Language of document : ECLI:EU:T:2010:464

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 novembre 2010 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement communautaire – Régime d’aide à la production dans le secteur des produits transformés à base de fruits et de légumes – Mesures de soutien exceptionnelles dans le secteur de la viande bovine – Régime de primes au tabac »

Dans l’affaire T‑95/08,

République italienne, représentée par M. G. Aiello et Mme G. Palmieri, avvocati dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Jimeno Fernández et D. Nardi, en qualité d’agents, assistés de Me F. Ruggeri Laderchi, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2008/68/CE de la Commission, du 20 décembre 2007, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO 2008, L 18, p. 12), dans la mesure où elle exclut certaines dépenses effectuées par la République italienne dans les secteurs des produits transformés à base de fruits et de légumes, de la viande bovine et du tabac brut,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Réglementation communautaire relative au financement de la politique agricole commune

 Réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune

1        Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), a remplacé le règlement n° 729/70 pour les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés entreprises selon les règles communautaires.

3        Selon l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 et l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, lorsqu’elle constate que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, la Commission européenne décide de les écarter du financement communautaire. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre. À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. Lors de l’évaluation des montants à écarter, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté européenne.

4        L’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 prévoit :

« Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses […] qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à une mesure ou action […] pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications. »

5        L’article 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement n° 729/70 contient une disposition similaire.

 Réglementation spécifique relative à la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie »

6        L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement nº 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié par le règlement (CE) nº 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5), dispose :

« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission […] Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. »

 Orientations de la Commission pour l’application des corrections financières

7        Les orientations pour l’application des corrections forfaitaires ont été définies dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie ». Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, une correction forfaitaire peut être envisagée à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables. Le taux de correction appliqué s’élève, en général, à 2, à 5, à 10 ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.

8        L’annexe 2 du document n° VI/5330/97, intitulée « Conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section ‘Garantie’ du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres », distingue deux catégories de contrôles, les contrôles clés et les contrôles secondaires :

« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux.

Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes similaires pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »

9        L’annexe 2 du document n° VI/5330/97 prévoit ce qui suit en ce qui concerne les taux de correction :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés mais omet complètement d’effectuer efficacement un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction.

[…]

Le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée. Lorsqu’il y a des raisons de supposer que la carence est limitée à la non-application du système de contrôle adopté par l’État membre dans un département ou une région, la correction doit être appliquée aux dépenses gérées par ledit département ou ladite région. »

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée le 22 février 2008 au greffe du Tribunal, la République italienne a introduit le présent recours.

11      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité la République italienne à déposer un document dont cette dernière s’est prévalue dans ses écritures, intitulé « Possibilités de compensation dans le secteur du tabac (DGVI-E-3) » et portant la date du 11 mars 1994 (ci-après la « note de 1994 »). La République italienne a déféré à cette demande.

12      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 février 2010.

13      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision 2008/68/CE de la Commission, du 20 décembre 2007, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie » (JO 2008, L 18, p. 12) (ci-après la « décision attaquée ») ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

15      Le présent recours vise l’ensemble des corrections visées par la décision attaquée qui ont été appliquées aux dépenses déclarées par la République italienne, à savoir :

–        une correction d’un montant total de 266 438,85 euros, correspondant à 10 % des dépenses effectuées par une organisation de producteurs ayant son siège dans les Pouilles (ci-après la « PACO ») dans le secteur des produits transformés à base de tomates, en raison non seulement de déficiences constatées lors des exercices 2003 à 2005 dans les contrôles administratifs et comptables auprès d’un transformateur, mais également du fait que la tenue des registres par ledit transformateur n’était pas conforme à la réglementation en vigueur ;

–        deux corrections financières, correspondant respectivement à 2 % des dépenses relatives à la destruction des bovins en Italie en raison des faiblesses observées dans les contrôles, d’un montant total de 276 238,75 euros, et à 5 % des dépenses relatives au suif transporté pour la destruction en France et en Allemagne, d’un montant de 1 175 822,02 euros, dans le cadre des mesures exceptionnelles de soutien en faveur du secteur de la viande bovine en raison de l’absence d’instructions de contrôle précises et de fournitures d’informations fiables ainsi que de déficiences dans les contrôles sur place au cours de l’exercice 2003 ;

–        une correction financière d’un montant total de 10 458 956,24 euros dans le secteur du tabac en raison de faiblesses dans la gestion et le contrôle du système de quotas lors des exercices 2003 et 2004.

16      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 45, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 32 ; arrêt du Tribunal du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié au Recueil, point 97). En outre, il ressort de l’économie du règlement n° 1258/1999 que, d’une part, la responsabilité du contrôle des dépenses du FEOGA, section « Garantie », incombe en premier lieu aux États membres et, d’autre part, la Commission doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués.

17      En vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt de la Cour du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, Rec. p. I‑1, points 7 à 9, et arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Espagne/Commission, T‑259/05, non publié au Recueil, point 112, et la jurisprudence citée).

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par la République italienne à l’encontre des corrections financières visées en l’espèce.

 Sur la correction financière appliquée dans le secteur des produits transformés à base de tomates

 Réglementation communautaire

19      Le règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29), a instauré un régime d’aide à la production pour les produits transformés visés en son annexe I, qui sont obtenus à base de fruits et de légumes récoltés dans la Communauté. L’annexe I dudit règlement inclut, notamment, les produits transformés à base de tomates.

20      L’article 30, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1535/2003 de la Commission, du 29 août 2003, portant modalités d’application du règlement n° 2201/96 du Conseil en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 218, p. 14), dispose que le transformateur tient des registres où figurent au minimum les renseignements suivants :

« a)      pour les quantités achetées dans le cadre de contrats :

i)      les lots achetés et admis à la transformation chaque jour dans l’entreprise ainsi que le numéro d’identification du contrat auquel ils se rapportent ;

ii)      la quantité de chaque lot admis à la transformation et, pour les tomates, les pêches et les poires, le numéro d’identification du certificat de livraison correspondant ;

b)      pour les quantités achetées hors contrat :

i)      les lots reçus chaque jour ainsi que les nom et adresse du vendeur ;

ii)      la quantité de chaque lot admis à la transformation ;

c)      les quantités de chaque produit fini visé à l’article 2, obtenues chaque jour avec les quantités correspondantes de matières premières, en distinguant les quantités obtenues à partir de lots admis dans le cadre de contrats ;

d)      les quantités et le prix de chaque produit fini acheté par le transformateur chaque jour, avec l’indication des nom et adresse du vendeur. Ces indications peuvent figurer dans les registres par référence aux pièces justificatives pour autant que ces dernières contiennent les informations précitées ;

e)      les quantités et le prix de chaque produit fini quittant l’établissement du transformateur chaque jour, avec l’indication des nom et adresse du destinataire. Ces indications peuvent figurer dans les registres par référence aux pièces justificatives pour autant que ces dernières contiennent les informations précitées.

[…] »

21      L’article 30, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 1535/2003 précise que le transformateur tient à jour quotidiennement l’état de ses stocks de produits visés au paragraphe 1, sous c) à e), de cet article, pour chaque usine, et conserve pendant cinq ans à compter de la fin de la campagne de transformation en cause la preuve du paiement de toute matière première achetée dans le cadre d’un contrat ainsi que la preuve du paiement pour toute vente ou achat de produit fini. L’article 30, paragraphe 5, de ce même règlement dispose que le transformateur est soumis à toute mesure d’inspection ou de contrôle jugée nécessaire par l’État membre et tient tous les registres supplémentaires prescrits par celui-ci pour les contrôles jugés nécessaires.

22      L’article 31, paragraphe 1, dudit règlement prévoit ce qui suit :

« 1. Pour chaque organisation de producteurs, qui livre à la transformation des tomates, des pêches ou des poires, pour chaque produit et pour chaque campagne, les contrôles suivants sont effectués :

a)      des contrôles physiques portant sur :

–        au moins 5 % des superficies visées à l’article 10 et à l’article 12, paragraphe 1,

–        au moins 7 % des quantités livrées à la transformation afin de vérifier la concordance avec les certificats de livraison visés à l’article 20 et le respect des exigences minimales de qualité ;

b)      des contrôles administratifs et comptables sur au moins 5 % des producteurs couverts par les contrats afin de vérifier notamment la cohérence, par producteur, entre les superficies, la récolte totale, la quantité commercialisée par l’organisation de producteurs, la quantité livrée à la transformation, la quantité indiquée dans les certificats de livraison, d’une part, et les versements de prix prévus à l’article 22, paragraphe 1, et d’aides prévus à l’article 27, paragraphe 1, d’autre part ;

c)      des contrôles administratifs et comptables afin de vérifier la concordance entre les quantités totales livrées à l’organisation de producteurs par les producteurs visés à l’article 12, paragraphes 1 et 3, les quantités totales livrées à la transformation, les certificats de livraison totaux visés à l’article 20, les quantités totales reprises dans la demande d’aide, d’une part, et les versements de prix prévus à l’article 22, paragraphe 1, et d’aides prévus à l’article 27, paragraphe 1, d’autre part ;

[…]

e)      des vérifications portant sur la totalité des demandes d’aide et des pièces justificatives ainsi que, dans le cas des tomates, des vérifications croisées relatives à la totalité des parcelles déclarées.

