Language of document : ECLI:EU:T:2013:640

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 décembre 2013(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission – Obligation de motivation – Erreur de droit – Erreur d’appréciation – Modulation dans le temps des effets d’une annulation »

Dans l’affaire T‑58/12,

Ghasem Nabipour, demeurant à Téhéran (Iran),

Mansour Eslami, demeurant à Madliena (Malte),

Mohamad Talai, demeurant à Hambourg (Allemagne),

Mohammad Moghaddami Fard, demeurant à Téhéran,

Alireza Ghezelayagh, demeurant à Singapour (Singapour),

Gholam Hossein Golparvar, demeurant à Téhéran,

Hassan Jalil Zadeh, demeurant à Téhéran,

Mohammad Hadi Pajand, demeurant à Londres (Royaume-Uni),

Ahmad Sarkandi, demeurant à Al Jaddaf, Dubaï (Émirats arabes unis),

Seyed Alaeddin Sadat Rasool, demeurant à Téhéran,

Ahmad Tafazoly, demeurant à Shanghai (Chine),

représentés par M. S. Kentridge, QC, Mmes M. Lester, barrister, et M. Taher, solicitor,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-M. Joséphidès, MM. A. Varnav et A. De Elera, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation, d’une part, de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), ainsi que du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), en ce que ces actes concernent les requérants, et, d’autre part, de la décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 156, p. 10), en ce que ladite décision concerne les quatrième et neuvième requérants,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, faisant fonction de président, M. van der Woude (rapporteur) et E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), a inscrit les requérants, MM. Ghasem Nabipour, Mansour Eslami, Mohamad Talai, Mohammad Moghaddami Fard, Alireza Ghezelayagh, Gholam Hossein Golparvar, Hassan Jalil Zadeh, Mohammad Hadi Pajand, Ahmad Sarkandi, Seyed Alaeddin Sadat Rasool et Ahmad Tafazoly, à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). Cette annexe II contient la liste des personnes visées à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, prévoyant des restrictions en matière d’admission, et des personnes et entités visées à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de ladite décision, relatif au gel des fonds.

2        Conformément à la décision 2011/783, le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), a modifié l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), en ajoutant notamment le nom des requérants à la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet d’un gel des fonds, qui figure à ladite annexe VIII.

3        Les motifs invoqués par le Conseil de l’Union européenne pour justifier l’inscription des requérants à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 concernent les liens professionnels ou capitalistiques que les requérants auraient entretenus avec la compagnie de transport maritime de la République islamique d’Iran (Islamic Republic of Iran Shipping Lines, ci-après l’« IRISL ») ou avec des sociétés liées à celle-ci.

4        Par lettre du 1er février 2012, les requérants ont contesté leur inscription et invité le Conseil à leur communiquer tous les documents et les éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé. Le Conseil leur a répondu par lettre du 12 mars 2012. Dans cette lettre, le Conseil a notamment confirmé que la décision 2011/783 prévoyait non seulement des mesures de gel des fonds, mais également des restrictions en matière d’admission à l’encontre de l’ensemble des requérants.

5        Ultérieurement, le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), a mis en œuvre la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). La décision 2012/35 prévoit des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de l’Iran. Elle ne concerne pas les requérants.

6        Le règlement n° 267/2012 a maintenu le nom des requérants sur la liste des personnes, entités et organismes – autres que ceux désignés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies – dont les avoirs sont gelés. Cette liste figure désormais à l’annexe IX dudit règlement. Les motifs de l’inscription des requérants à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 sont identiques à ceux énoncés à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 1245/2011.

7        La décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 156, p. 10 ; ci-après, ensemble avec la décision 2011/783, les « décisions attaquées »), a modifié les motifs de l’inscription des quatrième et neuvième requérants, MM. Fard et Sarkandi, à l’annexe II de la décision 2010/413.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2012, les requérants ont introduit le présent recours.

9        Dans la requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/783 et le règlement d’exécution n° 1245/2011, en ce qu’ils les concernent ;

–        ordonner que l’interdiction de voyage ne leur soit pas applicable ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

10      À la suite de l’abrogation et du remplacement du règlement n° 961/2010 par le règlement n° 267/2012, les requérants ont demandé, par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2012, à adapter leurs conclusions, en les étendant à l’annulation du règlement n° 267/2012, en ce qu’il les concerne.

11      À la suite de l’adoption de la décision 2013/270, les quatrième et neuvième requérants, MM. Fard et Sarkandi, ont demandé, par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er juillet 2013, à étendre leurs conclusions à l’annulation de la décision 2013/270, en ce qu’elle les concerne.

12      Dans ses observations sur ces demandes, présentées respectivement le 18 juin 2012 et le 8 août 2013, le Conseil a invité le Tribunal à faire droit auxdites demandes.

13      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

14      Par décision du 15 novembre 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de faire juger la présente affaire en priorité, au vu des circonstances particulières.

15      Deux membres de la chambre étant empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, deux autres juges pour compléter la chambre.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

16      Par leur deuxième chef de conclusions, les requérants invitent le Tribunal à déclarer que les restrictions en matière d’admission, au titre de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, ne leur sont pas applicables.

17      Cette demande doit être interprétée comme étant, en substance, une demande tendant à ce que le Tribunal adresse une injonction au Conseil. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser des injonctions aux institutions (voir arrêt du Tribunal du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, Rec. p. II‑5555, point 29, et la jurisprudence citée).

18      Le deuxième chef de conclusions doit, dès lors, être déclaré irrecevable.

2.     Sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions

19      Par le présent recours, les requérants ont demandé, dans la requête, l’annulation de la décision 2011/783, modifiant la décision 2010/413, et du règlement d’exécution n° 1245/2011, en ce qu’ils les concernent. Ainsi qu’il ressort des points 5 et 6 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, le règlement n° 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 1245/2011, a été abrogé et remplacé par le règlement n° 267/2012. Les requérants ont demandé, dans le délai de recours prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE, à pouvoir adapter leurs conclusions initiales de façon que le recours vise à l’annulation de l’ensemble de ces actes. Le Conseil a invité le Tribunal à faire droit à cette demande.

20      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’un acte concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union européenne contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

21      En l’espèce, il convient, dès lors, de faire droit à la demande des requérants et de considérer que leur recours tend également à l’annulation du règlement n° 267/2012, en ce qu’il les concerne.

22      En outre, pour les mêmes motifs, il convient d’accueillir la demande d’adaptation des conclusions, présentée dans le délai de recours, à la suite de l’adoption de la décision 2013/270, par les quatrième et neuvième requérants, MM. Fard et Sarkandi (voir point 11 ci-dessus), et de considérer que leur recours tend à l’annulation non seulement de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012, mais également de la décision 2013/270, en ce que ces actes les concernent (ci-après, pris dans leur ensemble, les « actes attaqués »).

3.     Sur le fond

23      Les requérants invoquent quatre moyens à l’appui de leur demande tendant à l’annulation de leur inscription sur les listes. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation et d’une violation des critères juridiques d’inscription sur les listes. Le troisième moyen est tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux, en particulier du droit de propriété, de la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, du droit à la protection de la vie privée et familiale et du droit à la protection de la réputation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

24      En premier lieu, en ce qui concerne de manière spécifique les restrictions en matière d’admission, les requérants font valoir, dans le cadre de leur premier moyen, que la décision 2011/783 n’indique pas clairement s’ils font l’objet de telles mesures au titre de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413. Il en résulterait une incertitude juridique quant au contenu de cette décision à l’égard des intéressés, ne leur permettant pas d’identifier les mesures devant faire l’objet du recours.

25      En second lieu, en ce qui concerne tant les restrictions en matière d’admission que le gel des fonds, les requérants soutiennent que la motivation des actes attaqués ne permet de comprendre ni la base légale ni les raisons individuelles et concrètes de leur inscription. Ils invoquent une série d’arguments qu’il convient de regrouper de la manière suivante.

26      Premièrement, les requérants allèguent que le Conseil n’a pas identifié la base juridique de l’inscription de personnes physiques. Ils relèvent que, dans sa lettre du 5 décembre 2011 à l’IRISL et à des sociétés liées à l’IRISL, le Conseil ne se réfère pas à des personnes physiques. Des personnes physiques ne seraient pas des « entités », visées à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision n° 2010/413.

27      Deuxièmement, les requérants font valoir que, même si la réglementation applicable permettait d’inscrire sur la liste des personnes physiques, ces dernières pourraient uniquement être désignées sur la base de leur responsabilité propre. Or, dans les motifs énoncés dans les actes attaqués pour justifier leur inscription, le Conseil ferait uniquement état des fonctions que chacun d’entre eux exercerait ou aurait exercées au sein de sociétés faisant l’objet de mesures restrictives. Il n’indiquerait pas les raisons permettant de considérer que les requérants sont associés aux activités nucléaires de l’Iran ou agissent pour le compte ou sur les ordres de l’IRISL.

28      Troisièmement, les motifs de l’inscription des requérants seraient trop imprécis. Ainsi, le Conseil affirmerait que les troisième, septième, huitième et neuvième requérants ont constitué des « sociétés-écrans », ou qu’ils sont directeurs ou actionnaires de telles sociétés, sans expliquer ce qu’il entend par « société-écran », sans identifier ces sociétés et sans exposer les motifs pour lesquels il considère qu’elles constituent des sociétés-écrans.

29      Quatrièmement, l’absence de motivation ne saurait être régularisée au cours de la procédure devant le Tribunal.

30      Le Conseil soutient que l’inscription des requérants est suffisamment motivée, dans la mesure où les motifs énoncés dans les actes attaqués indiquent, dans chaque cas, les liens du requérant avec l’IRISL ou avec d’autres sociétés inscrites sur une liste, qu’il s’agisse d’un poste d’administration ou de direction auprès de l’IRISL, de ses filiales, de sociétés-écrans ou de toute autre société inscrite, ou de la qualité d’actionnaire d’une telle société.

 Observations liminaires relatives à l’obligation de motivation en matière de mesures restrictives

31      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

32      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt Conseil/Bamba, précité, point 50).

33      Ensuite, en ce qui concerne les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale d’inscription, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêt Conseil/Bamba, précité, point 51, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, ci-après l’« arrêt OMPI I », Rec. p. II‑4665, point 140).

34      Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, précité, point 52 ; arrêt OMPI I, précité, point 146, et arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 83).

35      Cependant, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt Conseil/Bamba, précité, points 53 et 54 ; arrêt OMPI I, point 141, et arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 82).

36      Enfin, le Conseil ne saurait être autorisé à régulariser devant le Tribunal une absence de motivation ou à développer une motivation de substitution ou une motivation complémentaire.

37      En effet, premièrement, une telle possibilité porterait atteinte au droit fondamental au respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, réaffirmé à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités. Ce droit fondamental est concrétisé, en l’occurrence, à l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, à l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et à l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 267/2012. Selon la jurisprudence, lors de l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste des personnes ou des entités faisant l’objet de mesures restrictives, il incombe ainsi au Conseil de communiquer à l’intéressé les motifs de son inscription et d’ouvrir le droit à l’audition de celui-ci concomitamment ou immédiatement après l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, non encore publié au Recueil, points 61, 64 et 67). Autoriser le Conseil à invoquer des motifs nouveaux devant le Tribunal priverait dès lors l’intéressé de ces droits.

38      Deuxièmement, la possibilité de développer de nouveaux motifs devant le Tribunal porterait également atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit de l’Union, réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 335 à 337 ; arrêt OMPI I, point 139, et arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 105).

39      Troisièmement, la possibilité pour le Conseil d’invoquer devant le Tribunal des motifs fondés sur des éléments nouveaux serait en outre contraire au principe selon lequel la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés, et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de ces actes, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement fonder l’adoption desdits actes. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à une invitation du Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels ces actes sont fondés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, non encore publié au Recueil, point 29).

40      En l’espèce, après avoir vérifié si les décisions attaquées répondent à l’exigence de clarté en ce qui concerne l’adoption de restrictions en matière d’admission à l’égard des requérants, il conviendra d’examiner, à la lumière de l’ensemble de cette jurisprudence, les griefs relatifs au défaut de motivation des actes attaqués invoqués indistinctement à l’encontre des restrictions en matière d’admission et de gel des fonds, en contrôlant successivement la motivation relative à la base juridique de l’ensemble des mesures restrictives en cause, la motivation relative aux raisons spécifiques et concrètes de l’adoption de ces mesures, puis la conformité des références à des « sociétés-écrans » aux exigences liées à l’obligation de motivation.

 Sur l’absence alléguée de clarté de la décision attaquée en ce qui concerne l’adoption de restrictions en matière d’admission à l’égard des requérants

41      S’agissant de la question de savoir si les motifs invoqués par le Conseil s’appliquent tant aux mesures de gel de fonds qu’aux restrictions en matière d’admission, il convient de constater que, dès lors que les requérants ont été inscrits sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, cette inscription leur permettait de comprendre qu’ils faisaient l’objet non seulement de mesures de gel des fonds, mais également de restrictions en matière d’admission au titre de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de cette décision. En effet, cet article prévoit expressément l’adoption par les États membres de telles mesures à l’encontre des personnes remplissant les critères juridiques qu’il énonce, telles qu’elles sont « énumérées à l’annexe II », laquelle contient la liste notamment des personnes physiques visées à l’article susmentionné.

