Language of document : ECLI:EU:C:2024:411

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 16 mai 2024 (1)

Affaires jointes C269/23 P et C272/23 P

Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics SAE,

Jushi Egypt for Fiberglass Industry SAE (C269/23 P)

Jushi Egypt for Fiberglass Industry SAE (C272/23 P)

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Subventions – Règlement (UE) 2016/1037 – Accord sur les subventions et mesures compensatoires de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – Compensation d’une contribution financière d’un État tiers sur le territoire d’un autre État tiers – Validité »






I.      Introduction

1.        Discipliner les subventions constitue un exercice délicat. Leur octroi est intimement lié à la souveraineté des États, ceux-ci étant libres, en général, de favoriser leurs industries sans avoir à justifier leurs actions (2).

2.        Toutefois, certains partenaires commerciaux de l’Union européenne ont de plus en plus recours aux subventions comme moyens à peine voilés de gouvernance économique (3). Les actions de la République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») sont devenues, en particulier, la cible d’un effort international visant à lutter contre le « subventionnement faussant le marché et les échanges » (4), et tout spécialement la « Go Global policy » (politique d’internationalisation) (5) que ce pays poursuit et qui encourage les entreprises chinoises à investir à l’étranger (6).

3.        Les présents pourvois concernent les effets de distorsion potentiels de cette politique sur le marché intérieur. En l’espèce, la question en cause est de savoir si la Commission européenne pouvait légitimement avoir recours aux mesures compensatoires, telles que régies par le règlement antisubventions de base (7) ainsi que par l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires (ci-après l’« accord SMC ») (8), pour neutraliser des subventions octroyées par un membre de l’OMC (la Chine) sur le territoire d’un autre membre de l’OMC (la République arabe d’Égypte, ci-après l’« Égypte ») (9).

4.        Par l’arrêt Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission (10)et l’arrêt Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission (11) (ci-après, conjointement, les « arrêts attaqués »), le Tribunal a confirmé la validité de l’utilisation de droits compensateurs dans ce type particulier de circonstances factuelles. Les requérantes au pourvoi dans ces affaires contestent à présent cette conclusion.

5.        S’agissant de la première fois qu’un membre de l’OMC procède, à l’occasion des enquêtes sous-jacentes, à la compensation des effets préjudiciables de « subventions transnationales » (12), la problématique est inédite et contestée (13), et ce non pas seulement du point de vue du droit de l’Union (14).

II.    Antécédents des présents litiges

6.        Le contexte dans lequel les recours sous-jacents s’inscrivent est exposé aux points 2 à 26 des arrêts attaqués. Aux fins de la présente analyse, il y a lieu de rappeler ce qui suit.

7.        La « zone de coopération économique et commerciale sino‑égyptienne de Suez » (ci-après la « zone CECS ») fait partie d’une zone économique franche plus vaste dans le nord du golfe de Suez et, donc, du territoire de l’Égypte (15).

8.        Cette zone franche a été classée comme zone économique spéciale par les pouvoirs publics égyptiens en application de la loi égyptienne no 83/2002 sur les zones économiques spéciales (16).

9.        La zone CECS ayant été reconnue par la Chine comme étant l’une des premières 18 « zones de commerce et de coopération à l’étranger » officiellement agréées (17), les entreprises chinoises « qui s’installent à l’étranger », y compris pour opérer dans cette zone CECS, peuvent bénéficier, depuis 2013, des politiques de soutien fiscal, de prêts assortis de conditions préférentielles, d’un soutien financier accordé par le biais de prêts syndiqués, des crédits à l’exportation et du financement de projets, des investissements en fonds propres et de l’assurance-crédit à l’exportation (18).

10.      En 2016, les présidents chinois et égyptien ont signé l’« accord entre le ministère du commerce de la République populaire de Chine et l’autorité générale de la zone économique du canal de Suez de la République arabe d’Égypte relatif à la zone de coopération économique et commerciale de Suez » (19).

11.      Aux termes de cet accord de coopération, les pouvoirs publics chinois et les pouvoirs publics égyptiens développent conjointement la zone CECS, conformément à leurs stratégies nationales respectives (20). Selon ledit accord, les pouvoirs publics égyptiens fournissent les terrains, la main-d’œuvre et certaines exonérations fiscales, tandis que les entreprises chinoises actives dans la zone gèrent l’installation de production avec leurs moyens et leurs dirigeants. Un financement supplémentaire est reçu directement de la Chine (21).

12.      Les requérantes en première instance sont les sociétés Jushi Egypt for Fiberglass Industry SAE (ci-après « Jushi Egypt ») et Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics SAE (ci-après « Hengshi Egypt »). Il s’agit de sociétés de droit égyptien, constituées en Égypte par Jushi China et Hengshi China, leurs sociétés mères chinoises. Ces sociétés sont liées et appartiennent en fin de compte au China National Building Material Group, une entreprise d’État chinoise (22).

13.      Pour sa part, ce groupe est en définitive détenu par la Commission de supervision et d’administration des actifs publics du Conseil des affaires de l’État (ci-après la « SASAC ») (23). Directement contrôlée par le Conseil des affaires de l’État chinois, l’organe administratif suprême de la Chine, la SASAC est décrite dans les règlements contestés comme étant « l’instance principale par l’intermédiaire de laquelle les autorités chinoises contrôlent les entreprises publiques selon différentes modalités, pour les mettre au service des politiques et programmes gouvernementaux, au lieu de les laisser exercer leurs activités commerciales selon la logique de marché » (24).

14.      Les produits en cause dans les présents pourvois sont les produits de fibre de verre à filament continu (ci-après les « SFV ») et les tissus en fibres de verre (ci-après les « TFV »). Les SFV sont les intrants directs utilisés en amont des TFV.

15.      Les SFV sont composés essentiellement de sable transformé en filaments de fibre de verre pliables, lesquels peuvent par la suite être utilisés en l’état ou être tissés et/ou cousus de façon à obtenir des TFV. Combinés avec des résines afin de créer des matériaux composites légers, ces produits peuvent être utilisés pour accroître la solidité, la légèreté et la durabilité de composants. De ce fait, ils sont utilisés, entre autres, dans les industries automobile, navale et aéronautique ainsi que les industries de l’énergie éolienne, des infrastructures, de la tuyauterie, du bâtiment et de la construction.

16.      La politique ambitieuse en matière de lutte contre le changement climatique que l’Union poursuit a considérablement accru sa demande de SFV et de TFV (25).

17.      Les sociétés Jushi Egypt et Hengshi Egypt produisent, l’une comme l’autre, des TFV dans la zone CECS. Jushi Egypt y produit également des SFV (26). Toutes deux exportent ces produits, de cette zone, vers l’Union (27).

18.      Dans les règlements contestés, sur la base des éléments de preuve à sa disposition (28), la Commission a conclu, notamment, qu’il existait un lien (29) entre les mesures prises par les pouvoirs publics chinois et les mesures prises par les pouvoirs publics égyptiens, telles que celles en matière de prêts préférentiels (30) et de soutien à l’investissement en capital (31) en faveur de Jushi Egypt et de Hengshi Egypt, de sorte que les contributions financières des pouvoirs publics chinois pour ces sociétés pouvaient être attribuées aux pouvoirs publics égyptiens (32).

19.      Par les règlements contestés, la Commission a adopté des droits compensatoires sur les importations de TFV et de SFV dans l’Union. En ce qui concerne les requérantes, ce droit a été fixé à 13.1 %.

III. Les arrêts attaqués

20.      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 28 juillet et 27 août 2020, les requérantes ont intenté leurs recours en annulation contre les règlements contestés.

21.      Le 1er mars 2023, le Tribunal a rendu les arrêts attaqués, rejetant les recours des requérantes et condamnant celles-ci à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission.

