Language of document : ECLI:EU:T:2012:168

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 mars 2012 (*)

« Agriculture – Organisation commune des marchés – Mesures à adopter en raison de l’adhésion de nouveaux États membres – Acte d’adhésion de 2003 – Détermination des stocks excédentaires de produits agricoles autres que le sucre et conséquences financières de leur élimination – Objectif poursuivi par une disposition de droit primaire – Décision 2007/361/CE »

Dans l’affaire T‑243/07,

République de Pologne, représentée initialement par Mme E. Ośniecka-Tamecka, puis par M. T. Nowakowski, puis par M. M. Dowgielewicz, et enfin par MM. M. Szpunar, B. Majczyna et D. Krawczyk, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme R. Krasuckaitė, en qualité d’agents,

et par

République slovaque, représentée initialement par M. J. Čorba, puis par Mme B. Ricziová et M. M. Kianička, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes H. Tserepa-Lacombe et A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2007/361/CE de la Commission, du 4 mai 2007, relative à la détermination des stocks excédentaires de produits agricoles autres que le sucre et aux conséquences financières de leur élimination dans le contexte de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (JO L 138, p. 14), pour autant qu’elle concerne la République de Pologne,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 avril 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Dans le contexte du cycle d’élargissement de l’Union européenne qui a abouti à l’adhésion, le 1er mai 2004, de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (ci‑après les « nouveaux États membres ») à l’Union (ci‑après l’« adhésion »), l’Union et les nouveaux États membres ont entamé des négociations sur plusieurs questions, regroupées en chapitres de négociation. La négociation dans le cadre du chapitre relatif à l’agriculture a notamment porté sur la situation juridique des stocks de produits agricoles en libre pratique dépassant la quantité qui pourrait être considérée comme constituant un report normal de stocks (ci‑après les « excédents ») existant sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion.

2        Cette question est régie, en vertu de l’article 22 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne des nouveaux États membres et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 39, ci-après l’« acte d’adhésion »), par le point 4 de l’annexe IV de l’acte d’adhésion (JO 2003, L 236, p. 798), aux termes duquel :

« […]

2. Tout stock de [produits agricoles], qu’il soit privé ou public, en libre pratique sur le territoire des nouveaux États membres à la date d’adhésion et dépassant la quantité qui pourrait être considérée comme constituant un report normal de stocks doit être éliminé aux frais des nouveaux États membres.

Le concept de ‘report normal de stocks’ est défini pour chaque produit en fonction de critères et d’objectifs propres à chaque organisation commune de marché. 

[…]

4. La Commission met en œuvre et applique les arrangements décrits ci‑dessus […] »

3        Le 4 mai 2007, la Commission des Communautés européennes a adopté, sur le fondement de l’annexe IV, point 4, paragraphe 4, de l’acte d’adhésion, la décision 2007/361/CE, relative à la détermination des stocks excédentaires de produits agricoles autres que le sucre et aux conséquences financières de leur élimination dans le contexte de l’adhésion des nouveaux États membres (JO L 138, p. 14, ci‑après la « décision attaquée »).

4        Aux considérants 11 et 12 de la décision attaquée, la Commission a indiqué :

« La méthode la plus appropriée pour le calcul des conséquences financières des stocks excédentaires aux fins de l’objectif visé à l’[annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion] devrait consister en une évaluation du coût de l’élimination de ces stocks dans chaque secteur concerné. Dans les cas où des restitutions à l’exportation pour les produits étaient accordées l’année suivant l’adhésion, il convient de déterminer les conséquences financières en se fondant sur la différence entre les niveaux de prix intérieurs et extérieurs, qui est reflétée par la restitution moyenne à l’exportation au cours de la première année suivant l’adhésion.

Pour les produits n’ouvrant pas droit à des restitutions à l’exportation […] il semble approprié, dans une approche d’équivalence, de se fonder sur les différences de niveaux entre les prix moyens intérieurs et extérieurs. Compte tenu du caractère temporaire des conséquences financières résultant de la constitution de stocks excédentaires de différents produits agricoles dans certains des nouveaux États membres, il importe que les nouveaux États membres concernés versent les montants correspondants au budget communautaire. Il y a lieu d’arrêter la date à laquelle ces paiements devront être effectués. »

5        Le dispositif de la décision attaquée est rédigé comme suit :

« Article premier

Les quantités de produits agricoles en libre pratique sur le territoire des nouveaux États membres à la date d’adhésion et dépassant les quantités qui pourraient être considérées comme constituant un report normal de stocks au 1er mai 2004 et les montants à imputer aux nouveaux États membres pour couvrir les coûts d’élimination de ces quantités sont établis en annexe.

Article 2

1. Les montants établis en annexe sont considérés comme des recettes pour le budget communautaire.

2. Les États membres ont la possibilité de verser au budget communautaire les montants établis en annexe, en quatre versements égaux. Le premier versement est effectué au plus tard le dernier jour du deuxième mois suivant la date de notification de la présente décision au nouvel État membre concerné. Les autres tranches sont payables respectivement le 31 mai 2008, le 31 mai 2009 et le 31 mai 2010.

