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Affaires jointes T-407/06 et T-408/06

Zhejiang Aokang Shoes Co., Ltd et
Wenzhou Taima Shoes Co., Ltd

contre

Conseil de l’Union européenne

« Dumping — Importations de chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Traitement individuel — Échantillonnage — Droits de la défense — Égalité de traitement — Préjudice — Confiance légitime — Obligation de motivation »

Sommaire de l'arrêt

1.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping — Détermination de la valeur normale — Échantillonnage

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 9, § 6, et 17, § 1, 2 et 3)

2.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping — Détermination de la valeur normale — Importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché tels que visés à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement nº 384/96 — Échantillonnage

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 7, b), 9, § 6, et 17, § 1 et 3)

3.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Procédure antidumping — Droits de la défense — Communication aux entreprises par la Commission de l'information finale

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 20, § 2 et 4)

4.      Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Respect dans le cadre des procédures administratives — Antidumping — Obligation des institutions d'assurer l'information des entreprises concernées — Document d'information finale additionnel

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 20, § 5)

5.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Préjudice — Période à prendre en considération

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 3, § 2)

1.      Selon le libellé de l'article 17, paragraphes 1 et 3, du règlement antidumping de base nº 384/96, le recours à l'échantillonnage, en tant que technique permettant de faire face au nombre important de plaignants, d'exportateurs, d'importateurs, de types de produits ou de transactions, constitue une limitation de l'enquête. Cette appréciation est confirmée par l'article 9, paragraphe 6, dudit règlement de base, selon lequel les producteurs ne faisant pas partie de l'échantillon ne sont pas inclus dans l'enquête.

Le règlement de base prévoit néanmoins que, lorsque cette limitation est opérée, les institutions communautaires doivent satisfaire à deux obligations. Tout d'abord, l'échantillon constitué doit être représentatif au sens de l'article 17, paragraphes 1 et 2, dudit règlement de base. Ensuite, l'article 9, paragraphe 6, du même règlement prévoit que la marge de dumping établie pour les producteurs ne faisant pas partie de l'échantillon ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l'échantillon.

(cf. points 83-84)

2.      En cas de recours à la technique de l'échantillonnage telle que prévue par l'article 17 du règlement anti-dumping de base nº 384/96, les producteurs qui ne font pas partie de l'échantillon ne peuvent demander le calcul d'une marge de dumping individuelle, qui présuppose l'acceptation d'une demande de statut d'entreprise évoluant en économie de marché ou de traitement individuel lorsqu'il s'agit des pays concernés par l'article 2, paragraphe 7, sous b), dudit règlement de base, que sur la base de l'article 17, paragraphe 3, de ce règlement. Toutefois, cette dernière disposition donne à la Commission le pouvoir d'apprécier si, eu égard au nombre de telles demandes, leur examen compliquerait indûment sa tâche et empêcherait l'achèvement de l'enquête en temps utile.

Il en résulte que le règlement anti-dumping de base n'octroie pas aux opérateurs ne faisant pas partie de l'échantillon un droit inconditionnel à bénéficier du calcul d'une marge de dumping individuelle. L'acceptation d'une telle demande dépend en effet de la décision de la Commission relative à l'application de l'article 17, paragraphe 3, dudit règlement de base. En outre, l'octroi d'un tel statut ou d'un tel traitement ne servant, conformément à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du même règlement, qu'à déterminer la méthode de calcul de la valeur normale en vue d'un calcul des marges de dumping individuelles, la Commission n'est pas tenue d'examiner les demandes provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l'échantillon, lorsqu'elle a conclu, dans le cadre de l'application de l'article 17, paragraphe 3, du règlement de base, que le calcul de telles marges compliquerait indûment sa tâche et l'empêcherait d'achever l'enquête en temps utile.

L'application de ces règles ne constitue pas une violation du principe d'égalité de traitement entre les sociétés faisant partie de l'échantillon et celles n'en faisant pas partie, ces deux catégories se trouvant dans des situations différentes dès lors que, pour les premières, la Commission doit nécessairement calculer une marge de dumping individuelle, ce qui présuppose l'examen et l'acceptation d'une telle demande de statut ou de traitement, alors qu'elle n'est pas obligée d'établir une marge individuelle pour les secondes.