42      En outre, il ressort de l’argumentation invoquée par les requérants dans la requête que, malgré l’incertitude alléguée quant à l’adoption de restrictions en matière d’admission à leur égard, ils ont été en mesure, au vu de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2011/783 en ce qui les concerne, de contester ces mesures de manière pertinente.

43      Partant, les décisions attaquées ne sauraient être annulées en ce qu’elles prévoient des restrictions en matière d’admission à l’égard des requérants, au seul motif qu’elles auraient manqué de clarté en ce qui concerne la question de savoir si de telles mesures avaient été adoptées à leur égard.

 Sur la motivation relative à la base juridique de l’inscription des requérants

44      En ce qui concerne le premier grief invoqué par les requérants à l’encontre des deux types de mesures restrictives en cause, relatif à l’absence d’identification, dans les actes attaqués, de la base juridique de l’inscription de personnes physiques (voir point 26 ci-dessus), il importe de rappeler que la motivation d’un acte imposant des mesures restrictives doit faire ressortir de manière claire et compréhensible le ou les critères juridiques précis sur lesquels se fondent ces mesures (voir point 34 ci-dessus).

45      En pratique, la motivation de l’inscription d’une personne physique, en raison des fonctions qu’elle exerce au sein d’une société ou d’une entité elle-même désignée, doit être examinée en relation avec les motifs de l’inscription de cette société ou de cette entité. Ainsi, pour satisfaire à l’obligation de spécifier, dans la motivation des mesures restrictives en cause, le critère juridique sur lequel se fonde l’inscription de la personne physique considérée, il suffit que ce critère juridique soit aisément identifiable notamment à la lumière du ou des critères juridiques sous-tendant l’inscription de cette société ou de cette entité, énoncés dans les actes attaqués. En effet, lorsqu’une personne physique est inscrite sur une liste en raison de l’influence qu’elle est susceptible d’exercer sur le comportement reproché à la société ou à l’entité au sein de laquelle elle exerce ses fonctions, la base juridique de son inscription peut, le cas échéant, concorder avec celle de l’inscription de cette société ou de cette entité (voir point 110 ci-après).

46      En l’espèce, tous les requérants sont inscrits sur les listes en raison de prétendus liens directs ou indirects avec l’IRISL. En effet, l’inscription de sept des onze requérants est motivée, à l’annexe II de la décision 2010/413, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, par leurs fonctions au sein de sociétés qui seraient liées à l’IRISL, ainsi que, pour certains d’entre eux, par le fait qu’ils seraient actionnaires de telles sociétés. L’inscription du sixième, M. Golparvar, et du huitième, M. Pajand, requérant est en outre motivée par leurs anciennes fonctions au sein de l’IRISL. Quant à l’inscription des neuvième, M. Sarkandi, et dizième, M. Sadat Rasool, requérants, elle est motivée par leurs fonctions actuelles au sein de l’IRISL.

47      Dans ces circonstances, les requérants font valoir que, au moment de l’adoption des actes attaqués, respectivement le 1er décembre 2011 et le 23 mars 2012, les critères juridiques pertinents, qui se référaient expressément à des liens avec l’IRISL, ne visaient pas les personnes physiques (voir point 26 ci-dessus). En effet, les dispositions spécifiques se référant aux liens avec l’IRISL, prévues, en ce qui concerne les restrictions en matière d’admission, à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 20, paragraphe 1, sous b) de cette même décision, ainsi qu’à l’article 16, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012, visaient uniquement les personnes morales, les entités et les organismes.

48      Toutefois, il convient de relever que, à la lumière des critères juridiques prévus par la réglementation applicable lors de l’inscription des requérants sur les listes, les motifs de ces inscriptions, au regard des motifs de l’inscription des sociétés au sein desquelles les requérants exerçaient leurs fonctions, permettaient raisonnablement de comprendre qu’ils n’étaient pas visés au titre des critères juridiques se référant expressément à des liens avec l’IRISL, mais sur la base des critères généraux prévus par cette réglementation.

49      En effet, à côté des critères spécifiques se référant en particulier à des liens avec l’IRISL, l’article 19, paragraphe 1, sous b), et l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012 définissaient plusieurs catégories de critères généraux entourant l’adoption de mesures restrictives. La première de ces catégories visait les personnes et les entités directement impliquées dans les activités de prolifération nucléaire. La deuxième catégorie de critères généraux visait les personnes et les entités liées à des personnes ou à des entités elles-mêmes directement impliquées. Parmi les critères précis relevant de cette deuxième catégorie, deux critères concernaient les personnes physiques. Ces critères visaient l’exercice d’une activité pour le compte ou sur les ordres ou les instructions d’une personne ou d’une entité directement impliquée (voir point 106 ci-après). Une troisième catégorie de critères généraux, prévue par les dispositions pertinentes tant de la décision 2010/413 et du règlement n° 961/2010 que du règlement n° 267/2012, lors de l’adoption des actes attaqués, visait en substance les personnes et les entités qui avaient aidé des personnes et des entités désignées à se soustraire aux sanctions. Ce troisième critère était d’ailleurs susceptible, le cas échéant, de s’appliquer cumulativement avec l’un des deux autres critères susvisés, lorsqu’une telle aide était fournie à une entité directement impliquée.

50      Or, l’inscription de l’IRISL à l’annexe II de la décision 2010/413, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 est motivée de la manière suivante :

« L’IRISL a participé au transport de marchandises de nature militaire, y compris de cargaisons interdites en provenance d’Iran. Trois incidents de ce type constituant des infractions manifestes ont été rapportés au Comité des sanctions du [Conseil de sécurité des Nations unies] Les liens de l’IRISL avec des activités présentant un risque de prolifération étaient tels que le CSNU a demandé aux États d’inspecter les navires de l’IRISL, pour autant qu’il existe des motifs raisonnables permettant de penser que les navires transportent des biens interdits au titre des résolutions 1803 et 1929 du CSNU. »

51      Il ressort ainsi des motifs de l’inscription de l’IRISL sur les listes que le Conseil a soupçonné cette entité d’apporter un appui aux activités de prolifération nucléaire. En effet, le Conseil a, en particulier, souligné, dans ces motifs, les « liens de l’IRISL avec des activités présentant un risque de prolifération ». Dès lors, sans préjudice de l’appréciation du bien-fondé de cette motivation (voir points 81, 95 et 96 ci-après), il y a lieu de constater que le Conseil s’est fondé sur la réalisation par l’IRISL de transports illicites de matériel militaire, pour présumer l’existence d’un risque sérieux d’implication directe de cette entité dans des activités de prolifération nucléaire.

52      Dans la mesure où, dans les actes attaqués, le Conseil avait identifié l’IRISL comme étant directement impliquée dans la prolifération nucléaire, les personnes physiques agissant prétendument pour le compte de cette entité ou sur ses ordresou ses instructions, pouvaient être prises en considération, lors de l’inscription des requérants, sur la base des critères généraux mentionnés au point 49 ci-dessus, relatifs à l’activité pour le compte ou sur les ordresou les instructions d’une entité directement impliquée. Au surplus, les personnes physiques ayant prétendument aidé l’IRISL ou des sociétés liées à l’IRISL à se soustraire à des sanctions relevaient de surcroît du troisième critère général susmentionné, visant la fourniture d’une aide en vue de contourner des sanctions.

53      Quant à la lettre du Conseil du 5 décembre 2011, invoquée par les requérants (voir point 26 ci-dessus), elle ne se référait pas à des personnes physiques, parce qu’elle était adressée non aux requérants, mais à l’IRISL et à des sociétés liées à celle-ci, et informait ces sociétés de la décision du Conseil de maintenir leur inscription. Elle ne concernait pas les requérants et est dès lors dénuée de pertinence en l’espèce.

54      Dans ces conditions, au vu de la motivation des actes attaqués, la référence à l’article 19, paragraphe 1, sous b), et à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, dans l’intitulé de l’annexe II de cette décision, à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 dans l’intitulé de l’annexe VIII de ce règlement, et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 dans l’intitulé de l’annexe IX dudit règlement permettait de comprendre que l’inscription des requérants se fondait sur les critères juridiques généraux visant les personnes agissant pour le compte ou sur les ordresou les instructions d’une personne ou d’une entité directement impliquée dans la prolifération nucléaire ou les personnes ayant aidé des personnes ou des entités désignées à se soustraire à des sanctions (voir points 49 et 52 ci-dessus).

 Sur la motivation spécifique et concrète de l’inscription des requérants

55      Il convient, dès lors, d’examiner le deuxième grief invoqué par les requérants à l’encontre des deux types de mesures restrictives en cause, selon lequel la simple référence à leurs fonctions, au sein de sociétés faisant elles-mêmes l’objet de mesures restrictives, ne permet pas de comprendre les raisons spécifiques et concrètes de leur inscription (voir point 27 ci-dessus).

56      Certes, les requérants relèvent à bon droit que le seul fait qu’une personne occupe un poste de direction, d’encadrement ou d’administration au sein d’une entreprise ou d’une entité faisant l’objet de mesures restrictives ne suffit pas à justifier son inscription. En effet, pour qu’une personne physique relève des critères juridiques pertinents définis par la réglementation applicable, encore faut-il que cette personne soit elle-même impliquée dans le comportement reproché à l’entreprise ou à l’entité qui l’emploie ou, plus généralement, dans des agissements visés par la réglementation applicable (voir point 108 ci-après).

57      Toutefois, il importe de souligner que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits de constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (arrêt Conseil/Bamba, précité, point 60 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I‑11381, point 88).

58      En l’espèce, afin de déterminer si les actes attaqués satisfont à l’obligation de motivation, il y a dès lors lieu de vérifier si le Conseil a exposé de manière compréhensible et suffisamment précise, dans les motifs énoncés dans les actes attaqués, les raisons l’ayant conduit à considérer que l’inscription des requérants était justifiée au regard des critères juridiques applicables.

59      Les motifs de l’inscription des requérants mentionnent, pour chacun d’entre eux, les fonctions qu’il a exercées ou qu’il exerce au sein de l’IRISL – le sixième, M. Golparvar, le huitième, M. Pajand, le neuvième, M. Sarkandi, et, le dixième requérant, M. Sadat Rasool)– ou au sein de sociétés prétendument liées à l’IRISL. Ces sociétés liées à l’IRISL sont identifiées et font l’objet de mesures restrictives en raison précisément de leurs liens allégués avec l’IRISL, laquelle serait directement impliquée dans des activités de prolifération nucléaire. En outre, elles opèrent pour la plupart dans le secteur de la gestion des navires ou du transport maritime. Partant, à la lumière des motifs de l’inscription de l’IRISL et des motifs de l’inscription des sociétés susvisées liées à l’IRISL, énoncés dans les actes attaqués, les motifs de l’inscription des requérants permettent de comprendre que le Conseil a en particulier pris en considération l’implication de ces derniers, attestée selon lui par leurs fonctions, dans le comportement reproché à l’IRISL ou aux sociétés susvisées liées à l’IRISL, pour conclure que les requérants eux-mêmes agissaient pour le compte ou sur les ordresou les instructions de l’IRISL, ou qu’ils aidaient des sociétés du groupe IRISL à se soustraire à des sanctions. En particulier, les requérants ne pouvaient raisonnablement ignorer que, en faisant allusion, dans les actes attaqués, à leurs fonctions au sein des sociétés susmentionnées, le Conseil entendait mettre en exergue le pouvoir d’influencer les décisions et la responsabilité qui sont supposés résulter de ces fonctions, en ce qui concerne le cas échéant les agissements reprochés auxdites sociétés (voir, par analogie, arrêt Conseil/Bamba, précité, point 58).

60      Sans préjudice de l’appréciation de son bien-fondé, cette motivation spécifique et concrète répond ainsi aux exigences de la jurisprudence relative à l’obligation de motivation, citée aux points 31 à 39 ci-dessus. En effet, elle permet à chacun des requérants de comprendre les raisons de son inscription et de se défendre, et au juge de l’Union de contrôler la légalité de cette inscription.

 Sur la référence à des « sociétés-écrans » dans les motifs de l’inscription des requérants

61      Le troisième grief invoqué par les requérants à l’encontre des deux types de mesures restrictives en cause, relatif au caractère trop imprécis de la référence à des « sociétés-écrans » de l’IRISL dans les motifs de l’inscription de quatre des requérants (voir point 28 ci-dessus), concerne le troisième, M. Talai, le septième, M. Zadeh, le huitième, M. Pajand, et le neuvième requérant, M. Sarkandi. À cet égard, il convient de relever que, hormis dans les motifs de l’inscription du huitième requérant, aucune de ces « sociétés-écrans » n’est identifiée dans les motifs des actes attaqués. En outre, ces actes ne contiennent aucune autre indication relative à l’activité illicite exercée par ces sociétés ou à la nature juridique des liens entre ces sociétés et l’IRISL. De plus, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal relative à la notion de « société-écran », le Conseil s’est limité à indiquer que cette notion désignait « une société créée pour dissimuler des activités illicites et [qu’il était] notoire que l’IRISL [recourait] à ce type de sociétés pour éviter des sanctions ».