Article 3

La République tchèque, l’Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie sont destinataires de la présente décision. »

6        Les quantités et les montants visés à l’article 1er de la décision attaquée concernant les neuf nouveaux États membres mentionnés à l’article 3 de cette décision ont été fixés dans l’annexe de cette dernière. En ce qui concerne la République de Pologne, ils ont été déterminés comme suit :

Groupe de produits

Quantités en tonnes

Montants en milliers EUR

Viande

18 758

7 773

Lait

551

752

Fruits

3 994

2 228

Riz

22 915

1 224

Vin

6 435

472

Total

 

12 449

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juillet 2007, la République de Pologne a introduit, en vertu de l’article 230 CE, un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

8        Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 24 octobre 2007 et 30 janvier 2008, la République slovaque et la République de Lituanie ont demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions de la République de Pologne, ce qui leur a été accordé par ordonnances du président de la première chambre du Tribunal des 6 décembre 2007 et 12 mars 2008.

9        Le 7 février 2008, la République slovaque a déposé un mémoire en intervention. Le 20 mai 2008, la République de Pologne et la Commission ont présenté leurs observations sur ce mémoire.

10      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

11      Le 10 mars 2011, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, qui ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

12      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 avril 2011.

14      La République de Pologne, soutenue par la République slovaque et la République de Lituanie, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

 Sur le fond

16      Les arguments de la République de Pologne peuvent être regroupés, en substance, en cinq moyens, tirés, premièrement, de l’incompétence de la Commission et de la violation de l’annexe IV, point 4, paragraphe 4, de l’acte d’adhésion, deuxièmement, d’une violation du principe de proportionnalité, troisièmement, d’une motivation insuffisante, quatrièmement, de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation et, cinquièmement, du caractère tardif de la décision attaquée.

17      Par son premier moyen, la République de Pologne soutient, en substance, que l’annexe IV, point 4, paragraphe 4, de l’acte d’adhésion, base juridique de la décision attaquée, ne confère pas à la Commission le pouvoir d’imposer aux nouveaux États membres le versement au budget communautaire des montants financiers prévus par cette décision.

18      Ainsi qu’il a été rappelé au point 2 ci-dessus, l’annexe IV, point 4, paragraphe 4, de l’acte d’adhésion prévoit que la Commission met en œuvre et applique l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, dudit acte. Ces dispositions chargent donc la Commission d’instituer un système destiné à garantir que les excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion sont éliminés aux frais de ces États membres.

19      La République de Pologne ne conteste pas en tant que tel le pouvoir de la Commission d’agir pour mettre en œuvre l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, mais estime contraire à cette disposition la méthode choisie par la Commission à cette fin.

20      Selon la République de Pologne, la disposition en cause institue une obligation d’élimination « physique » des excédents à la charge des nouveaux États membres. C’est à cette fin que des pouvoirs d’exécution auraient été conférés à la Commission. Ils consisteraient notamment dans le pouvoir de garantir que les nouveaux États membres veillent à ce que les opérateurs établis sur leur territoire éliminent leurs propres stocks excédentaires. Or, les montants financiers visés par la décision attaquée ne pourraient pas être imposés dans l’exercice de ces pouvoirs d’exécution et auraient un caractère de sanction dès lors qu’il n’existerait aucun lien entre ces montants et l’élimination des excédents. La décision attaquée aurait remplacé l’obligation d’élimination de ces excédents par une obligation de payer une pénalité proportionnelle à leur volume.

21      La République Slovaque et la République de Lituanie se rallient aux arguments de la République de Pologne. La République Slovaque ajoute que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion ne permet pas à la Commission de calculer elle-même les excédents.

22      La Commission fait valoir que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion n’oblige pas les nouveaux États membres à éliminer « physiquement » les excédents, ce qui, selon elle, serait par ailleurs contraire aux règles de la politique agricole commune (PAC), mais à supporter le coût de leur élimination, qui serait réalisée grâce à l’absorption progressive des excédents par le marché. La Commission serait donc tenue de quantifier les excédents existant au jour de l’adhésion dans chaque nouvel État membre et d’imputer à l’État membre concerné les conséquences financières pertinentes. Cette obligation de la Commission refléterait l’intérêt public visant à éviter l’effet négatif de l’arrivée des excédents sur le marché. L’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion devrait ainsi être interprétée en ce sens que la Commission est tenue de calculer le coût de l’élimination des excédents de façon raisonnable et de garantir qu’il soit supporté par les nouveaux États membres par le biais du versement d’un montant financier au budget communautaire.

23      Il convient donc de constater que la position de la requérante dans la présente affaire diffère fondamentalement de celle de la Commission sur la question de savoir quelles actions la Commission pouvait engager pour mettre en œuvre l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

24      Afin d’examiner l’argumentation des parties sur la compatibilité de la décision attaquée avec l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, il convient d’exposer, à titre liminaire, les diverses mesures, prises par la Commission avant l’adoption de la décision attaquée, relatives aux excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion.

