Language of document : ECLI:EU:T:2014:235

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

30 avril 2014 (*)

« Aides d’État – Aides accordées par les autorités hongroises en faveur de certains producteurs d’électricité – Accords d’achat d’électricité conclus entre une entreprise publique et certains producteurs d’électricité – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Obligation de motivation – Notion d’aide d’État – Avantage – Caractère sélectif – Ressources d’État – Imputabilité à l’État – Affectation des échanges entre États membres – Droits de la défense – Sécurité juridique – Confiance légitime – Égalité de traitement – Proportionnalité – Excès de pouvoir – Article 10 du traité sur la charte de l’énergie »

Dans l’affaire T‑468/08,

Tisza Erőmű kft, anciennement AES-Tisza Erőmű kft, établie à Tiszaújváros (Hongrie), représentée initialement par Mes T. Ottervanger et E. Henny, puis par MOttervanger, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, N. Khan et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2009/609/CE de la Commission, du 4 juin 2008, concernant les aides d’État C 41/05 accordées par la Hongrie dans le cadre d’accords d’achat d’électricité (JO 2009, L 225, p. 53),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, G. Berardis (rapporteur) et C. Wetter, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Informations concernant la requérante

1        La requérante, Tisza Erőmű kft, anciennement AES-Tisza Erőmű kft, est un producteur d’électricité sur le marché de l’électricité hongrois. En 1996, lorsque la société était encore une entreprise publique, elle a été rachetée par AES à Magar Villamos Muvek Zrt (ci-après « MVM »), une entité détenue à 99 % par l’État, et à la société holding étatique hongroise chargée des privatisations. AES, qui intervient dans le secteur de l’électricité hongroise depuis 1996, est une filiale indirecte d’AES Corp., une société ayant des opérations dans 27 pays, sur les cinq continents. Pour la reprise de ladite entreprise publique, l’offre d’AES a été acceptée à la suite de sa participation à un appel d’offres ouvert et publié à travers le monde.

2        Dans ce contexte, AES a repris l’accord d’achat d’électricité à long terme préalablement conclu, le 10 octobre 1995, entre MVM et l’entreprise publique en cause (ci-après l’« AAE en cause »). L’AAE en cause concerne la centrale électrique Tisza II, construite entre 1972 et 1978, dont la capacité brute de production, d’approximativement 860 MW, est répartie entre quatre unités de 215 MW. Ladite centrale électrique fonctionne essentiellement au gaz naturel et a été substantiellement modernisée afin d’être conforme aux standards européens. Les nouvelles unités modernisées sont entrées en service au cours de l’année 2004.

3        L’article 41, paragraphe 1, de la loi hongroise XLVIII de 1994, relative à la production, au transport et à la fourniture d’électricité (ci-après la «  première loi sur l’énergie électrique »), qui était en vigueur au moment de la signature de l’AAE en cause, prévoyait que « les producteurs d’électricité d’intérêt général [étaient] obligés d’offrir leur production au distributeur [MVM] » et qu’« [u]n accord portant sur l’utilisation de la capacité de production ainsi que sur l’achat de l’électricité produite [devait] être conclu ».

4        Après la privatisation, par un accord conclu le 19 décembre 2001 entre la Hongrie, MVM, la requérante et AES Corp. (ci-après l’« accord de 2001 »), l’AAE en cause a été partiellement modifié.

  Accords d’achat d’électricité

5        Comme la requérante, d’autres producteurs d’électricité sur le marché hongrois ont conclu des accords d’achat d’électricité à long terme avec MVM (ci-après les « AAE »).

6        Ces AAE se caractérisent principalement par deux éléments. D’une part, ils réservent à MVM la totalité ou la majeure partie de la capacité de production des centrales électriques visées par l’accord.

7        D’autre part, les AAE obligent MVM à acheter auprès de chaque centrale électrique exploitée dans leur cadre une quantité d’électricité minimale déterminée. Ils prévoient ainsi un niveau de prélèvement minimal pour chaque centrale électrique, que MVM est tenue d’acheter chaque année.

8        Les prix ont été fixés dans les AAE comme suit :

–        un premier et un second cycle de réglementation des prix, respectivement à partir du 1er janvier 1997 et du 1er janvier 2001, ont d’abord été mis en place ;

–        à partir du 1er janvier 2004, la réglementation a prévu la mise en place :

–        d’une redevance de capacité pour les capacités réservées, afin de payer la mise à disposition de cette capacité ; cette redevance couvre les coûts fixes et le coût du capital et est acquittée par MVM ;

–        d’une redevance d’électricité pour payer le prélèvement minimal prévu, laquelle redevance couvre les coûts variables ; cependant, si MVM n’achète pas cette quantité minimale fixée, elle est alors tenue de payer les coûts des combustibles.

 Marché de l’électricité hongrois

9        Le marché de l’électricité hongrois a connu trois régimes consécutifs.

10      Le premier régime, en vigueur du 31 décembre 1991 au 31 décembre 2002, s’articulait autour d’un acheteur unique, à savoir MVM. En effet, les producteurs d’électricité ne pouvaient vendre directement l’énergie qu’audit acheteur unique et lui seul était en droit de fournir l’électricité aux distributeurs régionaux. Conformément à la première loi sur l’énergie électrique, cet acheteur unique était tenu d’assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Hongrie en observant le principe du moindre coût.

11      Le deuxième régime, en vigueur du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2007, a été mis en place par la loi de 2001. Dans le cadre de ce régime, un secteur de service public, représentant environ 70 % de la production d’électricité, coexistait avec un secteur concurrentiel, représentant environ 30 % de ladite production. Dans le premier secteur, MVM était le seul grossiste, tandis que, dans le second secteur, d’autres opérateurs intervenaient également, MVM opérant seulement pour écouler les quantités excédentaires achetées dans le cadre des AAE et non demandées dans le secteur de service public.

12      Le troisième régime, en vigueur à compter du 1er janvier 2008 a été mis en place par la loi de 2007. Il a notamment aboli le secteur de service public.

 Adhésion de la Hongrie à l’Union européenne

13      Le traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17) a été signé par la Hongrie le 16 avril 2003 et est entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « traité d’adhésion »).

 Procédure devant la Commission

14      Par lettre du 31 mars 2004, la Commission des Communautés européennes a reçu des autorités hongroises une notification concernant le décret gouvernemental n° 183/2002 (VIII.23.) fixant les modalités relatives à la définition et à la gestion des « coûts échoués » conformément à la procédure (ci-après la « procédure du mécanisme provisoire ») visée à l’annexe IV, chapitre 3, paragraphe 1, sous c), de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 797, ci-après l’« acte d’adhésion »). Le décret gouvernemental notifié régit le système de compensation des coûts supportés par MVM en tant que grossiste en électricité. La Commission a enregistré la notification en cause sous la référence HU 1/2004.

15      Par la suite, les autorités hongroises et la Commission ont échangé un certain nombre de lettres officielles concernant la mesure notifiée. Par lettre du 21 décembre 2004, la requérante a formulé des commentaires sur la notification enregistrée sous la référence HU 1/2004.

16      Par lettre du 13 avril 2005, les autorités hongroises ont retiré la notification concernant le décret gouvernemental n° 183/2002. Le 4 mai 2005, conformément au règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), la Commission a, d’office, enregistré, sous la référence NN 49/05, un dossier d’aide d’État concernant les AAE.

17      Par lettre datée du 24 mai 2005, la Commission a adressé une demande d’informations complémentaires aux autorités hongroises. Après avoir reçu la réponse de la Hongrie et avoir recueilli des informations complémentaires, la Commission a, par lettre du 9 novembre 2005, notifié à la Hongrie sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant les aides d’État C 41/05 (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure »).

18      La lettre informant la Hongrie de la décision d’ouverture en raison des doutes quant à la compatibilité de l’AAE en cause avec le marché commun, accompagnée d’un résumé de cette décision invitant toutes les parties intéressées à présenter leurs observations, a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 21 décembre 2005 (JO C 324, p. 12). À la suite de cette publication, la Commission a reçu les observations notamment des autorités hongroises et des producteurs hongrois d’électricité, dont la requérante. En effet, cette dernière a déposé ses observations par lettres des 13 et 14 février 2006. Par lettres du 14 décembre 2006 et du 5 mars 2008, la requérante a présenté de nouvelles observations à la Commission.

 Décision attaquée

19      Le 4 juin 2008, la Commission a adopté la décision 2009/609/CE concernant les aides d’État C 41/05 accordées par la Hongrie dans le cadre d’accords d’achat d’électricité (JO 2009, L 225, p. 53,ci-après la « décision attaquée »).

20      Après avoir explicité la procédure administrative suivie devant elle, la Commission a effectué une description des AAE, puis a indiqué les motifs justifiant l’ouverture de la procédure concernant les aides d’État (considérants 1 à 87 de la décision attaquée). Elle a ensuite rappelé les différentes observations déposées devant elle, notamment par la Hongrie et par la requérante (considérants 88 à 150 de ladite décision).

21      En outre, la Commission a procédé à une évaluation des AAE. En premier lieu, elle a indiqué que les autorités hongroises ne lui avaient pas notifié, conformément aux règles de procédure des aides d’État, les éléments contenus dans les AAE et que cette aide constituait donc une aide illégale (considérant 151 de la décision attaquée).

22      En deuxième lieu, la Commission a apporté des éléments de réponse aux observations de certaines parties intéressées et de la Hongrie proposant d’évaluer individuellement les AAE. Selon elle, il convenait d’évaluer conjointement les AAE, sans toutefois que cette approche globale empêchât de tenir compte des divergences existant effectivement entre ces AAE (considérants 152 à 154 de la décision attaquée).

23      En troisième lieu, la Commission a recherché si les quatre conditions cumulatives pour qu’existe une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, étaient remplies (considérant 155 de la décision attaquée). À cet égard, dans un premier temps, concernant le moment approprié à prendre en considération pour l’évaluation, elle a estimé qu’elle était tenue d’examiner si les AAE répondaient aux critères de l’existence d’une aide d’État au jour de l’adhésion de la Hongrie à l’Union (considérants 156 à 173 de la décision attaquée). Dans un second temps, elle a vérifié si les AAE permettaient l’existence d’un avantage en faveur des producteurs d’électricité (considérants 174 à 276 de la décision attaquée), le caractère sélectif de cet avantage (considérants 277 à 283 de la décision attaquée), si les AAE impliquaient le transfert de ressources d’État (considérants 284 à 318 de la décision attaquée) etl’existence d’une distorsion de concurrence et les effets sur les échanges entre les États membres (considérants 319 à 340 de la décision attaquée).

24      En quatrième lieu, s’interrogeant sur l’applicabilité des AAE après l’adhésion de la Hongrie à l’Union, la Commission a considéré que ceux-ci étaient des mesures réputées applicables après ladite adhésion (considérants 341 à 366 de la décision attaquée).

25      En cinquième lieu, la Commission a évalué si les AAE constituaient une aide nouvelle, par opposition à une aide existante, et en a déduit que les AAE constituaient une aide nouvelle (considérants 367 à 381 de la décision attaquée).

26      En sixième lieu, en réponse aux observations soumises, la Commission a estimé que l’abrogation d’accords de droit privé valablement conclus ne portait pas atteinte aux principes de sécurité juridique et de proportionnalité (considérants 382 à 387 de la décision attaquée).

27      En septième lieu, la Commission a effectué une étude de compatibilité de l’aide d’État en cause au traité CE et en a conclu qu’elle était incompatible (considérants 388 à 436 de la décision attaquée).

28      En huitième lieu, la Commission a analysé la question du remboursement de l’aide d’État en cause (considérants 437 à 467 de la décision attaquée).

29      En conclusion, la Commission a constaté que les AAE fournissaient une aide d’État illégale au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE aux producteurs d’énergie électrique hongrois et que cette aide d’État était incompatible avec le marché commun. Elle a ajouté que l’aide d’État relative aux AAE était constituée par l’obligation de MVM d’acheter une certaine capacité et une certaine quantité minimale garantie d’énergie électrique à un prix couvrant les coûts fixes, variables et de capital pendant une partie importante de la durée de vie des unités de production et qui garantissait un retour sur investissement aux producteurs. Dès lors, elle a indiqué qu’il y avait lieu de supprimer ladite aide (considérants 468 à 470 de la décision attaquée).

30      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

1.      L’obligation d’achat établie par les [AAE] à long terme conclus entre [MVM] et [la requérante ainsi que six autres producteurs d’électricité hongrois] contient une aide d’État en faveur des producteurs d’énergie électrique selon l’article 87 [, paragraphe 1, CE].

2.      L’aide d’État évoquée [au paragraphe 1] est incompatible avec le marché commun.

3.      La Hongrie supprime l’attribution de l’aide d’État mentionnée [au paragraphe 1] dans un délai de six mois à compter de la réception de la présente décision.

Article 2

1.      La Hongrie doit faire rembourser par les bénéficiaires l’aide mentionnée à l’article [1er].

[…]

Article 3

1.      Dans un délai de deux mois suivant la notification de cette décision, la République de Hongrie informe la Commission des mesures déjà réalisées et prévues en vue de se conformer à cette décision. Elle l’informe en particulier des progrès réalisés en vue de la réalisation de la simulation de marché nécessaire aux fins d’établir le montant à rembourser, des détails de la [méthode] employée. Elle fournit également une description détaillée des données vouées à être utilisées dans cette simulation.

[…]

Article 4

1.      La Hongrie calcule le montant précis de l’aide à rembourser sur la base d’une simulation appropriée du marché de gros de l’énergie électrique tel que celui-ci aurait fonctionné si aucun des [AAE à] long terme mentionné à l’article [1er, paragraphe 1,] n’avait été en vigueur après le 1er mai 2004.

2.      Dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, la Hongrie calcule selon la méthode mentionnée [au paragraphe 1] les montants à rembourser et soumet à la Commission les informations pertinentes concernant cette simulation, notamment les résultats de la simulation et une description détaillée des méthodes et données utilisées pour exécuter cette simulation.

Article 5

La Hongrie fait en sorte que l’aide mentionnée à l’article [1er] soit remboursée dans un délai de dix mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 6

Le destinataire de cette décision est la République de Hongrie. »

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

32      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle a conclu, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de l’article 1er de la décision attaquée, dans l’attente de l’adoption d’une ordonnance mettant fin à la procédure de référé, et, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal. Par ordonnance du président du Tribunal du 23 décembre 2008, AES-Tisza/Commission (T‑468/08 R, non publiée au Recueil), la demande en référé a été rejetée et les dépens ont été réservés.

33      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2009, Budapesti Erőmű Zrt, qui opère dans le domaine de la production d’énergie électrique en Hongrie, a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, cette demande a été signifiée aux parties en date du 9 mars 2009.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2009, la Commission a soulevé des objections à l’encontre de cette demande et a conclu à ce que le Tribunal condamne Budapesti Erőmű aux dépens afférents à la procédure d’intervention. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 avril 2009, la requérante a demandé à ce que la demande en intervention soit rejetée.

37      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal en date du 6 avril 2009. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2009, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines parties de la requête et de la réplique dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande d’intervention. Elle a transmis au greffe du Tribunal une version non confidentielle de ces documents le 15 avril 2009.

38      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2009, la Commission a également demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans le mémoire en défense et a produit le même jour une version non confidentielle de ce mémoire. La Commission a déposé au greffe du Tribunal la duplique en date du 22 juillet 2009.

39      Par ordonnance du Tribunal (sixième chambre) du 16 décembre 2009, Budapesti Erőmű a été admise à intervenir dans le présent litige au soutien des conclusions de la requérante et les dépens ont été réservés.

40      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2010, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines parties, d’une part, du mémoire en défense déposé par la Commission et, d’autre part, de la duplique également déposée par cette dernière. Elle a produit le même jour une version non confidentielle de ces mémoires. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2010, Budapesti Erőmű a indiqué ne pas soulever d’objections concernant cette demande de traitement confidentiel de la part de la requérante. Une version commune non confidentielle du mémoire en défense a été déposée par la Commission au greffe du Tribunal en date du 3 mars 2010.

41      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2010, Budapesti Erőmű a fait savoir qu’elle ne produirait pas de mémoire en intervention, mais qu’elle se réservait le droit de soumettre des observations orales lors de l’audience.

42      La procédure écrite a été clôturée le 10 février 2010.

43      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2011, conformément à l’article 64 du règlement de procédure, la requérante a demandé l’adoption de mesures d’organisation de la procédure invitant la Commission à produire des documents auxquels celle-ci se réfère dans la duplique, relatifs aux communications écrites et verbales entre celle-ci et MVM au cours de la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. Par lettres du 8 mars 2011, la Commission et Budapesti Erőmű ont déposé leurs observations sur cette demande au greffe du Tribunal.

44      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2011, Budapesti Erőmű a indiqué son intention de se retirer de la présente procédure. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 avril 2011, la Commission a indiqué ne pas avoir d’observations quant au retrait de Budapesti Erőmű et a demandé à ce que les dépens afférents à la procédure d’intervention soient supportés par cette dernière. La requérante n’a pas déposé d’observations dans le délai imparti.

45      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 5 mai 2011, Budapesti Erőmű a été radiée du registre en tant qu’intervenante dans la présente procédure. Elle a été condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission en relation avec la procédure d’intervention. La requérante a été condamnée à supporter ses propres dépens afférents à la procédure d’intervention.

46      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 mai 2012, la requérante a demandé la réouverture de la procédure écrite et l’autorisation de déposer de nouvelles offres de preuve, à savoir l’arrêt du Tribunal du 13 février 2012, Budapesti Erőmű/Commission (T‑80/06 et T‑182/09, non publié au Recueil) et la résolution n° 342/2010 de l’Office hongrois de l’énergie, afin de lui permettre de présenter des observations écrites sur ces documents.

47      Par décision du Tribunal du 17 janvier 2012, la présente affaire a été attribuée à la sixième chambre et le président de cette chambre a été désigné en qualité de juge rapporteur. Par décision du Tribunal du 21 septembre 2012, un nouveau juge rapporteur a été désigné.

48      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

49      Conformément à l’article 64 du règlement de procédure, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties, par lettre du 7 février 2013, à déposer leurs observations sur l’arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, au regard des moyens et des arguments développés dans le cadre du présent recours. Les observations des parties ont été déposées au greffe du Tribunal le 19 février 2013.

50      À cet égard, se référant notamment à ses écrits présentés au cours de la procédure écrite, la Commission a indiqué, pour chacun des moyens soulevés, les raisons pour lesquelles le présent recours, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, devrait être rejeté. Dans le cadre de ses observations, après avoir effectué plusieurs remarques introductives, la requérante a émis des observations concernant les spécificités de la présente affaire par rapport à l’affaire susmentionnée en ce qui concerne, en premier lieu, la date à partir de laquelle devait être examinée l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, en deuxième lieu, le critère de l’avantage économique, en troisième lieu, la question relative à la distorsion de concurrence et, en dernier lieu, la violation de l’article 88, paragraphe 3, CE et de l’article 14 du règlement n° 659/1999, ainsi que la récupération et le calcul de l’aide alléguée.

