Language of document : ECLI:EU:T:2013:599

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

11 novembre 2013 (*)

« Référé – Protection de la santé et de la sécurité des consommateurs et des travailleurs face aux risques découlant de l’utilisation des machines – Mesure prise par les autorités danoises interdisant un type d’engin de terrassement multifonction dépourvu d’une structure de protection appropriée – Décision de la Commission déclarant la mesure justifiée – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑337/13 R,

CSF Srl, établie à Grumolo delle Abbadesse (Italie), représentée par Mes R. Santoro, S. Armellini et R. Bugaro, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Zavvos, en qualité d’agent, assisté de MM. Pappalardo, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision 2013/173/UE de la Commission, du 8 avril 2013, relative à une mesure prise par le Danemark, conformément à l’article 11 de la directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil, interdisant un type d’engin de terrassement multifonction (JO L 101, p. 29),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Issue d’une entreprise familiale active dans le secteur agricole depuis plusieurs décennies, la requérante, CSF Srl, a été fondée en 1998, dans l’intention de concevoir, de produire et de vendre des véhicules porte-outils multifonctionnels. La requérante commercialise ses produits dans le monde (Europe, Amérique du Nord et du Sud, Australie et Asie) à travers un réseau de distributeurs et de revendeurs. es engins multifonctions sont ainsi dénommés, parce que, en fonction des accessoires dont ils sont dotés, ils peuvent être utilisés à différentes fins, du jardinage à l’agriculture, en passant par le bâtiment, et les travaux forestiers.

2        L’objet du présent litige est un véhicule appelé Multione S630 (ci-après l’« engin litigieux »), à savoir un engin de terrassement multifonction, muni du marquage CE de conformité, qui peut être équipé d’une panoplie d’accessoires permettant d’effectuer un grand nombre de tâches dans des domaines tels que la sylviculture, l’agriculture, le jardinage, l’aménagement du paysage, les excavations, l’entretien des routes et la construction. L’engin litigieux est commercialisé au Danemark depuis décembre 2009.

3        Le litige porte plus particulièrement sur la nécessité d’une structure de protection spécifique qui, ajoutée au toit, sert à protéger le conducteur en cas de chute d’objets, à savoir la « Falling objects protective structure » (FOPS, structure de protection contre la chute d’objets), lorsque l’engin litigieux est utilisé pour accomplir des activités qui, de par leur nature ou de par le lieu où elles se déroulent, exposent le conducteur à un tel risque.

4        En 2011 et 2012, les autorités de surveillance des marchés danois et suédois ont réalisé une enquête conjointe afin de contrôler le respect, par certains fabricants de machines, des exigences prévues à la directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE (JO L 157, p. 24). Lors de l’enquête, les autorités danoises responsables de l’inspection du travail (ci-après les « autorités danoises ») ont examiné 29 modèles d’engins de terrassement fabriqués par 21 producteurs. Parmi ces engins, 13 modèles étaient des engins multifonctions semblables à l’engin litigieux fabriqué par la requérante. Il ressort de l’enquête que six modèles étaient déjà équipés de la FOPS au moment de leur inspection, que quatre modèles ont été équipés de la FOPS à la suite d’une demande de mesures correctrices formulée par les autorités danoises et que, pour un modèle, ces autorités ont estimé qu’une FOPS n’était pas nécessaire compte tenu de la taille réduite de l’engin ; enfin, deux producteurs, à savoir la requérante et le fabricant finlandais Avant Techno Oy, ont refusé de donner suite aux demandes des autorités danoises et d’installer une FOPS sur les engins qu’ils commercialisaient au Danemark.

5        Dans ce contexte, par lettre du 9 juin 2011, les autorités danoises ont informé la requérante que l’engin litigieux ne leur semblait pas conforme aux exigences essentielles de sécurité et de protection de la santé prévues à la directive 2006/42 et lui ont annoncé l’éventualité d’une interdiction de mise sur le marché, en cas de désaccord, et d’une communication du dossier à la Commission conformément à l’article 11 de la directive 2006/42. Par lettre du 18 novembre 2011, les autorités danoises ont précisé que, si la requérante décidait volontairement d’installer une FOPS sur tous les engins litigieux déjà vendus sur le marché danois et destinés à être mis sur ce marché, ce dossier serait considéré comme clos et aucune mesure supplémentaire ne serait prise.

