Language of document : ECLI:EU:C:2008:33

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 24 janvier 2008 (1)

Affaire C‑206/06

Essent Netwerk Noord BV

à laquelle s’est jointe

Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV

contre

Aluminium Delfzijl BV,

Aluminium Delfzijl BV

contre

Staat der Nederlanden

et

Essent Netwerk Noord BV

contre

Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV et Saranne BV

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank Groningen (Pays‑Bas)]

«Électricité – Règle nationale mettant à la charge des consommateurs une majoration du tarif relatif au transport d’électricité – Taxes d’effet équivalent à un droit de douane – Impositions intérieures discriminatoires – Aides d’État – Notion»





1.         Par décision du 19 avril 2006, le Rechtbank Groningen (Pays-Bas) a soumis à la Cour, en application de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles, la première portant sur l’interprétation des articles 25 CE et 90 CE et la seconde sur l’interprétation de l’article 87, paragraphe 1, CE.

2.        Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une procédure intentée par Essent Netwerk Noord BV (ci-après «Essent») à l’encontre d’Aluminium Delfzijl BV (ci-après «Aldel») et visant à obtenir le paiement d’une somme calculée sur la quantité d’électricité transportée par la requérante en faveur de la défenderesse, dont la perception est imposée par une disposition de loi et a pour but de couvrir les coûts non récupérables supportés par les entreprises nationales productrices d’électricité pendant la période précédant l’ouverture du processus de libéralisation du marché de l’électricité aux Pays-Bas.

I –    Contexte juridique et normatif

A –    Droit communautaire

3.        L’article 25 CE dispose ce qui suit:

«Les droits de douane à l’importation et à l’exportation ou taxes d’effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s’applique également aux droits de douane à caractère fiscal.»

4.        En vertu de l’article 90 CE:

«Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions.»

B –    Réglementation nationale

5.        Jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er août 1998, de la loi sur l’électricité de 1998 (l’Elektriciteitswet 1998), qui a ouvert le processus de libéralisation du secteur de l’électricité en application de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (2), l’offre d’électricité était régie aux Pays‑Bas par la loi sur l’électricité de 1989.

6.        Pendant la période pertinente aux fins de la procédure au principal, comprise entre le 1er août et le 31 décembre 2000, la production, l’importation et la transmission d’électricité étaient assurées par quatre entreprises productrices (3) (ci-après les «EPE») et leur filiale commune, NV Samenwerkende Elektriciteitsproductiebedrijven (SEP) (4). Selon les éléments fournis par la décision de renvoi, jusqu’en 1999, toutes les EPE étaient contrôlées par des communes et des provinces, tandis que, pendant la période de référence, seule EPZ est restée indirectement aux mains des pouvoirs publics par l’intermédiaire de ses actionnaires, Essent et Delta (5). Les EPE et SEP opéraient conjointement sur la base d’un «accord de coopération» (6).

7.        Sous l’empire de la loi sur l’électricité de 1989, SEP a effectué, de manière isolée ou avec les EPE, certains investissements à long terme imposés par les pouvoirs publics dans le cadre de choix de politique énergétique et/ou environnementale, dont, en particulier, la conclusion de conventions relatives à des projets de chauffage urbain et la construction d’une installation expérimentale de gazéification du charbon (Demkolec). Ces investissements ont généré des coûts échoués (également appelés «stranded costs»).

8.        Compte tenu de la libéralisation imminente et afin de permettre au secteur de la production d’électricité la récupération de ces coûts, le 21 janvier 1997, SEP et les EPE ont conclu avec les entreprises opérant dans le secteur de la distribution d’électricité (7) un protocole d’accord concernant la fourniture d’électricité pour la période 1997-2000 (ci-après le «protocole»). Sur la base de ce protocole, les entreprises de distribution s’engageaient à verser chaque année à SEP un montant de 400 millions de NLG, à titre de contribution aux coûts échoués, réparti en fonction de la quantité d’énergie fournie par SEP à chaque entreprise. Le financement devait en être assuré moyennant une augmentation des tarifs appliqués par les entreprises de distribution à certaines catégories d’usagers (petits, moyens et gros «clients ordinaires»).

9.        L’article 97 de la loi sur l’électricité de 1998 a imposé le respect du protocole jusqu’au 1er janvier 2001, date à laquelle devait s’achever le processus de libéralisation du marché de l’électricité aux Pays-Bas.

10.      Toutefois, pour l’année 2000, du fait de l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions tarifaires qui imposaient aux entreprises de distribution la facturation séparée des sommes dues au titre de la fourniture d’électricité et de celles correspondant à son transport, ces entreprises se sont trouvées dans l’impossibilité de répercuter sur les consommateurs finaux les montants qu’elles étaient tenues de verser à SEP en vertu du protocole afin de couvrir les coûts échoués.

11.      C’est dans ce contexte qu’a été adoptée le 21 décembre 2000 la loi transitoire sur le secteur de la production d’électricité (Overgangswet Elekriciteitsproductiesector, ci-après l’«OEPS»), dont l’article 9, à l’origine des interrogations du juge de renvoi, établit ce qui suit:

«1. Outre ce qu’il doit au gestionnaire de réseau du territoire où il est établi en vertu de l’accord, tout client, autre qu’un client protégé, est redevable envers ce gestionnaire de réseau d’un montant de 0,0117 NLG par kilowattheure, calculé sur la quantité totale d’électricité que ce gestionnaire de réseau a transportée vers son raccordement durant la période du 1er août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000.

2. Outre ce qu’il doit au titulaire d’autorisation du territoire où il est établi en vertu de l’accord, tout client protégé est redevable envers ce titulaire d’autorisation d’un montant de 0,0117 NLG par kilowattheure, calculé sur la quantité totale d’électricité que ce titulaire d’autorisation lui a fourni durant la période du 1er août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000.

[…]

4. Le produit des montants dont les clients sont redevables en vertu du paragraphe 1 ou 2 est cédé respectivement par les gestionnaires de réseau ou les titulaires d’autorisation avant le 1er juillet 2001 à la société désignée [(8)].

5. La société désignée informe notre ministre du montant du produit visé au paragraphe 4 et y joint une déclaration d’un comptable au sens de l’article 393, paragraphe 1, du livre 2 du code civil à propos de la fidélité de l’information. Si le produit total excède 400 millions de NLG, la société désignée cède le surplus à notre ministre qui l’affecte au financement des coûts visés à l’article 7.»

12.      Conformément à l’article 25 de l’OEPS, les dispositions que nous venons de citer sont entrées en vigueur le 29 décembre 2000 et ont été appliquées avec effet rétroactif au 1er août 2000. Selon les indications du juge de renvoi, l’article 9 de l’OEPS n’a pas fait l’objet d’une notification distincte à la Commission des Communautés européennes. Néanmoins, par lettre du 30 août 2000, les autorités néerlandaises lui ont transmis le texte intégral du projet de l’OEPS, dont son article 9.

13.      Il y a lieu encore de rappeler les circonstances liées à l’élaboration des articles 6 à 8 de l’OEPS, même si ces dispositions n’entrent pas directement en ligne de compte dans le litige au principal.

14.      Dans le texte du projet de l’OEPS, ces articles définissaient le mécanisme de financement pour la couverture des coûts échoués postérieurement au 1er janvier 2001. Il prévoyait la fixation chaque année par le gouvernement d’un supplément à la charge de tous les clients à l’exception des gestionnaires de réseau, exprimé en pourcentage du montant dû pour le transport d’électricité et les services connexes. Ces articles ont été notifiés à la Commission une première fois le 20 février 1998, sur le fondement de l’article 24 de la directive 96/92 et une deuxième fois le 16 octobre 1998, sur le fondement des articles 87 CE et 88 CE. Par décision du 8 juillet 1999, la Commission a informé le gouvernement néerlandais que les dispositions notifiées ne contenaient aucune mesure au sens de l’article 24 de ladite directive, mais devaient être examinées en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

15.      Le 30 août 2000, le Royaume des Pays-Bas a informé la Commission que certaines modifications avaient été apportées aux dispositions en question. À cette occasion, comme nous l’avons indiqué précédemment, l’intégralité du texte de l’OEPS contenant lesdites modifications a été transmise à la Commission. Par la suite, les articles 6 à 8 de l’OEPS ont été modifiés et le mécanisme qu’ils prévoyaient a été remplacé par un système de financement à l’aide de fonds publics (il s’agit des actuels articles 7 et 8 de l’OEPS). Par décision du 25 juillet 2001, la Commission a autorisé les nouvelles mesures au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

II – Faits et questions préjudicielles

16.      En décembre 1996, faisant usage de la faculté de conclure des contrats de fourniture particuliers avec de gros clients industriels reconnue à la société désignée par l’article 32 de la loi sur l’électricité de 1989, SEP, l’une des EPE (EPON) et la société de distribution Edon (9) ont conclu avec Aldel, partie défenderesse au principal, un «contrat de mise à disposition de puissance électrique et de livraison d’énergie électrique ainsi que de ‘load management’». Ce contrat fixait un prix unique pour les différents services offerts, qui n’intégrait pas les coûts échoués.

17.      Depuis le 1er janvier 2000, le transport d’électricité à destination d’Aldel est assuré, en sa qualité de gestionnaire du réseau local (10), par Essent, partie requérante au principal, constituée à partir de la séparation des activités de la société de distribution Edon. Essent n’est pas partie au contrat de fourniture mentionné précédemment. Tant Essent qu’Aldel sont établies aux Pays-Bas.

18.      Dans la période entre le 1er août et le 31 décembre 2000, Essent a transporté 717 413 761 kilowattheures d’électricité vers le raccordement d’Aldel. Pour les services fournis à Aldel au cours de cette période, Essent a facturé un montant total intégrant la majoration visée à l’article 9 de l’OEPS.

19.      Face au refus d’Aldel de payer les sommes relatives à cette majoration, Essent a saisi le Rechtbank Groningen, devant lequel Aldel a soulevé l’incompatibilité avec le droit communautaire de l’article 9 de l’OEPS (11).