 Observations liminaires concernant les mesures prises par la Commission avant l’adoption de la décision attaquée

25      L’article 2, paragraphe 3, du traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et les nouveaux États membres relatif à l’adhésion des nouveaux États membres à l’Union européenne (JO L 236, p. 17, ci-après le « traité d’adhésion »), signé à Athènes le 16 avril 2003, prévoit que les institutions de l’Union peuvent arrêter, avant l’adhésion, les mesures visées notamment à l’article 41 et à l’annexe IV de l’acte d’adhésion. L’article 41, premier alinéa, dudit acte dispose que les mesures transitoires nécessaires pour faciliter la transition du régime en vigueur dans les nouveaux États membres au régime résultant de l’application de la PAC dans les conditions indiquées dans cet acte peuvent être prises par la Commission durant une période de trois ans à compter de la date de l’adhésion et ne doivent pas s’appliquer au-delà de cette période.

26      Le 10 novembre 2003, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du traité d’adhésion et de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion, le règlement (CE) n° 1972/2003, relatif aux mesures transitoires à adopter en ce qui concerne les échanges de produits agricoles du fait de l’adhésion des nouveaux États membres (JO L 293, p. 3).

27      Il ressort du considérant 1 de ce règlement que des mesures transitoires devaient être prises afin d’éviter les risques de détournement de trafic au détriment de l’organisation commune des marchés agricoles résultant de l’adhésion. Il est indiqué au considérant 3 dudit règlement que ces détournements portent souvent sur des produits déplacés artificiellement en vue de l’élargissement et qui ne font donc pas partie des stocks habituels de l’État concerné, mais que les stocks excédentaires peuvent également provenir de la production nationale. Il est finalement précisé qu’il y a donc lieu de taxer de manière dissuasive les stocks excédentaires situés dans les nouveaux États membres.

28      L’article 4 du règlement nº 1972/2003, tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 735/2004 de la Commission, du 20 avril 2004 (JO L 114, p. 13), prévoit un système de taxation des stocks excédentaires en libre pratique de certains produits agricoles existant sur le territoire des nouveaux États membres au jour de l’adhésion. Le paragraphe 1 de cet article indique que, sans préjudice de l’annexe IV, point 4, de l’acte d’adhésion, et pour autant qu’aucune législation plus sévère ne s’applique au niveau national, les nouveaux États membres taxent les détenteurs de tels stocks. L’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1972/2003, tel que modifié, prévoit le montant de la taxe en cause et dispose que son produit est imputé au budget national du nouvel État membre concerné. Enfin, l’article 4, paragraphe 5, de ce règlement contient une liste, différente pour chaque nouvel État membre, des produits agricoles auxquels s’applique la taxe.

29      En vertu des mesures prévues par le règlement nº 1972/2003, les détenteurs de stocks excédentaires de plusieurs produits agricoles autres que le sucre dans les nouveaux États membres étaient donc informés du fait qu’ils devaient être redevables, après l’adhésion, d’une taxe proportionnelle au volume de leurs stocks excédentaires.

30      Bien que les mesures prévues dans le règlement nº 1972/2003 ne visent pas directement l’élimination des excédents prévue par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, il existe un lien entre ces mesures et ladite disposition. En effet, l’imposition de la taxe en cause atténue le poids de l’obligation d’éliminer les excédents visée dans l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion. D’une part, l’existence de la taxe pouvait dissuader les opérateurs des nouveaux États membres de constituer des stocks excédentaires, ce qui devait, en principe, réduire les quantités devant être finalement éliminées après l’adhésion. D’autre part, les ressources générées par la taxe pouvaient doter lesdits États membres de recettes supplémentaires et donc diminuer le coût effectif de leur obligation de supporter les frais d’élimination des excédents.

31      Le 14 janvier 2004, la Commission a adopté, également sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du traité d’adhésion et de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion, le règlement (CE) nº 60/2004, établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre en raison de l’adhésion des nouveaux États membres à l’Union européenne (JO L 9, p. 8).

32      L’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004, tel que modifié par le règlement (CE) n° 651/2005 de la Commission, du 28 avril 2005 (JO L 108, p. 3), dispose que la Commission détermine au plus tard le 31 mai 2005 la quantité de sucre en l’état ou de sucre sous forme de produits transformés, isoglucose et fructose dépassant la quantité considérée comme un stock de report normal existant sur le territoire de chaque nouvel État membre (ci‑après l’« excédent de sucre ») au 1er mai 2004. Cette disposition prévoit aussi la manière dont la Commission doit déterminer cet excédent.

33      L’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004, tel que modifié, dispose que chaque nouvel État membre concerné assure, sans intervention communautaire, l’élimination du marché d’une quantité de sucre ou d’isoglucose égale à son excédent de sucre. L’élimination peut s’accomplir, au plus tard le 30 novembre 2005, par l’exportation sans restitution de la part de la Communauté de cet excédent, par son utilisation dans le secteur des combustibles, ou par sa dénaturation.