6        En réponse à ces lettres, la requérante a fait valoir que la majeure partie des utilisations auxquelles l’engin litigieux était destiné ne comportait aucun risque de chute d’objets ou de matériaux sur le conducteur. Ainsi, lorsqu’il était utilisé comme fourche à foin, comme tondeuse, comme chasse-neige ou ramasse-feuilles, la FOPS n’était, de l’avis de la requérante, pas nécessaire. Selon la requérante, l’obligation pour l’engin litigieux d’être équipé de la FOPS ne peut raisonnablement être imposée que lorsque l’engin litigieux est utilisé pour l’accomplissement d’activités qui exposent effectivement à un risque de chute d’objets ou de matériaux, un tel risque n’étant présent qu’en cas d’utilisation d’accessoires tels qu’une benne à sable, une benne à surélévation, une benne grand volume, une hampe de levage, une fourche lève palettes ou une pince pour troncs.

7        La requérante a ajouté que, dans les cas où l’engin litigieux était commandé dès le départ avec un accessoire nécessitant la FOPS, il était vendu avec cette dernière, alors que, dans les cas où un tel accessoire était acheté séparément de l’engin litigieux, il appartenait à l’utilisateur d’en faire la demande, selon ses besoins, étant entendu que le montage de la FOPS était ensuite réalisé par le revendeur. Elle a précisé que les indications relatives à l’obligation pour l’engin litigieux d’être équipé de la FOPS, en fonction des accessoires utilisés, étaient reprises dans le manuel d’instructions de l’engin litigieux, dans le manuel d’instructions relatif à l’accessoire concerné et sur le site Internet de la requérante.

8        Eu égard au refus de la requérante de se conformer à la demande d’installer une FOPS sur l’engin litigieux (voir point 4 ci-dessus), les autorités danoises ont décidé, par lettre du 31 janvier 2012, d’interdire la commercialisation, au Danemark, de l’engin litigieux dépourvu de la FOPS et ont exigé de la requérante de prendre toutes les mesures nécessaires pour équiper de la FOPS les engins déjà commercialisés sur le marché danois ou pour retirer ces derniers dudit marché (ci-après la « mesure danoise »). La mesure danoise était motivée par la non-conformité de l’engin litigieux au point 3.4.4 de l’annexe I de la directive 2006/42, selon lequel « [l]orsque pour une machine automotrice avec conducteur […], il existe un risque dû à des chutes d’objets ou de matériaux, la machine doit être conçue et construite de manière à tenir compte de ces risques et être munie, si ses dimensions le permettent, d’une structure de protection appropriée ». Selon les autorités danoises, l’engin litigieux a été mis sur le marché sans structure de protection appropriée, bien que plusieurs fonctions pour lesquelles il est conçu exposent le conducteur à ce risque.

9        La mesure danoise comportait une indication des voies de droit disponibles, aux termes de laquelle la requérante pouvait s’adresser, dans un délai de quatre semaines, à l’instance danoise compétente, sans que cette saisine ait un effet suspensif. En outre, la requérante a été informée que la mesure danoise serait notifiée à la Commission européenne et aux autres États membres, en application de la procédure de sauvegarde prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2006/42.

10      Après avoir pris connaissance de la mesure danoise, la requérante a pris les mesures nécessaires pour satisfaire aux obligations prévues par cette mesure. À cet effet, elle a équipé d’une FOPS tous les engins litigieux qui avaient déjà été vendus sur le marché danois, au nombre de dix, ainsi que ceux qui étaient destinés à être mis en vente sur ce marché.

11      Par ailleurs, eu égard au refus de l’entreprise Avant Techno Oy de se conformer à la demande d’installer une FOPS sur les engins multifonctions du type Avant (voir point 4 ci-dessus), les autorités danoises ont adopté, le 28 février 2013, une décision – semblable à la mesure danoise prise à l’encontre de la requérante – ordonnant, en substance, l’interdiction de commercialiser au Danemark les engins dépourvus de FOPS.

12      Conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2006/42, la mesure danoise a été signifiée à la Commission et aux autres États membres. La Commission, après avoir ouvert la phase de consultation au sens de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2006/42, a invité la requérante à émettre ses observations. Celle-ci a réitéré l’argumentation qu’elle avait déjà présentée aux autorités danoises.

13      À l’issue de cette consultation, la Commission a adopté, le 8 avril 2013, la décision 2013/173/UE relative à une mesure prise par le Danemark, conformément à l’article 11 de la directive 2006/42, interdisant un type d’engin de terrassement multifonction (JO L 101, p. 29 ; ci-après la « décision attaquée »). Dans l’article 1er de la décision attaquée, la Commission déclare justifiée la mesure danoise interdisant la mise sur le marché de machines du type de l’engin litigieux, dépourvues d’une FOPS, et exigeant que la requérante prenne des mesures correctives pour les engins déjà commercialisés. Aux termes de son article 2, la décision attaquée est adressée aux États membres.

