Language of document : ECLI:EU:T:2015:870

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

19 novembre 2015 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Règlement (CE) n° 1782/2003 – Régime des droits au paiement unique – Réserve nationale – Critères d’attribution – Risque pour le Fonds – Conditionnalité »

Dans l’affaire T‑107/14,

République hellénique, représentée initialement par M. I. Chalkias, Mmes E. Leftheriotou et A. Vasilopoulou, puis par M. Kanellopoulos, Mmes Leftheriotou et Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/763/UE de la Commission, du 12 décembre 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 338, p. 81), en ce qu’elle concerne la République hellénique,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le présent recours concerne certaines dépenses effectuées par la République hellénique dans le domaine de la politique agricole commune (PAC) et, plus particulièrement, les corrections financières appliquées par la Commission européenne pour écarter du financement de l’Union européenne lesdites dépenses.

2        Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’enquête prévu à l’article 9, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la PAC (JO L 160, p. 103), et à l’article 37, son successeur, du règlement (CE) n° 1290/2005, du 21 juin 2005, relatif au financement de la PAC (JO L 209, p. 1), les services de la Commission ont effectué des vérifications des dépenses en Grèce. Lors de ces vérifications, la Commission a constaté plusieurs carences, notamment, d’une part, dans l’application du régime des droits au paiement unique et, d’autre part, dans le domaine de la conditionnalité.

 Enquête relative au régime des droits au paiement unique

3        La Commission a effectué des vérifications en Grèce, du 9 au 13 mars 2009, dans le cadre de l’enquête portant la référence NAC/2009/001, concernant l’application du régime des droits au paiement unique.

4        La Commission a transmis ses observations le 3 juillet 2009 à la République hellénique concernant les carences identifiées, auxquelles celle-ci a répondu par lettre du 14 octobre 2009.

5        Le 31 mars 2011, une réunion bilatérale a eu lieu entre la Commission et la République hellénique, dont le procès-verbal a été établi le 29 juin 2011. Par lettre du 21 septembre 2011, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur ce procès-verbal.

6        Par lettre du 28 novembre 2012, la République hellénique a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

7        Le 29 mai 2013, l’organe de conciliation a émis son rapport final communiquant son avis portant la référence Ares(2013)1496208.

8        Le 7 août 2013, la Commission a communiqué sa position finale à la République hellénique.

 Enquête relative aux obligations en matière de conditionnalité

9        Par lettre du 3 juin 2008, la Commission a informé les autorités helléniques qu’une mission de contrôle, portant la référence XC/2008/07/GR, serait effectuée entre le 7 et le 11 juillet 2008, laquelle se concentrerait sur les années 2006 et 2007 et porterait sur la conditionnalité.

10      À la suite de ladite mission, la Commission a, par lettre du 27 février 2009, envoyée en application de l’article 11 du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), transmis ses observations à la République hellénique concernant les carences identifiées (ci-après la « première communication du 27 février 2009 »), auxquelles la République hellénique a répondu le 27 avril 2009.

11      Le 10 décembre 2010, une réunion bilatérale a eu lieu entre la Commission et la République hellénique, dont le procès-verbal a été établi le 20 juillet 2011. Par lettre du 20 septembre 2011, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur ce procès-verbal.

12      Par lettre du 3 mai 2012, la République hellénique a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

13      Le 31 octobre 2012, l’organe de conciliation a émis son rapport final communiquant son avis portant la référence Ares(2012)1288695.

14      Le 24 mai 2013, la Commission a communiqué sa position finale à la République hellénique.

 Décision attaquée

15      Par sa décision d’exécution 2013/763/UE, du 12 décembre 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 338, p. 81, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté du financement de l’Union certaines dépenses déclarées par la République hellénique d’un montant total de 101 044 605,97 euros, dont 78 813 783,87 euros au titre du paiement unique et 22 230 822,10 euros au titre de la conditionnalité.

16      Les motifs des corrections financières effectuées par la Commission sont résumés dans le rapport de synthèse du 5 novembre 2013, concernant les résultats des vérifications de la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité (ci-après le « rapport de synthèse »), conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2014, la République hellénique a introduit le présent recours.

18      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que cette dernière la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

20      Au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal (neuvième chambre) a posé une question écrite aux parties, lesquelles ont répondu à cette question dans le délai imparti.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 juillet 2015.

 En droit

22      À l’appui du recours, la République hellénique invoque huit moyens. Les cinq premiers moyens concernent les corrections financières appliquées dans le cadre du régime des droits au paiement unique. Les trois derniers moyens concernent les corrections forfaitaires appliquées dans le domaine de la conditionnalité.

 Sur les cinq premiers moyens relatifs aux corrections financières appliquées dans le cadre du régime des droits au paiement unique

23      Le premier moyen est tiré :

–        de l’absence de base juridique pour imposer des corrections en ce qui concerne le calcul des droits à l’aide unique et la répartition de la réserve nationale ;

–        de l’interprétation et de l’application erronées des articles 42 et 43 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la PAC et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1) ; de l’article 21 et de l’article 28, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 795/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le règlement n° 1782/2003 (JO L 141, p. 1), ainsi que de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 ;

–        et de l’imposition illégale des corrections forfaitaires dans le cadre du régime d’aide unique en l’absence de base juridique valable pour appliquer les anciennes orientations du document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »), à la nouvelle PAC et au régime de l’aide unique ; à défaut, d’une application des orientations à la nouvelle PAC constituant un mauvais usage du pouvoir d’appréciation de l’Union dans le domaine des corrections financières, qui méconnaît en même temps de façon notable le principe de proportionnalité.

24      Le deuxième moyen, relatif à l’absence de prise en compte de l’ensemble des superficies fourragères dans le calcul des montants de référence, est tiré de ce que la Commission propose une correction forfaitaire de 5 % en violation, notamment, des principes de sécurité juridique et de proportionnalité et en outrepassant son pouvoir d’appréciation, alors qu’elle ne devrait proposer aucune correction ou, à défaut, qu’elle devrait la limiter à 2 %.

25      Le troisième moyen, également relatif à l’absence de prise en compte de l’ensemble des superficies fourragères dans le calcul des montants de référence, est tiré de la violation de l’article 4 du règlement (CE) n° 2529/2001 du Conseil, du 19 décembre 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine (JO L 341, p. 3), ce qui aboutit à ce que la base de calcul de la correction forfaitaire proposée soit inexacte, correction qui doit se limiter à la somme de 162 920 267,28 euros pour 2007, de 162 528 761,38 euros pour 2008 et de 161 343 586,94 euros pour 2009.

26      Le quatrième moyen, relatif à l’allocation de la réserve nationale, est tiré d’une interprétation erronée des dispositions de l’article 42 du règlement n° 1782/2003 et de l’article 21 du règlement n° 795/2004 (critères de répartition de la réserve nationale) et d’une appréciation erronée des faits.

27      Le cinquième moyen, relatif notamment à l’allocation de la réserve nationale, est tiré :

–        de l’absence des conditions requises pour appliquer le règlement n° 1290/2005 au motif que les constatations de la Commission concernant les critères nationaux pour la répartition de la réserve nationale ne constituent pas des infractions à ce règlement ;

–        à défaut, d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et des orientations au motif, d’une part, qu’à supposer qu’ils soient exacts, les griefs invoqués par la Commission en ce qui concerne les critères de répartition de la réserve nationale n’ont pas conduit à verser des montants à des non-bénéficiaires et n’ont pas causé de risque de perte pour le Fonds et, d’autre part, que les griefs en question ne sont pas liés à l’absence de mise en œuvre d’un contrôle clé et ne justifient pas, par conséquent, l’imposition d’une correction forfaitaire de 10 %.

 Sur le premier moyen

28      Au soutien du premier moyen, la République hellénique invoque en substance trois branches.

29      Par la première branche, qui contient des arguments également invoqués dans le cadre des deuxième, quatrième et cinquième moyens du recours, elle fait valoir que l’imposition d’une correction financière est subordonnée à l’existence d’un risque pour le Fonds ou à la nécessité d’éviter que ne soient mis à la charge du Fonds des montants utilisés pour financer des objectifs étrangers à ceux prescrits par les règles de l’Union. Or, elle estime qu’aucune de ces deux conditions n’est remplie en l’espèce. D’une part, aucun risque n’existerait dès lors que le montant total des aides au niveau national ainsi que la valeur des droits alloués ne dépassent pas le plafond national prédéterminé conformément à l’article 41 du règlement n° 1782/2003. D’autre part, ni l’absence de prise en compte de l’ensemble des superficies fourragères dans le calcul de la superficie et des montants de référence, ni les critères d’allocation de la réserve nationale n’ont conduit à l’octroi d’aides à des agriculteurs non éligibles. La République hellénique ajoute qu’il n’a pas non plus été octroyé d’autre aide pour un objectif différent de celui poursuivi par les dispositions régissant le régime du paiement unique. Selon elle, en imposant des corrections financières dans la procédure d’apurement des comptes, la Commission a interprété et appliqué de manière erronée les articles 42 et 43 du règlement n° 1782/2003, l’article 21 et l’article 28, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 795/2004 ainsi que l’article 31 du règlement n° 1290/2005.

30      Par la deuxième branche, la République hellénique fait valoir que la Commission n’aurait pas dû imposer des corrections forfaitaires sur le fondement des lignes directrices, définies dans les orientations. Selon elle, la nouvelle PAC ne comporte pas de base juridique permettant d’appliquer les orientations, qui ont été établies sur le fondement de l’ancienne PAC, et leur application relève d’une application erronée par la Commission de sa marge d’appréciation. Par ailleurs, la nouvelle PAC n’aurait aucun lien, ni aucune similitude, avec les régimes précédents et les règles du financement de la nouvelle PAC, prévues par le règlement n° 1290/2005, seraient radicalement différentes des règles précédentes.

31      Par la troisième branche, elle soutient que l’application des orientations à la nouvelle PAC a conduit à l’adoption de sanctions disproportionnées.

32      La Commission s’oppose à ces arguments.

33      Dès lors que la première branche contient des arguments évoqués et plus amplement détaillés dans le cadre des deuxième, quatrième et cinquième moyens, le Tribunal examinera lesdits arguments ultérieurement dans le cadre de chacun de ces moyens.

–       Sur la deuxième branche, relative au défaut de base juridique pour appliquer les orientations et à une erreur d’appréciation dans le cadre de leur application

34      Premièrement, s’agissant du grief tiré d’un défaut de base juridique permettant l’application des orientations dans le cadre de la nouvelle PAC, il suffit de relever que le Tribunal a d’ores et déjà jugé que l’argumentation selon laquelle les orientations ne pourraient pas être appliquées dans le cadre du nouveau régime des droits au paiement unique, faute de nouvelle définition des contrôles clés et des contrôles secondaires qui tiendrait compte des caractéristiques particulières de ce nouveau régime, est fondée sur une prémisse erronée et doit être rejetée (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2012, Grèce/Commission, T‑588/10, EU:T:2012:688, point 100, et du 6 novembre 2014, Grèce/Commission, T‑632/11, EU:T:2014:934, points 39 à 52).