34      Aux termes du paragraphe 3 du même article, chaque nouvel État membre doit disposer le 1er mai 2004 d’un système d’identification des stocks excédentaires de sucre en l’état ou de produits transformés, isoglucose et fructose, auprès des principaux opérateurs concernés qu’il doit utiliser pour contraindre ces opérateurs à éliminer du marché à leurs frais une quantité de sucre ou d’isoglucose équivalente à leur stock excédentaire. Ces opérateurs doivent fournir la preuve de cette élimination. Dans le cas contraire, le nouvel État membre doit obliger ces opérateurs à payer une contribution financière proportionnelle à la quantité non éliminée qui est imputée à son budget national.

35      L’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004, tel que modifié, dispose que, le 31 mars 2006 au plus tard, les nouveaux États membres doivent communiquer à la Commission la preuve de l’élimination de leur excédent de sucre. Le paragraphe 2 du même article prévoit que chaque nouvel État membre concerné doit acquitter un montant proportionnel à la partie de son excédent de sucre pour laquelle la preuve de l’élimination n’a pas été fournie dans le délai imparti. Ce montant sera imputé au budget communautaire et pris en compte pour le calcul des cotisations à la production pour la campagne 2004/2005.

36      Le 31 mai 2005, la Commission a effectué le calcul de l’excédent de sucre de chaque nouvel État membre en adoptant le règlement (CE) n° 832/2005, relatif à la détermination des quantités excédentaires de sucre, d’isoglucose et de fructose pour les nouveaux États membres (JO L 138, p. 3). L’article 1er dudit règlement a fixé la quantité de sucre qui doit être éliminée du marché communautaire par chacun des cinq nouveaux États membres pour lesquels l’existence d’un excédent de sucre a finalement été constatée.

37      En vertu des mesures prévues par les règlements nos 60/2004 et 832/2005, ces cinq nouveaux États membres étaient donc tenus de veiller à ce que leur excédent de sucre soit retiré du marché ou, dans le cas contraire, de verser un montant financier au budget communautaire qui serait pris en compte pour le calcul de certaines cotisations devant être payées par les producteurs de l’Union.

 Sur la compatibilité du mécanisme d’« élimination » prévu par la décision attaquée avec l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion

 Sur l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion

38      C’est en tenant compte du contexte général des dispositions et mesures adoptées aux fins de la gestion des excédents dans le cadre de l’adhésion, exposées ci-dessus, qu’il convient d’examiner l’argumentation développée par les parties pour répondre à la question de savoir si la méthode d’élimination prévue par la décision attaquée est conforme à l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

39      Il ressort des positions des parties, résumées aux points 19 à 22 ci-dessus, que celles-ci divergent en particulier en ce qui concerne la signification qu’il convient de donner au terme « éliminé » utilisé dans l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

40      Dans la mesure où il n’existe en la matière aucune définition de droit de l’Union de ce qu’il faut entendre par « éliminé », il convient de déterminer la signification et la portée de ce terme en prenant en considération le contexte général dans lequel il est utilisé et conformément à son sens habituel dans le langage courant (arrêts de la Cour du 27 janvier 1988, Danemark/Commission, 349/85, Rec. p. 169, point 9 ; du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C‑164/98 P, Rec. p. I‑447, point 26, et du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology, C‑431/04, Rec. p. I‑4089, point 17). Or, pour ce qui concerne les produits agricoles, il y a lieu de considérer que, dans le langage courant, le terme « éliminé », tel qu’utilisé dans l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, a le sens de « détruit » ou d’« écarté du marché ».

41      Par ailleurs, les produits agricoles en libre pratique existant sur le territoire des États membres ont vocation à être absorbés par le marché. Dès lors, la précision de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion selon laquelle les excédents doivent être éliminés ne peut pas être entendue en ce sens qu’elle vise l’absorption des excédents par le marché et l’obligation pour les nouveaux États membres de verser au budget communautaire un montant financier destiné à compenser l’effet négatif de cette absorption. Si les auteurs de l’acte d’adhésion avaient voulu instituer une telle obligation, ils auraient plutôt indiqué que les nouveaux États membres étaient tenus de verser au budget communautaire un montant financier calculé en fonction du volume de leurs excédents.

42      À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que la Commission n’a pas identifié de travaux préparatoires ou de documents pouvant indiquer que, lors de l’adoption de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, la volonté des auteurs dudit acte était de permettre à la Commission de mettre en œuvre un système en vertu duquel l’obligation d’éliminer les excédents visés dans celle-ci pouvait être comprise comme une simple obligation de verser au budget communautaire un montant financier calculé en fonction du volume de ces excédents.