14      À titre de motivation, la Commission rappelle, d’abord, le texte du point 1.1.2, sous a), de l’annexe I de la directive 2006/42, selon lequel toute machine doit être conçue et construite pour être apte à assurer sa fonction et pour que l’on puisse la faire fonctionner, la régler et l’entretenir sans exposer quiconque à un risque lorsque ces opérations sont effectuées dans les conditions prévues par le fabricant, « mais en tenant également compte de tout mauvais usage raisonnablement prévisible ». Ensuite, elle constate que, dans le cas d’une machine multifonction telle que l’engin litigieux, même si elle est initialement conçue pour fonctionner dans des conditions qui n’entraînent pas de risque dû à des chutes d’objets ou de matériaux, il est probable qu’elle soit utilisée, au cours de sa durée d’existence prévisible, dans d’autres conditions, qui exposeront les opérateurs à un tel risque. Par conséquent, ce risque devrait être pris en compte lors de la conception et de la construction de la machine. Selon la Commission, les machines du type de l’engin litigieux, dépourvues de la FOPS, ne sont donc pas conformes au point 3.4.4 de l’annexe I de la directive 2006/42, cette non-conformité exposant leurs conducteurs à un risque sérieux de blessure dû à des chutes d’objets ou de matériaux.

15      En ce qui concerne la décision d’interdiction prise par les autorités danoises à l’encontre de l’entreprise Avant Techno Oy (voir point 11 ci-dessus), elle a également été transmise à la Commission et aux autres États membres en vertu de l’article 11 de la directive 2006/42. La procédure administrative ouverte par la Commission à cet égard est toujours en cours.

16      À la suite de l’adoption de la décision attaquée, le distributeur lituanien de la requérante a informé celle-ci que les autorités lituaniennes compétentes avaient déclaré que l’engin litigieux ne respectait pas les normes et avaient réclamé une régularisation moyennant l’installation d’une FOPS sur les engins commercialisés ou présents sur le marché lituanien. Un message faisant état de démarches semblables des autorités finlandaises a été adressé à la requérante par son distributeur finlandais. De plus, la requérante a été informée par ses distributeurs danois, finlandais et allemand d’une baisse des ventes de l’engin litigieux, dont la cause serait à attribuer à l’adoption de la décision attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2013, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée. À l’appui de son recours, elle dénonce, d’une part, une violation de la directive 2006/42, en ce que la Commission aurait négligé le fait que le manuel d’instructions de l’engin litigieux prévoyait obligatoirement la FOPS dans tous les cas pour lesquels cet engin était destiné à un usage exposant le conducteur à un risque de chute d’objets ou de matériaux, et, d’autre part, une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que la Commission aurait prévu des mesures restrictives uniquement pour l’engin litigieux, alors que la mise sur le marché danois de plusieurs autres machines multifonctions du même type que l’engin litigieux était autorisée sans obligation pour celles-ci d’être équipées de la FOPS.

18      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 août 2013, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 17 septembre 2013, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de sursis à exécution ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      La requérante a répliqué aux observations de la Commission par mémoire du 25 septembre 2013. La Commission a pris définitivement position sur celui-ci par mémoire du 3 octobre 2013.

 En droit

21      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du président du Tribunal du 17 janvier 2013, Slovénie/Commission, T‑507/12 R, non publiée au Recueil, point 6, et la jurisprudence citée).

22      En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant l’intervention de la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir ordonnance Slovénie/Commission, précitée, point 7, et la jurisprudence citée).

23      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (voir ordonnance Slovénie/Commission, précitée, point 8, et la jurisprudence citée). Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

24      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

25      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

26      Dans ce contexte, la requérante affirme qu’elle subirait un triple préjudice grave et irréparable si l’exécution de la décision attaquée n’était pas suspendue : un préjudice lié à la perte de ses parts de marché, un préjudice patrimonial et un préjudice porté à sa réputation. La décision attaquée, qui lui aurait déjà causé un grave préjudice en l’obligeant à équiper d’une FOPS tous les modèles vendus et mis en vente au Danemark, continuerait à lui causer ce même préjudice, alors qu’aucune FOPS ne serait demandée pour les machines multifonctions vendues par ses concurrents. Un autre préjudice, beaucoup plus grave, serait sur le point de se produire du fait que la décision attaquée impose également aux autres États membres, auxquels elle a été notifiée en tant que destinataires, une interprétation de la directive 2006/42 selon laquelle l’engin litigieux doit être systématiquement équipé de la FOPS, même lorsqu’il est livré pour fonctionner dans des conditions qui n’entraînent pas de risque dû à des chutes d’objets ou de matériaux.