51      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2013, la requérante a notamment informé le Tribunal de son changement de dénomination, à savoir qu’elle ne se dénommait plus AES-Tisza Erőmű, maisTisza Erőmű Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, elle a fait savoir qu’elle serait accompagnée d’un expert lors de l’audience de plaidoiries.

52      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 16 mai 2013. En particulier, le Tribunal a posé une question à la requérante concernant la disposition de la première loi sur l’énergie électrique prévoyant l’obligation, pour les producteurs d’électricité, tels que la requérante, d’offrir leur production à MVM et de conclure avec cette dernière un accord portant sur l’utilisation de la capacité de production ainsi que sur l’achat de l’électricité. À cet égard, le Tribunal a décidé de ne pas clôturer la procédure orale à l’issue de l’audience et a octroyé à la requérante un délai d’une semaine pour lui confirmer quel était l’article de la loi susmentionnée énonçant cette obligation. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2013, la requérante a répondu à la question posée par le Tribunal. Par lettre du 7 juin 2013, le Tribunal a informé les parties que le président de la sixième chambre du Tribunal avait décidé de clôturer la procédure orale le 6 juin 2013.

 En droit

53      Au soutien du recours, la requérante développe sept moyens tirés, premièrement, d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE en ce que la Commission n’a pas établi l’existence d’un avantage, deuxièmement, d’une violation de principes fondamentaux du droit de l’Union, troisièmement, d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’application des critères prévus à l’article 87, paragraphe 1, CE, quatrièmement, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée au titre de l’article 253 CE, cinquièmement, d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, sixièmement, d’une violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne l’ordre de récupération et, septièmement, d’une violation de principes fondamentaux du droit de l’Union en raison de l’injonction de récupération de l’aide alléguée.

 Sur les premier et troisième moyens, tirés d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

54      Le premier moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas établi l’existence d’un avantage dans la décision attaquée, s’articule en trois branches, qui se confondent pour partie avec la première branche du troisième moyen, lié à la notion d’avantage économique. Il y a lieu, dès lors, de les examiner conjointement.

55      La première branche du premier moyen est tirée d’un défaut de prouver à suffisance de droit que la requérante a reçu un avantage financé au moyen de ressources d’État. Selon la requérante, la Commission n’a pas procédé à une évaluation individuelle de chacun des AAE. Elle prétend également que la Commission n’a pas correctement mis en œuvre le principe de l’investisseur privé en économie de marché. En premier lieu, l’approche de la Commission serait en conflit avec la jurisprudence de l’Union. En deuxième lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte des obligations du vendeur en application de l’AAE en cause. En troisième lieu, la Commission aurait eu recours à des références reposant uniquement sur des hypothèses.

56      La deuxième branche du premier moyen concerne la qualification erronée par la Commission des AAE en tant que système commun ou générique conférant un avantage. La requérante considère que la Commission a commis des erreurs en considérant les AAE comme un système générique et en qualifiant ce système générique d’avantage. L’AAE en cause serait un contrat négocié à des conditions commerciales normales avec MVM. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas examiné les différents AAE au cas par cas.

57      La troisième branche du premier moyen porte sur des erreurs de la Commission concernant la période pertinente pour l’évaluation des AAE. La requérante fait remarquer que l’approche de la Commission dans la décision attaquée a été fondamentalement modifiée par rapport à celle indiquée dans la décision d’ouverture de la procédure. De plus, conformément à la jurisprudence de l’Union, les mesures contenues dans l’AAE en cause devraient être évaluées selon une perspective ex ante. En outre, la requérante expose les raisons pour lesquelles la Commission ne saurait invoquer ni l’annexe IV, chapitre 3, de l’acte d’adhésion, ni l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, ni la jurisprudence de l’Union pour justifier sa position. Elle fait également référence à une décision de la Commission adoptée en matière d’aides d’État.

58      En substance, par ce moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de l’absence d’établissement d’un avantage, la requérante avance plusieurs critiques à l’égard de la décision attaquée, auxquelles il convient de répondre après avoir effectué quelques observations liminaires. Ces critiques portent, premièrement, sur la période pertinente pour l’évaluation des AAE, deuxièmement, sur la qualification d’aide nouvelle et non d’aide existante, troisièmement, sur la circonstance qu’une mesure qui ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE puisse le devenir, quatrièmement, sur la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé en économie de marché, cinquièmement, sur l’absence d’examen individuel des AAE et sur la qualification des AAE comme étant un « système commun ou générique », sixièmement, sur la référence à la durée des contrats de livraison d’électricité sur d’autres marchés et, septièmement, sur l’existence d’une aide d’État lorsque, au stade de la récupération, il n’y a aucun montant à rembourser au titre de cette aide.

 Observations liminaires

59      Il y a lieu de rappeler que, si la Hongrie a adhéré à l’Union le 1er mai 2004, elle a officiellement déposé sa demande d’adhésion le 31 mars 1994 et que l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part (JO 1993, L 347, p. 2, ci-après l’« accord européen incluant la Hongrie »), signé le 16 décembre 1991, est entré en vigueur le 1er février 1994. Quant à l’AAE en cause, il a été conclu le 10 octobre 1995.

60      L’article 62, paragraphe 1, sous iii), de l’accord européen incluant la Hongrie prévoit l’incompatibilité, dans la mesure où elle est susceptible d’affecter les échanges entre la Communauté et la Hongrie, de toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Le paragraphe 2 de cet article énonce que toute pratique contraire est évaluée sur la base des critères découlant de l’application de l’article 87 CE. Le paragraphe 3 dudit article ajoute que, dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur dudit accord, le conseil d’association, composé, d’une part, de membres du Conseil des Communautés européennes et de membres de la Commission des Communautés européennes et, d’autre part, de membres du gouvernement hongrois, adopte les réglementations nécessaires à la mise en œuvre des paragraphes 1 et 2. Au paragraphe 4 du même article, il est prévu que, aux fins de l’application des dispositions du paragraphe 1, sous iii), les parties conviennent que, pendant les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur dudit accord, toute aide publique octroyée par la Hongrie est évaluée en tenant compte du fait que ce pays est considéré comme étant une zone identique aux zones de la Communauté visées à l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE.

61      En dépit de ce qui était prévu à l’article 62, paragraphe 3, de l’accord européen incluant la Hongrie, le conseil d’association mentionné au point 60 ci-dessus n’a pas adopté de réglementation pour la mise en œuvre, notamment, du paragraphe 1, sous iii), de cet article. Quant à l’article 62, paragraphe 2, dudit accord, il ne se réfère qu’aux règles matérielles d’évaluation d’une aide et non aux règles de procédure, contenues à l’article 88 CE.

62      Ainsi, au moment où l’AAE en cause a été conclu, la Hongrie n’était tenue d’harmoniser que ses règles matérielles d’évaluation d’aides d’État en conformité avec l’article 87 CE. Cependant, avec le traité d’adhésion, entré en vigueur le 1er mai 2004, l’acquis communautaire en matière d’aides d’État, incluant les règles matérielles comme les règles de procédure, est devenu obligatoire en Hongrie. Afin d’assurer l’adhésion de la Hongrie à l’Union dans les meilleures conditions, l’annexe IV, point 3, de l’acte d’adhésion a prescrit des règles particulières pour les aides existant dans cet État, indépendamment du fait qu’elles ont été prises en conformité avec les dispositions légales nationales en vigueur avant ladite adhésion. En effet, les nouveaux États membres de l’Union ont accepté d’introduire dans cet acte des dispositions spécifiques en vertu desquelles toutes les mesures d’aides applicables après leur adhésion à l’Union et conclues après le 10 décembre 1994 devaient être notifiées à la Commission et examinées par elle sur la base de l’acquis communautaire.

 Sur la période pertinente pour l’évaluation des AAE

63      Contrairement à ce que soutient la requérante et au vu de ce qui vient d’être exposé, la date pertinente pour statuer sur la question de savoir si une mesure est compatible avec le marché commun ne saurait être la date de conclusion de l’AAE en cause, ni même toute autre date antérieure à la date d’adhésion de la Hongrie à l’Union. Ladite date constituant précisément celle à compter de laquelle l’acquis communautaire et les règles en matière d’aides d’État qui en font partie sont devenus obligatoires pour le nouvel État membre de l’Union, la Commission a donc correctement pris en considération une période débutant le 1er mai 2004 comme étant la période pertinente pour l’évaluation des AAE. La question de savoir si l’AAE en cause constituait une aide compatible à la date de la conclusion de cet accord est donc dépourvue de pertinence (voir, en ce sens, arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 62).

64      Les arguments de la requérante soulevés à cet égard, y inclus l’argument en vertu duquel les mesures constituant prétendument des aides d’État doivent être évaluées selon une perspective ex ante, en tenant compte des circonstances existantes à la date à laquelle les AAE ont été conclus, doivent ainsi être rejetés. Quant à l’argument selon lequel, au regard de la décision d’ouverture de la procédure, la Commission a changé de position dans la décision attaquée concernant la date pertinente d’évaluation de l’aide contenue dans l’AAE en cause, il convient de le rejeter.

65      En effet, la requérante se borne à se référer à la décision d’ouverture de la procédure sans indiquer les passages de cette décision qui démontreraient que la Commission avait adopté une approche différente de celle finalement retenue dans la décision attaquée. Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le requérant doit indiquer dans la requête les griefs précis sur lesquels le Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 167, voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, Rec. p. I‑2187, point 17) et que, afin de satisfaire à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, il ne suffit pas qu’il soit fait référence dans la requête à des éléments de droit et de fait figurant dans une annexe à celle-ci (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I-5425, points 94 et 100).

66      En tout état de cause, il y a lieu de constater que les faits invoqués par la requérante ne ressortent pas de la décision d’ouverture de la procédure. Dans cette décision, la Commission cite expressément les aides couvertes par les AAE en 2004 et se réfère aux années 90 et à la conclusion des AAE uniquement aux fins de mettre en évidence le contexte économique et juridique existant en Hongrie à cette période.

67      Enfin, il convient de répondre aux observations de la requérante selon lesquelles, d’une part, les AAE ont joué un rôle important dans le processus de modernisation et de développement du secteur de l’électricité dans plusieurs nouveaux États membres et, d’autre part, l’AAE en cause aurait été légitimement conclu, conformément au modèle de l’« acheteur individuel » introduit par la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20).

68      Comme le fait valoir la requérante, la Commission reconnaît l’existence d’un modèle de l’« acheteur unique » au moment de la conclusion des AAE, ce qui a d’ailleurs été admis au considérant 32 de la décision attaquée. Ce modèle est en effet celui qui a existé de 1991 à 2002, dans le cadre de la première loi sur l’énergie électrique. Les contextes économique et politique existant dans les années 90 en Hongrie ainsi que la volonté d’attirer des investissements privés afin de moderniser et développer le marché de l’électricité hongrois n’apparaissent pas non plus comme contestés en l’espèce, ainsi que cela ressort du considérant 35 de ladite décision. Cependant, les circonstances entourant la conclusion des AAE ne sauraient être prises en considération, la date pertinente d’évaluation des aides contenues dans les AAE étant, ainsi que cela vient d’être examiné, le 1er mai 2004.

 Sur la qualification d’aide nouvelle et non d’aide existante

69      Concernant l’argument de la requérante relatif à ce que l’aide contenue dans l’AAE en cause aurait dû être qualifiée comme constituant une aide existante et non une aide nouvelle, il convient de rappeler les dispositions de l’annexe IV, chapitre 3, de l’acte d’adhésion.

70      L’annexe IV, chapitre 3, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion énonce que les mesures étatiques mises à exécution avant l’adhésion, mais qui, d’une part, sont toujours applicables après celle-ci et qui, d’autre part, à la date de l’adhésion, respectent les quatre critères cumulatifs de l’article 87, paragraphe 1, CE, sont soumises aux règles spécifiques établies à ladite annexe soit en tant qu’aides existantes au sens de l’article 88, paragraphe 1, CE, lorsqu’elles relèvent de l’une des trois catégories mentionnées par ladite annexe, soit en tant qu’aides nouvelles à la date de l’adhésion aux fins de l’application de l’article 88, paragraphe 3, CE, lorsqu’elles ne relèvent pas de l’une de ces trois catégories (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 50).

71      Les trois catégories d’aides existantes, mentionnées ci-dessus, visées par l’annexe IV de l’acte d’adhésion sont les suivantes :

–        les aides mises à exécution avant le 10 décembre 1994 ;

–        les aides énumérées dans l’appendice de ladite annexe ;

–        les aides examinées par l’autorité chargée de la surveillance des aides publiques du nouvel État membre avant la date d’adhésion et jugées compatibles avec l’acquis, et à l’égard desquelles la Commission n’a pas soulevé d’objections en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures avec le marché commun, en vertu de la procédure du mécanisme provisoire.

72      Le paragraphe 1, deuxième alinéa, du même point précise donc bien que toutes les mesures encore applicables après la date d’adhésion qui constituent une aide publique et ne satisfont pas aux conditions susvisées sont considérées comme des aides nouvelles à la date en question aux fins de l’application de l’article 88, paragraphe 3, CE.

73      L’annexe IV, chapitre 3, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion prévoit une procédure de mécanisme provisoire, à savoir qu’il pose le cadre juridique relatif à l’étude des aides. Lorsqu’un nouvel État membre souhaite que la Commission examine une aide dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 1, sous c), dudit chapitre, il communique régulièrement à la Commission une série d’informations. Selon le paragraphe 3 de ce chapitre, toute décision de la Commission de soulever des objections à l’égard d’une mesure au sens du paragraphe 1, sous c), du même chapitre est considérée comme équivalant à une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au sens du règlement nº 659/1999.

74      En l’espèce, il est constant que l’AAE en cause a été conclu après le 10 décembre 1994. À ce titre, il ne constitue donc pas une aide existante au sens de l’article 88, paragraphe 1, CE. Il est à noter que l’AAE en cause ne figure pas dans l’appendice de l’annexe IV de l’acte d’adhésion. Par conséquent, il ne constitue pas non plus une aide existante à ce titre. Il convient ensuite de remarquer que l’AAE en cause n’a pas été examiné, ni approuvé dans le cadre du mécanisme provisoire, visé à l’annexe IV, chapitre 3, paragraphe 1, sous c), de l’acte susmentionné.

75      Dès lors, il y a lieu de considérer que l’AAE en cause, encore applicable après la date d’adhésion de la Hongrie à l’Union, constitue une aide nouvelle au sens de l’annexe IV de l’acte d’adhésion. Au regard des dispositions de cette annexe, applicables dans les circonstances de l’espèce, cette considération vaut nonobstant la jurisprudence de l’Union, citée par la requérante, selon laquelle constituent notamment des aides existantes les aides instituées avant l’entrée en vigueur du traité ou l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, point 142, et la jurisprudence citée). En effet, les rédacteurs de l’acte d’adhésion entendaient retenir une telle approche, d’où la définition claire et précise en ce qui concerne la qualification d’une aide existante et celle d’une aide nouvelle dans ledit acte (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 60).

76      Les arguments de la requérante, contestant la qualification d’aide nouvelle retenue par la Commission dans la décision attaquée, doivent ainsi être rejetés.

 Sur la circonstance qu’une mesure qui ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE puisse le devenir

77      La Commission a correctement conclu, aux considérants 156 à 173 de la décision attaquée, qu’une mesure qui ne constituait pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE pouvait le devenir ultérieurement, par exemple à compter de la date d’adhésion d’un État à l’Union.

78      En effet, l’annexe IV, chapitre 3, de l’acte d’adhésion fait ressortir que les États membres de l’Union avant le 1er mai 2004 voulaient protéger le marché intérieur contre les mesures contenant une aide d’État, instaurées dans les pays candidats avant leur adhésion à l’Union et pouvant potentiellement fausser la concurrence, en les soumettant, à compter du 1er mai 2004, au régime des aides nouvelles si elles ne relevaient pas des exceptions précisément énumérées dans l’annexe elle-même. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, la question de savoir si l’AAE en cause constituait effectivement une aide d’État avant l’adhésion de la Hongrie à l’Union n’a donc aucune incidence sur sa qualification en tant qu’aide d’État à compter de la date d’adhésion.

79      Ainsi que l’a fait valoir, en substance, la Commission, les critères de l’aide d’État revêtent, par définition, un caractère dynamique, puisqu’ils sont liés à la protection de la concurrence sur le marché commun. De la sorte, lorsque les États membres de l’Union conviennent d’apporter un changement majeur aux caractéristiques juridiques et économiques de ce marché, comme dans le cas d’une adhésion d’un État à l’Union, les conditions ayant précédé ce changement ne peuvent être prolongées sans limite temporelle.

80      De plus, le fait qu’une mesure qui n’était pas initialement une aide d’État puisse le devenir par la suite se déduit de l’annexe IV de l’acte d’adhésion et a été admis dans le règlement nº 659/1999.

81      En effet, le libellé de l’annexe IV de l’acte d’adhésion laisse clairement entendre qu’une mesure qui n’était pas considérée comme une aide d’État, lorsqu’elle a été mise en place, peut le devenir par la suite (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 54). Ladite annexe comporte les dispositions ayant servi de base juridique à l’évaluation, sous l’angle du droit applicable aux aides d’État, des mesures mises à exécution avant la date d’adhésion d’un État à l’Union, mais toujours applicables après ladite date. C’est donc à cette date qu’une mesure encore applicable après la même date doit être évaluée au vu des quatre conditions énoncées à l’article 87, paragraphe 1, CE. Toute autre conclusion aurait pour conséquence de vider de son sens l’objectif voulu par les auteurs du traité d’adhésion (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 54).

82      Par ailleurs, au regard de l’article 1er, sous b), v), première phrase, du règlement n° 659/1999, constitue une aide existante « toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre ». Selon la deuxième phrase de cette même disposition, « [l]es mesures qui deviennent une aide [à la suite de] la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme étant une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ». Partant, il peut être envisagé, dans certaines circonstances, que le respect des quatre conditions prévues à l’article 87, paragraphe 1, CE puisse être apprécié à un autre moment que celui de l’entrée en vigueur d’une mesure donnée (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 55).

83      Il convient ainsi de rejeter les arguments que la requérante a développés afin de contester le fait qu’une mesure qui ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE puisse le devenir ultérieurement. Tel est le cas notamment de l’argument qui se fonde sur l’arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479), et l’arrêt Alzetta e.a./Commission, précité, en vertu duquel l’appréciation, qualifiée d’ex post, de l’aide contenue dans l’AAE en cause, c’est-à-dire l’appréciation effectuée en tenant compte de la date du 1er mai 2004, n’aurait été permise que pour le critère concernant la distorsion de la concurrence et l’effet sur les échanges, énoncé à l’article susmentionné.