43      Quant à l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, le Tribunal a jugé qu’il s’agit notamment d’éviter, en ce qui concerne le sucre, les perturbations du fonctionnement des mécanismes prévus par l’organisation commune du marché du sucre et, en particulier, celles ayant une incidence sur la formation des prix, provoquées par l’accumulation de quantités de sucre anormales dans les nouveaux États membres avant leur adhésion à l’Union (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2009, Estonie/Commission, T‑324/05, Rec. p. II‑3681, point 119). Il y a donc lieu de considérer que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion a ce même objectif, mutatis mutandis, en ce qui concerne les produits agricoles autres que le sucre.

44      À cet égard, il convient de relever que l’écoulement au sein du marché intérieur de tout excédent d’un produit agricole existant sur le territoire d’un nouvel État membre à la date de l’adhésion est susceptible d’avoir une incidence sur le prix de ce produit après l’adhésion. En effet, dans la mesure où, dans des conditions normales, une augmentation de l’offre d’un produit implique, si sa demande reste stable, une diminution de son prix, le prix perçu par les producteurs de l’Union après l’adhésion sera nécessairement inférieur au prix que ceux-ci auraient perçu si l’excédent en cause n’avait pas été écoulé.

45      Le fait que cette perturbation des mécanismes de formation des prix ait eu lieu n’implique pas pour autant que le prix des produits agricoles pour lesquels l’existence d’excédents sur le territoire des nouveaux États membres a été constatée à la date de l’adhésion soit, après le 1er mai 2004, inférieur aux prix pratiqués avant ladite date. Il pourrait même être supérieur. Le niveau des prix postérieur à la date de l’adhésion sera simplement plus bas que le niveau qu’il aurait pu atteindre.

46      Or, les auteurs de l’acte d’adhésion ne pouvaient ignorer que les excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion pouvaient perturber les mécanismes de formation des prix à partir du 1er mai 2004, dès lors que l’acte d’adhésion ne prévoit aucun mécanisme susceptible de garantir que tous les stocks excédentaires seraient complètement éliminés au plus tard le 30 avril 2004 et que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, dudit acte indique que les excédents sont des produits « en libre pratique » à partir de cette date, ce qui implique que lesdits produits peuvent être immédiatement commercialisés. Pour préserver l’effet utile de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, il y a donc lieu de considérer que le but de cette disposition n’est pas seulement d’éviter les perturbations provoquées par l’écoulement des excédents sur le marché intérieur, mais, également, de corriger les effets de celles-ci.

47      Il découle de l’analyse de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, opérée ci-dessus à la lumière du contexte de cette disposition ainsi que de son libellé et de son objectif, que les arrangements que la Commission est chargée de mettre en œuvre en vertu du paragraphe 4 de ce même point permettent d’assurer soit la prévention des perturbations provoquées par l’écoulement de ces excédents sur le marché intérieur, soit la compensation des effets économiques de ces perturbations et que, en vertu de ce système, les excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres au 1er mai 2004 sont en principe retirés du marché à leurs frais, notamment par l’exportation des excédents en dehors du marché intérieur ou par la destruction de ces excédents.

48      Enfin, il y a lieu de considérer, d’une part, que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion n’indique pas, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, que les nouveaux États membres sont tenus d’éliminer eux-mêmes les excédents et, d’autre part, que la Commission, lorsqu’elle exerce les compétences que l’acte d’adhésion lui confère en matière de PAC pour l’exécution des règles établies par ledit acte, peut être amenée à faire usage d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2009, Chypre/Commission, T‑300/05 et T‑316/05, non publié au Recueil, point 100). Dès lors, il ne saurait être exclu qu’un système en vertu duquel, d’une part, la destruction ou l’exportation en dehors du marché intérieur des excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion est assurée par la Communauté et, d’autre part, le coût de ces opérations est ensuite répercuté sur les nouveaux États membres soit également compatible avec l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

 Sur la décision attaquée

49      Il importe d’observer que le système d’élimination des excédents de produits agricoles autres que le sucre prévu par la décision attaquée n’est pas fondé sur la destruction ou l’exportation en dehors du marché intérieur de ces excédents. Il s’agit d’un système par lequel les excédents peuvent s’intégrer définitivement à ce marché à partir du 1er mai 2004. L’obligation des nouveaux États membres de supporter les frais d’élimination de ces excédents se traduit par une simple obligation de verser au budget communautaire un montant financier calculé en fonction du volume des excédents de chaque produit agricole concerné. Selon la décision attaquée, ce montant financier est calculé, pour chaque produit pour lequel des restitutions à l’exportation étaient accordées l’année suivant l’adhésion, en multipliant la quantité d’excédents constatée par la restitution moyenne à l’exportation au cours de cette année. Dans le cas des produits n’ouvrant pas droit à de telles restitutions, ce montant financier est calculé en multipliant la quantité d’excédents constatée par la différence entre le prix moyen du produit en cause sur le marché international et le prix moyen de ce produit sur le marché intérieur (voir point 4 ci‑dessus).