27      Quant à la perte de ses parts de marché, la requérante précise que l’interdiction de commercialiser l’engin litigieux sans la FOPS sur le marché danois et la possibilité que cette interdiction soit étendue au territoire des autres États membres implique pour elle le risque que ses parts de marché soient reprises par des concurrents qui peuvent vendre leurs machines multifonctions avec une FOPS optionnelle. Bien que la Commission ait reconnu que la mesure danoise devrait concerner de la même façon toutes les machines multifonctions similaires, cette mesure ainsi que la décision attaquée ne viseraient que l’engin litigieux fabriqué par la seule requérante. Cela expliquerait que certains distributeurs de la requérante ont dû déplorer une baisse significative de ses ventes, de nombreux consommateurs préférant se tourner vers les machines similaires de ses concurrents. Les concurrents de la requérante seraient ainsi avantagés du fait que la décision attaquée a fait naître l’idée fausse que la requérante serait le seul fabricant de machines dangereuses et non conformes aux normes de sécurité.

28      Se référant à l’ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission (T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781, points 135 et suivants), la requérante ajoute qu’une exécution de la décision attaquée pourrait causer une atteinte irréparable à sa réputation, dès lors que la Commission met en doute la sécurité de ses produits. À ce propos, elle rappelle que ses revendeurs se plaignent d’un recul de ses ventes précisément dû au fait que les utilisateurs de machines multifonctions considèrent celles de la requérante comme étant moins sûres que les modèles de ses concurrents. Renvoyant toujours à l’ordonnance IMS/Commission, précitée (points 142, 143 et 150), elle soutient que ce préjudice à sa réputation est grave, puisqu’il est susceptible d’avoir des effets dans tous les États membres et, par conséquent, sur tous les marchés sur lesquels elle opère, qu’il est difficilement réparable pour elle et qu’il est de nature à mettre en péril l’ensemble de son activité.

29      S’agissant du risque de préjudice patrimonial, la requérante affirme être un petit producteur qui dispose d’un seul établissement employant 40 salariés. Les ventes totales de l’engin litigieux représenteraient 40 % du chiffre d’affaires annuel total de l’entreprise requérante ; 70 % de ces ventes seraient réalisées sur le marché de l’Union. Dans l’Union, 250 exemplaires de l’engin litigieux auraient été vendus. Compte tenu de l’incidence des frais de transport et de la difficulté de retrouver les clients auxquels ils ont été vendus, le coût des différentes interventions correctrices qui devraient être demandées par les autres États membres s’élèverait entre 1 500 et 2 000 euros par engin, soit un coût total pouvant aller jusqu’à 500 000 euros. À cela s’ajouterait le coût nécessaire au montage de la FOPS sur les nouveaux modèles et le manque à gagner du fait que ces modèles coûteraient plus cher que ceux des concurrents qui prévoient une FOPS optionnelle. Enfin, il ne saurait être exclu que la requérante s’expose à des recours en indemnité de la part de ses acheteurs si les engins que ceux-ci lui ont achetés devaient être retirés du marché, ce qui serait de nature à aggraver sa situation financière.

30      La Commission rétorque que, pour les trois types de préjudice invoqués, la requérante n’a pas démontré l’urgence du sursis à exécution sollicité.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir personnellement un préjudice de cette nature. Si l’imminence du préjudice allégué ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance Slovénie/Commission, précitée, point 14, et la jurisprudence citée).

32      En outre, il est de jurisprudence bien établie que, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué [voir ordonnance du vice-président de la Cour du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), non encore publiée au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée]. Dans ce contexte, il a été jugé que ledit préjudice doit résulter des effets produits par le seul acte litigieux et non d’un manque de diligence de la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président du Tribunal du 15 juillet 2008, CLL Centres de langues/Commission, T‑202/08 R, non publiée au Recueil, point 73 ; voir également, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 28 mai 1975, Könecke/Commission, 44/75 R, Rec. p. 637, point 3, et du 22 avril 1994, Commission/Belgique, C‑87/94 R, Rec. p. I‑1395, points 38 et 42). Selon cette même jurisprudence, à défaut d’avoir fait preuve de toute la diligence que devrait montrer une entreprise prudente et avertie, la partie qui demande des mesures provisoires doit supporter même des préjudices dont elle prétend qu’ils sont susceptibles de mettre en péril son existence ou de modifier de manière irrémédiable sa position sur le marché (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 1er février 2001, Free Trade Foods/Commission, T‑350/00 R, Rec. p. II‑493, points 50, 51 et 59, et CLL Centres de langues/Commission, précitée, point 74).