62      Selon la jurisprudence, la notion de « société-écran » n’a pas de signification juridique précise et est employée pour désigner, en substance, une entité interposée, créée pour masquer l’identité de l’auteur de certains comportements (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, CF Sharp Shipping Agencies/Conseil, T‑53/12, non encore publié au Recueil, point 39)

63      En l’espèce, il y a dès lors lieu de constater que la référence à des « sociétés-écrans », dans les actes attaqués, ne permet pas aux requérants de comprendre les faits qui leur sont reprochés et au juge d’exercer son contrôle, à défaut d’identification de ces sociétés et en l’absence de toute indication concrète sur la nature juridique des liens entre ces sociétés et l’IRISL ou sur les raisons spécifiques et individuelles ayant conduit le Conseil à considérer que ces sociétés étaient impliquées dans des activités visant à contourner les mesures restrictives adoptées à l’encontre de l’IRISL.

64      Pour l’ensemble de ces raisons, la référence vague et générale aux fonctions des quatre requérants, susmentionnés, au sein de « sociétés-écrans », ou à leur qualité d’actionnaires de telles sociétés, et au rôle de l’un d’entre eux dans la création de telles sociétés, ne saurait être prise en considération pour justifier ou contribuer à justifier l’inscription de ces requérants.

65      Toutefois, cette constatation ne permet pas de considérer que les actes attaqués sont entachés d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne les troisième, septième, huitième et neuvième requérants, dans la mesure où l’inscription de chacun de ces requérants se fonde par ailleurs sur un autre motif, clair et non équivoque.

66      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et d’une violation des critères juridiques applicables

67      Selon une jurisprudence constante, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, non encore publié au Recueil, point 42).

68      En l’espèce, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que les requérants sont inscrits sur la liste, en substance, en raison de leurs fonctions, selon le cas, au sein de l’IRISL, ou au sein de sociétés elles-mêmes inscrites soit parce qu’elles agissent pour le compte de l’IRISL ou aident les sociétés du groupe IRISL à se soustraire à des sanctions, soit parce qu’elles sont détenues ou contrôlées par l’IRISL.

69      Dans ce contexte, les requérants soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation et qu’il n’a pas respecté les critères juridiques applicables, en constatant qu’un ou plusieurs de ces critères étaient satisfaits en ce qui concerne chacun d’entre eux.

70      En premier lieu, les requérants font valoir que la réglementation applicable ne prévoit pas l’inscription de personnes physiques, au seul motif qu’elles exercent des fonctions au sein de sociétés elles-mêmes inscrites sur la liste. En l’espèce, le Conseil n’aurait pas prouvé que les critères d’inscription étaient individuellement satisfaits à l’égard de chacun d’entre eux.

71      En second lieu, les requérants contestent le bien-fondé de l’inscription de l’IRISL et des sociétés prétendument détenues, contrôlées ou agissant pour le compte de l’IRISL, auxquelles ils seraient liés.

72      À cet égard, il convient de relever que l’IRISL et les sociétés Hafize Darya Shipping Lines (HDSL), Irinvestship Ltd, IRISL Malta, IRISL Europe, Leadmarine, Safiran Payam Darya Shipping Lines (SAPID) et Rahbaran Omid Darya Shipmanagement Co. (alias Soroush Saramin Asatir Ship Management), qui seraient liées à l’IRISL et qui sont mentionnées dans les motifs de l’inscription de certains requérants, énoncés dans les actes attaqués, ont formé un recours en annulation contre les mesures restrictives adoptées à leur égard. Ces mesures ont été annulées par l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité.

73      Dans leur réponse à une demande écrite du Tribunal, puis lors de l’audience, l’ensemble des requérants avait fait valoir que, le cas échéant, l’annulation éventuelle de l’inscription de l’IRISL devrait entraîner automatiquement l’annulation de leurs propres inscriptions, dans la mesure où celles-ci seraient dès lors privées de tout fondement.

74      Les requérants avaient cependant souligné que les mesures restrictives adoptées à leur  égard devaient, en tout état de cause, être annulées, indépendamment de l’issue du recours formé notamment par l’IRISL dans l’affaire T-489/10. Ils avaient allégué que, en tout état de cause, ils n’étaient pas des agents de l’IRISL, qu’ils n’agissaient pas pour son compte et que de nombreux motifs de leur inscription étaient entachés d’erreurs de fait ou de droit.

75      Dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil avait estimé que l’annulation de l’inscription de l’IRISL n’entraînerait pas automatiquement des conséquences juridiques pour les requérants. Premièrement, il avait invoqué à cet égard l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2013, Bank Saderat/Conseil (T‑495/10, non publié au Recueil, points 39 à 41), dans lequel le Tribunal avait confirmé le maintien de l’inscription de la requérante, Bank Saderat plc, par la décision 2011/783, alors que l’inscription de sa société mère, Bank Saderat Iran, venait d’être annulée par l’arrêt du Tribunal du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, non encore publié au Recueil). Deuxièmement, le Conseil avait fait valoir que, en cas d’annulation de l’inscription de l’IRISL, il s’efforcerait de remédier aux irrégularités de l’inscription de l’IRISL constatées par le Tribunal. Ce n’est que si ces irrégularités ne pouvaient pas être corrigées que les noms des requérants devraient être retirés des listes. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a réitéré ce second argument.

76      Dans ces conditions, il est opportun d’examiner, dans un premier temps, l’incidence de l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, sur le présent litige, puis de vérifier, dans un second temps, si l’inscription des requérants était en tout état de cause dépourvue de justification, en raison de l’absence alléguée d’implication propre de ces derniers dans des agissements illicites, indépendamment de la question de savoir si l’inscription de l’IRISL était ou non fondée. Au préalable, il convient de déterminer les éléments de preuve susceptibles d’être utilement invoqués, en l’espèce, par le Conseil.

 Sur les éléments de preuve susceptibles d’être utilement invoqués par le Conseil

77      Afin de déterminer les éléments de preuve susceptibles d’être utilement invoqués, en l’espèce, par le Conseil devant le Tribunal, il convient de rappeler que le droit de l’intéressé à la communication des éléments à charge, conformément au droit fondamental au respect des droits de la défense mentionné au point 37 ci-dessus, implique, tout d’abord, son droit à une communication initiale d’informations suffisamment précises pour lui permettre de comprendre les motifs de son inscription et, ensuite, le droit d’accès au dossier. Lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’intéressé de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de l’intéressé que le Conseil est tenu de lui donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 97).

78      En l’espèce, les requérants avaient demandé au Conseil, par lettre du 1er février 2012, de leur communiquer tous les documents et les éléments de preuve sur lesquels se fondait leur inscription. Toutefois, le Conseil n’a répondu à cette demande, par lettre du 12 mars 2012, qu’après l’introduction du présent recours. En outre, et en tout état de cause, ni la reponse du Conseil ni les documents communiqués aux intéressés, en annexe à cette réponse, ne renferment d’éléments supplémentaires par rapport à ceux mentionnés dans les actes attaqués.

79      Partant, il y a lieu de constater que seuls les éléments visés par les actes attaqués peuvent être pris en considération afin d’apprécier si les motifs, énoncés dans ces actes, sont étayés à suffisance de droit. En effet, admettre la possibilité pour le Conseil d’invoquer utilement, devant le Tribunal, des éléments à charge qui n’ont pas été communiqués aux intéressés avant l’introduction du présent recours, malgré leur demande, serait en tout état de cause contraire au droit fondamental au respect des droits de la défense et au droit à une protection juridictionnelle effective, ainsi que, s’il s’agit d’éléments nouveaux, au principe selon lequel la légalité d’un acte ne peut être appréciée qu’au regard des éléments de fait et de droit sur la base desquels il a été adopté (voir point 39 ci-dessus).

80      Dans ces conditions, il convient de relever d’emblée que le Conseil ne saurait invoquer utilement dans ses écritures, à titre d’élément de preuve, l’inculpation, le 20 juin 2011, par la Cour suprême de l’État de New York (District Attorney), de l’actionnaire unique de certaines sociétés mentionnées dans les motifs de l’inscription du nom de certains requérants, ainsi que de trois des requérants, pour participation à une association de malfaiteurs (infraction de cinquième classe ; conspiracy in the fifth degree).

 Sur l’incidence de l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil sur le présent litige (1)

81      Il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, le Tribunal a constaté, en substance, que l’inscription initiale et le maintien de l’inscription de l’IRISL et des autres requérantes à l’annexe II de la décision 2010/413, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 ainsi qu’à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 étaient entachés d’une erreur d’appréciation. Il a, en conséquence, annulé les mesures restrictives adoptées à l’égard de ces sociétés (voir points 66, 67, 78 et 79 de cet arrêt).

82      En premier lieu, s’agissant de l’inscription de l’IRISL et des autres requérantes à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, abrogé par le règlement n° 267/2012, il convient de relever que l’annulation de cette inscription concerne uniquement les effets que le règlement n° 961/2010 a produits entre la date de son entrée en vigueur et la date de son abrogation (arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, point 80).

83      En conséquence, dans la mesure où le règlement n° 961/2010, et le règlement d’exécution n° 1245/2011 qui l’avait modifié, n’étaient plus en vigueur lors de l’annulation de l’inscription de l’IRISL et des autres sociétés requérantes à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, cette annulation prend immédiatement effet. Ladite inscription est dès lors nulle et non avenue.

84      Or, en l’espèce, les requérants ont été inscrits, le 1er décembre 2011, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, par le règlement d’exécution n° 1245/2011, en raison de leurs fonctions au sein de l’IRISL, en tant qu’entité directement impliquée dans la prolifération nucléaire, ou au sein de sociétés liées à l’IRISL.

85      Partant, dans la mesure où l’inscription de l’IRISL et des autres sociétés requérantes dans l’affaire T-489/10, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, doit être considérée comme nulle et non avenue, il y a lieu de constater que l’inscription des requérants à ladite annexe ne saurait être justifiée par les liens directs ou indirects des intéressés avec l’IRISL, dès lors que cette entité n’avait pas été valablement reconnue comme apportant un appui à la prolifération nucléaire, au cours de la période considérée comprise entre la date de l’entrée en vigueur et celle de l’abrogation du règlement n° 961/2010.

86      Il s’ensuit que l’inscription des requérants à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, par le règlement d’exécution n° 1245/2011, est entachée d’une erreur d’appréciation.

87      En second lieu, s’agissant de l’inscription de l’IRISL et des autres sociétés requérantes à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, il convient de relever que, dans l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, annulant cette inscription, le Tribunal a cependant maintenu les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010 (JO L 281, p. 81), en ce qui concerne les sociétés requérantes, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012, à compter de la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi était introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

88      Partant, l’inscription de l’IRISL et des autres sociétés requérantes sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ne peut pas être considérée, à la suite dudit arrêt, comme nulle et non avenue, lors de l’inscription des requérants, le 1er décembre 2011, à l’annexe II de la décision 2010/413 et, le 23 mars 2012, à l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

89      Toutefois, force est de constater que les constatations effectuées par le Tribunal dans cet arrêt, en ce qui concerne l’absence de justification de l’inscription de l’IRISL et des autres sociétés requérantes sur les listes, sont transposables en l’espèce, dans la mesure où les arguments et les éléments de preuve utilement invoqués par les parties, ainsi que le contexte juridique et factuel, sont identiques dans les deux affaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C‑248/99 P, Rec. p. I‑1, point 35, et ordonnance du Tribunal du 14 mai 2007, Gnemmi et Aguiar/Commission, T‑97/04, RecFP p. I‑A‑2‑117 et II‑A‑2‑799, points 31 et 32).

90      En effet, en l’espèce, les requérants ne se limitent pas à un renvoi au recours formé dans l’affaire T-489/10. Dans leurs écritures, ils récapitulent de manière claire le quatrième moyen invoqué par l’IRISL et les autres requérantes dans l’affaire susmentionnée, selon lequel les constatations du Conseil de sécurité des Nations unies, sur lesquelles se fonde l’inscription de l’IRISL, ne concernaient pas des activités de prolifération nucléaire. En outre, les requérants soutiennent que les allégations du Conseil relatives à l’implication de l’IRISL dans de telles activités ne reposent sur aucune preuve.

91      Les requérants contestent ensuite l’allégation du Conseil, dans le mémoire en défense, selon laquelle il serait notoire que l’IRISL a eu recours à d’autres sociétés afin de poursuivre ses activités illégales et de se soustraire aux sanctions. Cet argument ne serait étayé par aucune preuve.

92      De plus, les requérants reprochent au Conseil d’avoir affirmé de manière non étayée, dans le mémoire en défense, que les sociétés pour lesquelles ils travaillent sont elles-mêmes impliquées dans des activités de prolifération nucléaire. Ils soulignent que ces sociétés sont uniquement inscrites au motif qu’elles sont « détenues » ou « contrôlées » par l’IRISL.

93      Le présent litige se distingue ainsi de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bank Saderat/Conseil, précité, invoqué par le Conseil, dans laquelle la requérante s’était bornée à renvoyer aux recours formés par sa société mère contre sa propre inscription, ce qui avait conduit le Tribunal à déclarer le moyen tiré en substance de l’absence d’implication de la société mère dans la prolifération nucléaire irrecevable, en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

94      Il convient dès lors d’apprécier le bien-fondé de l’inscription des requérants à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, à la lumière des constatations effectuées par le Tribunal dans l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité.