 Sur la mise en œuvre du critère de l’investisseur privé en économie de marché

84      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une mesure étatique constitue une aide au sens de l’article 87 CE, il convient de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt de la Cour du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C‑342/96, Rec. p. I‑ 2459, point 41, et la jurisprudence citée).

85      À cette fin, la mise en œuvre du critère de l’investisseur privé en économie de marché consiste à comparer le comportement des pouvoirs publics à celui qu’aurait eu un opérateur privé d’une taille comparable dans les mêmes circonstances. Ce critère trouve ainsi application dans l’hypothèse où l’État ne fait, en réalité, que se comporter comme le ferait tout opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché. Dans une telle circonstance, il n’existe pas d’avantage lié à l’intervention de l’État, car l’entité bénéficiaire aurait pu en principe tirer les mêmes bénéfices du simple fonctionnement du marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2011, Konsum Nord/Commission, T‑244/08, non publié au Recueil, point 62, et arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 67).

86      Premièrement, la Commission n’ayant pas commis d’erreur en prenant la date d’adhésion de la Hongrie à l’Union comme date pertinente pour l’évaluation de l’AAE en cause (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 62), il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le critère de l’opérateur privé en économie de marché doit être analysé en fonction du contexte économique prévalant à la date de conclusion des AAE.

87      Certes, la communication de la Commission aux États membres relative à l’application des articles [81 CE] et [82 CE] et de l'article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO 1993, C 307, p. 3), notamment son point 28, se réfère « au moment où la décision d’investissement [ou de] financement a été prise » pour l’examen de l’application du critère de l’opérateur privé en économie de marché. Il n’en reste pas moins que, en réalité, la raison soutenue par la Commission audit point est qu’il « est hors de question que [cette dernière] utilise après coup sa connaissance des faits pour décider » de l’existence d’un avantage. Cela ne saurait pour autant être interprété, dans le contexte spécifique d’une adhésion d’un État à l’Union, comme en l’espèce, en ce sens qu’il convient d’analyser le critère de l’opérateur privé en économie de marché à la date de conclusion des AAE, et non à la date d’adhésion dudit État. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler, comme le fait à juste titre la Commission, que l’existence d’un avantage doit être apprécié non pas en fonction d’une date unique, mais sur toute une période, démarrant le 1er mai 2004 et s’achevant à la date d’expiration de l’AEE en cause. De la sorte, l’argument de la requérante soulevé à cet égard et se référant, notamment, à la jurisprudence de l’Union doit également être rejeté.

88      Quant à son argument en vertu duquel, dans la décision 2009/174/CE de la Commission, du 21 octobre 2008, concernant l’aide d’État C‑35/04 mise à exécution par la République de Hongrie en faveur de Postabank és Takarékpénztár Rt./Erste Bank Hungary Nyrt. (JO 2009, L 62, p. 14), la Commission a mis en œuvre le critère de l’investisseur privé en économie de marché en appliquant la règle ex ante à une mesure étatique mise en place avant l’adhésion de la Hongrie à l’Union, il convient de le rejeter.

89      En effet, concernant l’utilisation, dans l’argumentation, de décisions relatives à des aides d’État pour contester la validité d’une autre décision du même type, il a été jugé que chaque cas d’aide d’État doit être apprécié séparément par le Tribunal, de sorte que les décisions citées par un requérant, qui concernent des cas spécifiques et n’ont aucun rapport avec la décision litigieuse, ne peuvent être pertinentes pour l’appréciation du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T‑81/07 à T‑83/07, Rec. p. II‑2411, point 201).

90      Deuxièmement, la requérante critique en substance la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé en économie de marché par la Commission, en estimant que celle-ci, d’une part, n’a pas tenu compte des obligations du vendeur en application de l’AAE en cause, en s’étant focalisée sur un aspect des obligations contractuelles, à savoir les « obligations d’achat » et, d’autre part, a eu recours à des références reposant uniquement sur des hypothèses, et non à des éléments objectifs et vérifiables comme cela serait requis par la jurisprudence de l’Union.

91      Il convient de rappeler que l’appréciation, par la Commission, de la question de savoir si une mesure satisfait au critère de l’opérateur privé en économie de marché implique une appréciation économique complexe. La Commission, lorsqu’elle adopte un acte impliquant une telle appréciation, jouit dès lors d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle juridictionnel se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’absence d’erreur de droit, de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ainsi que de l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision (voir arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 65, et la jurisprudence citée).

92      Cependant, si le juge de l’Union reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique ou technique, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de cette nature. En effet, dans le respect des arguments avancés par les parties, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, point 65, et arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 66).

93      En l’espèce, il ressort des considérants 177 à 236 de la décision attaquée que, afin d’évaluer l’existence d’un avantage, la Commission a étudié l’application du critère de l’opérateur privé en économie de marché. La Commission a pris pour référence un opérateur de marché soumis aux mêmes obligations et ayant les mêmes opportunités que MVM et qui est confronté aux mêmes conditions juridiques et économiques que celles prévalant en Hongrie au cours de la période examinée.

94      La Commission a ainsi estimé aux considérants 177 et 180 à 190 de la décision attaquée qu’elle devait examiner si, dans les circonstances existant au moment de l’adhésion de la Hongrie à l’Union, un opérateur de marché aurait accordé aux producteurs d’électricité une garantie semblable à celle prévue dans les AAE, à savoir l’obligation pour MVM d’acheter des capacités réservées de production d’électricité, ainsi qu’une quantité minimale d’électricité, au prix couvrant les frais fixes et les frais variables. Ainsi que cela ressort du considérant 194 de ladite décision, elle a donc recherché dans quelle mesure, en l’absence d’AAE, un opérateur de marché agissant uniquement sur une base commerciale et chargé de fournir aux opérateurs régionaux une quantité d’électricité suffisante aurait offert des garanties semblables à celles prévues par les AAE.

95      Aux fins de cette analyse, la Commission a utilisé son rapport final, du 10 janvier 2007, sur le secteur de l’électricité en Europe [SEC (2006) 1724] (ci-après le « rapport de la Commission de 2007 »). Elle a ainsi identifié et décrit les principales pratiques des acteurs commerciaux sur les marchés de l’électricité européens et a évalué si les AAE étaient conformes à ces pratiques ou s’ils offraient aux producteurs d’électricité des garanties qu’un acheteur agissant sur une base exclusivement commerciale n’accepterait pas. La comparaison des AAE avec la pratique commerciale habituelle portait sur l’obligation d’achat stipulée dans les AAE par rapport aux principales caractéristiques de contrats que l’on retrouve sur le marché de l’électricité, notamment les contrats « à terme » et « spot », les contrats comprenant des « droits de tirage », les contrats à long terme conclus avec les grands utilisateurs finals (considérants 191 à 215 de la décision attaquée).

96      Cette approche doit être approuvée. En effet, afin d’évaluer le comportement d’un opérateur s’efforçant de se procurer un certain volume d’électricité dans les meilleures conditions commerciales possibles, il y a lieu d’examiner tous les arrangements contractuels qui sont susceptibles de régir un tel achat (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 69).

97      Or, comme le soutient la Commission au considérant 209 de la décision attaquée, les AAE comportent moins de risques pour les producteurs d’électricité que les contrats « spot », qui sont généralement des contrats relatifs au jour suivant, lesquels sont conclus le jour qui précède la livraison effective et qui comportent donc notamment un élément d’incertitude majeur pour ce qui est de la rémunération des coûts fixes et de capital ainsi que du taux d’utilisation des capacités de production. En effet, sur les marchés « spot », les échanges d’électricité se fondent sur des prix marginaux garantissant uniquement la couverture des coûts à court terme et non celle de tous les coûts fixes et de capital. Étant donné l’impossibilité de stocker l’électricité après la production, de façon rentable, aucune garantie n’existe en ce qui concerne le taux d’utilisation de la capacité de production.

98      Tel est également en partie le cas pour les contrats « à terme », dont les prix sont fixés à l’avance. Ainsi que cela résulte notamment du considérant 210 de la décision attaquée, de façon générale, ces contrats « à terme » se caractérisent par une obligation pour le producteur de fournir à un prix déterminé à l’avance une quantité d’électricité définie pendant une période d’un an débutant au maximum six ans après la signature du contrat. Ces contrats ne garantissent donc pas aux producteurs une couverture de tous les coûts fixes et de capital, car les coûts de production peuvent augmenter en cas d’augmentation des coûts du combustible. L’évolution du coût du combustible pour les contrats « à terme » est donc supportée par les producteurs et non, comme en l’espèce, par MVM. Par ailleurs, même si, pour les contrats « à terme », eu égard à la durée plus longue de ces contrats, l’incertitude en ce qui concerne le taux d’utilisation des capacités de production est moindre que pour les contrats « spot », de tels contrats ne couvrent, toutefois, qu’une période limitée par rapport à la durée de vie des unités de production.

99      Il résulte de cette comparaison que la combinaison « réservation de capacités d’électricité à long terme, garantie d’achat minimal et mécanisme de fixation des prix couvrant les coûts fixes et de capital » telle qu’établie par les AAE ne correspond pas aux contrats habituels conclus sur les marchés de gros européens.

100    En effet, par rapport aux contrats « spot » et « à terme », les AAE comportent moins de risques pour les producteurs en leur offrant une sécurité du point de vue, d’une part, de la rémunération des coûts fixes et de capital et, d’autre part, du taux d’utilisation des capacités de production.

101    Quant aux « droits de tirage », mentionnés au considérant 214 de la décision attaquée, la différence essentielle existant entre cette forme d’accord et les AAE réside dans le fait que ces droits ne sont généralement assortis d’aucune obligation d’achat minimal.

102    De même, la Commission a pu conclure, au considérant 215 de la décision attaquée, que les contrats d’achat « à long terme conclus par les grands utilisateurs » étaient beaucoup plus avantageux pour l’acheteur que les AAE ne ’étaient pour MVM, dès lors, d’une part, que le prix fixé dans ces contrats, qui n’était normalement pas indexé sur des paramètres tels que les coûts de combustibles, n’était pas déterminé de manière à couvrir les coûts fixes et de capital et, d’autre part, que ces contrats étaient conclus pour une durée nettement inférieure à celle des AAE.

103    Dès lors, à l’issue de son examen, la Commission est parvenue, à juste titre, à la conclusion que, en raison de leur structure, les AAE conféraient aux producteurs une garantie supérieure à celle des accords commerciaux habituels (considérant 217 de la décision attaquée).

104    La Commission a ensuite, à juste titre, mis en exergue les conséquences prévisibles des AAE pour les autorités publiques, à savoir que, si MVM était en mesure de s’approvisionner en électricité en des quantités suffisantes pour satisfaire la demande dans le secteur de service public sur une longue durée, cependant, les autorités publiques ne disposaient d’aucune garantie sur le niveau du prix à payer pour l’électricité au cours de cette période, les AAE ne protégeant pas contre la fluctuation des prix résultant principalement de la fluctuation des prix des combustibles. De plus, comme l’a souligné la Commission, la réservation de capacité à long terme et le prélèvement minimal obligatoire dont elle s’accompagne privent les autorités publiques de la possibilité de bénéficier de prix plus attractifs proposés par d’autres producteurs (voir, notamment, considérants 218 à 220 et considérants 221 à 234 de la décision attaquée).

105    Il s’ensuit que la Commission a conclu à juste titre, au considérant 235 de la décision attaquée, que les avantages dont les autorités publiques bénéficiaient par le biais des AAE n’incluaient pas la protection contre une hausse du prix des combustibles que tout opérateur attendrait d’un accord à long terme. Un opérateur prudent avec des considérations purement commerciales n’aurait pas accepté de tels effets et aurait conclu d’autres types d’accords conformes à la pratique commerciale habituelle. Il y a donc lieu de considérer que la Commission a correctement examiné l’AAE en cause sous l’angle du critère de l’opérateur privé en économie de marché.

106    Ainsi, doivent être rejetés les arguments de la requérante, selon lesquels la Commission s’est focalisée sur un aspect des obligations contractuelles, à savoir les « obligations d’achat » et a eu recours à des références reposant uniquement sur des hypothèses. Il ressort en effet du considérant 236 de la décision attaquée que la Commission a considéré que les caractéristiques principales des AAE, à savoir la réservation d’une capacité de production d’électricité, l’obligation d’achat minimal d’électricité et les mécanismes de fixation de prix couvrant les coûts fixes, le coût du capital et les coûts variables, ne pouvaient pas être isolés et examinés séparément.

107    La circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle MVM a toujours acheté à la requérante une capacité supérieure à la quantité minimale garantie prévue contractuellement est dépourvue de pertinence. En effet, dès lors que l’obligation de MVM relative au prélèvement minimal va au-delà des pratiques commerciales habituelles sur les marchés européens de l’électricité, et est, par ailleurs, combinée avec l’obligation de réservation d’une capacité de production d’électricité et un mécanisme de fixation de prix couvrant les coûts fixes, le coût du capital et les coûts variables, la circonstance susmentionnée ne signifie pas que, dans l’AAE en cause, le risque structurel découlant de ces caractéristiques, y inclus l’obligation d’achat, n’existe pas.

108    Enfin, dans le cadre de la critique de la requérante portant sur la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé en économie de marché, il convient d’examiner une série d’observations que celle-ci avance dans la réplique, reposant en substance sur l’intérêt commercial de MVM au regard des AAE, mais que la Commission conteste.

109    D’une part, concernant l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas apporté la preuve concrète que MVM avait été empêchée par l’AAE en cause d’agir dans son propre intérêt commercial, elle doit être écartée, au regard de l’analyse effectuée par la Commission dans le cadre de la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé en économie de marché, telle qu’exposée et confirmée par le Tribunal.

110    En effet, dès lors que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la combinaison, dans les AAE, y inclus dans l’AAE en cause, de la réservation d’une capacité de production d’électricité, de l’obligation d’achat minimal d’électricité et de mécanismes de fixation de prix couvrant les coûts fixes, le coût du capital et les coûts variables, constituait un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, la circonstance que la Commission n’a pas prouvé concrètement que MVM avait été empêchée par l’AAE en cause d’agir dans son intérêt commercial n’apparaît pas pertinente pour invalider l’analyse effectuée par la Commission dans la décision susmentionnée.

111    À cet égard, doit également être écartée la critique formulée par la requérante à l’encontre de la Commission, dans le cadre de sa demande de mesure d’organisation de la procédure déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2011 et mentionnée au point 43 ci-dessus. En substance, la requérante fait valoir que, au point 14 de la duplique, la Commission a indiqué que « les commentaires formulés par MVM au cours de la procédure formelle d’examen [n’indiquaient] pas [que cette dernière avait] explicitement affirmé que le maintien des AAE servirait ses intérêts », alors que la décision attaquée ne mentionnerait pas la position défendue par MVM dans ses observations présentées au cours de la procédure formelle d’examen.

112    Or, en réponse à une question du Tribunal formulée lors de l’audience, la Commission a informé ce dernier que, au cours de la procédure formelle d’examen, MVM avait soumis de brèves observations dans lesquelles elle apportait des explications concernant, notamment, les parts de marché, le régime de la réglementation tarifaire et que, dans ces observations, MVM n’avait pas indiqué que le fait de maintenir les AAE en vigueur aurait été dans son intérêt. Cette constatation n’est pas de nature, toutefois, à remettre en cause la conclusion à laquelle la Commission est parvenue au considérant 217 de la décision attaquée selon laquelle, en raison de leur structure, les AAE conféraient aux producteurs une garantie supérieure à celle des accords commerciaux habituels.

113    D’autre part, il y a lieu de rejeter les allégations de la requérante se rattachant au décret gouvernemental n° 183/2002 et critiquant, en substance, l’allégation de la Commission selon laquelle la requérante aurait refusé de renégocier les conditions de l’AAE en cause, ce qui aurait conduit à l’adoption dudit décret gouvernemental, alors que, en réalité, MVM n’avait eu aucune raison commerciale de s’engager dans des renégociations de l’AAE en cause.

114    En effet, il convient de relever tout d’abord que, à l’appui de ses allégations, la requérante n’apporte pas d’éléments de preuve clairs. Elle se contente de renvoyer à différents rapports, dont un est annexé à ses écrits. Il s’agit d’un rapport d’expertise, établi à Salzbourg (Autriche), daté du 23 novembre 2004, intitulé « La compatibilité du système hongrois des [AAE] avec le droit européen de l’énergie et de la concurrence ». Cependant, elle n’apporte aucune précision concernant le contenu de ce rapport d’environ 150 pages. Un tel argument ne saurait dès lors prospérer, au vu de la jurisprudence exposée au point 65 ci-dessus.

115    En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort effectivement du rapport d’expertise que les producteurs d’électricité hongrois, y inclus la requérante, ont refusé de renégocier les AAE. Notamment, au point 57 de ce rapport, il est indiqué que, conformément aux dispositions du décret gouvernemental n° 183/2002, un premier tour de renégociations des AAE aurait eu lieu entre les producteurs d’électricité et MVM entre le 4 et le 25 février 2004, mais que ces producteurs auraient cependant refusé de renégocier, avec, pour conséquence, l’échec de ces renégociations.

116    De plus, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que soutient la Commission, le décret gouvernemental n° 183/2002 avait été présenté afin de résoudre le problème des prix réglementés excessivement bas pour l’utilisateur final. Or, même à supposer que cela ait été en partie le cas, il n’en reste pas moins que la requérante ne conteste pas le tableau 7, figurant au considérant 223 de la décision attaquée, mettant clairement en évidence que les prix sur le marché libre, notamment en 2004, étaient largement inférieurs à ceux pratiqués dans le secteur de service public. La requérante n’indique pas non plus dans quelle mesure une éventuelle lecture erronée de la part de la Commission du décret susmentionné pourrait conduire à l’invalidation de la décision attaquée, laquelle porte spécifiquement sur les aides contenues dans les AAE et leur compatibilité avec le marché commun.

117    En tout état de cause, à la lecture du dossier, il apparaît que la Commission n’a pas eu à effectuer d’analyse dudit décret gouvernemental en raison du retrait, par les autorités hongroises, de la notification de ce dernier, le 13 avril 2005. Cela est d’ailleurs confirmé aux considérants 84 à 87 de la décision attaquée, au regard desquels la Commission précise que la décision d’ouvrir la procédure concerne une procédure formelle engagée uniquement à l’égard des AAE et non de ce décret.

118    Au regard de ce qui vient d’être examiné, les observations que la requérante avance dans la réplique, reposant, en substance, sur l’intérêt commercial de MVM au regard des AAE, doivent être écartées.

