Language of document : ECLI:EU:C:2021:507

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 juin 2021 (*)

« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Mesures restrictives prises au regard de la situation au Venezuela – Recours en annulation introduit par un État tiers – Recevabilité – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Qualité pour agir – Condition selon laquelle le requérant doit être directement concerné par la mesure faisant l’objet de son recours – Notion de “personne morale” – Intérêt à agir – Acte à caractère réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution »

Dans l’affaire C‑872/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 novembre 2019,

République bolivarienne du Venezuela, représentée par Mes L. Giuliano et F. Di Gianni, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič et M. A. Antoniadis, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, E. Regan, M. Ilešič, L. Bay Larsen, A. Kumin et N. Wahl, présidents de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), T. von Danwitz, Mmes C. Toader, L. S. Rossi, MM. I. Jarukaitis et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République bolivarienne du Venezuela demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 septembre 2019, Venezuela/Conseil (T‑65/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:649), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation, premièrement, du règlement (UE) 2017/2063 du Conseil, du 13 novembre 2017, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2017, L 295, p. 21), deuxièmement, du règlement d’exécution (UE) 2018/1653 du Conseil, du 6 novembre 2018, mettant en œuvre le règlement 2017/2063 (JO 2018, L 276, p. 1), et, troisièmement, de la décision (PESC) 2018/1656 du Conseil, du 6 novembre 2018, modifiant la décision (PESC) 2017/2074 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 276, p. 10), en tant que leurs dispositions concernent la République bolivarienne du Venezuela.

 Le cadre juridique

2        Le 13 novembre 2017, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (PESC) 2017/2074, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2017, L 295, p. 60).

3        Le second alinéa de l’article 13 de la décision 2017/2074 dispose que cette décision fait l’objet d’un suivi constant et qu’elle est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. Initialement, le premier alinéa de ce même article prévoyait que la décision 2017/2074 était applicable jusqu’au 14 novembre 2018. La décision 2018/1656 a prorogé les mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela en disposant que la décision 2017/2074 était applicable jusqu’au 14 novembre 2019 et a modifié la mention 7 de l’annexe I de cette dernière décision, qui concerne l’une des personnes physiques visées par lesdites mesures restrictives.

4        Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement 2017/2063, sur le fondement de l’article 215 TFUE et de la décision 2017/2074.

5        Aux termes du considérant 1 du règlement 2017/2063, « [l]’Union [européenne] a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude face à la dégradation constante de la situation en ce qui concerne la démocratie, l’[É]tat de droit et les droits de l’homme au Venezuela et a invité tous les acteurs et institutions politiques vénézuéliens à travailler de manière constructive pour parvenir à résoudre la crise que traverse le pays, dans le plein respect de l’[É]tat de droit et des droits de l’homme, des institutions démocratiques et de la séparation des pouvoirs ».

6        L’article 2 de ce règlement énonce :

« 1.      Il est interdit :

a)      de fournir, directement ou indirectement, une assistance technique, des services de courtage et d’autres services en rapport avec les biens et les technologies figurant sur la liste commune des équipements militaires de l’[Union] (ci-après dénommée “liste commune des équipements militaires”) et en rapport avec la fourniture, la fabrication, l’entretien et l’utilisation de biens et technologies figurant sur la liste commune des équipements militaires, à toute personne physique ou morale, à toute entité ou à tout organisme se trouvant sur le territoire du Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays ;

b)      de fournir, directement ou indirectement, un financement ou une aide financière en rapport avec les biens et technologies figurant sur la liste commune des équipements militaires, en particulier des subventions, des prêts et une assurance-crédit à l’exportation, ainsi que des services d’assurance et de réassurance, pour toute vente, toute fourniture, tout transfert ou toute exportation d’articles de ce type, ou pour la fourniture d’une assistance technique, de services de courtage et d’autres services en rapport avec ce matériel, directement ou indirectement, à toute personne, à toute entité ou à tout organisme se trouvant sur le territoire du Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays.

2.      L’interdiction visée au paragraphe 1 n’est pas applicable à l’exécution de contrats conclus avant le 13 novembre 2017 ni à des contrats accessoires nécessaires à l’exécution de tels contrats, pour autant qu’ils soient conformes à la position commune 2008/944/PESC du Conseil[, du 8 décembre 2008, définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires (JO 2008, L 335, p. 99)], et notamment aux critères énoncés à l’article 2 de ladite position commune, et que les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes souhaitant exécuter le contrat aient notifié celui-ci à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel ils sont établis, dans les cinq jours ouvrables suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. »

7        L’article 3 dudit règlement dispose :

« Il est interdit :

a)      de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement, les équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne dont la liste figure à l’annexe I, originaires ou non de l’Union, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme au Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays ;

b)      de fournir une assistance technique et des services de courtage et autres services en rapport avec le matériel visé au point a), directement ou indirectement, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme au Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays ;

c)      de fournir un financement ou une aide financière, en particulier des subventions, des prêts et une assurance-crédit à l’exportation, ainsi que des services d’assurance et de réassurance, en rapport avec le matériel visé au point a), directement ou indirectement, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme au Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays. »

8        Aux termes de l’article 4 du même règlement :

« 1.      Par dérogation aux articles 2 et 3, les autorités compétentes des États membres énumérées à l’annexe III peuvent autoriser, aux conditions qu’elles jugent appropriées :

a)      la fourniture d’un financement, d’une aide financière et d’une assistance technique se rapportant à :

i)      du matériel militaire non létal destiné exclusivement à des fins humanitaires ou de protection, ou à des programmes de renforcement des institutions des Nations unies et de l’Union ou de ses États membres ou d’organisations régionales et sous-régionales ;

ii)      du matériel destiné aux opérations de gestion des crises des Nations unies et de l’Union ou d’organisations régionales et sous-régionales ;

b)      la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation d’équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne et un financement et une aide financière et une assistance technique connexes, lorsque ces équipements sont destinés exclusivement à des fins humanitaires ou de protection, aux programmes de renforcement des institutions des Nations unies ou de l’Union ou aux opérations de gestion des crises menées par les Nations unies et l’Union ou par des organisations régionales et sous-régionales ;

c)      la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation de matériel de déminage et de matériel destiné à des opérations de déminage et un financement et une aide financière et une assistance technique connexes.

