvant servir à désigner certaines caractéristiques des produits en cause. Ainsi que l’a relevé la chambre de recours, ce signe exprime un message qui sera immédiatement et directement compris par le public concerné, à savoir une gamme de produits cosmétiques ou de maquillage dans différents tons de couleur.

49      En outre, il y a lieu de relever que l’association des termes « color » et « edition » ne présente pas une structure inhabituelle, mais courante au vu des règles lexicales de la langue anglaise. La marque demandée ne crée donc pas, auprès du public ciblé, une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple juxtaposition des éléments verbaux qui la composent de nature à en modifier le sens ou la portée. Partant, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, qu’aucun effort intellectuel ne sera requis pour comprendre ce message et que la simple juxtaposition des mots en cause ne modifie pas le caractère descriptif des éléments individuels du signe.

50      Il s’ensuit que, considérée dans son ensemble, la marque verbale COLOR EDITION présente un rapport suffisamment direct et concret avec les produits visés par elle. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à son caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Il convient donc de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

51      Dès lors qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus qui y sont énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire (arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29 ; arrêt EUROPIG, point 41 supra, point 45), il n’y a plus lieu d’examiner le troisième moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

52      Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lancôme parfums et beauté & Cie SNC supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles).

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová


* Langue de procédure : le français.