2. Pour les transformateurs de tomates, de pêches et de poires, pour chaque usine, pour chaque produit et pour chaque campagne, les contrôles suivants sont effectués :

[…]

b)      des contrôles physiques et comptables sur au moins 5 % des produits finis, afin de vérifier le rendement entre la matière première transformée et le produit fini obtenu, dans le cadre du contrat et hors contrats ;

c)      des contrôles administratifs et comptables afin de vérifier, sur la base des factures émises et reçues et sur la base des données de la comptabilité, la cohérence entre la quantité de produits finis à partir de matières premières reçues, les quantités de produits finis achetés et, d’autre part, les quantités de produits finis vendus ;

d)      des contrôles physiques et comptables sur la réalité des stocks, portant, au moins une fois par an, sur la totalité des stocks de produits finis afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus ;

e)      des contrôles administratifs et comptables sur au moins 10 % des virements des prix prévus à l’article 22, paragraphe 1.

Pour les entreprises qui viennent d’être agréées, les contrôles visés [sous] d) sont réalisés au moins deux fois la première année. »

 Antécédents du litige

23      Dans le cadre des enquêtes portant les références FV/2004/302/IT et FV/2004/303/IT, les services de la Commission ont effectué deux missions en Italie, du 6 au 10 septembre 2004 et du 27 septembre au 1er octobre 2004, en vue de vérifier le système de contrôle appliqué dans le secteur de la transformation des tomates. Dans le cadre de la mission effectuée dans les Pouilles et dans la région de Campanie, les services de la Commission ont relevé divers manquements relatifs à la qualité des contrôles effectués sur la comptabilité et à la tenue des registres auprès de la PACO, qui dispose de sa propre usine de transformation située dans la région de Campanie et également d’une filiale dans cette même région, laquelle dispose également d’une usine de transformation située dans les Pouilles.

24      Les services de la Commission ont notamment conclu que, eu égard spécifiquement à la campagne de commercialisation 2004/2005, les contrôles fondés sur les enregistrements comptables n’avaient pas permis d’évaluer correctement le rendement de transformation, car ils n’apportaient aucune garantie sur les quantités de tomates fraîches livrées par les producteurs, c’est-à-dire les quantités pour lesquelles l’aide était versée.

25      Par courriers du 12 octobre 2004 (AGR 25894) et du 7 janvier 2005 (AGR 1394), ces conclusions ont été communiquées à la République italienne en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95.

26      Par notes des 31 mars et 26 septembre 2005, les autorités italiennes ont transmis aux services de la Commission leurs observations. Elles ont indiqué que les contrôles effectués sur les produits achetés étaient aussi bien de nature physique que comptable et qu’ils étaient réalisés par sondage sur un nombre important de factures, qui devait correspondre à la comptabilité générale de l’entreprise. En réponse aux doutes émis par les services de la Commission sur l’achat des produits finis et leur inclusion possible dans le calcul du produit frais éligible à l’aide communautaire, les autorités italiennes ont fait valoir que la vérification des stocks permettait de calculer les rendements conformément à la réglementation communautaire. Les autorités italiennes ont également indiqué qu’elles entendaient renforcer les contrôles, même si elles estimaient que le risque inhérent aux organisations de producteurs, qui effectuent aussi la transformation elles-mêmes, n’était pas supérieur à celui inhérent aux organisations de producteurs dont l’activité se concentre sur la production de tomates.

27      Une réunion bilatérale s’est tenue le 16 juin 2005 entre les services de la Commission et les autorités italiennes.

28      À la suite de cette réunion bilatérale, les autorités italiennes ont manifesté leur intention de recourir à la procédure de conciliation, admettant que la tenue de la comptabilité n’était pas conforme à la réglementation communautaire en ce qui concerne la campagne de commercialisation 2003/2004 et, dans le même temps, contestant l’absence de conformité de celle-ci à la réglementation communautaire pour les campagnes de commercialisation 2002/2003 et 2004/2005. L’organe de conciliation de la Commission a déclaré que la requête en conciliation présentée par les autorités italiennes était irrecevable, car elle ne remplissait pas les conditions visées à l’article 16 du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), notamment en ce qui concerne l’étendue de la correction.

29      Par la note du 20 mars 2007 (AGR 7592), les services de la Commission ont communiqué leurs conclusions aux autorités italiennes et ont confirmé leur position selon laquelle l’aide communautaire dans le secteur des produits transformés à base de tomates n’avait pas été versée conformément à la réglementation communautaire pour les exercices 2003 à 2005. Les services de la Commission ont dès lors proposé d’écarter du financement une partie des dépenses déclarées au FEOGA, section « Garantie », pour un montant équivalent à 10 % desdites dépenses. Cette position finale est reproduite au point 4.5.5 du rapport de synthèse AGRI-63341-01-2007, du 3 septembre 2007, relatif aux résultats des contrôles dans l’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie », au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 et de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (ci-après le « rapport de synthèse »).

 Arguments des parties

30      La République italienne soulève à l’encontre de la correction financière appliquée dans le secteur des produits transformés à base de tomates un moyen unique, tiré de la violation de l’article 30, paragraphe 1, du règlement n° 1535/2003.

31      Elle soutient que les griefs formulés par la Commission en ce qui concerne la tenue des registres de production de tomates sont sans fondement et que la correction financière décidée en l’espèce est disproportionnée, dès lors que les carences imputées à l’État membre revêtaient un caractère épisodique. Elle souligne que lesdites carences ne concernaient qu’une seule organisation de producteurs sur les 110 qui opèrent dans la région de Campanie et ne portaient que sur la campagne 2003/2004 et que sur certains types de transformations. Ce serait à tort que les services de la Commission ont indiqué, au point 5 de la note du 20 mars 2007 (voir point 29 ci-dessus), que « le caractère non conforme de la tenue des registres n’est pas un fait nouveau et a probablement été toléré par les autorités italiennes au cours d’un certain nombre de campagnes s’agissant de cette organisation de producteurs ».

32      La République italienne précise qu’il ressort des pièces produites de manière distincte pour chaque campagne que le contrôle des registres n’a démontré aucune irrégularité pour les campagnes 2002/2003 et 2004/2005. La correction financière appliquée par la Commission s’avérerait donc injustifiée à ce titre.

33      S’agissant de la campagne 2003/2004, la République italienne admet qu’il existait effectivement une erreur dans l’enregistrement des produits transformés à base de tomates, mais souligne que ladite erreur ne visait qu’une partie des produits finis, à savoir le coulis et le concentré. Dès lors que l’irrégularité en cause n’aurait été constatée que pour une campagne, qu’elle aurait été corrigée par la suite et qu’elle aurait fait l’objet de contrôles au cours des années suivantes, ainsi que cela aurait été constaté le 14 juin 2007 au cours d’une visite dans les locaux de la PACO dans le cadre de l’enquête FV/2007/311/IT, la correction financière correspondante aurait dû seulement être d’un montant de 47 778,49 euros.

34      Enfin, de l’avis de la République italienne, cette correction financière est contraire aux principes devant régir la procédure d’apurement des comptes et aux orientations définies dans le document n° VI/5330/97. En effet, il ressortirait de ce document que cette procédure poursuit des « objectifs de prévention et de correction » et qu’elle ne doit pas constituer un moyen d’imposer des sanctions. Il serait également précisé que ladite procédure « devrait s’accompagner de garanties procédurales adéquates lorsque les corrections s’avèrent inévitables ».

35      La Commission avance, à titre liminaire, que tant la nature des griefs soulevés que le petitum concernant la correction litigieuse sont exposés par la République italienne de manière ambiguë. Elle conteste en outre le bien-fondé des arguments avancés par la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

36      Avant l’examen du bien-fondé du présent moyen, il convient, compte tenu des observations spécifiquement formulées par la Commission, de clarifier la teneur exacte de la demande de la République italienne. À cet égard, il ressort de la requête que la République italienne entend obtenir l’annulation de l’ensemble de la correction appliquée dans le secteur des produits transformés à base de tomates pour les campagnes 2002/2003, 2003/2004 et 2004/2005, en ce que les carences constatées dans la tenue des registres étaient épisodiques, ne visaient que la seule campagne 2003/2004 et ne concernaient qu’une seule catégorie de produits transformés. La République italienne a confirmé ce point lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal.