IV.    Procédure devant la Cour

22.      Par pourvois déposés, respectivement, les 25 et 27 avril 2023, les requérantes concluent à ce qu’il plaise à la Cour d’annuler les arrêts attaqués, d’accueillir partiellement les moyens soulevés en première instance et de condamner la Commission et les parties intervenantes aux dépens.

23.      La Commission soutient que la Cour devrait rejeter les pourvois dans leur intégralité et condamner les requérantes aux dépens.

24.      Elle est soutenue en cela par la Tech-Fab Europe eV (dans l’affaire C‑269/23 P) et par l’Association des producteurs de fibres de verre européens (dans l’affaire C‑272/23 P).

V.      Analyse

25.      Les présentes conclusions s’articulent comme suit. Étant donné que la question juridique principale dont ces pourvois requiert l’examen se rapporte à la validité de la méthodologie utilisée par la Commission pour compenser les « subventions transnationales » chinoises en Égypte, c’est cette question que j’aborderai en premier lieu. Je proposerai de constater que, en confirmant la validité de la méthodologie en cause au titre du règlement antisubventions de base et de l’accord SMC, le Tribunal n’a commis aucune erreur (section A) (33).

26.      Ce n’est qu’ensuite que j’examinerai les moyens communs aux deux pourvois qui sont plus techniques : la détermination de la situation comparable aux fins de neutraliser le régime égyptien de remise sur les droits à l’importation (section B) et la compensation du traitement fiscal des pertes de change (section C). Enfin, je me pencherai sur le moyen que seul le pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P invoque : le niveau de la subvention passible de mesures compensatoires pour les entités d’un groupe (section D).

A.      Sur l’application de l’instrument antisubventions aux subventions « transnationales »

27.      En substance, les deuxième et troisième moyens du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P ainsi que les premier et deuxième moyens du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P soulèvent la question de savoir si la Commission pouvait légitimement avoir recours à l’instrument antisubventions, tel que régi par le règlement antisubventions de base, pour compenser l’aide financière directe et indirecte reçue par les requérantes de la part des pouvoirs publics chinois pour leur fabrication du produit en cause en Égypte (34).

28.      Dans les arrêts attaqués, le Tribunal a confirmé cette possibilité. Ayant procédé à une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique, le Tribunal a conclu que « le règlement antisubventions de base n’exclut pas que, même si la contribution financière ne provient pas directement des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation, cette contribution puisse leur être imputée » (35). Il est parvenu à cette conclusion sur la base d’une interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, qui définit la notion de « subvention », au regard du considérant 5 dudit règlement (36).

29.      Je partage la conclusion du Tribunal. Dans les considérations qui vont suivre, je développerai une motivation supplémentaire.

30.      La question juridique qui sous-tend les présents pourvois concerne, essentiellement, la portée de la notion de « subvention », notion qui est définie à l’article 3 du règlement antisubventions de base.

31.      Dans la version de langue anglaise, cette disposition prévoit que, par « subvention », on entend « a financial contribution by a government in the country of origin or export » (c’est-à-dire une contribution financière d’un organisme public dans le pays d’origine ou d’exportation) (37) grâce à laquelle un avantage est conféré (38).

32.      L’argumentation de la Commission se rattache directement aux éléments mis en italique du libellé de cette disposition dans la version de langue anglaise. Elle porte, en substance, sur les différences entre l’emploi de l’article indéfini « a » (un) et celui de l’article défini « the » (le), qui figurent à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement antisubventions de base, et sur la possibilité qui s’en dégage pour appliquer cet instrument aux fins de compenser les subventions chinoises accordées aux entreprises établies en Égypte.

33.      Or, ainsi que les requérantes le soulignent à juste titre, un examen des différentes versions linguistiques de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement antisubventions de base révèle des différences.

34.      Certaines versions linguistiques de cette disposition peuvent effectivement, à l’instar du libellé de la version de langue anglaise, se lire comme laissant quelque peu sans délimitation la source de la contribution financière dont bénéficie le produit concerné dans le pays d’origine ou d’exportation (39). D’autres versions linguistiques, en revanche, sont formulées de manière à laisser entendre que la notion de « subvention » est limitée aux contributions financières octroyées par les pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation de ce produit (40).

35.      Aux fins d’assurer une application et une interprétation uniformes du règlement antisubventions de base, l’article 3 de celui-ci doit donc être interprété en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (41).

36.      Les principes régissant le champ d’application de l’instrument antisubventions sont établis à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base. Aux termes de cette disposition, un droit compensateur peut être imposé afin de compenser « toute subvention accordée, directement ou indirectement, à la fabrication, à la production, à l’exportation ou au transport de tout produit dont la mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice » (42).

37.      Il ressort clairement de cette définition que le règlement antisubventions de base vise à s’appliquer à tout cas de figure dans le cadre duquel il y a lieu d’imposer un droit compensateur pour neutraliser le subventionnement d’un produit étranger opéré par le biais d’un vaste ensemble de transferts de valeurs qui ont pour conséquence de causer un préjudice à l’industrie de l’Union fabriquant le même produit.

38.      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base ne prévoit pas que la subvention préjudiciable doit découler directement du pays dont le produit en cause provient ou d’où il est exporté. Au contraire, la référence à une telle subvention accordée « indirectement » implique qu’il ne doit pas nécessairement exister un lien territorial avec le pays d’origine ou d’exportation, pour peu que les subventions puissent être rattachées à la fabrication, à la production, à l’exportation ou au transport de tout produit dont la mise sur le marché intérieur cause un préjudice.

39.      Cette interprétation est corroborée également par l’article 2, sous a), du règlement antisubventions de base, qui, dans la partie pertinente, prévoit qu’une subvention passible de mesures compensatoires « peut être accordée soit par les pouvoirs publics du pays d’origine du produit importé, soit par les pouvoirs publics d’un pays intermédiaire en provenance duquel le produit est exporté vers l’Union » (43). En utilisant le verbe auxiliaire d’aspect « pouvoir », cette disposition ne délimite donc pas davantage le groupe des éventuels dispensateurs d’une subvention passible de mesures compensatoires, ne le restreignant pas au pays d’origine ou d’exportation du produit en cause.

40.      De surcroît, et contrairement à ce que les requérantes soutiennent, cette considération n’est pas ébranlée par le libellé de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement antisubventions de base, qui règle la question de la spécificité d’une subvention passible de mesures compensatoires et qui prévoit que cette spécificité est appréciée en fonction de « la juridiction de l’autorité qui accorde la subvention ».

41.      En effet, cette disposition reste muette sur la question de savoir si l’autorité qui accorde la subvention doit se trouver dans le pays d’exportation ou d’origine du produit en cause.

42.      En conséquence, ainsi que le Tribunal l’a établi à juste titre (44), lorsque, sur la base des éléments de preuve à sa disposition, la Commission est en mesure, comme dans les enquêtes sous-jacentes, d’attribuer une contribution financière aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation du produit en cause malgré le fait que cette contribution provient des pouvoirs ou organismes publics d’un pays tiers, l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement antisubventions de base lui permet de considérer les pouvoirs publics de ce pays d’origine ou d’exportation comme étant « l’autorité qui accorde la subvention » en ce qui concerne ladite contribution financière (45).

43.      Enfin, ainsi que la Commission l’observe à bon droit, une telle interprétation est également corroborée par le considérant 5 du règlement antisubventions de base, qui explique, apparemment de manière cohérente dans toutes les versions linguistiques (46), qu’une subvention existe lorsqu’est démontré l’octroi d’une « financial contribution by a government or a public body within the territory of a country » (c’est-à-dire d’une contribution financière par des pouvoirs publics ou tout  organisme public sur le territoire d’un pays) (47).