2.      Les autorisations visées au paragraphe 1 ne peuvent être accordées que si elles précèdent l’activité pour laquelle elles sont sollicitées. »

9        L’article 6 du règlement 2017/2063 dispose :

« 1.      Il est interdit de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement, des équipements, des technologies ou des logiciels énumérés à l’annexe II, originaires ou non de l’Union, à toute personne, toute entité ou tout organisme au Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays, sauf autorisation préalable de l’autorité compétente de l’État membre concerné, indiquée sur les sites [I]nternet dont la liste figure à l’annexe III.

2.      Les autorités compétentes des États membres, indiquées sur les sites [I]nternet dont la liste figure à l’annexe III, n’accordent aucune autorisation au titre du paragraphe 1 si elles sont fondées à estimer que les équipements, technologies ou logiciels en question sont destinés à être utilisés à des fins de répression interne par le régime vénézuélien, ses organismes, entreprises ou agences publics ou par toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs ordres.

3.      L’annexe II ne comprend que des équipements, technologies et logiciels destinés à être utilisés essentiellement pour la surveillance ou l’interception d’internet ou des communications téléphoniques.

4.      L’État membre concerné informe les autres États membres et la Commission de toute autorisation octroyée en vertu du présent article dans un délai de quatre semaines suivant l’autorisation. »

10      L’article 7, paragraphe 1, de ce règlement énonce :

« Sauf autorisation préalable de l’autorité compétente de l’État membre concerné, indiquée sur les sites [I]nternet dont la liste figure à l’annexe III, sur la base de l’article 6, paragraphe 2, il est interdit :

a)      de fournir, directement ou indirectement, une assistance technique ou des services de courtage en rapport avec les équipements, les technologies et les logiciels énumérés à l’annexe II, ou liés à l’installation, la fourniture, la fabrication, l’entretien et l’utilisation des équipements et des technologies énumérés à l’annexe II ou à la fourniture, l’installation, l’exploitation ou la mise à jour des logiciels énumérés à l’annexe II, à toute personne, toute entité ou tout organisme au Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays ;

b)      de fournir, directement ou indirectement, un financement ou une aide financière en rapport avec les équipements, technologies et logiciels énumérés à l’annexe II, à toute personne, toute entité ou tout organisme au Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays ;

c)      de fournir des services de surveillance ou d’interception des télécommunications ou d’internet, quels qu’ils soient, au régime vénézuélien, ses organismes, entreprises et agences publics, ou à toute personne, toute entité ou tout organisme agissant en leur nom ou sous leurs ordres ou pour qu’ils en tirent profit de manière directe ou indirecte. »

11      L’article 20 du règlement 2017/2063 dispose :

« Le présent règlement s’applique :

a)      sur le territoire de l’Union, y compris dans son espace aérien ;

b)      à bord de tout aéronef ou de tout navire relevant de la juridiction d’un État membre ;

c)      à toute personne qui est un ressortissant d’un État membre, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de l’Union ;

d)      à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de l’Union, établi ou constitué conformément au droit d’un État membre ;

e)      à toute personne morale, toute entité ou tout organisme en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans l’Union. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2018, la République bolivarienne du Venezuela a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement 2017/2063, dans la mesure où les dispositions de celui-ci la concernent.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 mai 2018, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Ainsi qu’il ressort du point 23 de l’arrêt attaqué, le Conseil a soulevé, dans le cadre de cette exception, trois motifs d’irrecevabilité, à savoir, premièrement, que la République bolivarienne du Venezuela n’aurait pas d’intérêt à agir, deuxièmement, qu’elle ne serait pas directement concernée par les dispositions du règlement 2017/2063 et, troisièmement, qu’elle ne serait pas une « personne physique ou morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Sur le fondement de l’article 130, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure, en la limitant à la recevabilité du recours.

14      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2019, la République bolivarienne du Venezuela a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête, de sorte que celle-ci visait également la décision 2018/1656 et le règlement d’exécution 2018/1653, dans la mesure où leurs dispositions la concernent.

15      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, considéré que, en tant qu’il était dirigé contre le règlement 2017/2063, le recours portait seulement sur ses articles 2, 3, 6 et 7.

16      Le Tribunal a ensuite décidé de n’examiner que le deuxième motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil, à savoir que la République bolivarienne du Venezuela ne serait pas directement concernée par ces dispositions, a accueilli ce motif et a, partant, rejeté le recours comme étant irrecevable en tant qu’il était dirigé contre les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063.

17      Enfin, le Tribunal a également rejeté le recours comme étant irrecevable en tant qu’il visait l’annulation de la décision 2018/1656 et du règlement d’exécution 2018/1653 aux motifs, d’une part, que, dans la mesure où les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 ne concernaient pas directement la République bolivarienne du Venezuela, il en irait de même du règlement d’exécution 2018/1653 et, d’autre part, qu’il résulterait de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal que, dans le cadre d’un mémoire en adaptation, une partie requérante est recevable à demander l’annulation d’un acte remplaçant ou modifiant un autre acte seulement si l’annulation de ce dernier a été demandée dans la requête. Or, le Tribunal a constaté que la décision 2018/1656 modifie la décision 2017/2074, dont la République bolivarienne du Venezuela n’aurait pas demandé l’annulation dans son acte introductif d’instance.