37      S’agissant du bien-fondé du présent moyen, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 4.5.1 du rapport de synthèse, la correction financière appliquée dans le secteur des produits transformés à base de tomates a été décidée sur la base des constatations suivantes :

« Les services d’audit de la Commission ont effectué deux missions en Italie au cours du mois de septembre 2004 pour vérifier le système de contrôle appliqué à la transformation des tomates. Dans le cadre de la mission effectuée dans les Pouilles et en Campanie, ils ont relevé un manquement de taille lors d’une visite rendue à une organisation de producteurs qui est établie dans les Pouilles et possède une usine de transformation en Campanie.

Ils ont vérifié les résultats des contrôles des registres conservés à l’usine de transformation et en ont conclu que la tenue de ces registres n’était pas conforme à la réglementation communautaire.

–        Contrairement aux dispositions prévues à l’article 30, paragraphe 1, du règlement […] n° 1535/2003, les registres ne contiennent aucune rubrique distincte mentionnant les quantités de matières premières utilisées, d’une part, pour le coulis (« passata ») et, d’autre part, pour le concentré.

–        Concernant les contrôles sur le rendement visés à l’article 31, paragraphe 2, [sous] b), du règlement [n° 1535/2003], les inspecteurs italiens ont calculé ce rendement sur la base des informations contenues dans les registres, mais le résultat qu’ils ont obtenu est totalement incohérent.

–        Le registre des produits finis ne reflète pas la production journalière, mais la quantité mise en stock quotidiennement (article 30, paragraphe 1).

Il en résulte que les vérifications réalisées sur la base des données contenues dans les registres ne permettaient pas d’évaluer correctement le rendement. Les contrôles ne fournissent aucune information fiable sur les quantités de tomates fraîches livrées par les producteurs, c’est-à-dire les quantités pour lesquelles l’aide est payée. Cette carence concerne les dépenses effectuées jusqu’à la campagne 2004/2005. »

38      La Commission a conclu ce qui suit au point 4.5.3 du rapport de synthèse :

« Les constatations indiquées représentent une faiblesse dans un contrôle clé. Elles montrent que les contrôles administratifs et comptables sur les registres n’ont pas été effectués en conformité avec la réglementation communautaire. La faiblesse a été constatée uniquement pour cette OP/transformateur.

Le document [n° ]VI/5330/97 indique que lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés sont si mal réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Le fait que le registre PACO n’est pas correctement tenu alourdit considérablement les contrôles à effectuer par l’État membre. Il est indispensable de disposer d’un registre permettant de calculer correctement le rendement pour vérifier le bien-fondé de la demande d’aide. La vérification du rendement est importante pour :

–        effectuer des contrôles de plausibilité que la quantité de matière première (quantité pour laquelle l’aide est payée) soit correctement indiquée dans la demande d’aide ;

–        assurer que les quantités de matière première ont été correctement transformées dans des produits finis éligibles à l’aide.

Cela est encore plus important dans le cas d’une organisation de producteurs qui est, en même temps, transformateur et pour laquelle une distinction des intérêts entre OP et transformateur n’existe pas.

Le document [n° ]VI/5330/97 indique que lorsqu’un même système recèle plusieurs carences, les taux forfaitaires de correction ne sont pas cumulatifs, la carence la plus grave étant considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble.

Les services de la Commission proposent d’appliquer une correction forfaitaire de 10 % sur les dépenses de l’organisation de producteurs en question jusqu’à la campagne 2004/2005. Étant donné que cette lacune a été identifiée pendant la deuxième mission et signalée par lettre du 14 janvier 2005, la période de 24 mois débute le 14 janvier 2003. »

39      Selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles communautaires, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt de la Cour du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, p. I‑5925, point 38, et la jurisprudence citée).

40      En ce qui concerne le type de correction appliqué, il y a lieu de rappeler, à la lumière du document n° VI/5330/97, que, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par la Communauté, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission (arrêts de la Cour du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, Rec. p. I‑9293, point 53, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, Rec. p. I‑3047, point 136).

41      En l’espèce, tel était précisément le cas. Le taux de correction forfaitaire de 10 % retenu par la Commission correspond d’ailleurs à celui qui est envisageable aux termes du document n° VI/5330/97 dans le cas où, comme en l’espèce, un ou plusieurs contrôles clés n’ont pas ou ont mal été effectués. Il est en effet indéniable que les obligations incombant au transformateur au titre de l’article 30, paragraphe 1, du règlement n° 1535/2003 quant à la tenue des registres présentent un caractère essentiel dès lors qu’elles permettent aux autorités compétentes d’effectuer un contrôle a posteriori sur les quantités de matières premières transformées.

42      La République italienne a indiqué qu’elle ne contestait pas les constatations effectuées par les services de la Commission, mais la proportionnalité de la correction financière en cause, dès lors que les carences constatées n’auraient concerné qu’une seule campagne sur les trois visées, qu’une catégorie de produits spécifiques et qu’une organisation de producteurs sur la centaine d’organisations présentes dans les régions visées.

43      S’agissant, tout d’abord, du respect du principe de proportionnalité, il importe de rappeler que celui-ci exige que les actes des institutions de l’Union européenne ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25 ; arrêts du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T‑260/94, Rec. p. II‑997, point 144, et du 30 avril 2009, Espagne/Commission, T‑281/06, non publié au Recueil, points 64 à 76).

44      En l’occurrence, l’argumentation de la République italienne repose sur une interprétation erronée des raisons ayant justifié la correction financière. En effet, contrairement à ce qu’elle allègue, il ne peut être considéré que les carences constatées auprès de la PACO ne concernaient qu’un seul exercice, puisque l’absence des contrôles requis a nécessairement eu des conséquences sur la possibilité pour les organismes compétents de contrôler l’exactitude des paiements effectués. En effet, il ne saurait être considéré comme injustifié, ni comme disproportionné, d’infliger à un exploitant agricole, qui a présenté une déclaration erronée, des mesures dissuasives et efficaces relatives aux irrégularités dans les demandes d’aides concernant les années précédant celle au cours de laquelle ces irrégularités ont été révélées (arrêts de la Cour du 19 novembre 2002, Strawson et Gagg & Sons, C‑304/00, Rec. p. I‑10737, point 52, et du 10 novembre 2005, Italie/Commission, C‑307/03, non publié au Recueil, point 50).

45      En outre, la position défendue par la République italienne est dans une large mesure en contradiction avec celle prise lors de la réunion bilatérale, au cours de laquelle les autorités italiennes ont fait part de leur volonté d’améliorer la tenue des registres de la PACO en question à partir de la campagne 2005/2006, reconnaissant finalement que la tenue desdits registres n’était pas totalement en conformité avec la réglementation communautaire (voir point 4.5.2 du rapport de synthèse).

46      S’agissant, ensuite, de l’argument selon lequel les carences n’ont été constatées qu’auprès d’une seule organisation de producteurs et, partant, ne concerneraient qu’une seule catégorie de produits transformés, force est de constater que la Commission en a dûment tenu compte dans la détermination du montant des dépenses devant faire l’objet d’une correction. En effet, ainsi qu’il ressort clairement du dossier, les services de la Commission ont appliqué la correction financière de 10 % uniquement aux dépenses déclarées par cette organisation de producteurs effectuées jusqu’à la campagne 2004/2005 (voir, notamment, point 4.5.3, sixième alinéa, du rapport de synthèse). De surcroît, selon la jurisprudence, la Commission peut refuser la prise en charge de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt de la Cour du 18 mai 2000, Belgique/Commission, C‑242/97, Rec. p. I‑3421, point 122).

47      Il s’ensuit que, en imposant, en l’espèce, une correction forfaitaire ne s’élevant qu’à 10 % des dépenses déclarées par la République italienne au titre du financement des aides dans le secteur des produits transformés à base de tomates, alors que les contrôles effectués par les autorités italiennes ne répondaient pas aux exigences de la réglementation communautaire, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 1995, Irlande/Commission, C‑49/94, Rec. p. I‑2683, point 22).

48      S’agissant, enfin, du grief pris de ce que la correction appliquée en l’espèce serait contraire aux orientations exposées dans le document n° VI/5330/97, aux termes duquel « l’apurement devrait avoir pour objectif d’être préventif et correctif plutôt que d’être un moyen d’imposer des sanctions », il ne saurait prospérer. En effet, une correction financière arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge du FEOGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation communautaire en cause et ne constitue donc pas une sanction (arrêts de la Cour du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, point 17 supra, points 13 et 14, et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec. p. I‑7699, point 63).