20.      Le juge saisi a estimé nécessaire, aux fins de la résolution du litige, de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 25 CE et 90 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure législative en vertu de laquelle les acheteurs nationaux d’électricité sont redevables d’une augmentation de tarif durant une période transitoire (du 31 août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000) à leur gestionnaire de réseau pour les quantités d’électricité qui ont été transportées en leur faveur lors que cette augmentation doit être cédée par le gestionnaire de réseau à une société désignée à cette fin par le législateur en vue de combattre les coûts non conformes au marché, qui résultent des engagements pris ou des investissements réalisés par cette société avant la libéralisation du marché de l’électricité et lorsque cette société

–        est la filiale commune de quatre entreprises nationales productrices d’électricité,

–        durant la période en cause (2000), est la seule responsable des coûts non conformes au marché apparus durant cette année,

–        a sans conteste besoin d’un montant de 400 millions de NLG (181 512 086,40 euros) pour couvrir ces coûts durant cette année, et

–        dès lors que la recette de cette augmentation de tarif dépasse le montant précité, doit céder le surplus au ministre?

2)      Le régime visé à la première question remplit-il les conditions de l’article 87, paragraphe 1, CE?»

III – Procédure devant la Cour

21.      Essent, Aldel, NEA (anciennement SEP), le gouvernement néerlandais et la Commission ont présenté des observations au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice et ont été entendus à l’audience qui s’est tenue le 10 mai 2007.

22.      Essent, Aldel, NEA, le gouvernement néerlandais et la Commission ont été invités par la Cour à répondre à des questions écrites avant l’audience.

IV – Analyse juridique

A –    Sur la première question préjudicielle

1.      Observations préliminaires

23.      Par la première question préjudicielle, le juge de renvoi demande à la Cour si les articles 25 CE et 90 CE font obstacle à l’application d’une majoration tarifaire telle que celle prévue à l’article 9 de l’OEPS.

24.      Il y a lieu d’observer à titre préliminaire que la pertinence de cette question aux fins de la résolution de l’affaire au principal ne ressort pas de manière évidente de la décision de renvoi. En effet, les informations fournies à la Cour ne permettent pas de déterminer si, et dans quelle mesure, l’électricité transportée en faveur d’Aldel pendant la période du 1er août au 31 décembre 2000 a été importée d’autres États membres.

25.      Or il faut relever qu’une éventuelle constatation de l’illégalité de la majoration tarifaire litigieuse pour non-respect des articles 25 CE ou 90 CE concernerait exclusivement les sommes perçues sur l’électricité importée. En d’autres termes, cette constatation permettrait à Aldel de s’opposer exclusivement à la perception des charges afférentes à ce produit et uniquement dans les limites de leur incompatibilité avec les dispositions du traité CE.

26.      Il s’ensuit que, s’il devait s’avérer que l’énergie transportée vers le raccordement d’Aldel était exclusivement d’origine nationale, la réponse de la Cour à la première question préjudicielle serait sans pertinence quant à l’issue du recours de Essent dans l’affaire au principal (12).

27.      Toutefois, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 234 CE, il appartient aux premières d’apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle aux fins de la résolution du litige pour lequel elles ont été saisies que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour, celle-ci pouvant contrôler cette appréciation uniquement lorsqu’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation du droit communautaire demandée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (13).

28.      Puisque tel n’est pas le cas en l’espèce, nous proposons à la Cour de procéder à l’examen de la première question préjudicielle, quoique l’utilité de la réponse qui en résultera dépendra d’appréciations ultérieures incombant au juge national.

2.      Appréciation

a)      Bref aperçu de la jurisprudence

29.      Dans le système du traité, les articles 25 CE et 90 CE, qui consacrent respectivement l’interdiction des droits de douane et des taxes d’effet équivalent, et l’interdiction des impositions intérieures discriminatoires, poursuivent, de manière complémentaire, l’objectif d’interdire tout dispositif fiscal national de nature à discriminer les produits en provenance ou à destination d’autres États membres en faisant obstacle à leur libre circulation à l’intérieur de la Communauté dans des conditions normales de concurrence.

30.      Tout en reconnaissant, sur le plan des principes, leur complémentarité (14), la jurisprudence de la Cour a maintenu la distinction formelle entre les deux interdictions voulue par le traité, précisant à plusieurs reprises que les articles 25 CE et 90 CE ne peuvent être appliqués cumulativement (15); partant, la légalité d’un régime fiscal national qui relève du champ d’application de la première disposition ne saurait simultanément être appréciée par rapport à la seconde (16).

31.      Selon la jurisprudence, la distinction entre taxes d’effet équivalent et impositions intérieures réside dans le fait que les premières frappent exclusivement les produits importés ou exportés et non les produits nationaux similaires ou concurrents, tandis que les secondes s’appliquent tant aux uns qu’aux autres.

32.      Sur la base de la définition retenue par la jurisprudence de la Cour, constitue une taxe d’effet équivalent toute charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, qui frappe les marchandises nationales ou étrangères du fait qu’elles franchissent la frontière, alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’État, qu’elle n’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur, et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale (17). Selon la Cour,  une telle charge, frappant spécifiquement un produit importé, à l’exclusion du produit national similaire et en altérant son prix, aboutit au même effet restrictif sur la circulation des marchandises qu’un droit de douane (18).

33.      Les contributions faisant partie d’un système général d’impositions intérieures frappant systématiquement les produits nationaux et les produits importés selon les mêmes critères relèvent en revanche du champ d’application de l’article 90 CE (19).

34.      La Cour a toutefois précisé que, aux fins de la qualification et de l’appréciation juridique des contributions frappant indistinctement les produits nationaux et importés, il peut s’avérer nécessaire de tenir compte de la destination du produit de l’imposition, car c’est justement en fonction de cette destination que des contributions formellement neutres quant à leur structure et à leur mode de perception peuvent avoir une incidence économique réelle différente sur les deux catégories de produits.

35.      En effet, lorsque le produit de charges fiscales prélevées tant sur les produits importés que sur les produits nationaux est destiné à financer des activités qui profitent spécialement à ces derniers, la charge grevant le produit national est compensée dans une mesure plus ou moins large par les avantages obtenus, tandis que, pour le produit importé, elle représente une charge nette (20).

36.      Dès lors, s’agissant de l’examen de la compatibilité d’une taxe parafiscale avec les articles 25 CE et 90 CE, il y a lieu, selon une jurisprudence désormais constante, d’apprécier dans quelle mesure les charges perçues sur le produit national sont compensées par des avantages financés par le produit de la taxe.

37.      Si la compensation est totale, la contribution en question constitue une taxe d’effet équivalent, puisqu’elle frappe de fait exclusivement le produit importé et devra être considérée illégale dans sa totalité; si, en revanche, la compensation n’est que partielle, la taxe sera qualifiée d’imposition intérieure discriminatoire, dès lors qu’elle a sur le produit importé une plus grande incidence que sur le produit national et devra par conséquent être réduite en proportion (21).

38.      Il est par ailleurs constant dans la jurisprudence qu’une telle appréciation appartient au juge national, qui est le seul à disposer de l’ensemble des éléments, y compris de fait, nécessaires pour y procéder (22). À cette fin, il devra avant tout vérifier qu’il existe une identité entre le produit taxé et le produit national bénéficiaire (23). Il devra en outre vérifier, au cours d’une période de référence, l’équivalence pécuniaire entre les montants globalement perçus sur les produits nationaux et les avantages dont ces produits ont bénéficié à titre exclusif. À cet égard, la Cour a précisé que cette appréciation écarte les paramètres autres que la seule équivalence pécuniaire – comme la nature, l’importance ou le caractère indispensable de ces avantages – considérés comme n’étant pas suffisamment objectifs pour évaluer la compatibilité d’une mesure fiscale nationale avec les dispositions du traité (24).

39.      Au terme de ce bref aperçu de la jurisprudence, il nous semble utile de relever, comme l’ont fait différents avocats généraux avant nous, que la jurisprudence que nous venons de rappeler, parce qu’elle exige des juges nationaux des appréciations de nature économique souvent complexes et aléatoires, présente des difficultés incontestables d’application (25), et ce bien qu’elle soit claire dans ses grandes lignes (26). Face à ces difficultés, il ne faut pas oublier que, lorsqu’il s’agit d’apprécier la légalité sur la base du droit communautaire d’une taxe parafiscale dont le produit sert à financer un régime public d’incitation à la production nationale, le recours aux interdictions prévues aux articles 25 CE et 90 CE peut être considéré comme une simple alternative par rapport à l’application des dispositions du traité en matière d’aides d’État (27).

b)      La question de savoir si la majoration instaurée par l’article 9, paragraphe 1, de l’OEPS constitue une taxe d’effet équivalent au sens de l’article 25 CE ou une imposition intérieure discriminatoire en application de l’article 90 CE

40.      Il convient d’examiner à titre préliminaire certains des arguments soulevés par SEP et par le gouvernement néerlandais en ce qu’ils semblent vouloir mettre en cause la nature même de la majoration litigieuse en tant que contribution. En particulier, selon SEP, l’article 9 de l’OEPS n’est rien d’autre qu’un dispositif par lequel les sociétés de distribution ont été autorisées à répercuter sur leurs clients les montants qu’elles se sont engagées à verser aux sociétés productrices en application du protocole. Le gouvernement néerlandais également souligne que la majoration en question trouve sa justification dans le protocole et insiste sur le fait qu’elle représente un élément de la rémunération due pour les services de transport.

41.      Il ne nous semble pas que ces arguments permettent de conclure que la majoration en question, tout en présentant des caractéristiques qui la distinguent d’une contribution classique, ne saurait relever de la notion de taxe d’effet équivalent au sens de l’article 25 CE ou d’imposition intérieure au sens de l’article 90 CE.

42.      En premier lieu, comme nous l’avons vu précédemment, la notion de taxe d’effet équivalent est définie par la jurisprudence en des termes particulièrement larges. Il ressort de cette définition que l’essence de la notion juridique en cause réside dans les effets que produit sur le commerce entre États membres une charge pécuniaire déterminée. Les aspects formels, tels la dénomination, le quantum, la structure, les modalités de perception, la destination, le bénéficiaire du produit de la charge en question et les objectifs qu’elle poursuit, n’importent pas en revanche aux fins de sa qualification de taxe d’effet équivalent, à condition qu’elle ait un caractère juridiquement obligatoire («unilatéralement imposée») (28). Or, dans le cas d’espèce, le caractère obligatoire de la contribution en cause, due par tout usager remplissant les conditions fixées à l’article 9, paragraphe 1, de l’OEPS, n’est pas mis en doute, de même qu’il est constant que le recours aux services du gestionnaire de réseau du lieu d’établissement de l’usager est obligatoire.

43.      La notion d’imposition intérieure au sens de l’article 90 CE est tout aussi large (29).

44.      En second lieu, la Cour a déjà eu l’occasion d’apprécier, sur la base des articles 25 CE et 90 CE, des charges pécuniaires qui se présentaient comme les éléments d’un tarif ou d’un prix réglementé par la loi (30).