 Les conclusions des parties devant la Cour

18      La République bolivarienne du Venezuela demande à la Cour :

–      d’annuler l’arrêt attaqué ;

–      de déclarer le recours qu’elle a formé devant le Tribunal comme étant recevable et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur le fond, ainsi que

–      de condamner le Conseil aux dépens.

19      Le Conseil demande à la Cour :

–      de rejeter le pourvoi et

–      de condamner la République bolivarienne du Venezuela aux dépens.

 Sur le pourvoi

 Observations liminaires

20      À titre liminaire, il convient de relever, en premier lieu, que, par son pourvoi, la République bolivarienne du Venezuela conteste exclusivement le raisonnement par lequel le Tribunal a déclaré irrecevable son recours en tant qu’il est dirigé contre les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063. Ce pourvoi ne portant en revanche pas sur la partie de l’arrêt attaqué dans laquelle a été déclaré irrecevable le recours de cet État tiers tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2018/1653 ainsi que de la décision 2018/1656, il y a lieu de considérer que le Tribunal a définitivement statué à cet égard.

21      En deuxième lieu, il convient de rappeler que la compétence de la Cour ne se trouve aucunement limitée s’agissant d’un règlement adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE, qui donne effet à des décisions de l’Union arrêtées dans le contexte de la PESC. En effet, de tels règlements constituent des actes de l’Union adoptés sur le fondement du traité FUE à l’égard desquels les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu des traités, assurer un contrôle en principe complet de légalité (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 106).

22      En troisième lieu, selon une jurisprudence bien établie, la Cour peut se prononcer, au besoin d’office, sur le moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance des conditions de recevabilité posées à l’article 263 TFUE (voir, notamment, ordonnance du 15 avril 2010, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, C‑517/08 P, non publiée, EU:C:2010:190, point 54, et arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 101).

23      En l’occurrence, il y a lieu de soulever d’office la question de savoir si la République bolivarienne du Venezuela est à considérer comme une « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et de l’examiner en premier lieu, dès lors que la réponse à cette question est nécessaire pour l’examen du deuxième motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil, en cause dans le cadre du moyen unique du pourvoi et selon lequel la République bolivarienne du Venezuela ne serait pas directement concernée par les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063.

24      Par décision de la Cour du 7 juillet 2020, les parties au pourvoi ont été invitées à prendre position sur la question de savoir si un État tiers est à considérer comme une « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Conformément à l’article 24, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour a adressé une invitation de même nature à la Commission européenne et aux États membres. Des observations sur cette question ont été présentées par les parties au pourvoi, le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, la République hellénique, la République de Lituanie, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque, le Royaume de Suède ainsi que par la Commission.

25      La République bolivarienne du Venezuela considère que ni le libellé de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ni l’objectif ou le contexte de cette disposition ne fournissent d’indication, même indirecte, permettant de l’exclure de la notion de « personne morale » au sens de cette même disposition.

26      Le Conseil est au contraire d’avis qu’un État tiers n’est pas à considérer comme une « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à moins que des droits spécifiques ne lui aient été conférés dans l’ordre juridique de l’Union en vertu d’un accord conclu avec cette dernière, exception qui ne s’appliquerait toutefois pas en l’espèce.

27      L’Union développerait ses relations avec des États tiers souverains sur la scène internationale, et ces relations seraient régies par le droit international public, qui est lui-même fondé sur le principe de consentement. Dans le cadre de cet ordre juridique, les sujets de droit international public n’auraient pas un droit automatique à introduire un recours devant les juridictions des autres États. Ils auraient le droit de ne pas se soumettre à la juridiction d’un autre État ou d’un tribunal international à moins qu’ils n’y aient consenti.

28      Les États tiers ne feraient pas partie du système juridique établi par l’Union et ne sauraient en principe avoir accès aux juridictions de l’Union. Par ailleurs, permettre à un État tiers faisant l’objet de mesures restrictives générales de contester ces mesures, sur le fondement des conditions autorisant l’accès aux juridictions de l’Union aux personnes faisant l’objet de mesures individuelles, irait à l’encontre de la distinction établie par les traités entre mesures restrictives générales et individuelles et aurait comme effet supplémentaire une extension indue de la portée de la compétence conférée aux juridictions de l’Union en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ou les actes adoptés sur le fondement de ces dispositions.

29      En définitive, reconnaître à un État tiers la qualité pour agir contre des actes des institutions de l’Union dans des circonstances telles que celles de l’espèce pourrait désavantager l’Union par rapport à ses partenaires internationaux, dont les décisions souveraines concernant leurs relations internationales ou leurs politiques commerciales et économiques ne peuvent pas être contestées devant leurs juridictions, et limiterait ainsi indûment l’Union dans la conduite de ses politiques et de ses relations internationales. Cela serait d’autant plus vrai dans le cadre de la présente affaire, dans laquelle un État tiers conteste les dispositions d’un acte interne de l’Union mettant en œuvre une décision politique du Conseil visant à réduire les relations économiques avec cet État. Les États tiers, sous le prétexte qu’ils sont des requérants individuels, ne devraient pas être autorisés à utiliser les juridictions de l’Union comme un moyen détourné pour régler des différends internationaux entre sujets de droit international public.