95      Or, il ressort de l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, que le Conseil n’a pas établi que l’IRISL avait apporté un appui à la prolifération nucléaire. À cet égard, le Tribunal a jugé que, « même s’il paraît justifié de considérer que le fait que l[’]IRISL [a] été impliqué[e] dans trois incidents concernant le transport du matériel militaire en violation de l’interdiction prévue au paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) augmente le risque qu’[elle] soi[t] également impliqué[e] dans des incidents concernant le transport du matériel lié à la prolifération nucléaire, cette circonstance ne justifie pas, en l’état actuel de la réglementation applicable, l’adoption et le maintien des mesures restrictives à [son] égard » (point 66 de l’arrêt).

96      En conséquence, il y a lieu de constater, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 47 à 66 de l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, auxquels il convient de renvoyer, que, en l’espèce, le Conseil n’a pas établi que l’IRISL était directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

97      Dans ces circonstances, à supposer même que les sociétés autres que l’IRISL, visées dans les motifs de l’inscription des requérants, soient effectivement détenues ou contrôlées par l’IRISL ou agissent pour son compte ou selon ses instructions, cette circonstance ne justifie pas l’adoption et le maintien des mesures restrictives les visant, l’IRISL n’ayant pas été valablement reconnue comme apportant un appui à la prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, précité, point 77).

98      Il y a dès lors lieu de constater que l’inscription des sixième, huitième, neuvième et dixième requérants, MM. Golparvar, Pajand, Sarkandi et Sadat Rasool (voir point 46 ci-dessus), ne saurait être valablement justifiée par les motifs énoncés dans les actes attaqués, relatifs aux fonctions prétendument exercées par ces requérants au sein de l’IRISL, en tant qu’entité reconnue comme directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

99      De même, l’inscription des requérants sur les listes ne saurait être valablement justifiée par les motifs énoncés dans les actes attaqués, relatifs aux liens qu’ils auraient entretenus avec des sociétés liées à l’IRISL, et ce indépendamment de la question de savoir si ces sociétés ont introduit ou non un recours contre leur inscription sur les listes. En effet, si l’IRISL ne peut pas être considérée comme étant directement impliquée dans des activités relatives à la prolifération nucléaire, aucun agissement illicite ne peut être reproché à ces sociétés du seul fait de leurs liens allégués avec cette entité. En conséquence, une éventuelle implication des requérants dans l’activité de ces sociétés liées à l’IRISL ne saurait présenter un caractère illicite.

100    Partant, les mesures restrictives litigieuses adoptées à l’égard des requérants sont entachées d’une erreur d’appréciation.

101    Il s’ensuit que l’inscription des requérants à l’annexe II de la décision 2010/413, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments et moyens.

102    Toutefois, eu égard à la position des parties, le Tribunal estime opportun, dans un souci de bonne administration de la justice, d’examiner au surplus l’argumentation des requérants selon laquelle leur inscription était en toute hypothèse dépourvue de justification, dans la mesure où ils n’étaient pas impliqués dans des agissements illicites, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL avait ou non été valablement reconnue comme étant directement impliquée dans la prolifération nucléaire (voir points 74 à 76 ci-dessus).

 Sur l’implication propre des requérants dans des agissements visés par les critères juridiques applicables

103    Il convient dès lors de vérifier si les éléments retenus par le Conseil auraient été susceptibles de justifier l’inscription des requérants, au regard des critères juridiques applicables, dans l’hypothèse dans laquelle l’IRISL aurait été valablement reconnue comme directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

104    Les requérants soutiennent que les motifs spécifiques invoqués par le Conseil sont inexacts ou trop imprécis. Ils allèguent notamment que les fonctions antérieures d’une personne ne sauraient justifier son inscription.

105    De plus, les requérants contestent l’argument du Conseil selon lequel ils exerceraient une influence sur des filiales de l’IRISL, en raison de leurs fonctions de cadre, de directeur ou d’administrateur. En outre, ils font valoir que, en tout état de cause, ne constitue pas un critère d’inscription le fait qu’une personne exerce une influence au sein d’une société liée à une entité directement impliquée dans la prolifération nucléaire, si cette société n’est pas elle-même soupçonnée d’apporter son appui à de telles activités.

106    En ce qui concerne les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, il convient de rappeler que la réglementation applicable en l’espèce définit uniquement, à côté du critère relatif à une implication directe dans les activités de prolifération nucléaire, deux critères précis fondés sur des liens avec une personne ou une entité directement impliquée, susceptibles de constituer la base juridique de l’inscription de personnes physiques (voir point 49 ci-dessus). Ces critères visent les personnes et les entités agissant pour le compte ou sur les ordresou les instructions d’une personne ou d’une entité directement impliquée. En outre, un troisième critère, également applicable tant aux personnes qu’aux entités, se réfère à l’aide à des personnes ou à des entités désignées pour se soustraire à des sanctions. Les critères pertinents ne visent ainsi ni les personnes physiques exerçant des fonctions de direction, d’encadrement ou d’administration au sein d’entités directement impliquées dans des activités de prolifération nucléaire, ni les personnes qui exercent ce type de fonctions au sein de sociétés détenues ou contrôlées par de telles entités ou agissant pour le compte de ces dernières, ou au sein de sociétés apportant un soutien à une personne ou à une entité désignée en vue de se soustraire à des sanctions.

107    Dans ce cadre juridique, l’exigence d’une base légale claire et précise s’oppose à l’adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne physique du seul fait qu’elle exerce des fonctions au sein d’une entité elle-même inscrite sur les listes. Une telle solution se fonderait en effet sur une présomption qui n’a pas été prévue par la réglementation applicable. Partant, selon la jurisprudence, l’inscription d’une personne physique, en raison de ses liens avec une personne ou une entité elle-même inscrite sur la liste, ne saurait se fonder sur des présomptions non étayées par le comportement de l’intéressé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, non encore publié au Recueil, points 65 à 72).

108    Dès lors, seule l’implication propre de la personne physique dans des agissements visés par la réglementation pertinente justifie l’adoption de mesures restrictives à son égard. En effet, l’adoption de telles mesures ne répond aux objectifs poursuivis par la réglementation que si les responsabilités exercées par l’intéressé ont un lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire ou l’aide à une personne désignée pour se soustraire à des sanctions.

109    Toutefois, la question de savoir si une personne physique est impliquée dans les agissements visés par la réglementation ne saurait recevoir une réponse abstraite, mais doit être examinée en fonction des particularités de chaque cas d’espèce. En effet, un grand nombre de facteurs est susceptible d’être pris en considération. Il s’agit notamment des raisons qui ont conduit à l’inscription sur les listes de la ou des sociétés au sein desquelles la personne physique concernée exerce ses fonctions, de la position hiérarchique que cette personne occupe au sein de cette société ou de ces sociétés, du cumul des fonctions exercées concomitamment ou successivement au sein de plusieurs sociétés elles-mêmes inscrites ou des liens capitalistiques qu’entretient une personne physique avec une ou plusieurs sociétés impliquées.

110    En règle générale, lorsque la personne physique concernée exerce des fonctions au sein soit d’une entité directement impliquée dans des activités de prolifération nucléaire, soit d’une société agissant pour le compte d’une telle entité, soit d’une société aidant une personne désignée à se soustraire à des sanctions, il suffit que le Conseil établisse que cette personne physique occupe la principale fonction de direction de ladite entité ou de ladite société, et assume ainsi la responsabilité des agissements de l’entité ou de la société qu’elle dirige, pour démontrer qu’elle est impliquée dans un comportement illégal. Si, en revanche, la personne concernée, exerçant des fonctions de direction, d’encadrement ou d’administration, est liée à l’entité concernée ou à sa société par un lien de subordination, il appartient au Conseil d’établir, sur la base d’un faisceau d’indices précis et concordants, qu’elle est susceptible d’influer sur les agissements reprochés à la société ou à l’entité qui l’emploie.

111    En l’espèce, il y a lieu de constater d’emblée, au vu des motifs de l’inscription des requérants énoncés dans les actes attaqués et de l’argumentation des parties, que le Conseil ne soutient, devant le Tribunal, pour aucun des requérants, qu’il occupait lors de l’adoption de ces actes, les fonctions de principal dirigeant de l’IRISL ou de l’une des sociétés mentionnées dans les motifs de leur inscription.

112    Par ailleurs, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, le Conseil a admis qu’il n’était en mesure ni de préciser la position hiérarchique correspondant aux fonctions que les requérants occupent ou occupaient au sein des sociétés concernées, ni d’indiquer si d’autres personnes occupaient des fonctions d’une importance similaire au sein de ces sociétés.

113    L’examen des motifs d’inscription des requérants ne portera par conséquent que sur la question de savoir si le Conseil a mis en avant un faisceau d’indices suffisamment probants pour conclure que les requérants étaient en mesure d’influer sur les agissements illicites des sociétés qui les employaient (voir point 110, in fine, ci-dessus) ou qu’ils étaient eux-mêmes impliqués, directement ou indirectement, dans des agissements illicites (voir point 109 ci-dessus).

114    Quant à la valeur probante à reconnaître à l’indice relatif à des fonctions exercées précédemment par l’intéressé au sein de l’IRISL ou d’une société liée à cette entité, il convient de souligner que la circonstance que l’intéressé a cessé d’exercer ces fonctions n’implique pas, à elle seule, que ces dernières sont dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités antérieures pourraient influencer le comportement de l’intéressé au sein de sociétés liées à l’IRISL. Cependant, prises isolément, les anciennes fonctions de certains requérants au sein de l’IRISL ne permettent pas de justifier, en l’absence d’autres indices sérieux et concordants, leur inscription sur la liste. Il incombe, en effet, au Conseil d’avancer des indices permettant raisonnablement de considérer que l’intéressé a maintenu des liens avec l’IRISL, justifiant son inscription sur la liste, après la cessation de ses fonctions au sein de cette entité.

115    C’est à la lumière de l’ensemble des considérations juridiques et factuelles exposées aux points 106 à 114 ci-dessus qu’il appartient au Tribunal de vérifier si, dans l’hypothèse où l’IRISL et des sociétés liées à cette entité auraient été valablement inscrites sur les listes – ce qui n’est pas le cas, ainsi qu’il a été constaté aux points 95 et 96 ci-dessus –, il serait possible de considérer que le Conseil a établi à suffisance de droit que les requérants étaient impliqués dans des agissements illicites au regard de la réglementation applicable.

–       Sur l’inscription du premier requérant

116    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du premier requérant, M. Nabipour, sont motivées en ces termes :

« Directeur et actionnaire de Rahbaran Omid Darya Shipmanagement Company, nouveau nom de la Soroush Sarzamin Asatir Ship Management Company (alias Soroush Saramin Asatir Ship Management Company) (SSA SMC) désignée sur les listes de l’Union européenne, en charge de la gestion technique des navires d’IRISL, Nabipour est le directeur de la gestion des navires d’IRISL. »

117    Ainsi, il semble de prime abord ressortir de cette motivation que le premier requérant a été inscrit sur les listes pour deux motifs, relatifs respectivement à ses fonctions de :

–        directeur et actionnaire de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement ;

–        directeur de la gestion des navires de l’IRISL.

118    La formulation ambigüe du second motif pourrait suggérer qu’il se réfère à des fonctions que le premier requérant exercerait au sein de l’ IRISL. Cependant, au regard des motifs de l’inscription de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, ce second motif doit être compris dans le sens qu’il se réfère en réalité aux responsabilités exercées par le premier requérant, dans la gestion des navires de l’IRISL, en sa qualité de directeur de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement.

119    En effet, la société iranienne Rahbaran Omid Darya Shipmanagement est elle-même inscrite aux motifs suivants : « Agit pour le compte [de l’]IRISL [ ; s]ociété de gestion maritime implantée à Téhéran [ ; e]lle assure la gestion technique de nombreux navires de SAPID. » La société SAPID est inscrite au motif qu’elle agit pour le compte de l’IRISL et qu’elle assure des services de marchandises en vrac.

120    Lors de l’audience, le Conseil, clarifiant la seconde phrase de la motivation de l’inscription du premier requérant énoncée dans les actes attaqués, a confirmé qu’il ne soutenait pas que ce dernier était employé par l’IRISL. Il a souligné qu’il invoquait uniquement les liens indirects du requérant avec cette entité, par le biais de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement. En assurant au sein de cette dernière la gestion technique des navires en transit de l’IRISL, le premier requérant aurait aidé cette entité dans ses tentatives de contourner les sanctions.

121    Dans ce contexte, le premier requérant conteste, hormis le bien-fondé de l’inscription de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, toute implication personnelle dans les agissements reprochés à cette société.

122    Il convient dès lors de vérifier si le premier requérant pouvait être considéré comme personnellement impliqué dans les décisions de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement.

123    Le premier requérant soutient qu’il est uniquement le directeur de la gestion technique des navires de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement et qu’il exerce ainsi des fonctions purement techniques.

124    À cet égard, il y a lieu de constater que les fonctions de directeur technique du premier requérant ne permettent pas de présumer qu’il était personnellement impliqué dans les décisions de la société qui l’emploie, relatives aux relations de cette société avec l’IRISL. Il en est de même de sa qualité d’actionnaire de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, dès lors que la participation du premier requérant dans le capital de cette société n’est pas spécifiée. Par ailleurs, le Conseil n’a avancé aucun autre indice permettant de supposer que le premier requérant était susceptible d’influer sur une éventuelle activité de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, pour le compte de l’IRISL.