45.      Toujours à titre préliminaire, il y a lieu d’examiner l’argument de SEP selon lequel l’article 25 CE serait inapplicable au motif que la majoration litigieuse concerne le tarif du service de transport et non le prix de l’électricité. SEP fait en outre observer que ce service est fourni par des gestionnaires de réseaux néerlandais sur le territoire des Pays-Bas.

46.      Comme on le sait, l’article 25 CE concerne uniquement les charges perçues sur des marchandises. Si l’on devait suivre la thèse de SEP, l’application de ces dispositions serait donc exclue en l’espèce au seul motif qu’il n’y aurait aucun produit taxé.

47.      À cet égard, il faut relever tout d’abord que la Cour a déjà eu l’occasion d’affirmer que l’électricité constitue une marchandise au sens des dispositions du traité en matière de libre circulation des marchandises (31). Se prononçant sur un recours en manquement pour violation de l’article 31 CE, elle a en outre précisé que «les services nécessaires à l’importation ou à l’exportation d’électricité et à son transport et à sa distribution ne constituent que les instruments de la fourniture à l’usager d’une marchandise au sens du traité» (32), reconnaissant par conséquent le caractère accessoire de ces services par rapport à l’objet de la prestation.

48.      Il faut ensuite rappeler que la notion de taxe d’effet équivalent est susceptible de s’appliquer à toute charge frappant les marchandises nationales ou étrangères du fait qu’elles franchissent la frontière, indépendamment de ses modalités de perception. Une taxe dont le fait générateur consiste non pas en l’importation ou en l’exportation d’un bien, mais en la prestation d’un service nécessaire ou associé à l’accomplissement de ces opérations (33) remplit également ces conditions, si elle est en tout cas susceptible d’avoir une incidence sur la circulation du bien en question à l’intérieur de la Communauté. Or, il nous semble évident qu’une charge perçue sur la prestation des services de transport et fixée en fonction de la quantité du bien transporté, frappant indirectement ce dernier, est en principe susceptible d’avoir une telle incidence.

49.      La Cour a d’ailleurs déjà eu l’occasion de se prononcer sur une question analogue à celle examinée, bien qu’uniquement sous l’angle de l’article 90 CE. Dans son arrêt Schöttle (34), que la Commission a rappelé dans ses observations, la Cour avait été saisie de certaines questions portant sur l’interprétation de cette disposition au sujet d’une taxe sur le transport de marchandises par route en vigueur en Allemagne. Écartant l’argumentation du gouvernement allemand qui estimait que la taxe en question ne relevait pas du champ d’application de l’article 90 CE au motif qu’elle ne frappait pas le produit en tant que tel, la Cour a jugé qu’une taxe telle que celle examinée dans cette affaire, «perçue sur les transports internationaux de marchandises par route en fonction de la distance parcourue sur le territoire national et du poids des marchandises en cause» (35), devait être qualifiée comme une «imposition intérieure qui frappe indirectement les produits» (36). La Cour a en effet considéré qu’«une telle taxe, se répercutant immédiatement sur le coût du produit national et importé, doit en vertu de l’article 9[0] être appliquée d’une manière non discriminatoire sur les produits importés» (37).

50.      Pour les raisons précédemment exposées, nous ne pensons pas que l’appréciation de la légalité de la charge litigieuse sur la base de l’article 25 CE devrait être exclue au seul motif que le fait générateur de cette charge consiste en un service (celui du transport) nécessaire à la commercialisation du bien en question.

51.      Cela étant clarifié, il nous faut examiner les caractéristiques de la majoration tarifaire litigieuse afin de déterminer si elle tombe sous le coup de l’interdiction visée à l’article 25 CE ou à l’article 90 CE.

52.      Il est constant que la charge en question frappe indistinctement l’électricité produite aux Pays-Bas et celle importée selon les mêmes modalités de perception. Son apparente neutralité semblerait donc exclure l’application de l’article 25 CE et faire plutôt pencher pour son appréciation sur la base de l’article 90 CE.

53.      Toutefois, conformément à la jurisprudence que nous avons rappelée précédemment (38), avant de tirer une telle conclusion, il faut vérifier si cette neutralité disparaît compte tenu de la destination des recettes. En effet, si la charge grevant le produit national était intégralement compensée par des avantages dont il est éventuellement bénéficiaire en fonction de l’affectation des recettes générées par l’application de la majoration litigieuse, l’article 25 CE et non l’article 90 CE s’appliquerait, puisque au-delà des apparences cette majoration frapperait en réalité uniquement le produit importé.

54.      Même si, selon une jurisprudence constante, cette vérification appartient au juge national, il nous semble néanmoins opportun que la Cour, dans les limites de sa compétence, fournisse un certain nombre d’indications à ce sujet, tenant compte en particulier des arguments soulevés par les parties dans la procédure nationale.

55.      C’est dans cette optique que sont développées les observations suivantes.

56.      Il ressort de la réglementation nationale en cause et de la décision de renvoi que les sommes perçues par les gestionnaires de réseau en application de l’article 9, paragraphe 1, de l’OEPS, devaient être versées par ces derniers à SEP. Ces sommes, en même temps que celles perçues sur la base du paragraphe 2 de ce même article, devaient servir, dans les limites d’un montant de 400 millions de NLG, à couvrir les coûts échoués pour l’année 2000, l’excédent éventuel devant être versé par SEP au ministre de l’Économie et étant destiné à financer la couverture des coûts échoués visés à l’article 7 de l’OEPS pour les années suivant l’année 2000 (article 9, paragraphe 5, in fine).

57.      Sur la base de ce mécanisme, la totalité des sommes perçues devait servir à couvrir les coûts échoués et être versée à SEP (ou aux EPE) en application, respectivement, de l’article 9, paragraphe 4, de l’OEPS ou, s’agissant des montants dépassant les 400 millions de NLG, de l’article 7 de l’OEPS.

58.      Par conséquent, s’il devait s’avérer que les versements prévus par ces dispositions ont bien eu lieu et que les sommes correspondantes ont été utilisées effectivement et intégralement au bénéfice des producteurs nationaux d’électricité – avec pour résultat une équivalence pécuniaire entre charges et avantages –, il semblerait logique de conclure (39), comme le fait la Commission dans ses observations, que l’incidence économique de la majoration litigieuse sur l’électricité nationale a été totalement neutralisée.

59.      Néanmoins, pour pouvoir tirer une telle conclusion, le juge de renvoi devra déterminer à titre préliminaire si i) les recettes issues de la majoration litigieuse sont effectivement destinées à une utilisation qui profite spécialement au produit national et ii) s’il y a «identité entre produit taxé et produit national bénéficiaire».

60.      Pour ce qui concerne la question sous i), le juge de renvoi devra déterminer si et dans quelle mesure, à défaut de la couverture assurée par les recettes de la majoration tarifaire litigieuse ou de toute autre intervention publique, les coûts échoués dont il est question auraient grevé, directement ou indirectement, le bilan des EPE.

61.      Étant donné que le juge de renvoi semble partir du principe que la responsabilité de ces coûts incombait exclusivement à SEP (40), cette appréciation implique essentiellement de prendre en considération les mécanismes financiers de mise en œuvre, par l’intermédiaire de SEP, de la coopération organisée entre les quatre EPE dans la période de prise en compte des coûts en question (41).

62.      Il n’est par ailleurs pas exclu que, dans son appréciation, le juge de renvoi ait à tenir compte également du protocole, afin de vérifier dans quels termes a été prévu le transfert substantiel des coûts échoués aux sociétés de distribution (ou, en tout cas, aux sujets redevables de la majoration litigieuse) (42). À cet égard, il y a lieu de relever que, selon les arguments de SEP, Essent avait procédé au paiement de ce qui lui était dû sur la base du protocole pour l’année 2000 avant même l’entrée en vigueur de l’article 9 de l’OEPS. La majoration prévue par les dispositions de cet article semble donc bénéficier en premier lieu au secteur de la distribution (43), permettant aux différentes sociétés de récupérer auprès du consommateur ce qu’elles ont déjà versé ou qu’elles doivent de toute façon à SEP; il appartient donc au juge de renvoi de vérifier si, dans l’éventualité où cette récupération ne serait pas possible, ces sociétés restent tenues d’une obligation de paiement conformément au protocole.

63.      S’il devait ressortir de cet examen – qui à en juger par les réponses des parties aux questions écrites posées par la Cour ne s’annonce pas aisé – que, dans la période allant du 1er août au 31 décembre 2000, les EPE étaient, directement ou par l’intermédiaire de leur participation financière à SEP, à titre principal ou subsidiaire, responsables des coûts échoués en question, la condition relative à l’existence d’avantages spécifiques pour la production nationale aux fins de l’application du critère de la compensation pourrait être considérée comme remplie. Il ne nous semble pas, en revanche, que la seule circonstance que les versements prévus aux articles 9, paragraphe 4, et 7 de l’OEPS aient été faits en faveur de SEP et non des EPE soit de nature à exclure d’emblée, comme le soutiennent le gouvernement néerlandais et SEP, l’existence d’un tel avantage, dans l’hypothèse où il serait néanmoins possible d’établir que les sommes versées ont été effectivement et intégralement utilisées pour couvrir des coûts qui, de manière directe ou indirecte, pesaient sur ces dernières.

64.      Le gouvernement néerlandais conteste en outre l’existence d’un avantage en faveur du produit national au motif que les versements prévus en faveur de SEP à l’article 9, paragraphe 4, de l’OEPS ne se sont pas traduits par une réduction du prix de l’électricité issue de la production nationale.

65.      À cet égard, il suffit de relever que, sur la base de la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que le produit de la contribution soit utilisé pour couvrir les coûts de production, les charges pécuniaires qu’implique pour le produit national l’application de cette contribution pouvant assurément être compensées à travers le financement, par exemple, d’activités de promotion ou de recherche qui, tout en avantageant le produit national, n’entraînent pas pour autant de bénéfice susceptible de se répercuter immédiatement sur son prix de vente.

66.      Pour ce qui concerne la question énoncée ci-dessus au point 59, sous ii), il appartient en premier lieu au juge de renvoi d’apprécier si la nécessaire identité entre le produit taxé et le produit national bénéficiaire est exclue par les modalités de perception de la majoration litigieuse et, en particulier, par la circonstance que celle-ci n’est pas versée par les producteurs d’électricité, mais est facturée aux consommateurs finaux. Selon Essent et le gouvernement néerlandais, cette circonstance exclurait la possibilité d’une compensation au sens requis par la jurisprudence de la Cour.