30      Les gouvernements hellénique, polonais, slovène, slovaque et suédois considèrent, en substance, qu’un État tiers ne peut pas, en principe, être considéré comme relevant de la notion de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

31      Cette notion renverrait, pour l’essentiel, aux entités dotées de la personnalité juridique en vertu du droit d’un État membre ou d’un État tiers, mais pas à ces États eux-mêmes, par rapport auxquels l’Union ne disposerait d’ailleurs pas de la compétence réglementaire. Les mesures restrictives seraient, conformément à l’article 215, paragraphe 2, TFUE, adressées aux personnes physiques ou morales, à des groupes ou à des entités non étatiques, mais ne seraient pas prises contre des États tiers.

32      Considérer les États tiers comme relevant de la notion de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sans qu’ils aient conclu avec l’Union un quelconque accord définissant les relations juridiques entre les parties à celui-ci, limiterait l’Union de manière inappropriée dans la mise en œuvre de ses politiques et de ses relations internationales et la désavantagerait dans les relations internationales. En effet, l’un des principes fondamentaux du droit international serait la réciprocité. Or, permettre aux États tiers de former de tels recours devant les juridictions de l’Union contre des actes de l’Union risquerait de compromettre la réciprocité entre l’Union et ces États. En effet, les États tiers auraient la possibilité de contester les actes de l’Union devant les juridictions de celle-ci, sans qu’il soit garanti que l’Union puisse attaquer les actes nationaux de ces États, que ce soit individuellement ou dans le cadre des différentes associations d’États dont ils sont membres.

33      En revanche, les gouvernements belge, bulgare, allemand, estonien, letton, lituanien et néerlandais considèrent, en substance, qu’un État tiers relève de la notion de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

34      Selon eux, il est incontestable qu’un État tiers est doté de la personnalité juridique et qu’il est une personne morale, au sens du droit international public. Si un État tiers ne pouvait être qualifié de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il ne serait alors pas en mesure de protéger ses intérêts, même s’il est certain que ses droits ont été violés et qu’il peut prouver à suffisance de droit que toutes les conditions nécessaires pour l’introduction d’un recours sont réunies.

35      Cela étant, il serait également clair que la position d’un État tiers, telle que celle de la République bolivarienne du Venezuela, ne saurait être assimilée à celle des institutions de l’Union ou des États membres, lesquels sont des requérants au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE, de sorte que la recevabilité du recours d’un État tiers devrait être appréciée au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

36      Par ailleurs, refuser à un État tiers le droit à une protection juridictionnelle effective contre un acte de l’Union qui lui fait grief, alors même que cet État respecte l’ensemble des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, reviendrait à adopter une conception restrictive de l’État de droit, valeur sur laquelle, conformément à l’article 2 TUE, l’Union est fondée.

37      La Commission estime que la notion de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, peut être comprise de plusieurs manières. D’une part, une interprétation de cette notion fondée sur le principe d’égalité des États conduirait à considérer que les États tiers ne relèvent de ladite notion que s’ils accomplissent des actes de gestion (acta jure gestionis) ou ont accès aux juridictions de l’Union en vertu d’un accord international conclu avec l’Union. Pareille interprétation serait conforme au principe de protection juridictionnelle effective, en ce qu’elle ne nierait pas toute voie de recours à l’État tiers, mais accorderait à cet État l’accès aux juridictions de l’Union en fonction de la nature de l’action exercée par ledit État. Dès lors que le régime des mesures restrictives, tout comme les motifs invoqués par la République bolivarienne du Venezuela pour demander l’invalidation de ces mesures, ainsi que les relations entre l’Union et cet État dans ce contexte relèveraient du domaine des actes commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii) et devraient ainsi être analysés en tant qu’éléments de droit international public, la République bolivarienne du Venezuela ne relèverait pas en l’espèce de la notion de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

38      D’autre part, selon la Commission, si l’on adoptait une interprétation téléologique de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, guidée par la volonté d’un accès élargi aux juridictions de l’Union, rien ne s’opposerait à ce que cette disposition soit interprétée de sorte que la notion de « personne morale » couvre les États tiers, dès lors que ces États décident de se soumettre à la compétence des juridictions de l’Union. Ainsi, lorsque l’Union adopte un acte unilatéral qui, potentiellement, porte atteinte aux intérêts d’un État tiers et que cet État choisit d’introduire un recours contre cet acte devant les juridictions de l’Union plutôt que d’avoir recours à un mécanisme international de règlement des différends, rien ne justifierait que les juridictions de l’Union refusent de connaître d’un tel recours par principe, sans examiner si toutes les conditions de recevabilité applicables sont remplies.

39      La Commission indique marquer sa préférence pour la seconde approche visée au point précédent, au motif qu’il résulterait d’une lecture restrictive de la notion de « personne morale » que, en l’absence d’accord international conclu entre des États tiers et l’Union, ces États ne pourraient pas volontairement se soumettre à la compétence des juridictions de l’Union.

40      Selon l’article 19, paragraphe 3, sous a), TUE, la Cour de justice de l’Union européenne statue, conformément aux traités, sur les recours formés par un État membre, une institution ou des personnes physiques ou morales. Le quatrième alinéa de l’article 263 TFUE dispose que toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

41      En l’occurrence, il convient d’examiner si un État tiers, tel que la République bolivarienne du Venezuela, qui ne peut pas introduire un recours sur la base du deuxième alinéa de l’article 263 TFUE, peut être considéré comme une « personne morale », au sens du quatrième alinéa de cet article.

42      À cet égard, il y a lieu de relever que, cette disposition n’opérant aucun renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification à retenir de la notion de « personne morale », celle-ci doit être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Engie Cartagena, C‑523/18, EU:C:2019:1129, point 34). Ainsi, conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu d’interpréter la notion de « personne morale » figurant à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en tenant compte non seulement des termes de cette disposition, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld, C‑181/19, EU:C:2020:794, point 61 et jurisprudence citée).