En outre, le principe d'égalité de traitement entre les sociétés ne faisant pas partie de l'échantillon n'impose pas à la Commission de se prononcer sur l'ensemble des demandes qui lui ont été soumises, en sorte que les producteurs ou exportateurs ne faisant pas partie de l'échantillon, mais auxquels un tel statut ou un tel traitement serait accordé, puissent se voir appliquer la marge moyenne de dumping des sociétés de l'échantillon auxquelles un tel statut ou un tel traitement aurait été accordé.

En effet, dans l'hypothèse où le nombre de demandes serait si important que leur examen empêcherait les institutions communautaires d'achever l'enquête en temps utile, celles-ci ne seraient, conformément à l'article 17, paragraphe 3, du règlement de base, pas tenues de se prononcer sur l'ensemble de ces demandes, et ce même à la seule fin de distinguer, parmi les sociétés ne figurant pas dans l'échantillon, celles qui pourraient ou non bénéficier d'un tel statut ou d'un tel traitement, dans le but de leur appliquer la marge moyenne de dumping des sociétés de l'échantillon auxquelles un tel statut ou un tel traitement aurait été accordé, sans pour autant calculer une marge de dumping individuelle.

(cf. points 87-89, 92-94)

3.      Les entreprises concernées par une enquête précédant l'adoption d'un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l'appui de son appréciation sur l'existence d'une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait.

Dans ce contexte, le caractère incomplet de l'information finale demandée par les parties en vertu de l'article 20, paragraphe 2, du règlement antidumping de base nº 384/96 n'entraîne l'illégalité d'un règlement instituant des droits antidumping définitifs que si, en raison de cette omission, les parties intéressées n'ont pas été en mesure de défendre utilement leurs intérêts. Tel serait notamment le cas lorsque l'omission porte sur des faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires, auxquels une attention particulière doit être accordée dans l'information finale, selon ladite disposition. Tel est également le cas lorsque l'omission porte sur des faits ou considérations différents de ceux sur lesquels se fonde une décision prise par la Commission ou le Conseil postérieurement à la communication du document d'information finale, ainsi qu'il ressort de l'article 20, paragraphe 4, dernière phrase, dudit règlement de base.

Le fait que la Commission a modifié son analyse à la suite des commentaires que les parties intéressées ont formulés sur le document d'information finale ne constitue toutefois pas, en soi, une violation des droits de la défense. En effet, ainsi qu'il résulte de l'article 20, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, le document d'information finale ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure de la Commission ou du Conseil. Cette disposition se limite à imposer à la Commission le devoir de communiquer, dès que possible, les faits et considérations différents de ceux appuyant son approche initiale contenue dans le document d'information finale. Par conséquent, afin de déterminer si la Commission a respecté les droits des parties concernées découlant de l'article 20, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, il y a encore lieu de vérifier si la Commission leur a communiqué les faits et considérations retenus aux fins de la nouvelle analyse sur le préjudice et sur la forme des mesures requises pour l'éliminer, dans la mesure où ceux-ci diffèrent de ceux retenus dans le document d'information finale.

(cf. points 108, 132-133, 138-139)

4.      En accordant au producteur soumis à une enquête antidumping un délai inférieur à dix jours afin de commenter le document d'information finale additionnel, la Commission enfreint l'article 20, paragraphe 5, du règlement antidumping de base nº 384/96. Néanmoins, cette circonstance ne saurait, en elle-même, conduire à l'annulation du règlement attaqué. En effet, il faut encore établir que le fait de disposer d'un délai inférieur au délai légal a été de nature à affecter concrètement ses droits de la défense dans le cadre de la procédure en cause.

(cf. point 145)

5.      L'institution de droits antidumping ne constitue pas la sanction d'un comportement antérieur, mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping. Ainsi, il est nécessaire de mener l'enquête sur la base d'informations aussi actuelles que possible afin de pouvoir fixer des droits antidumping qui sont propres à protéger l'industrie communautaire contre les pratiques de dumping.

Lorsque les institutions communautaires constatent que les importations d'un produit assujetti jusqu'alors à des restrictions quantitatives augmentent après l'expiration desdites restrictions, elles peuvent tenir compte de cet accroissement aux fins de leur appréciation du préjudice subi par l'industrie communautaire.

(cf. points 155-156)