67.      Cette thèse ne nous semble pas complètement dénuée de fondement.

68.      En effet, il est certes vrai que l’imposition d’une majoration tarifaire ou d’un supplément de prix facturé au consommateur final peut, dans le cadre d’un régime ouvert à la concurrence, aboutir à une charge pour le produit directement ou indirectement grevé, en ce qu’elle influe sur son coût sur le marché. Néanmoins, on pourrait se demander si cette charge peut être prise en considération pour apprécier s’il existe une compensation au sens de la jurisprudence précédemment rappelée puisque, comme nous l’avons vu, cette appréciation se base sur une comparaison exclusivement pécuniaire entre les sommes versées et les avantages obtenus.

69.      En outre, compte tenu du fait que la majoration litigieuse est perçue à la charge du consommateur, qu’elle est intégrée au tarif du transport et non au prix de l’électricité et qu’elle s’applique selon des modalités non discriminatoires, il semble légitime de se demander si l’on peut concrètement considérer que le produit importé est grevé par une quelconque charge financière ou si la circulation de ce produit est d’une façon ou d’une autre altérée ou encore si celui-ci subit, par l’effet de l’application de cette majoration, un désavantage concurrentiel concret, distinct de celui résultant de la destination du produit de cette charge au financement d’interventions en faveur des produits nationaux (qui peut être le cas échéant censuré par les dispositions du traité en matière d’aides d’État).

70.      Toutefois, la thèse d’Essent et du gouvernement néerlandais ne semble pas résister à l’examen de la jurisprudence, qui requiert une identité non pas entre sujets redevables du versement de la contribution et sujets bénéficiaires de l’activité financée par le produit de cette contribution, mais uniquement entre produit (national) grevé et produit avantagé, de manière à exclure toute possibilité de compensation en cas d’utilisation des revenus du prélèvement à l’avantage d’une activité productive autre que celle taxée. Si cette identité de produits existe, il semblerait donc indifférent que le prélèvement en question soit perçu sur la production (et sur l’importation) ou sur la consommation d’un bien.

71.      D’autre part, la situation dans laquelle le consommateur est le sujet passif d’une contribution et celle dans laquelle il est au contraire le sujet sur lequel cette contribution, perçue à la charge du producteur et de l’importateur, se répercute, moyennant une augmentation du prix de vente du bien taxé, ne nous semblent guère différer du point de vue économique, puisque, dans les deux hypothèses, les charges financières résultant de l’imposition sont supportées par des sujets autres que le producteur et l’importateur. Cependant, dans la deuxième hypothèse, la jurisprudence admet la possibilité d’une compensation (44).

72.      Si, au terme de son examen, le juge de renvoi parvient à la conclusion que le produit de la majoration litigieuse a été concrètement destiné au financement de coûts pesant directement ou indirectement sur les producteurs nationaux d’électricité nationale, en leur permettant de compenser des charges qu’ils supportaient effectivement en application de ladite majoration, il lui incombera de déterminer si cette compensation a été intégrale, comme cela semblerait le cas au regard de la teneur de l’article 9 de l’OEPS, ou seulement partielle. Dans la première hypothèse, la majoration en question relèverait de la qualification de taxe d’effet équivalent au sens de l’article 25 CE, alors que, dans la seconde hypothèse, il s’agirait d’une imposition intérieure discriminatoire au titre de l’article 90 CE.

73.      Si, en revanche, le juge de renvoi conclut qu’il n’y a pas eu de compensation, ni l’un ni l’autre de ces articles ne sera applicable, étant donné que la majoration litigieuse s’applique indistinctement au produit national et au produit importé selon des modalités non discriminatoires.

c)      Conclusion sur la première question préjudicielle

74.      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre dans les termes suivants à la première question préjudicielle:

Une majoration tarifaire telle que celle en cause dans l’espèce au principal, perçue indistinctement et aux mêmes conditions sur le transport d’électricité tant nationale qu’importée, constitue une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, interdite par l’article 25 CE, dès lors que le revenu de cette majoration est destiné à financer des activités dont bénéficie uniquement le produit national et que les avantages qui en résultent compensent intégralement la charge pesant sur ce produit; lorsque ces avantages ne compensent que partiellement la charge pesant sur le produit national, cette majoration constitue une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l’article 90 CE.

Il appartient au juge national de procéder aux vérifications nécessaires afin de déterminer la qualification juridique de la contribution en question. Dans ce contexte, le juge national examinera si et dans quelle mesure les coûts censés être couverts par le revenu de la majoration tarifaire en question pèsent directement ou indirectement sur les producteurs nationaux d’électricité.

B –    Sur la seconde question préjudicielle

1.      Observations préliminaires

75.      Par la seconde question préjudicielle, le juge national demande si le régime instauré par l’article 9, paragraphe 1, de l’OEPS constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

76.      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’une juridiction nationale peut être amenée à interpréter la notion d’aide, visée à l’article 87, paragraphe 1, CE, en vertu de l’effet direct reconnu par la jurisprudence à l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE (45). Selon une jurisprudence constante, il appartient en effet aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, de la part des autorités nationales, de l’interdiction de mise à exécution des aides consacrée par cette disposition (46).

77.      Quant aux mesures pouvant ou devant être prises afin d’assurer cette protection juridictionnelle, la Cour a précisé que «le juge national doit tirer toutes les conséquences d’une telle méconnaissance, invoquée par les justiciables, conformément aux moyens procéduraux nationaux, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution de mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de l’article 88, paragraphe 3, CE» (47).

78.      Si le juge de renvoi n’a posé aucune question à cet égard, il est néanmoins utile de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’examen d’une mesure d’aide ne peut être dissocié de l’évaluation des effets de ses modalités de financement lorsque ces dernières font partie intégrante de la mesure en question (48). Les modalités de financement d’une aide peuvent en effet la rendre incompatible avec le marché commun, et ce également lorsqu’elles remplissent les conditions posées par d’autres dispositions du traité, en particulier les articles 25 CE et 90 CE (49).

79.      Dans son arrêt Van Calster e.a., la Cour a également précisé que, en pareille hypothèse, «afin d’assurer l’effet utile de l’obligation de notification ainsi qu’un examen approprié et complet d’une aide d’État par la Commission, l’État membre est tenu, en vue de respecter ladite obligation, de notifier non seulement le projet d’aide proprement dit, mais aussi le mode de financement de l’aide dans la mesure où ce dernier fait partie intégrante de la mesure projetée» (50). Par conséquent, selon la Cour, «étant donné que l’obligation de notification couvre également le mode de financement de l’aide, les conséquences qui découlent de la méconnaissance, de la part des autorités nationales, de l’article [88, paragraphe 3, dernière phrase, CE] doivent s’appliquer également à cet aspect de la mesure d’aide» (51). Il s’ensuit que, «lorsqu’une mesure d’aide dont le mode de financement fait partie intégrante a été mise en œuvre en méconnaissance de l’obligation de notification, les juridictions nationales sont tenues, en principe, d’ordonner le remboursement des taxes ou des cotisations spécifiquement levées pour financer cette aide» (52).

80.      Dans l’arrêt Streekgewest, la Cour a précisé que, «pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide» et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun (53).

81.      En l’espèce, la majoration en question est perçue spécifiquement et exclusivement pour permettre à SEP et/ou aux EPE de couvrir les coûts échoués à leur charge. Le lien contraignant d’affectation, exigé par la Cour, entre produit de la contribution et financement de la mesure publique dont le juge de renvoi doit examiner si elle constitue une aide d’État nous semble donc présent.

82.      Sur la base de la jurisprudence mentionnée précédemment, les prétentions d’Essent à l’encontre d’Aldel en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de l’OEPS pourraient donc être rejetées s’il était établi que le régime instauré par cet article comporte une mesure d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et que cette mesure n’a pas été notifiée à la Commission.

83.      Nous examinerons donc successivement ces deux aspects.

2.      La question de savoir si les dispositions combinées des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 de l’OEPS constituent une mesure d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE

84.      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour déterminer si une mesure publique constitue une aide d’État, il y a lieu de vérifier si sont réunies quatre conditions cumulatives, à savoir l’existence d’un avantage pour une entreprise, le caractère sélectif de la mesure, le financement de cette dernière par l’État ou au moyen de ressources d’État, ainsi que l’incidence de la mesure sur les échanges entre États membres et la distorsion de concurrence qui en résulte (54).

85.      S’agissant de la première et de la deuxième condition, il nous semble évident que la mesure litigieuse comporte un avantage pour SEP et/ou les EPE et que cet avantage, étant limité au secteur de la production d’électricité, a un caractère sélectif.

86.      La circonstance, soulignée par le gouvernement néerlandais, que les gestionnaires de réseaux seraient néanmoins tenus de contribuer à la couverture des coûts échoués en vertu du protocole ne nous semble pas revêtir une importance décisive. En effet, l’article 9 de l’OEPS fait naître, dans le chef des sujets tenus de percevoir la majoration, une obligation juridique de verser à SEP le produit correspondant, laquelle est autonome et indépendante de celle qui pèse éventuellement sur les mêmes sujets en vertu du protocole (55). En outre, le mécanisme prévu à l’article 9 de l’OEPS permet à SEP de compter sur une plus grande sécurité des versements, les fonds en question provenant de la perception de charges parafiscales, et de réduire ou d’exclure par conséquent l’aléa d’une éventuelle inexécution ou d’une impossibilité d’exécution de la part des sujets tenus par le protocole (56).

87.      Néanmoins, s’il devait s’avérer que, au moment où ont été effectués les versements prévus à l’article 9, paragraphe 4, de l’OEPS, SEP avait déjà reçu en tout ou partie, à titre d’exécution du protocole, les 400 millions de NLG prévus au paragraphe 5 de ce même article (57), l’avantage que tirent SEP et/ou les EPE du régime en question se réduirait corrélativement, jusqu’à se limiter éventuellement au seul excédent (58).

88.      Il appartient au juge de renvoi de procéder aux constatations nécessaires.

89.      Il nous semble que l’on peut également considérer comme remplie la quatrième condition relative aux effets sur la concurrence de la mesure en cause et à son incidence sur les échanges entre États membres. Nous nous limiterons sur ce point à observer que l’approche de la Cour à cet égard est particulièrement large. En effet, selon une jurisprudence constante, «il n’est pas nécessaire d’établir une incidence réelle de l’aide accordée sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, seul devant être examiné le point de savoir si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence» (59). En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par cette aide (60).