49      À cet égard, il convient de rappeler que, à l’instar des articles 2 et 3 du règlement n° 729/70, les dispositions du règlement n° 1258/1999 ne permettent à la Commission de mettre à la charge du FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles et laissent à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune. La Commission ne dispose à cet égard d’aucune marge d’appréciation. En effet, la finalité de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, qui est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles communautaires et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs économiques, serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l’irrégularité d’une pratique nationale, se prévaloir d’une marge d’appréciation pour l’accepter ou la rejeter du financement communautaire, en fonction de ses effets plus ou moins graves sur le plan financier pour le FEOGA (voir arrêt de la Cour du 18 avril 2002, Belgique/Commission, C‑332/00, Rec. p. I‑3609, points 44 à 46, et la jurisprudence citée).

50      Or, dans la mesure où la qualité des contrôles physiques constitue un élément déterminant du système de contrôle devant être mis en place pour assurer la régularité des dépenses du FEOGA, la Commission a raisonnablement pu conclure que le risque de pertes pour celui-ci était significatif et a donc pu, sans violer l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 ou les orientations contenues dans le document n° VI/5330/97, imposer la correction forfaitaire litigieuse.

51      Compte tenu de ces éléments, le moyen dirigé à l’encontre de la correction financière appliquée aux dépenses déclarées dans le secteur des produits transformés à base de tomates ne saurait être accueilli.

 Sur les corrections financières appliquées dans le cadre du régime d’acquisition de bovins à des fins de destruction

 Réglementation communautaire relative aux mesures exceptionnelles en faveur du marché de la viande bovine

52      L’article 38 du règlement (CE) n° 1254/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 160, p. 21), dispose :

« 1. Lorsqu’une hausse ou une baisse sensible des prix est constatée sur le marché de la Communauté, que cette situation est susceptible de persister et que, de ce fait, ce marché est perturbé ou risque d’être perturbé, les mesures nécessaires peuvent être prises.

2. Les modalités d’application du présent article sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 43. »

53      Sur le fondement de l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 1254/1999, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2777/2000, du 18 décembre 2000, arrêtant des mesures de soutien exceptionnelles en faveur du marché de la viande bovine (JO L 321, p. 47).

54      L’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2777/2000 prévoit que « [l]es viandes issues de bovins âgés de plus de trente mois et abattus dans la Communauté après le 1er janvier 2001 ne peuvent être autorisées pour la consommation humaine dans la Communauté ou pour l’exportation vers les pays tiers que si elles ont donné un résultat négatif au test rapide agréé de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ».

55      Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2777/2000, le prix à payer par l’État membre aux producteurs ou à leurs mandataires pour les animaux visés à l’article 3, paragraphe 1, de ce même règlement est calculé sur la base des éléments suivants : le poids de la carcasse défini à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1208/81 du Conseil, du 28 avril 1981, établissant la grille communautaire de classement des carcasses de gros bovins (JO L 123, p. 3), et le prix par kilo de poids mort fixé par l’État membre. L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2777/2000 précise que, pour chaque animal intégralement détruit, la Communauté cofinance les dépenses encourues au titre de l’article 4, paragraphe 1, de ce même règlement, sur une base forfaitaire calculée en fonction des prix de base, du poids moyen par catégorie et d’un taux de cofinancement de 70 % financé par la Communauté, les 30 % restants étant à la charge des autorités nationales.

56      S’agissant des contrôles de la gestion des abattages, l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 2777/2000 dispose que, après avoir été découpées de manière adéquate, les carcasses sont badigeonnées au moyen d’une teinture indélébile ainsi que toutes les autres parties de l’animal. Elles sont ensuite équarries et intégralement détruites par incinération ou tout autre moyen approprié. L’article 5, paragraphe 4, de ce même règlement établit qu’aucune partie des animaux ne peut être utilisée dans la chaîne alimentaire humaine ou animale, ni dans des produits cosmétiques ou pharmaceutiques, ni dans des dispositifs médicaux. L’article 5, paragraphe 5, dudit règlement dispose quant à lui que les États membres effectuent les contrôles administratifs nécessaires et une surveillance in situ efficace de toutes les opérations afin de vérifier l’équarrissage et la destruction intégrale de tous les produits concernés.

57      En ce qui concerne la réglementation vétérinaire relative à la transformation et à la destruction des produits en question, la décision 96/449/CE de la Commission, du 18 juillet 1996, relative à l’agrément de systèmes de traitement thermique de remplacement pour la transformation de déchets animaux au regard de l’inactivation des agents de l’encéphalopathie spongiforme (JO L 184, p. 43), a fixé, avec effet au 1er avril 1997, certains paramètres pour la transformation des déchets animaux.

58      La décision 97/735/CE de la Commission, du 21 octobre 1997, relative à des mesures de protection en ce qui concerne les échanges de certains types de déchets animaux de mammifères (JO L 294, p. 7), prévoit, en son article 1er, paragraphe 1, l’interdiction de l’expédition vers d’autres États membres et vers des pays tiers de farines de viande et d’os de mammifères non produits suivant le système prescrit par la décision 96/449.

59      L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 97/735 dispose que, par dérogation aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, de cette même décision, les États membres peuvent expédier dans d’autres États membres des déchets animaux transformés de mammifères qui n’ont pas été transformés conformément aux paramètres fixés à l’annexe de la décision 96/449 aux fins de l’incinération ou de l’utilisation comme combustible.

60      L’article 4, paragraphe 2, de la décision 97/735 précise que la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, de cette même décision ne s’applique que si un certain nombre de conditions sont remplies. Il prévoit, en particulier, ce qui suit :

« a)      l’État membre destinataire doit avoir autorisé la réception du matériel ;

b)      le matériel doit :

–      lorsqu’il est destiné à être incinéré ou utilisé comme combustible, être accompagné d’un certificat officiel conforme au modèle établi à l’annexe III et la mention ‘Non destiné à l’alimentation animale – Uniquement destiné à l’incinération ou à l’utilisation comme combustible’ doit être clairement indiquée sur les conteneurs dans la langue de l’État membre d’origine, de destination et de transit

         ou

–      lorsqu’il est destiné à faire l’objet d’une nouvelle transformation, être accompagné d’un certificat officiel conforme au modèle établi à l’annexe IV et la mention ‘Non destiné à l’alimentation animale – Uniquement destiné à la transformation’ doit être clairement indiquée sur les conteneurs dans la langue de l’État membre d’origine, de destination et de transit ;

c)      le matériel doit être transporté dans des conteneurs ou des véhicules couverts scellés, de façon à éviter toute perte, et dirigé immédiatement vers les lieux de l’incinération ou de l’utilisation comme combustible ou vers l’usine d’équarrissage ;

d)      les États membres doivent communiquer à la Commission et aux autres États membres la liste des incinérateurs et des centrales électriques autorisés à réceptionner le matériel conformément aux dispositions du présent article ;

e)      le matériel ne doit être livré qu’aux établissements énumérés dans les listes visées [sous] d) et à l’article 3 ;

f)      les États membres qui expédient du matériel à d’autres États membres doivent informer, par le système ANIMO […], l’autorité compétente du lieu de destination de chaque lot envoyé. La mention ‘Non destiné à l’alimentation animale – Uniquement destiné à l’incinération ou à l’utilisation comme combustible’ ou ‘Non destiné à l’alimentation animale – Uniquement destiné à la transformation’, selon le cas, doit figurer dans le message ANIMO ;

[…] »

 Antécédents du litige

61      Dans le cadre des enquêtes portant les références OTMS/2001/8/IT et OTMS/2002/2/IT, les services d’audit de la Commission ont effectué deux missions en Italie du 21 au 23 mai 2001 et du 15 au 17 avril 2002, au cours desquelles a été constatée l’existence d’irrégularités ainsi que de contrôles inadaptés et insuffisants de la destruction des carcasses par les établissements d’équarrissage, tant en ce qui concerne les matériaux envoyés à la destruction en Italie que les produits (notamment le suif) envoyés pour incinération dans d’autres États membres. Les services de la Commission ont également signalé le manque d’information sur les contrôles des opérations que l’organisme payeur italien, à savoir l’Agenzia per le erogazioni in agricoltura (AGEA, Agence pour l’octroi d’aides dans le secteur agricole) aurait dû effectuer pour s’assurer que les produits faisant l’objet des mesures d’intervention étaient envoyés à la destruction conformément aux critères établis par le règlement n° 2777/2000 et aux règles auxquelles celui-ci renvoie.