43      En ce qui concerne les termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de relever qu’il ne ressort ni de cette disposition ni d’autres dispositions du droit primaire de l’Union que certaines catégories de personnes morales ne pourraient pas se prévaloir de la faculté d’ester en justice devant les juridictions de l’Union. Ce constat tend ainsi à indiquer qu’aucune « personne morale » ne devrait être privée, en principe, de la faculté d’introduire un recours en annulation prévue à ce même article 263, quatrième alinéa, TFUE.

44      La jurisprudence de la Cour indique à cet égard que la notion de « personne morale » utilisée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne saurait recevoir une interprétation restrictive.

45      En effet, si le recours d’une entité régionale ou locale ne peut être assimilé au recours d’un État membre visé à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non publiée, EU:C:2009:733, point 31), une telle entité, dans la mesure où elle jouit de la personnalité juridique, peut néanmoins, en principe, introduire un recours en annulation en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission, C‑180/97, EU:C:1997:451 points 10 à 12, ainsi que arrêt du 22 novembre 2001, Nederlandse Antillen/Conseil, C‑452/98, EU:C:2001:623, point 51).

46      Il ressort d’ailleurs plus généralement de la jurisprudence que non seulement les personnes morales privées, mais également les entités publiques, ont la qualité pour agir conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, à titre d’exemple, arrêts du 1er février 2018, Deutsche Bahn e.a./Commission, C‑264/16 P, non publié, EU:C:2018:60, point 2, et du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, point 69).

47      La Cour a du reste admis qu’une organisation qui n’avait pas la personnalité juridique devait avoir qualité pour contester les mesures restrictives qui lui étaient imposées au motif que, si le législateur de l’Union estime qu’une entité a une existence suffisante pour faire l’objet de mesures restrictives, la cohérence et la justice imposent de reconnaître que cette entité a également une existence suffisante pour contester ces mesures (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 112).

48      En ce qui concerne l’interprétation contextuelle et téléologique de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a lieu de rappeler que l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des dispositions du droit de l’Union est inhérente à l’existence d’un État de droit (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil e.a., C‑455/14 P, EU:C:2016:569, point 41). En effet, il découle de l’article 2 TUE que l’Union est fondée sur des valeurs, telles que l’État de droit, qui sont communes aux États membres dans une société caractérisée, notamment, par la justice (arrêt du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 62).

49      Par ailleurs, le principe selon lequel l’Union est fondée, notamment, sur la valeur de l’État de droit résulte tant de l’article 2 TUE, figurant dans les dispositions communes du traité UE, que de l’article 21 TUE, concernant l’action extérieure de l’Union, auquel renvoie l’article 23 TUE, relatif à la PESC (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil, C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 35 et jurisprudence citée).

50      Dans ces conditions, une interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à la lumière des principes de contrôle juridictionnel effectif et de l’État de droit, milite en faveur de considérer qu’un État tiers devrait avoir la qualité pour agir, en tant que « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, lorsque les autres conditions prévues par cette disposition sont remplies. Une telle personne morale de droit international public est en effet tout autant susceptible qu’une autre personne ou entité d’être affectée négativement dans ses droits ou intérêts par un acte de l’Union, et doit ainsi être en mesure, dans le respect de ces conditions, de poursuivre l’annulation d’un tel acte.

51      Cette interprétation de la notion de « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas remise en cause par les arguments avancés par le Conseil ainsi que par certains gouvernements ayant soumis des observations sur l’éventuelle absence d’accès de l’Union aux juridictions des États tiers, lesquels ne permettraient pas de contester, devant ces juridictions, les décisions relatives à leurs propres relations internationales, qu’elles soient de nature commerciale ou non.

52      En effet, les obligations de l’Union de veiller au respect de la valeur de l’État de droit ne sauraient aucunement être subordonnées à une condition de réciprocité s’agissant des relations entretenues par l’Union avec des États tiers.

53      Il s’ensuit que la République bolivarienne du Venezuela, en tant qu’État doté de la personnalité juridique internationale, doit être considérée comme une « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur le moyen unique

 Argumentation des parties

54      À l’appui de son pourvoi, la République bolivarienne du Venezuela soulève un moyen unique tiré de ce que le Tribunal aurait interprété de manière erronée la condition selon laquelle le requérant doit être directement concerné par la mesure faisant l’objet de son recours, prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

55      Selon elle, la circonstance, constatée par le Tribunal aux points 35 et 36 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’était pas inscrite, en tant que telle, dans l’annexe IV ou l’annexe V du règlement 2017/2063 d’une manière analogue à la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2018, Almaz-Antey/Conseil (T‑515/15, non publié, EU:T:2018:545), est sans pertinence dès lors qu’elle est spécifiquement visée par les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063. Serait également sans pertinence, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 40 de l’arrêt attaqué, la circonstance qu’elle a ou non agi en tant qu’opérateur économique actif sur les marchés concernés dès lors que ces articles la concernent directement d’un point de vue tant juridique que matériel.

56      Le Conseil fait valoir que la question de savoir si les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 concernent directement la position de la République bolivarienne du Venezuela a été tranchée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué d’une manière conforme à une jurisprudence constante, dont l’arrêt du 13 septembre 2018, Almaz-Antey/Conseil (T‑515/15, non publié, EU:T:2018:545) ferait partie intégrante. Dans ce cadre, le Tribunal n’aurait pas été tenu de prendre en considération l’objectif des mesures restrictives en cause consistant à susciter un changement dans le comportement du gouvernement vénézuélien. En effet, non seulement cette prise en compte serait contraire à la jurisprudence constante des juridictions de l’Union, mais elle conduirait également à élargir la catégorie des requérants potentiels de façon à inclure tout État tiers avec lequel l’Union décide, dans le cadre de sa politique étrangère, d’interrompre ou de réduire, en tout ou en partie, les relations économiques et financières.