35      À cet égard, le Tribunal a notamment constaté que, s’il est vrai, comme le fait valoir la République hellénique, que la nouvelle PAC implique des modifications importantes, caractérisées par le nouveau régime des droits au paiement unique, c’est à tort que celle-ci soutient que les règles pertinentes de financement de la PAC instaurées par le règlement n° 1290/2005 sont radicalement différentes de celles prévues dans le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la PAC (JO L 94, p. 13), dans le cadre duquel les orientations ont été rédigées (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 40).

36      En effet, les orientations ont été rédigées en 1997 dans le cadre de l’application de la réglementation, applicable à l’époque, relative au financement de la PAC, à savoir le règlement n° 729/70, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), et, en particulier, son article 5, paragraphe 2.

37      L’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, tel que modifié par le règlement n° 1287/95, prévoyait que la Commission :

« c)      décide des dépenses à écarter du financement [de l’Union] visé aux articles 2 et 3, lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union].

[…]

La Commission évalue les montants à écarter au vu notamment de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à [l’Union].

[…] »

38      Il convient d’observer que le règlement n° 729/70 a été abrogé par le règlement n° 1258/1999, dont l’article 7, paragraphe 4, était toutefois rédigé en des termes identiques à ceux de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, tel que modifié. Ensuite, lorsque le règlement n° 1258/1999 a été abrogé par le règlement n° 1290/2005, l’article 31 de ce dernier règlement a repris l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 en des termes analogues, en prévoyant ce qui suit :

« 1. La Commission décide des montants à écarter du financement [de l’Union] lorsqu’elle constate que des dépenses […] n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union] […].

2. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à [l’Union]. 

[…] »

39      Deuxièmement, il ressort des visas de la décision attaquée qu’elle a été adoptée sur le double fondement de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31 du règlement n° 1290/2005. En effet, dans le cas des corrections financières appliquées dans le cadre du régime du paiement unique, qui concernaient l’ensemble des demandes de l’année 2006, le règlement n° 1258/1999 s’appliquait aux dépenses encourues jusqu’au 15 octobre 2006 et le règlement n° 1290/2005, conformément à son article 47, n’était applicable qu’aux dépenses encourues à partir du 16 octobre 2006. Or, ainsi que l’a déjà jugé le Tribunal, l’application consécutive des deux dispositions précitées aux corrections financières pour les dépenses encourues en 2006 était possible du fait qu’elles étaient quasi identiques (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 44).

40      Troisièmement, pour autant que la République hellénique soutienne que les orientations ont été établies sur le fondement d’une base juridique formelle dans le règlement n° 729/70, cet argument doit être rejeté. Ce règlement ne prévoit pas explicitement la rédaction de telles orientations et ces dernières, pour leur part, ne visent pas ce règlement. En effet, les orientations émanent d’un document interne de la Commission qui est mis à la disposition des États membres et qui a été rédigé en 1997 en tenant compte de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 729/70, tel que modifié par le règlement n° 1287/95 (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 45).

41      Quatrièmement, il y a lieu de relever que rien ne s’oppose à ce que la Commission, afin d’assumer pleinement l’habilitation prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, dans sa version résultant du règlement n° 1287/95, à l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 ou à l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, adopte des orientations concernant les corrections financières et donne mission aux services concernés de les appliquer. Ces orientations contribuent à assurer que, lorsque la Commission prend des décisions en application de ces dispositions, les États membres ou les autorités désignées par eux bénéficient, dans des situations comparables, d’un traitement identique. De telles orientations sont susceptibles de renforcer la transparence des décisions individuelles adressées aux États membres. Les orientations indiquent ainsi les lignes générales sur le fondement desquelles la Commission envisage, en application de la réglementation pertinente, d’adopter ultérieurement des décisions individuelles dont la légalité pourra être contestée par l’État membre concerné devant le Tribunal (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 46).

42      Cinquièmement, si la République hellénique soutient que seuls les critères prévus à l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 sont à prendre en considération lors de l’évaluation des montants à écarter du financement, il ne ressort pas de la lecture des orientations que celles‑ci prévoient, à cet égard, des critères différents. Au contraire, elles se limitent à préciser la méthode et les paramètres que la Commission utilisera pour le calcul des montants à écarter du financement, sur la base des critères prévus à l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, lesquels étaient également prévus à l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, dans sa version résultant du règlement n° 1287/95 (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 47).

43      En effet, les orientations indiquent que, lorsqu’il est impossible de déterminer le montant réel des paiements irréguliers et, de ce fait, le montant des pertes financières subies par l’Union, ce sont des corrections forfaitaires qui sont appliquées en fonction de l’évaluation du risque de perte encouru par le budget de l’Union du fait des contrôles déficients. Le montant de la correction forfaitaire prévue dans les orientations varie entre 2, 5, 10 et 25 %, voire plus, des dépenses déclarées par un État membre, en fonction de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles. À cet effet, les orientations opèrent une distinction entre les contrôles clés et les contrôles secondaires.

44      Conformément à l’annexe 2 des orientations (pages 11 à 13), lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou le sont si mal ou si rarement qu’ils sont inefficaces, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 10 % des dépenses déclarées. Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais le sont sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 % des dépenses déclarées. Si l’État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet de réaliser un ou plusieurs contrôles secondaires, la correction applicable est une correction à hauteur de 2 % des dépenses déclarées. Dans des cas exceptionnels, l’application de taux de correction plus élevés peut être décidée.

45      Les contrôles clés et les contrôles secondaires sont définis à l’annexe 2, page 11, des orientations, dans les termes suivants :

« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par regroupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux. Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »

46      En outre, la Commission a élaboré une définition des contrôles clés et des contrôles secondaires pour chaque régime d’aides dans son document AGRI/17933/2000, du 24 juin 2003, sur les « ‘contrôles clés’, ‘contrôles secondaires’, et autres ». En ce qui concerne le régime du paiement unique, les contrôles clés et les contrôles secondaires sont définis dans le document AGRI/64041/2005 sur « les contrôles clés et les contrôles secondaires dans le secteur des aides à la surface applicables depuis les demandes de l’année 2005 » (ci-après le « document AGRI/64041/2005 »).

47      Enfin, à la page 12 de l’annexe 2 des orientations, la Commission précise que le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Ainsi, lorsque la carence résulte de l’absence d’adoption d’un système de contrôle approprié par un État membre, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée.

48      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter la thèse de la République hellénique selon laquelle les orientations ne sauraient trouver application dans le cadre de la nouvelle PAC.

49      S’agissant de l’argument tenant à une application erronée de la marge d’appréciation de la Commission, la République hellénique soutient que les carences constatées dans la décision attaquée ne font pas apparaître les contrôles clés que la République hellénique n’aurait pas effectués et pour lesquels des corrections financières de 5 et de 10 % ont été imposées. Cependant, il convient de relever qu’il ressort des points 12.6.1.1, 12.6.1.2, 12.6.3.1 et 12.6.3.2 du rapport de synthèse que les manquements de la République hellénique à ses obligations, invoqués par la Commission pour justifier l’imposition des taux de correction forfaitaire de 5 et de 10 %, concernaient des contrôles clés, tels qu’ils sont définis dans les orientations et le document AGRI/64041/2005. Sous réserve de l’analyse de l’exactitude matérielle de ces constatations, qui est contestée par la République hellénique dans son cinquième moyen, cet argument doit, par conséquent, être écarté.

50      Au regard de ces considérations et dès lors que l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 est libellé en des termes quasi identiques à ceux de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, dans sa version résultant du règlement n° 1287/95, sous l’empire duquel les orientations, définies par la Commission en 1997, ont été adoptées, il convient de conclure que rien n’interdisait à la Commission de les appliquer également dans l’exercice des compétences que l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 lui attribuait (voir, en ce sens, arrêts Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2012:688, point 97, et Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 55).

51      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

–       Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

52      La République hellénique invoque une violation du principe de proportionnalité résultant de l’application, au cas d’espèce, des orientations, dans le contexte tout à fait différent de la nouvelle PAC. En particulier, elle soutient que, dans le secteur des aides à la surface, les corrections forfaitaires de 10 %, voire de 15 %, pour des carences constatées en 2004 et en 2005, relatives à certaines aides, correspondaient à des montants de l’ordre de 63 millions d’euros. En comparaison, en raison de la réforme de la PAC et de l’augmentation très significative de la base de calcul des corrections forfaitaires qui en a résulté, la correction forfaitaire de 10 % qui a été imposée pour les aides à la surface, en 2006, correspondrait à un montant dépassant 210 millions d’euros et la correction forfaitaire de 5 % qui a été imposée, en 2007, s’élèverait à un montant qui dépasserait 122 millions d’euros. Selon la République hellénique, ce résultat aurait dû conduire la Commission à réviser ou à reformuler les orientations et à réduire les taux des corrections. Or, ayant appliqué les orientations telles quelles, dans le cadre de la nouvelle PAC, les corrections forfaitaires qui en ont résulté seraient disproportionnées.

53      La République hellénique ajoute que la Commission a, elle-même, admis, dans une lettre du 25 juin 2008, contenant le procès‑verbal d’une réunion bilatérale, que l’application des orientations à la nouvelle PAC a impliqué des conséquences beaucoup plus préjudiciables pour les États membres. Selon la République hellénique, il ressort de ces éléments que la Commission a, elle-même, reconnu le caractère disproportionné des résultats d’une application stricte des orientations à la nouvelle PAC.

54      Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 59 et jurisprudence citée).

55      En outre, il convient de rappeler qu’une correction arrêtée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter la mise à la charge du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée). La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 60 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il y a lieu de souligner que, sous la même réserve que celle énoncée au point 49 ci‑dessus, l’imposition en l’espèce des corrections forfaitaires de 5 et de 10 % était conforme aux orientations.

57      Néanmoins, la République hellénique considère que la Commission aurait dû s’écarter des orientations en l’espèce, dès lors que, en raison de l’augmentation significative de la base de calcul de la correction forfaitaire, augmentation qui, selon elle, est le résultat direct de l’adoption de la nouvelle PAC, le taux de correction, prévu dans les orientations et effectivement imposé, a conduit à une correction largement supérieure aux corrections imposées dans des cas analogues dans le passé, en chiffres absolus.

58      À cet égard, il y a lieu de révéler que le montant absolu des corrections financières est le résultat du même calcul mathématique dans le cadre de la nouvelle PAC, à savoir l’application par la Commission du taux forfaitaire, calculé sur la somme que l’État membre a reçue au titre de l’aide en question pendant l’année financière concernée. Comme la Commission le fait valoir à juste titre, le fait que les montants des corrections imposées sont supérieurs à ceux préalablement imposés est dû au fait que les corrections étaient alors imposées par produit, ou par organisation de marché, sans que la totalité des produits soit toujours contrôlée. En revanche, après la réforme de la PAC, la grande partie des aides directes au revenu des agriculteurs ont été intégrées dans le système de paiement unique, qui est attribué sur la base des surfaces cultivées. De ce fait, les irrégularités concernant le régime de paiement unique, qui, de par sa nature, a un caractère global puisqu’il est lié à la surface et non à une culture spécifique, prennent une dimension plus importante et, par conséquent, entraînent une correction plus élevée, car le contrôle est également devenu global. La logique et les principes à la base du système n’ont cependant pas changé, les corrections, dorénavant devenues universelles, étant le corollaire logique des paiements universels introduits par la nouvelle PAC. Le rapport entre paiement et, le cas échéant, correction est alors le même sous les régimes de l’ancienne PAC et de la nouvelle PAC. Le système demeure donc proportionnel (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 63).