33      En l’espèce, il ressort du dossier que le triple préjudice grave et irréparable allégué repose, en substance, sur la prémisse selon laquelle la décision attaquée, en considérant le seul engin litigieux (dépourvu de la FOPS) comme non conforme aux normes de sécurité prévues à la directive 2006/42, pénalise la seule requérante et la désavantage ainsi par rapport à de nombreuses entreprises concurrentes actives sur le marché de l’Union, qui peuvent continuer à commercialiser sans la FOPS leurs propres machines multifonctions semblables à l’engin litigieux, ce qui risquerait d’entraîner l’éviction de la requérante de la totalité du marché de l’Union.

34      Dans son mémoire du 25 septembre 2013, la requérante précise, à cet égard, qu’« il est clair que le préjudice grave et irréparable ne résultait pas, pour [elle], de la mesure [danoise], qui ne limitait la circulation de [l’engin litigieux] que sur le marché danois, mais de la décision [attaquée] ayant imposé son interprétation pénalisante de la directive [2006/42] dans tous les pays européens, en excluant [la requérante] d’un marché immense sur lequel elle réalise 70 % du chiffre d’affaires annuel de [l’engin litigieux] qui lui-même représente 40 % de son chiffre d’affaires total ».

35      Or, force est de constater que la requérante, si elle avait fait preuve d’une diligence raisonnable telle qu’elle peut être attendue d’un opérateur économique prudent et averti, aurait aisément pu éviter l’adoption de la mesure danoise. En effet, à la suite de la lettre des autorités danoises du 18 novembre 2011 (voir point 5 ci-dessus), il lui aurait suffi d’équiper volontairement d’une FOPS les dix engins litigieux présents sur le marché danois, pour amener ces autorités à s’abstenir de déclencher la procédure de sauvegarde prévue à l’article 11 de la directive 2006/42. De telles mesures correctrices limitées au seul marché danois – que la requérante a, de toute façon, prises après l’adoption de la mesure danoise – ne lui auraient, à l’évidence et de son propre aveu, causé aucun préjudice grave et irréparable.

36      En l’espèce, la requérante aurait été particulièrement bien avisée de prendre ces mesures sur une base volontaire, du fait que les autorités danoises avaient, dans la lettre du 9 juin 2011, attiré son attention sur l’éventualité d’une interdiction de mise sur le marché et d’une communication du dossier à la Commission conformément à l’article 11 de la directive 2006/42 (voir point 5 ci-dessus). Ainsi, la requérante devait s’attendre à ce qu’une carence de sa part comportait le risque que les autorités danoises adopteraient une mesure d’interdiction de mise sur le marché, que cette mesure serait déclarée justifiée par décision de la Commission et que cette décision produirait des effets, en vertu du régime de la directive 2006/42, dans tous le États membres de l’Union. Il aurait donc incombé à la requérante, en opérateur économique prudent et averti, d’éviter l’adoption de la mesure danoise.

37      Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, après l’adoption de la mesure danoise, il aurait incombé à la requérante de faire preuve d’une diligence raisonnable en contestant cette mesure devant le juge danois et d’assortir son recours d’une demande en référé, afin d’éviter autant que possible le déclenchement de la procédure de l’article 11 de la directive 2006/42. En effet, la requérante a été informée, dans le texte de la mesure danoise, de la possibilité de saisir l’instance nationale compétente et, à défaut d’effet suspensif de cette saisine, de la nécessité de solliciter l’octroi de mesures provisoires (voir point 9 ci-dessus), ce qui aurait dû l’inciter à dénoncer, devant le juge danois, l’inégalité de traitement dont elle se plaignait par rapport à ses concurrents autorisés à vendre sur le marché danois leurs machines multifonctions sans la FOPS. Ainsi qu’il peut être déduit de l’ordonnance IMS/Commission, précitée (points 79 à 85), relative à une réglementation comparable au régime instauré par l’article 11 de la directive 2006/42, la saisine de la Commission en vue de se prononcer, en vertu de cette disposition, sur la justification de la mesure danoise supposait, à première vue, que cette mesure existât au moment de l’adoption de la décision attaquée et ne fît pas l’objet d’un sursis à exécution prononcé par le juge danois. Par conséquent, eu égard à ladite ordonnance, qu’elle invoque d’ailleurs au soutien de la présente demande en référé, la requérante devait être consciente de la nécessité d’une saisine du juge danois.