44.      La lecture du règlement antisubventions de base dans ce contexte permet de considérer un produit comme étant subventionné non seulement lorsqu’une subvention est susceptible d’être attribuée au pays d’origine ou d’exportation de ce produit, mais également lorsque, sur la base des éléments de preuve disponibles, d’autres pouvoirs ou organismes publics peuvent être identifiés comme étant la source du subventionnement préjudiciable.

45.      Cette interprétation est également confirmée par l’objectif du règlement antisubventions de base, lequel, depuis sa version initiale adoptée en 1968 (48), vise principalement à aider l’industrie de l’Union à rééquilibrer, sur le marché intérieur, les conditions de concurrence affectées par les subventions interdites octroyées à l’étranger (49).

46.      En conclusion, le règlement antisubventions de base ne se limite pas aux subventions accordées par les pouvoirs publics d’un pays sur le « propre » territoire de celui-ci.

47.      Les requérantes font toutefois valoir que, interprété en ce sens, le champ d’application du règlement antisubventions de base n’est pas compatible avec les obligations de l’Union au titre du GATT de 1994 et de l’accord SMC (50).

48.      Je suis d’accord qu’il faut tenir compte de ces accords internationaux, l’Union étant une partie signataire des accords de l’OMC, qui comprennent le GATT de 1994 ainsi que l’accord SMC et qui, par conséquent, font partie intégrante de son ordre juridique et lient ses institutions (51).

49.      Même s’il est bien établi que lesdits accords n’ont en général aucun effet direct (52), l’obligation constitutionnelle pour l’Union de respecter les engagements pris qui en découlent (53) – obligation reflétant le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda) (54) – lui impose d’interpréter, le cas échéant, le droit de l’Union de manière conforme au droit de l’OMC (55).

50.      Comme son considérant 3 le précise, le règlement antisubventions de base vise à transposer, « dans la mesure du possible », les engagements pris au niveau de l’accord SMC, en droit de l’Union.

51.      La Cour a déjà expliqué – certes dans le contexte du règlement antidumping de base (56) – que l’expression « dans la mesure du possible » ne devait pas être comprise, en soi, comme une intention de la part du législateur de l’Union de transposer, en droit de l’Union, chacune des règles contenues dans l’accord SMC (57).

52.      En conséquence, il est inexact de conclure, comme l’a fait le Tribunal (58), que l’emploi de cette expression est une preuve suffisante pour considérer que le législateur de l’Union a voulu donner exécution aux obligations particulières assumées dans le cadre de l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC.

53.      Cela étant précisé, le libellé de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement antisubventions de base reproduit en substance l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC. La première disposition requiert dès lors une interprétation conforme à la seconde (59).

54.      L’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC prévoit qu’« a subsidy shall be deemed to exist if [...] there is a financial contribution by a government or any public body within the territory of a Member » (c’est-à-dire que, selon la version de langue anglaise, une subvention sera réputée exister s’il y a une contribution financière de pouvoirs publics ou de tout organisme public sur le territoire d’un Membre) (60).

55.      En interprétant cette disposition de bonne foi et suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, comme l’exige l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), il apparaît que l’utilisation, en particulier, de l’article indéfini « a » (un) dans le membre de phrase « financial contribution by a government » (c’est-à-dire une contribution financière de pouvoirs publics) du chapeau de l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC, dans sa version en langue anglaise, laisse non délimitée l’origine géographique de la source de la contribution financière en question, tant que la subvention concernée provient de tout membre de l’OMC.

56.      Je ne considère pas que cette interprétation soit affectée par le fait que, à l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC, il est précisé « within the territory of a Member » (c’est-à-dire sur le territoire d’un membre), étant donné que ce membre de phrase se réfère non pas aux termes « contribution financière » mais à la notion de « government or any public body » (pouvoirs publics ou tout organisme public).

57.      Cette conclusion est également compatible avec de l’accord SMC, qui interprète et applique l’article VI du GATT de 1994 et dont l’objet et le but principaux sont d’« accroître et d’améliorer les disciplines du GATT relatives à l’utilisation de subventions et de mesures compensatoires » (61).

58.      À cet égard, je me réfère, en particulier, à l’article VI :3 du GATT de 1994, qui définit un droit compensateur comme étant un droit spécial appliqué pour neutraliser toute « prime ou subvention [...] accordée [...] à la fabrication, à la production ou à l’exportation dudit produit », sans spécifier par qui cette prime ou subvention est accordée ni limiter territorialement l’entité qui l’accorde.

59.      Partant, l’article VI du GATT de 1994 couvre, en principe (62), toutes les subventions, quelle que soit leur origine (63).

60.      De ce point de vue également, une interprétation différente irait à l’encontre du sens ordinaire des termes utilisés dans l’accord SMC et à l’article VI du GATT de 1994, mais, en outre, l’objet et le but de ces dispositions seraient méconnus si l’Union n’était pas à même de compenser des contributions financières, telles que celles en cause en l’espèce, du seul fait de leur source territoriale.

61.      Dès lors qu’aucune autre interprétation ne saurait être distillée de la genèse des négociations de l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC (64) – genèse à laquelle il peut être fait appel en tant que moyen complémentaire d’interprétation de cet accord, au sens de l’article 32 de la convention de Vienne sur le droit des traités –, il me paraît clair que cet article 1.1, sous a), 1), ne limite pas, sur un plan territorial, la portée géographique de la source d’une contribution financière au membre de l’OMC dans le ressort territorial duquel a lieu la production du produit en cause (65).

62.      En conséquence, je considère que l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC n’empêche pas de considérer comme une subvention un dispositif par lequel un membre de l’OMC apporte une contribution financière en faveur d’un produit fabriqué sur le territoire d’un autre membre de l’OMC.

63.      Pour toutes les raisons susmentionnées, je considère donc que le Tribunal n’a commis aucune erreur en concluant que le champ d’application du règlement antisubventions de base, tel qu’exprimé en particulier à son article 1er, paragraphe 1, et à son article 3, paragraphe 1, sous a), s’étend également à la situation où, au regard de preuves suffisantes, la Commission est en mesure d’attribuer le soutien financier reçu de pouvoirs publics d’un pays tiers aux pouvoirs publics d’un autre pays tiers.

64.      Je propose donc que la Cour rejette les deuxième et troisième moyens du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P ainsi que les premier et deuxième moyens du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P.

B.      Sur la détermination de la situation comparable aux fins de neutraliser le régime égyptien de remise sur les droits à l’importation pour les matériaux importés

65.      Au quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P et au troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a confirmé, à tort, la validité de l’approche de la Commission consistant, aux fins de compenser l’avantage dont elles bénéficient et qui résulte du régime de remise sur les droits à l’importation, à comparer leur situation avec celle d’une entreprise située également dans la zone CECS mais qui vend sur le marché égyptien (66). En outre, elles soutiennent que leur situation aurait dû être comparée avec l’hypothèse théorique dans laquelle elles seraient établies en dehors de la zone CECS mais exporteraient toujours les produits en cause vers l’Union. Elles affirment que, dans ce type de situation, les pouvoirs publics égyptiens n’auraient pas abandonné les recettes par le biais du régime de remise sur les droits à l’importation, puisqu’il n’aurait jamais cherché à percevoir ces droits à l’importation pour les intrants importés destinés à la fabrication des produits en cause.

66.      Au cœur de leur argument se pose donc la question de savoir quelle devrait être, en l’espèce, la situation comparable à retenir (67).