62      Par communication du 7 avril 2004, après avoir analysé les réponses fournies par les autorités italiennes au sujet des missions d’audit effectuées, les services de la Commission ont confirmé leur position, à savoir que le système instauré par la République italienne pour la gestion et le contrôle du régime d’achat à des fins de destruction susmentionné n’était pas entièrement conforme au droit communautaire et que, par conséquent, certaines dépenses non conformes aux règles communautaires avaient pu être effectuées. Les services de la Commission ont notamment constaté le manque d’explications satisfaisantes à la suite des informations détaillées demandées sur le nombre de têtes de bétail finalement refusées dans le cadre de ce régime et sur les motifs de ce refus, ainsi que sur les dépenses exposées au titre de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2777/2000. Les services d’audit de la Commission ont enfin signalé l’inadéquation des explications données et de la documentation fournie en ce qui concerne la mise en place d’un système efficace de contrôles administratifs et physiques effectués par la République italienne sur l’incinération et la destruction.

63      Le 6 mai 2004, une réunion bilatérale s’est tenue conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, à la suite de laquelle les services de la Commission ont envoyé, le 8 juillet 2004, une communication aux autorités italiennes pour souligner les principaux points qui en étaient ressortis. Plus précisément, ayant pris acte des explications fournies sur les problèmes qui avaient été à la base de la détermination du montant déclaré pour le financement et du travail effectué par l’AGEA en tant qu’organisme payeur, les services de la Commission ont à nouveau signalé les problèmes observés dans la détermination du nombre d’animaux et leur classification, ainsi que dans la comptabilisation et la déclaration des dépenses. Concernant l’activité d’incinération du suif en France et en Allemagne, les services de la Commission ont contesté la pertinence des documents fournis au cours de la réunion bilatérale, lesquels ayant été jugés inaptes à prouver que le transport et la destruction avaient été effectués conformément au règlement n° 2777/2000.

64      Par courrier du 26 avril 2006, les services de la Commission ont confirmé que les lacunes dans les contrôles effectués par les autorités italiennes avaient causé un risque pour le FEOGA, à savoir l’utilisation indue et le détournement de produits provenant de bovins de plus de 30 mois. La mise en œuvre décentralisée du régime décidée par la République italienne et l’absence d’une banque de données opérationnelle d’identification et d’enregistrement des bovins auraient en effet entraîné des retards dans la gestion du programme et des incertitudes quant à son admissibilité. De plus, le nombre d’animaux achetés dans le cadre du régime aurait continuellement changé jusqu’à la déclaration pour le financement, 18 mois après la fin des opérations d’achat.

65      Saisi à la demande des autorités italiennes, l’organe de conciliation a rendu son rapport final le 21 novembre 2006.

66      L’évaluation définitive de toute la documentation fournie et des observations présentées par la suite par les autorités italiennes pour un réexamen des corrections financières proposées a finalement amené les services de la Commission à prendre, le 19 octobre 2007, la décision de confirmer l’application, à l’encontre de la République italienne, de deux corrections forfaitaires, à savoir, d’une part, une correction de 2 % des dépenses relatives à la destruction des bovins en Italie en raison des faiblesses observées dans les contrôles, pour un montant de 276 238,75 euros, et, d’autre part, une correction de 5 % des dépenses relatives au suif transporté pour destruction en France et en Allemagne, pour un montant de 1 175 882,02 euros.

67      Cette position finale est reproduite au point 6.1.5 du rapport de synthèse.

 Arguments des parties

68      La République italienne soulève à l’encontre des corrections financières appliquées dans le cadre du régime d’acquisition des bovins à des fins de destruction deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000 et de la violation de l’article 4 de la décision 97/735.

–       Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000 en ce qui concerne la correction de 2 % appliquée aux dépenses relatives à la destruction des bovins en raison des faiblesses observées dans les contrôles

69      La République italienne considère que la correction financière fondée sur la faiblesse générale des contrôles méconnaît l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000. En effet, les autorités italiennes auraient déployé, dans un laps de temps très court, des efforts considérables pour faire face à une situation d’urgence sur l’ensemble du territoire national. Celles-ci auraient, en particulier, dû « activer la filière de destruction et d’écoulement des carcasses », ce qui, compte tenu de la présence limitée d’abattoirs de dimension industrielle, aurait impliqué de mobiliser 220 abattoirs de petites dimensions et de déléguer les missions de contrôle à des services locaux. Eu égard à ces conditions exceptionnelles, qui se rapporteraient à des difficultés objectives liées à des aspects territoriaux et infrastructurels, la correction de 2 % appliquée par la Commission ne serait pas justifiée.

70      La Commission conteste l’ensemble de ces griefs. Elle souligne en outre que le fait que la République italienne n’ait pas exposé le moindre argument à l’appui du présent moyen pourrait s’analyser comme une renonciation à ce dernier.

–       Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4 de la décision 97/735 en ce qui concerne la correction de 5 % appliquée aux dépenses relatives au suif transporté pour la destruction en France et en Allemagne

71      La République italienne soutient, tout d’abord, que la correction financière appliquée du fait des faiblesses des contrôles du matériel envoyé pour la destruction en France et en Allemagne méconnaît l’article 4 de la décision 97/735. En effet, les autorités italiennes auraient appliqué les procédures prévues par cette décision en concluant des accords avec les autorités sanitaires compétentes dans les États membres destinataires, auxquels la mise en œuvre des procédures de contrôle sur les installations d’incinération avait été attribuée. Cela ressortirait notamment d’une note adressée par le ministère de la Santé italien aux services vétérinaires compétents qui aurait adressé un « message ANIMO » à l’occasion de l’expédition de matériels à risques spécifiés.

72      Dans la réplique, la République italienne souligne qu’il n’apparaît pas que les services de la Commission aient formulé de graves reproches à l’égard des autorités sanitaires italiennes s’agissant des mesures de prévention contre l’encéphalopathie spongiforme bovine. Dès lors, l’exigence de protection du consommateur, qui devrait primer la protection des fonds communautaires, aurait été pleinement respectée.

73      La République italienne ajoute qu’il ressort de la correspondance échangée entre le ministère de la Santé italien et les organismes particuliers d’autres États membres que non seulement des instructions claires ont été données auxdits organismes quant aux risques et à la nature du matériel destiné à la destruction, mais également que ces derniers ont confirmé que la destruction du matériel avait été effectuée.

74      La République italienne avance, ensuite, que, à supposer que des carences doivent être constatées dans la communication préventive aux organismes payeurs français et allemand, la proposition de correction financière de 5 % doit être considérée comme excessive. Dans la réplique, elle fait, en particulier, valoir que, à supposer que la contestation relative au poids des carcasses soit fondée, elle ne viserait qu’une composante marginale tant du point de vue du poids que du point de vue de la valeur commerciale.

75      La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000 en ce qui concerne la correction de 2 % appliquée aux dépenses relatives à la destruction des bovins en raison des faiblesses observées dans les contrôles

76      Il importe, tout d’abord, de souligner que, interrogée sur ce point lors de l’audience, la République italienne a clairement indiqué qu’elle n’entendait pas renoncer au présent moyen.

77      Quant au bien-fondé du présent moyen, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des règles communautaires (voir notamment, s’agissant du respect des conditions de financement au titre du FEOGA, arrêts de la Cour du 14 novembre 1989, Italie/Commission, 14/88, Rec. p. 3677, et du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié au Recueil, point 102). En particulier, un État membre ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le défaut de mise en œuvre de contrôles appropriés (voir arrêt du Tribunal du 13 novembre 2008, Italie/Commission, T‑224/04, non publié au Recueil, point 65, et la jurisprudence citée).

78      En l’espèce, la circonstance que les autorités italiennes ont été confrontées à des insuffisances logistiques importantes du fait notamment du caractère fortement décentralisé de la filière d’abattage, qui a nécessité le recours à plus de 200 établissements de petite taille, ne saurait légitimer le fait que lesdites autorités n’ont pas pleinement respecté l’obligation qui leur était imposée en vertu de l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000 d’effectuer les contrôles administratifs nécessaires et une surveillance in situ efficace de toutes les opérations afin de vérifier l’équarrissage et la destruction intégrale de tous les produits concernés. Il apparaît, en outre, que, ainsi que l’a mentionné l’organe de conciliation dans son rapport du 21 novembre 2006, les services de la Commission ont pris en considération les circonstances difficiles qui ont marqué la mise en place du régime et qui ont compliqué sa mise en œuvre (voir point 6.1.4, troisième alinéa, du rapport de synthèse).

79      Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, s’agissant des opérations effectuées en Italie, alors que les lacunes constatées concernaient non seulement des contrôles clés (justifiant une correction à hauteur de 5 %), mais également des contrôles secondaires, la Commission a tenu compte du fait que l’AGEA, qui est l’organisme payeur compétent, avait mis en place un système comptable viable pour le contrôle de la production et du transport du matériel couvert par le régime en cause, pour n’appliquer qu’un taux de correction de 2 % (voir point 6.1.3, septième alinéa, du rapport de synthèse). Il ne saurait dès lors être considéré que cette correction est disproportionnée.