50      Les montants financiers prévus par la décision attaquée reflètent donc le coût qui aurait dû être supporté par le budget communautaire si la Communauté avait financé l’exportation en dehors du marché intérieur des excédents constatés. Or, la décision attaquée ne prévoit pas une telle exportation. Elle n’indique pas que les excédents ont été exportés moyennant un financement communautaire dont le coût devrait être supporté par les nouveaux États membres. Il ne résulte pas du dossier de la présente affaire que ces exportations aient eu lieu ou que d’autres mesures d’élimination des excédents aient été prises, ni qu’elles aient été financées par le budget communautaire. Enfin, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission n’a pas été en mesure de préciser si l’écoulement sur le marché intérieur des excédents en cause aurait provoqué des pertes ou des frais directs pour le budget communautaire pouvant être considérés comme des frais d’élimination desdits excédents.

51      Dès lors, les montants financiers visés par la décision attaquée ne sauraient être considérés comme la contrepartie ou la prise en charge du coût de certaines opérations d’élimination entreprises par la Communauté. Il s’agit d’une simple obligation de paiement mise à la charge des nouveaux États membres au profit de la Communauté.

52      Or, même si la Commission, comme il a été observé précédemment, dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, elle ne saurait imposer une simple obligation de paiement à la charge des nouveaux États membres au profit de la Communauté, au titre de cette disposition, sans que cette obligation de paiement puisse être considérée comme constituant une contribution financière pour couvrir les frais d’élimination du marché intérieur des excédents.

53      Néanmoins, la Commission fait valoir en substance que la mesure prévue par la décision attaquée est la seule pouvant garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, de sorte que le Tribunal devrait faire une interprétation de cette disposition « moins littérale mais plus proche [de son] but réel » pour considérer que celle-ci et la décision attaquée sont compatibles. La Commission présente, en ce sens, deux arguments.

54      Le premier argument invoqué par la Commission est que les excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion ayant été absorbés instantanément par le marché intérieur le 1er mai 2004 et ayant été éventuellement commercialisés, voire consommés, il existerait une impossibilité pratique de les éliminer du marché intérieur, par voie de destruction ou d’exportation non subventionnée, après cette date.

55      Cet argument repose en substance sur la prémisse que les produits considérés comme excédentaires dans un nouvel État membre au 1er mai 2004 étaient les mêmes que ceux qui devaient être éliminés aux frais de ce dernier en vertu de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion. Cela présuppose qu’il existe une « identité » entre les produits faisant partie des stocks considérés comme excédentaires au 1er mai 2004 et ceux faisant partie des stocks devant être éliminés en vertu de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

56      Toutefois, les stocks à éliminer en vertu de cette disposition, au motif qu’ils dépassent la quantité qui pourrait être considérée comme constituant un report normal de stocks, ne sont pas composés de certains produits identifiables dès l’adhésion. En effet, il est impossible de distinguer parmi les stocks d’un produit agricole, pour lequel l’existence d’excédents a été constatée, les stocks ou les parties de stocks excédentaires de ceux qui ne le sont pas. Dès lors, il y a lieu de considérer que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion oblige à éliminer une quantité de produits agricoles équivalente à celle dont le caractère excédentaire a été constaté et non certaines unités identifiables de ces produits. Il est, à cet égard, sans importance que cette quantité équivalente ait été achetée ou produite avant ou après l’adhésion.

57      La Commission elle-même a institué, en ce qui concerne les excédents de sucre existant à la date de l’adhésion sur le territoire des nouveaux États membres, un système d’élimination du marché intérieur, par voie de destruction ou d’exportation non subventionnée, de ces excédents fondé non sur l’élimination du sucre considéré comme excédentaire au 1er mai 2004, mais sur l’élimination d’une quantité de sucre équivalente, même achetée ou produite après cette date (voir, en ce sens, arrêt Estonie/Commission, point 43 supra, points 168 à 171).

58      En effet, comme il a été indiqué aux points 32 et 33 ci‑dessus, l’article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 60/2004 dispose que la Commission détermine les excédents de sucre existant sur le territoire de chaque nouvel État membre au 1er mai 2004 et impose aux nouveaux États membres un délai pour assurer, sans intervention communautaire, l’élimination du marché d’une quantité de sucre « égale » à ces excédents, par voie d’exportation sans restitution, d’utilisation dans le secteur des combustibles ou de dénaturation.

59      De même, aux termes du paragraphe 3 du même article, chaque nouvel État membre doit disposer au 1er mai 2004 d’un système d’identification des stocks excédentaires de sucre en l’état ou de produits transformés, isoglucose et fructose, auprès des principaux opérateurs concernés qu’il doit utiliser pour contraindre ces opérateurs à éliminer du marché, à leurs frais, une quantité de sucre ou d’isoglucose « équivalente » à leur stock excédentaire.

60      Dès lors, il y a lieu de considérer que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion prévoit un système d’élimination du marché intérieur des produits agricoles autres que le sucre, en dépit du fait que les excédents de ces produits existant sur le territoire des nouveaux États membres au 1er mai 2004 ont pu être absorbés par le marché intérieur immédiatement après cette date.