67.      Or, la seule disposition juridique que les requérantes citent dans le texte de leur pourvoi à l’appui de cet argument est l’article 5 du règlement antisubventions de base. Cette disposition, qui se rapporte à la quantification du montant de la subvention passible de mesures compensatoires, ne régit pas la situation comparable aux fins d’établir si les pouvoirs publics égyptiens ont décidé d’abandonner certaines recettes normalement exigibles au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement antisubventions de base (puisque, en toute logique, le moment de la quantification des recettes abandonnées vient après celui où leur existence a été établie) (68).

68.      Les requérantes n’expliquent pas davantage en quoi le Tribunal aurait commis une erreur dans l’interprétation ou l’application du cadre juridique pertinent.

69.      Or, cette explication est essentielle pour la recevabilité de l’argumentation des requérantes, puisque l’article 3, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement antisubventions de base – à supposer que telle eût été la disposition que les requérantes auraient entendu invoquer (quod non) – ne prévoit pas de méthode pour établir la situation comparable permettant de déterminer si les recettes normalement exigibles des pouvoirs publics sont abandonnées ou ne sont pas perçues.

70.      La Commission dispose donc d’un certain pouvoir discrétionnaire pour choisir les différents paramètres et hypothèses qui sous-tendent sa tâche d’établir si les pouvoirs publics égyptiens ont décidé d’abandonner les recettes normalement exigibles (69).

71.      En l’absence de tout argument contraire, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir confirmé le choix de la situation comparable appropriée, fait par la Commission, dans le cadre de l’enquête antisubventions qui sous-tend les présents pourvois (70).

72.      Je propose donc que la Cour juge le quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P et le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P irrecevables.

C.      Sur la compensation du traitement fiscal des pertes de change dues à la dévaluation de la livre égyptienne en 2016

73.      Au cinquième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P et au quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal n’a pas apprécié si, dans les règlements contestés, la Commission avait retenu le bon régime de subvention. Selon elles, la Commission a considéré, à tort, que c’était le traitement fiscal des pertes de change, instauré à la suite de la dévaluation de 2016 de la livre égyptienne (71), qui constituait le régime de subventions conférant un avantage spécifique de facto, au sens de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement antisubventions de base. D’après elles, ce traitement était ouvert à l’ensemble des entreprises égyptiennes, de sorte que, en théorie, toute entreprise égyptienne pouvait déduire, de ses revenus imposables, les pertes provoquées par les effets de cette dévaluation de 2016. De ce fait, c’est à tort que la Commission a attribué l’avantage résultant de ladite dévaluation de 2016 au traitement fiscal des pertes de change.

74.      Même si ces moyens des pourvois ne sont pas d’une clarté limpide, je pense que, contrairement à ce que la Commission soutient, ils ne visent pas à rouvrir le débat sur les faits. Au lieu de cela, une interprétation extensive des arguments paraît laisser entendre que les requérantes demandent à ce que la Cour contrôle la conclusion du Tribunal selon laquelle une prise en compte conjointe du traitement fiscal et des règles comptables spéciales était apte à conférer un avantage spécifique de facto.

75.      Ce type d’argument relève de l’étendue de la compétence de la Cour (72).

76.      À cet égard, j’observe que l’article 4, paragraphes 2, sous c), du règlement antisubventions de base est conçu pour précisément englober ces types d’hypothèses où, de prime abord, une mesure peut paraître non spécifique, mais s’avère, en pratique, et sur la base de critères et conditions objectifs, avoir l’effet d’établir un dispositif spécifique conçu pour octroyer une subvention à certaines entreprises.

77.      Aux fins de cette appréciation, pour déterminer si une subvention est spécifique de facto, le juge de l’Union doit s’axer non pas sur les règles nationales en tant que telles, mais bien sur le degré d’impact que ces règles présentent pour certaines entreprises (73), considéré dans le contexte dans lequel elles ont été instaurées (74).

78.      C’est exactement ce que le Tribunal a fait dans les arrêts attaqués.

79.      Tout d’abord, il a considéré que l’argumentation des requérantes reposait sur une prémisse erronée, à savoir celle selon laquelle « la Commission n’a pas considéré que le traitement fiscal en soi constituait une subvention susceptible de faire l’objet d’une mesure compensatoire » (75).

80.      Ensuite, il a expliqué que, en ayant considéré conjointement le traitement fiscal et les règles comptables spéciales, la Commission avait conclu que, même si elles étaient susceptibles de profiter à toutes les entreprises égyptiennes, ces règles étaient destinées, en pratique, à permettre la compensation des effets négatifs de la dévaluation de la monnaie égyptienne de 2016, de sorte qu’une catégorie particulière d’entreprises (76), telles que celles des requérantes (77), se sont vu accorder un avantage substantiel (78).

81.      Enfin, il a expliqué que les requérantes n’avaient produit aucun élément de preuve pour contester ces constatations factuelles (79).

82.      Je propose donc à la Cour de rejeter également le cinquième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P et le quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P comme étant non fondés.

D.      Sur la détermination du niveau de la subvention passible de mesures compensatoires pour les entités d’un groupe

83.      Au premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P, les requérantes contestent, en substance, la décision du Tribunal de confirmer la méthodologie de la Commission consistant à calculer, sur la base de leur chiffre d’affaires cumulé, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires qu’elles ont reçue (80).

84.      En conséquence, ce moyen du pourvoi nécessite une interprétation des articles 5 et 6 du règlement antisubventions de base.

85.      L’article 5 de ce règlement, intitulé « Calcul du montant de la subvention passible de mesures compensatoires », prévoit que c’est l’avantage conféré « au bénéficiaire » tel que constaté et déterminé pour la période d’enquête, qui doit constituer la base pour calculer le montant de la subvention passible de mesures compensatoires. De même, l’article 6 de ce règlement, intitulé « Calcul de l’avantage conféré au bénéficiaire », prévoit certaines orientations pour calculer le montant de l’avantage, et donc de la subvention, « conféré au bénéficiaire ».

86.      Selon les requérantes, l’utilisation dans ces dispositions du terme « bénéficiaire » au singulier signifierait, ainsi que le Tribunal l’a conclu dans l’arrêt Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (81), que « l’avantage doit être établi et calculé pour chaque bénéficiaire en fonction de la situation de celui-ci » (82). C’est seulement si une subvention avait été octroyée conjointement aux deux entités que le montant de la subvention passible de mesures compensatoires pourrait également être établi collectivement pour ces entités. Il s’ensuivrait que la Commission aurait dû calculer séparément l’avantage pour Jushi Egypt et pour Hengshi Egypt sous la forme d’un pourcentage, appliquer cet avantage exprimé en pourcentage à leur chiffre d’affaires respectif pour le produit en cause et calculer, collectivement pour les requérantes, une seule marge moyenne pondérée globale de subvention (83).

87.      Cependant, les requérantes ne contestent pas – à vrai dire, elles se déclarent expressément d’accord dans leurs présentations – que, malgré l’emploi au singulier du terme « bénéficiaire » aux articles 5 et 6 du règlement antisubventions, cette notion peut être interprétée de manière à inclure également un groupe de sociétés (84).

88.      Je ne pense pas qu’il soit logique de suivre la distinction que les requérantes proposent.

89.      Premièrement, aucune référence ou jurisprudence ne vient étayer leur argumentation (85). Les articles 5 et 6 du règlement antisubventions de base ne comportent pas davantage le moindre élément permettant de donner une lecture restrictive à la notion de « bénéficiaire ».

90.      Deuxièmement, non seulement une interprétation large de cette notion est dans le droit fil de l’interprétation que la Cour a donnée à des notions similaires du droit de l’Union en matière d’aides d’État et de la concurrence, à savoir celle d’« unité économique » ou celle d’« entreprise » (86), mais c’est là, également, l’interprétation que l’organe d’appel de l’OMC a donnée à la notion de « bénéficiaire » telle qu’utilisée dans l’accord SMC (87).