80      Partant, le présent moyen ne saurait prospérer.

–       Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4 de la décision 97/735 en ce qui concerne la correction de 5 % appliquée aux dépenses relatives au suif transporté pour la destruction en France et en Allemagne

81      Dans le cadre de l’examen de ce moyen, qui vise la deuxième correction financière appliquée dans le secteur de la viande bovine, à savoir une correction de 5 % pour les lots de suif compte tenu des carences constatées dans les contrôles du matériel envoyé en France et en Allemagne aux fins de destruction, se pose la question de savoir si les autorités italiennes ont correctement respecté les obligations qui leur incombaient en vertu de l’article 4 de la décision 97/735.

82      À cet égard, la Commission a considéré que plusieurs des exigences de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la décision 97/735 n’avaient pas été respectées. Ainsi qu’il ressort du point 6.1.5 du rapport de synthèse, qui fait état de la position finale de la Commission, « [l]a correction est entièrement basée sur les lacunes et les manquements techniques et procéduraux des autorités italiennes (absence de scellés numérotés sur les conteneurs, notifications inappropriées et tardives via le système ANIMO, approbation par l’AGEA de pièces justificatives douteuses) ».

83      Or, il y a lieu de relever que, si l’argumentation développée par la République italienne et l’ensemble des documents cités à son appui visent principalement à démontrer que les autorités italiennes se sont conformées à une des obligations en cause, à savoir l’obligation de communication d’informations sur les échanges de suif destiné à la destruction, la République italienne n’avance en revanche aucun argument pertinent à l’égard des lacunes importantes qui ont été relevées dans la gestion par l’AGEA des mesures d’intervention et qui ont été rappelées au point précédent.

84      Dans ces conditions, la République italienne n’a nullement démontré que les autorités italiennes avaient respecté l’ensemble des obligations spécifiques de contrôle prévues par la décision 97/735.

85      Enfin, compte tenu des risques que les déficiences dans les contrôles font courir au FEOGA et de la possibilité subséquente que celles-ci entraînent la correction de l’ensemble des dépenses en cause (voir points 39 et suivants ci-dessus), il ne saurait être considéré que cette correction financière de 5 % appliquée aux dépenses déclarées dans ce contexte est inappropriée.

86      Il découle de l’ensemble de ces considérations que le moyen invoqué à l’encontre de la seconde correction financière appliquée dans le secteur de la viande bovine doit également être rejeté.

 Sur la correction financière appliquée dans le cadre du régime des primes pour le tabac

 Réglementation communautaire

87      Afin de garantir la stabilité des marchés ainsi qu’un niveau de vie équitable à la population agricole dans le secteur du tabac brut, caractérisé par une inadéquation de l’offre à la demande, le règlement (CEE) n° 2075/92 du Conseil, du 30 juin 1992, portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut (JO L 215, p. 70), a modifié le régime communautaire de l’organisation commune de marché dans ce secteur. Ledit règlement a simplifié les mécanismes de gestion du marché, tout en assurant le contrôle de la production pour l’adapter tant aux besoins du marché qu’aux exigences budgétaires et en renforçant les moyens de contrôle afin que les mécanismes de gestion atteignent pleinement les objectifs de l’organisation commune de marché du tabac brut.

88      Le règlement n° 2075/92 a maintenu le régime des primes en faveur des producteurs traditionnels, payées par l’entreprise de transformation lors de la livraison du tabac. Néanmoins, pour limiter la production de tabac communautaire et décourager en même temps la production de variétés de tabac qui seraient difficiles à écouler, ledit règlement a fixé un seuil de garantie global et maximal pour l’ensemble de la Communauté, réparti en seuils de garantie spécifiques pour chaque groupe de variétés.

89      Le huitième considérant du règlement n° 2075/92 précisait que, pour assurer le respect des seuils de garantie, il était nécessaire d’instaurer, pour une période limitée, un régime de quotas de transformation et qu’il appartenait aux États membres de distribuer, à titre transitoire et dans la limite de seuils de garantie fixés, les quotas de transformation entre les entreprises intéressées, les règles communautaires instaurées à cet effet visant à assurer une attribution équitable, sur la base des quantités transformées dans le passé, sans toutefois tenir compte des productions anormales constatées. Ce considérant prévoyait également que les mesures nécessaires seraient prises afin de permettre ultérieurement la distribution des quotas aux producteurs, dans des conditions satisfaisantes, et que les États membres disposant des données nécessaires pourraient distribuer les quotas aux producteurs sur la base des résultats obtenus par le passé.

90      Conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 2075/92, l’octroi de la prime était soumis à la livraison du tabac en feuilles par le producteur à l’entreprise de première transformation sur la base d’un contrat de culture.

91      L’article 9 du règlement n° 2075/92 disposait, dans sa version initiale, ce qui suit :

« 1. Pour assurer le respect des seuils de garantie, il est instauré, pour les récoltes de 1993 à 1997, un régime de quotas de transformation.

2. Le Conseil, selon la procédure prévue à l’article 43, paragraphe 2, du traité, répartit par récolte les quantités disponibles pour chaque groupe de variétés, entre États membres producteurs.

3. Sur la base des quantités fixées en vertu du paragraphe 2 et sans préjudice de l’application du paragraphe 5, les États membres distribuent les quotas de transformation à titre transitoire pour les récoltes 1993 et 1994 entre les entreprises de première transformation proportionnellement à la moyenne des quantités livrées pour la transformation pendant les trois années précédant l’année de la dernière récolte, réparties par groupe de variétés. Cependant, la production de 1992 et les livraisons provenant de cette récolte n’entreront pas en ligne de compte. Cette distribution ne préjuge pas des modalités de distribution des quotas de transformation pour les récoltes suivantes.

Les entreprises de première transformation qui ont commencé leurs activités après le début de la période de référence obtiennent une quantité proportionnelle à la moyenne des quantités livrées pour la transformation pendant la période de leurs activités.

Pour les entreprises de première transformation qui commencent leur activité pendant l’année de la récolte ou pendant l’année précédente, les États membres réservent 2 % des quantités totales dont ils disposent par groupe de variétés. Dans la limite de ce pourcentage, ces entreprises obtiennent une quantité ne dépassant pas 70 % de leur capacité de transformation, pour autant qu’elles présentent des garanties suffisantes quant à l’efficacité et à la durabilité de leurs activités.

4. Toutefois, les États membres peuvent distribuer directement les quotas aux producteurs s’ils disposent des données nécessaires et exactes relatives à la production de tous les planteurs lors des trois récoltes précédant l’année de la dernière récolte, ventilées par variété et par quantités produites et livrées à une entreprise de transformation.

5. Lors de la distribution de quotas visée aux paragraphes 3 et 4, il n’est notamment pas tenu compte, dans le calcul de la production de référence, des quantités de tabac brut ayant dépassé les quantités maximales garanties applicables en vertu du règlement (CEE) n° 727/70.

Le cas échéant, la production n’est prise en compte que dans la limite du quota alloué pendant les années prises en considération. »

92      Le règlement (CE) n° 711/95 du Conseil, du 27 mars 1995, modifiant le règlement n° 2075/92 (JO L 73, p. 13), a mis fin au régime transitoire d’attribution des quotas aux entreprises de transformation. Son article 1er avait notamment modifié l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92, lequel était libellé comme suit :

« Sur la base des quantités fixées en vertu du paragraphe 2 et sans préjudice de l’application du paragraphe 4, les États membres distribuent les quotas de production aux producteurs proportionnellement à la moyenne des quantités livrées pour la transformation pendant les trois années précédant l’année de la dernière récolte, réparties par groupe de variétés. Cependant, la production de 1992 et les livraisons provenant de cette récolte n’entreront pas en ligne de compte ; elles seront remplacées par celles de la quatrième année précédant l’année de la dernière récolte. Cette distribution ne préjuge pas des modalités de distribution des quotas de production pour les récoltes suivantes. »

93      Le régime applicable au secteur du tabac instauré par le règlement n° 2075/92 a été modifié par l’adoption du règlement (CE) n° 1636/98 du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 210, p. 23).

94      L’article 9 du règlement n° 2075/92 a été remplacé par le texte suivant :

« 1. Pour assurer le respect des seuils de garantie, il est instauré un régime de quotas de production.

2. Le Conseil répartit pour trois récoltes consécutives, selon la procédure prévue à l’article 43, paragraphe 2, du traité, les quantités disponibles pour chaque groupe de variétés entre États membres producteurs.