125    Partant, le Conseil n’a pas démontré que le premier requérant était en mesure d’influer sur les décisions de son employeur quant aux liens que celui-ci entretenait avec l’IRISL.

126    En conséquence, pour ces différents motifs, l’inscription du requérant est en tout état de cause privée de justification, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

127    Il s’ensuit que l’inscription du premier requérant est en tout état de cause entachée d’une erreur d’appréciation.

–       Sur l’inscription du deuxième requérant

128    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du deuxième requérant, M. Eslami, sont motivées en ces termes :

« Directeur d’IRISL Malta Limited, alias Royal Med Shipping Company, sanctionnée par l’Union européenne. »

129    Il ressort ainsi de ces motifs que le Conseil a inscrit le deuxième requérant sur les listes en se fondant sur deux considérations :

–        le requérant était, lors de son inscription, directeur (managing director) de l’IRISL Malta Ltd, sanctionnée par l’Union ;

–        cette société et Royal Med Shipping Co. ne formaient qu’une seule et même société.

130    Cependant, le deuxième requérant soutient qu’il n’a occupé les fonctions de directeur de l’IRISL Malta que de 2007 à 2010. Cette société aurait fermé définitivement en décembre 2010, après que l’IRISL avait cessé de faire escale à Malte au milieu de l’année 2010.

131    En outre, le deuxième requérant allègue que Royal Med Shipping est intégralement distincte de l’IRISL Malta. Elle agirait comme agent de HDSL à Malte, et aurait été en cours de fermeture à partir du mois de décembre 2011. Le deuxième requérant n’aurait jamais travaillé ni pour Royal Med Shipping ni pour HDSL.

132    Pour contester ces arguments, le Conseil se limite à insister, dans le mémoire en défense, sur le lien entre HDSL et l’IRISL et sur l’importance du rôle de l’IRISL Malta pour les navires de l’IRISL. Dans la duplique, il soutient, en outre, que le deuxième requérant n’a apporté aucune preuve permettant d’établir que, lorsqu’il a cessé d’exercer ses fonctions de directeur de l’IRISL Malta en 2010, il a pris sa retraite, à l’âge de 45 ans.

133    Au vu de cette argumentation, en premier lieu, il convient de relever que, dans le mémoire en défense, le Conseil ne conteste pas que le deuxième requérant avait cessé d’exercer ses fonctions au sein de l’IRISL Malta depuis environ un an, lors de son inscription initiale, le 1er décembre 2011. Partant, dans la mesure où le deuxième requérant avait explicitement indiqué, dans la requête, qu’il n’avait exercé ces fonctions que de 2007 à 2010, il y a lieu de constater que, conformément à l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la contestation de cette affirmation par le Conseil dans sa duplique est, en tout état de cause, tardive et doit dès lors être déclarée irrecevable. En effet, contrairement aux allégations du Conseil, ce moyen de défense nouveau ne repose sur aucun élément de droit ou de fait nouveau qui aurait été invoqué dans la réplique. Par ailleurs, dans la mesure où le Conseil se limite à soutenir que le deuxième requérant n’a pas établi qu’il avait pris sa retraite à la cessation de ses fonctions de directeur de l’IRISL Malta, il suffit de relever que, en tout état de cause, la question pertinente en l’espèce consiste à déterminer si le deuxième requérant a continué d’exercer une activité pour le compte ou selon les instructions de l’IRISL, après la cessation de ses fonctions au sein de l’IRISL Malta (voir points 136 à 138 ci-après), et non s’il a pris sa retraite.

134    En outre, le Conseil ne conteste pas non plus que Royal Med Shipping est une société distincte de l’IRISL Malta et que le deuxième requérant n’a jamais travaillé pour Royal Med Shipping.

135    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les motifs de l’inscription du deuxième requérant sont entachés d’une double erreur factuelle, dans la mesure où, d’une part, le Conseil y vise implicitement, mais clairement, le requérant en tant que directeur actuel de l’IRISL Malta et où, d’autre part, il assimile cette société à Royal Med Shipping.

136    En second lieu, il convient dès lors d’examiner si, au regard des critères juridiques applicables et au vu des éléments utilement avancés par le Conseil, l’inscription du deuxième requérant était justifiée par ses fonctions antérieures de directeur de l’IRISL Malta, désignée comme agissant pour le compte de l’IRISL.

137    À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que le deuxième requérant n’ait cessé d’exercer ses fonctions de directeur de l’IRISL Malta que relativement récemment, un an environ avant son inscription, cette circonstance ne suffit pas pour présumer qu’il avait maintenu des liens avec l’IRISL. Il appartient en effet au Conseil de fournir des indices relatifs au comportement du deuxième requérant après la cessation de ses fonctions, permettant raisonnablement de conclure que, lors de l’adoption des actes attaqués, le deuxième requérant était impliqué dans des activités pour le compte ou selon les instructions de l’IRISL (voir point 114 ci-dessus). Le Conseil ne saurait reprocher au deuxième requérant de ne pas avoir établi qu’il avait cessé toute activité au sein du groupe IRISL, sans renverser la charge de la preuve, en exigeant qu’il démontre qu’il n’a repris aucune activité relevant des critères juridiques applicables, après la cessation de ses fonctions de directeur de l’IRISL Malta.

138    Il convient d’ajouter que, considéré isolément, le fait que le deuxième requérant a précédemment occupé des fonctions importantes au sein de l’IRISL Malta constitue, en l’occurrence, un indice d’autant plus faible du maintien par lui de liens avec l’IRISL, lors de l’adoption des actes attaqués, que le Conseil n’a pas établi que, en sa qualité de directeur de l’IRISL Malta, le deuxième requérant avait été personnellement impliqué dans les agissements illicites reprochés à cette société. En effet, le Conseil ne soutient pas que le deuxième requérant était le principal dirigeant de l’IRISL Malta. En outre, il n’avance aucun indice concret permettant de présumer que le deuxième requérant était en mesure d’influencer les décisions de cette société relatives à ses activités illégales alléguées pour le compte de l’IRISL.

139    En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de vérifier si le Conseil avait établi à suffisance de droit que l’IRISL Malta agissait, avant sa fermeture, pour le compte de l’IRISL, il y a lieu de constater que ses fonctions antérieures de directeur de l’IRISL Malta ne justifiaient pas l’inscription du deuxième requérant.

140    Il s’ensuit que l’inscription du deuxième requérant est en tout état de cause entachée d’erreurs de fait et d’une erreur d’appréciation, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

–       Sur l’inscription du troisième requérant

141    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du troisième requérant, M. Talai, sont motivées en ces termes :

« Cadre dirigeant d’IRISL en Europe, directeur exécutif de HTTS, sanctionnée par l’Union européenne, de Darya Capital Administration GmbH, sanctionnée par l’Union européenne. Administrateur de plusieurs sociétés-écrans appartenant ou étant sous le contrôle d’IRISL ou de ses filiales. »

142    S’agissant de cette motivation, il convient de rappeler d’abord que la qualité d’administrateur de sociétés écrans ne répond pas aux exigences de l’article 296 TFUE et ne saurait dès lors être pris en considération (voir points 61 et 64 ci-dessus).

143    Quant aux autres motifs, le Conseil a précisé dans ses écritures que la qualité de cadre dirigeant d’IRISL se référait à celle de membre de haut niveau (senior member) de l’IRISL. Le Conseil a confirmé lors de l’audience, ainsi qu’il a été acté au procès-verbal de celle-ci, que la qualité de membre de haut niveau constituait l’unique motif de l’inscription de M. Talai.

144    Or, il convient de relever que, lors de l’adoption des actes attaqués, le critère juridique relatif à la qualité de « membre de haut niveau » de l’IRISL ne permettait pas de prendre les mesures restrictives à l’égard de M. Talai.

145    En effet, ce critère ne figurait pas parmi les critères d’adoption de restrictions en matière d’admission, définis à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413. S’agissant des mesures de gel de fonds, l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 visait, parmi les critères d’adoption de mesures de gel des fonds, « les autres membres de haut niveau et entités [de l’IRISL] » (other senior members and entities of […] IRISL). Toutefois, ce critère n’a pas été repris par le Conseil à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et n’était dès lors pas applicable dans le champ d’application du traité FUE. De surcroît, tandis que la décision 2012/35 a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 en remplaçant le critère visant les autres membres de haut niveau de l’IRISL par celui visant « les autres membres et entités […] de l’IRISL », l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 n’a pas non plus repris ce dernier critère.

146    Dans ces conditions, le Conseil ne pouvait prendre en considération les fonctions prétendument exercées par le troisième requérant au sein de sociétés liées à l’IRISL qu’en fondant les actes attaqués sur les critères juridiques prévus par la réglementation applicable, mentionnés au point 106 ci-dessus.

147    Partant, les restrictions en matière d’admission prévues à l’égard du troisième requérant par la décision 2011/783 ainsi que les mesures de gel des fonds prévues à son égard par le règlement d’exécution n° 1245/2011 et maintenues par le règlement n° 267/2012, sur la base du critère relatif à la qualité de « membre de haut niveau de l’IRISL », sont, en tout état de cause, dépourvues de base juridique appropriée.

148    Il s’ensuit que l’inscription du troisième requérant à l’annexe II de la décision 2010/413, au titre de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de cette décision, ainsi qu’à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, doit en tout état de cause être annulée, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

–       Sur l’inscription du quatrième requérant

149    L’inscription initiale du quatrième requérant, M. Fard, le 1er décembre 2011, à l’annexe II de la décision 2010/413 par la décision 2011/783 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 par le règlement d’exécution n° 1245/2011 puis le maintien de son inscription, le 23 mars 2012, à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 sont motivés en ces termes :

« F : Directeur régional d’IRISL aux Émirats arabes unis, directeur de Pacific Shipping, sanctionnée par l’Union européenne, de Great Ocean Shipping Company, alias Oasis Freight Agency, sanctionnée par l’Union européenne. A créé Crystal Shipping FZE en 2010 dans le cadre d’efforts pour contourner la désignation d’IRISL par l’UE. »

150    Il ressort ainsi de ces motifs, au regard des motifs de l’inscription des sociétés qui y sont visées, que l’inscription du quatrième requérant sur les listes se fonde sur les fonctions et les agissements suivants de l’intéressé :

–        directeur régional (regional director) de l’IRISL aux Émirats arabes unis ;

–        directeur (managing director) de Pacific Shipping, sanctionnée par l’Union pour les motifs suivants :

–        la société agit pour le compte de l’IRISL ;

–        son administrateur délégué « managing director » est M. Fard ;

–        la société a été impliquée dans la création de sociétés-écrans, dont les noms devaient être utilisés sur les connaissements dans le but de contourner les sanctions ;

–        la société continue de participer à la programmation des transports par les navires de l’IRISL ;

–        directeur (managing director) de Great Ocean Shipping Co., alias Oasis Freight Agency, sanctionnée par l’Union ; il convient de relever que cette société est inscrite à deux reprises sur la liste, pour les motifs suivants :

–        la société a servi à créer des sociétés-écrans pour l’IRISL dans les Émirats arabes unis, y compris Good Luck Shipping , qui l’a remplacée ;

–        son administrateur délégué (managing director) est M. Fard ;

–        a créé Crystal Shipping FZE, établie à Dubaï, en 2010 dans le cadre d’efforts pour contourner l’inscription de l’IRISL ; Crystal Shipping est inscrite pour les motifs suivants :

–        elle est la propriété de Pacific Shipping, agent de l’IRISL ;

–        elle a été créée en 2010 par M. Fard, dans le cadre de tentatives de contourner l’inscription de l’IRISL ;

–        elle a été utilisée en décembre 2010 pour transférer des fonds dans le but de libérer des navires de l’IRISL saisis et de masquer la participation de l’IRISL.

151    Le quatrième requérant conteste ces motifs en faisant valoir que les sanctions imposées par les actes attaqués l’ont obligé à prendre sa retraite en 2011. Son inscription serait dès lors dépourvue de justification, dans la mesure où il n’aurait plus aucun lien avec l’IRISL.

152    Le Conseil relève que le certificat produit par le quatrième requérant pour attester de son départ à la retraite mentionne que la « date d’établissement », correspondant à la date de fixation des droits, est le 21 avril 2012, soit plus de deux mois après le dépôt de la requête. De plus, ce document comptabiliserait 34 années et demie d’activités professionnelles, tandis que le requérant en avait indiqué 32 dans la requête. Ces incohérences et le fait qu’être à la retraite n’empêcherait pas le quatrième requérant de continuer à travailler auraient conduit le Conseil a considéré que l’inscription du quatrième requérant restait justifiée.

153    Toutefois, il convient de relever que le quatrième requérant a précisé, lors de l’audience, sans être contredit par le Conseil, qu’il a été mis à la retraite avant son inscription, le 23 mars 2012, à l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

154    En outre, le quatrième requérant soutient que son inscription était déjà dépourvue de fondement, avant même son départ à la retraite. Il précise d’abord qu’il était directeur de l’IRISL Middle East, à Dubaï, constituée en 2004 afin de superviser les activités des navires de l’IRISL au Moyen-Orient, sur le sous-continent indien et sur les rives sud de la Méditerranée. Cette société serait inactive depuis l’imposition en 2008 de sanctions contre l’Iran par l’Office of Foreign Assets Control, un organisme de contrôle financier américain.