90.      Or, bien que n’étant pas directement impliquée dans l’activité de production d’électricité, SEP s’occupait, en tant que filiale commune des quatre EPE, de la commercialisation de l’énergie produite par celles-ci et de celle importée. Elle opérait, au moins formellement, dans un régime de concurrence sur le marché des importations d’électricité n’étant pas destinée à un usage public (61), elle gérait la station de gazéification du charbon Demkolec et avait des activités dans le secteur du chauffage urbain. S’agissant de l’incidence de la mesure en cause sur les échanges intracommunautaires, il découle de ce que nous venons de rappeler que l’activité de SEP n’était pas limitée au seul cadre national, mais que celle-ci participait aux échanges transfrontières.

91.      Il appartient néanmoins au juge de renvoi de procéder aux constatations nécessaires (62).

92.      L’analyse est en revanche plus complexe pour ce qui concerne la troisième condition, relative au financement de la mesure au moyen de ressources publiques. Cette question a été largement débattue tant devant le juge de renvoi que devant la Cour. Nous examinerons donc la question de savoir si cette condition est remplie.

93.      Dans le cadre de cet examen, nous laisserons volontairement de côté la discussion, alimentée notamment par certains arrêts antérieurs de la Cour (63), sur le caractère nécessaire du financement public aux fins de la qualification de la mesure étatique comme aide au sens de l’article 87 CE. Nous nous limitons sur ce point à relever que, à compter de l’arrêt Sloman Neptun (64), la Cour a itérativement et sans hésitation affirmé le principe selon lequel l’aide d’État doit être financée directement ou indirectement au moyen de ressources d’État (65), montrant ainsi qu’elle considère cette exigence comme l’un des éléments constitutifs de la notion d’aide.

94.      Ce principe a été de nouveau confirmé (66) dans l’arrêt PreussenElektra (67), dans lequel la Cour a exclu la qualification d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE d’une réglementation d’un État membre qui, d’une part, imposait aux entreprises privées d’approvisionnement en électricité d’acheter l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à des prix minimaux supérieurs à la valeur économique de ce type d’énergie et, d’autre part, répartissait la charge financière résultant de cette obligation entre les entreprises d’approvisionnement en électricité et les exploitants privés des réseaux d’électricité situés en amont. Selon la Cour, en l’absence de transfert direct ou indirect de ressources d’État, le fait que cette réglementation conférait un avantage incontestable aux entreprises productrices d’électricité obtenue à partir de sources renouvelables et que cet avantage était la conséquence de l’intervention des pouvoirs publics n’était pas suffisant pour qualifier d’aide la mesure en question (68).

95.      Plus récemment, dans l’arrêt Pearle e.a. (69), la Cour a écarté la qualification de mesures d’aide d’État à l’égard des règlements adoptés par un organisme professionnel de droit public en vue du financement, au moyen de ressources prélevées auprès des membres de cet organisme et affectées obligatoirement à cette fin, d’une campagne publicitaire collective décidée par les membres, dès lors qu’il était établi que ce financement avait été réalisé au moyen de ressources dont cet organisme n’avait eu, à aucun moment, le pouvoir de disposer librement. La Cour a en particulier attaché de l’importance à la circonstance que les frais exposés par l’organisme public aux fins de la campagne avaient été entièrement compensés par les charges prélevées sur les entreprises qui en ont profité. Il en résultait selon la Cour que l’intervention de cet organisme «ne tendait pas à créer un avantage qui constituerait une charge supplémentaire pour l’État ou pour cet organisme» (70), lequel servait «uniquement d’instrument pour la perception et l’affectation de ressources générées en faveur d’un objectif purement commercial fixé préalablement par le milieu professionnel concerné et qui ne s’inscrivait nullement dans le cadre d’une politique définie par les autorités néerlandaises» (71).

96.      C’est avant tout en référence aux principes consacrés et aux solutions retenues par la Cour dans ces deux précédents qu’il y a lieu d’apprécier si la mesure prise en faveur de SEP par la réglementation nationale en cause satisfait à la condition du financement moyennant des ressources étatiques. En particulier, le Royaume des Pays-Bas soutient que cette appréciation ne peut qu’aboutir à une conclusion négative, à la lumière précisément des affirmations de la Cour dans ces arrêts.

97.      À cet égard, nous observons à titre préliminaire que l’arrêt de la Cour dans l’affaire PreussenElektra est susceptible d’avoir un impact particulièrement important sur les marchés se trouvant dans une phase de dérégulation dans lesquels – et cela est spécialement le cas du marché de l’électricité – les coûts échoués générés par la libéralisation sont particulièrement significatifs. En la matière, les pouvoirs de contrôle de la Commission sur les mesures nationales de soutien aux entreprises touchées par ces coûts ont été notablement réduits par une application rigide de la condition relative au financement moyennant des ressources étatiques, spécialement si l’on considère que de telles mesures sont souvent conçues de manière à répercuter sur les consommateurs finaux le poids économique de la réintégration des coûts en question, fréquemment à travers l’instauration de charges parafiscales (72). Le risque est donc que des mesures étatiques de nature à avoir une incidence même sensible sur les résultats des processus de libéralisation en cours dans les États membres soient de fait soustraites à tout contrôle sur la base des dispositions communautaires en matière d’aides d’État et échappent à l’encadrement strict auquel sont au contraire soumises les mesures assujetties à ce contrôle en application des lignes directrices de la Commission pour l’examen des aides liées à des coûts échoués (73).

98.      C’est principalement pour cette raison qu’il n’y a pas lieu selon nous d’étendre la solution retenue par la Cour dans son arrêt PreussenElektra au-delà des circonstances factuelles spécifiques qui en ont justifié l’adoption.

99.      Or, l’un des éléments que la Cour a considéré comme essentiel aux fins de la décision dans l’affaire PreussenElektra est la nature privée des sujets redevables des charges imposées par la loi relative à l’arrivée de courant provenant d’énergies renouvelables dans le réseau de service public (Stromeinspeisungsgesetz). L’importance de cette circonstance ressort clairement non seulement du dispositif, mais également des points 55 et 56 de l’arrêt, dans lesquels la Cour, compte tenu des éléments fournis par le gouvernement allemand sur la composition de l’actionnariat des entreprises impliquées (PreussenElektra et Schleswag), a reformulé la question préjudicielle posée par le Landgericht Kiel comme visant, en substance, à savoir si les charges imposées par la réglementation allemande (obligation d’achat à un prix préétabli et répartition des charges en résultant) à des entreprises privées d’approvisionnement en électricité et aux exploitants privés des réseaux d’électricité situés en amont  constituent des aides d’État (74). En outre, le mécanisme de la loi relative à l’arrivée de courant provenant d’énergies renouvelables dans le réseau de service public ne prévoyait pas l’intervention d’intermédiaires, chargés de la perception et/ou de la gestion des sommes destinées à l’aide; puisque l’avantage dont jouissaient les entreprises bénéficiaires consistaient en la garantie de vendre l’énergie qu’elles produisaient et en la différence entre la valeur économique de celle-ci et le prix, supérieur à cette valeur, établi par la loi, cet avantage était octroyé automatiquement au moment de la conclusion des contrats d’approvisionnement et du paiement de la contrepartie.

100. En s’appuyant sur ces éléments, il est donc possible de considérer que la portée de l’arrêt PreussenElektra est limitée au cas où une aide accordée par les pouvoirs publics à des entreprises déterminées est exclusivement financée par l’intermédiaire de l’imposition de charges pesant sur des opérateurs privés et est versée aux bénéficiaires directement par ces opérateurs.

101. Inversement, l’arrêt de la Cour ne concernerait pas i) le cas dans lequel l’aide est financée moyennant l’imposition de charges à des entreprises publiques ou par le biais de fonds à disposition de telles entreprises et ii) le cas dans lequel les ressources destinées au financement de la mesure d’aide, obtenues grâce aux charges imposées à des sujets privés (par exemple, des contributions parafiscales), transitent par des entreprises ou des organismes intervenant en qualité d’intermédiaires avant d’être attribuées aux bénéficiaires.

102.  En pareille hypothèse, la mesure de soutien en question pourrait relever de la notion d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, si elle s’avère financée par le biais de ressources d’État. Conformément à la jurisprudence de la Cour, cette condition est remplie lorsque les ressources utilisées sont directement ou indirectement soumises au contrôle de l’État. Dans l’arrêt France/Ladbroke Racing et Commission (75) et, plus récemment, dans l’arrêt France/Commission (76), la Cour a expressément affirmé que la notion de ressources d’État «englobe tous les moyens pécuniaires que le secteur public peut effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine dudit secteur». En conséquence, «même si les sommes correspondant à la mesure [en question] ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État» (77).

103. Pour ce qui concerne plus spécialement l’hypothèse, énoncée ci-dessus au point 101, sous i) , d’une mesure bénéficiant d’une aide par le biais de l’imposition de charges pesant sur des entreprises publiques ou en tout cas moyennant le recours à des fonds provenant de ces entreprises, la Cour a précisé, dans l’arrêt Stardust précité, que ces fonds doivent être considérés comme des ressources d’État lorsque l’État est en mesure, «par l’exercice de son influence dominante sur de telles entreprises, d’orienter l’utilisation de leurs ressources pour financer, le cas échéant, des [interventions] spécifiques en faveur d’autres entreprises» (78). À cette fin, il n’est pas nécessaire de démontrer que l’État a transféré à ces entreprises des dotations spécifiques en vue du financement de la mesure d’aide.

104. La nature publique d’un organisme n’implique pas toutefois que les ressources à sa disposition doivent automatiquement être qualifiées de ressources «d’État» au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Comme nous l’avons vu ci‑dessus (79), en effet, cette qualification peut, par exemple, être exclue lorsque cet organisme agit «uniquement [comme] instrument pour la perception et l’affectation des ressources générées» et que son intervention ne tend pas «à créer un avantage qui constituerait une charge supplémentaire pour l’État».

105. En outre, afin qu’une mesure mise en œuvre par une entreprise publique puisse être considérée comme une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, il est nécessaire qu’elle soit en tout état de cause imputable à l’État, c’est-à-dire qu’elle résulte d’une action des pouvoirs publics  (80).

