Language of document : ECLI:EU:T:2012:200

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 avril 2012 (*)

« Coopération au développement – ECHO – EuropeAid – Exclusion des contrats et subventions financés par le budget communautaire et par le FED – Mise en liquidation et cessation d’activité de l’organisation humanitaire – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑52/07,

Movimondo Onlus – Organizzazione non governativa di cooperazione e solidarietà internazionale, établie à Rome (Italie), représentée par Mes P. Vitali, G. Verusio, G. M. Roberti et A. Franchi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Wilderspin, C. Hermes et Mme F. Moro, en qualité d’agents, assistés de M. A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 5802 final de la Commission, du 1er décembre 2006, visant à imposer une sanction administrative à l’organisation non gouvernementale (ONG) Movimondo Onlus – Organizzazione non governativa di cooperazione e solidarietà internazionale,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        La requérante, Movimondo Onlus – Organizzazione non governativa di cooperazione e solidarietà internazionale, est une association non gouvernementale italienne à vocation humanitaire. Elle bénéficie du statut d’organisation d’utilité sociale à but non lucratif selon le droit italien.

2        Le 8 juillet 2003, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête portant sur la gestion des procédures de passation de marchés de la part de la requérante dans le cadre de certains contrats financés par le budget communautaire. Par lettre du 22 février 2005, la Commission des Communautés européennes a informé la requérante de la suspension d’un contrat‑cadre de partenariat signé le 6 novembre 2003 avec l’Office d’aide humanitaire (ECHO) de la Commission. Par lettres des 14 et 17 juin 2005, la Commission a informé la requérante que l’Office de coopération EuropeAid et l’ECHO, respectivement, seraient associés à l’enquête de l’OLAF afin d’apprécier l’exécution conforme de tous les contrats conclus avec la requérante et que tout paiement au titre de ceux-ci était suspendu jusqu’à la clôture de l’audit.

3        Par lettre du 12 août 2005, l’OLAF a communiqué à la requérante, notamment, un projet de rapport d’audit daté du 10 août 2005, élaboré par le cabinet Ernst & Young et portant sur l’exécution de 15 contrats relevant d’EuropeAid (ci‑après les « contrats EuropeAid ») et un projet de rapport d’audit daté du 11 août 2005, élaboré par le cabinet GDA Revisori Indipendenti (ci-après « GDA »), portant sur l’exécution de 29 contrats relevant de l’ECHO (ci-après les « contrats ECHO »). La requérante a été invitée à soumettre ses observations pour le 1er octobre 2005.

4        Par lettre du 6 septembre 2005, la Commission a informé la requérante que le rapport d’audit élaboré par Ernst & Young mettait en évidence une série d’irrégularités graves concernant, notamment, les procédures d’appel d’offres menées sous la responsabilité de la requérante, de sorte que la violation de plusieurs stipulations des contrats EuropeAid devait être constatée. La requérante a été invitée à soumettre ses observations pour le 1er octobre 2005.

5        Après avoir reçu une prorogation des délais, la requérante a soumis ses observations le 31 octobre 2005.

6        Par lettres des 7 juin et 7 septembre 2006, la Commission a communiqué à la requérante les versions finales respectivement des rapports d’audit de GDA portant sur les contrats ECHO et d’Ernst & Young portant sur les contrats EuropeAid. Par lettre du 11 août 2006, l’OLAF a accordé à la requérante un accès partiel à la version finale de son propre rapport daté du 16 juin 2006.

7        Par lettre du 26 octobre 2006, la Commission a notifié à la requérante la résiliation du contrat‑cadre de partenariat signé avec l’ECHO.

8        Par décision en date du 1er décembre 2006 (ci-après la « décision attaquée ») adressée à la requérante, la Commission a exclu cette dernière de tout contrat ou subvention financé par le budget communautaire et par le neuvième Fonds européen de développement (FED), y compris le contrat‑cadre de partenariat signé avec l’ECHO pendant une période de deux ans, sans préjudice d’autres sanctions administratives susceptibles d’être adoptées par la Commission ou par les autorités nationales compétentes.