59      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la troisième branche du premier moyen doit également être rejetée comme étant non fondée. Partant, sous réserve des points 33, 49 et 56, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

60      La République hellénique affirme que la correction forfaitaire de 5 % pour absence de prise en compte de l’ensemble des superficies fourragères existantes au cours de la période de référence pour la détermination des droits au paiement au titre des années 2007, 2008 et 2009, en violation de l’article 43 du règlement n° 1782/2003, est le prolongement de la correction imposée pour la même raison au titre de l’année 2006.

61      La République hellénique fait valoir que, en imposant une correction financière pour une irrégularité constatée en 2010, pour laquelle elle a déjà subi une correction financière au titre de l’année 2006 et qu’elle ne pouvait pas corriger entre 2007 et 2009, la décision attaquée méconnaît les principes de sécurité juridique, de proportionnalité, d’équité et de coopération loyale entre les autorités des États membres et la Commission. Elle ajoute que cela vaut d’autant plus, premièrement, que le prétendu risque pour le Fonds est infondé, deuxièmement, que les autorités helléniques n’ont pas eu la possibilité de corriger l’omission constatée ou même l’erreur d’interprétation des dispositions pertinentes en 2007, en 2008 et en 2009 et, troisièmement, que la Commission propose l’application de principes régissant les insuffisances des contrôles à un cas où il s’agit d’une divergence d’opinion avec les autorités helléniques en ce qui concerne l’interprétation et l’application d’une règle de droit.

62      La Commission s’oppose à ces arguments.

63      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requête contient des références explicites aux griefs tirés, d’une part, de la violation des principes de sécurité juridique, de proportionnalité, d’équité et de coopération loyale et, d’autre part, d’une erreur d’appréciation de la Commission. Toutefois, aucune argumentation spécifique, claire et cohérente permettant de démontrer pour quelles raisons ces principes auraient été violés n’est développée au soutien de ces griefs. En conséquence, ces griefs doivent être rejetés comme étant irrecevables en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991. Cela vaut tout particulièrement pour la prétendue erreur d’appréciation de la Commission qui n’est aucunement étayée par la République hellénique, de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’en apprécier le bien-fondé.

64      En tout état de cause, à supposer que ces griefs aient été recevables, force est de constater qu’ils sont non fondés.

65      Premièrement, il convient de souligner que la Commission n’est pas tenue de prendre en charge pour le FEAGA les dépenses effectuées par un État membre qui sont fondées sur une application objectivement erronée, mais sur la base d’une interprétation adoptée de bonne foi du droit de l’Union, sauf si l’interprétation erronée du droit de l’Union peut être imputée à une institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 25 novembre 1980, Belgique/Commission, 820/79, Rec, EU:C:1980:269, point 11, et du 19 juin 2009, Espagne/Commission, T‑369/05, EU:T:2009:213, point 67).

66      Or, en l’espèce, la République hellénique n’apporte aucun élément permettant de considérer que l’interprétation erronée du droit de l’Union qu’elle mentionne était imputable à un comportement de la Commission.

67      Deuxièmement, la République hellénique n’évoque aucun problème d’interprétation spécifique que certaines dispositions auraient posé, mais se borne à signaler des problèmes d’interprétation générale concernant « les dispositions pertinentes en 2007, en 2008 et en 2009 » (voir point 61 ci-dessus).

68      Troisièmement, s’agissant des principes d’équité et de coopération loyale mentionnés par la République hellénique, il suffit de relever que ces derniers ne sauraient, en tout état de cause, obliger la Commission à prendre en charge pour le FEAGA les dépenses effectuées sur la base d’une interprétation erronée du droit de l’Union par les autorités nationales (voir, par analogie, arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, points 32 à 36).

69      En ce qui concerne les autres arguments soulevés par la République hellénique, ils ne peuvent qu’être rejetés.

70      En premier lieu, s’agissant de l’absence de risque pour le Fonds, il convient de rejeter l’argument de la République hellénique selon lequel il y a lieu de tenir compte du fait que l’ensemble des superficies fourragères déclarées en Grèce pour la période 2006-2008 dépassaient le total des superficies fourragères déclarées en 2004, ce qui démontrerait qu’il n’existait pas réellement un risque d’abandon des superficies, ni un risque qu’elles ne soient pas maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales.

71      En effet, d’une part, le Tribunal a déjà jugé que, en ce qui concerne le risque que l’agriculteur cesse d’exploiter les superficies en excès tout en continuant de recevoir l’intégralité du montant de référence sur la base d’une superficie inférieure ou que ces terres soient abandonnées et ne soient pas maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, le fait que les superficies fourragères déclarées en 2006 dépassaient légèrement les superficies fourragères déclarées en 2004 n’était pas pertinent. D’autre part, le Tribunal a jugé que, en tout état de cause, même à supposer que l’argument de la République hellénique relatif à la légère augmentation des superficies fourragères déclarées entre 2004 et 2006 démontre qu’il n’existait pas réellement un risque d’abandon des superficies, cela ne saurait suffire à remettre en cause l’appréciation de la Commission concernant le risque pour le FEAGA de l’absence de prise en compte des superficies fourragères (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 163).

72      À cet égard, il doit être souligné que l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1782/2003 précise clairement que le nombre d’hectares à prendre en compte pour calculer les montants de référence inclut toutes les superficies fourragères. Or, il ressort du point 12.6.1.1 du rapport de synthèse que, pour calculer la valeur des droits au paiement unique pour les éleveurs d’ovins et de caprins, la République hellénique n’a pas pris en compte l’ensemble de la superficie fourragère disponible pour l’année 2006 dans le calcul de la superficie et des montants de référence. Même dans les cas où il était clairement établi que l’agriculteur avait déclaré, durant la période de référence, une superficie fourragère supérieure à celle déclarée dans sa demande d’aide à la surface pour 2004, les autorités helléniques ne se sont pas fondées sur la surface déclarée durant la période de référence pour l’établissement des droits au paiement, contrairement à ce que prévoit l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 795/2004.

73      C’est donc à juste titre que la Commission a pu considérer qu’il existait un risque pour le Fonds, dans la mesure où, lorsque l’agriculteur dispose d’un nombre d’hectares supérieur à celui pris en compte pour calculer les superficies et le montant de référence, il reçoit moins de droits au paiement, d’une valeur unitaire trop élevée. En outre, il peut bénéficier d’autres aides auxquelles il n’aurait pas eu droit si ces superficies fourragères avaient été prises en compte, car les terres en excès sont disponibles à une activation de droits acquis par l’agriculteur, à travers le droit de la réserve nationale ou sur le marché.

74      Il convient également de rejeter l’argument invoqué par la République hellénique selon lequel aucun risque n’existerait pour le Fonds dès lors que le montant total des aides au niveau national ainsi que la valeur des droits alloués ne dépassent pas le plafond national prédéterminé conformément à l’article 41 du règlement n° 1782/2003. Un tel argument, identique à celui invoqué dans le cadre de la première branche du premier moyen (voir point 29 ci-dessus), est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle, le montant des paiements mis à disposition par le Fonds au niveau national étant prédéterminé, une éventuelle erreur dans l’allocation des droits au paiement unique entre les bénéficiaires n’aurait aucune conséquence sur la détermination de ce montant.

75      En effet, il suffit de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, le FEAGA ne finance que les dépenses effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. Dès lors, tout versement d’une aide sans que les conditions requises ne soient remplies entraîne nécessairement un préjudice au titre du FEAGA, et ce quand bien même le plafond ne serait pas dépassé. Permettre ce préjudice revient à vider de leur substance tous les contrôles instaurés par les règlements n° 1258/1999 et n° 1290/2005 et serait contraire au principe de l’aide individuelle et au contrôle du bien-fondé de cette aide (voir, en ce sens, arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, points 116 et 126).

76      Il convient donc de considérer que l’existence d’un plafond de dépenses ne saurait à elle seule exclure le risque encouru par le Fonds dû à l’absence de prise en compte de l’ensemble des superficies fourragères existantes.

77      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel, en substance, aucune correction ne devait être imposée dès lors que l’erreur d’interprétation n’avait pas pu être corrigée au cours des années 2007 à 2009, il ne peut être que rejeté. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission au point 12.6.3 du rapport de synthèse et lors de la présente procédure, dans la mesure où cette erreur a été constatée en 2006 et où l’allocation des droits en 2006 n’a pas été rectifiée, leur activation au cours des années suivantes a continué à produire des effets et à exposer le Fonds à un risque de paiements indus, lequel a été compensé par l’application d’une correction portant sur l’ensemble des années litigieuses.

78      Il convient de noter que, aux fins de corroborer ce dernier argument, la République hellénique souligne que le problème suscité par les erreurs constatées lors de la première attribution de droits au paiement par les États membres a été résolu par le législateur grâce à l’article 137 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la PAC et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement n° 1782/2003 (JO L 30, p. 16), qui a été adopté, selon son considérant 49, à des fins de sécurité juridique. Selon elle, le législateur aurait pris en considération le fait que, compte tenu du temps écoulé depuis la première attribution de droits au paiement, les corrections nécessaires entraîneraient pour les États membres des contraintes juridiques et administratives disproportionnées.

79      Cette affirmation ne saurait toutefois prospérer dès lors qu’elle va à l’encontre des paragraphes 1 à 3 de l’article 137 du règlement n° 73/2009 dont le libellé est le suivant :

« 1. Les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1 er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010.

2. Le paragraphe 1 du présent article ne s’applique pas aux droits au paiement attribués aux agriculteurs sur la base de demandes présentant des erreurs matérielles, sauf si celles-ci ne pouvaient raisonnablement être décelées par l’agriculteur.

3. Le paragraphe 1 du présent article ne préjuge pas du droit de la Commission à prendre des décisions visées à l’article 31 du règlement […] n° 1290/2005 en ce qui concerne des dépenses engagées pour des paiements octroyés au titre de toute année civile jusqu’à l’année 2009 incluse. »

80      Par conséquent, contrairement à ce que laisse entendre la République hellénique, le législateur a clairement prévu la possibilité d’imposer des corrections financières jusqu’à l’année 2009 incluse.