155    Ensuite, le quatrième requérant fait valoir que, dans le cadre de la gestion des questions relatives au Moyen Orient, Pacific Shipping a été créée pour répondre aux besoins des opérations des navires dans les ports du sous-continent indien et les ports méditerranéens. Cette société devrait être liquidée prochainement.

156    De plus, Great Ocean Shipping, dont le quatrième requérant était le directeur, aurait cessé ses activités à la suite de l’inscription de l’IRISL sur la liste des sanctions américaines, en 2008. Cette société aurait été liquidée en novembre 2011, et l’ensemble des opérations d’agence maritime aurait été confié à Good Luck Shipping, avec laquelle le quatrième requérant n’aurait aucun lien. Par ailleurs, le quatrième requérant n’aurait pas été impliqué dans l’actionnariat ou la gestion de Great Ocean Shipping Services, laquelle opérait en tant qu’agence de SAPID et de HDSL, à Dubaï.

157    Enfin, Crystal Shipping aurait été constituée pour entrer dans le secteur de la location de conteneurs. Cette activité ne s’étant pas concrétisée, les actionnaires auraient décidé de fermer cette entreprise.

158    Le Conseil fait valoir, pour sa part, que Pacific Shipping semblerait avoir repris les activités de l’IRISL Middle East, à la suite des sanctions imposées par les États-Unis. Par ailleurs, le quatrième requérant ne contesterait pas son rôle dans la création de Crystal Shipping. La restructuration dont font l’objet plusieurs des sociétés pour lesquelles travaille M. Fard n’infirmerait pas ce rôle, puisque ce serait souvent au moyen de ce type d’opérations que les mesures restrictives de l’Union seraient contournées.

159    Il ressort des motifs énoncés dans les actes attaqués, exposés au point 150 ci-dessus, que Great Ocean Shipping et Pacific Shipping, dont le requérant était le directeur, et Crystal Shipping FZE, créée par le requérant, ont été inscrites sur la base du critère relatif à l’exercice d’une activité pour le compte d’une entité directement impliquée dans la prolifération nucléaire, à savoir l’IRISL, ou du critère relatif à l’aide à une entité désignée à se soustraire à des sanctions.

160    Dans ce contexte, en partant de l’hypothèse que Great Ocean Shipping et Pacific Shipping ont été valablement inscrites sur les listes, il convient d’examiner si le requérant était en mesure d’influer sur les agissements illégaux reprochés à ces sociétés. Il ressort des motifs énoncés dans les actes attaqués que le quatrième requérant a effectué une longue carrière au sein de sociétés du groupe IRISL et qu’il a cumulé des fonctions de direction au sein de Pacific Shipping et de Great Ocean Shipping. En outre, le quatrième requérant était impliqué dans la création d’une société, Crystal Shipping, détenue par Pacific Shipping et dont le Conseil estime qu’elle a été créée en vue de contourner les sanctions à l’égard de l’IRISL.

161    Partant, lors de l’inscription initiale du quatrième requérant, l’ensemble de ces éléments constituait un faisceau d’indices suffisamment précis et concordants permettant au Conseil de considérer raisonnablement que l’intéressé était impliqué dans les activités alléguées de Pacific Shipping et de Great Ocean Shipping pour le compte de l’IRISL. Cette implication est corroborée par le fait que le quatrième requérant était également le directeur régional de l’IRISL aux Émirats arabes unis.

162    En outre, la circonstance que le requérant était impliqué dans la création de Crystal Shipping, en vue de contourner les sanctions à l’égard de l’IRISL, justifiait, si elle était établie, l’inscription du requérant, sur la base du critère relatif à l’aide à une entité reconnue comme étant directement impliquée dans la prolifération nucléaire pour se soustraire à des sanctions.

163    Ces responsabilités du quatrième requérant au sein du groupe IRISL, alliées à la circonstance qu’il a pris sa retraite à la suite de son inscription initiale, le 1er décembre 2011, permettaient de considérer que son départ à la retraite présentait un caractère fictif.

164    En conséquence, dans la mesure où, lors du maintien de son inscription à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, le quatrième requérant avait depuis peu de temps cessé d’exercer ses fonctions de directeur de Great Ocean Shipping ainsi que de Pacific Shipping, le Conseil a raisonnablement pu considérer qu’il avait maintenu ses liens avec l’IRISL.

165    Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où l’inscription de l’IRISL sur les listes ainsi que celle des sociétés visées dans les motifs de l’inscription du quatrième requérant auraient été justifiées, l’inscription de ce dernier n’aurait pas été entachée d’une erreur d’appréciation.

166    La modification des motifs de l’inscription du quatrième requérant à l’annexe II de la décision 2010/413, par la décision 2013/270 (voir point 22 ci-dessus), n’a aucune incidence sur cette appréciation, dans la mesure où le Conseil s’est limité, dans cette décision, à préciser, en ce qui concerne le motif de l’inscription initiale de l’intéressé relatif à ses fonctions de directeur régional de l’IRISL aux Émirats arabes unis, qu’il était l’« ancien » directeur régional de cette entité aux Émirats arabes unis.

–       Sur l’inscription du cinquième requérant

167    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du cinquième requérant, M. Ghezelayagh, sont motivées en ces termes :

« Président directeur général de la Lead Maritime, désignée par l’UE, qui agit au nom de HDSL à Singapour. Également PDG d’Asia Marine Network, désigné par l’UE, qui est le bureau régional d’IRISL à Singapour. »

168    Quant à Lead Maritime, elle est, depuis le 26 juillet 2010, inscrite sur les listes aux motifs suivants :

« Leading Maritime Pte Ltd (alias Leadmarine, alias Asia Marine Network Pte Ltd, alias IRISL Asia Pte Ltd, alias Leadmaritime) […] Agit pour le compte d’HDSL à Singapour. Autrefois connue sous le nom d’Asia Marine Network Pte Ltd et de IRISL Asia Pte Ltd, elle a agi pour le compte d’IRISL à Singapour. »

169    HDSL est inscrite sur les listes au motif suivant :

« Agit pour le compte d’IRISL, effectue des transports de conteneurs en utilisant des navires d’IRISL. »

170    Il ressort ainsi des motifs de l’inscription du requérant, lus conjointement avec les motifs de l’inscription de Lead Maritime et de HDSL, que le requérant a été inscrit sur les listes, parce qu’il exerçait ou avait exercé la principale fonction de direction dans les sociétés suivantes :

–        le requérant est le président-directeur général (PDG) (chief executive officer) de Lead Maritime, elle-même désignée le 26 juillet 2010 pour les deux raisons suivantes :

–        Lead Maritime agissait pour le compte de HDSL, laquelle agissait pour le compte de l’IRISL ;

–        Lead Maritime avait agi, autrefois, sous le nom d’Asia Marine Network Ptd Ltd, pour le compte de l’IRISL à Singapour ;

–        le requérant est le PDG d’Asia Marine Network Pte.

171    Tout d’abord, s’agissant de ses fonctions de PDG d’Asia Marine Network Pte, le cinquième requérant indique, dans ses écritures, sans que le Conseil conteste cette affirmation, qu’il avait démissionné de ces fonctions en avril 2010.

172    Ensuite, s’agissant de ses fonctions de PDG de Lead Maritime, le cinquième requérant explique qu’il a exercé ces fonctions en raison de sa connaissance de la navigation maritime et des navires en tant que capitaine de la marine marchande. Cette société aurait exercé des activités normales d’agence maritime. En juillet 2011, l’actionnaire singapourien unique de Lead Maritime aurait résilié les contrats d’agence liant cette société à HDSL, à SAPID et à ROD. Il procéderait actuellement, avec l’aide du cinquième requérant, à la liquidation de Lead Maritime, dont les activités auraient cessé, après trois mois de préavis, en septembre 2011. À la suite de son inscription, le cinquième requérant, âgé de 44 ans, n’aurait plus été en mesure de trouver un emploi à plein temps.

173    En réponse à une question écrite du Tribunal, le cinquième requérant a indiqué que le pourcentage du chiffre d’affaire de Lead maritime avec HDSL, SAPID Shipping, ROD et les filiales de l’IRISL s’élevait à 95 % en 2009 et en 2010 et à 85 % en 2011.

174    Lors de l’audience, le cinquième requérant a précisé, sans être contredit par le Conseil, qu’il n’exerçait plus les fonctions de PDG de Lead Maritime depuis le mois de septembre 2011.

175    Le Conseil suggère que les compétences du cinquième requérant dans le domaine maritime expliquent qu’il ne devrait pas être autorisé à offrir des services à l’IRISL, connue pour un grand nombre de violations du droit international, ni à ses filiales et ses sociétés-écrans, afin de faire pression sur l’Iran par le biais de l’IRISL et de ses cadres.

176    Il y a dès lors lieu de vérifier si le fait que le cinquième requérant était, jusqu’au mois de septembre 2011, le PDG de Lead Maritime, et qu’il avait été, auparavant, le PDG d’Asia Marine Network Pte, suffit à justifier son inscription initiale sur les listes, le 1er décembre 2011, et le maintien de cette inscription, le 23 mars 2012, par le règlement n° 267/2012.

177    Il convient de relever à cet égard que, en partant de l’hypothèse que Lead Maritime a été valablement inscrite sur les listes en raison de son activité pour le compte de l’IRISL (voir point 170 ci-dessus), le cinquième requérant pouvait à bon droit être tenu pour responsable, en sa qualité de PDG, des agissements illégaux reprochés à cette société, dans laquelle il exerçait la principale fonction de direction (voir point 110 ci-dessus).

178    Dans ces conditions, pour apprécier si l’inscription du cinquième requérant par les actes attaqués était encore justifiée, quelques mois après la cessation des activités de Lead Maritime, il convient de tenir compte du fait que l’intéressé a été contraint d’arrêter, à l’âge de 44 ans ainsi qu’il l’indique dans la requête, d’exercer ses fonctions de PDG de cette société, en raison de la cessation d’activité et de la mise en liquidation de ladite société, consécutive à son inscription sur les listes, le 26 juillet 2010. Dans ce contexte, les hautes responsabilités et la stabilité des fonctions du cinquième requérant au sein du groupe IRISL, attestées par la circonstance qu’il a été successivement le PDG d’Asia Marine Network Pte, puis de Lead Maritime, permettaient raisonnablement de présumer qu’il n’avait pas cessé toute activité pour le compte de l’IRISL, à tout le moins avant que la procédure de liquidation de la Lead Maritime soit achevée.

179    Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où l’inscription de l’IRISL sur les listes ainsi que celles des sociétés visées dans les motifs de l’inscription du cinquième requérantauraient été justifiées, l’inscription de ce dernier n’aurait pas été entachée d’une erreur d’appréciation.

–       Sur l’inscription du sixième requérant

180    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du sixième requérant, M. Golparvar, sont motivées en ces termes :

« Ancien directeur commercial d’IRISL, directeur adjoint et actionnaire de Rahbaran Omid Darya Shipmanagement Company, directeur exécutif et actionnaire de SAPID Shipping Company, filiale d’IRISL, sanctionnée par l’Union européenne, directeur adjoint et actionnaire de HDSL, sanctionnée par l’Union européenne, membre du comité de direction d’Irano-Hind-Shipping Company, sanctionnée par l’Union européenne. »

181    L’inscription du sixième requérant sur les listes se fonde ainsi sur cinq motifs, relatifs aux fonctions suivantes du sixième requérant :

–        ancien directeur commercial (commercial manager) de l’IRISL ;

–        directeur exécutif (executive director) et actionnaire de SAPID Shipping, filiale de l’IRISL, sanctionnée par l’Union ;

–        directeur adjoint (deputy managing director) et actionnaire de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement ;

–        directeur adjoint et actionnaire de HDSL ;

–        membre du comité de direction (member of the board of directors) d’Irano-Hind-Shipping Co., sanctionnée par l’Union.

182    À titre liminaire, il convient d’examiner l’argumentation du sixième requérant relative à l’inexactitude factuelle de certaines allégations du Conseil, contenues dans ces motifs.

183    Tout d’abord, en ce qui concerne les trois derniers motifs de son inscription exposés au point 181 ci-dessus, le sixième requérant explique qu’il n’est pas directeur adjoint de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement ni membre du comité de direction de Irano-Hind Shipping. De plus, il ne serait pas le directeur adjoint de HDSL, mais un membre non exécutif du comité de direction (non-executive director) de cette société.

184    Dans la mesure où le Conseil ne conteste pas ces affirmations, les allégations concernées contenues dans ces trois derniers motifs doivent être considérées comme entachées d’erreurs de fait.

185    Ensuite, s’agissant du deuxième motif susmentionné, le sixième requérant précise qu’il est le directeur (managing director  de SAPID, et non le directeur exécutif (executive director), ce que le Conseil ne conteste pas. Il fait également observer, sans être contredit par le Conseil, que SAPID n’est pas une filiale de l’IRISL. À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que cette société a été inscrite sur les listes au motif suivant : « Agit pour le compte [de l’]IRISL, assure des services de marchandises en vrac ».