3. Sur la base des quantités fixées en vertu du paragraphe 2 et sans préjudice de l’application des paragraphes 4 et 5, les États membres distribuent les quotas de production aux producteurs individuels non membres d’un groupement et aux groupements de producteurs proportionnellement à la moyenne des quantités livrées pour la transformation de chaque producteur individuel pendant les trois années précédant l’année de la dernière récolte, réparties par groupe de variétés.

[…] »

95      L’article 10 du règlement n° 2075/92, tel que modifié par le règlement n° 1636/98, disposait quant à lui :

« 1. Aucune prime ne peut être octroyée pour des quantités supérieures au quota du producteur.

2. Par dérogation au paragraphe 1, un producteur peut livrer, pour chaque groupe de variétés, sa production excédentaire dans la limite d’un maximum de 10 % de son quota, cet excédent étant éligible à la prime octroyée lors de la récolte suivante, à condition que, pendant la récolte suivante, l’intéressé procède à une réduction correspondante de sa production de manière à ce que les quotas cumulés pour les deux récoltes en question soient respectés.

3. Les États membres doivent disposer des données exactes relatives à la production de tous les producteurs individuels de manière à ce que, le cas échéant, les quotas de production puissent être attribués à [ces] derniers.

4. Au sein de chaque État membre producteur, les quotas de production peuvent être cédés entre producteurs individuels. »

96      Quant à l’article 11 du règlement n° 2075/92, il attribuait à la Commission la tâche d’arrêter les modalités d’application selon la procédure dite de « comité de gestion ».

97      L’article 22 du règlement (CE) nº 2848/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, portant modalités d’application du règlement nº 2075/92 en ce qui concerne le régime de primes, les quotas de production et l’aide spécifique à octroyer aux groupements des producteurs dans le secteur du tabac brut (JO L 358, p. 17) [tel que modifié par le règlement (CE) n° 731/1999 de la Commission, du 7 avril 1999 (JO L 93, p. 20) et par le règlement (CE) n° 2637/1999 de la Commission, du 14 décembre 1999 (JO L 323, p. 8)], est libellé comme suit :

« 1. Dans la limite des seuils de garantie établis conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement […] n° 2075/92, les États membres distribuent les quotas de production pour chaque groupe de variété pour trois récoltes consécutives aux producteurs individuels non membres de groupement et aux groupements de producteurs proportionnellement à la moyenne des quantités livrées pour la transformation par chaque producteur individuel ou groupement de producteurs pendant les trois années précédant l’année de la dernière récolte.

2. Les États membres peuvent, soit répartir directement les quotas de production entre les producteurs individuels non membres d’un groupement et les groupements de producteurs, soit exiger que les producteurs individuels non membres d’un groupement et les groupements de producteurs leur adressent les demandes pour obtenir un quota de production.

3. Les États membres délivrent aux producteurs individuels non membres d’un groupement et aux groupements de producteurs les attestations de quota au plus tard fin février de l’année de la récolte.

4. Les quantités inscrites sur les attestations de quotas de production à la suite du transfert des quantités de seuil de garantie d’un groupe de variétés à l’autre en application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement […] n° 2075/92 sont réparties parmi les producteurs individuels non membres d’un groupement et les groupements de producteurs bénéficiaires des attestations de quotas de production par l’organisme compétent des États membres de manière équitable dans les quinze jours suivant le jour de la publication au Journal officiel des Communautés européennes du règlement qui définit ce transfert. Cette répartition est effectuée sur la base de critères objectifs et publiés qui devront être établis par les États membres après avoir pris en compte l’avis des organisations interprofessionnelles reconnues conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 2077/92. L’organisme compétent des États membres procède à la correction des quantités inscrites sur les attestations de quota de production lorsque les producteurs individuels non membres d’un groupement et les groupements de producteurs concernés ont bénéficié de l’attribution d’une attestation de quota de production dans le délai visé au paragraphe 3. »

 Antécédents du litige

98      Dans le cadre de l’enquête portant la référence TA/2003/10/IT, les services de la Commission ont effectué une mission en Italie du 8 au 12 septembre 2003, notamment dans les régions de Rome, de Campanie et en Ombrie.

99      Par lettre du 9 novembre 2004, la Commission a communiqué aux autorités italiennes les conclusions de cette mission, en soulevant certaines contestations portant sur le système de calcul individuel des quotas, et a demandé à celles-ci des informations relatives aux rectifications déjà adoptées et aux interventions programmées ainsi que les délais prévus pour leur adoption. Cette lettre indiquait, en particulier, que, selon les services de la Commission, l’organisme payeur compétent en Italie en matière de gestion de quotas, à savoir l’AGEA, avait non seulement appliqué un système de calcul erroné, mais également appliqué un système de compensation dans le cadre d’un même contrat de culture de tabac et entre différents contrats de culture, ce qui, en méconnaissance de la réglementation applicable, éliminerait tout rapport entre les quantités de tabac en feuilles livrées par les producteurs et les parcelles mentionnées dans les contrats. Les autorités italiennes ont dès lors été invitées à communiquer tous les éléments disponibles pour quantifier les volumes de tabac en feuilles livrés dans le cadre de ce système de compensation.

100    Par communication du 20 janvier 2005, les autorités italiennes ont répondu à cette demande et ont notamment indiqué à la Commission que les quotas étaient gérés par les groupements de producteurs en conformité avec l’article 22 du règlement n° 2848/98. Il en découlerait que le système de compensation en cause ne constituerait que la faculté pour de tels groupements de disposer entièrement de leur quota, en vertu de ce qui serait prévu dans la note de 1994.

101    Le 4 avril 2005, une réunion bilatérale s’est tenue entre les services de la Commission et les autorités italiennes. Le procès-verbal de cette réunion a été envoyé à ces dernières par note AGR 16 281, du 30 juin 2005.

102    Par note du 5 octobre 2006 et après avoir pris connaissance des informations complémentaires fournies par les autorités italiennes, les services de la Commission ont informé celles-ci qu’elles confirmaient leur position selon laquelle l’octroi des aides pour les primes dans le secteur du tabac n’avait pas été conforme aux règles communautaires en ce qui concerne les exercices 2003 et 2004 et qu’elles prévoyaient l’application d’une correction financière spécifique de 10 458 956,24 euros.

103    Lors de la procédure de conciliation, qui a eu lieu en novembre 2006, tant les autorités italiennes que les services de la Commission ont maintenu leur position.

104    Le 27 mars 2007, l’organe de conciliation a rendu son rapport sur le dossier.

105    Par lettre du 17 septembre 2007, les services de la Commission ont communiqué aux autorités italiennes leur position finale, laquelle est reproduite au point 8.1.5 du rapport de synthèse.

 Arguments des parties

106    La République italienne soulève, à l’encontre de la correction financière appliquée dans le cadre du régime des primes pour le tabac, deux moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92 et des articles 11 et 22 du règlement n° 2848/98. Selon elle, cette correction serait manifestement disproportionnée et dénuée de fondement en droit. La République italienne avance que, à supposer que le Tribunal n’annule pas la décision attaquée en ce qui concerne cette correction, il conviendrait de réduire le montant de cette correction à 39 617,94 euros.

–       Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92

107    Dans le cadre de ce moyen, qui vise les compensations de quotas entre membres d’un même groupement dans l’hypothèse d’une sanction appliquée sur tout ou partie du quota, la République italienne indique qu’elle partage l’avis de la Commission quant aux quotas non utilisables par suite de sanctions et que, dès lors, la correction financière à prendre en considération ne devrait concerner que le montant de 39 617,94 euros.

108    La Commission estime que l’argumentation exposée au soutien du présent moyen ne vise pas à contester la décision attaquée et devrait être déclarée irrecevable.

–       Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 11 et 22 du règlement n° 2848/98

109    Dans le cadre de ce moyen, qui vise exclusivement la correction financière relative à la compensation des quotas effectuée au niveau des groupements de producteurs, la République italienne fait valoir, en substance, que les compensations de quotas qu’elle a acceptées sont conformes à la réglementation en vigueur après 1998 et que, en tout état de cause, lesdites compensations ont été tolérées par la Commission, ainsi qu’il ressort de la note de 1994, qui prendrait en compte la particularité de la production de tabac italienne. Cette note, préparée par les autorités italiennes en collaboration avec les services de la Commission, serait restée valable même après la modification progressive du cadre réglementaire instauré par le règlement n° 2075/92. À cet égard, les services de la Commission auraient été constamment informés tant des dispositions en vigueur en Italie que de leur application effective, ainsi qu’en témoigneraient par exemple une télécopie envoyée à la Commission le 23 juillet 1996 et de nombreuses communications faites au titre de l’article 54 du règlement n° 2848/98.