81      Enfin, en troisième lieu, il convient de rejeter l’argument de la République hellénique par lequel elle fait grief à la Commission, d’une part, d’avoir appliqué des principes régissant les insuffisances des contrôles à un cas où il s’agissait d’une divergence d’opinion avec les autorités helléniques en ce qui concernait l’interprétation et l’application d’une règle de droit et, d’autre part, de n’avoir mentionné nulle part dans la décision attaquée qu’il s’agissait d’une insuffisance de contrôle et de ne pas avoir exposé les contrôles clés non effectués. En effet, ainsi que cela a d’ores et déjà été précisé au point 49 ci-dessus, il ressort des points 12.6.1.1, 12.6.1.2, 12.6.3.1 et 12.6.3.2 du rapport de synthèse que les manquements de la République hellénique à ses obligations, invoqués par la Commission pour justifier l’imposition des taux de correction forfaitaire de 5 et de 10 %, concernaient des contrôles clés, tels qu’ils sont définis dans le document AGRI/64041/2005. Quant à l’affirmation selon laquelle, en substance, une éventuelle erreur d’interprétation et d’application des règlements n° 1782/2003 et n° 795/2004 ne constitue pas un contrôle clé selon les orientations, dont l’absence peut conduire à une correction forfaitaire, elle doit être rejetée. En effet, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, lorsqu’un État membre ne veille pas au respect des conditions de fond régissant l’octroi des aides, en l’occurrence, le calcul précis des superficies disponibles sur la base desquelles sont calculés les droits au paiement, cela signifie nécessairement que cet État n’effectue pas les contrôles qui lui incombent afin de s’assurer que les conditions prévues, à savoir l’existence et le calcul des superficies disponibles, sont remplies.

82      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen

83      Par ce troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4 du règlement n° 2529/2001, la République hellénique soutient que la base de calcul de la correction forfaitaire proposée est inexacte. Elle fait en substance valoir que, pour le versement de la prime de base pour le régime des ovins et des caprins, cette disposition n’exigeait même pas d’avoir en sa possession des superficies agricoles ou fourragères, de sorte que les bénéficiaires ne déclaraient pas de superficies et n’étaient pas tenus d’en déclarer. Cela implique, selon elle, que, sur le montant total de référence de 267 485 463,20 euros pour le régime des ovins et des caprins, aucune correction financière ne devait être appliquée sur 64 509 935,28 euros.

84      La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.

85      À cet égard, il suffit de constater que le fait que les agriculteurs ayant reçu un paiement sur la base du régime applicable aux ovins et aux caprins sous le régime antérieur n’étaient pas tenus de posséder et, a fortiori, de déclarer des superficies fourragères est sans pertinence. En effet, il n’en demeure pas moins que lesdits agriculteurs relevaient de l’article 43 du règlement n° 1782/2003 et de l’article 28 du règlement n° 795/2004, si bien qu’ils n’étaient pas exemptés de l’obligation de déclarer la totalité de la superficie fourragère au cours de la période de référence pour l’allocation des droits au paiement.

86      Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen

87      Par le quatrième moyen, la République hellénique fait valoir, en substance, que c’est à tort que la Commission a conclu que les critères qu’elle avait institués pour l’octroi des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs et aux agriculteurs ayant effectué des investissements n’étaient pas conformes à l’article 42 du règlement n° 1782/2003 et à l’article 21 du règlement n° 795/2004. Tout d’abord, elle estime que les critères et la procédure d’allocation de la réserve nationale étaient conformes aux règles applicables du règlement n° 1782/2003. Ensuite, elle prétend que, en tout état de cause, c’est-à-dire même à considérer que l’allocation était incorrecte, aucun risque n’a été engendré pour le Fonds. Enfin, elle souligne que les critères appliqués, à savoir l’âge de l’agriculteur, le nombre d’enfants ainsi que le lieu de l’exploitation, l’ont été pour l’allocation de la réserve nationale de l’année de dépôt de demandes 2006, alors que, pour ce qui est de l’allocation de la réserve nationale au titre des années de déclaration 2007 et 2008, d’autres critères ont été appliqués et que, pour l’année de déclaration 2009, il n’a pas été réparti de réserve nationale.

88      La Commission, quant à elle, conteste dans le mémoire en défense les arguments invoqués par la République hellénique en réitérant, en substance, sa position exprimée lors de la procédure d’apurement selon laquelle l’allocation erronée de 2006 a continué à produire des effets et à générer un risque pour le Fonds les années suivantes. Selon elle, le fait qu’une correction ait déjà été appliquée en raison de l’allocation erronée de 2006 et que les droits aient prétendument été alloués selon d’autres critères au cours des années suivantes ne signifie pas qu’il n’y a pas lieu d’appliquer une correction pour ces années en ce qui concerne les droits au paiement de la réserve octroyés sur la base de critères inappropriés, puisque ces droits continuent de fonder l’octroi de paiements et, partant, de grever le Fonds de manière injustifiée, puisque l’allocation initiale n’a jamais été rectifiée.

89      Il convient de relever que, en réponse à une question écrite ainsi que lors de l’audience, les parties ont souligné que ce moyen était en substance identique au deuxième moyen soulevé par la République hellénique dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Grèce/Commission, point 34 supra (EU:T:2014:934), et que la réponse à apporter devait par conséquent être la même dans le cadre du présent moyen. Dans le rapport de synthèse, la Commission reproche en effet les mêmes carences que dans cette dernière affaire. Il ressort notamment du point 12.6.1.2 du rapport de synthèse que la Commission a constaté que les critères d’octroi des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs relatifs à l’âge de l’agriculteur et au nombre de membres de sa famille ne garantissaient pas une égalité de traitement entre les agriculteurs, contrairement à l’article 42 du règlement n° 1782/2003. En ce qui concerne les critères d’octroi des droits de la réserve nationale aux agriculteurs ayant effectué des investissements, ils ne reflétaient pas la nature et la valeur des investissements pour les investisseurs, contrairement à l’article 21 du règlement n° 795/2004. Quant à la République hellénique, elle avance en substance les mêmes arguments.

90      En ce qui concerne l’octroi par la République hellénique des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs, il suffit de relever que le Tribunal a déjà jugé au point 100 de l’arrêt Grèce/Commission, point 34 supra (EU:T:2014:934), que c’est à tort que la Commission a constaté que le critère d’âge appliqué par la République hellénique, afin d’octroyer, en priorité, des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs de moins de 40 ans, ayant ou non adhéré à un programme de jeunes agriculteurs, était contraire à l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 1782/2003.

91      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le quatrième moyen de la République hellénique en ce qui concerne l’octroi des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs au titre de cette disposition.

92      Quant à l’octroi des droits de la réserve nationale aux agriculteurs ayant effectué des investissements, sans contredire la constatation de la Commission selon laquelle les critères établis par la République hellénique pour octroyer des droits de la réserve nationale aux agriculteurs n’auraient pas tenu compte de la valeur et de la nature de l’investissement du demandeur, la République hellénique fait valoir qu’aucun des agriculteurs auxquels ont été octroyés des droits issus de la réserve nationale de 2006 n’a acquis et n’a été payé pour un nombre de droits issus de la réserve nationale supérieur au nombre de parcelles agricoles qu’il a déclarées dans le cadre de sa demande de paiement unique de 2006, lesquelles correspondaient à des hectares admissibles au bénéfice de l’aide et n’étaient pas liées à des droits au paiement. Aux fins de l’activation des droits en cause, il a été exigé qu’une demande soit déposée à l’Organismos Pliromon kai Elenchou Koinotikon Enischyseon Prosanatolismou kai Engyiseon (organisme de paiement et de contrôle des aides d’orientation et de garantie grec) par les bénéficiaires de l’allocation des droits issus de la réserve nationale et il a été expressément prévu que, si cette demande n’était pas déposée, les droits octroyés devraient être reversés à la réserve nationale. En conséquence, selon la République hellénique, les fonds européens n’ont été exposés à un aucun risque. En outre, elle ajoute que les demandes d’octroi de droits au paiement unique présentées par la très grande majorité des investisseurs ont été satisfaites par l’intermédiaire de l’approbation, après contrôle, de demandes justifiées de transfert d’exploitation (ou d’une partie d’exploitation).

93      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’octroi des droits de la réserve nationale aux agriculteurs ayant effectué des investissements relève de l’article 42, paragraphe 4, du règlement n° 1782/2003, lu en combinaison avec l’article 21 du règlement n° 795/2004. Le premier article prévoit que les États membres utilisent la réserve nationale pour établir les montants de référence pour les agriculteurs se trouvant dans une situation spéciale, telle qu’elle est définie par la Commission. Se trouve dans une situation spéciale, notamment, un agriculteur qui a effectué des investissements dans des capacités de production ou a acheté des terres, tel que cela est stipulé dans le second article (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 104).

94      Il y a lieu de rappeler que l’article 42, paragraphe 4, du règlement n° 1782/2003 ainsi que l’article 6, paragraphe 5, et l’article 21, paragraphe 1, du règlement n° 795/2004 requièrent que les États membres établissent des montants de référence pour l’octroi des droits de la réserve nationale selon des critères « objectifs », qui assurent l’« égalité de traitement entre les agriculteurs » et évitent des « distorsions du marché et de la concurrence ». En plus, ce dernier article prévoit que ce montant de référence doit être divisé par un nombre d’hectares inférieur ou égal au nombre d’hectares que l’agriculteur a acquis (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 105).

95      Il résulte de l’article 21 du règlement n° 795/2004 que la valeur des droits de la réserve nationale, octroyés aux agriculteurs ayant effectué des investissements, doit avoir une corrélation avec le nombre d’hectares que l’agriculteur a acquis (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 106).

96      Or, force est de constater que, en l’espèce, comme la Commission le soutient à juste titre, les démarches décrites par la République hellénique quant à l’octroi des droits de la réserve nationale aux agriculteurs ayant effectué des investissements ne concernent que des vérifications et ne démontrent en rien que celle-ci ait calculé les droits de la réserve nationale octroyés aux investisseurs de la manière prévue à l’article 21 du règlement n° 795/2004 (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 107).

97      Il s’ensuit que l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission s’est fondée sur une interprétation erronée de l’article 21 du règlement n° 795/2004 en concluant que l’octroi des droits de la réserve nationale aux investisseurs ne reflétait pas la nature et la valeur des investissements doit être rejeté comme non fondé.

98      Par conséquent, le quatrième moyen de la République hellénique doit être accueilli pour autant qu’il concerne l’octroi des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs au titre de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 1782/2003 et rejeté pour autant qu’il concerne l’octroi des droits de la réserve nationale aux agriculteurs ayant effectué des investissements, au sens de l’article 21 du règlement n° 795/2004, au titre de l’article 42, paragraphe 4, du règlement n° 1782/2003.

99      Dès lors, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Grèce/Commission, point 34 supra (EU:T:2014:934), se trouve posée la question de savoir quelles sont les conséquences juridiques à tirer de cette conclusion et, plus spécifiquement, s’il y a lieu d’annuler l’ensemble de la correction forfaitaire de 10 % de la totalité des dépenses de la République hellénique relatives à la réserve nationale ou si une annulation partielle de cette correction peut être prononcée, dans la mesure où la Commission a constaté que le critère d’âge appliqué par la République hellénique, afin d’octroyer, en priorité, des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs de moins de 40 ans, était contraire à l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 1782/2003.