57      Selon le Conseil, le Tribunal n’aurait pas jugé que la République bolivarienne du Venezuela n’était pas directement concernée au seul motif qu’elle était insuffisamment mentionnée dans les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063. Le Tribunal serait au contraire parvenu à cette conclusion sur le fondement d’un ensemble d’éléments pertinents, dûment motivés et étayés par la jurisprudence pertinente aux points 35 à 48 de l’arrêt attaqué. En outre, s’agissant spécifiquement des références faites à la République bolivarienne du Venezuela dans ces articles, force serait de constater qu’ils ne la visent pas directement. Il serait simplement interdit aux opérateurs économiques de l’Union d’avoir des relations économiques et financières avec des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes établis ou opérant sur le territoire du Venezuela.

58      En outre, quant au point de savoir si le Tribunal aurait dû assimiler la République bolivarienne du Venezuela à un opérateur économique, ainsi qu’il l’a fait s’agissant de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2018, Almaz Antey/Conseil (T‑515/15, non publié, EU:T:2018:545), le Conseil fait observer que le Tribunal aurait pleinement tenu compte de la situation particulière de la République bolivarienne du Venezuela et qu’il aurait analysé si cet État pouvait être comparé à un opérateur économique actif sur un marché spécifique au sens de la jurisprudence. Le Tribunal aurait, sans commettre d’erreur de droit, conclu par la négative, un État agissant en sa qualité de puissance publique n’étant pas comparable à une entité privée ou publique dont l’existence est limitée par son objet.

59      Enfin, le Conseil fait valoir que la République bolivarienne du Venezuela demande en réalité à la Cour d’établir une nouvelle règle selon laquelle la qualité pour agir devrait être accordée automatiquement aux États tiers cherchant à contester des mesures économiques prises par l’Union dans le cadre de sa politique étrangère, en leur permettant de contester des actes mettant en œuvre des décisions adoptées en vue de poursuivre les objectifs légitimes de l’action extérieure de l’Union, tels qu’ils sont définis à l’article 21 TUE, y compris par l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques ou financières avec un ou plusieurs États tiers en application de l’article 215, paragraphe 1, TFUE.

60      Or, une telle demande serait contraire au système de protection juridictionnelle instauré par les traités, qui vise à assurer la protection des droits garantis par le droit de l’Union. Les traités ne reconnaîtraient aux États tiers aucun droit spécifique leur permettant d’être traités à égalité avec les États membres ou de faire du commerce librement et sans condition avec des opérateurs économiques se situant dans l’Union. En conséquence, les États tiers ne sauraient légitimement prétendre qu’un acte de l’Union susceptible de les soumettre à un traitement différencié a directement produit des effets sur leur situation juridique.

 Appréciation de la Cour

61      Selon une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de la mettre en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, point 103, ainsi que du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C‑461/18 P, EU:C:2020:979, point 58).

62      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 ne concernaient pas directement la République bolivarienne du Venezuela, et ce, en substance, pour trois raisons portant sur le premier critère repris au point 61du présent arrêt.

63      En premier lieu, au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que l’article 20 du règlement 2017/2063 circonscrit l’application des interdictions visées aux articles 2, 3, 6 et 7 de ce règlement au territoire de l’Union, aux personnes physiques ressortissantes d’un État membre et aux personnes morales constituées conformément au droit de l’un d’entre eux ainsi qu’aux personnes morales, entités et organismes en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans l’Union.

64      En deuxième lieu, au point 33 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 n’imposent pas d’interdiction à la République bolivarienne du Venezuela. Tout au plus, ces articles seraient-ils susceptibles d’avoir des effets indirects sur celle-ci, dans la mesure où les interdictions imposées aux personnes physiques ressortissantes d’un État membre et aux personnes morales constituées conformément au droit de l’un d’entre eux pourraient avoir pour conséquence de limiter les sources auprès desquelles la République bolivarienne du Venezuela peut se procurer les produits et les services en cause.

65      En troisième lieu, aux points 34 à 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a distingué la présente affaire de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2018, Almaz-Antey/Conseil (T‑515/15, non publié, EU:T:2018:545). Le Tribunal a fait observer que, dans cette dernière affaire, la partie requérante était expressément visée par l’acte attaqué en ce que son nom figurait dans l’annexe de la décision attaquée en tant qu’entreprise à laquelle il était interdit de vendre ou de fournir les produits et les services en cause. En revanche, dans la présente affaire, la République bolivarienne du Venezuela ne serait pas, en tant qu’État, explicitement et spécifiquement visée par les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 d’une manière comparable à la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt.

66      À cet égard, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que le Tribunal a rappelé, au point 30 de l’arrêt attaqué, sa propre jurisprudence selon laquelle, pour déterminer si un acte produit des effets juridiques, il y a lieu de s’attacher notamment à son objet, à son contenu, à sa portée, à sa substance ainsi qu’au contexte juridique et factuel dans lequel il est intervenu.

67      En l’occurrence, l’intitulé du règlement 2017/2063, son considérant 1 et le libellé de ses articles 2, 3, 6 et 7 mettent en évidence que les mesures restrictives en cause ont été prises à l’encontre de la République bolivarienne du Venezuela.