9        Selon le considérant 23 de la décision attaquée, les rapports de l’OLAF, d’Ernst & Young et de GDA mettent en évidence les cinq catégories d’irrégularités qui suivent :

–        contournement des règles relatives aux procédures de passation des marchés gérés par la requérante ;

–        absence d’audition des contrats par un bureau d’audit indépendant ;

–        absence de preuves documentaires relatives aux dépenses encourues par la requérante ;

–        conclusion d’un accord-cadre avec la société Cogefo ayant pour objet l’organisation des procédures de passation de marchés et participation de cette dernière société en tant que soumissionnaire aux procédures en cause ;

–        surfacturation des coûts relatifs au personnel de la requérante.

10      La Commission souligne, aux considérants 24 et 25 de la décision attaquée, que les constatations relatives aux 44 contrats audités (voir point 3 ci-dessus), auxquelles elle adhère, révèlent une faute professionnelle grave et des défauts graves d’exécution d’obligations contractuelles ayant compromis les objectifs d’une concurrence équitable s’agissant des procédures d’appel d’offres et de l’absence d’enrichissement du bénéficiaire des subventions au moyen de celles-ci.

11      En outre, la Commission souligne que le calcul de l’éventuel préjudice subi par le budget communautaire n’est pas un préalable à l’imposition d’une sanction telle que l’exclusion prononcée en vertu de la décision attaquée et que les explications de la requérante sur les prix payés pour des biens et les dépenses au titre des salaires ne sauraient être acceptées (considérants 27 et 28 de la décision attaquée).

12      La Commission a conclu que, dans ces conditions, la requérante, d’une part, avait manqué à son obligation d’exécuter les contrats auxquels elle est partie avec la diligence requise et, d’autre part, avait joué un rôle actif s’agissant de certaines irrégularités relatives à la passation des marchés publics et au calcul des dépenses au titre des salaires (considérants 34 et 35 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2007, la requérante a introduit le présent recours.

14      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a été invitée à produire les rapports d’audit établis par GDA et par Ernst & Young ainsi que la version du rapport d’audit de l’OLAF divulguée à la requérante jusqu’à la date d’adoption de la décision attaquée. Par lettre du 26 mai 2011, la Commission a déféré à cette demande.

15      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

16      Par lettre du 30 novembre 2011, la Commission a informé le Tribunal qu’une tentative de règlement amiable, notamment, du présent litige n’avait pas abouti.

17      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur le versement au dossier d’une lettre déposée par la requérante le 11 août 2011 dans le cadre de l’affaire T‑329/05, Movimondo Onlus/Commission. En outre, les parties ont été invitées à se prononcer sur le maintien d’un intérêt à agir de la requérante, eu égard à sa mise en liquidation et à la cessation de toute activité de sa part annoncées dans la lettre du 11 août 2011. Par lettres en date du 3 février 2012, les parties ont déféré aux demandes du Tribunal et ce dernier a, par suite, versé la lettre du 11 août 2011 au dossier de la présente affaire.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, déclarer illégaux et inapplicables les articles 133 et 175 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        en tout état de cause, condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      Au soutien de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, en substance, premièrement, de la violation de certaines dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248 p. 1), du règlement n° 2342/2002 et du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), deuxièmement, d’une erreur de fait, troisièmement, de la violation des droits de la défense, quatrièmement, d’une erreur de fait et d’un défaut de motivation et, cinquièmement, d’un défaut de motivation et de la prescription des faits reprochés.

21      Dans sa lettre du 3 février 2012, la requérante confirme avoir cessé toute activité et s’être mise en liquidation, comme cela est exposé dans la lettre du 11 août 2011 (voir point 17 ci-dessus). Or, ainsi que l’expose la Commission dans sa lettre du 3 février 2012, ces circonstances ont pour conséquence que la requérante ne conserve pas d’intérêt à la solution du présent litige.