 Sur l’absence d’examen individuel des AAE et sur la qualification des AAE de « système commun ou générique »

119    Il convient de répondre aux arguments avancés par la requérante consistant à reprocher à la Commission de ne pas avoir effectué, dans la décision attaquée, l’analyse économique requise détaillée des structures de coûts de chaque centrale électrique, ainsi que d’avoir commis des erreurs de droit en qualifiant les AAE de système commun ou générique conférant un avantage, sans procéder à l’analyse des contextes légal et factuel entourant la conclusion de chacun des AAE, y inclus l’AAE en cause.

120    À cet égard, il convient de relever premièrement que, par ces arguments, la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir effectué, d’un point de vue formel, d’examen individuel des différents AAE, et notamment de l’AAE en cause.

121    Il ressort de la décision attaquée que la Commission a tenu compte des caractéristiques des différents AAE, mais a examiné conjointement les AAE, dès lors que ces derniers présentaient des ressemblances. À cet égard, il convient de relever, d’une part, que la Commission a présenté aux considérants 94 à 146 de la décision attaquée les observations des parties intéressées, déposées dans le cadre de la procédure formelle d’examen, y inclus celles présentées par la requérante (voir considérants 94, 97, 106, 119, 121, 122, 131, 138 à 142, 145 et 146 de ladite décision). En particulier, elle a consacré le considérant 96 de cette décision à la question de l’évaluation distincte des AAE en indiquant que certaines parties avaient estimé que les AAE devaient être évalués au cas par cas, étant donné leurs différences. Elle a ajouté que d’autres producteurs d’électricité ont implicitement effectué la même demande, en lui fournissant des informations détaillées concernant les conditions spécifiques de leur propre AAE.

122    D’autre part, au considérant 153 de la décision attaquée, la Commission a énuméré les éléments communs à tous les AAE examinés, en faisant remarquer que les principes directeurs des AAE présentaient des similitudes justifiant leur évaluation conjointe dans une procédure relative à des aides d’État. Au considérant 154 de ladite décision, la Commission a cependant précisé que cette approche globale ne l’empêchait pas de tenir compte des divergences existant effectivement entre les AAE et que ces divergences seraient donc identifiées dans cette décision dès lors qu’elles étaient pertinentes. Il apparaît d’ailleurs que la Commission a effectivement identifié et pris en compte des divergences entre les différents AAE.

123    La prise en compte d’éléments spécifiques concernant les différents producteurs d’électricité et les AAE qu’ils ont conclus est notamment explicitée dans la décision attaquée aux considérants 29 (accords de résiliation de certains AAE), 36 à 45 (circonstances dans lesquelles les AAE ont été conclus), 245 à 247, 249 et 250 (prix de vente de l’électricité par producteur), ainsi que dans les tableaux 3, 4, 10 et 11 (informations détaillées relatives aux AAE relevant du champ d’application de ladite décision). Il est également fait mention de tels éléments spécifiques dans cette décision aux considérants 73 (détermination des coûts que MVM était tenue de payer lorsqu’elle n’achetait pas à certains opérateurs la quantité minimale garantie), 216 (contrats portant sur des « services d’équilibrage »), 237 et 266 (importance accordée à l’utilisation de « ressources indigènes » par la centrale électrique Mátrai), ainsi que 274 et 302 à 307 (procédure d’appel d’offres portant sur l’AAE relatif à la centrale électrique Kispesti) (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, points 129 et 130). En ce qui concerne, en particulier, la requérante, la Commission répond expressément à des arguments qu’elle a soulevés et mentionne spécifiquement sa situation individuelle, ainsi que cela ressort notamment des considérants 278, 280 et 310 de la décision attaquée.

124    Dès lors que les particularités des différents AAE ont été prises en compte lorsqu’elles étaient pertinentes, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir procédé à un examen individuel de chacun des AAE dans la décision attaquée. Dans ces conditions, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel l’analyse de la Commission était contraire au principe de bonne administration, qui impose à la Commission de procéder à un examen diligent et impartial des prétendues mesures d’aide d’État. En tout état de cause, la requérante, sauf à reprocher à la Commission l’existence d’une évaluation commune des AAE, n’a apporté aucun élément au soutien de ce dernier argument.

125    Deuxièmement, par son argumentation, la requérante invoque l’existence d’erreurs de droit en ce que la Commission aurait considéré les AAE comme étant un « système commun ou générique », alors que l’AAE en cause serait un contrat commercial, négocié à des conditions commerciales normales avec MVM.

126    Cette argumentation ne saurait prospérer. Il est constant que les AAE présentent des ressemblances en ce qu’ils se fondent sur une composante « énergie » et une composante « capacité ». Comme l’a correctement indiqué la Commission au considérant 153 de la décision attaquée, chaque AAE impose à MVM, pour une durée couvrant une partie considérable de la durée de vie des centrales électriques, une obligation d’achat en ce qui concerne les capacités réservées et un volume d’achat garanti, le tout assorti d’un mécanisme de calcul des prix permettant aux producteurs de couvrir leurs frais fixes et variables.

127    Or, la circonstance, comme le soutient à juste titre la Commission, que ces éléments confèrent un avantage aux producteurs d’électricité et que cet avantage est commun à tous les AAE, avec pour conséquence que les AAE peuvent faire l’objet d’une évaluation conjointe, ne signifie pas pour autant que ces derniers constituent un « système commun ou générique », ni même que la Commission les ait considérés comme tel. En effet, si les similitudes entre les AAE ont conduit la Commission à les évaluer largement dans leur ensemble, il apparaît que cette dernière ne les a pas pour autant qualifiés, contrairement à ce que soutient la requérante, de « système commun ou générique », l’analyse de l’évaluation effectuée par la Commission démontrant d’ailleurs, comme cela a été exposé aux points précédents, que celle-ci a pris en compte également leurs dissemblances.

128    Pour ces raisons, la requérante ne saurait soutenir que la Commission a erronément qualifié les AAE de « système commun ou générique » et, partant, que celle-ci a commis des erreurs de droit à cet égard.

 Sur la référence à la durée des contrats de livraison d’électricité sur d’autres marchés

129    Concernant l’argument de la requérante relatif à la durée des contrats de livraison d’électricité sur d’autres marchés et contestant à cet égard la décision attaquée en invoquant notamment la décision de la Commission, du 11 octobre 2007, dans l’affaire COMP/B-1/37966, Distrigaz, dont un résumé est publié (JO 2008, C 9, p. 8), il convient de le rejeter. En effet, il ressort du considérant 200 de la décision attaquée, que la Commission, s’appuyant sur son enquête sectorielle ayant conduit au rapport de la Commission de 2007 (point 95 ci-dessus), a simplement indiqué que, sur les marchés à terme, la durée des contrats à terme standardisés ne dépassait pas six ans, tout en soulignant, aux considérants 207 à 213, que ces contrats comportaient beaucoup plus de risques pour les producteurs d’électricité que les AAE. Cette description des pratiques commerciales existant sur le secteur de l’électricité en Europe a été effectuée dans le cadre de l’évaluation de l’existence d’un avantage conféré par les AAE. Or, pour soutenir que cette durée de six ans n’était pas une période de référence adéquate, la requérante ne saurait, au regard de la jurisprudence exposée au point 89 ci-dessus, invoquer la décision susmentionnée.

130    En outre, il convient de relever que la décision de la Commission du 11 octobre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 82 CE concernant le marché du gaz en Belgique, n’apparaît pas a priori pertinente pour une affaire d’aide d’État sur le marché de l’électricité hongrois et que la requérante se contente de se référer à cette décision sans apporter la moindre explication au soutien de son argument.

131    Les allégations de la requérante relatives à la durée des contrats de livraison d’électricité sur d’autres marchés doivent, par conséquent, également être rejetées. Tel est notamment le cas de l’allégation selon laquelle, si la période pertinente pour l’évaluation des AAE devait débuter le 1er mai 2004 et qu’une aide d’État n’était possible qu’au terme d’une période de six ans, alors la Commission aurait dû centrer son analyse uniquement sur les avantages réalisés après le 1er mai 2010. À cet égard, la requérante interprète erronément la référence faite par la Commission à cette période contractuelle de référence de six ans et ignore l’objection essentielle de la Commission à l’égard des AAE qui n’est pas uniquement liée à leur longue durée, mais également à d’autres éléments tels que les mécanismes de fixation des prix.

 Sur l’existence d’une aide d’État lorsque, au stade de la récupération, il n’y a aucun montant à rembourser au titre de cette aide

132    Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 19 février 2013, la requérante a avancé que, ultérieurement à l’introduction du présent recours devant le Tribunal, dans le cadre de l’exécution de la décision attaquée, la mise en œuvre de la méthode de calcul avait conduit à ce qu’elle n’ait aucun montant à rembourser. Selon elle, une telle circonstance conduit à remettre en cause la portée de l’éventuel avantage conféré par l’AAE en cause et donc l’existence même d’une éventuelle aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

133    Lors de l’audience, la requérante a maintenu sa position. À cet égard, constatant effectivement que la requérante n’avait eu aucun montant à rembourser, en application de la méthode visée dans la décision attaquée, la Commission a répondu que, selon elle, il était nécessaire de distinguer le principe de l’existence même d’une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, de la récupération de cette aide, qui peut conduire à la situation de la requérante en l’espèce.

134    Il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée (arrêts de la Cour du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, Rec. p. I‑8091, point 31, et du Tribunal du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T-62/08, Rec. p. II-3229, point 248).

135    De plus, en vertu d’une jurisprudence établie, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, en effet, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts de la Cour du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C‑480/98, Rec. p. I‑8717, point 25, et du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, Rec. p. I‑3875, point 39).

136    Par ailleurs, la récupération d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun doit être effectuée selon les dispositions pertinentes et les modalités prévues par le droit national (arrêts de la Cour du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C-382/99, Rec. p. I-5163, point 91, et du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C-403/10 P, non encore publié au Recueil, point 126 ; voir également, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, précité, point 251). En outre, le contentieux relatif à cette exécution relève du seul juge national [arrêts du Tribunal du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, Rec. p. II‑1475, point 68, et ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, précité, point 251].

137    Enfin, l’obligation, pour un État membre, de calculer le montant précis des aides à récupérer, particulièrement lorsque ce calcul dépend d’éléments d’information qui n’ont pas été communiqués par lui à la Commission, s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en œuvre des règles du traité en matière d’aides d’État (arrêts Pays-Bas/Commission, précité, point 91, et Mediaset/Commission, précité, point 126 ; arrêt ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, précité, point 250).

138    Concernant le calcul du montant à rembourser, il est constant que la Commission n’a pas effectué elle-même le calcul du montant de l’aide à rembourser pour chacun des producteurs, mais a décidé, conformément à la jurisprudence, de consacrer une partie de sa décision, à savoir les considérants 442 à 465 de la décision attaquée, à la méthode de remboursement afin d’apporter des indications permettant aux autorités hongroises de procéder au calcul du montant à rembourser.

139    Dans le cas d’espèce, comme la Commission l’a en substance fait observer au considérant 444 de la décision attaquée, le calcul du montant à récupérer est apparu complexe. Dans ces conditions, l’approche suivie par la Commission, énoncée au point 138 ci-dessus, ne peut être qu’approuvée.

140    Or, force est de constater que c’est dans le cadre de l’exécution de la décision attaquée et de la mise en œuvre de la méthode de calcul du montant à rembourser que les autorités hongroises ont conclu à ce que la requérante n’avait aucun montant à rembourser.

141    Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation effectuée par la Commission dans la décision attaquée, validée par le Tribunal dans le cadre du présent arrêt, reposant sur les caractéristiques des AAE, y inclus l’AAE en cause, qui combinent l’obligation d’une réservation d’une capacité de production d’électricité, d’une prévision d’achat minimal d’électricité et d’un mécanisme de fixation de prix couvrant les coûts fixes, le coût du capital et les coûts variables.

142    Il s’ensuit que, même à supposer que la mise en œuvre de la méthode de remboursement retenue dans la décision attaquée conduise, pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et la date de suppression effective des AAE, à ce que la requérante n’ait aucun montant à rembourser, cela ne saurait en aucun cas affecter la validité de la décision attaquée sur le principe même de l’existence d’un avantage conféré par l’AAE en cause, et, partant, d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais seulement les modalités de récupération de l’aide.

143    Par conséquent, il convient de considérer, comme l’a à juste titre estimé la Commission, qu’il y a lieu d’effectuer une distinction entre le principe de l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché commun et la récupération de cette aide, qui peut conduire à ce que le bénéficiaire n’ait aucun montant à rembourser au titre de ladite aide.

144    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation ni d’erreurs de droit en concluant à l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Le premier moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

145    Il y a lieu d’examiner encore les griefs soulevés par la requérante dans le cadre du troisième moyen.

146    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante fait valoir que, même si la Commission avait considéré à bon droit que la période pertinente pour l’évaluation des AAE débutait le 1er mai 2004, celle-ci a toutefois commis des erreurs manifestes d’appréciation concernant l’application des critères prévus à l’article 87, paragraphe 1, CE. À l’appui de ce moyen, elle soulève plusieurs griefs tirés, premièrement, d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la notion d’avantage économique, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la notion de sélectivité, troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation relative au critère des ressources d’État et d’imputabilité à l’État et, quatrièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’obligation d’un effet sur les échanges.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la notion d’avantage économique

147    En ce qui concerne, tout d’abord, les arguments de la requérante selon lesquels, en premier lieu, MVM s’est comportée comme l’aurait fait un opérateur du marché normal, en deuxième lieu, l’AAE en cause répartissait équitablement les risques entre les deux parties commerciales et, en troisième lieu, l’appréciation de la Commission, reposant sur le critère de savoir comment aurait agi MVM en mai 2004 en l’absence d’AAE, était manifestement erronée au regard des contextes économique et politique de la Hongrie dans les années 90, il suffit de se référer aux développements exposés dans le cadre du premier moyen pour les rejeter.

148    Il convient également de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle il était de l’intérêt de MVM de l’aider à moderniser la centrale électrique Tisza II. En effet, comme le soutient la Commission, il ressort du dossier, notamment des observations du 13 février 2006 déposées par la requérante au cours de la procédure administrative, que le projet de modernisation de cette centrale électrique dérivait d’un engagement pris dans le cadre de l’accord de privatisation, mais ne faisait pas partie des obligations de la requérante au titre de l’AAE en cause.

149    De plus, doivent également être rejetés les arguments de la requérante selon lesquels, en premier lieu, comme la Commission l’aurait elle-même constaté dans son rapport de 2007 (point 95 ci-dessus), la conclusion des AAE permettait d’éviter que les producteurs d’électricité retirent des capacités du marché en vue d’augmenter les prix, en deuxième lieu, la Commission n’avait pas examiné si un marché concurrentiel existait effectivement en Hongrie à compter du 1er mai 2004 et, en troisième lieu, la Commission n’avait pas non plus examiné la nature et la portée de l’avantage allégué, mais avait confondu la notion d’avantage avec celle de distorsion de la concurrence.

150    En effet, tout d’abord, si, comme l’indique la requérante, il n’est pas contesté que la Commission a constaté, dans l’enquête sectorielle de 2007, que les producteurs pouvaient retirer des capacités du marché en vue d’augmenter les prix, l’argument de celle-ci selon lequel cette constatation impliquait que la conclusion d’AAE, telle que l’AAE en cause, serait un moyen raisonnable de prévenir le risque de retrait des capacités par les producteurs ne saurait toutefois prospérer.

151    À cet égard, il convient de relever que, ainsi que cela ressort de l’analyse effectuée aux points 93 à 107 ci-dessus, afin d’évaluer l’existence d’un avantage et dans le cadre de la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé en économie de marché, la Commission s’est appuyée sur son rapport, auquel avait abouti l’enquête sectorielle de 2007, et a ainsi identifié et décrit les principales pratiques des acteurs commerciaux sur les marchés européens de l’électricité avant d’évaluer si les AAE étaient conformes à ces pratiques. Après avoir effectué une analyse complète, elle en a conclu que les AAE, en raison de leur structure, offraient davantage de garanties aux producteurs, qui supportaient beaucoup moins de risques que dans les contrats commerciaux habituels. Mettant ensuite en exergue les conséquences prévisibles des AAE pour les autorités publiques, elle a notamment correctement indiqué que, en application des AAE, les autorités publiques ne disposaient d’aucune garantie sur le niveau du prix à payer pour l’électricité au cours de cette période, les AAE ne protégeant pas contre la fluctuation des prix résultant principalement de la fluctuation des prix des combustibles.

152    Dans ce contexte, la Commission a, à juste titre, conclu à l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

153    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a pris en considération l’existence d’une double structure sur le marché de l’électricité hongrois, à savoir la coexistence d’un secteur de service public avec un secteur concurrentiel jusqu’au 1er janvier 2008. À cet égard, il est constant que la Commission a décrit le marché de l’électricité hongrois et a effectué son analyse en tenant compte de cette double structure, ainsi que cela ressort notamment des considérants 23, 33, 62 et 218 à 234 de la décision attaquée.

154    Enfin, la requérante ne saurait prétendre que la Commission n’a pas examiné la nature et la portée de l’avantage allégué, mais a confondu la notion d’avantage avec celle de distorsion de la concurrence.

155    Ainsi que cela a été indiqué précédemment dans le cadre de l’examen du premier moyen, la Commission a clairement et correctement conclu à l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. La circonstance, invoquée par la requérante que, d’une part, MVM a acheté plus que la capacité minimale prévue dans l’AAE en cause et, d’autre part, la Commission n’a pas démontré que MVM avait été contrainte de payer des prix plus élevés en application de l’AAE en cause que ceux qu’elle aurait payés en l’absence de cet AAE, est dépourvue de pertinence, dès lors que, ainsi qu’indiqué au point 107 ci-dessus, cette circonstance ne signifie pas que le risque structurel associé à l’obligation d’achat, à la réservation d’une capacité de production et au mécanisme de détermination du prix prévu par l’AAE en cause n’existe pas. Par ailleurs, la requérante effectue une lecture erronée du considérant 239 de la décision attaquée auquel elle se réfère au soutien de son argument. En effet, il ressort clairement de ce considérant que la Commission indique que le mécanisme de prix n’est pas le seul élément à prendre en considération pour déterminer l’existence d’un avantage dans le cas d’espèce. C’est la combinaison de l’ensemble des caractéristiques des AAE qui, en garantissant le retour sur investissement dans les unités de production et en protégeant les producteurs des risques commerciaux, constitue l’avantage conféré par les AAE.

156    De même, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’a pas confondu la notion d’avantage avec celle de distorsion de la concurrence. Après avoir démontré que les producteurs d’électricité bénéficiaient d’un avantage aux considérants 174 à 276 de la décision attaquée, elle a notamment procédé à l’analyse du critère tenant à la distorsion de la concurrence aux considérants 319 à 339 de ladite décision. Certes, dans le cadre de cette analyse, elle a tenu compte de la double structure du marché de l’électricité, notamment aux considérants 324 à 326 de cette décision, et a considéré, au considérant 333 de la même décision, que d’autres facteurs que les AAE (législation, accès limité aux capacités transfrontières, évolution des prix sur les marchés internationaux de l’énergie, etc.) influençaient la concurrence et les échanges. Il n’en reste pas moins que cela ne signifie pas, comme le fait valoir la requérante, que la Commission a fait une confusion entre les deux critères distincts que sont l’existence d’un avantage et la distorsion de concurrence.