38      Or, ainsi qu’il ressort du dossier, une telle saisine du juge danois n’a pas eu lieu. De plus, la requérante n’a pas établi, ni même prétendu, que les voies de recours internes que le droit national danois lui offrait pour s’opposer à la mesure danoise, y compris par la voie du référé, ne lui auraient pas permis d’éviter l’adoption de la décision attaquée. En particulier, dans son mémoire du 25 septembre 2013, elle n’a fourni aucune explication du droit processuel danois. Le juge des référés ne peut donc que constater l’absence de démonstration de l’imperfection des voies de recours danoises en la matière.

39      Il s’ensuit que, à défaut d’avoir fait preuve de toute la diligence qu’aurait dû montrer une entreprise prudente et avertie, la requérante doit supporter elle-même le préjudice qu’elle craint de subir en l’espèce.

40      Par ailleurs, à supposer même qu’un tel manque de diligence ne puisse pas lui être reproché, la condition relative à l’urgence ferait défaut pour les motifs suivants.

41      À cet égard, s’agissant des différentes catégories de préjudice alléguées, il convient de constater que non seulement le préjudice patrimonial redouté par la requérante, mais également le préjudice lié à la prétendue perte de ses parts de marché présentent un caractère financier. En effet, la part de marché détenue par une entreprise ne désigne que le pourcentage de tous les produits présents sur le marché en cause qui ont été vendus par cette entreprise à la clientèle au cours d’une période de référence déterminée. Par conséquent, la perte de cette part de marché consiste en la perte des revenus susceptibles d’être tirés à l’avenir des ventes du produit en cause. Une part de marché se traduit donc, à l’évidence, en des termes financiers, son détenteur ne pouvant en bénéficier que dans la mesure où elle lui procure des revenus [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, points 110 et 113 ; voir également, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 18 juin 2008, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07 R, non publiée au Recueil, points 75 et 76, et du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée au Recueil, point 64].

42      Or, selon une jurisprudence bien établie, un préjudice purement pécuniaire ne saurait, en principe, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [voir ordonnance du président de la Cour du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), non publiée au Recueil, point 63, et la jurisprudence citée]. Dans une telle hypothèse, les mesures provisoires sollicitées ne se justifient normalement que s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui demande leur octroi se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante et irrémédiable au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise (ordonnances du président du Tribunal Dow AgroSciences e.a./Commission, précitée, point 72, et du 24 avril 2009, Nycomed Danmark/Commission, T‑52/09 R, non publiée au Recueil, point 76 ; voir également, en ce sens, ordonnance EDF/Commission, précitée, point 54).

43      S’agissant des éléments de preuve nécessaires à cet effet, il ressort d’une jurisprudence bien établie que la partie qui sollicite les mesures provisoires doit présenter au juge des référés des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés démontrant la situation invoquée et permettant d’examiner les conséquences qui résulteraient probablement de l’absence des mesures demandées. Cette partie est ainsi tenue de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation dont elle prétend qu’elle justifie l’octroi des mesures provisoires [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 février 2012, Hassan/Conseil, T‑572/11 R, non publiée au Recueil, point 22, et la jurisprudence citée, confirmée par ordonnance du président de la Cour du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), non publiée au Recueil, point 33].

44      Or, force est de constater que la présente demande en référé est marquée par l’absence presque totale non seulement d’indications pertinentes de nature à préciser les préjudices financiers invoqués, mais également d’éléments de preuve susceptibles d’étayer les affirmations avancées.

45      À cet égard, il y a lieu de souligner d’emblée qu’il ne suffit pas pour la requérante d’annoncer – et ce, de surcroît, dans ses dernières écritures du 25 septembre 2013 – qu’elle est disposée à appuyer ses arguments sur une expertise comptable en cas de contestation. En effet, compte tenu de la célérité qui caractérise, de par sa nature, la procédure de référé, la requérante était tenue de présenter, en principe, dès le stade de l’introduction de sa demande en référé, tous les éléments de preuve disponibles à l’appui de celle-ci, afin que le juge des référés pût apprécier, sur cette base, le bien-fondé de ladite demande et, notamment, des affirmations relatives à l’urgence [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée au Recueil, point 56, et la jurisprudence citée].

46      Il convient de constater, ensuite, que la requérante n’a présenté aucune indication concrète, étayée par des éléments de preuve, dont il pourrait être conclu qu’elle serait exposée, en cas de rejet de sa demande en référés, à une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière. En effet, elle s’est abstenue de fournir la moindre information sur la taille et le chiffre d’affaires global de son entreprise. Ainsi, ne disposant d’aucun élément de comparaison pertinent, le juge des référés ne saurait déterminer si la prétendue baisse du chiffre d’affaires de 616 284 euros à 400 204 euros que la requérante aurait subie au Danemark en 2012 à la suite de la mesure danoise – et dont elle prétend qu’elle s’intensifiera à la suite de la décision attaquée – peut être qualifiée de grave et d’irréparable, d’autant que la requérante semble elle-même douter du caractère grave et irréparable des préjudices enregistrés sur le marché danois (voir point 34 ci-dessus). Il en va nécessairement de même du montant de 500 000 euros que coûterait une installation ultérieure de la FOPS sur les 250 engins litigieux présents dans l’Union, ce montant isolé ne permettant aucune appréciation de son éventuel caractère grave et irréparable, la puissance financière de la requérante n’ayant pas été dévoilée par celle-ci.