22      À cet égard, il convient de relever que l’existence d’un intérêt à agir suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte. En outre, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer (arrêt du Tribunal du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, non publié au Recueil, points 20, 36 et 38).

23      En l’espèce, dès lors que la décision attaquée exclut la requérante de tout contrat ou subvention financé par le budget communautaire et par le neuvième FED, y compris le contrat‑cadre de partenariat signé avec l’ECHO, pendant une période de deux ans, cette dernière avait, au moment de l’introduction du recours, un intérêt à agir. En effet, la décision attaquée faisait grief à la requérante en tant qu’organisation active dans le domaine de l’aide humanitaire, qui se voyait exclue des contrats ou subventions financés par le budget communautaire ou par le neuvième FED. Or, si la requérante a cessé son activité et, de surcroît, est entrée en liquidation, ce qui exclut toute activité future dans ce domaine, une annulation de la décision attaquée ne saurait lui procurer aucun bénéfice en rapport avec ses objectifs statutaires.

24      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante, selon lequel l’annulation éventuelle de la décision attaquée pourra fonder un recours en indemnité.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que l’action en indemnité fondée sur les articles 268 TFUE et 340 TFUE est une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique. Elle se différencie du recours en annulation en ce qu’elle tend non à la suppression d’une mesure déterminée, mais à la réparation du préjudice causé par une institution. Le principe de l’autonomie du recours en indemnité trouve ainsi sa justification dans le fait qu’un tel recours se singularise par son objet du recours en annulation. Ainsi, un recours en indemnité doit être déclaré irrecevable lorsqu’il tend, en réalité, au retrait d’un acte devenu définitif et qu’il aurait pour effet, s’il était accueilli, d’annihiler les effets juridiques de l’acte en question, ce qui est, par exemple, le cas lorsqu’il vise au paiement d’une somme dont le montant correspond exactement à celui des sommes payées par le requérant en exécution de l’acte devenu définitif (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, points 45 et 50).

26      En revanche, un recours visant à la réparation de l’éventuel préjudice matériel ou moral subi par la requérante à cause de l’adoption de la décision attaquée ne viserait pas au retrait ni à l’annihilation des effets de celle-ci. Ce recours serait donc recevable indépendamment du fait que la décision attaquée sera entre-temps devenue définitive à la suite du prononcé d’un non‑lieu de la part du Tribunal, si bien que la requérante pourrait fonder ce recours sur toute illégalité dont serait, à son avis, entachée ladite décision. Il convient d’ajouter, en outre, que la possibilité d’introduire un recours en indemnité est, dans les circonstances de l’espèce, purement hypothétique, dès lors que la requérante n’a pas introduit un tel recours, même si rien ne l’empêchait de le faire (voir, en ce sens, arrêt Socratec/Commission, précité, point 47).

27      Par conséquent, à supposer même que la requérante entende réellement introduire un tel recours, comme elle s’en réserve le droit explicitement au point 75 de la requête, force est de constater que l’annulation de la décision attaquée n’en constitue pas un préalable et que cette intention ne démontre pas l’existence d’un intérêt actuel à la solution du présent litige.

28      Quant à l’éventualité que la requérante conserve un intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée afin d’éviter que les illégalités dont celle-ci est prétendument entachée ne se reproduisent à l’avenir, il suffit de rappeler que cet intérêt à agir ne saurait exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, points 50 et 52). Or, eu égard à la cessation de toute activité de la part de la requérante, cette éventualité doit être exclue.

29      Dans ces conditions, il échet de constater que la requérante ne conserve pas un intérêt actuel à la solution du présent litige, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

 Sur les dépens

30      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

31      En l’espèce, il y a lieu de décider que la requérante et la Commission supporteront chacune ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Movimondo Onlus – Organizzazione non governativa di cooperazione e solidarietà internazionale et la Commission européenne supporteront chacune ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 avril 2012.

Le greffier

 

             Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’italien.