91.      Troisièmement, d’un point de vue industriel et économique, l’approche consistant à considérer les entités faisant partie d’un ensemble indivisible comme étant liées s’aligne sur la réalité économique au motif qu’il doit être assuré que les transferts de fonds intragroupes n’échappent pas à l’instrument antisubventions (88).

92.      L’interprétation large qui en résulte de la notion de « bénéficiaire » sert donc l’objectif du règlement antisubventions de base, qui est de « compenser toute subvention accordée, directement ou indirectement, à la fabrication, à la production, à l’exportation ou au transport de tout produit dont la mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice » (89).

93.      En conséquence, selon moi, la Cour ne saurait juger que le Tribunal a commis une erreur en adoptant l’interprétation susmentionnée et en confirmant le calcul du subventionnement passible de mesures compensatoires des requérantes auquel la Commission a procédé.

94.      Dès lors, je propose à la Cour de rejeter le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P.

VI.    Sur les dépens

95.      En vertu des articles 137 et 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsqu’elle juge elle-même définitivement le litige, la Cour statue sur les dépens.

96.      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

97.      Les requérantes ayant succombé, selon moi, dans le cadre des présents pourvois pour les raisons que j’ai indiquées, je considère qu’elles doivent être condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission tant en première instance qu’au stade du pourvoi.

98.      En revanche, conformément à l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, Tech-Fab Europe eV et l’Association des producteurs de fibres de verre européens supporteront leurs propres dépens.

VII. Conclusion

99.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

–        rejeter les pourvois comme étant non fondés ;

–        confirmer les arrêts du 1er mars 2023, Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission (T‑480/20, EU:T:2023:90), et du 1er mars 2023, Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission (T‑540/20, EU:T:2023:91) ;

–        condamner Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics SAE et Jushi Egypt Fiberglass Industry SAE à supporter leurs propres dépens et à payer ceux exposés par la Commission européenne tant en première instance qu’au stade du pourvoi, et

–        condamner Tech-Fab Europe eV et l’Association des producteurs de fibres de verre européens à supporter leurs propres dépens.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Voir, en ce sens, Luengo Hernández de Madrid, G. E., Regulation of Subsidies and State Aids in WTO and EC Law, Kluwer Law International, Alphen aan den Rijn, 2007, p. 4.


3      Voir, de manière générale, Bräutigam, D., et Xiaoyang, T., « Economic statecraft in China’s new overseas special economic zones : Soft power, business, or resource security ? », document de réflexion 01168 de l’IFPRI, mars 2012, p. 9.


4      Traduction par mes soins. Voir déclaration commune de la réunion trilatérale des ministres du commerce des États-Unis, du Japon et de l’Union européenne, adoptée le 14 janvier 2020, disponible à l’adresse Internet suivante : https://ustr.gov/about-us/policy-offices/press-office/press-releases/2020/january/joint-statement-trilateral-meeting-trade-ministers-japan-united-states-and-european-union.


5      Voir, plus en détail, document de travail des services de la Commission sur les distorsions significatives dans l’économie de la République populaire de Chine aux fins des enquêtes en matière de défense commerciale, SWD (2024) 91 final, p. 618 et suiv.), où il est expliqué que la « stratégie de mondialisation (Go Out Policy) soulignait que les entreprises chinoises pouvaient faire pleinement usage des ressources tant internes qu’internationales pour contrebalancer toute insuffisance du marché interne » (traduction par mes soins).


6      Voir, de manière générale, Organisation de coopération et de développement économiques, « The Belt and Road Initiative in the global trade, investment and finance landscape », Perspectives de l’OCDE sur l’entreprise et la finance, 2018, p. 3 et 33.


7      Règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement antisubventions de base »).


8      Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions et les mesures compensatoires.


9      Voir règlement d’exécution (UE) 2020/776 de la Commission, du 12 juin 2020, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de certains tissus en fibres de verre tissées et/ou cousues originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte et modifiant le règlement d’exécution (UE) 2020/492 de la Commission instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains tissus en fibres de verre tissées et/ou cousues originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte (JO 2020, L 189, p. 1, ci-après le « règlement TFV ») et règlement d’exécution (UE) 2020/870 de la Commission, du 24 juin 2020, instituant un droit compensateur définitif et portant perception définitive du droit compensateur provisoire sur les importations de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte, et portant perception du droit compensateur définitif sur les importations enregistrées de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte (JO 2020, L 201, p. 10, ci-après le « règlement SFV ») (ci-après, conjointement, les « règlements contestés »).


10      Arrêt du 1er mars 2023 (T‑480/20, ci-après l’« arrêt Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission », EU:T:2023:90).


11      Arrêt du 1er mars 2023 (T‑540/20, ci-après l’« arrêt Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission », EU:T:2023:91).


12      Entre-temps, le 25 mars 2024, les États-Unis d’Amérique ont modifié leurs règles antisubventions de manière à permettre spécifiquement l’imposition de droits compensateurs à l’égard de subventions transnationales ; voir U.S. Department of Commerce (ministère américain du commerce), Regulations improving and strengthening the enforcement of trade remedies through the administration of the antidumping and countervailing duty laws, Federal Register, vol. 89, p. 20 766, 25 mars 2024, en particulier, p. 20 826 et suiv.


13      Voir, à cet égard, Benitah, M., The WTO Law of Subsidies : A Comprehensive Approach, Kluwer Law International, Leiden, 2019, p. 605, qui explique que, malgré les apparences, le cas de subventions octroyées à un bénéficiaire fabriquant le produit concerné en dehors du pays des pouvoirs publics qui les accordent ne s’était jusqu’ici jamais présenté dans la jurisprudence.


14      Toutefois, au moment de la rédaction des présentes conclusions, l’Union avait clôturé une autre enquête antisubventions dans le cadre de laquelle l’instrument antisubventions avait été appliqué pour faire face à un cas de « subventions transnationales » d’un type similaire, impliquant la République d’Indonésie et la Chine ; voir règlement d’exécution (UE) 2022/433 de la Commission, du 15 mars 2022, instituant des droits compensateurs définitifs sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de l’Inde et d’Indonésie et modifiant le règlement d’exécution (UE) 2021/2012 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de l’Inde et d’Indonésie (JO 2022, L 88, p. 24). Un recours contre ce règlement a été introduit devant le Tribunal et fait l’objet de l’affaire T‑348/22, PT Indonesia Ruipu Nickel and Chrome Alloy/Commission, qui est en cours. Le même règlement a également donné lieu à une procédure devant l’organe de règlement des différends de l’OMC, laquelle est aussi actuellement pendante et est enregistrée comme étant l’affaire « Union européenne – Droits compensateurs et droits antidumping visant les produits plats laminés à froid en aciers inoxydables en provenance d’Indonésie » (DS616).


15      Arrêts attaqués, tous deux, point 3. Sur l’extension géographique de cette zone, voir, également, arrêts attaqués, tous deux, points 4, 7 et 9.


16      Arrêts attaqués, tous deux, point 4. Voir, également, règlement TFV, considérant 650, et règlement SFV, considérant 38.


17      Voir règlement TFV, considérant 651, et règlement SFV, considérant 39.


18      Arrêts attaqués, tous deux, point 7.


19      Arrêts attaqués, tous deux, point 9. Voir, également, règlement TFV, considérant 656, et règlement SFV, considérant 44.