61      La Commission fait valoir qu’il était possible d’instituer un système d’élimination du marché intérieur des excédents de sucre existant à la date de l’adhésion sur le territoire des nouveaux États membres dans la mesure où, sur le marché du sucre, très concentré et réglementé, d’une part, le nombre de producteurs était limité et, d’autre part, il existait des mécanismes permanents de contrôle des quantités de sucre produites dans chaque campagne de commercialisation ainsi que des mécanismes d’élimination physique des quantités produites au-dessus des quotas autorisés en application des instruments de régulation dudit marché. Pour autant que cette affirmation puisse être comprise en ce sens que la Commission soutient que ces deux éléments ne se retrouvent pas sur les marchés des autres produits agricoles et qu’ils sont indispensables pour qu’un système d’élimination des excédents semblable à celui existant sur le marché du sucre puisse être institué, il y a lieu de relever que la Commission ne fournit aucune explication à cet égard.

62      Par ailleurs, s’agissant des marchés agricoles sur lesquels interviennent de nombreux producteurs, rien n’indique que la Commission n’aurait pas pu garantir l’élimination du marché intérieur des excédents existant au 1er mai 2004 sur le territoire des nouveaux États membres en prévoyant un système en vertu duquel l’État membre concerné pourrait remplir en tout ou en partie son obligation d’élimination en se procurant une quantité équivalente à celle de l’excédent pour l’éliminer par voie de destruction ou d’exportation non subventionnée. Cette quantité pourrait être acquise, le cas échéant, au prix du marché communautaire, auprès des opérateurs commerciaux situés dans l’État membre en cause ou auprès d’autres opérateurs communautaires (voir, à cet égard, arrêt Estonie/Commission, point 43 supra, point 178).

63      De même, s’agissant des mécanismes de contrôle des quantités de produits agricoles existants, il y a lieu d’observer que les nouveaux États membres étaient tenus d’effectuer, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, du règlement nº 1972/2003, tel que modifié, un inventaire des stocks de produits agricoles autres que le sucre existant sur leur territoire au 1er mai 2004 et, à l’exception des quantités se trouvant dans les stocks publics visés à l’article 5 du même règlement, de communiquer à la Commission les quantités de produits se trouvant dans les stocks excédentaires le 31 octobre 2004 au plus tard. La Commission n’explique pas pourquoi cet inventaire, qui constitue un mécanisme de recensement et de contrôle des stocks existants, dont elle a jugé possible la réalisation lors de l’adoption du règlement nº 1972/2003, n’aurait pu permettre aux nouveaux États membres de garantir l’élimination d’une partie substantielle des excédents en possession de leurs opérateurs.

64      Enfin, à supposer que la Commission fasse valoir que la mise en place de mécanismes d’élimination physique des excédents de produits agricoles autres que le sucre serait impossible, car trop onéreuse, il y a lieu de considérer que le caractère onéreux d’une mesure devant être adoptée en application d’une disposition de droit primaire, telle que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, ne saurait conduire à la conclusion selon laquelle ladite mesure n’est pas à même de garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par cette disposition et encore moins à la conclusion selon laquelle cette dernière doit être interprétée comme prévoyant l’adoption d’une mesure différente.

65      Certes, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C‑33/08, Rec. p. I‑5035, point 31, et la jurisprudence citée). Dès lors, si deux mesures différentes étaient susceptibles d’atteindre l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, la Commission serait tenue d’adopter la mesure la moins onéreuse. Toutefois, cette mesure devrait être, en tout état de cause, compatible avec la disposition elle-même.

66      Le premier argument invoqué par la Commission dans le but de démontrer que la mesure prévue par la décision attaquée est la seule pouvant garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion doit donc être considéré comme non fondé.

67      Le second argument invoqué à cette fin par la Commission est que, lors de l’adoption de la décision attaquée, les excédents existant sur le territoire des nouveaux États membres avaient déjà été absorbés par le marché intérieur et avaient donc depuis longtemps affecté les mécanismes de formation des prix des produits agricoles. La Commission soutient en conséquence que, après l’adhésion, elle ne pouvait que demander aux nouveaux États membres de payer une compensation équivalente au préjudice causé.

68      Par cet argument, la Commission prétend en réalité qu’un système d’élimination des excédents du marché intérieur, par voie de destruction ou d’exportation non subventionnée, ne permettrait pas d’atteindre l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, tel que défini aux points 43 à 46 ci‑dessus, et que la mesure prévue par la décision attaquée serait en revanche à même d’atteindre cet objectif.