68      Le Tribunal a rappelé à juste titre à cet égard, au point 34 de l’arrêt attaqué, qu’interdire aux opérateurs de l’Union d’effectuer certaines opérations, ce qui constitue l’objet des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063, revenait à interdire à la République bolivarienne du Venezuela d’effectuer avec ces opérateurs lesdites opérations.

69      Or, l’entrée en vigueur du règlement 2017/2063 a eu pour effet l’application immédiate et automatique des interdictions prévues aux articles 2, 3, 6 et 7 de celui-ci. Ces interdictions empêchant la République bolivarienne du Venezuela de se procurer de nombreux produits et services, lesdites dispositions produisent directement des effets sur la situation juridique de cet État. En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 110 de ses conclusions, il ressort notamment des articles 6 et 7 du règlement 2017/2063 que la référence à « toute personne physique ou morale, toute entité ou à tout organisme se trouvant sur le territoire du Venezuela ou aux fins d’une utilisation dans ce pays » dans lesdites interdictions inclut le régime vénézuélien, ses organismes, entreprises ou agences publics ou toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs ordres.

70      À cet égard, il y a lieu de relever que, pour constater que la République bolivarienne du Venezuela est directement concernée par les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063, il n’est pas nécessaire de distinguer selon que de telles opérations commerciales sont effectuées iure gestionis ou iure imperii, une telle distinction ne pouvant être inférée ni de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ni de toute autre disposition du droit de l’Union.

71      Par ailleurs, la circonstance que les mesures restrictives en cause ne constituent pas un empêchement absolu pour la République bolivarienne du Venezuela de se procurer les biens et les services visés par ces articles, cet État restant en capacité de se les procurer en dehors du territoire de l’Union par des personnes non soumises auxdites mesures, ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle les interdictions prévues auxdits articles concernent directement la République bolivarienne du Venezuela. En effet, s’agissant d’interdictions telles que celles prévues aux articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063, la condition selon laquelle une personne morale est directement concernée par de telles mesures n’implique pas que ladite personne se trouve dans l’impossibilité absolue de se procurer les biens et les services en cause.

72      Il est également sans pertinence, aux fins de vérifier si la République bolivarienne du Venezuela est directement concernée par les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063, que l’activité de cet État tiers ne se limite pas à celle d’un opérateur économique actif sur certains marchés.

73      Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les mesures restrictives en cause ne produisaient pas directement des effets sur la situation juridique de la République bolivarienne du Venezuela et en accueillant, sur ce fondement, le deuxième motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil.

74      Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir le moyen unique invoqué par la République bolivarienne du Venezuela et d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejette comme irrecevable le recours de la République bolivarienne du Venezuela tendant à l’annulation du règlement 2017/2063.

 Sur le recours devant le Tribunal

75      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, ou, lorsque tel n’est pas le cas, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

76      En l’espèce, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur la recevabilité du recours formé par la République bolivarienne du Venezuela.

77      Devant le Tribunal, dans le cadre de son exception d’irrecevabilité, le Conseil a soulevé trois motifs d’irrecevabilité du recours, dont seul le deuxième a été en partie examiné par le Tribunal. Dans la mesure où la question de savoir si la République bolivarienne du Venezuela est une « personne morale », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, telle que visée par le troisième motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil devant le Tribunal, a été examinée d’office aux points 40 à 53 du présent arrêt, il reste à examiner, d’une part, le premier motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil et tiré de l’absence d’un intérêt à agir et, d’autre part, la partie du deuxième motif d’irrecevabilité sur laquelle le Tribunal n’a pas statué, en vérifiant si le critère selon lequel les mesures restrictives en cause ne doivent laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de les mettre en œuvre, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est rempli en l’espèce.

 Sur le premier motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil et tiré de l’absence d’un intérêt à agir

 Argumentation des parties

78      Par le premier motif d’irrecevabilité, le Conseil soutient que la République bolivarienne du Venezuela n’a pas d’intérêt à demander l’annulation des mesures restrictives en cause devant les juridictions de l’Union. Ces mesures ne modifieraient pas de façon caractérisée la situation juridique de la République bolivarienne du Venezuela en ce qu’elles ne produiraient aucun effet juridique obligatoire ni pour cet État en tant que tel ni sur son territoire.

79      Comme il ressortirait clairement de l’article 20 du règlement 2017/2063, le champ d’application de ce règlement serait limité au territoire des États membres et aux personnes relevant de la juridiction d’un État membre. En outre, les raisons ayant conduit la Cour à juger, dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973, points 131 à 133), que le Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario) ne pouvait pas être regardé comme ayant qualité pour agir en annulation de la décision attaquée dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt seraient applicables par analogie dans le cadre de la présente affaire.

80      La République bolivarienne du Venezuela estime que ce motif d’irrecevabilité doit être écarté.

 Appréciation de la Cour

81      Pour autant que le Conseil soutient que le règlement 2017/2063 ne produirait aucun effet juridique obligatoire de nature à affecter les intérêts de la République bolivarienne du Venezuela, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le recours en annulation doit être ouvert à l’égard de toutes les dispositions prises par les institutions de l’Union, indépendamment de leur nature ou de leur forme, à condition qu’elles visent à produire des effets de droit (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Conseil, C‑425/13, EU:C:2015:483, point 26 et jurisprudence citée).

82      À cet égard, il convient de rappeler que l’existence d’un intérêt à agir suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, de procurer un bénéfice à la personne physique ou morale qui a formé le recours (arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 103 et jurisprudence citée).

83      Or, dès lors que, pour les motifs exposés aux points 63 à 73 du présent arrêt, les interdictions prévues aux articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 sont de nature à porter atteinte aux intérêts, notamment économiques, de la République bolivarienne du Venezuela, leur annulation est, par elle-même, susceptible de lui procurer un bénéfice.