106. S’agissant en revanche de l’hypothèse énoncée ci-dessus au point 101, sous ii), dans laquelle les fonds nécessaires au financement de la mesure d’aide sont prélevés à la charge de sujets privés et transmis aux bénéficiaires par le biais d’entreprises ou d’organismes intermédiaires, il convient avant tout de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre les cas dans lesquels l’aide est accordée directement par l’État et ceux où elle est accordée par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (81).

107. Il y a lieu ensuite de se référer plus spécifiquement à la jurisprudence relative aux mesures d’aide financées moyennant des taxes parafiscales ou des contributions obligatoires. Sur la base de cette jurisprudence, les fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État, gérés et répartis conformément à cette législation sont à considérer comme des ressources d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE même s’ils sont administrés par des institutions distinctes de l’autorité publique (82).

108. Il est certes possible d’objecter que cette jurisprudence a été implicitement écartée par l’arrêt PreussenElektra, au moins dans l’hypothèse où le rôle dévolu à l’intermédiaire concerne exclusivement la perception de la contribution ou reste de toute façon limité à un contrôle purement comptable des fonds récoltés et exclut par conséquent l’exercice d’une quelconque marge d’appréciation dans l’utilisation et dans l’affectation des fonds. En effet, objectivement, cette situation est difficile à distinguer, du point de vue économique, de celle dans laquelle les sommes destinées au financement de la mesure de soutien sont transférées directement par les sujets redevables de l’obligation de contribution aux entreprises bénéficiaires de la mesure (83).

109. Nous estimons toutefois que cette objection peut être écartée si l’on considère l’intervention d’un intermédiaire désigné par l’État, fût-il également simplement chargé de la perception ou d’un contrôle purement comptable, comme étant susceptible d’interrompre le flux direct des fonds de la sphère des sujets passifs à celle des bénéficiaires, permettant d’identifier un moment où ces fonds sont, au moins de manière indirecte, sous le contrôle de l’État, même si leur affectation n’est pas libre, prenant ainsi le caractère de ressources publiques. En particulier, une telle interprétation nous semble possible au moins dans deux situations, à savoir lorsque l’intermédiaire est public et lorsque les contributions obligatoires prélevées sur des entreprises ou des particuliers sont versées à un fonds, public ou privé, instauré ou conçu par l’État dans le but de distribuer l’aide conformément à la loi, indépendamment du degré d’autonomie de ce fonds dans la gestion et la répartition des sommes perçues.

110. L’arrêt Pearle e.a. mentionné précédemment ne nous semble pas faire obstacle à ce qui vient d’être exposé. Comme nous l’avons vu, dans cette affaire, la Cour a exclu la qualification de ressources d’État pour des fonds provenant de contributions obligatoires versées à un organisme professionnel par ses membres, dont l’imposition avait été rendue possible grâce au régime légal applicable à cet organisme et dont la perception avait pour but le financement d’une campagne publicitaire collective en faveur de ces membres. Or, parmi les différents éléments retenus par la Cour à l’appui de cette conclusion (impossibilité pour l’organisme de disposer des fonds, rôle de ce dernier limité à la perception des contributions, attribution d’un avantage sans charge correspondante pour l’État ou pour l’organisme public impliqué), la circonstance que l’initiative de promouvoir la campagne publicitaire en question et la proposition quant aux modalités de répartition des charges correspondantes émanaient du secteur commercial intéressé et non des autorités publiques nous semble décisive dans l’économie du raisonnement de la Cour, en ce qu’elle est en elle-même de nature à exclure que la mesure en cause puisse être imputée à l’État (84).

111. À la lumière de ce qui a été exposé jusqu’ici, il convient de se demander si les versements en faveur de SEP effectués en application des dispositions combinées des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 de l’OEPS impliquent l’utilisation de «ressources d’État» au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

112. Comme nous l’avons vu, le mécanisme mis en place par la disposition nationale en question prévoyait: l’imposition d’une majoration pour le service de transport à la charge des consommateurs d’électricité, la perception de cette majoration par les gestionnaires du réseau et le transfert du produit de la majoration par ces derniers à la «société désignée» (SEP) chargée d’assurer un contrôle comptable sur les fonds transférés et tenue de verser au ministre de l’Économie les sommes excédant éventuellement les 400 millions de NLG. Le litige pendant devant le juge de renvoi concerne particulièrement les sommes dues par un usager privé, Aldel, en application de la majoration en question, au gestionnaire de réseau du territoire où il est établi, Essent.

113. Il convient en premier lieu de relever que, en réponse à une question écrite posée par la Cour, Essent a précisé que, pendant la période de référence, c’est-à-dire entre le 1er août et le 31 décembre 2000, son capital était contrôlé à 100 % par Essent NV, dont le capital était quant à lui détenu à 100 % par des communes et des provinces et appartenait donc intégralement aux pouvoirs publics. Il s’ensuit, comme l’a soutenu à juste titre la Commission dans ses observations, qu’Essent était, pendant cette période, une entreprise publique au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 80/723/CEE de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (85).

114. Conformément à la jurisprudence de la Cour, les ressources à la disposition d’Essent (86) doivent donc être considérées en principe comme des ressources publiques. S’agissant de l’objection du gouvernement néerlandais sur le fait qu’Essent aurait pour rôle uniquement de percevoir des contributions, nous renvoyons à ce qui a déjà été exposé aux points 108 à 110 ci-dessus (87).

115. En second lieu, la circonstance que SEP était tenue de procéder à un contrôle comptable des sommes issues du produit de la majoration en cause, dont elle devait rendre compte au ministre de l’Économie, nous semble un élément pertinent. C’est vraisemblablement uniquement à l’issue de ce contrôle que les sommes en question étaient mises à disposition de SEP, qui était de toute façon tenue de les utiliser à des fins spécifiques, à savoir pour couvrir des coûts générés par des investissements effectués à l’instigation des pouvoirs publics.

116. Enfin, constitue également un élément pertinent la circonstance que, en application du paragraphe 5 de l’article 9 de l’OEPS, les sommes dépassant les 400 millions de NLG devaient être versées par SEP au ministère de l’Économie.

117. Sur la base des considérations qui précèdent, il nous semble possible de conclure que les versements effectués en faveur de SEP en application des dispositions combinées des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 de l’OEPS impliquaient l’utilisation de «ressources d’État» au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

118. À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous suggérons donc à la Cour de répondre comme suit à la seconde question préjudicielle:

Une réglementation nationale prévoyant que le revenu d’une majoration tarifaire, imposée à titre transitoire sur la consommation d’électricité et perçue par les gestionnaires de réseaux, est versé par ces derniers à une société qui est la filiale commune des producteurs nationaux d’électricité et qui est tenue, en application de ladite réglementation, de conserver une partie du revenu de la majoration pour couvrir les coûts échoués générés par des investissements effectués par cette société ou par les entreprises productrices avant l’ouverture du marché à la concurrence et de verser à l’État l’éventuel excédent, également destiné à couvrir ces coûts, peut constituer une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

Il appartient au juge de renvoi de déterminer si les conditions d’application de cet article sont réunies.

3.      Sur le respect de l’obligation de notification

119. Si le juge de renvoi n’interroge pas la Cour sur l’interprétation de l’article 88, paragraphe 3, CE, partant du principe que l’obligation de notification consacrée par cette disposition n’a pas été respectée par le Royaume des Pays‑Bas, nous estimons néanmoins utile de consacrer quelques brèves réflexions aux arguments soulevés par le gouvernement néerlandais pour contester le manquement qui lui est reproché.

120. Le Royaume des Pays-Bas soutient «avoir porté à la connaissance» de la Commission, dans le cadre de la procédure concernant l’aide N 597/1998, le texte intégral du projet de loi de l’OEPS. Cette communication aurait été faite par courrier du 30 août 2000, dans lequel le Royaume des Pays-Bas aurait spécialement attiré l’attention de la Commission sur le texte de l’article 9 de ce projet. La Commission ne conteste pas que l’intégralité du projet de loi ait été annexée à la lettre du 30 août 2000. En outre, il résulte du texte de ce courrier, produit par le gouvernement néerlandais sur demande de la Cour, que ce dernier y fait explicitement référence à l’article 9 de l’OEPS, même si c’est uniquement dans le paragraphe intitulé «Informations complémentaires sur le protocole aux fins de l’application de l’article 24 de la directive 92/96».

121. Il y a lieu de relever que la procédure N 597/1998 s’est conclue par la décision du 25 juillet 2001.

122. Or, le régime de l’article 9 de l’OEPS est entré en vigueur le 29 décembre 2000 et prévoyait que le produit de la majoration perçue au sens du paragraphe 1 de cet article devait être versé par les gestionnaires du réseau à SEP avant le 1er juillet 2001 (paragraphe 4 de l’article 9). Le Royaume des Pays-Bas a donc mis à exécution ce régime sans attendre la décision de la Commission mettant un terme à la procédure dans le cadre de laquelle la disposition instaurant ce régime avait été communiquée à celle-ci.

123. En outre, dans le cadre de cette mise à exécution, il a été prévu que la perception de la majoration visée à l’article 9, paragraphe 1, de l’OEPS serait d’effet rétroactif au 1er août 2000, soit une date antérieure au courrier ayant communiqué à la Commission les mesures prévues à cet article. À cet égard, il peut être utile de rappeler que, dans l’arrêt Van Calster e.a., précité, la Cour a jugé illégales des taxes parafiscales visant à financer des mesures de soutien en faveur de certains secteurs agricoles qui avaient été perçues avec effet rétroactif lors d’une période antérieure à la décision de la Commission ayant statué sur la compatibilité de ces mesures. Selon la Cour, en ayant prévu la rétroactivité de l’imposition de ses contributions, l’État intéressé avait agi en violation de l’obligation de notification préalable à la mise à exécution de l’aide.

124. Dès lors, quand bien même les éléments communiqués dans le courrier du 30 août 2000 devraient être considérés comme une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, cela ne suffirait pas pour considérer que l’obligation prévue par cette disposition a été respectée.

V –    Conclusions

125. À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de déclarer que:

«1)      Une majoration tarifaire telle que celle en cause dans l’espèce au principal, perçue indistinctement et aux mêmes conditions sur le transport d’électricité tant nationale qu’importée, constitue une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, interdite par l’article 25 CE, dès lors que le revenu de cette majoration est destiné à financer des activités dont bénéficie uniquement le produit national et que les avantages qui en résultent compensent intégralement la charge pesant sur ce produit; lorsque ces avantages ne compensent que partiellement la charge pesant sur le produit national, cette majoration constitue une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l’article 90 CE.