186    Au vu de ces constatations liminaires et des motifs de l’inscription du sixième requérant exposés au point 181 ci-dessus, il y a dès lors lieu d’examiner si les fonctions suivantes du sixième requérant au sein de l’IRISL, et de trois sociétés désignées comme agissant pour le compte de l’IRISL, ainsi que l’énoncent les motifs de l’inscription desdites sociétés sur les listes, justifiaient l’inscription du sixième requérant :

–        ancien directeur commercial de l’IRISL ;

–        directeur de SAPID ;

–        actionnaire de SAPID, HDSL et de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement ;

–        membre non exécutif du comité de direction de HDSL.

187    Il convient d’examiner si le sixième requérant pouvait être considéré, en raison de ces fonctions, comme personnellement impliqué dans des agissements illégaux reprochés à SAPID, voire à HDSL ou à la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, dans l’hypothèse dans laquelle ces sociétés auraient été valablement reconnues comme agissant pour le compte de l’IRISL (voir points 108 et 110 ci-dessus).

188    Le sixième requérant soutient que SAPID Shipping est une compagnie maritime indépendante de l’IRISL, transportant des cargaisons en vrac, telles que des céréales, du sucre, du soja, du nickel et d’autres minéraux. La quantité et la qualité de la cargaison feraient l’objet d’une déclaration par l’expéditeur, et le capitaine du navire contrôlerait celle-ci. SAPID Shipping émettrait un connaissement indiquant, conformément aux usages de la profession : « qualité et quantité de la cargaison conformes à la déclaration de l’expéditeur ». Le sixième requérant n’aurait pas connaissance du contenu de la cargaison et n’aurait jamais, en connaissance de cause, participé au transport de biens illicites ou facilité ce transport.

189    Le Conseil estime que le sixième requérant est, en tant que directeur de SAPID Shipping, responsable de ce que fait sa société, à savoir certifier la qualité et la quantité de la cargaison. Cependant, le Conseil a reconnu qu’il n’était pas en mesure de préciser la position hiérarchique exacte du sixième requérant au sein de SAPID (voir point 112 ci-dessus).

190    À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que les réponses du requérant aux questions du Tribunal, lors de l’audience, ne permettent pas davantage d’établir la position hiérarchique du sixième requérant dans la structure de SAPID. Toutefois, le Conseil ne soutient pas que le sixième requérant y occupait la principale fonction de direction.

191    Cependant, il y a lieu de constater que les fonctions de directeur commercial de l’IRISL exercées précédemment par le sixième requérant, la circonstance qu’il cumulait des fonctions importantes au sein de deux sociétés prétendument liées à l’IRISL, en tant que directeur de SAPID Shipping et de membre non exécutif du comité de direction de HDSL, et le fait qu’il était actionnaire de trois sociétés directement ou indirectement liées à l’IRISL constituaient un faisceau d’indices précis et concordants permettant d’établir que le requérant était, le cas échéant, susceptible d’influer sur les prétendus agissements illicites de SAPID Shipping.

192    En revanche, à défaut de toute indication sur la nature des fonctions exercées par le sixième requérant au sein de HDSL et sur la part qu’il détenait dans le capital de celle-ci et de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, le Conseil n’a pas établi que l’intéressé était impliqué dans les activités alléguées de ces deux sociétés pour le compte de l’IRISL.

193    En conséquence, il y a lieu de constater que le sixième requérant aurait pu raisonnablement être considéré comme impliqué dans les agissements reprochés à SAPID Shipping, conformément aux critères juridiques applicables (voir point 110 ci-dessus), si l’inscription des trois sociétés susmentionnées, liées à cette entité, avait été fondée.

194    Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où l’inscription de l’IRISL et des sociétés liées à celles-ci aurait été justifiée, l’inscription du sixième requérant n’aurait pas été entachée d’une erreur d’appréciation ou d’une violation des critères juridiques applicables.

–       Sur l’inscription du septième requérant

195    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du septième requérant, M. Zadeh, sont motivées en ces termes :

« Directeur et actionnaire d’Hafiz Darya Shipping Lines (HDSL) sanctionnée par l’Union européenne. Enregistré comme actionnaire de nombreuses sociétés-écrans d’IRISL. »

196    Il ressort des motifs de l’inscription de HDSL que celle-ci a été reconnue comme agissant pour le compte de l’IRISL, parce qu’elle effectuait des transports de conteneurs en utilisant les navires de l’IRISL.

197    L’inscription du septième requérant se fonde ainsi sur deux motifs, relatifs aux fonctions suivantes de l’intéressé :

–        directeur et actionnaire de HDSL, désignée comme agissant pour le compte de l’IRISL ;

–        actionnaire de nombreuses sociétés-écrans de l’IRISL.

198    En ce qui concerne le second de ces motifs, il suffit de rappeler que la référence à la qualité d’actionnaire de sociétés-écrans ne répond pas aux exigences liées à l’obligation de motivation et ne saurait, dès lors, être prise en considération pour apprécier le bien-fondé de l’inscription du requérant (voir points 61 et 64 ci-dessus).

199    Il convient dès lors de vérifier si le premier motif de l’inscription du requérant, relatif à ses fonctions au sein de HDSL, est susceptible de justifier cette inscription. Le septième requérant conteste, à cet égard, toute implication propre dans des activités illicites.

200    Le septième requérant allègue que, dans le cadre de ses fonctions de directeur de HDSL, il effectue des tâches de gestion conformément aux instructions du comité de direction. Il s’occuperait des questions financières et des contacts avec les clients importants de HDSL.

201    Le Conseil se limite à invoquer les fonctions de directeur exercées par le septième requérant. Il ne conteste pas que le septième requérant occupait un poste subordonné et que le principal dirigeant de HDSL n’a pas fait l’objet de mesures restrictives. Le Conseil n’avance ainsi aucun indice permettant de considérer que, dans l’exercice de ses fonctions de directeur, le septième requérant était susceptible d’influer sur l’activité alléguée de HDSL pour le compte de l’IRISL.

202    En outre, en l’absence de toute précision relative à la part du capital de HDSL détenue par le septième requérant, la seule circonstance qu’il était un actionnaire de cette société ne permettait pas de présumer qu’il était impliqué dans les agissements illicites reprochés à cette dernière.

203    Partant, à supposer même que l’inscription de HDSL ait été justifiée, le septième requérant ne pouvait pas être réputé agir pour le compte de l’IRISL, en sa qualité de directeur et d’actionnaire de HDSL.

204    Pour l’ensemble de ces raisons, l’inscription du septième requérant est en tout état de cause dépourvue de justification, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

205    Il s’ensuit que l’inscription du septième requérant est en tout état de cause entachée d’une erreur d’appréciation.

–       Sur l’inscription du huitième requérant

206    Les mesures restrictives à l’égard du huitième requérant, M. Pajand, sont motivées dans la décision 2011/783 et, partant, à l’annexe II de la décision 2010/413, de la manière suivante :

« Ancien directeur financier d’IRISL, ancien directeur d’Irinvestship Limited, entité sanctionnée par l’Union européenne, directeur de Fairway Shipping qui a repris les activités d’Irinvestship Limited. Administrateur de sociétés-écrans d’IRISL, notamment Lancelin Shipping Company, sanctionnée par l’Union européenne, et Acena Shipping Company. »

207    Ces motifs sont repris en des termes similaires par le règlement d’exécution n° 1245/2011 et, partant, à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Ils sont également repris, en substance, à l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

208    Le huitième requérant fait valoir qu’il a cessé d’exercer les fonctions auxquelles se réfèrent les motifs de son inscription. Il explique qu’il a occupé à partir de l’année 1987 différentes fonctions dans les domaines financier et comptable au sein de l’IRISL. De 1992 à janvier 2008, il aurait été directeur financier adjoint (deputy director of finance) de l’IRISL. En 2008, il aurait exercé les fonctions de directeur de l’agence maritime Irinvestship, une société du groupe IRISL. Il aurait démissionné de ces fonctions peu après l’adoption de sanctions, à l’égard de cette société, par les États-Unis, en septembre 2008. Il aurait alors été nommé directeur de Fairway Shipping, une agence maritime privée, constituée à Londres en mars 2008. Le huitième requérant ne conteste pas que cette société a repris les activités d’Irinvestship. Par ailleurs, en 2010, le huitième requérant aurait démissionné – avant l’adoption, le 23 mai et le 1er décembre 2011, de sanctions à l’égard de ces sociétés – de ses fonctions de directeur (director) de Lancelin Shipping et d’Acena Shipping, créées en 2002 en vue d’obtenir des prêts auprès de banques en Allemagne. Lors de l’audience, le huitième requérant a précisé que, en mars 2012, il avait cessé ses fonctions auprès de Fairway Shipping et pris sa retraite.

209    Le Conseil ne conteste pas ces allégations. Il insiste sur la longue carrière du huitième requérant au sein de l’IRISL et le fait que ce dernier ne nie pas les liens entre Fairway Shipping et l’IRISL. Il allègue que le huitième requérant a joué un rôle important dans le financement des opérations de l’IRISL, grâce à des prêts obtenus en Allemagne.

210    Il ressort ainsi de la motivation énoncée dans les actes attaqués et de l’argumentation des parties que l’inscription du huitième requérant se fonde sur quatre motifs, relatifs à l’exercice par ce dernier des fonctions suivantes :

–        ancien directeur financier adjoint (deputy financial director) de l’IRISL ;

–        ancien directeur (managing director) d’Irinvestship, sanctionnée par l’Union ;

–        directeur de Fairway Shipping, laquelle a repris les activités d’Irinvestship ;

–        administrateur de sociétés-écrans de l’IRISL, notamment Lancelin Shipping et Acena Shipping, jusqu’en 2010.

211    À cet égard, il convient de relever d’emblée que le huitième requérant a effectué une longue carrière, en tant que cadre au sein de l’IRISL. De plus, il a été nommé successivement comme directeur de plusieurs sociétés appartenant à l’IRISL. Enfin, au moment de l’inscription de son nom sur les listes, il était encore directeur de l’une d’entre elles.

212    Bien que les motifs avancés par le Conseil pour justifier l’inscription du huitième requérant et des quatre sociétés en question n’identifient pas les agissements concrets que le Conseil reproche au huitième requérant, ils démontrent qu’il a cumulé plusieurs fonctions de direction dans des sociétés liées à l’IRISL et que, en faisant régulièrement appel au huitième requérant pour occuper des postes de direction, l’IRISL plaçait une confiance particulière en la personne du huitième requérant.

213    Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où l’inscription de l’IRISL et celles des sociétés liées à cette entité devraient s’avérer justifiées, l’inscription du huitième requérant ne serait pas entachée d’une erreur d’appréciation.

–       Sur l’inscription du neuvième requérant

214    L’inscription initiale du neuvième requérant, M. Sarkandi, à l’annexe II de la décision 2010/413 par la décision 2011/783 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 par le règlement d’exécution n° 1245/2011, puis le maintien de son inscription à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 sont motivés en ces termes :

« Directeur financier d’IRISL depuis 2011. Ancien directeur exécutif de plusieurs filiales d’IRISL sanctionnées par l’Union européenne, responsable de la création de plusieurs sociétés-écrans pour lesquelles il est toujours enregistré en tant que directeur et actionnaire. »

215    M. Sarkandi précise, sans être contredit par le Conseil, que, jusqu’à sa retraite, le 11 septembre 2011, il était responsable financier principal (finance senior manager) au sein de l’IRISL, et non directeur financier (financial director). Lors de l’audience, le neuvième requérant a expliqué qu’il avait occupé des fonctions d’encadrement intermédiaire (middle management functions) et que, à ce titre, il n’avait pas été impliqué dans les décisions relatives à la politique de financement de l’IRISL.

216    Il ressort ainsi de la motivation de l’inscription du neuvième requérant sur les listes, et de l’argumentation des parties résumée au point 215 ci-dessus, que l’inscription du neuvième requérant se fonde sur trois motifs, relatifs aux fonctions ou aux agissements suivants du requérant :

–        responsable financier principal au sein de l’IRISL, jusqu’en septembre 2011 ;

–        ancien directeur exécutif (executive director) de plusieurs filiales de l’IRISL ;

–        responsable de la création de plusieurs sociétés-écrans pour lesquelles il est toujours enregistré en tant que directeur et actionnaire.

217    Il convient de relever d’emblée que, selon la jurisprudence (voir point 34 ci-dessus), le deuxième de ces motifs ne répond pas à l’exigence d’une motivation spécifique et concrète, dans la mesure où il ne permet pas d’identifier les filiales de l’IRISL dont le neuvième requérant aurait été un ancien directeur exécutif. Ce motif ne saurait dès lors contribuer à motiver l’inscription du neuvième requérant.

218    S’agissant du troisième motif, visé au point 216 ci-dessus, le neuvième requérant explique que les prétendues « sociétés-écrans » de l’IRISL sont les sociétés à objet unique. Le neuvième requérant aurait été nommé directeur de ces sociétés lorsqu’il était, jusqu’en 2008, gestionnaire d’Irinvestship au Royaume-Uni. En réponse à une question écrite du Tribunal, le neuvième requérant a indiqué que, lors de son inscription, il était uniquement encore inscrit en tant que directeur (director) d’Ocean Capital Administration GmbH. Il s’agirait d’une société dormante et le neuvième requérant aurait demandé que son nom soit retiré du comité directeur (directorship) de cette société. Le nom du neuvième requérant aurait déjà été retiré du comité directeur des autres sociétés.