100    En effet, il convient de rappeler à cet égard que le juge de l’Union n’est pas fondé à annuler partiellement la décision attaquée en cas d’indivisibilité de ses dispositions. Il convient donc de vérifier si le montant des droits de la réserve nationale octroyés aux nouveaux agriculteurs au titre de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 1782/2003 est détachable de la correction forfaitaire de 10 % au titre des critères d’octroi des droits de la réserve nationale imposés par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2005, Espagne/Commission, C‑287/02, Rec, EU:C:2005:368, points 71 à 74).

101    Or, même si la Commission a fait valoir lors de l’audience que les critères d’octroi des droits de la réserve nationale aux nouveaux agriculteurs étaient clairement distincts de ceux des droits de la réserve nationale aux agriculteurs ayant effectué des investissements, il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Grèce/Commission, point 34 supra (EU:T:2014:934), rien ne permet au Tribunal de déterminer en l’espèce le montant exact de la correction financière relatif à chacune de ces deux catégories d’agriculteurs, ainsi que l’ont, au demeurant, concédé les parties lors de l’audience. Partant, en raison du caractère non détachable du montant des dépenses relatif aux droits de la réserve nationale octroyés aux nouveaux agriculteurs, les conditions pour que soit prononcée une telle annulation partielle ne sont pas réunies.

 Sur le cinquième moyen

102    Bien qu’il ressorte des points 98 à 101 ci-dessus que, en conséquence de l’admission partielle du quatrième moyen, il y a lieu d’annuler l’ensemble de la correction forfaitaire de 10 % relative à la réserve nationale, le Tribunal estime opportun d’examiner à titre surabondant ce cinquième moyen également dirigé contre ladite correction.

103    Le cinquième moyen est divisé en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la République hellénique soutient, en substance, que l’article 31 du règlement n° 1290/2005 ne s’applique pas à des carences relatives aux critères d’octroi des droits de la réserve nationale. La seconde branche est tirée d’une violation dudit article en ce qui concerne la correction forfaitaire de 10 % relative aux critères d’octroi des droits de la réserve nationale et en ce qui concerne la correction forfaitaire de 5 % relative à l’absence de calcul des superficies des éleveurs d’ovins et de caprins dans le calcul des superficies et des montants de référence.

104    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le FEAGA ne finance que les dépenses effectuées conformément au droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir point 75 ci-dessus).

105    En outre, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 117 et jurisprudence citée).

106    En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et l’Union, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d’ailleurs matériellement dans l’impossibilité d’assurer. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 118 et jurisprudence citée).

107    C’est, en conséquence, à l’État membre qu’il incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 119 et jurisprudence citée).

108    L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 120 et jurisprudence citée).

109    C’est à la lumière de ces considérations de principe qu’il convient d’examiner le cinquième moyen.

–       Sur la première branche, tirée de l’application de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 à des carences concernant les critères d’octroi des droits de la réserve nationale

110    La République hellénique fait valoir que l’imposition d’une correction financière est subordonnée à la constatation par la Commission que les dépenses effectuées par le FEAGA n’ont pas été réalisées conformément aux règles de l’Union. En pareil cas, la Commission décide des montants qui doivent être écartés, en tenant compte de l’absence de mise en conformité, de la nature et de la gravité de la violation ainsi que du préjudice financier subi par l’Union. Elle considère, en substance, que, à supposer que les critères d’octroi des droits de la réserve nationale n’aient pas été conformes à l’article 42 du règlement n° 1782/2003, cela n’était pas susceptible de constituer une violation de l’article 31 du règlement n° 1290/2005. Dès lors, la Commission ne pouvait pas avoir recours à cet article pour imposer une correction financière.

111    En outre, la République hellénique soutient qu’imposer une correction financière en vertu de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 suppose que les dépenses non conformes aux dispositions de l’Union aient conduit à un préjudice financier pour l’Union, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Pour qu’un tel préjudice se produise dans les circonstances de l’espèce, il aurait fallu que l’application des critères d’octroi des droits de la réserve nationale conduise à verser de tels droits à des agriculteurs qui n’étaient pas des bénéficiaires prévus à l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 1782/2003. Tel ne serait pas le cas en l’espèce.

112    La Commission s’oppose aux arguments de la République hellénique.

113    S’agissant de l’argument de la République hellénique selon lequel l’application des critères d’octroi des droits de la réserve nationale non conformes à l’article 42 du règlement n° 1782/2003 ne peut constituer une violation de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, il suffit de constater que la correction financière en question n’était pas fondée sur une violation de ce dernier article. Il ressort en effet du rapport de synthèse que la correction financière de 10 % relative aux critères d’octroi des droits de la réserve nationale était imposée au titre d’une violation de l’article 42 du règlement n° 1782/2003. Par ailleurs, l’article 31 du règlement n° 1290/2005 ne prévoit des obligations que pour la Commission (voir, par analogie, arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 125).

114    Quant à l’argument de la République hellénique selon lequel le paiement d’une aide irrégulière peut ne pas entraîner de préjudice pour le FEAGA, il est fondé sur une prémisse erronée. Il suffit de rappeler à cet égard que le FEAGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union et que, en conséquence, tout versement irrégulier d’une aide entraîne un préjudice au titre du FEAGA. Permettre ce préjudice revient à vider de leur substance tous les contrôles instaurés par les règlements n° 1258/1999 et n° 1290/2005 et serait contraire au principe de l’aide individuelle et au contrôle du bien-fondé de cette aide (voir point 75 ci-dessus).

115    Il s’ensuit que l’article 31 du règlement n° 1290/2005, qui prévoit que la Commission écarte du financement de l’Union des dépenses qui n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union, ne s’oppose pas à l’imposition d’une correction forfaitaire pour l’application de critères d’octroi des droits de la réserve nationale non conformes à l’article 42 du règlement n° 1782/2003.

116    Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen, pris en sa première branche.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’imposition des corrections forfaitaires de 5 et de 10 %

117    À titre liminaire, il convient de relever que, bien que par cette branche la République hellénique fasse grief à la Commission d’avoir violé l’article 31 du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne la correction forfaitaire de 5 % relative à l’absence de calcul des superficies des éleveurs d’ovins et de caprins dans le calcul des superficies et des montants de référence, ce grief n’est aucunement étayé par la République hellénique, de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’en apprécier le bien-fondé. Dès lors, il doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

118    S’agissant de la correction forfaitaire de 10 %, relative au constat que les critères d’octroi des droits de la réserve nationale n’étaient pas conformes à l’article 42 du règlement n° 1782/2003, la République hellénique fait valoir, à titre subsidiaire, que cette correction de 10 % n’était pas justifiée. À cet égard, elle soutient que les orientations prévoient une correction forfaitaire de 10 % seulement lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés n’ont pas été effectués ou ont été effectués de manière défectueuse ou selon une fréquence limitée. Elle ajoute que les contrôles clés consistaient en des contrôles sur place et administratifs concernant les données quant au fond, comme l’existence de l’objet de la demande et des conditions de qualité. Par définition, l’adoption et l’application des critères d’octroi des droits de la réserve nationale, même s’ils ne sont pas objectifs, ne s’analyseraient pas comme étant une absence de contrôle clé au sens des orientations.

119    La Commission s’oppose aux arguments de la République hellénique.

120    À cet égard, il suffit de rappeler que les constatations de la Commission concernant les critères d’octroi des droits de la réserve nationale s’inscrivent dans le cadre de la détermination même du nombre ou de la valeur des droits de la réserve nationale dus et, de ce fait, relèvent du champ d’application des contrôles clés, cette conclusion étant au demeurant confirmée par les termes du document AGRI/64041/2005 (voir, en ce sens, arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, points 133 et 134 et jurisprudence citée).

121    Il en résulte que l’argument de la République hellénique concernant le taux de 10 % de la correction forfaitaire imposée par la Commission et relative à l’octroi des droits de la réserve nationale doit être rejeté.

122    En outre, l’affirmation invoquée à titre subsidiaire, selon laquelle, alors que lesdites constatations de la Commission sont clairement délimitées, cette dernière utilise comme base de calcul pour l’application du taux de correction les montants correspondant à la valeur des droits reçus par l’ensemble des catégories de bénéficiaires de la réserve nationale en 2007, en 2008 et en 2009, n’est aucunement étayée par la République hellénique, de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’en apprécier le bien-fondé. Dès lors, elle doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

123    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la seconde branche du cinquième moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée et, par conséquent, le cinquième moyen dans son ensemble.

 Sur les trois derniers moyens concernant les corrections forfaitaires appliquées dans le domaine de la conditionnalité

124    Le sixième moyen est tiré de ce que le document AGRI/2005/64043 de la Commission, qui a été adopté le 9 juin 2006 (ci-après le « document AGRI/2005/64043 »), ne saurait constituer une base légale pour imposer une correction financière. En tout état de cause, il ne saurait être utilisé rétroactivement pour imposer une correction pour l’année 2006.

125    Le septième moyen, relatif à l’année de demandes 2008, est tiré de ce que les corrections financières ont été imposées, d’une part, en violation de la procédure de l’article 11 du règlement n° 885/2006 et de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et, d’autre part, à la suite d’une appréciation erronée des faits et d’une insuffisance de motivation.

126    Le huitième moyen, relatif à l’application erronée du document AGRI/2005/64043, est tiré, d’une part, du dépassement des limites du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose, ce qui a abouti à imposer des corrections disproportionnées par rapport aux irrégularités constatées, dans la mesure où une correction de 5 % a été imposée pour 2006 et 2007, et, d’autre part, d’une erreur lors de la détermination de la base de calcul de la correction imposée.

 Sur le sixième moyen

127    D’une part, la République hellénique fait observer que, pour imposer les corrections litigieuses, la Commission s’est fondée sur le document AGRI/2005/64043. Or, selon elle, ainsi qu’elle l’a déjà soutenu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Grèce/Commission, point 34 supra (EU:T:2012:688), l’imposition d’une correction financière en matière de conditionnalité est vaine, puisqu’il existe ici un vide juridique que la Commission tente de combler en se fondant uniquement sur ledit document AGRI/2005/64043, alors qu’il aurait fallu un règlement du Conseil de l’Union européenne.

128    D’autre part, la République hellénique fait en substance valoir que, même à supposer que le document AGRI/2005/64043 constitue la base juridique nécessaire pour l’imposition des corrections litigieuses relatives à la conditionnalité au titre des années 2007 et 2008, il n’aurait été adopté que le 9 juin 2006, de sorte qu’il ne serait pas applicable en ce qui concerne les corrections imposées au titre de l’année 2006. En déclarant ce document applicable aux demandes d’aides de l’année 2006, la Commission lui aurait attribué un effet rétroactif illégal. Pour ces motifs, la République hellénique considère que les corrections financières imposées pour l’année de demandes 2006 sont dépourvues de base légale et que, pour cette raison, elles doivent également être annulées.

129    La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.

130    L’argument relatif à l’absence d’une base juridique valable pour l’imposition de corrections en matière de conditionnalité ne saurait prospérer. Il y a lieu de relever, à cet égard, que la Commission est en droit d’exclure de l’imputation au Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) l’intégralité des sommes payées si les conditions de leur versement prévues par la réglementation pertinente ne sont pas remplies. En effet, dès qu’elle décèle l’existence d’une violation des dispositions du droit de l’Union dans les paiements effectués par un État membre, la Commission est tenue de procéder à la rectification des comptes (voir arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2012:688, point 280 et jurisprudence citée).