69      Or, contrairement à ce que la Commission soutient, l’élimination des excédents, par voie de destruction ou d’exportation non subventionnée en dehors du marché intérieur, contribue à corriger les perturbations économiques liées à l’existence des excédents sur le territoire des nouveaux États membres à la date de l’adhésion même après que l’écoulement des excédents sur le marché a eu lieu. En effet, l’élimination des excédents est susceptible de provoquer une augmentation de la demande communautaire des produits agricoles concernés et, partant, de compenser, en tout ou en partie, l’effet négatif de l’existence des excédents sur la stabilité des marchés concernés (voir, s’agissant du marché du sucre, arrêt Estonie/Commission, point 43 supra, point 178 ; voir également, s’agissant des autres produits agricoles, conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt de la Cour du 15 janvier 2002, Weidacher, C‑179/00, Rec. p. I‑501, I‑505, point 55).

70      Dès lors, la mise en œuvre, après l’adhésion, d’un système d’élimination du marché intérieur des excédents, par voie de destruction ou d’exportation non subventionnée, existant sur le territoire des nouveaux États membres au 1er mai 2004 est de nature à atteindre l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, contrairement à ce que la Commission relève.

71      Certes, il ne saurait être exclu que le simple paiement d’un montant financier de la part des nouveaux États membres puisse également corriger, dans certaines circonstances, les perturbations des mécanismes de formation des prix provoquées par l’accumulation de stocks anormaux sur le territoire de ces États membres avant l’adhésion et donc garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion. Le paiement de ce montant pourrait, en effet, compenser la perte économique subie par les opérateurs ayant dû supporter des prix plus bas que ceux qui auraient autrement été atteints. Ce paiement pourrait également financer des mesures de stabilisation des marchés concernés.

72      Toutefois, d’une part, le simple versement au budget communautaire des montants financiers visés par la décision attaquée n’est pas à même de garantir une compensation aux opérateurs ayant subi les effets économiques de l’écoulement des excédents et n’est pas susceptible d’avoir la moindre incidence sur le niveau des prix des produits agricoles après l’adhésion.

73      D’autre part, même si les coûts associés aux mécanismes de stabilisation des marchés agricoles sont nécessairement financés par le budget communautaire, il n’existe aucune relation automatique, et encore moins directe, entre la création d’une contribution supplémentaire de la part des nouveaux États membres au budget communautaire et l’établissement de nouveaux mécanismes de stabilisation ou le renforcement des mécanismes existants.

74      Enfin, certes, il ne saurait être exclu que l’existence d’une obligation pour les nouveaux États membres de verser un montant financier au budget communautaire puisse être considérée comme un mécanisme complémentaire, dans le cadre d’un système d’élimination physique des excédents, indispensable pour assurer que les surcoûts nécessaires pour faire face aux éventuelles perturbations des marchés agricoles qui découlent de l’existence d’excédents dont l’élimination du marché intérieur n’a pas été effectuée en conformité avec les règles prévues par ce système ne soient pas supportés par le budget ou par les producteurs communautaires, mais par les États membres concernés (voir, en ce sens, arrêt Estonie/Commission, point 43 supra, point 180).

75      Un tel mécanisme complémentaire a été prévu par la Commission pour ce qui concerne le sucre en adoptant l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004, tel que modifié, aux termes duquel, dans le cas où les nouveaux États membres n’étaient pas à même de fournir à la Commission la preuve de l’élimination de l’excédent de sucre constaté par celle-ci, ils devaient verser au budget communautaire un montant financier qui serait pris en compte pour le calcul des cotisations à la production pour la campagne agricole 2004/2005.

76      Néanmoins, les montants financiers visés par la décision attaquée ne constituent pas un tel mécanisme complémentaire. Bien au contraire, comme le fait valoir en substance la République de Pologne à juste titre, l’obligation de verser ces montants financiers se substitue à l’élimination du marché intérieur des excédents en cause et constitue le seul mécanisme d’« élimination » prévu par la décision attaquée. De même, ainsi qu’il a été indiqué préalablement, cette obligation ne comporte en elle-même aucun bénéfice direct pour les producteurs communautaires.

77      En conséquence, il y a lieu de conclure que le second argument invoqué par la Commission pour démontrer que la mesure prévue par la décision attaquée est la seule pouvant garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion doit être considéré comme non fondé.

78      Il résulte de tout ce qui précède que le paiement d’un montant financier au budget communautaire imposé aux nouveaux États membres par la décision attaquée n’est pas compatible avec l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion. Cette mesure ne pouvait donc pas être adoptée sur le fondement de l’annexe IV, point 4, paragraphe 4, dudit acte. En tant qu’il est tiré de la violation de ces dispositions, le premier moyen doit par conséquent être accueilli.

79      Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne la République de Pologne sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens présentés par celle-ci.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République de Pologne.

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Il y a donc lieu d’ordonner que la République slovaque et la République de Lituanie supporteront leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2007/361/CE de la Commission, du 4 mai 2007, relative à la détermination des stocks excédentaires de produits agricoles autres que le sucre et aux conséquences financières de leur élimination dans le contexte de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, est annulée, en ce qu’elle concerne la République de Pologne.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la République de Pologne.

3)      La République slovaque et la République de Lituanie supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le polonais.