110    Selon la République italienne, le règlement n° 1636/98 n’a en aucune manière modifié la teneur du cadre structurel de l’organisation commune de marché du tabac, mais s’inscrivait dans le cadre d’un processus de simplification et d’adaptation des règles existantes. Si tel n’avait pas été le cas, le législateur communautaire aurait adopté un nouveau règlement de base plutôt que de procéder à une adaptation du règlement n° 2075/92. Il conviendrait notamment de relever que l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92 est resté inchangé et que le rôle des groupements dans l’attribution des quotas semble avoir été maintenu même si cette réglementation fait référence sur certains points à des quotas « individuels » (voir notamment article 33 du règlement n° 2848/98). Il serait ainsi permis aux groupements de producteurs de répartir les dépassements d’un agriculteur sur les quotas des autres membres du groupement. Aussi, le rapport existant entre producteur individuel, quota, tabac éligible à la prime et parcelle cultivée serait resté inchangé.

111    La Commission conteste les griefs soulevés par la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92

112    D’emblée, il y a lieu de relever que le premier moyen, qui vise exclusivement les quotas non utilisables à la suite de sanctions réglementaires, doit être déclaré irrecevable, dès lors que le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer ce que la République italienne entend avancer par celui-ci. En effet, ainsi que la Commission l’a fait relever, la République italienne a indiqué partager son avis quant à l’utilisation desdits quotas.

113    À cet égard, la République italienne n’a pas même tenté d’expliciter ce moyen dans la réplique, et ce en dépit de l’occasion qui lui a été donnée compte tenu des remarques avancées par la Commission dans le mémoire en défense, et lors de l’audience, en réponse aux questions posées à cet égard par le Tribunal.

114    Dans ces conditions, il convient de rejeter le présent moyen dès lors que la République italienne ne s’est pas conformée aux exigences procédurales en matière d’exposé des moyens invoqués telles qu’elles ressortent de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Il résulte en effet de cette disposition que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal du 22 novembre 2006, Italie/Commission, T‑282/04, non publié au Recueil, point 60, et la jurisprudence citée), ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

–       Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 11 et 22 du règlement n° 2848/98

115    Il ressort du rapport de synthèse que la Commission a justifié l’application d’une correction financière aux dépenses déclarées par la République italienne dans le secteur du tabac brut par le fait que cette dernière avait, en raison d’un système de compensation des quotas entre titulaires au sein d’un même groupement de producteurs, déclaré des dépenses non éligibles au titre des exercices 2003 et 2004. Les services de la Commission avaient en effet constaté, lors de la mission d’audit menée en septembre 2003, que l’AGEA, organisme payeur chargé notamment de l’attribution aux producteurs individuels des quotas, avait considéré que, dans l’hypothèse de réductions de quotas applicables pour une récolte donnée, les quantités correspondant à ces pénalisations pouvaient être redistribuées par les producteurs ayant conclu des contrats avec un groupement donné. Ce faisant, l’AGEA autorisait un système horizontal (au sein d’un même contrat de culture) et vertical (entre contrats de culture) de compensations de quotas individuels.

116    Le Tribunal rappelle que, ainsi qu’il ressort de la réglementation exposée aux points 92 à 97 ci-dessus, les règlements nos 711/95 et 2848/98 ont modifié fondamentalement le régime des quotas qui avait été mis en place jusqu’alors, faisant passer le mécanisme de quotas à la transformation à un mécanisme de quotas individuels à la production. Dans un tel système, la possibilité de compensation des quotas attribués aux producteurs individuels qui existait jusqu’alors au sein d’une même organisation de producteurs n’est plus permise de la même façon.

117    En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 2 du règlement n° 1636/98, le marché du tabac, caractérisé par une inadaptation de l’offre et de la demande, a exigé la mise en place d’une « réforme fondamentale » du secteur en vue d’améliorer sa situation économique. Dans cette perspective, l’article 9 du règlement n° 2075/92, tel que modifié par le règlement n° 1636/98, dispose que, pour assurer le respect des seuils de garantie, il est instauré un régime de quotas de production, alors que, pour les récoltes de 1993 à 1997, un régime de quotas de transformation était applicable. L’article 10 du règlement n° 2075/92, tel que modifié par le règlement n° 1636/98, prévoit quant à lui qu’aucune prime ne peut être octroyée pour des quantités supérieures au quota du producteur.

118    Quant au règlement n° 2848/98, il rappelle, en son article 9, que, conformément aux dispositions de l’article 5, sous a) et c), du règlement n° 2075/92, l’octroi de la prime est soumis à la condition que le tabac en feuilles provienne d’une zone de production déterminée et qu’il soit livré sur la base d’un contrat de culture conforme à l’article 9 du règlement n° 2848/98. Ce dernier article précise notamment que le contrat de culture comporte l’« attestation du quota du producteur », le « lieu exact où le tabac est produit » et la « superficie de la parcelle en cause ». Conformément à l’article 11 de ce dernier règlement, lorsque le contrat de culture est conclu entre une entreprise de transformation et un groupement de producteurs, le contrat est accompagné d’une « liste nominative des producteurs et de leurs superficies respectives ».

119    Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, dans le cadre du système issu de la réforme de 1998, l’octroi de la prime est conditionné par l’existence d’un lien entre les quantités de tabac en feuilles livrées par les producteurs et les parcelles indiquées dans les contrats. Dans un tel système, toute compensation de quotas de production entre producteurs individuels ne saurait être admise, puisqu’elle aurait pour effet de supprimer le lien existant pour chaque producteur entre la quantité de tabac brut et la parcelle sur laquelle il a été produit.

120    Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, l’interprétation défendue par la République italienne ne trouve aucun appui sur la réglementation applicable à compter de l’entrée en vigueur de la réforme de 1999, soit à partir de la campagne 1999.

121    Le fait que cette interprétation trouverait appui dans la note de 1994 ne saurait infirmer cette conclusion.

122    En effet, non seulement cette note, qui date d’une période où le nouveau régime n’était pas encore applicable, est caduque, mais une telle note, dont les circonstances d’élaboration n’ont pas été précisées, ne saurait primer les dispositions claires de la réglementation communautaire. En tout état de cause, il ressort de ce document, qu’il a été demandé à la République italienne de produire dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure (voir point 11 ci-dessus), qu’il a été élaboré par un agent du ministère des Ressources agricoles, alimentaires et forestières italien et qu’il constituait uniquement un document de travail concernant les compensations « pour la récolte 1993 » qui était censé refléter la position exprimée par la Commission. En outre, ce document indique clairement que la possibilité de procéder à des compensations entre des productions excédentaires et déficitaires, par rapport aux quantités inscrites sur les certificats de culture de leurs membres, est réservée aux associations de producteurs qui peuvent être considérées comme des « producteurs » au sens de l’article 2, troisième tiret, du règlement (CEE) n° 3477/92 de la Commission, du 1er décembre 1992, relatif aux modalités d’application du régime de quotas dans le secteur du tabac brut pour les récoltes 1993 et 1994 (JO L 351, p. 11).

123    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de rejeter comme non fondé le second moyen dirigé à l’encontre de la correction financière appliquée au secteur du tabac brut.

124    Partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 novembre 2010.

Signatures

Table des matières


Réglementation communautaire relative au financement de la politique agricole commune

Réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune

Réglementation spécifique relative à la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie »

Orientations de la Commission pour l’application des corrections financières

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la correction financière appliquée dans le secteur des produits transformés à base de tomates

Réglementation communautaire

Antécédents du litige

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les corrections financières appliquées dans le cadre du régime d’acquisition de bovins à des fins de destruction

Réglementation communautaire relative aux mesures exceptionnelles en faveur du marché de la viande bovine

Antécédents du litige

Arguments des parties

– Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000 en ce qui concerne la correction de 2 % appliquée aux dépenses relatives à la destruction des bovins en raison des faiblesses observées dans les contrôles

– Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4 de la décision 97/735 en ce qui concerne la correction de 5 % appliquée aux dépenses relatives au suif transporté pour la destruction en France et en Allemagne

Appréciation du Tribunal

– Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2777/2000 en ce qui concerne la correction de 2 % appliquée aux dépenses relatives à la destruction des bovins en raison des faiblesses observées dans les contrôles

– Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4 de la décision 97/735 en ce qui concerne la correction de 5 % appliquée aux dépenses relatives au suif transporté pour la destruction en France et en Allemagne

Sur la correction financière appliquée dans le cadre du régime des primes pour le tabac

Réglementation communautaire

Antécédents du litige

Arguments des parties

– Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92

– Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 11 et 22 du règlement n° 2848/98

Appréciation du Tribunal

– Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92

– Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 11 et 22 du règlement n° 2848/98

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.