157    Les arguments portant sur l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la notion d’avantage économique n’étant pas fondés, il convient de rejeter le présent grief.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la notion de sélectivité

158    La requérante estime que les situations légale et factuelle des producteurs qui étaient tenus par la loi de disposer d’un AAE, jusqu’au 1er janvier 2008, ne sauraient être considérées comme comparables à celles d’entreprises auxquelles cette obligation n’était pas applicable, c’est-à-dire les négociants et les importateurs. Lors de l’audience, elle a précisé les raisons pour lesquelles elle estimait que les AAE ne sauraient être considérés comme sélectifs au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

159    Il y a lieu de rappeler que la spécificité d’une mesure étatique, à savoir son caractère sélectif, constitue l’une des caractéristiques de la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. À ce titre, il importe de vérifier si la mesure en question entraîne ou non des avantages au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activité (voir arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, point 39, et la jurisprudence citée).

160    Plus précisément, il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 87, paragraphe 1, CE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans des situations factuelle et juridique comparables (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C‑143/99, Rec. p. I‑8365, point 41 ; du 29 avril 2004, GIL Insurance e.a., C‑308/01, Rec. p. I‑4777, point 68, et du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, point 40).

161    Il convient de relever que, au considérant 278 de la décision attaquée, la Commission a expressément noté que, dans ses observations, la requérante avait avancé que les AAE n’étaient pas sélectifs, puisque des accords à long terme existaient dans l’ensemble du secteur de l’électricité, que ce soit entre MVM et les producteurs, entre MVM et les compagnies de distribution ou pour les importations.

162    Or, en réponse, aux considérants 277 et 279 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les AAE avaient été conclus avec quelques entreprises d’un secteur déterminé. Elle a également fait valoir que les autorités hongroises avaient fait remarquer que des centrales électriques et des unités de production d’électricité importantes vendaient de l’électricité sur le marché libre en dehors de tout AAE ou accord de prélèvement minimal garanti.

163    La Commission a ainsi constaté, au considérant 280 de la décision attaquée, qu’il existait des centrales électriques et des unités de production d’électricité importantes opérant en dehors de tout AAE. Elle a même ajouté que la requérante elle-même disposait de deux centrales électriques non couvertes par un AAE.

164    Par ailleurs, au considérant 281 de cette décision, se référant à l’arrêt CETM/Commission, précité (points 40 et 52), la Commission a, à juste titre, rappelé que le simple fait qu’une aide ne visait pas un ou plusieurs bénéficiaires particuliers préalablement définis, mais que les bénéficiaires étaient sélectionnés sur la base d’un critère objectif et chiffré ne signifiait pas que la mesure en question ne constituait pas un avantage sélectif pour les bénéficiaires. Elle a, en outre, indiqué que la procédure d’identification des bénéficiaires n’influait pas sur le fait que, en raison de sa nature, la mesure devait être considérée comme étant une aide d’État.

165    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation relative à la notion de sélectivité et, il convient, dès lors, de rejeter le présent grief.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative au critère des ressources d’État et d’imputabilité à l’État

166    La requérante avance que la Commission n’a pas démontré que, à compter du 1er mai 2004, l’aide contenue dans l’AAE en cause était imputable à l’État hongrois. À cet égard, elle prétend que la Commission n’a pas tenu compte de ce que le mécanisme de prix contenu dans l’AAE en question avait été négocié et modifié par elle et MVM et de ce qu’il n’avait pas de lien avec le système étatique antérieur de réglementation des prix. La Commission se serait, de plus, erronément basée sur des objectifs universels, comme la sécurité des approvisionnements et des considérations environnementales, communs à toutes les autorités publiques sur le marché de l’électricité.

167    Il résulte de la jurisprudence de la Cour que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État sont considérés comme étant des aides au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En effet, la distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (voir arrêt de la Cour du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 58, et la jurisprudence citée).

168    De plus, même si l’État est en mesure de contrôler une entreprise publique et d’exercer une influence dominante sur les opérations de celle-ci, l’exercice effectif de ce contrôle dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé. Une entreprise publique peut agir avec plus ou moins d’indépendance, en fonction du degré d’autonomie qui lui est laissé par l’État. Dès lors, le seul fait qu’une entreprise publique soit sous contrôle étatique ne suffit pas pour imputer des mesures prises par celle-ci à l’État. Il est encore nécessaire d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans l’adoption de ces mesures (arrêt de la Cour du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 52).

169    À cet égard, il ne saurait être exigé qu’il soit démontré, sur le fondement d’une instruction précise, que les autorités publiques ont incité concrètement l’entreprise publique à prendre les mesures d’aide en cause. Pour ces motifs, il y a lieu d’admettre que l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue (arrêt France/Commission, précité, points 53 et 55).

170    Toujours selon cet arrêt, certains indices pourraient, le cas échéant, être pertinents pour conclure à l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique, tels que, notamment, son intégration dans les structures de l’administration publique, la nature de ses activités et l’exercice de celles-ci sur le marché dans des conditions normales de concurrence avec des opérateurs privés, le statut juridique de l’entreprise, celle-ci relevant du droit public ou du droit commun des sociétés, l’intensité de la tutelle exercée par les autorités publiques sur la gestion de l’entreprise ou tout autre indice indiquant, dans le cas concret, une implication des autorités publiques ou l’improbabilité d’une absence d’implication dans l’adoption d’une mesure, eu égard également à l’ampleur de celle-ci, à son contenu ou aux conditions qu’elle comporte (arrêt France/Commission, précité, point 56).

171    Il convient, à titre liminaire, de constater que les autorités hongroises n’ont jamais prétendu, au cours de la procédure formelle d’examen, que les AAE n’étaient pas imputables à l’État hongrois et n’impliquaient donc pas le transfert de ressources d’État.

172    Il y a lieu de constater que, aux considérants 291 à 316 de la décision attaquée, la Commission a analysé en détail la question de l’imputabilité à l’État.

173    Certes, dans le cadre de son analyse, la Commission a indiqué, notamment au considérant 296 de la décision attaquée, que les AAE constituaient l’instrument choisi par le gouvernement hongrois pour garantir la sécurité d’approvisionnement et la réalisation d’objectifs gouvernementaux, comme la modernisation du secteur de l’électricité avec une attention particulière pour les normes de protection de l’environnement, ainsi que la restructuration indispensable du secteur. Cependant, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, la Commission ne s’est pas appuyée sur les intentions politiques et économiques de l’État membre pour démontrer l’imputabilité, mais les a simplement mentionnées afin de mettre en évidence les contextes historique et légal entourant la conclusion des AAE. La Commission ne saurait donc être considérée comme ayant commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

174    Concernant l’appréciation de la Commission ayant conduit à retenir l’imputabilité à l’État, relative notamment au mécanisme de détermination du prix contenu dans l’AAE en cause, la Commission a expressément souligné au considérant 310 de la décision attaquée que, dans ses observations présentées au cours de la procédure administrative, la requérante avait fait valoir que, après la période de réglementation des prix (c’est-à-dire après le 1er janvier 2004, à l’exception de la nouvelle réglementation en matière de prix en 2007), les prix fixés dans le cadre des AAE n’étaient pas imputables à l’État, mais étaient le résultat de négociations entre elle et MVM.

175    Prenant en compte une telle allégation de la requérante, la Commission a reconnu, au considérant 311 de la décision attaquée, que le montant exact des ressources transférées aux bénéficiaires ne dépendait pas uniquement des clauses figurant dans les AAE, mais également des négociations bilatérales périodiques entre MVM et les producteurs. À cet égard, elle a indiqué que les AAE offraient aux parties une certaine liberté pour négocier les quantités d’électricité effectivement achetées par MVM, ainsi que certaines composantes du prix, notamment en ce qui concerne le calcul des redevances de capacité, dépendant de nombreux facteurs et nécessitant des ajustements périodiques.

176    Toutefois, la Commission a ajouté que les négociations sur les quantités achetées ne pouvaient jamais conduire à l’achat de quantités inférieures au minimum garanti fixé dans les AAE et que les négociations sur les prix ne pouvaient se dérouler que dans le cadre des mécanismes de fixation des prix prévus par les AAE. Elle a ainsi conclu que les négociations portant sur les prix n’avaient donc pas remis en cause le principe de l’obligation d’achat couvrant les coûts justifiés et que l’obligation de la mise en réserve des capacités et le paiement d’une contrepartie pour ces capacités impliquaient en lui-même un transfert de ressources d’État aux bénéficiaires, indépendamment des négociations périodiques entre MVM et les producteurs.

177    Il s’ensuit que la Commission a tenu compte, dans le cadre de son examen, des négociations bilatérales entre la requérante et MVM quant à la formule de prix contenue dans l’AAE en cause. Ce faisant, elle est toutefois parvenue à la conclusion que ni les négociations sur les prix ni les modifications des AAE n’avaient affecté les principes de base régissant ces AAE, à savoir l’existence d’une obligation d’achat visant à garantir le retour sur investissement, assortie de la couverture des coûts fixes et variables.

178    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante et conformément à ce qui a été indiqué précédemment, le comportement de MVM ne saurait être considéré comme ayant correspondu objectivement à celui d’un opérateur de marché privé.

179    Il s’ensuit que le présent grief, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation concernant le critère des ressources d’État et d’imputabilité à l’État, doit être rejeté.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative aux conditions de l’affectation des échanges entre États membres et de la distorsion de la concurrence

180    La requérante fait valoir que, la Hongrie n’étant pas un État membre à la date de la conclusion des AAE, il était impossible pour la Commission de conclure que les contrats conclus entre MVM et les membres de groupes internationaux de l’énergie avaient pu affecter les échanges entre les États membres. Elle soutient, en outre, que, en ce qui concerne la période postérieure à l’adhésion de la Hongrie à l’Union, la Commission a considéré que les exportations et les importations avaient été prétendument entravées par l’existence même des AAE, sans démontrer un lien de causalité entre le prétendu avantage sélectif et son effet sur les échanges. Enfin, elle prétend que la Commission n’a manifestement pas établi que l’AAE en cause lui procurait un quelconque avantage financier qui aurait conduit à une distorsion de la concurrence.

181    Il convient de rappeler que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 95, et la jurisprudence citée).

182    En outre, si la Commission a correctement exposé en quoi les aides litigieuses étaient susceptibles d’avoir de tels effets, il ne lui incombait pas de procéder à une analyse économique de la situation réelle du marché concerné, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges des produits ou des services en cause entre les États membres (voir arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 96, et la jurisprudence citée).

183    De plus, la circonstance qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau de l’Union, comme en l’espèce, est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (voir arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 97, et la jurisprudence citée).

184    À titre liminaire, la période pertinente pour l’évaluation des AAE débutant le 1er mai 2004, les arguments de la requérante se fondant sur la période antérieure à cette date aux fins d’invalider la décision attaquée apparaissent comme étant dénués de pertinence. En tout état de cause, il est constant que ladite décision, et donc l’analyse qu’elle contient concernant le critère relatif à la distorsion de la concurrence, porte sur ladite période, de telle sorte que la Commission n’a, à l’évidence, pas conclu à l’existence d’une distorsion de la concurrence pour la période antérieure.

185    Ensuite, il y a lieu de constater que, aux considérants 319 à 338 de la décision attaquée, la Commission s’est intéressée à la question de la distorsion de la concurrence et de l’effet sur les échanges entre États membres.

186    À cet égard, la Commission a rappelé que, depuis l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, en particulier depuis l’entrée en vigueur de la directive 96/92, les mesures favorisant des entreprises du secteur de l’énergie dans un État membre pouvaient porter atteinte à la capacité qu’ont les entreprises d’autres États membres à exporter de l’électricité vers celui-ci, ou favoriser les exportations d’électricité vers ces derniers (considérants 319 et 320 de la décision attaquée). Elle a également indiqué, à raison, que cela était particulièrement vrai dans le cas de la Hongrie, étant donné son positionnement géographique au centre de l’Europe (considérant 321 de ladite décision).

187    La Commission a constaté, et la requérante ne le contredit pas, que, au cours des années ayant suivi l’adhésion de la Hongrie à l’Union, environ 60 % des capacités de production hongroises avaient fait l’objet d’un contrat conclu par MVM dans le cadre d’AAE (considérant 322 de la décision attaquée) et, partant, que 60 % des capacités totales étaient liés à une seule entreprise, MVM, avec une garantie d’achat (considérant 325 de ladite décision). Elle a également fait remarquer que, en raison du manque de capacités disponibles sur le marché libre dû à l’importance des capacités mises en réserve en application des AAE, les utilisateurs finaux éligibles rencontraient des difficultés à opter pour le marché libre (considérants 324 et 326 de cette décision).

188    La Commission a, ensuite, mentionné que les capacités mises en réserve constituaient une entrave à l’entrée de nouveaux producteurs d’électricité sur le marché de gros et que les AAE conduisaient à l’élimination de la concurrence en restreignant notamment la possibilité des clients éligibles à intégrer le marché libre (considérants 325 et 326 de la décision attaquée).

189    Par ailleurs, aux considérants 327 et 328 de la décision attaquée, se fondant notamment sur une étude réalisée par le centre régional de recherches sur l’énergie évaluant l’impact de la cessation des AAE sur les prix de gros de l’électricité en Hongrie, publiée au mois de novembre 2006, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles les AAE généraient des prix de gros plus élevés que ceux qui pourraient être atteints en l’absence d’AAE. En outre, elle s’est référée à son rapport de 2007 pour analyser les effets des AAE sur la concurrence et sur le commerce (considérant 329 de ladite décision). Elle a fait ainsi état de ce que ces différentes études concluaient toutes que les AAE faussaient la concurrence et pouvaient affecter les échanges entre les États membres (considérant 330 de cette décision).

190    Enfin, la Commission a indiqué que les capacités mises en réserve, les achats garantis et le mécanisme de fixation des prix prévus par les AAE protégeaient les producteurs d’électricité des risques commerciaux d’exploitation typiques et qu’il en résultait des conditions de concurrence faussées sur le marché de l’électricité (considérant 334 de la décision attaquée).

191    À la lumière des considérants 319 à 338 de la décision attaquée, il apparaît clairement que, contrairement à ce que soutient la requérante, dans le cadre de son analyse, la Commission est partie des caractéristiques des AAE, qualifiées précédemment d’avantage tenant non seulement aux réserves de capacité, mais également à l’obligation d’achat minimal et au mécanisme de fixation des prix, pour expliquer dans quelle mesure l’avantage découlant des AAE avait des conséquences et des effets pour le marché de l’électricité. Elle a donc clairement indiqué en quoi les AAE conduisaient à une distorsion de concurrence.

192    La Commission a ainsi établi un lien de causalité entre l’avantage conféré par les AAE et les effets de distorsion de la concurrence sur le marché de l’électricité.

193    De plus, ainsi que cela ressort du point 156 ci-dessus, au considérant 333 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte, dans le cadre de son analyse, du fait que d’autres facteurs (législation, accès limité aux capacités transfrontières, influence importante de l’évolution des prix sur les marchés internationaux de l’énergie, etc.) influençaient la concurrence et les échanges. Une telle prise en compte n’a cependant pas eu de conséquence sur sa position selon laquelle les AAE affectaient sensiblement la concurrence et les échanges.

194    Par ailleurs, se référant à la jurisprudence de l’Union (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, Rec. p. II‑143, point 82), la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir procédé à une appréciation définitive des avantages conférés par l’AAE en cause et de l’impact sur les échanges entre les États membres.

195    Cependant, nonobstant le fait que la requérante n’explique aucunement les raisons pour lesquelles elle considère que l’appréciation de la Commission dans la décision attaquée ne serait pas définitive, il ressort de l’arrêt cité par la requérante, notamment du point 82 auquel elle se réfère spécifiquement, que le juge de l’Union a estimé opportun, dans le cadre d’une procédure d’examen portant sur un mécanisme complexe composé de différentes mesures étatiques, que la Commission vérifie provisoirement, au moment de l’ouverture de la procédure, si ce mécanisme dans son ensemble est susceptible d’affecter les échanges. Toutefois, toujours selon le juge de l’Union, dans la décision finale, la Commission est tenue de remplacer cette appréciation provisoire par une appréciation définitive des effets sur les échanges entre États membres des mesures qualifiées définitivement d’aides. Dans cet arrêt, il a été jugé que cela valait d’autant plus lorsque la décision finale ne qualifiait d’aide qu’une partie des mesures visées par la procédure d’examen.

196    Or, en l’espèce, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, de l’examen du premier moyen dans le présent arrêt et des points 185 à 192 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a clairement identifié de manière définitive quels étaient les avantages conférés par l’AAE en cause et a procédé à une appréciation définitive, et non provisoire, de l’impact sur la concurrence de ceux-ci.

197    En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, au regard du point 103 ci-dessus, il ressort également de la décision attaquée que la Commission a démontré l’existence de risques ou d’avantages « structurels ».

198    Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en établissant que l’AAE en cause conférait un avantage conduisant à une distorsion de concurrence et à une affectation du commerce entre États membres.

199    Il convient donc de rejeter les arguments développés par la requérante à cet égard et, partant, le présent grief.

200    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le troisième moyen tiré de ce que la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’application des critères cumulatifs de l’article 87, paragraphe 1, CE.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de principes fondamentaux du droit de l’Union

201    Au soutien du deuxième moyen, la requérante invoque plusieurs griefs tirés, en premier lieu, d’une violation des droits de la défense, en deuxième lieu, d’une violation du principe de sécurité juridique, en troisième lieu, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, en quatrième lieu, d’une violation des principes de neutralité et d’égalité de traitement.

202    Il convient d’examiner ensemble les griefs tirés de la violation du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le grief tiré d’une violation des droits de la défense

203    La requérante fait valoir que la Commission ne lui a pas donné la possibilité d’être entendue loyalement, dès lors que, dans la décision d’ouverture de la procédure, n’étaient précisés ni la période de référence, débutant le 1er mai 2004, ni la décision de traiter les AAE comme étant un système générique, ni le choix des références afin de quantifier l’aide alléguée. Par ailleurs, elle soutient avoir eu seulement le droit de communiquer des observations. Il existerait, en conséquence, une violation de l’article 88, paragraphe 2, CE, de l’article 6, paragraphe 1, CE du règlement n° 659/1999, de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, ainsi que de la jurisprudence de l’Union.

204    À titre liminaire, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit de l’Union. Ce principe exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une violation du droit de l’Union (arrêts du Tribunal du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 32, et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 121).