131    Par ailleurs, il convient de rappeler que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, lequel dispose ce qui suit :

« 4. La Commission décide des dépenses à écarter du financement [de l’Union] visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union].

[…]

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non‑conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à [l’Union].

[…] »

132    Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 35 à 39 ci‑dessus, cette disposition constituait une base juridique valable pour l’imposition par la Commission des corrections dans l’hypothèse où elle aurait constaté des manquements de la République hellénique à ses obligations en matière de conditionnalité (voir, par analogie, arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2012:688, point 282).

133    S’agissant de l’application, par la Commission, de la méthode énoncée dans son document AGRI/2005/64043 aux fins du calcul du montant des corrections à imposer, celle‑ci n’avait rien d’illégitime, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 41 et 50 ci‑dessus, lesquelles sont applicables, mutatis mutandis, également au présent moyen.

134    Quant à l’argument relatif au prétendu effet rétroactif illégal que la Commission aurait attribué au document AGRI/2005/64043, il y a lieu de relever que cet argument est fondé sur une prémisse erronée et doit être rejeté.

135    Ainsi que cela a été souligné aux points 130 et 131 ci‑dessus, dès lors que la Commission avait constaté que la République hellénique avait manqué à ses obligations découlant des dispositions relatives à la conditionnalité, elle était en droit d’écarter du financement une partie, voire l’intégralité, des dépenses affectées de cette illégalité.

136    S’agissant du document AGRI/2005/64043, il ressort des considérations exposées au point 133 ci‑dessus que ce document ne constitue pas, comme le soutient à tort la République hellénique, la base juridique des corrections imposées par la décision attaquée en matière de conditionnalité. Il ne fait qu’exposer, dans un souci de transparence et de prévisibilité (voir point 41 ci‑dessus), la méthode que la Commission se propose de suivre pour le calcul des corrections financières à imposer, lorsqu’elle est en droit de le faire. Il convient de souligner, à cet égard, qu’il ressort des considérations exposées au point 135 ci-dessus que, même en l’absence de ce document, la Commission aurait été parfaitement en droit d’imposer une correction si, comme en l’occurrence, elle avait constaté que des dépenses avaient été engagées sans que les conditions prévues par la réglementation pertinente aient été respectées.

137    Il est, certes, exact que le document AGRI/2005/64043 ne date que du 9 juin 2006 et qu’il prévoit, au point 5, que « les principes [qu’il contient] s’appliquent aux dépenses déclarées concernant des demandes d’aide introduites à partir du 1er janvier 2005 par des agriculteurs auxquels le système de la conditionnalité s’applique ».

138    Il ne saurait, pour autant, être question d’une application rétroactive de ce document, comme le fait valoir à tort la République hellénique. En effet, il ressort de tout ce qui précède que ce document expose la méthode qui sera suivie par la Commission pour le calcul des corrections financières à imposer par des décisions postérieures à son adoption. Indépendamment de la question de savoir si la Commission aurait pu faire une application rétroactive de ce document, il ne saurait être question d’une telle application que dans l’hypothèse d’une modification, sur la base de la méthode énoncée dans ce document, d’une décision de la Commission adoptée antérieurement. Tel n’est pas le cas de l’espèce, dès lors que la décision attaquée ne date que du 12 décembre 2013 (voir, par analogie, arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2012:688, point 290).

139    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le septième moyen

140    Par ce moyen, la République hellénique soutient en substance que la première communication du 27 février 2009, envoyée en application de l’article 11 du règlement n° 885/2006, ne respecte pas totalement cette disposition, dans la mesure où elle n’indique pas les résultats des vérifications relatives à l’année 2008. Elle constate d’ailleurs que la Commission avait annoncé, par lettre du 3 juin 2008, que la mission allait être menée quant aux années 2006 et 2007. Or, la première communication du 27 février 2009 ne contiendrait aucune référence à l’année 2008, qui n’a nullement fait l’objet de vérifications lors de l’enquête. Par ailleurs, la République hellénique souligne qu’aucune des informations complémentaires réclamées dans le cadre de ladite première communication ne concernait l’année 2008. La Commission aurait soulevé pour la première fois des questions pour l’année 2008 dans son invitation à la réunion bilatérale du 10 décembre 2010, en se fondant sur des données qui avaient été fournies par les autorités helléniques.

141    Dans ces conditions, la République hellénique fait en substance valoir que la première communication du 27 février 2009 lui a été adressée sans qu’elle ait pu remédier à d’éventuelles déficiences pour respecter à l’avenir les règles de l’Union, de sorte qu’elle n’a pas bénéficié de la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 11 du règlement n° 885/2006 et par l’article 31 du règlement n° 1290/2005. Selon la République hellénique, dès lors que la première communication du 27 février 2009 ne permettait pas de connaître parfaitement les réserves de la Commission, elle ne pourrait pas remplir sa fonction d’avertissement, ce que la jurisprudence exigerait, si bien que la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle impose une correction financière au titre de l’année 2008 en matière de conditionnalité.

142    En tout état de cause, la République hellénique considère que, à supposer que la procédure par laquelle la Commission a constaté des insuffisances de contrôles clés au cours de l’année 2008 soit légale, cette constatation de la Commission et l’application de corrections financières qui en découle résulteraient d’une appréciation erronée des faits et seraient insuffisamment motivées.

143    La Commission s’oppose à ces arguments. S’agissant de la prétendue violation de la garantie procédurale, la Commission fait en particulier valoir que, s’il est vrai que, dans la première communication du 27 février 2009, elle se devait de préciser les irrégularités constatées pour les années 2006 et 2007, il n’en demeure pas moins qu’elle devait prendre en considération le fait que les irrégularités constatées persistaient. La Commission aurait en effet indiqué dans ladite première communication que les irrégularités constatées continueraient de servir de base à une correction financière jusqu’à ce que les mesures correctives nécessaires soient mises en œuvre. Par conséquent, selon la Commission, la République hellénique ne peut prétendre qu’elle n’a pas eu l’occasion de se défendre, puisqu’elle savait dès le début que, tant qu’elle ne prendrait pas les mesures nécessaires, les irrégularités entraîneraient des corrections financières.

144    Elle ajoute, en outre, ne pas saisir la différence invoquée par la République hellénique entre les périodes qui ont expressément fait l’objet d’un contrôle, à savoir les années 2006 et 2007, et la période qui a suivi, au cours de laquelle il n’y a pas eu de mesures correctives, au motif que l’État membre n’a pas eu la possibilité de les prendre en temps utile. En effet, selon la Commission, la non-adoption de mesures correctives concerne à la fois les années 2006 et 2007 ayant fait l’objet de l’enquête et la période qui a suivi jusqu’à l’envoi de la première communication du 27 février 2009. L’État membre concerné a la possibilité de se défendre en ce qui concerne l’ensemble de la période précédant l’envoi de la communication des résultats de l’enquête et il lui appartient de prouver qu’il a entre-temps pris les mesures appropriées. S’il n’apporte pas cette preuve, la Commission peut légitimement conclure que les irrégularités subsistent pendant la période postérieure à l’enquête. Selon elle, le fait que la République hellénique n’ait pas eu l’occasion de prendre des mesures correctives n’est pas pertinent en l’espèce, puisqu’il en va de même pour la période qui a formellement fait l’objet de l’enquête. Elle observe que les irrégularités de 2006 et de 2007 ne pouvaient en tout état de cause pas être corrigées par la première communication du 27 février 2009, tout comme ne pouvaient l’être celles de 2008.

145    Par ce moyen, la République hellénique fait, en substance, grief à la Commission d’avoir appliqué une correction financière au titre de l’année 2008 qui est antérieure à la première communication du 27 février 2009, alors même que, dans cette communication, la Commission n’aurait pas indiqué les résultats des vérifications relatives à ladite année. De ce fait, les autorités helléniques n’auraient pas bénéficié de la garantie procédurale qui leur était accordée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, l’article 11 du règlement n° 885/2006 et l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et n’auraient pas pu exercer leurs droits de la défense en ce qui concerne l’année susmentionnée.

146    Eu égard à la jurisprudence constante en la matière, en particulier à l’arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission (T‑2/11, Rec, EU:T:2013:307), et aux circonstances de la présente affaire, il y a lieu d’accueillir ce moyen.

147    Il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés doivent disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (arrêts du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, Rec, EU:C:1998:27, point 39, et du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, Rec, EU:C:2000:687, point 47).

148    Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter, dans les relations avec les États membres, les conditions qu’elle s’est imposées à elle-même par des règlements d’application. En effet, le non-respect de ces conditions peut, selon son importance, vider de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (voir, par analogie, arrêt du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, EU:T:2009:206, point 27).

149    En outre, l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 ainsi que l’article 31 du règlement n° 1290/2005, d’une part, et l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), et l’article 11 du règlement n° 885/2006, d’autre part, visent la même étape de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, à savoir l’envoi de la première communication par la Commission à l’État membre, à l’issue des contrôles qu’elle a effectués (voir, par analogie, arrêts du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C‑170/00, Rec, EU:C:2002:51, point 27, et Portugal/Commission, point 148 supra, EU:T:2009:206, point 28 et jurisprudence citée).

150    L’article 11 du règlement n° 885/2006 définit les différentes étapes à respecter lors de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA. En particulier, l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement précise le contenu de la première communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres, avant l’organisation de la discussion bilatérale (voir, par analogie, arrêts du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec, EU:C:2005:103, point 68, et du 24 mars 2011, Grèce/Commission, T‑184/09, EU:T:2011:120, point 40). Aux termes de cette disposition, la première communication doit préciser le résultat des vérifications de la Commission à l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles de l’Union en cause. Quant à l’article 8, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, du règlement n° 1663/95, il prévoit que la Commission et l’État membre concerné ont une discussion bilatérale portant sur la base des dépenses que la Commission propose d’exclure du financement et essaient d’arriver à un accord.

151    Il convient de rappeler, par ailleurs, qu’il a d’ores et déjà été jugé que la communication écrite visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 devait être de nature à donner à l’État membre une parfaite connaissance des réserves de la Commission, de sorte qu’elle puisse alors remplir la fonction d’avertissement qui lui est impartie par le premier alinéa de cette disposition et par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec, EU:C:2004:589, point 93, et du 3 mai 2012, Espagne/Commission, C‑24/11 P, Rec, EU:C:2012:266, point 27 ; voir également, par analogie, arrêt Portugal/Commission, point 148 supra, EU:T:2009:206, point 39).

152    Il s’ensuit que, dans la première communication visée par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée par ses services et les carences constatées lors de cette enquête, celles-ci étant susceptibles d’être invoquées ultérieurement comme élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou des chiffres transmis par ces dernières et, ainsi, de justifier les corrections financières retenues dans la décision finale écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné au titre du FEOGA (arrêt Portugal/Commission, point 148 supra, EU:T:2009:206, point 40).