84      Quant à l’argument du Conseil tiré de l’arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973), il est certes vrai que la Cour a jugé, dans cet arrêt, que le Front Polisario ne pouvait pas être regardé comme ayant qualité pour agir en annulation de la décision du Conseil visant à approuver, au nom de l’Union, l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, qui a été signé à Bruxelles le 13 décembre 2010 (JO 2012, L 241, p. 4). Or, l’argumentation avancée par le Front Polisario afin d’établir sa qualité pour agir en annulation de ladite décision reposait sur l’affirmation selon laquelle cet accord était en pratique appliqué, dans certains cas, au Sahara occidental, alors que celui-ci ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, laquelle a toutefois été rejetée par la Cour comme étant non fondée. Celle-ci a interprété ledit accord en ce sens qu’il ne s’appliquait pas au territoire du Sahara Occidental. En revanche, ainsi qu’il a été relevé aux points 67 et 69 du présent arrêt, les mesures restrictives prévues aux articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 ont été prises à l’encontre de la République bolivarienne du Venezuela, ces dispositions l’empêchant de procéder à certaines opérations.

85      Le premier motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil doit donc être écarté.

 Sur le critère selon lequel la mesure contestée ne comporte pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et sur les autres conditions de recevabilité du recours

86      Le Tribunal n’a pas examiné le second des deux critères cumulatifs devant être réunis pour constater que la République bolivarienne du Venezuela est directement concernée par les mesures restrictives en cause, à savoir, ainsi qu’il a été rappelé au point 61 du présent arrêt, le critère selon lequel ces mesures ne doivent laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de les mettre en œuvre, cette mise en œuvre devant avoir un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires.

87      Dans l’hypothèse où ce second critère serait rempli, il resterait à déterminer si les autres conditions pour qu’une personne morale se voit reconnaître la qualité pour agir contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le sont également, à savoir soit qu’elle est concernée individuellement, soit qu’un tel acte constitue un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution.

 Argumentation des parties

88      Selon le Conseil, l’application des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 requiert nécessairement l’adoption de règles intermédiaires, puisque ces articles prévoiraient un système d’autorisation préalable par les autorités compétentes des États membres. De surcroît, une autorisation préalable constituerait en elle-même une mesure d’exécution et les États membres disposeraient d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les conditions auxquelles de telles autorisations pourraient être accordées. Il en conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si la République bolivarienne du Venezuela est individuellement concernée ou si sont en cause des actes réglementaires ne comportant pas de mesures d’exécution, en se limitant à indiquer qu’il réfute ces deux hypothèses.

89      La République bolivarienne du Venezuela estime que le deuxième motif d’irrecevabilité, en tant qu’il vise le critère selon lequel les mesures restrictives en cause ne doivent laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de les mettre en œuvre, doit également être écarté. Dans sa requête introductive d’instance, elle avait fait valoir qu’elle remplissait les conditions prévues aux deuxième et troisième branches de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dans la mesure où le règlement 2017/2063 était un acte réglementaire qui la concernait directement et ne comportait pas de mesures d’exécution et où, subsidiairement, elle était directement et individuellement concernée par cet acte.

 Appréciation de la Cour

90      Il découle du libellé même des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 que les interdictions édictées par ces dispositions, sans préjudice des mesures de dérogation ou d’autorisation qu’elles prévoient et qui ne sont pas en cause dans le cadre du présent litige, s’appliquent sans laisser de pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de les mettre en œuvre. Ces interdictions sont en outre applicables sans que cela nécessite l’adoption de mesures d’exécution, ni par l’Union ni par les États membres. À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement d’exécution 2018/1653 n’avait d’autre fonction que la modification de l’annexe IV du règlement 2017/2063, qui contient uniquement la liste des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes visés par les mesures de gel des fonds et des ressources économiques et qui n’est visée par aucune des dispositions précitées.

91      Il s’ensuit que les articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063 concernent directement la République bolivarienne du Venezuela et que le motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil, par lequel il fait valoir que cette condition n’est pas satisfaite en l’occurrence, doit être écarté.

92      Du reste, ledit règlement, qui a une portée générale, dans la mesure où il comporte des dispositions telles que celles de ses articles 2, 3, 6 et 7 interdisant à des catégories générales et abstraites de destinataires de procéder à certaines transactions avec des entités également visées de manière générale et abstraite, et qui, dès lors qu’il a été adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE et, partant, conformément à la procédure non législative prévue à cette dernière disposition, ne peut être qualifié d’acte législatif, constitue un « acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 58 à 60). Les dispositions de ce règlement contestées par la République bolivarienne du Venezuela ne comportant en outre pas de mesures d’exécution, ainsi qu’il a été exposé au point 90  du présent arrêt, il y a lieu de constater que cet État tiers a bien qualité pour agir contre celles-ci sans devoir établir que lesdites dispositions la concernent individuellement.

93      Il s’ensuit que les conditions prévues à la troisième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sont remplies.

94      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours introduit par la République bolivarienne du Venezuela devant le Tribunal est recevable en ce qu’il tend à l’annulation des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063.

95      Toutefois, dès lors que, sur le fond, le litige n’est pas en état d’être jugé, l’affaire doit être renvoyée devant le Tribunal.

 Sur les dépens

96      L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 septembre 2019, Venezuela/Conseil (T65/18, EU:T:2019:649), est annulé dans la mesure où il rejette le recours de la République bolivarienne du Venezuela tendant à l’annulation des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement (UE) 2017/2063 du Conseil, du 13 novembre 2017, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il soit statué au fond.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.