205    De plus, il résulte de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

206    Cependant, dans la mesure où le présent grief a trait à une violation des droits de la défense, il doit être envisagé en considération du droit dont disposent les intéressés, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE, de soumettre des observations durant la phase d’examen visée par cette disposition et non des droits de la défense en tant que tels, dont seuls les États, en tant que parties aux procédures d’examen d’aides d’État, sont titulaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, points 80 à 83).

207    En effet, lors de la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, les intéressés, comme la requérante en l’espèce, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêt du Tribunal du 20 octobre 2011, Eridania Sadam/Commission, T‑579/08, non publié au Recueil, point 81).

208    Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture de la procédure peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun (arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, Rec. p. II‑4217, point 104, et du 22 octobre 2008, TV 2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec. p. II‑2935, point 138).

209    La décision d’ouverture de la procédure doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun (arrêts du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, point 138, et Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, précité, point 105).

210    L’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 prévoit que toute partie intéressée peut présenter des observations à la suite d’une décision de la Commission d’ouvrir une procédure formelle d’examen. Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, les intéressés autres que l’État membre responsable de l’octroi de l’aide ont pour l’essentiel un rôle de source d’information pour la Commission (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, points 191 et 192, et la jurisprudence citée).

211    En l’espèce, il est constant que, à la suite de la publication de la lettre informant la Hongrie de la décision d’ouverture de la procédure, accompagnée d’un résumé de cette décision invitant toutes les parties intéressées à présenter leurs observations, la Commission a reçu les observations des producteurs d’électricité hongrois, dont la requérante. En effet, cette dernière a déposé ses observations par lettres des 13 et 14 février, du 14 décembre 2006 ainsi que du 5 mars 2008.

212    Or, dans la décision d’ouverture de la procédure, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a exposé suffisamment clairement les motifs sur le fondement desquels elle a conclu provisoirement que les AAE conféraient aux producteurs d’électricité une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et que cette aide était incompatible avec le marché commun.

213    À cet égard, après avoir décrit notamment le contexte historique, les caractéristiques des AAE, ainsi que l’évolution de la structure du marché de l’électricité hongrois, la Commission a procédé à une évaluation provisoire des aides contenues dans les AAE au regard des critères constitutifs d’une aide d’État énoncés à l’article 87, paragraphe 1, CE, pour enfin examiner leur compatibilité à l’égard du marché commun. Dans ce contexte, elle a cité expressément les aides couvertes par les AAE en 2004 et s’est référée aux années 90 et à la conclusion des AAE uniquement aux fins de mettre en évidence les contextes économique et juridique existant en Hongrie durant cette période.

214    Plus précisément, dans le cadre de l’évaluation des aides contenues dans les AAE, effectuant une analyse au regard de l’annexe IV, chapitre 3, de l’acte d’adhésion, la Commission a clairement indiqué que la décision d’ouverture de la procédure ne concernait que les AAE en vigueur à la date d’adhésion de la Hongrie à l’Union, soit à compter du 1er mai 2004. La circonstance qu’elle n’a pas donné plus de précision concernant la période pertinente pour l’évaluation des AAE ni même d’éléments concernant notamment le choix des références qui seront finalement utilisées dans la décision attaquée ne saurait lui être reprochée, la requérante disposant seulement du droit d’être entendue et d’être associée à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce ainsi que du droit de connaître le raisonnement provisoire suivi.

215    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que les droits de la défense de la requérante ont été respectés.

216    Quant à l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission n’a pas précisé dans la décision d’ouverture de la procédure qu’elle traiterait les AAE comme étant un système générique, il doit également être rejeté, dès lors que, ainsi que cela résulte de l’analyse effectuée dans le cadre du premier moyen, la Commission a également tenu compte des spécificités de chaque AAE dans la décision attaquée, lorsque cela était pertinent.

217    En tout état de cause, pour qu’une telle violation des droits de la défense entraîne une annulation, encore faut-il démontrer que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêt de la Cour du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, Rec. p. I‑8237, point 101, et la jurisprudence citée, et arrêt ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, précité, point 189). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que, ainsi qu’il ressort de l’examen effectué au premier moyen, la Commission a correctement procédé à l’évaluation des aides contenues dans les AAE au regard des quatre critères prévus à l’article 87, paragraphe 1, CE en tenant compte d’une période débutant le 1er mai 2004 comme période pertinente pour l’évaluation des AAE.

218    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le grief soulevé par la requérante, tiré d’une violation des droits de la défense.

 Sur le grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

219    Selon la requérante, d’une part, la Commission a violé les articles 87 CE et 88 CE ainsi que le principe de la sécurité juridique en appliquant une appréciation ex post à la mesure en question. La Commission n’avancerait aucune justification à l’abandon de la méthode consacrée d’appréciation ex ante. D’autre part, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime en soutenant que l’AAE en cause constituait une aide d’État après l’adhésion de la Hongrie à l’Union le 1er mai 2004, que cette aide devait être récupérée et que ledit AAE devait être résilié effectivement au plus tard le 4 décembre 2008. La requérante se réfère à la jurisprudence de l’Union et fait notamment valoir, à cet égard, que sa privatisation n’a pas impliqué d’aide d’État et que l’avantage économique prétendument contenu dans l’AAE en cause devait être considéré comme ayant été restitué à travers son acquisition de l’entreprise et de la centrale électrique au prix du marché en 1996. Elle émet également des observations concernant le point 3.7 de l’accord de 2001 modifiant l’AAE en cause.

220    Il convient de rappeler que le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, point 102, et la jurisprudence citée ; du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 77, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, Rec. p. II‑2121, point 126).

221    Quant au principe de sécurité juridique, il exige que les règles du droit de l’Union soient claires et précises, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2012, Régie Networks et NRJ Global/Commission, T‑340/11, non publiée au Recueil, point 30, et la jurisprudence citée).

222    D’une part, la requérante ne prétend à aucun moment avoir reçu quelque assurance que ce soit quant à la nature de l’aide contenue dans l’AAE en cause, de telle sorte que, nonobstant les observations émises par la Commission relatives au point 3.7 de l’accord de 2001 modifiant l’AAE en cause et celles avancées en réponse par la requérante, il ne saurait exister une violation du principe de protection de la confiance légitime à cet égard.

223    D’autre part, ainsi que cela a déjà été indiqué ci-dessus dans le cadre de l’examen du premier moyen, dans le cas d’une adhésion d’un État à l’Union, un changement majeur est apporté aux caractéristiques juridiques et économiques d’un marché et, dans ce contexte, une mesure peut devenir une aide d’État incompatible, sans que cela porte atteinte à la confiance légitime de l’intéressé ou au principe de sécurité juridique. À cet égard, les règles contenues dans l’accord européen incluant la Hongrie, dans le traité d’adhésion ainsi que dans l’acte d’adhésion, concernant les règles matérielles comme les règles de procédure du droit de l’Union en matière d’aides d’État, sont claires et précises.

224    Par ailleurs, ainsi que cela est énoncé au point 63 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur en prenant en considération la date débutant le 1er mai 2004 pour procéder à l’évaluation des aides contenues dans les AAE. Dès lors, l’argumentation de la requérante, critiquant l’appréciation, qu’elle qualifie d’ex post, de la mesure contenue dans l’AAE en cause, pour conclure à une violation du principe de sécurité juridique ne saurait prospérer. Pour les mêmes raisons, la circonstance que l’annexe IV de l’acte d’adhésion s’applique uniquement aux « mesures d’aides », alors que la Commission n’aurait pas confirmé dans sa décision attaquée que les AAE constituaient des aides avant la date d’adhésion, n’est pas de nature, contrairement à ce que soutient la requérante, à conduire à une violation du principe susmentionné.

225    En outre, doivent également être rejetés les arguments de la requérante, s’appuyant sur la jurisprudence de l’Union (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. II‑3121), relatifs à ce que, afin de garantir le respect du principe de sécurité juridique, les règles de fond du droit de l’Union en matière d’aides d’État ne sauraient être appliquées de manière rétroactive, ces règles ne pouvant viser des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur. En effet, il convient de rappeler que l’acquis communautaire et les règles en matière d’aides d’État qui en font partie sont devenus obligatoires en Hongrie à compter du 1er mai 2004. Or, sans préjudice de la jurisprudence susmentionnée qui vise des situations juridiques définitivement acquises, le principe de sécurité juridique n’empêche pas la Commission de constater, en l’espèce, à compter de cette date et pour la durée ultérieure pendant laquelle la requérante en reçoit le bénéfice, l’existence d’une aide d’État incompatible conférée par l’AAE en cause, l’aide contenue dans cet AAE dérivant directement des caractéristiques et de la structure mise en place par ce dernier, faisant toujours l’objet d’une application après le 1er mai 2004.

226    Enfin, pour la même raison, à savoir le fait que la période pertinente pour l’évaluation des AAE débute à compter du 1er mai 2004, les arguments de la requérante se fondant sur les circonstances de la privatisation opérée dans les années 90 ne sauraient prospérer. En effet, la procédure en l’espèce et la possibilité de qualifier d’aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, l’avantage conféré par les AAE à la requérante portent uniquement sur une période débutant le 1er mai 2004, soit presque une décennie après le processus de privatisation. Ainsi est dénuée de pertinence l’argumentation de la requérante se fondant sur la circonstance que sa privatisation n’a pas impliqué d’aides d’État et que l’avantage économique prétendument contenu dans son AAE devrait être considéré comme ayant été restitué à travers son acquisition de « [l’entreprise publique en cause] et [de] la centrale [électrique] Tisza II au prix du marché en 1996 ».

227    En effet, même à supposer que, comme le soutient la requérante, la procédure de privatisation ait été conduite notamment conformément au XXIIIe rapport sur la politique de la concurrence de 1993 ayant fait l’objet d’une communication de la Commission le 5 mai 1994 [COM(94) 161 final] et en dépit de la référence effectuée par la requérante à l’article 6 de la directive 96/92 relatif à la procédure d’appel d’offres pour la construction de nouvelles installations de production, comme l’a correctement considéré la Commission au considérant 185 de la décision attaquée, le changement d’actionnariat s’est opéré avant la date à partir de laquelle doit être examinée l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

228    Il appartenait donc à la Commission d’évaluer seulement si, à compter du 1er mai 2004, la requérante avait bénéficié d’un avantage conféré par les AAE, dans la mesure où ces accords reposaient sur l’obligation pour MVM d’acheter des capacités réservées de production d’électricité, ainsi qu’une quantité minimale d’électricité, au prix couvrant les frais fixes et les frais variables.

229    Il convient, dès lors, de rejeter comme inopérante l’argumentation développée par la requérante en ce qui concerne le processus de privatisation, et notamment le prétendu remboursement de l’aide contenue dans l’AAE en cause du fait de la privatisation de celle-ci, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la jurisprudence invoquée par elle (arrêt de la Cour du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑328/99 et C‑399/00, Rec. p. I‑4035). Dans ces circonstances, la requérante ne saurait, par ailleurs, soutenir qu’AES a remboursé à l’État hongrois la valeur de l’aide contenue dans l’AAE en cause par le biais du prix payé lors de la privatisation et que le remboursement de l’avantage conféré par l’AAE en cause aboutit à rembourser deux fois le montant de la même aide d’État.

230    À cet égard, doit enfin être écartée l’observation de la requérante selon laquelle la Commission aurait modifié, dans le mémoire en défense, sa position concernant le lien entre l’AAE en cause et la privatisation.

231    En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’apparaît pas que, dans le mémoire en défense, la Commission ait changé sa position avancée dans la décision d’ouverture de la procédure (point 2.2) ainsi que dans la décision attaquée (considérant 39), selon laquelle si les AAE, y inclus l’AAE en cause, ont été conclus dans le contexte de la privatisation des centrales électriques, cette circonstance ne saurait avoir de conséquences sur l’avantage conféré par l’AAE en cause à la requérante à compter du 1er mai 2004 et, partant, sur l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Par ailleurs, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, le passage extrait par la requérante de l’arrêt Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, précité, se réfère au bénéfice des aides reçues et au fait que la vente d’actions d’une société bénéficiaire d’une aide illégale à un tiers n’a pas d’influence sur l’obligation de récupération. Or, en l’espèce, il n’est nullement question de récupérer l’aide reçue avant la privatisation, la décision attaquée portant uniquement sur la période démarrant à la date de l’adhésion et le recouvrement concernant uniquement l’aide reçue par la requérante.

232    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation de la requérante relative à une violation du principe de sécurité juridique et à une violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait prospérer. Il y a donc lieu de rejeter ces griefs.

 Sur le grief tiré d’une violation des principes de neutralité et d’égalité de traitement

233    La requérante invoque une violation des principes de neutralité et d’égalité de traitement, contraire à l’article 295 CE, en faisant valoir en substance que, dans le cadre de son analyse, la Commission a placé MVM dans une position avantageuse à ses dépens. Dans la décision attaquée, la Commission aurait notamment fait abstraction des contextes commercial et légal dans lesquels les AAE ont été conclus. Par ailleurs, la Commission aurait permis à une autorité étatique de ne pas respecter un contrat commercial valablement conclu avec un fournisseur indépendant d’électricité, qui avait acquis les avoirs de MVM au moment de la privatisation.

234    À titre liminaire, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas tenu compte des contextes commercial et légal dans lesquels les AAE avaient été conclus doit être écartée pour les raisons développées aux points 59 à 64 ci-dessus.

235    Il convient ensuite de rappeler que l’article 295 CE établit le principe de neutralité à l’égard des règles régissant le régime de propriété applicable dans les États membres.

236    Il résulte de la jurisprudence de l’Union que, si le régime de propriété continue à relever de chaque État membre en vertu de l’article 295 CE, cette disposition n’a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existant dans les États membres aux règles fondamentales du traité. Ainsi, et conformément à l’article 86, paragraphe 1, CE, les règles de concurrence du traité, qui sont des règles fondamentales, sont applicables indistinctement aux entreprises publiques et privées (voir arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, précité, points 192 et 193, et la jurisprudence citée).

237    Il ne saurait, donc, être considéré que l’article 295 CE limite la portée de la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, précité, point 194).

238    En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué aux points 90 à 106 ci-dessus et contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas concentré son analyse uniquement sur les « obligations d’achat » de MVM. En effet, il ressort de la décision attaquée que c’est la combinaison d’une réservation d’une capacité de production d’électricité, d’une prévision d’achat minimal d’électricité et d’un mécanisme de fixation de prix couvrant les coûts fixes, le coût du capital et les coûts variables, qui a conduit la Commission à retenir une infraction aux règles prévues par le traité en matières d’aides d’État.

239    Par ailleurs, le critère de l’investisseur privé en économie de marché reflète le principe de l’égalité de traitement entre entreprises publiques et entreprises privées (conclusions de l’avocat général M. Mazák sous l’arrêt de la Cour du 5 juin 2012, Commission/EDF e.a., C‑124/10 P, non encore publié au Recueil, point 131). Or, il résulte de l’analyse effectuée par la Commission, validée aux points 90 à 106 ci-dessus, que la Commission a correctement appliqué ledit critère, en considérant que, à la place de MVM, un opérateur avec des considérations purement commerciales n’aurait pas conclu les AAE, mais d’autres types d’accords conformes à la pratique commerciale habituelle. Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, MVM ne saurait être considérée comme ayant agi comme un investisseur privé prudent.

240    Enfin, les allégations de la requérante selon lesquelles la Commission aurait permis à MVM de résilier l’AAE en cause et de violer ainsi impunément un contrat commercial valable, privant les parties du recours aux mécanismes normaux de renégociation d’un contrat, ne sauraient prospérer. En effet, dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission qualifie l’aide contenue dans l’AAE en cause comme constituant une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, incompatible avec le marché commun et se borne à ordonner aux autorités nationales de supprimer l’attribution de cette aide et à en demander le remboursement en tenant compte de la période pertinente pour l’évaluation des AAE débutant à compter du 1er mai 2004.

241    Les principes de neutralité et d’égalité de traitement permettent, certes, d’appliquer indistinctement les règles de concurrence du traité aux entreprises privées comme aux entreprises publiques, c’est-à-dire indépendamment du régime de propriété auquel elles sont soumises, mais aucunement aux unes ou aux autres de s’en soustraire. Ainsi, dès lors que la Commission a correctement conclu à une violation des règles en matière d’aides d’État, la circonstance que la décision attaquée a eu pour conséquence la résiliation de l’AAE en cause ne saurait conduire pour autant, dans ladite décision, à une violation de ces principes à l’égard de MVM.

242    Le présent grief doit, ainsi, être écarté. Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée au titre de l’article 253 CE

243    La requérante invoque une insuffisance de motivation de la décision attaquée à plusieurs égards.

244    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, Rec. p. I‑3639, point 48, et la jurisprudence citée). En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 136, et la jurisprudence citée).

245    À titre liminaire, il suffit de se référer aux points 125 à 128 ci-dessus, dans lesquels il a été considéré que la Commission n’a pas qualifié les AAE de « système commun ou générique », pour écarter l’allégation de la requérante selon laquelle l’approche choisie par la Commission consistant à qualifier les AAE comme tels serait insuffisante.

246    En premier lieu, doit être rejetée l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas suffisamment justifié sa position concernant le cadre temporel de l’évaluation.

247    En effet, il convient de relever que la Commission a consacré les considérants 156 à 172 de la décision attaquée à la question tenant au moment approprié de l’évaluation. Plus précisément, après avoir rappelé les observations des parties intéressées au considérant 156 de ladite décision, elle a cité les dispositions pertinentes de l’annexe IV, chapitre 3, de l’acte d’adhésion, soit l’article 1er, paragraphe 1, de ce point, puis l’article 1er, sous b) et c), du règlement n° 659/1999. Elle a ensuite mis en évidence, aux considérants 160 à 168 de cette décision, les raisons pour lesquelles l’appréciation de l’aide contenue dans l’AAE en cause au regard des critères prévus à l’article 87, paragraphe 1, CE ne devait pas être effectuée, dans le cas d’espèce, au moment de la conclusion des AAE. En outre, après avoir indiqué, au considérant 168 de la même décision, que la période pertinente pour l’évaluation des AAE était la période postérieure à l’adhésion de la Hongrie à l’Union, elle a mis en évidence les risques d’une approche différente, au considérant 169 de ladite décision, et a réfuté l’approche avancée par les parties intéressées, aux considérants 170 et 171 de la décision en cause.

248    En deuxième lieu, concernant l’argument de la requérante selon lequel, s’agissant de la mise en œuvre du critère de l’avantage, la Commission n’a pas suffisamment motivé la référence aux marchés de gros de l’électricité en Europe, il convient également de le rejeter. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles elle avait choisi de se référer aux pratiques commerciales habituelles sur ces marchés pour apprécier l’existence d’un avantage.