Il appartient au juge national de procéder aux vérifications nécessaires afin de déterminer la qualification juridique de la contribution en question. Dans ce contexte, le juge national examinera si et dans quelle mesure les coûts censés être couverts par le revenu de la majoration tarifaire en question pèsent directement ou indirectement sur les producteurs nationaux d’électricité.

2)      Une réglementation nationale prévoyant que le revenu d’une majoration tarifaire, imposée à titre transitoire sur la consommation d’électricité et perçue par les gestionnaires de réseaux, est versé par ces derniers à une société qui est la filiale commune des producteurs nationaux d’électricité et qui est tenue, en application de ladite réglementation, de conserver une partie du revenu de la majoration pour couvrir les coûts échoués générés par des investissements effectués par cette société ou par les entreprises productrices avant l’ouverture du marché à la concurrence et de verser à l’État l’éventuel excédent, également destiné à couvrir ces coûts, peut constituer une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

Il appartient au juge de renvoi de déterminer si les conditions d’application de cet article sont réunies.»


1 – Langue originale: l’italien.


2 – JO L 27, p. 20.


3 – Les quatre EPE étaient: NV Elektriciteits-Produktiemaatschappij Oost-en Noord-Nederland (EPON), NV Elektriciteits-Produktiemaatschappij Zuid-Nederland (EPZ), NV Elektriciteitsproduktiemaatschappij Zuid-Nederland (EZH), et NV Energieproductiebedrijf UNA (UNA).


4 – Créée en juin 1949, SEP était une société par actions chargée à l’origine d’assurer une assistance mutuelle en cas de panne grâce à l’utilisation optimale du réseau d’interconnexion national et international (voir décision 91/50/CEE de la Commission, du 16 janvier 1991, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/32.732 – IJsselcentrale e.a., JO L 28, p. 32). Le 29 décembre 2000, SEP est devenue BV Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor (NEA).


5 – En novembre 1999, EPON a été reprise par le groupe belge Electrabel et EZH par la société allemande PreussenElektra. Toujours en 1999, UNA a été achetée par Reliant, société des États‑Unis et, en 2002, elle est passée aux mains de NUON, contrôlée par des provinces et des communes.


6 – En vertu de l’article 2 de la loi sur l’électricité de 1989, SEP, en qualité de «société désignée», était chargée, ensemble avec les EPE, d’une mission d’intérêt économique général consistant à assurer l’approvisionnement public national en électricité à des coûts aussi faibles que possible (voir arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas, C-157/94, Rec. p. I-5699).


7 – Essent conteste toutefois que les sociétés de distribution aient été en tant que telles parties à l’accord.


8 –      Il s’agit de SEP.


9 – NEA, Elektrabel Groep BV et Edon Groep BV ont pris respectivement la suite, dans le cadre de ce contrat, de SEP, EPON et Edon.


10 – Au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous k), de la loi sur l’électricité de 1998.


11 – Dans le cadre de la procédure au principal, SEP et Saranne BV ont été appelées en garantie par Essent et l’État par Aldel.


12 – Sous l’empire de la loi sur l’électricité de 1998, SEP, en qualité de société désignée, jouissait d’un monopole pour l’importation de l’électricité destinée à l’usage public et d’une tension supérieure à 500 V (voir arrêt du 27 avril 1994, Almelo e.a., C-393/92, Rec. p. I-1477). Un usager privé tel Aldel pouvait donc légitimement, ne serait-ce que sur la base de cette loi, importer de l’électricité pour son usage propre. En outre, le 1er janvier 2000 s’est achevée la première étape de la libéralisation du marché de l’électricité hollandais en application de la directive 96/92, avec l’ouverture au marché du segment correspondant aux gros consommateurs. La question de savoir si, pendant la période d’application de la majoration litigieuse, Aldel, tout en en ayant la faculté, avait aussi la possibilité effective d’importer de l’électricité dépend tant des rapports contractuels qui la liaient à l’époque aux entreprises productrices nationales que des comportements sur le marché de ces dernières et de SEP (voir, à cet égard, décision 91/50).


13 – Voir, en particulier, arrêts du 15 juin 1999, Tarantik (C-421/97, Rec. p. I-3633, point 33); du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C-390/99, Rec. p. I-607, point 19), et du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium (C-393/04 et C-41/05, Rec. p. I-5293, point 24).


14 – Voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 1982, Schul (15/81, Rec. p. 1409, point 26); voir également arrêt du 14 décembre 1962, Commission/Luxembourg et Belgique (2/62 et 3/62, Rec. p. 813, en particulier p. 827).


15 – Voir, déjà en ce sens, arrêts du 8 juillet 1965, Deutschmann (10/65, Rec. p. 601), et du 16 juin 1966, Lütticke (57/65, Rec. p. 293), qui ont été suivis de nombreuses autres décisions.


16 – Pratiquement dans tous les cas où la Cour a été appelée à interpréter ces articles en référence à un dispositif fiscal national déterminé, ou à évaluer la légalité de ce dernier sur la base des dispositions de ces articles, elle a jugé nécessaire de se prononcer sur le rattachement du dispositif en cause au champ d’application de l’un ou de l’autre article. Dans son arrêt du 3 février 2000, Dounias (C-228/98, Rec. p. I-577, point 50), la Cour a retenu une approche moins dichotomique.


17 – Voir, entre autres, arrêts du 1er juillet 1969, Commission/Italie (24/68, Rec. p. 193, point 9); du 9 novembre 1983, Commission/Danemark (158/82, Rec. p. 3573, point 18), et du 17 septembre 1997, UCAL (C-347/95, Rec. p. I-4911, point 18).


18 – Voir arrêts Commission/Luxembourg et Belgique, précité note 14, Rec. p. 828; du 18 juin 1975, IGAV (94/74, Rec. p. 699, point 10), et du 25 mai 1977, Cucchi (77/76, Rec. p. 987, point 13).


19 – Voir, entre autres, arrêt UCAL, précité note 17, point 19.


20 – Voir, entre autres, arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie (73/79, Rec. p. 1533, point 15); du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l’Ouest e.a. (C-78/90 à C‑83/90, Rec. p. I-1847, point 26), et UCAL, précité note 17, point 21.


21 – Voir arrêts du 16 décembre 1992, Lornoy e.a. (C-17/91, Rec. p. I-6523, point 21); du 27 octobre 1993, Scharbatke (C-72/92, Rec. p. I-5509, point 10); Compagnie commerciale de l’Ouest e.a., précité note 20, point 27, et UCAL, précité note 17, point 22.


22 – Voir, entre autres, arrêts Compagnie commerciale de l’Ouest e.a., précité note 20, point 28, et Lornoy e.a., précité note 21, point 22.


23 – Voir les arrêts du 25 mai 1977, Interzuccheri (105/76, Rec. p. 1029, point 12), et Cucchi, précité note 18, point 19.


24 – Voir arrêt du 2 août 1993, CELBI (C-266/91, Rec. p. I-4337, point 18).


25 – Ces difficultés sont du reste attestées par le nombre de questions préjudicielles soulevées sur ce point face à une jurisprudence claire.


26 – L’avocat général Roemer avait déjà fait part de sa perplexité face à la complexité des évaluations nécessaires pour vérifier l’importance de la compensation, dans ses conclusions dans l’affaire Capolongo (arrêt du 19 juin 1973, 77/72, Rec. p. 611, spécialement p. 632), dont l’arrêt contient la première affirmation jurisprudentielle du critère de la compensation. Quelques années plus tard, l’avocat général Trabbuchi, dans ses conclusions dans l’affaire IGAV (précitée note 18) et l’avocat général Reischl dans l’affaire Cucchi (précitée note 18) ont proposé une application restrictive de ce critère, estimant que la jurisprudence Capolongo devrait se référer aux seuls cas de «fraude substantielle à la loi». Les avocats généraux Mayras (dans l’affaire ICAP, arrêt du 28 mars 1979, 222/78, Rec. p. 1163) et Gulmann (dans l’affaire CELBI, précitée note 24, point 15) ont tenu des propos ouvertement critiques. Enfin, l’avocat général Tesauro a, à plusieurs reprises, souligné les difficultés d’application du critère de la compensation aux différents cas d’espèce (voir, par exemple, ses conclusions dans l’affaire UCAL, précitée note 17).


27 – En ce sens, voir conclusions de l’avocat général Gulmann dans l’affaire CELBI, précitée note 24, point 15, et, avant lui, conclusions de l’avocat général Mayras dans l’affaire ICAP, précitée note 24.


28 – Ainsi, par exemple, dans le cadre d’un recours en manquement contre la République italienne, la Cour a exclu qu’un tarif établi par un ordre professionnel et imposé par la loi constitue une taxe d’effet équivalent, puisque le recours aux services auxquels ce tarif s’appliquait n’était pas obligatoire (voir arrêt du 9 février 1994, Commission/Italie, C-119/92, Rec. p. I-393, points 46 et 47).


29 – Voir, par exemple, arrêt du 16 février 1977, Schöttle (20/76, Rec. p. 247, points 12 et 13).


30 – Voir, entre autres, affaire Interzuccheri, précitée note 23, dans laquelle il était question de deux majorations différentes du prix du sucre établi par le Comitato interministeriale prezzi afin d’alimenter une caisse d’égalisation pour le sucre. En l’espèce, il ressort des observations présentées à la Cour par SEP que, pendant la période d’application de la majoration litigieuse, le tarif du transport de l’électricité était établi par un organisme public.


31 – Voir arrêt du 15 juillet 1964, Costa (6/64, Rec. p. 1141), affirmant que l’électricité peut relever du champ d’application de l’article 31 CE en matière de monopoles nationaux à caractère commercial, et arrêts du 23 octobre 1997, Commission/Italie (C-158/94, Rec. p. I-5789, point 17), et Almelo e.a., précité note 12, point 28, dans lequel la Cour a estimé qu’il n’était pas contesté que l’électricité constituait une marchandise au sens de l’article 28 CE. Dans l’arrêt du 2 avril 1998, Outokumpu (C-213/96, Rec. p. I-1777), la Cour a apprécié la compatibilité avec les articles 25 CE et 90 CE d’une taxe sur la production d’électricité.


32 – Voir arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Italie, précité note 31, point 18.


33 – Comme lorsque la charge consiste en la contrepartie due pour la délivrance de licences d’importation ou pour les contrôles sanitaires.


34 – Précité note 29.


35 – Point 16.


36 – Dispositif.


37 – Point 15.


38 – Voir ci-dessus, points 35 à 38.