219    Le Conseil estime que le fait que le neuvième requérant soit ou ait été responsable financier principal au sein de l’IRISL, et également directeur de plusieurs sociétés allemandes ayant pour objet des financements pour l’IRISL, montre qu’il a apporté une aide à l’IRISL en obtenant des financements à son intention. La circonstance que le neuvième requérant n’occupe plus ces fonctions pourrait être la preuve de l’efficacité des sanctions instituées à son égard.

220    Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, le troisième motif susmentionné n’identifie pas les « sociétés-écrans » créées par le requérant et ne fournit aucune indication relative aux agissements reprochés à ces sociétés. Partant, ce motif ne répond pas aux exigences de l’obligation de motivation, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir points 61 à 64 ci-dessus).

221    Il convient dès lors de vérifier si le premier motif, visé au point 216 ci-dessus, relatif aux fonctions de responsable financier principal du neuvième requérant au sein de l’IRISL, est de nature à justifier à lui seul l’inscription du requérant. À cet égard, il suffit de constater que le Conseil n’a avancé aucun indice permettant de considérer que le neuvième requérant, tout en ayant uniquement exercé des fonctions d’encadrement intermédiaire au sein de l’IRISL, était cependant en mesure d’influer sur l’activité alléguée de cette entité ayant un lien avec la prolifération nucléaire.

222    Partant, à défaut de tout élément de preuve de l’implication propre du neuvième requérant dans des activités ayant un lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire, le neuvième requérant ne saurait être présumé avoir agi, avant son départ à la retraite en septembre 2011, pour le compte ou sur les ordresou les instructions de l’IRISL, ou aidé cette entité à se soustraire à des sanctions, au sens de la réglementation applicable.

223    Dans ce contexte, lors de l’adoption des actes attaqués, les anciennes fonctions de responsable financier du neuvième requérant au sein de l’IRISL étaient d’autant moins susceptibles de justifier son inscription qu’il avait pris sa retraite depuis le 11 septembre 2011, ainsi qu’il ressort des documents produits par le requérant. En effet, le Conseil n’a avancé aucun indice permettant de supposer qu’il existait alors un risque d’implication de l’intéressé dans des activités de soutien à la prolifération nucléaire, après son départ à la retraite.

224    La même conclusion s’impose à la suite de la modification des motifs de l’inscription du neuvième requérant par la décision 2013/270 (voir point 7 ci-dessus), dans la mesure où le Conseil s’est limité, dans cette décision, à amender le premier de ces motifs (voir point 216 ci-dessus), en précisant que l’intéressé était un « ancien » directeur financier de l’IRISL.

225    En conséquence, pour ces différents motifs, au vu des éléments utilement invoqués par le Conseil en l’espèce, l’inscription du neuvième requérant est en tout état de cause dépourvue de justification, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme étant directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

226    Il s’ensuit que l’inscription du neuvième requérant est en tout état de cause entachée d’une erreur d’appréciation.

–       Sur l’inscription du dixième requérant

227    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du dixième requérant, M. Sadat Rasool, sont motivées en ces termes :

« Directeur juridique adjoint du groupe IRISL, directeur juridique de Rahbaran Omid Darya Shipmanagement Company. »

228    L’inscription du dixième requérant sur les listes se fonde ainsi sur deux motifs, relatifs aux fonctions suivantes de l’intéressé :

–        directeur juridique adjoint (assistant legal director) du groupe IRISL ;

–        directeur juridique de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement.

229    En ce qui concerne le second de ces motifs, le dixième requérant soutient qu’il n’a aucune relation avec la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement. Dans la mesure où le Conseil ne conteste pas cette allégation, il y a lieu de considérer que ce second motif est entaché d’une erreur de fait.

230    Pour écarter le premier motif de son inscription, le dixième requérant fait valoir qu’il est un avocat indépendant, inscrit au barreau de Téhéran (Iran). Il travaillerait sous contrat pour l’IRISL, lui donnerait des conseils juridiques en particulier en droit maritime et la représenterait devant les tribunaux. Il ne jouerait aucun rôle dans la prise de décision.

231    En réponse à une question écrite du Tribunal, le dixième requérant a précisé que les relations avec l’IRISL représentaient 17 % de son chiffre d’affaires en 2009, 20 % en 2010 et 16 % en 2011. Pendant cette période, il n’aurait pas travaillé avec les filiales de l’IRISL.

232    Le Conseil ne conteste pas ces allégations. Il estime cependant que le dixième requérant a apporté une aide à l’IRISL en lui fournissant des conseils juridiques, alors que cette entité était connue pour recourir à tous les moyens possibles pour se soustraire aux sanctions. Le fait que l’IRISL, ses filiales et ses sociétés-écrans ont coopéré au sein d’entreprises communes, changé de raison sociale, utilisé des sociétés à objet unique à des fins de financement, à l’échelle mondiale, montrerait l’importance de ces conseils.

233    Il ressort des précisions factuelles apportées par le dixième requérant que celui-ci est un avocat indépendant, dont l’activité pour l’IRISL représentait moins de 20 % de son chiffre d’affaires. Les motifs de l’inscription du dixième requérant, relatifs à ses fonctions alléguées de directeur juridique adjoint de l’IRISL et de directeur juridique de la Rahbaran Omid Darya Shipmanagement, sont dès lors erronés.

234    En conséquence, l’inscription du dixième requérant est en tout état de cause privée de justification, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme étant directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

235    Il s’ensuit que l’inscription du dixième requérant est en tout état de cause entachée d’une erreur de fait ainsi que d’une erreur d’appréciation.

–       Sur l’inscription du onzième requérant

236    Les mesures restrictives litigieuses à l’égard du onzième requérant, M. Tafazoly, sont motivées en ces termes :

« Directeur d’IRISL China Shipping Company, alias Santelines (alias Santexlines), alias Rice Shipping, alias E-Sail Shipping, sanctionnée par l’UE. »

237    Il convient dès lors de vérifier si le motif unique de l’inscription du onzième requérant sur les listes, relatif à ses fonctions de directeur (managing director) d’E-Sail Shipping, est susceptible de justifier son inscription.

238    Le onzième requérant admet qu’il est, officiellement, le directeur d’E-Sail Shipping. Cependant, en pratique, sa fonction serait celle d’un administrateur général (general manager) de cette société. E-Sail Shipping serait une agence maritime, détenue intégralement par l’IRISL et comprenant environ 20 employés. Elle fournirait des services à diverses compagnies maritimes, outre l’IRISL. Généralement, E-Sail Shipping n’aurait pas connaissance du contenu effectif de la cargaison expédiée. Elle ne connaîtrait ce contenu que si une déclaration à cet effet lui était faite directement par l’expéditeur, en cas de litige entre l’expéditeur et l’acheteur ou le capitaine du navire. Le onzième requérant n’aurait jamais, en connaissance de cause, participé au chargement ou au transport de marchandises illégales ou facilité ceux-ci.

239    Le Conseil relève que, dans la mesure où l’IRISL a souvent usé dans le passé de manœuvres pour se soustraire aux sanctions, il serait naïf de croire qu’E-Sail Shipping, détenue à 100 % par l’IRISL, n’a pas connaissance des activités illégales de l’IRISL et qu’elle n’y a pas contribué. Or, le rôle d’un administrateur général consisterait à agir sur ordre de l’actionnaire, à savoir l’IRISL.

240    À cet égard, il y a lieu de constater que le Conseil n’invoque aucun élément permettant de considérer que le onzième requérant pouvait, en raison de sa position de directeur au sein d’E-Sail Shipping, influer sur les décisions de cette société relatives à l’aide alléguée à l’IRISL pour se soustraire à des sanctions.

241    En conséquence, l’inscription du onzième requérant est en tout état de cause privée de justification, indépendamment de la question de savoir si l’IRISL a ou n’a pas été valablement reconnue comme étant directement impliquée dans la prolifération nucléaire.

242    Il s’ensuit que l’inscription du onzième requérant est en tout état de cause entachée d’une erreur d’appréciation.

243    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que l’inscription des premier, deuxième, troisième, septième, neuvième, dixième et onzième requérants n’est pas fondée, et ce indépendamment de la question de savoir si l’inscription de l’IRISL ainsi que celle des sociétés considérées, liées à cette entité, était justifiée.

244    Toutefois, eu égard au fait que l’inscription de l’IRISL n’est pas fondée et que l’inscription de l’ensemble des requérants est fondée sur les liens professionnels et capitalistiques qu’ils entretiennent, directement ou indirectement, avec l’IRISL (voir points 3, 95 et 96 ci-dessus), il convient d’annuler les actes attaqués en ce qu’ils concernent tous les requérants, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les troisième et quatrième moyens. Il en va de même pour la décision 2013/270 pour autant qu’elle concerne M. Fard et M. Sarkandi (voir points 166 et 223 ci-dessus).

 Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

245    Pour ce qui est des effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués, il convient de relever que le règlement n° 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 1245/2011, a été abrogé et remplacé par le règlement n° 267/2012. Il en résulte que le règlement d’exécution n° 1245/2011 ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’abrogation du règlement n° 961/2010. En conséquence, l’annulation du règlement d’exécution n° 1245/2011 ne concerne que les effets que ce dernier a produits entre son entrée en vigueur et son abrogation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 avril 2012, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil, T‑509/10, non encore publié au Recueil, point 128).

246    Quant au règlement n° 267/2012, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

247    Or, le règlement n° 267/2012, en ce compris son annexe IX, a la nature d’un règlement, dès lors que son article 51, second alinéa, prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 45).

248    En ce qui concerne la décision 2010/413, il convient de relever que l’annulation de la décision 2011/783 et de la décision 2013/270, en ce qu’elles concernent les requérants, entraînerait la disparition immédiate de l’inscription de ces derniers à l’annexe II de la décision 2010/413.

249    En vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

250    En l’espèce, l’existence d’une différence entre, d’une part, la date d’effet de l’annulation partielle du règlement n° 267/2012 et, d’autre part, de celle de la décision 2011/783 et de celle de la décision 2013/270, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces actes prévoyant des mesures identiques.

251    Les effets de la décision 2011/783 et de la décision 2013/270 doivent donc être maintenus en ce qui concerne les requérants jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement n° 267/2012 (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, non encore publié au Recueil, point 89).

 Sur les dépens

252    L’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions des requérants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée en ce qu’elle a inscrit les noms de MM. Ghasem Nabipour, Mansour Eslami, Mohamad Talai, Mohammad Moghaddami Fard, Alireza Ghezelayagh, Gholam Hossein Golparvar, Hassan Jalil Zadeh, Mohammad Hadi Pajand, Ahmad Sarkandi, Seyed Alaeddin Sadat Rasool et Ahmad Tafazoly à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC.

2)      Le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulé en ce qu’il a inscrit les noms de MM. Nabipour, Eslami, Talai, Fard, Ghezelayagh, Golparvar, Zadeh, Pajand, Sarkandi, Sadat Rasool et Tafazoly à l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007.

3)      L’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 est annulée, pour autant qu’elle concerne MM. Nabipour, Eslami, Talai, Fard, Ghezelayagh, Golparvar, Zadeh, Pajand, Sarkandi, Sadat Rasool et Tafazoly.

4)      La décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413 est annulée en ce qu’elle concerne MM. Fard et Sarkandi.

5)      Les effets de la décision 2011/783 et de la décision 2013/270 sont maintenus en ce qui concerne MM. Nabipour, Eslami, Talai, Fard, Ghezelayagh, Golparvar, Zadeh, Pajand, Sarkandi, Sadat Rasool et Tafazoly, depuis leur entrée en vigueur jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement n° 267/2012.

6)      Le recours est rejeté pour le surplus.

7)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par MM. Nabipour, Eslami, Talai, Fard, Ghezelayagh, Golparvar, Zadeh, Pajand, Sarkandi, Sadat Rasool et Tafazoly.

Papasavvas

van der Woude

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

2.  Sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions

3.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Observations liminaires relatives à l’obligation de motivation en matière de mesures restrictives

Sur l’absence alléguée de clarté de la décision attaquée en ce qui concerne l’adoption de restrictions en matière d’admission à l’égard des requérants

Sur la motivation relative à la base juridique de l’inscription des requérants

Sur la motivation spécifique et concrète de l’inscription des requérants

Sur la référence à des « sociétés-écrans » dans les motifs de l’inscription des requérants

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et d’une violation des critères juridiques applicables

Sur les éléments de preuve susceptibles d’être utilement invoqués par le Conseil

Sur l’incidence de l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil sur le présent litige 

Sur l’implication propre des requérants dans des agissements visés par les critères juridiques applicables

–  Sur l’inscription du premier requérant

–  Sur l’inscription du deuxième requérant

–  Sur l’inscription du troisième requérant

–  Sur l’inscription du quatrième requérant

–  Sur l’inscription du cinquième requérant

–  Sur l’inscription du sixième requérant

–  Sur l’inscription du septième requérant

–  Sur l’inscription du huitième requérant

–  Sur l’inscription du neuvième requérant

–  Sur l’inscription du dixième requérant

–  Sur l’inscription du onzième requérant

Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 –            La table des matières a été régénérée.