249    Aux considérants 177, 178 et 191 de la décision attaquée, la Commission a explicité le raisonnement qu’elle avait suivi dans le cadre de son analyse, en indiquant que, aux fins de répondre à la question de savoir si, dans les circonstances existant au moment de l’adhésion de la Hongrie à l’Union, un opérateur de marché aurait conclu les AAE, il était nécessaire d’identifier les principales pratiques des acteurs commerciaux sur les marchés européens de l’électricité. Dans ce contexte, elle a évalué si les AAE étaient conformes à ces pratiques ou s’ils offraient aux producteurs des garanties qu’un acheteur agissant sur une base exclusivement commerciale n’accepterait pas.

250    À cet égard, au considérant 192 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’il était utile de mentionner la structure qui se retrouve traditionnellement sur le marché de l’électricité, à savoir la division dudit marché en quatre sous-marchés que sont, premièrement, la production ou l’importation et le commerce de gros, deuxièmement, la transmission ou la distribution, troisièmement, la vente au détail et, quatrièmement, les services d’équilibrage. Au considérant 193 de cette décision, elle a ensuite mis en évidence la subdivision particulière existant sur le marché de l’électricité hongrois durant la période pertinente pour l’évaluation des AAE, à savoir la structure hybride constituée par le secteur de service public et le secteur concurrentiel.

251    Au considérant 194 de la décision attaquée, après avoir expliqué les raisons pour lesquelles l’existence de l’aide contenue dans l’AAE en cause devait être évaluée au regard de l’objectif premier assigné à MVM, soit la fourniture d’électricité aux distributeurs régionaux en quantité suffisante pour répondre à la demande du secteur de service public, la Commission en a déduit qu’il était donc nécessaire, dans ce contexte, afin d’examiner dans quelle mesure un opérateur de marché prudent agissant sur une base commerciale aurait conclu des accords fournissant les mêmes garanties que celles prévues par les AAE, d’étudier des pratiques commerciales pertinentes sur les marchés de gros concurrentiels, puis d’effectuer une comparaison de ces pratiques avec les AAE. Dans le cadre de cette étude, la Commission s’est fondée sur l’enquête sectorielle ayant conduit à son rapport de 2007.

252    Au regard de ce qui vient d’être exposé, il y a lieu de considérer que la Commission a fait apparaître de façon suffisamment claire et non équivoque son raisonnement de manière à permettre, notamment, à la requérante de comprendre les motifs de la décision attaquée, en ce qui concerne le choix de se référer aux pratiques commerciales habituelles tout en tenant compte des particularités du marché hongrois, pour évaluer l’existence d’un avantage conféré par les AAE.

253    Par ailleurs, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas tenu compte de la réalité du marché de l’électricité hongrois. En effet, il ressort des considérants pertinents de la décision attaquée, notamment des considérants 193, 211 et 212 ainsi que du tableau 5 de ladite décision, que la Commission a pris en considération la double structure du marché hongrois et a répondu aux arguments des parties intéressées portant spécifiquement à cet égard sur les AAE conclus sur le marché de l’électricité hongrois.

254    En outre, en vertu de la jurisprudence citée au point 244 ci-dessus, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a porté qu’une attention superficielle au rapport de l’Office hongrois de la concurrence portant sur l’enquête sectorielle sur le marché de l’électricité hongrois, alors que ce rapport exposerait la raison pour laquelle le « modèle de marché mature » ne saurait être appliqué.

255    En tout état de cause, outre la circonstance que la Commission s’est expressément référée au rapport de l’Office hongrois de la concurrence sur l’enquête sectorielle sur le marché de l’électricité hongrois à plusieurs considérants de la décision attaquée (notamment les considérants 324 et 326 ainsi que les notes en bas de page nos 18 et 22 de cette décision), il y a lieu de relever que la requérante avance un tel argument dans la requête en se fondant sur un rapport qu’elle n’a pas transmis au Tribunal ni dans son entièreté, ni en produisant le point ou la partie pertinente de ce rapport sur lequel elle se fonde. Le seul document fourni au Tribunal est constitué par un projet de rapport (Annexe A3.6), de 100 pages environ, daté du 22 décembre 2005 et pour lequel la requérante spécifie expressément dans le document listant les annexes de la requête que ce projet de rapport n’est pas visé dans la requête.

256    Enfin, la requérante critique la décision attaquée en ce que la Commission n’aurait donné aucune indication des raisons pour lesquelles elle se serait écartée, dans la note en bas de page n° 79 de la décision attaquée, des conclusions d’une étude datée du mois de mars 2006, transmise par la requérante au cours de la procédure administrative. Or, une partie de cette étude examinerait le scénario alternatif qui aurait dû être appliqué par la Commission pour apprécier l’existence d’un avantage conféré par l’AAE en cause.

257    En l’espèce, la Commission a effectivement fait référence à l’étude en cause dans la note en bas de page n° 79 de la décision attaquée. Toutefois, il convient de remarquer que cette note en bas de page était insérée au considérant 333 de ladite décision, relatif à l’analyse de la distorsion de la concurrence et des effets sur les échanges, et ne concernait pas le critère de l’avantage. La circonstance que la Commission n’en a pas tenu compte dans le cadre de son analyse pour apprécier si les AAE ont conféré un avantage aux producteurs d’électricité ne saurait conduire, toutefois, à une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

258    En effet, ainsi qu’indiqué précédemment aux points 90 à 103, la Commission a pris en compte les pratiques commerciales habituelles existant sur les marchés de l’électricité en Europe, en se fondant notamment sur l’enquête sectorielle de 2007, et elle a fait apparaître de façon suffisamment claire et non équivoque son raisonnement de manière à permettre à la requérante de comprendre son choix de procéder de la sorte. Dès lors, la circonstance qu’elle n’a pas pris en considération une partie d’une étude transmise par la requérante, laquelle concernait, notamment, quels auraient été les prix ou la durée des accords sur le marché de l’électricité en l’absence des AAE sans mentionner ou se référer à cet égard à ladite étude, ne saurait constituer une violation de son obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 136).

259    En troisième lieu, la requérante émet quelques observations concernant en substance l’obligation de MVM d’honorer ses obligations d’approvisionner le secteur de service public, que ce soit avant ou après le 1er mai 2004, en indiquant notamment que ce n’est donc pas en raison des AAE que MVM aurait été réticente à libérer des capacités pour le marché libre. Elle soutient également sa position concernant les importations ainsi que les capacités et les frais d’interconnexion. Elle en conclut que le raisonnement de la Commission selon lequel MVM aurait payé des prix moindres en l’absence des AAE était erroné et dépourvu de tout fondement économique.

260    Cependant, il convient de relever que ces allégations de la requérante portent sur des questions de fond et sont donc inopérantes dès lors qu’elles sont soulevées dans le cadre d’un moyen tiré de la légalité formelle de la décision attaquée, en raison d’une prétendue insuffisance de motivation de cette décision, au titre de l’article 253 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 60). Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a d’ailleurs confirmé que le quatrième moyen soulevé dans le cadre du présent recours était pris d’une violation de l’obligation de motiver la décision attaquée.

261    Il s’ensuit que, dans la décision attaquée, la Commission a apporté suffisamment d’indications concernant l’obligation pour MVM d’approvisionner le secteur de service public, l’évolution du marché de l’électricité avec la création de la double structure, et les conséquences prévisibles pour MVM de cette double structure, notamment en ce qui concerne la mise en place d’un système permettant de compenser le risque lié aux pertes financières subies du fait des prix inférieurs pratiqués dans le cadre de la mise aux enchères de l’excédent d’électricité sur le marché libre. Elle a également mis en exergue l’importance des capacités mises en réserve dans le secteur de service public et le manque de capacités disponibles sur le marché libre. Les allégations de la requérante relatives à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée concernant les questions qu’elle a soulevées ne sauraient donc prospérer.

262    Par ailleurs, dans la réplique, la requérante reprend en substance sa critique visant à l’insuffisance de motivation en ce qui concerne l’absence de justification, dans la décision attaquée, de la présomption implicite selon laquelle MVM n’aurait pas profité du processus de libéralisation du marché de l’électricité, au regard de la difficulté de vendre l’excédent d’électricité sur d’autres marchés que le secteur de service public. Or, ainsi que cela a été exposé au point 261 ci-dessus, il convient de considérer que la Commission a apporté suffisamment d’indications sur la situation de MVM, sur son obligation d’approvisionner le secteur de service public et sur le système de double structure mis en place, avec les conséquences prévisibles pour cette dernière.

263    En outre, hormis ce qui vient d’être exposé au point 262 ci-dessus, il convient de relever que, dans la réplique, une partie de l’argumentation avancée par la requérante au soutien du quatrième moyen ainsi que le libellé même de ce moyen concernent en substance la pertinence, au fond, de la motivation de la décision attaquée et non la légalité formelle de la décision attaquée. En vertu de la jurisprudence citée au point 260 ci-dessus, il y a lieu de constater le caractère inopérant d’une telle argumentation.

264    Il résulte de ce qui précède que les arguments, soulevés par la requérante, tirés d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée ne sauraient prospérer et, partant, qu’il convient de rejeter le quatrième moyen dans son entièreté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE

265    À l’appui de son moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, la requérante développe plusieurs arguments, tous critiqués par la Commission.

266    À titre liminaire, au regard respectivement des points 59 à 64 et 121 à 124 ci-dessus, il y a lieu d’emblée de rejeter les allégations de la requérante critiquant, d’une part, l’analyse de la Commission effectuée dans la décision attaquée en ce qu’elle s’est limitée à la période postérieure à l’adhésion de la Hongrie à l’Union et, d’autre part, l’absence d’examen individuel des AAE dans cette décision. À ce dernier égard, il convient de rappeler que, dans ladite décision, la Commission a correctement fait remarquer que les principes directeurs des AAE présentaient des similitudes justifiant leur évaluation conjointe dans une procédure relative à des aides d’État, tout en précisant que cette approche globale ne l’empêchait pas de tenir compte des divergences existant effectivement entre les AAE et que ces divergences seraient donc identifiées dans cette décision dès lors qu’elles étaient pertinentes.

267    Cette approche de la Commission doit donc également être approuvée en ce qui concerne l’étude de la compatibilité avec le marché commun des aides contenues dans les AAE, que la Commission a effectuée aux considérants 388 à 436 de la décision attaquée.

268    De plus, il y a lieu de rappeler que la Commission a adopté, en 1998, les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO C 74, p. 9), qui étaient applicables au moment de l’adhésion de la Hongrie à l’Union, avant d’adopter, en 2006, les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO C 54, p. 13), qui étaient applicables pour la période postérieure au 1er janvier 2007 (ci-après, prises ensemble, les « deux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale »). La règle générale de ces lignes directrices est que les aides d’État accordées pour la couverture d’investissements peuvent être autorisées, alors que tel n’est pas le cas pour une aide au fonctionnement.

269    En vertu de la jurisprudence, une aide au fonctionnement constitue une aide qui vise à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (voir arrêt du Tribunal du 20 octobre 2011, Eridania Sadam/Commission, T‑579/08, non publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée).

270    La Commission a également adopté, le 3 février 2001, l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO C 37, p. 3), ainsi que des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement, remplaçant l’encadrement communautaire susmentionné (JO 2008, C 82, p. 1).

271    Or, aux considérants 388 à 408 de la décision attaquée, la Commission a étudié de manière approfondie la question de la compatibilité des aides contenues dans les AAE, y inclus dans l’AAE en cause, avec l’article 87 CE, paragraphe 3, sous a) à c), en tenant compte des deux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale. En particulier au considérant 396 de ladite décision, elle a étudié explicitement les raisons pour lesquelles ces aides ne pouvaient être considérées comme étant des aides à l’investissement et devaient être qualifiées d’aides au fonctionnement et, au considérant 398 de cette décision, elle a indiqué les raisons pour lesquelles les aides contenues dans les AAE ne correspondaient pas aux types d’aides au fonctionnement pouvant être qualifiées de compatibles en vertu desdites lignes directrices. Elle a également effectué une analyse de la compatibilité de ces aides au regard de l’encadrement communautaire, des aides d’État pour la protection de l’environnement (considérants 409 à 413 de la même décision) et des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement (considérants 414 et 415 de la décision en question).

272    Dans ce contexte, d’ailleurs, il ressort du considérant 397 de la décision attaquée que la Commission n’a pas exclu a priori la possible compatibilité d’aides contenues dans certains AAE dans le cas d’une éventuelle contribution de l’un ou l’autre des AAE à la modération de certains handicaps régionaux. Au considérant 410 de cette décision, la Commission a également identifié la particularité de certaines centrales électriques et thermiques produisant en combinaison de l’électricité et de la chaleur.

273    Il en résulte que la requérante ne saurait soutenir que la Commission a illégalement écarté la mise en œuvre des dispositions de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE sans examiner minutieusement l’application des deux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, ainsi que les documents de la Commission mentionnés au point 270 ci-dessus concernant les aides d’État pour la protection de l’environnement.

274    Par ailleurs, dans le cadre du présent moyen, la requérante critique, comme constituant une erreur manifeste en droit et en fait, l’examen que la Commission a effectué de l’aide contenue dans l’AAE en cause en se référant à la méthode d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués, adoptée le 26 juillet 2001.

275    Cependant, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir examiné l’aide contenue dans l’AAE en cause en se référant à la méthode d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués. En effet, ladite méthode d’analyse permet aux États membres d’accorder des aides aux producteurs d’électricité, qui ont investi dans des centrales électriques avant la libéralisation du marché de l’électricité, en vue de compenser, en raison de la libéralisation et des conséquences qui en découlent, le coût des investissements réalisés qu’ils ne vont pas pouvoir récupérer pendant la durée d’exploitation des centrales électriques concernées. Ainsi que cela ressort du texte même de la communication de la Commission relative à la méthode d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués, de telles mesures d’aides, destinées à compenser le coût d’engagements ou de garanties qui risqueraient de ne plus pouvoir être honorés, peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, à condition qu’elles répondent à certains critères.

276    Dès lors, étant en présence d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, la Commission a pu, à juste titre, dans le cadre de son étude de compatibilité, apprécier si cette même aide pouvait se justifier au regard de l’article 87, paragraphe 3, CE en application du mécanisme de compensation des coûts échoués. Elle a donc décidé de vérifier si l’aide conférée par les AAE aux producteurs d’électricité respectait en elle-même ledit mécanisme, tel que celui-ci est prévu par la communication de la Commission relative à la méthode d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués.

277    Or, notamment aux considérants 422, 423, 428 et 429 de la décision attaquée, estimant que l’aide conférée par les AAE ne répondait pas aux critères prévus au point 4 de ladite méthode, la Commission a donc eu raison de conclure, au considérant 432 de cette décision, à l’incompatibilité des aides contenues dans les AAE avec celle-ci. De tels éléments étant suffisants pour mettre fin à l’appréciation de la compatibilité, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir, d’une part, conformément au point 3 de cette méthode, identifié les coûts liés aux AAE qui devaient être considérés comme étant des coûts échoués éligibles et, d’autre part, de ne pas avoir démontré que l’AAE en cause n’était plus rentable pour MVM depuis le 1er mai 2004.

278    La circonstance indiquée par la requérante selon laquelle il n’est pas surprenant que le seul résultat de l’application aux AAE de la méthode d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués soit de parvenir à la conclusion que les AAE en cours eux-mêmes ne répondent pas aux conditions définies dans cette méthode, car ils n’ont jamais eu pour objet ou pour effet de fonctionner comme un mécanisme de compensation en prévision de leur propre résiliation éventuelle, ne saurait, à la supposer établie, conduire à l’annulation de la décision attaquée.

279    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis de violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, ni d’erreur manifeste d’appréciation dans l’application de ces dispositions.

280    Le cinquième moyen doit, dès lors, être rejeté.

 Sur les sixième et septième moyens, tirés d’une violation du principe de sécurité juridique et des principes fondamentaux du droit de l’Union en ce qui concerne l’ordre de récupération

281    Se référant à l’article 249 CE, la requérante fait valoir une violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne l’ordre de récupération, premièrement, à l’article 1er de la décision attaquée, deuxièmement, à l’article 4 de ladite décision.

282    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 249 CE dresse la liste des instruments juridiques que les institutions européennes peuvent utiliser pour l’accomplissement de leur mission et définit les caractéristiques des principaux actes du droit communautaire dérivé. Parmi ces actes, figure la décision, comme celle attaquée en l’espèce, dont le bien-fondé ne peut être contesté que devant le juge de l’annulation, sur le fondement de l’article 230 CE. En revanche, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 249 CE n’exige pas que les termes d’une décision adoptée par la Commission soient précisés avec une clarté suffisante. L’invocation de l’article 249 CE, dans le cadre du présent moyen fondé sur la violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne l’ordre de récupération, est dépourvue de pertinence et il convient d’écarter l’argumentation de la requérante en ce qu’elle se réfère à cet article.

283    À cet égard, il convient de relever que l’article 1er de la décision attaquée énonce, d’une part, que l’obligation d’achat établie par les AAE contient une aide d’État en faveur des producteurs d’électricité, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, d’autre part, que cette aide est incompatible avec le marché commun et, enfin, que la Hongrie doit supprimer l’attribution de cette aide dans un délai de six mois à compter de la réception de la décision susmentionnée. À l’article 4 de ladite décision, la Commission a ordonné que la Hongrie calcule le montant précis de l’aide à rembourser sur la base d’une simulation appropriée du marché de gros de l’électricité hongrois tel qu’il aurait fonctionné, à compter du 1er mai 2004, en l’absence des AAE et a octroyé aux autorités hongroises un délai de six mois pour effectuer ce calcul.

284    Le principe de sécurité juridique, ainsi que cela ressort de la jurisprudence exposée au point 221 ci-dessus, exige que les règles du droit de l’Union soient claires et précises, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union.

285    S’agissant de l’article 1er de la décision attaquée, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir déterminé avec une précision suffisante l’élément effectif d’aide contenu dans l’AAE en cause.

286    En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation et doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 97).

287    Or, au regard des considérants 174 à 236 de la décision attaquée, au vu de ce qui a été exposé aux points 90 à 106 ci-dessus ainsi que de la jurisprudence citée au point 244 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a clairement et suffisamment indiqué en quoi consistait l’avantage conféré par les AAE, et donc dans l’AAE en cause également.En particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, l’élément de l’aide consistant en l’« obligation d’achat » a été défini avec suffisamment de précision, ainsi que cela ressort en particulier des considérants 153, 285, 311, 315, 340 et 469 de ladite décision.

288    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la valeur économique des « obligations d’achat » n’est pas caractérisée de manière différente et contradictoire dans cette décision. À la lecture des considérants 443 et 447 de la même décision, il apparaît clairement que l’avantage conféré par l’AAE en cause se présente comme la différence entre les montants que MVM aurait, dans des conditions normales de marché, payés pour l’achat de l’électricité dont elle avait besoin et les montants qu’elle a effectivement payés pour l’électricité achetée, qu’elle en ait eu besoin ou non. Ainsi, la Commission a retenu une méthode de remboursement définissant les montants à rembourser comme une différence de recettes et a clairement exposé son raisonnement à cet égard.