153    En outre, le non-respect de ladite condition imposée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 et à l’article 11 du règlement n° 885/2006 vide de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, qui limite dans le temps les dépenses sur lesquelles peut porter un refus de financement par le FEOGA (voir arrêt Espagne/Commission, point 151 supra, EU:C:2012:266, point 29 et jurisprudence citée).

154    L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 et l’article 11 du règlement n° 885/2006 doivent ainsi être lus en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31 du règlement n° 1290/2005. Selon cette disposition, la Commission ne peut pas exclure les dépenses qui ont été effectuées plus de 24 mois avant qu’elle ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications. Il en résulte que la communication écrite prévue au premier alinéa de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 et à l’article 11 du règlement n° 885/2006 a pour objet d’avertir son destinataire que les dépenses effectuées pendant la période de 24 mois qui précède la notification de cette communication peuvent être exclues du financement par le FEOGA et que, partant, celle-ci constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois ainsi prévu (arrêt Espagne/Commission, point 151 supra, EU:C:2012:266, point 30).

155    n conséquence, afin de remplir sa fonction d’avertissement, notamment à la lumière de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 et à l’article 11 du règlement n° 885/2006 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée. Seule une telle communication est en mesure de garantir une parfaite connaissance des réserves de la Commission et peut constituer l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 (arrêt Espagne/Commission, point 151 supra, EU:C:2012:266, point 31).

156    Conformément à la jurisprudence citée aux points 147 à 155 ci-dessus, il convient d’examiner si la première communication du 27 février 2009 satisfait aux exigences de l’article 11 du règlement n° 885/2006, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 ainsi que l’article 31 du règlement n° 1290/2005, et si elle constituait, par conséquent, une communication régulière en application desdites dispositions.

157    Il y a lieu de rappeler, d’une part, que la Commission a informé, par lettre du 3 juin 2008, les autorités helléniques qu’une mission de contrôle concernant la conditionnalité se déroulerait entre le 7 et le 11 juillet 2008, mission qui devait se concentrer sur les années 2006 et 2007, et, d’autre part, que les résultats de cette mission de contrôle ont été communiqués à la République hellénique par la première communication du 27 février 2009, fondée sur l’article 11 du règlement n° 885/2006 (voir points 9 et 10 ci-dessus).

158    Dans la première communication du 27 février 2009, la Commission a précisé que les « observations et les demandes […] de fournir des éléments supplémentaires concernant l’enquête […] pour les années 2006 et 2007 [étaient] jointes à [ladite première communication] ».

159    La Commission s’est par la suite référée de manière détaillée, dans l’annexe de la première communication du 27 février 2009, intitulée « Observations et demandes d’informations », aux irrégularités constatées pour les années 2006 et 2007 et aux mesures correctives à prendre pour y remédier.

160    Il s’ensuit que, s’agissant des années 2006 et 2007, la première communication du 27 février 2009 identifie de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à la République hellénique pouvant fonder une correction financière, ce qui n’est au demeurant pas contesté par cette dernière.

161    S’agissant de l’année 2008, force est de constater que, ainsi que le relève à juste titre la République hellénique, la première communication du 27 février 2009 ne contient aucun résultat relatif à des vérifications qui auraient été effectuées, ni même aucune réserve à cet égard, cette communication n’ayant d’ailleurs, a priori, d’autre objet que d’informer la République hellénique des résultats des vérifications effectuées lors de la mission de contrôle qui s’est déroulée du 7 au 11 juillet 2008 et qui ne portait que sur les années 2006 et 2007.

162    Il résulte de ce qui précède que, s’agissant de l’année 2008 sur laquelle porte les contestations de la République hellénique et pour laquelle des corrections ont été effectuées dans la décision attaquée, la première communication du 27 février 2009 n’identifie pas, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 147 à 154 ci-dessus, les irrégularités reprochées à l’État membre.

163    La Commission fait toutefois valoir en substance dans ses écritures qu’une correction financière pouvait être appliquée concernant l’année 2008, dès lors que, d’une part, elle avait clairement indiqué dans la première communication du 27 février 2009 que les irrégularités constatées pour les années 2006 et 2007 continueraient de servir de base à une correction financière jusqu’à ce que les mesures correctives nécessaires soient mises en œuvre et que, d’autre part, lesdites irrégularités constatées avaient effectivement persisté.

164    L’argumentation de la Commission revient donc en substance à soutenir que les conditions lui permettaient de procéder par extrapolation dès lors que les irrégularités constatées pour les années 2006 et 2007 persistaient pour l’année 2008. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

165    D’une part, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne saurait être considéré que cette dernière a indiqué clairement dans la première communication du 27 février 2009 que les irrégularités constatées pour les années 2006 et 2007 continueraient de servir de base à une correction financière jusqu’à ce que les mesures correctives nécessaires soient mises en œuvre. Tout au plus a-t-elle indiqué de manière laconique dans la partie introductive de ladite communication que « les irrégularités constatées [constituaient] la base pour des corrections financières qui [devraient] être appliquées en ce qui concerne les dépenses effectuées jusqu’à la mise en œuvre des mesures correctives indiquées ». D’autre part, et en tout état de cause, la première communication doit, conformément à l’article 11 du règlement n° 885/2006, à la suite d’une enquête, comporter les résultats des vérifications de la Commission concernant les dépenses qui n’auraient pas été effectuées conformément aux règles de l’Union par l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles concernées. Par ailleurs, ce sont ces résultats qui constituent la base de toute correction et qui doivent être communiqués à l’État membre concerné aussitôt que possible afin que ce dernier puisse remédier aux déficiences constatées dans les meilleurs délais et, par conséquent, éviter de nouvelles corrections à l’avenir (arrêt Portugal/Commission, point 148 supra, EU:T:2009:206, points 29 et 32).

166    En outre, il ressort tant de l’article 8 du règlement n° 1663/95, tel que modifié, que de l’article 11 du règlement n° 885/2006 que, en l’absence de remède par l’État membre concerné aux irrégularités constatées par la Commission, cette dernière peut, jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives qu’elle a imposées, exclure les dépenses affectées par le non-respect des règles de l’Union.

167    Toutefois, force est de constater que, en l’espèce, les résultats qui constituent la base de la correction n’ont pas été communiqués aussi tôt que possible, puisque les résultats de l’enquête n’ont été communiqués par la Commission que le 27 février 2009, empêchant par là même les autorités helléniques de mettre en œuvre des mesures correctives concernant la campagne de 2008, laquelle était déjà terminée.

168    Certes, selon la jurisprudence, lorsque des irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent après la date de la communication écrite des résultats des vérifications, la Commission doit tenir compte de cette situation lorsqu’elle détermine la période sur laquelle doit porter la correction financière en cause. Cependant, l’obligation pour la Commission de tenir compte d’une situation dans laquelle les irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent ne peut plus intervenir lorsque, comme en l’espèce, la communication écrite a eu lieu à une date à laquelle il était devenu impossible à l’État membre concerné de remédier aux irrégularités constatées, puisque ce n’est qu’à partir du moment où ledit État membre a été informé de cette situation qu’il pouvait encore y remédier. Toute autre interprétation conduirait à autoriser la Commission à procéder à une correction financière pour une période antérieure à la date de la première communication des vérifications sans que l’État membre ait été préalablement informé et mis en mesure de remédier auxdites irrégularités (voir arrêt Portugal/Commission, point 146 supra, EU:T:2013:307, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

169    Il s’ensuit que l’obligation pour la Commission de procéder à de telles corrections financières ne saurait s’étendre à une période qui n’était pas couverte par la mission de contrôle et qui était antérieure à la date de la première communication du 27 février 2009, dans la mesure où l’État membre, n’étant informé des irrégularités constatées qu’après la clôture de la campagne concernée, n’a pu prendre à temps aucune mesure corrective alors même que l’un des objectifs de cette communication est précisément de permettre à l’État membre de mettre en œuvre des mesures correctives afin de remédier aux carences constatées et que, à défaut de mise en œuvre de telles mesures, la Commission peut, sans devoir apporter de preuve supplémentaire, procéder, à l’avenir, à des corrections financières (voir, en ce sens, arrêt Portugal/Commission, point 146 supra, EU:T:2013:307, points 85 et 86).

170    Par ailleurs, il ne saurait être soutenu, ainsi que le fait la Commission, que les conditions lui permettaient de procéder par extrapolation dès lors que les irrégularités constatées pour les années 2006 et 2007 persistaient pour l’année 2008, sans porter atteinte à la fonction même d’avertissement qui est inhérente à la nature de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 (voir, par analogie, arrêt Portugal/Commission, point 146 supra, EU:T:2013:307, points 87 à 91).

171    En l’espèce, si la première communication du 27 février 2009 identifie de manière suffisamment précise les irrégularités reprochées à la République hellénique sur la base des données de contrôle portant sur les années 2006 et 2007, ce qui n’est au demeurant pas contesté, en revanche, force est de constater que cette même communication ne contient aucune observation concernant l’année 2008, quand bien même la nature des irrégularités reprochées en ce qui concerne cette année ne serait pas différente de celle des irrégularités constatées en 2006 et en 2007 et même si ces irrégularités persistaient.

172    Ainsi, la première communication du 27 février 2009 ne saurait être invoquée au soutien de corrections financières au titre de l’année 2008, dans la mesure où, en particulier, elle ne pouvait pas permettre à l’État membre concerné de remédier, au sens de la jurisprudence susmentionnée, aux irrégularités constatées lors de la mission de contrôle qui s’est déroulée du 7 au 11 juillet 2008 et qui était relative aux années 2006 et 2007.

173    Il résulte de ce qui précède que le septième moyen doit être accueilli, de sorte qu’il convient d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a procédé à une correction financière au titre de l’année 2008 en matière de conditionnalité.

174    Il convient, dès lors, de préciser que, en raison de l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne l’année 2008 en matière de conditionnalité, le huitième moyen ne devra être examiné qu’au regard des années 2006 et 2007.

 Sur le huitième moyen

175    Par ce moyen, lequel est divisé en deux branches, la République hellénique fait en substance valoir que, en appliquant une correction de 5 % pour les années 2006 et 2007, la Commission a, d’une part, dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation et, d’autre part, commis une erreur dans la détermination de la base de calcul de la correction forfaitaire.

–       Sur la première branche

176    Au soutien de cette branche, la République hellénique dresse une liste des arguments qu’elle avait formulés lors de la procédure administrative d’apurement, en particulier devant l’organe de conciliation, en ce qui concerne les constatations faites par la Commission au titre des années 2006 et 2007.

177    En outre, après avoir rappelé les constatations de l’organe de conciliation faites au point 6.2 de son rapport compte tenu des arguments avancés par les autorités helléniques et après avoir étudié les données du dossier et pris en considération les informations fournies au cours des auditions, la République hellénique souligne que l’organe de conciliation proposait que, « [s]ur la base des informations reçues pendant la procédure de conciliation, les services réexaminent si la situation et le risque encouru par le Fonds en 2006 et en 2007 étaient, en réalité, différents de ceux de 2008 au point de justifier pleinement l’application d’une correction de 5 % (à l’ensemble de la population) en 2006 et [en] 2007, contre une correction de 2 % pour 2008 ».