20      Le pilotage du développement de la zone CECS a été confié à une société dénommée Egypt TEDA Investment Co., une entreprise commune créée entre, d’une part, la société China-Africa TEDA Investment Co., Ltd. – laquelle est une société établie par le Fonds de développement Chine-Afrique et l’entreprise publique Tianjin TEDA Investment Holding Co., Ltd. – et, d’autre part, la société Egypt China Joint Venture Company. Aussi bien Egypt TEDA Investment Co. que le Fonds de développement Chine-Afrique ont eux-mêmes été créés en tant qu’entreprises communes entre des sociétés étatiques égyptiennes et chinoises. Voir règlement TFV, considérants 649 et 652, ainsi que règlement SFV, considérants 37 et 40.


21      Arrêts attaqués, tous deux, point 10. Voir, également, règlement TFV, considérant 658, et règlement SFV, considérant 46.


22      Arrêt Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, point 2. Voir, également, règlement TFV, considérant 93, et règlement SFV, considérant 187.


23      Règlement TFV, considérant 93, et règlement SFV, considérant 187.


24      Règlement TFV, considérant 774, et règlement SFV, considérant 2012. Depuis 2017, le rôle de la SASAC est, entre autres, de « promouvoir l’allocation optimale des capitaux détenus par l’État en se concentrant sur les missions de servir des objectifs stratégiques nationaux » (traduction par mes soins), voir document de travail des services de la Commission sur les distorsions significatives dans l’économie de la République populaire de Chine aux fins des enquêtes en matière de défense commerciale, SWD(2024) 91 final, p. 111.


25      Voir, par exemple, avis du Comité économique et social européen, « L’industrie du verre européenne à la croisée des chemins : comment la rendre plus écologique et économe en énergie tout en renforçant sa compétitivité et en préservant des emplois de qualité » (2022/C 105/04), points 3.1.1.1, 3.1.2.1 et 3.4, qui exposent que les dérivés de fibres de verre ont « un rôle essentiel à jouer pour parvenir à une isolation optimale des bâtiments » et qui soulignent leur utilisation pour les éoliennes ainsi que pour les écrans, les smartphones, les tablettes et d’autres écrans (tactiles).


26      Voir règlement TFV, considérant 659, et règlement SFV, considérant 47.


27      Voir arrêts attaqués, tous deux, point 14.


28      Au titre de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais, la Commission peut tirer des conclusions, positives ou négatives, sur la base des données disponibles. Aux considérants 661 à 664 du règlement TFV et aux considérants 49 à 57 du règlement SFV, la Commission explique qu’elle a dû avoir recours à cette disposition, entre autres, en ce qui concerne le cadre juridique et institutionnel de la zone CECS, l’administration de cette zone ainsi que la collaboration précise entre les gouvernements chinois et égyptien afférente à ladite zone.


29      Voir, à cet égard, règlement TFV, considérants 676, 678 et 683, ainsi que règlement SFV, considérants 61, 66 et 71 : « les pouvoirs publics égyptiens attendaient et ont accueilli favorablement les financements chinois au soutien de l’étroite coopération prévue au sein de la zone CECS, afin de stimuler le développement de l’une des régions égyptiennes les plus pauvres. Les pouvoirs publics chinois espéraient que les entreprises chinoises pourraient exercer leurs activités en dehors des territoires chinois et accroître leurs exportations dans le cadre de l’initiative “une ceinture, une route ” (peut-être pour éviter de faire l’objet de mesures de défense commerciale) ».


30      Voir règlement TFV, considérants 726 à 757, et règlement SFV, considérants 143 à 147.


31      Voir règlement TFV, considérants 758 à 804, et règlement SFV, considérants 230 à 241. Voir, également, document d’information finale générale (AS657), 29 avril 2020 (annexe A.24 dans l’affaire T‑540/20), points 158 à 206.


32      Voir règlement TFV, considérants 670 à 699, et règlement SFV, considérants 58 à 87. Voir, également, à cet égard, règlement TFV, considérant 659 et, en ce sens, règlement SFV, considérant 47 : « Jushi Egypt et Hengshi Egypt sont financées par des fonds provenant de Chine, elles utilisent des intrants et des équipements importés de Chine, elles sont dirigées par des cadres chinois et elles utilisent le savoir-faire chinois ».


33      Le Tribunal ne s’étant pas penché sur la question de l’imputabilité des contributions financières chinoises à l’Égypte, y compris l’utilisation par la Commission du « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs » de la commission du droit international des Nations unies, et cette question ne faisant pas l’objet des pourvois devant la Cour [voir arrêts attaqués, point 103 (T‑480/20) et point 70 (T‑540/20)], je ne me prononcerai pas sur cette partie de la discussion générale. Voir, également, règlement TFV, considérants 686, 707, 708, 718 et 719, ainsi que règlement SFV, considérants 74, 95, 102 et 103.


34      Par souci d’exhaustivité, je dois préciser que les requérantes indiquent dans leurs pourvois qu’elles contestent les arrêts attaqués en ce qui concerne les constatations et conclusions figurant aux points 81 à 103 (T‑480/20) et aux points 48 à 70 (T‑540/20). Or, plusieurs de ces points concernent des constatations factuelles que le Tribunal a faites sur la base des règlements contestés. Étant donné que, en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la compétence de celle-ci est limitée, en principe, aux questions de droit, dans la mesure où le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P et le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P devraient également être compris comme contestant les constatations factuelles du Tribunal sans expliquer, toutefois, en quoi ce dernier a dénaturé les éléments de preuve produits devant lui, ces moyens sont irrecevables ; voir, ex multis, arrêt du 8 juin 2023, Severstal et NLMK/Commission (C‑747/21 P et C‑748/21 P, EU:C:2023:459, points 44 à 46 et jurisprudence citée).


35      Arrêts attaqués, point 84 (T‑480/20) et point 51 (T‑540/20).


36      Arrêts attaqués, points 79 à 83 (T‑480/20) et points 46 à 50 (T‑540/20).


37      Article 3, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement antisubventions de base (mise en italique par mes soins). Cette définition conceptuelle est suivie d’une liste de mesures de pouvoirs publics ou d’organismes publics qui constituent une subvention, telles qu’un transfert direct de fonds, par exemple sous la forme de dons ou de prêts, ou telles que des moyens plus indirects de soutien des prix, comme l’abandon de recettes publiques normalement exigibles ; voir article 3, paragraphe 1, sous a), i) à iv), de ce règlement. Ainsi que le Tribunal l’a également expliqué dans l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑300/16, point 107), cette liste est complétée par « l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement [antisubventions] de base [lequel] est, en substance, une disposition anticontournement, qui vise à assurer que les pouvoirs publics de pays tiers ne puissent pas se soustraire aux règles concernant les subventions en adoptant des mesures qui, en apparence, ne relèvent pas stricto sensu du champ d’application de l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), de ce règlement, mais ont, dans les faits, des effets équivalents ». Dans le même sens, voir rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Détermination finale en matière de droits compensateurs concernant certains bois d’œuvre résineux en provenance du Canada » (WT/DS257/AB/R), point 52.


38      Article 3, paragraphe 2, du règlement antisubventions de base (mise en italique par mes soins).


39      Voir, par exemple, les versions de langues allemande (« eine Regierung im Ursprungs- oder Ausfuhrland »), espagnole (« los poderes públicos en el territorio del país de origen o de exportación »), danoise (« staten i oprindelses- eller eksportlandet ») et irlandaise (« go bhfuil ranníocaíocht airgeadais ó rialtas sa tír thionscnaimh nó sa tír is onnmhaireoir »).


40      Voir, par exemple, les versions de langues française (« des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation »), italienne (« una pubblica amministrazione del paese d’origine o di esportazione »), croate (« postoji financijski doprinos vlade zemlje podrijetla ili izvoza ») et slovène (« gre za finančni prispevek vlade v državi porekla ali izvoza »).