47      Sur ce dernier point, il convient d’ajouter que le montant de 500 000 euros est apparemment obtenu par la multiplication du nombre des engins litigieux, soit 250, avec le coût des équipements nécessaires à l’installation de la FOPS demandés par les États membres, coût qui pourrait s’élever, selon la requérante, jusqu’à 2 000 euros par engin, compte tenu de l’incidence des frais de transport et de la difficulté de retrouver les clients auxquels les engins ont été vendus (voir point 29 ci-dessus). Or, force est de constater que la requérante s’est contentée de présenter une telle affirmation dans la demande en référé, alors que la Commission, se fondant sur la liste de prix d’un distributeur danois, a indiqué, dans ses observations, que le coût en question ne représentait qu’environ 1 % du coût total de l’engin litigieux, le prix de vente d’une FOPS s’élevant à 370 euros, ce qui représentait, selon la Commission, un coût forcément moindre pour la requérante même si l’on tenait compte des frais de transport et des frais liés à la difficulté de retrouver les clients concernés.

48      Eu égard à ces allégations concrètes et étayées de la Commission, il aurait incombé à la requérante d’apporter, au plus tard dans ses dernières écritures du 25 septembre 2013, des éléments précis, étayés par des preuves, visant à corroborer les chiffres qu’elle a avancés dans la demande en référé. Il apparaît qu’une telle démonstration aurait été particulièrement aisée du fait que la requérante avait procédé à l’installation ultérieure de FOPS sur les dix engins litigieux vendus au Danemark. Il lui aurait donc suffi de produire, ne serait-ce que par échantillons, des factures relatives aux mesures d’équipement effectuées sur ces engins pour démontrer la dimension « réelle » des coûts qu’elle risquerait de devoir supporter dans l’hypothèse où des États membres autres que le Danemark seraient amenés par la décision attaquée à prendre des mesures similaires à la mesure danoise. Force est toutefois de constater que la requérante a omis de fournir de tels éléments.

49      Dans ces circonstances, les affirmations de la requérante concernant le coût de 500 000 euros qui lui serait causé par la décision attaquée doivent être qualifiées de pures suppositions non étayées. Compte tenu du caractère exceptionnel de l’octroi de mesures provisoires (voir point 21 ci-dessus), le juge des référés ne saurait admettre l’urgence en se contentant de telles suppositions, d’autant que la Commission les a contestées par des arguments concrets et précis.

50      Il en va de même des affirmations selon lesquelles les ventes totales de l’engin litigieux représenteraient 40 % du chiffre d’affaires annuel total de la requérante, 70 % de ces ventes étant réalisées sur le marché de l’Union (voir point 29 ci-dessus). Étant donné que ces chiffres ne sont pas étayés par des rapports annuels, bilans ou autres données chiffrées officielles de la requérante, leur simple invocation ne saurait justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité, indépendamment du point de savoir si la prétendue perte de 28 % du chiffre d’affaires annuel total de la requérante (correspondant à 70 % de 40 %) est, en soi, susceptible de mettre en péril sa viabilité financière. Cela vaut également, et à plus forte raison, pour la chute prévisionnelle des ventes de l’engin litigieux sur les marchés lituanien, danois, finlandais et allemand. Si la requérante a quantifié ces prévisions, elle n’a fourni aucune donnée chiffrée, étayée par des documents comptables, susceptible de préciser la part qu’elle détenait sur le marchés respectifs et le degré d’affectation de ladite part. Pour cette même raison, la simple énumération par la requérante, dans l’annexe de son mémoire du 25 septembre 2013, des noms de ses concurrents dans l’Union et la présentation d’un rapport d’expertise technique, joint en annexe de sa demande en référé, faisant état de machines multifonctions autres que l’engin litigieux disponibles sur le marché danois ne sont pas de nature à établir l’urgence, la requérante étant restée silencieuse sur l’incidence économique de ces données et, notamment, sur les positions respectives de ses concurrents.