178    Or, la République hellénique fait grief à la Commission de ne pas s’être conformée aux recommandations de l’organe de conciliation, de ne pas avoir procédé audit réexamen et, au final, d’avoir maintenu sa correction initialement proposée de 5 %, sans faire valoir aucune justification spécifique capable de remettre en cause les données présentées à l’organe de conciliation et les conclusions auxquelles était parvenu cet organe sur la base desdites données. De l’avis de la République hellénique, en agissant ainsi, la Commission aurait outrepassé son pouvoir d’appréciation et n’aurait pas suffisamment motivé la décision attaquée.

179    La Commission conteste les arguments invoqués par la République hellénique au soutien de cette branche.

180    Il y a lieu de relever que l’argumentation présentée par la République hellénique dans ses écritures, et en particulier dans la réplique, revient en substance à soutenir que la Commission était liée par les conclusions de l’organe de conciliation ainsi que par la proposition de réexaminer la situation faite par ce dernier.

181    Toutefois, il suffit de rappeler à cet égard que la procédure de conciliation est régie par le règlement n° 885/2006. Or, aux termes de l’article 12, sous b) et c), du règlement n° 885/2006, l’organe de conciliation a pour fonction « b) de tenter de rapprocher les positions divergentes de la Commission et de l’État membre concerné ; c) d’établir, à l’issue de ses travaux, un rapport sur le résultat de ses efforts de conciliation, accompagné de toute observation qu’il estime utile au cas où le différend subsisterait, en totalité ou en partie ». Il en résulte que la position prise par l’organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d’apurement des comptes (arrêt Grèce/Commission, point 34 supra, EU:T:2014:934, point 161).

182    Quant au grief fait à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêt du 21 octobre 1999, Allemagne/Commission, C‑44/97, Rec, EU:C:1999:510, point 21).

183    En l’espèce, il ressort du dossier que la République hellénique a été associée au processus d’élaboration de la décision attaquée. En effet, les incertitudes que la Commission éprouvait notamment quant aux rapports de contrôle pour les années 2006 et 2007 ont été portées à plusieurs reprises à l’attention des autorités hellénique tant oralement que par écrit, des discussions ont eu lieu et l’organe de conciliation a été saisi. De surcroît, après avoir rappelé, respectivement, les arguments de la République hellénique, sa position avant la procédure de conciliation ainsi que l’avis de l’organe de conciliation s’agissant des constatations litigieuses, la Commission a précisé qu’elle maintenait sa position.

184    Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que la motivation de la décision attaquée était insuffisante.

185    Eu égard aux considérations qui précèdent, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé des arguments formulés par la République hellénique lors de la procédure administrative d’apurement, en particulier devant l’organe de conciliation, dont il n’apparaît pas clairement s’ils sont invoqués en tant que grief dans le cadre du présent recours, il y a lieu de rejeter la première branche du huitième moyen comme non fondée.

186    À titre subsidiaire, à supposer qu’il faille considérer que la République hellénique ait souhaité invoquer les arguments présentés lors de la procédure d’apurement en tant que grief dans le cadre du présent recours, force est de constater que de tels arguments devraient être rejetés comme étant irrecevables au motif qu’ils ne répondent pas aux exigences minimales de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991. En tout état de cause, les différents arguments énumérés par la République hellénique auraient dû être rejetés comme étant non fondés, ainsi que le soutient la Commission dans ses écritures.

187    En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, la République hellénique invoque et décrit les modèles de rapports de contrôle utilisés pour les années 2006 et 2007 et les obligations générales qui incombaient aux contrôleurs, sans toutefois répondre aux griefs de la Commission selon lesquels ces modèles ne permettaient pas d’indiquer les contrôles effectués pour chaque norme et chaque exigence de sorte qu’il était impossible de disposer d’informations suffisantes sur le type et l’étendue des contrôles réellement effectués.

188    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du huitième moyen.

–       Sur la seconde branche

189    Au soutien de cette branche, la République hellénique fait valoir que la détermination de l’assiette de calcul de la correction imposée sur la base du document AGRI/2005/64043 est erronée et que, par conséquent, la motivation sur ce point de la décision attaquée est insuffisante et contradictoire.

190    En ce qui concerne la correction pour l’année 2008, dont elle estime qu’elle doit être annulée dans son ensemble, elle affirme, à titre subsidiaire, qu’en aucun cas elle ne doit être calculée sur la base du total des paiements directs. Elle estime que doivent être exclus de ce total les paiements directs en matière d’élevage au motif qu’aucune irrégularité n’a été constatée par la Commission dans ce domaine au titre de ladite année. Par ailleurs, étant donné que l’année 2007 était la première année d’application obligatoire de la conditionnalité aux paiements agroenvironnementaux du règlement (CE) n °1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO L 277 p. 1), dont une partie constitue la base de calcul des corrections concernées, la République hellénique considère que la base de calcul aurait dû être de 3 % pour 2007 et de 6 % en 2008 et non de 10 % pour ces deux années.

191    La Commission conteste les arguments invoqués par la République hellénique au soutien de cette branche.

192    Il convient de constater, d’emblée, que l’argumentation avancée par la République hellénique à l’appui de la présente branche du huitième moyen est quelque peu ambiguë, dans la mesure où, bien que cette dernière évoque une motivation « insuffisante » et « contradictoire » de la décision attaquée, elle avance des allégations qui, si elles étaient établies, démontreraient que ladite décision est entachée d’une illégalité quant au fond. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 67, et du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec, EU:C:2001:178, point 35). Par ailleurs, il a déjà été rappelé que, dans le contexte de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (voir point 182 ci-dessus). Or, il ressort du dossier ainsi que, notamment, du point 13.1.6 du rapport de synthèse que la Commission a fourni à la République hellénique une motivation suffisante pour justifier, en l’espèce, la détermination de l’assiette de calcul de la correction imposée, indépendamment de la question du bien‑fondé de cette motivation. C’est cette dernière question qui est concernée par l’argumentation de la République hellénique avancée dans le cadre de la seconde branche du huitième moyen et il convient, par conséquent, de conclure que, malgré la terminologie ambiguë utilisée dans ses écritures, la République hellénique conteste, en substance, la légalité quant au fond de la décision attaquée sur ce point, et non le caractère suffisant de sa motivation.

193    À cet égard, il convient de relever que, indépendamment du caractère nullement étayé de l’affirmation de la République hellénique s’agissant de l’année 2008, dès lors que la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne l’année 2008 en matière de conditionnalité (voir point 174 ci-dessus), il n’y a plus lieu d’examiner les arguments de la République hellénique relatifs à cette année.

194    Quant au grief relatif à l’année 2007, il convient de souligner que la République hellénique se borne à affirmer dans la requête que, « étant donné que l’année 2007 était la première année d’application obligatoire de la conditionnalité aux paiements agroenvironnementaux du règlement n° 1698/2005, dont une partie constitue la base de calcul des corrections concernées, c’est à tort que la Commission n’a pas calculé ladite base pour cette première année au taux réduit de 3 % […], mais qu’au contraire, comme cela ressort de ses calculs détaillés inclus dans sa [position finale] prise après l’avis de l’organe de conciliation, la base d’application du montant de correction au titre de [cette année] est fixée à 10 % ».

195    Force est de constater qu’aucune argumentation spécifique, claire et cohérente n’est développée au soutien de cette simple affirmation. La République hellénique ne précise notamment nullement quelle disposition du règlement n° 1698/2005 ou du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement n° 1782/2003 (JO L 141, p. 18), permettrait d’étayer son affirmation.

196    En conséquence, ce grief doit être rejeté comme étant irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

197    En tout état de cause, quand bien même ce grief aurait été recevable, il y aurait eu lieu de le rejeter comme étant non fondé.

198    En effet, ainsi que le soutient la Commission, il apparaît que, conformément à l’article 81 du règlement n° 796/2004, la première année d’application de ce règlement concernant la conditionnalité était l’année 2005, de sorte que l’année 2006 est la deuxième année d’application et que les années 2007 et 2008 sont respectivement les troisième et quatrième années d’application dudit règlement.

199    Contrairement à ce que prétend en substance la République hellénique, il ne saurait être valablement soutenu que la Commission aurait dû estimer que, pour les bénéficiaires à la fois des aides agroenvironnementales et du paiement unique, la première année d’application de la conditionnalité était l’année 2007, c’est-à-dire l’année à compter de laquelle le règlement n° 1698/2005 a été applicable. En effet, ainsi que le souligne en substance la Commission, sans être contestée par la République hellénique, même si des agriculteurs ont bénéficié d’aides agroenvironnementales uniquement à partir de 2007, il n’en demeure pas moins que, en tant que bénéficiaires du paiement unique, ces bénéficiaires étaient soumis aux obligations prévues par le règlement n° 796/2004 en matière de conditionnalité, dont la première année d’application était l’année 2005.

200    Par ailleurs, s’agissant de l’argument selon lequel, en substance, la Commission aurait dû déterminer la base des corrections imposées en distinguant ces deux catégories de bénéficiaires au lieu de procéder à une assimilation générale, il aurait également dû être rejeté dès lors, notamment, qu’il est soulevé par la République hellénique pour la première fois dans la réplique, si bien qu’il aurait dû être déclaré irrecevable en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, aux termes duquel la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

201    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la seconde branche du huitième moyen ainsi que le huitième moyen dans son ensemble.

202    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle impose à la République hellénique une correction forfaitaire relative à l’octroi des droits de la réserve nationale (voir points 87 à 101 ci-dessus) et en ce que la Commission a appliqué à la République hellénique une correction financière au titre de l’année 2008 en matière de conditionnalité (voir points 140 à 174 ci-dessus). Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

203    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a donc lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution 2013/763/UE de la Commission, du 12 décembre 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en tant qu’elle impose à la République hellénique une correction forfaitaire relative à l’octroi des droits de la réserve nationale et en ce que la Commission européenne a appliqué à la République hellénique une correction financière au titre de l’année 2008 en matière de conditionnalité.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 2015.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Enquête relative au régime des droits au paiement unique

Enquête relative aux obligations en matière de conditionnalité

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les cinq premiers moyens relatifs aux corrections financières appliquées dans le cadre du régime des droits au paiement unique

Sur le premier moyen

– Sur la deuxième branche, relative au défaut de base juridique pour appliquer les orientations et à une erreur d’appréciation dans le cadre de leur application

– Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

Sur le deuxième moyen

Sur le troisième moyen

Sur le quatrième moyen

Sur le cinquième moyen

– Sur la première branche, tirée de l’application de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 à des carences concernant les critères d’octroi des droits de la réserve nationale

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’imposition des corrections forfaitaires de 5 et de 10 %

Sur les trois derniers moyens concernant les corrections forfaitaires appliquées dans le domaine de la conditionnalité

Sur le sixième moyen

Sur le septième moyen

Sur le huitième moyen

– Sur la première branche

– Sur la seconde branche

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.