41      Voir, ex multis, arrêts du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, EU:C:1977:172, point 14), et du 12 septembre 2019, Commission/Kolachi Raj Industrial (C‑709/17 P, EU:C:2019:717, point 88 et jurisprudence citée).


42      Mise en italique par mes soins.


43      Mise en italique par mes soins.


44      Voir arrêts attaqués, points 106 à 108 (T‑480/20) et points 73 à 75 (T‑540/20).


45      J’ajouterais que l’inverse rendrait l’applicabilité de l’instrument antisubventions tributaire de l’origine des flux financiers en cause, ce qui, même lorsque les mouvements de capitaux pourraient être retracés avec une précision raisonnable, permettrait aisément de contourner le champ d’application du règlement antisubventions de base.


46      Voir, à cet égard, par exemple, les versions de langues française (« une contribution financière par les pouvoirs publics ou tout organisme public, sur le territoire d’un pays »), allemande (« eine Regierung oder eine öffentliche Körperschaft im Gebiet eines Landes eine finanzielle Beihilfe leistet »), espagnole (« una contribución financiera por los poderes públicos o un organismo público en el territorio de un país »), italienne (« un contributo finanziario da parte di una pubblica amministrazione o di un ente pubblico nel territorio di un paese »), irlandaise (« ranníocaíocht airgeadais ó rialtas nó ó chomhlacht poiblí éigin laistigh de chríoch tíre »), croate (« financijski doprinos vlade ili javnog tijela na državnom području zemlje ») et danoise (« en statslig eller en offentlig myndighed har ydet et finansielt bidrag inden for et lands område »).


47      Mise en italique par mes soins. Dans son intégralité, ce considérant est libellé comme suit : « Il est nécessaire, en déterminant l’existence d’une subvention, de démontrer l’octroi d’une contribution financière par les pouvoirs publics ou tout organisme public, sur le territoire d’un pays, ou l’existence d’une forme de protection des revenus ou de soutien des prix au sens de l’article XVI [de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après le « GATT de 1994 »)], et qu’un avantage a bénéficié à une entreprise ».


48      Voir règlement (CEE) no 459/68 du Conseil, du 5 avril 1968, relatif à la défense contre les pratiques de dumping, primes ou subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO 1968, L 93, p. 1).


49      Voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1988, Fediol/Commission (187/85, EU:C:1988:399, point 14) : une subvention relève du champ d’application du règlement antisubventions de base « si l’avantage économique accordé a des effets préjudiciables sur la concurrence normale, parce que pratiqué en faveur d’une entreprise ou, sectoriellement, d’un groupe d’entreprises ». Voir, également, par analogie, arrêts du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil (C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 91), et du 8 juin 2023, Severstal et NLMK/Commission (C‑747/21 P et C‑748/21 P, EU:C:2023:459, point 73), qui qualifient les instruments de défense commerciale de « mesures de défense contre la concurrence déloyale [...] [visant] à remédier à un déséquilibre sur le marché national ».


50      Ces accords ont été tous deux approuvés par l’Union en tant qu’éléments de l’accord instituant l’OMC ; voir décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986‑1994) (JO 1994, L 336, p. 1).


51      Voir, ex multis, arrêts du 30 avril 1974, Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, points 5 et 6), et du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur) (C‑66/18, EU:C:2020:792, point 69 et jurisprudence citée).


52      Voir, en particulier, arrêts du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C‑280/93, EU:C:1994:367, points 106 à 109), et du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil (C‑149/96, EU:C:1999:574, point 47).


53      Cet engagement figure à l’article 216, paragraphe 2, TFUE.


54      Voir, également, en ce sens, mes conclusions dans l’affaire Changmao Biochemical Engineering/Commission (C‑123/21 P, EU:C:2022:890, point 34).


55      Voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 31 et 32).


56      C’est-à-dire le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).


57      Voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 52).


58      Voir arrêts attaqués, point 99 (T‑480/20) et point 66 (T‑540/20).


59      Voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper (C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 82), et du 27 février 2024, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann (C‑382/21 P, EU:C:2024:172, point 74). Pour une application concrète, là où ce type d’interprétation était possible, voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 30 et 34).


60      Mise en italique par mes soins.


61      Voir rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Droits compensateurs sur certains produits plats en acier au carbone traité contre la corrosion en provenance d’Allemagne » (WT/DS213/AB/R), point 73. Voir, également, en ce sens, rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États‑Unis – Détermination finale en matière de droits compensateurs concernant certains bois d’œuvre résineux en provenance du Canada »  (WT/DS257/AB/R), point 95.


62      Je tiens à souligner que le simple fait qu’une mesure constitue une « subvention » relevant du champ d’application de l’article VI du GATT de 1994 ne signifie pas forcément que tout type d’intervention règlementaire sur le marché est nécessairement couverte par le champ d’application de l’accord SMC ; voir, à cet égard, rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Enquête en matière de droits compensateurs sur les semi-conducteurs pour mémoires RAM dynamiques (DRAM) en provenance de Corée » (WT/DS296/AB/R), point 115.


63      Voir, également, à cet égard, Index analytique de l’OMC, « Article VI – Anti-Dumping and Countervailing Duties » (Droits antidumping et droits compensateurs), p. 239, qui, en ce qui concerne « bounty or subsidy » (prime ou subvention), se réfère au « Second Report of the Group of Experts on Anti-Dumping and Countervailing Duties », 29 janvier 1960 (L/1141), où il est expliqué que « trois experts ont considéré que le terme “subvention” devrait être interprété dans un sens plus large et ont estimé qu’il couvrait toutes les subventions, quelle que soit leur nature et quelle que soit leur origine, y compris les subventions accordées par des organismes privés » (traduction par mes soins).


64      En effet, comme l’explique la Commission, si le texte de négociation de l’article 3.1, sous a), (de l’époque) a été étendu pour englober également, dans la définition de « pouvoirs publics », tout organisme public du ressort territorial d’un membre de l’OMC, rien n’indique que cette modification du texte, ou toute autre modification, visait à limiter le champ d’application territorial des contributions financières susceptibles d’être imputées à un membre de l’OMC. Voir, à cet égard, Negotiating Group on Subsidies and Countervailing Measures, Status of Work in the Negotiating Group, Report by the Chairman to the Group of Negotiation on Goods, document MTN.GNG/NG10/W/38 (18 juillet 1990), p. 2 et document MTN.GNG/NG10/W/38/Rev.1 (4 septembre 1990), p. 2.


65      À l’appui de cette conclusion, voir, également, Crochet, V., et Hegde, V., « China’s “Going Global” policy : Transnational protection subsidies under the WTO SCM Agreement », Journal of International Economic Law, 23, 2020, p. 847 et Reinhold, P., « Strategische Autonomie und Handelsschutz – Länderübergreifende Subventionen vor den EU-Gerichten », Jean Monnet Working Paper, No 1/24, p. 7, ces auteurs expliquant que l’article 1.1, sous a), 1), de l’accord SMC n’indique pas où le bénéficiaire de la contribution financière conférée par « a government or any public body » (c’est-à-dire des pouvoirs publics ou tout organisme public) doit se situer.


66      Les pourvois contestent, dans les arrêts attaqués, les points 167 à 169 (T‑480/20) et les points 134 à 136 (T‑540/20).


67      Dans l’intitulé du quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑269/23 P et celui du troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑272/23 P, les requérantes allèguent également une violation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), ii), et paragraphe 2, du règlement antisubventions de base. Cependant, comme elles ne développent pas davantage la violation alléguée de ces dispositions dans le texte de leur pourvoi, je considère, sur ce point, que les pourvois doivent être écartés comme étant irrecevables, en ce qu’ils ne satisfont pas à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Voir, à cet égard, arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission (C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 87).