51      En tout état de cause, la prétendue perte de 28 % du chiffre d’affaires annuel total de la requérante ainsi que la chute prévisionnelle des ventes de l’engin litigieux sur certains marchés reposent sur la prémisse selon laquelle l’exécution de la décision attaquée rendra pratiquement impossible toute future commercialisation de l’engin en cause. Or, un tel scénario apparaît exagérément pessimiste. En effet, la requérante n’ayant pas établi que les coûts liés à l’installation de la FOPS sur les engins litigieux lui causeraient un préjudice grave et irréparable (voir points 47 à 49 ci-dessus), il est permis de supposer, pour les besoins de la présente procédure, qu’elle équipera ces engins de la FOPS afin de pouvoir continuer à les vendre sur le marché de l’Union, sans que ces ventes lui occasionnent un préjudice de cette envergure.

52      S’agissant de la prétendue perte de ses parts de marché, la requérante affirme, en substance, que le préjudice lié à cette perte existe par définition, puisqu’il est notoire que, lorsqu’un produit est exclu d’un marché ou admis à des conditions pénalisantes pour le fabricant, le risque est grand que ce produit soit remplacé par des produits de substitution et que le fabricant se trouve dans l’impossibilité de regagner la confiance du consommateur dans son produit même s’il s’avère par la suite que les évaluations de sa dangerosité n’étaient pas fondées.

53      Cette affirmation de nature extrêmement générale ne suffit guère pour établir qu’une exécution immédiate de la décision attaqué risquerait de modifier de manière importante les parts de marché de la requérante. En tout état de cause, s’agissant du caractère irrémédiable de la perte d’une part de marché, il est de jurisprudence bien établie qu’un requérant qui s’en prévaut doit démontrer que la reconquête d’une fraction appréciable de cette part de marché, notamment par des mesures appropriées de publicité, est impossible en raison d’obstacles de nature structurelle ou juridique (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Cambridge Healthcare Supplies, précitée, points 110 et 111, et ordonnance du président du Tribunal du 26 février 2007, Sumitomo Chemical Agro Europe/Commission, T‑416/06 R, non publiée au Recueil, points 59 et 60). Or, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, la requérante n’invoque aucun type d’obstacle juridique ou structurel susceptible d’empêcher les consommateurs, à la suite d’une annulation par le Tribunal de la décision attaquée, de recommencer à acheter l’engin litigieux dépourvu de la FOPS obligatoire, par exemple à la suite d’une publicité appropriée. Par conséquent, elle n’est pas parvenue à établir le caractère irréparable du préjudice allégué en termes de perte de parts de marché.

54      Enfin, en ce qui concerne la prétendue atteinte à sa réputation, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée fait naître dans l’esprit du public l’idée fausse qu’elle est le seul fabricant de machines multifonctions dangereuses et moins sûres que les machines de ses concurrents.

55      À cet égard, il y a lieu cependant de constater que la décision attaquée n’a nullement été adoptée en raison d’un défaut technique intrinsèque de l’engin litigieux, mais au seul motif que, si ce dernier était utilisé sans installation d’une FOPS, son conducteur serait exposé à un risque sérieux de blessure dû à des chutes d’objets ou de matériaux. Il est donc évident que le caractère dangereux de l’engin litigieux a son origine dans la seule absence d’un accessoire, à savoir d’une FOPS, dont le montage est prévu, certes sous certaines conditions, par la requérante elle-même. Par conséquent, ce montage ne devrait poser aucun problème technique. De plus, la requérante n’étant pas parvenue à établir que l’installation de la FOPS sur les engins litigieux lui causerait un préjudice grave et irréparable (voir points 47 à 49 ci-dessus), il peut être raisonnablement exigé d’elle d’effectuer cette installation, au moins jusqu’à la fin du litige principal. Dès lors, la requérante est en mesure d’éviter l’atteinte à sa réputation en attirant l’attention de la clientèle, par des actions publicitaires appropriées, sur la portée réelle de la décision attaquée, sur la sécurité technique de l’engin litigieux, en tant que tel, et sur sa volonté d’équiper celui-ci d’une FOPS afin de se conformer aux exigences de la directive 2006/42.

56      Dans ces circonstances, le crainte de la requérante d’être exposée à des recours en indemnité de la part de ses acheteurs si les engins litigieux que ceux-ci lui ont achetés devaient être retirés du marché (voir point 29 ci-dessus) paraît infondée et ne saurait, en tout état de cause, être qualifiée que de purement hypothétique.

57      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition relative au fumus boni juris (ordonnance du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, précitée, point 31), ni de procéder à la mise en balance des intérêts en présence [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C‑364/99 P (R), Rec. p. I‑8733, point 61].

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 11 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.