39 – Cette conclusion semble possible également en l’absence de données relatives au montant total du produit généré par l’application de la majoration en cause et au pourcentage d’électricité importée d’autres États membres et fournie – directement ou indirectement par le biais de SEP – pendant la période d’application de cette majoration aux sujets tenus de s’en acquitter.


40 – Il ressort toutefois de la décision de la Commission du 25 juillet 2001 et du compte-rendu d’introduction au texte de l’OEPS que les obligations issues des contrats relatifs au chauffage urbain resteraient à la charge de l’entreprise les ayant contractées. Il semble au contraire ressortir des réponses aux questions écrites de la Cour que la responsabilité de la totalité des coûts échoués incombait, jusqu’à la fin 2000, à SEP. À compter du 1er janvier 2001, la responsabilité relative aux obligations issues des contrats de chauffage urbain aurait été transférée aux EPE, sur la base de pourcentages déterminés, tandis que celle concernant les coûts générés par Demkolec serait restée à la charge de SEP (par l’intermédiaire de NV Demkolec, filiale à 100 % de SEP), propriétaire de la centrale, jusqu’à la date à laquelle celle-ci a été cédée à NUON.


41 – Les réponses des parties aux questions écrites posées par la Cour ne semblent pas contester le fait que, pendant la période de référence, les quatre EPE continuaient à opérer sur la base de l’accord de coopération de 1986, qui confiait à SEP la mission d’assurer la commercialisation de la totalité de l’électricité produite par les EPE et impliquait, notamment, une mise en commun des coûts de production ainsi que leur répartition entre les EPE selon des pourcentages reflétant la participation de chacune d’elles au capital de SEP. Il en ressort en outre que le rôle actif de SEP dans le secteur de l’approvisionnement en électricité a disparu lorsqu’elle est devenue, le 1er janvier 2001, la société NEA, laquelle a uniquement pour tâche de mener à terme les opérations lancées avant 2001.


42 – Dans ses réponses aux questions écrites de la Cour, Essent souligne que, en vertu du protocole, le secteur de la production aurait pu légitimement réclamer au secteur de la distribution la somme de 400 millions de NLG pour l’année 2000, vraisemblablement même si les entreprises de distribution n’étaient pas en mesure de récupérer ces sommes par le biais des tarifs de transport ou de fourniture.


43 – Il faut toutefois noter qu’il ressort des réponses des parties aux questions écrites posées par la Cour qu’Essent est devenue, à la suite d’une fusion, l’une des quatre actionnaires de NEA (anciennement SEP) et est également présente dans le secteur de la production.


44 – Voir arrêt Interzuccheri, précité note 23, point 15.


45 – Voir, entre autres, arrêts du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig (78/76, Rec. p. 595, point 14), et du 30 novembre 1993, Kirsammer-Hack (C-189/91, Rec. p. I-6185, point 14).


46 – Voir, entre autres, arrêts du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon (C‑354/90, Rec. p. I-5505, point 12), et Lornoy e.a., précité note 21, point 30.


47 – Voir arrêt Air Liquide Industries Belgium, précité note 13, point 42. Voir, également, arrêt Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, précité note 46, point 12, et du 13 janvier 2005, Streekgewest (C-174/02, Rec. p. I‑85, point 17).


48 – Voir arrêts du 21 octobre 2003, Van Calster e.a. (C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249, point 49), et du 27 novembre 2003, Enirisorse (C-34/01 à C-38/01, Rec. p. I-14243, point 44).


49 – Voir arrêt Van Calster e.a., précité note 48, point 47; voir déjà en ce sens arrêt du 25 juin 1970, France/Commission (47/69, Rec. p. 487, point 13).


50 – Arrêt précité note 48, point 51.


51 – Ibidem, point 52.


52 – Ibidem, point 54.


53 – Arrêt précité note 47, point 26; dans le même sens, voir également arrêts du 27 octobre 2005, Casino France e.a. (C-266/04 à C-270/04, C-276/04 et C-321/04 à C-325/04, Rec. p. I-9481, point 40), et Air Liquide Industries Belgium, précité note 13, point 46.


54 – Voir, entre autres, arrêt Air Liquide Industries Belgium, précité note 13, point 28.


55 – Et ce bien que, comme le relève le gouvernement néerlandais et comme cela ressort de la décision de renvoi, l’imposition d’une telle obligation présuppose l’existence du protocole et que la perception de la majoration ait pour but d’assurer l’exécution de ce protocole, permettant au secteur de la distribution de répercuter sur les consommateurs les charges qui en découlent. L’article 9 de l’OEPS ne prévoit par ailleurs expressément aucun mécanisme de compensation dans l’hypothèse où SEP aurait déjà reçu en tout ou partie les paiements que les gestionnaires de réseaux (ou les fournisseurs) sont tenus d’effectuer sur la base du protocole.


56 – Nous observons en marge que l’article 97 de la loi sur l’électricité a néanmoins fait de l’exécution du protocole une obligation légale. Bien qu’elle ne soit pas directement prise en compte par le juge de renvoi, cette disposition, qui ne semble pas avoir été notifiée à la Commission, pourrait en tant que telle constituer une mesure d’aide dont les modalités de financement sont prévues à l’article 9 de l’OEPS.


57 – Il n’est pas précisé si les gestionnaires de réseau et/ou les fournisseurs seraient dispensés, s’ils s’étaient déjà acquittés de leurs obligations au titre du protocole, des versements visés à l’article 9, paragraphe 4, de l’OEPS pour les sommes correspondant à leur participation aux coûts échoués, ou s’ils seraient en tout état de cause tenus à ces versements, sauf à en obtenir ultérieurement de SEP le remboursement.


58 – Sur la base de l’article 9, paragraphe 5, de l’OEPS, cet excédent est néanmoins destiné à couvrir les coûts échoués.


59 – Voir, entre autres, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission (C-372/97, Rec. p. I‑3679, point 44), et Air Liquide Industries Belgium, précité note 13, point 34.


60 – Voir arrêts du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano (C-148/04, Rec. p. I-11137, point 56 et jurisprudence citée), et Air Liquide Industries Belgium, précité note 13, point 35.


61 – Sur la base de la loi sur l’électricité de 1989, voir arrêt Almelo e.a., précité note 12, points 13 et suiv.


62 – Voir arrêt Air Liquide Industries Belgium, précité note 13, point 37.


63 – Voir arrêts du 30 janvier 1985, Commission/France (290/83, Rec. p. 439, points 13 et 14); du 2 février 1988, van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 32 à 38), et du 7 juin 1988, Grèce/Commission (57/86, Rec. p. 2855, point 12), et conclusions des avocats généraux VerLoren van Themaat dans l’affaire Norddeutsches Vieh- und Fleischkontor Will e.a. (arrêt du 13 octobre 1982, 213/81 à 215/81, Rec. p. 3583); Slynn dans l’affaire Commission/Grèce, précitée, et Darmon dans l’affaire Sloman Neptun (arrêt du 17 mars 1993, C‑72/91 et C-73/91, Rec. p. I-887).


64 – Précité note 63.


65 – Cette formulation a déjà été utilisée dans l’arrêt du 24 janvier 1978, van Tiggele (82/77, Rec. p. 25, point 25).


66 – À cette occasion, la Cour a été ouvertement invitée par la Commission à reconsidérer sa jurisprudence, en particulier à la lumière des récents développements de l’ordre juridique communautaire.


67 – Arrêt du 13 mars 2001 (C-379/98, Rec. p. I-2099).


68 – Points 59 et 61.


69 – Arrêt du 15 juillet 2004 (C-345/02, Rec. p. I-7139).


70 – Point 36.


71 – Point 37.


72 – Ainsi, par exemple, citant l’arrêt PreussenElektra, la Commission a renoncé à apprécier, sur la base de l’article 87, paragraphe 1, CE, l’imposition au Royaume-Uni d’une taxe parafiscale (Competitive Transition Charge), perçue auprès des consommateurs finaux et versée directement au fournisseur d’électricité (décision du 27 février 2002 dans la procédure N 661/99).


73 – Communication de la Commission sur la méthodologie d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués, adoptée le 26 juillet 2001.


74 – Cette reformulation a permis à la Cour de limiter la portée de la question préjudicielle posée par le juge de renvoi – qui s’étendait à l’évaluation de l’intégralité du système de mesures de soutien à la production d’énergie à partir de sources renouvelables prévu par la réglementation litigieuse – la cantonnant à l’examen des seules obligations imposées aux parties de la procédure au principal en application de cette réglementation.


75 – Arrêt du 16 mai 2000 (C-83/98 P, Rec. p. I-3271), ayant confirmé l’arrêt du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission (T-67/94, Rec. p. II-1).


76 – Arrêt du 16 mai 2002, dit «Stardust» (C-482/99, Rec. p. I-4397). Voir également conclusions de l’avocat général Jacobs.


77 – Point 50 de l’arrêt France/Ladbroke Racing et Commission, précité note 75, et point 37 de l’arrêt Stardust, précité note 76. Ce principe avait été affirmé précédemment par le Tribunal dans son arrêt du 12 décembre 1996, Air France/Commission (T-358/94, Rec. p. II-2109, point 67).


78 – Point 38.


79 – Point 95.


80 – La Cour a explicité les critères permettant de déterminer cette imputabilité dans son arrêt Stardust, précité note 76.


81 – Voir arrêt PreussenElektra, précité note 67, point 58 et jurisprudence citée.


82 – Arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission (173/73, Rec. p. 709, point 35). Voir également arrêt Steinike & Weinlig, précité note 45.


83 – Voir, en ce sens, décision de la Commission du 31 octobre 2000 dans la procédure N/6/A/2001.


84 – Voir, également en ce sens, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer.


85 – JO L 195, p. 35.


86 – La situation ne semble pas différente pour les autres gestionnaires de réseau eux‑mêmes appartenant à des organismes publics.


87 – Nous observons par ailleurs que, s’il est vrai que, en vertu de l’article 9, paragraphes 1 et 4, de l’OEPS, Essent avait uniquement pour mission d’encaisser la majoration en cause et de la verser à SEP, elle était néanmoins légalement tenue, en application de l’article 97 de la loi sur l’électricité de 1998, qui avait fait de l’exécution du protocole une obligation légale, d’effectuer en faveur de SEP les paiements qui lui incombaient en application de ce protocole. La question préjudicielle posée par le juge de renvoi n’évoque pas la possibilité que l’article 97 de la loi sur l’électricité de 1998 comporte une mesure d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Il n’est donc pas nécessaire de l’examiner.