68      Ainsi que le Tribunal l’a expliqué, l’organe d’appel de l’OMC considère que l’exigence d’établir une situation comparable appropriée découle de l’article 1.1, sous a), 1), ii), de l’accord SMC [voir arrêts attaqués, point 164 (T‑480/20) et point 131 (T‑540/20)]. Plus particulièrement, en ce qui concerne le libellé « normalement [...] abandonnées », tel qu’il ressort de cette disposition, l’organe d’appel de l’OMC a fait observer que l’abandon de recettes normalement exigibles signifiait que les pouvoirs publics s’étaient procurés moins de recettes qu’ils ne l’auraient fait dans une situation différente. Le droit aux recettes ainsi abandonné doit être établi en fonction d’« un point de référence normatif défini permettant de faire une comparaison entre les recettes que l’on s’est effectivement procurées et les recettes que l’on se serait “normalement” procurées ». Voir rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs (deuxième plainte) » (WT/DS353/AB/R), point 806. Voir, également, rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Traitement fiscal des “sociétés de ventes à l’étranger” » (WT/DS108/AB/R), point 90.


69      Voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil (240/84, EU:C:1987:202, point 19), expliquant que, lorsque la législation de l’Union n’impose aucune méthodologie, le choix qui s’ensuit entre les différentes méthodes susceptibles d’atteindre l’objectif prescrit par le droit de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes, appréciation à l’égard de laquelle le juge de l’Union ne procède qu’à un contrôle de « l’erreur manifeste ».


70      Voir arrêts attaqués, point 168 (T‑480/20) et point 135 (T‑540/20).


71      Comme l’explique la Commission dans les règlements contestés, « [e]n 2016, les pouvoirs publics égyptiens ont décidé de passer d’un taux de change fixe de la livre égyptienne à un taux de change flottant, d’après une recommandation du Fonds monétaire international. En conséquence, la livre égyptienne a perdu, en un mois, près de la moitié de sa valeur par rapport à d’autres devises de premier plan, telles que le dollar américain et l’euro. Afin de faire face à cette fluctuation soudaine de la monnaie, les pouvoirs publics égyptiens ont publié une norme comptable spéciale, ainsi qu’une règle fiscale spéciale pour traiter les différences de change. En conséquence, les sociétés ont été autorisées à déduire plus largement les différences de change dues à la dépréciation de la livre égyptienne de leurs revenus imposables ». Voir règlement TFV, considérant 860, et règlement SFV, considérant 287.


72      Voir, à cet égard, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 49), qui explique que, même s’il est seul compétent pour les apprécier, « lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié des faits, la Cour est compétente pour exercer le contrôle que lui impose l’article 168A du traité CEE, dès lors qu’il a qualifié leur nature juridique et en a fait découler des conséquences en droit »).


73      Voir, en ce sens, rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs (deuxième plainte) – Recours de l’Union européenne à l’article 21:5 du mémorandum d’accord sur le règlement des différends »  (WT/DS353/AB/RW), point 5.183. Voir, également, en ce sens, Rubini, L., « The Definition of Subsidy and State Aid : WTO and EC Law in Comparative Perspective », Oxford University Press, Oxford, 2009, p. 373 et suiv.


74      Voir, en ce sens, et par analogie, dans le domaine des aides d’État, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 106), qui explique que « la circonstance que les sociétés “offshore” ne sont pas imposées est non pas une conséquence aléatoire du régime en cause, mais la conséquence inéluctable du fait que les bases d’imposition sont précisément conçues de façon à ce que les sociétés “offshore” qui, par leur nature, n’emploient pas de salariés et n’occupent pas de locaux professionnels, ne disposent pas de l’assiette fiscale au sens des bases d’imposition retenues dans le projet de réforme fiscale ».


75      Arrêts attaqués, points 176 et 177 (T‑480/20) ainsi que points 143 et 144 (T‑540/20).


76      Voir, à cet égard, règlement SFV, considérant 861, et règlement TFV, considérant 288, qui expliquent que, en raison de la norme comptable spéciale, « des entreprises qui exercent leur activité dans une devise étrangère paraissent déficitaires à des fins fiscales, même si leur situation financière peut faire apparaître des profits considérables. À l’inverse, certaines entreprises égyptiennes qui exercent leurs activités en livres égyptiennes ont subi des pertes réelles, qui ont eu une véritable incidence sur leurs activités, situation à laquelle a remédié la règle fiscale spéciale publiée par les pouvoirs publics égyptiens ».


77      Voir, à cet égard, règlement SFV, considérant 862, et règlement TFV, considérant 289, qui expliquent que les requérantes « sont presque exclusivement axées sur l’exportation, importent la quasi-totalité de leurs équipements et leurs emprunts sont libellés en devises étrangères, de même que la majorité de leurs achats de matériaux. Par conséquent, les pertes comptabilisées par Jushi et Hengshi Egypt en raison de la dépréciation de la livre égyptienne, notamment à cause des prêts importants en devises étrangères, ne sont pas réelles et ne sont utilisées qu’à des fins fiscales pour réduire leur revenu imposable ».


78      Arrêts attaqués, point 176 (T‑480/20) et point 143 (T‑540/20).


79      Arrêts attaqués, point 177 (T‑480/20) et point 144 (T‑540/20).


80      En tant que fondement pour leur pourvoi, les requérantes se réfèrent aux points 32, 37, 42, 43, 46 à 48, 51 à 55 et 58 de l’arrêt Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission.


81      Arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑300/16, EU:T:2019:235).


82      Voir arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑300/16, EU:T:2019:235, points 207, 210 et 211).


83      Selon les requérantes, il en serait résulté un taux global de droit compensateur de 4,6 % au lieu de celui de 10,9 % que la Commission a établi.


84      Voir, à cet égard, arrêt Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, point 47, qui fait référence au rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Mesures compensatoires concernant certains produits en provenance des Communautés européennes » (WT/DS212/AB/R), point 108, où il a été constaté que « le terme “bénéficiaire” [pouvait] désigner à la fois une entreprise [...] et son propriétaire [...] Un “groupe de personnes” pourrait désigner un groupe de “personnes physiques” ou un groupe de “personnes physiques et morales” ou un groupe composé exclusivement de “personnes morales”».


85      Les références faites par les requérantes à la façon dont elles ont été considérées dans l’enquête anti-dumping et antisubventions parallèle sont dénuées de pertinence. À supposer même qu’une pratique décisionnelle dans le domaine de la défense commerciale soit susceptible de lier la Commission (quod non ; voir arrêt du 24 février 2022, Eurofer/Commission, C‑226/20 P, EU:C:2022:122, point 60 et jurisprudence citée), cette dernière explique que seule Jushi Egpyt agissait en tant que producteur-exportateur de SFV vers l’Union, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’enquêter sur la possibilité d’un transfert, de Jushi Egypt à Hengshi Egypt, de l’avantage. Dans le même ordre d’idées, voir arrêt Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, point 55.


86      Voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, EU:C:1984:345, points 11 et 12), et du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8, points 112 à 114) (dans le domaine des aides d’État) ainsi qu’arrêts du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau (170/83, EU:C:1984:271, point 11), et du 6 octobre 2021, Sumal (C‑882/19, EU:C:2021:800, point 48 et jurisprudence citée) (dans le domaine du droit de la concurrence).


87      Voir arrêt Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, point 47.


88      Voir, également, à cet égard, arrêt Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, point 56 et référence au rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Détermination finale en matière de droits compensateurs concernant certains bois d’œuvre résineux en provenance du Canada » (WT/DS257/AB/R) point 146. Voir, de même, dans le domaine des aides d’État, arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8, point 114).


89      Article 1er, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base.