289    Il résulte de ce qui précède que l’avantage conféré par les AAE, qui constitue, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, une aide d’État incompatible avec le marché commun, a été défini avec suffisamment de précision dans la décision attaquée et que, par voie de conséquence, en ordonnant à la Hongrie la suppression de l’attribution de cette aide dans un certain délai, l’article 1er, paragraphes 1 à 3, doit être considéré comme suffisamment clair, de telle sorte qu’il ne saurait y avoir une violation du principe de sécurité juridique à cet égard.

290    S’agissant de l’article 4 de la décision attaquée, la requérante critique en substance la décision attaquée en ce que la Commission, d’une part, n’a pas précisé quelle était la situation antérieure que celle-ci visait à rétablir et, d’autre part, s’est fondée sur des éléments hypothétiques. Par ailleurs, la Commission n’aurait indiqué nulle part dans la décision attaquée que les AAE seraient condamnés comme étant incompatibles avec le droit communautaire. Enfin, le mécanisme de simulation de marché imposé par la décision attaquée reposerait en réalité sur l’hypothèse que certaines parties de l’AAE devraient être considérées comme restant en vigueur.

291    À titre liminaire, il convient de rappeler que le calcul des montants remboursables n’incombe pas au bénéficiaire de l’aide, mais à l’État membre concerné, en l’occurrence les autorités hongroises. Or il n’apparaît pas que ces dernières aient déclaré que cette simulation était impossible ou exagérément difficile.

292    Il convient également de rappeler la jurisprudence, citée au point 135 ci-dessus, selon laquelle aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée comme étant incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, en effet, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant.

293    Ainsi, lorsque, dans la décision attaquée, l’article 4, paragraphe 1, prévoit notamment que « [l]a Hongrie calcule le montant précis de l’aide à rembourser sur la base d’une simulation appropriée du marché de gros de l’énergie électrique », cela signifie que la mise en œuvre et l’exercice d’une « simulation appropriée », telle qu’énoncée dans le dispositif, doivent s’effectuer à la lumière des lignes directrices, apportées par la Commission, dans les motifs de ladite décision.

294    Aux considérants 443 et 444 de la décision attaquée, la Commission a expressément indiqué que l’ordre de récupération consisterait en l’écart éventuel entre les recettes des centrales électriques visées dans le cadre des AAE et les recettes auxquelles, en l’absence d’AAE, les centrales électriques auraient pu accéder pendant la période pertinente. Ainsi, selon elle, le calcul exact du montant de l’aide d’État octroyée aux bénéficiaires dépendait essentiellement du prix et de la quantité d’électricité qui aurait pu être produite et vendue sur le marché de gros hongrois pendant ladite période, dans la situation où aucun AAE n’aurait été en vigueur. Elle a ainsi décidé d’opter pour une simulation des conditions qui auraient prévalu sur le marché de gros de l’électricité en l’absence d’AAE à compter du 1er mai 2004 et a procédé à un examen soigné et précis des éléments du dossier pour déterminer le niveau des prix et la structure du marché de l’électricité en l’absence des AAE au 1er mai 2004.

295    Dans ces circonstances, eu égard à la précision et à la clarté des motifs de la décision attaquée qui, au regard de la jurisprudence mentionnée au point 286 ci-dessus, facilitent l’interprétation du dispositif de la décision attaquée, il convient de considérer que la Commission a fourni des orientations détaillées et les principes applicables pour calculer la somme à rembourser.

296    Il est vrai, comme le soutient la requérante, qu’il a été jugé que le rétablissement de la situation antérieure signifiait le retour, autant que possible, à la situation qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans octroi de l’aide d’État et que ce rétablissement n’impliquait pas une reconstitution différente du passé en fonction d’éléments hypothétiques tels que les choix, souvent multiples, qui auraient pu être faits par les opérateurs intéressés (arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, points 117 et 118).

297    À cet égard, certes, le recours à une simulation de marché, comme celle effectuée en l’espèce afin de calculer le montant à récupérer, peut impliquer des hypothèses et un certain degré d’incertitude. Toutefois, ainsi que l’indique à juste titre la Commission, cette simulation était appropriée dans le cas d’espèce pour procéder à un tel calcul.

298    Comme l’indique à juste titre la Commission, dans le cas d’espèce, la nécessité de travailler sur la base de certaines hypothèses dérive du fait qu’il ne peut raisonnablement être supposé que, en l’absence des AAE, MVM n’aurait pas acheté d’électricité du tout auprès des producteurs. Il y a donc lieu de considérer qu’il était nécessaire, pour la Commission, de partir d’hypothèses sur les conditions dans lesquelles MVM aurait acheté de l’électricité si elle n’avait pas été liée par les contraintes que lui imposaient les AAE. Or, la décision attaquée n’est pas insuffisamment précise quant à la nature de ces hypothèses et aux raisons pour lesquelles elles sont adéquates.

299    La considération énoncée au point 298 ci-dessus se justifie d’autant plus que l’existence d’un avantage économique doit, conformément au principe de l’opérateur privé en économie de marché, être appréciée par référence au comportement de l’entreprise publique conférant l’avantage examiné. Dès lors, il y a lieu de confirmer la position de la Commission selon laquelle cet avantage se présente comme la différence entre les montants que MVM aurait, dans des conditions normales de marché, payés pour l’achat de l’électricité dont elle avait besoin et les montants qu’elle a effectivement payés pour l’électricité achetée (arrêt Budapesti Erőmű/Commission, précité, point 115).

300    De ce point de vue, l’approche suivie dans la présente affaire est parfaitement conforme à celle suivie dans l’arrêt Unicredito Italiano, précitée, étant donné que, en l’espèce, il serait dépourvu de pertinence de prendre pour scénario alternatif une situation totalement hypothétique où, en l’absence d’AAE, la requérante n’aurait pas vendu d’électricité à MVM, par exemple. Cela équivaudrait alors vraiment à une « reconstitution différente du passé en fonction d’éléments hypothétiques », selon les termes employés par la Cour.

301    Dans ce contexte, la Commission a, à juste titre, considéré que certains éléments de la situation existante devaient être conservés et la critique de la requérante formulée à cet égard ne saurait prospérer. En effet, s’agissant des considérations énoncées au considérant 455 de la décision attaquée, elle a correctement estimé qu’une certaine quantité de capacité de production disponible physiquement ne pouvait être utilisée pour l’approvisionnement en énergie électrique sur le marché de gros, étant donné qu’elle avait été réservée pour la fourniture de services d’équilibrage du système électrique. Ainsi, elle a eu raison de décider que la simulation de marché devait être réalisée sur la base de l’hypothèse selon laquelle la capacité réservée pour les services d’équilibrage fournis au gestionnaire du réseau de transmission, l’énergie électrique fournie sur cette base et les prix correspondants étaient identiques à ceux observés dans le scénario réel.

302    En outre, la requérante se borne à critiquer la décision attaquée sur les prétendues incertitudes résultant du scénario alternatif sans apporter d’indications claires sur le raisonnement qu’aurait dû suivre la Commission.

303    Enfin, force est de constater que le reproche de la requérante selon lequel il n’aurait été indiqué nulle part dans la décision attaquée que les AAE ont été considérés comme incompatibles avec le marché commun doit être rejeté, la décision attaquée consacrant, ainsi qu’indiqué précédemment (point 271 ci-dessus), les considérants 388 à 436 de ladite décision à l’étude de la compatibilité de l’aide contenue dans les AAE.

304    Il s’ensuit que, au regard des motifs de la décision attaquée, les articles 1er et 4 de la décision attaquée sont suffisamment précis dans ce qu’ils ordonnent aux autorités hongroises et, partant, que le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne l’ordre de récupération, doit être rejeté.

305    Au soutien du septième moyen, la requérante invoque plusieurs griefs tirés, en premier lieu, d’une violation du principe de proportionnalité et d’un abus de pouvoir, en deuxième lieu, d’une violation du droit international et, en troisième lieu, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité et d’un abus de pouvoirs

306    La requérante soutient en substance que, en imposant au gouvernement hongrois de supprimer les prétendues « obligations d’achat » et de procéder à la récupération comme si les AAE n’avaient pas existé, la Commission impose en réalité à la Hongrie de veiller à ce que l’AAE en cause soit résilié. Le dispositif de la décision attaquée représenterait ainsi un usage manifestement disproportionné et illégal des pouvoirs de la Commission.

307    À titre liminaire, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante dans le cadre du présent grief, la Commission a clairement démontré que les AAE, y inclus l’AAE en cause, donnaient lieu à un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

308    L’article 88 CE établit la procédure de contrôle des aides d’État par la Commission. Le règlement n° 659/1999 précise les règles posées par cet article. L’article 14, paragraphe 1, notamment, de ce règlement, cité par la requérante, énonce que, en cas de décision négative concernant une aide illégale, soit une décision d’incompatibilité avec le marché commun, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire. Cette disposition ajoute que l’institution n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

309    Il convient tout d’abord de constater que, au considérant 141 de la décision attaquée, la Commission a expressément mentionné les inquiétudes de la requérante en ce qui concernait la proportionnalité de sa demande visant à mettre fin aux AAE et la position de celle-ci concernant l’éventuelle possibilité de renégocier les AAE.

310    En outre, aux considérants 382 et 383 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de savoir si l’abrogation de contrats de droit privé portait atteinte au principe de proportionnalité et a également abordé la question de la proportionnalité du fait de la récupération de l’aide illégale aux considérants 439 à 441 de cette décision.

311    S’agissant des allégations de la requérante relatives à l’injonction de récupération, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (voir arrêt de la Cour du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑529/09, non encore publié au Recueil, point 90, et la jurisprudence citée).

312    Ainsi, comme l’a rappelé la Commission au considérant 440 de la décision attaquée, il est de jurisprudence constante que la récupération d’une aide étatique illégalement accordée, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait en principe être considérée comme étant une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d’aides d’État (voir arrêt de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, Rec. p. I‑3671, point 68, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 4 avril 2001, Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, Rec. p. II‑1169, point 105).

313    Il convient ainsi de confirmer la position de la Commission dans la décision attaquée qui a considéré que, en vue du rétablissement des conditions de concurrence, il existait suffisamment de raisons pour que l’aide contenue dans les AAE, y inclus l’AAE en cause, soit remboursée. En effet, en l’espèce, l’obligation de récupération inscrite dans la décision attaquée est conçue dans le but de restaurer la situation antérieure, à savoir les conditions commerciales dans lesquelles MVM aurait acheté de l’électricité aux producteurs entre 2004 et 2008 en l’absence des AAE. La constatation de l’existence d’une aide d’État incompatible avec pour conséquence l’obligation de récupération de la totalité de cette aide contenue dans les AAE, y inclus l’AAE en cause, n’apparaît ainsi pas comme disproportionnée, ni même comme étant un usage abusif, de la part de la Commission, de ses pouvoirs.

314    S’agissant des allégations de la requérante tenant à la résiliation des AAE, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’impose aucunement à la Hongrie, par la décision attaquée, de veiller à ce que l’AAE en cause soit résilié. L’article 1er, paragraphe 3, de cette décision se borne à ordonner expressément à la Hongrie de supprimer l’attribution de l’aide d’État contenue dans les AAE, y inclus l’AAE en cause, incompatible avec le marché commun.

315    Conformément à ce que défend la Commission, le fait que la Hongrie ait décidé de mettre en œuvre l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée en exigeant la résiliation de l’AAE est donc dépourvu de pertinence lorsqu’il s’agit de vérifier une éventuelle infraction au principe de proportionnalité commise par la Commission lorsqu’elle a adopté ladite décision. Nonobstant la circonstance que, dans sa lettre aux autorités hongroises datée du 20 octobre 2006, invoquée par la requérante, le membre de la Commission chargé de la politique de la concurrence se soit référé à la résiliation des contrats, cela ne saurait permettre d’annuler la décision attaquée qui, en elle-même n’impose nullement une telle résiliation.

316    Cela est d’autant plus vrai à la lecture de la lettre, datée du 19 juin 2008, également invoquée par la requérante, dans laquelle le membre de la Commission chargé de la politique de la concurrence se contente d’indiquer que, de la même manière que pour ce qui s’est passé concernant la Pologne, il pourrait soutenir un mécanisme de compensation des coûts échoués permettant de réduire le montant de la récupération qui serait dû par les producteurs d’électricité hongrois en application des dispositions de la décision attaquée. Par ailleurs, le fait que, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, le projet de loi soumis au Parlement hongrois en octobre 2008 ait prévu la résiliation des AAE met seulement en exergue la position prise par les autorités hongroises pour se conformer à la décision attaquée.

317    La Commission s’étant bornée à imposer une exigence standard dans la décision attaquée, à savoir la suppression de l’aide contenue dans les AAE en cause, il ne saurait exister de violation du principe de proportionnalité, ni même l’existence d’un abus de pouvoir de la part de la Commission.

318    Il ressort enfin de l’analyse effectuée aux points 290 à 304 ci-dessus que les allégations de la requérante critiquant, dans le cadre du présent grief, la simulation de marché telle que prévue dans la décision attaquée ne sauraient prospérer et, partant, que la position de la requérante tenant à un abus de pouvoirs de la part de l’institution ne saurait être considérée comme fondée.

319    Pour toutes ces raisons, doit être rejeté le présent grief, tiré d’une violation du principe de proportionnalité et d’un abus de pouvoir.

 Sur le grief tiré d’une violation du droit international

320    Se référant à l’article 14 du règlement n° 659/1999 et à la jurisprudence de l’Union, la requérante argue une violation du droit international, notamment du principe de bonne foi et, partant, du principe de protection de la confiance légitime. Selon elle, au regard de l’article 10 du traité sur la charte de l’énergie, signé à Lisbonne le 17 décembre 1994 (JO L 380, 24), il lui était légitimement permis de s’attendre à ce que ses investissements soient pleinement protégés tant par la Commission que par les autorités hongroises.

321    Il y a lieu de rappeler que le principe de bonne foi est un principe de droit international coutumier dont l’existence a été reconnue par la Cour internationale de justice, et qui, par conséquent, lie l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., C‑366/10, non encore publié au Recueil, point 101). Ce principe est le corollaire, dans le droit international public, du principe de protection de la confiance légitime, qui fait partie de l’ordre juridique de l’Union et dont est en droit de se prévaloir tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Dans une situation où la Communauté a déposé son instrument d’approbation d’un accord international, et où la date d’entrée en vigueur de cet accord est connue, les opérateurs économiques peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s’opposer à l’adoption par les institutions, dans la période qui précède l’entrée en vigueur de cet accord international, de tout acte contraire aux dispositions de celui-ci produisant, après son entrée en vigueur, un effet direct dans leur chef (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T‑115/94, Rec. p. II‑39, points 90 à 93, et la jurisprudence citée).

322    En l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 220 à 232 ci-dessus, il n’existe pas de violation du principe de protection de la confiance légitime. Notamment, la requérante ne prétend à aucun moment avoir reçu quelque assurance que ce soit quant à la nature de l’aide contenue dans l’AAE en cause.

323    S’agissant, en particulier, de la signature par la Commission au nom des Communautés européennes du traité sur la charte de l’énergie et notamment son article 10 portant sur la promotion, la protection et le traitement des investissements dans ce secteur, il y a lieu de considérer qu’il ne saurait constituer en aucun cas une assurance précise, inconditionnelle et concordante pouvant avoir fait naître dans le chef de la requérante une quelconque attente légitime quant à la compatibilité de l’AAE en question avec les règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État.

324    Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation du droit international ne saurait aboutir.

 Sur le grief tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

325    La requérante estime qu’elle pouvait légitimement s’attendre à ce que, dans la mesure où l’application éventuelle des règles en matière d’aides d’État aurait affecté la validité des AAE lors de l’adhésion de la Hongrie à l’Union, cette question serait examinée dans le cadre de la notification HU 1/2004 relative à la législation hongroise sur les coûts échoués ou que les autorités hongroises auraient notifié les mesures contenues dans les AAE conformément à la procédure du mécanisme provisoire.

326    À titre liminaire, il convient de rappeler, au regard de ce qui a été exposé aux points 220 à 232 ci-dessus, que la requérante n’a pu légitimement croire que la légalité de l’AAE en question ne serait pas mise en cause du fait de l’adhésion de la Hongrie à l’Union.

327    Il y a lieu de relever que, par lettre du 31 mars 2004, les autorités hongroises ont notifié le décret gouvernemental n° 183/2002 à la Commission, fixant les modalités relatives à la définition et à la gestion des « coûts échoués » conformément à la procédure du mécanisme provisoire. Ledit décret régissait le système de compensation des coûts supportés par MVM en tant que grossiste en électricité. Cependant, par lettre du 13 avril 2005, les autorités hongroises ont retiré la notification concernant ce décret.

328    Or, d’une part, ainsi que cela ressort des considérants 1 et 369 de la décision attaquée, et conformément à ce qui a été énoncé au point 327 ci-dessus, même à supposer que la Commission ait eu connaissance de l’existence des AAE notamment à travers la notification du décret gouvernemental n° 183/2002, l’objet de cette notification était bel et bien ce décret portant sur un système de compensation en faveur de MVM et non sur les AAE.

329    D’autre part, il apparaît que la requérante fonde en substance son argumentation sur la circonstance que la Hongrie a retiré la notification du décret gouvernemental n° 183/2002, alors que, en tant qu’entreprise, elle était fondée à penser que les autorités hongroises avaient notifié comme il convenait la mesure d’aide contenue dans l’AAE en cause dans le cadre de la procédure du mécanisme provisoire. Or, pour la rejeter, il suffit de constater qu’une telle argumentation est inopérante pour conduire à une violation, par la Commission, du principe de protection de la confiance légitime du fait de l’injonction de récupération de cette aide.

330    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le présent grief. Partant, il convient de rejeter le moyen dans son entièreté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de recevabilité soulevée par la Commission relative à l’intérêt à agir de la requérante dans le cadre du présent recours en ce qu’il s’agit de la récupération de l’aide contenue dans l’AAE en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, points 51 et 52, et du 25 mars 2010, Sviluppo Italia Basilicata/Commission, C‑414/08 P, Rec. p. I‑2559, points 51 et 52).

331    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours, sans qu’il soit besoin, par ailleurs, de faire droit à la demande de mesure d’organisation de la procédure de la requérante.

 Sur les dépens

332    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner, conformément aux conclusions de la Commission, à supporter les dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, citée au point 32 ci-dessus.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tisza Erőmű kft supportera les dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Kanninen

Berardis

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2014.

Signatures


** Langue de procédure : l’anglais.