ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
12 mai 1998 (1)
«Fonctionnaires Recrutement Emploi de chef de délégation de la
Commission Avis de vacance d'emploi Légalité Décision de rejet de
candidature Obligation de motivation Examen comparatif des mérites des
candidats Pouvoir d'appréciation de l'AIPN Protection de la confiance
légitime Devoir de sollicitude»
Dans l'affaire T-159/96,
Rüdiger Wenk, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes,
demeurant à Caracas, représenté par Me Nicolas Lhoëst, avocat au barreau de
Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL,
30, rue de Cessange,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall et
Mme Christine Berardis-Kayser, membres du service juridique, en qualité d'agents,
ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre
du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 2
février 1996 portant rejet de la candidature du requérant au poste de chef de la
délégation de la Commission à San José.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. J. Azizi, président, R. García-Valdecasas et M. Jaeger, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 décembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- La Commission des Communautés européennes a publié le 16 novembre 1995 l'avis
de vacance d'emploi COM/121/95 (ci-après «avis de vacance») en vue de pourvoir
un emploi de grade A 5/A 4 de chef de la délégation de la Commission au Costa
Rica, à San José.
- 2.
- L'avis de vacance exigeait des candidats à l'emploi à pourvoir les qualifications
suivantes:
des connaissances approfondies des politiques communautaires et du
fonctionnement de l'Union européenne dans ses aspects économiques et
politiques, ainsi qu'en ce qui concerne ses relations extérieures;
une aptitude à diriger une équipe dans un environnement socio-culturel
différent;
une expérience appropriée à la fonction.
- 3.
- Le requérant, qui est fonctionnaire de la Commission de grade A 4 affecté à la
délégation de la Commission au Venezuela, a déposé sa candidature pour l'emploi
en question.
- 4.
- Le comité consultatif des nominations a retenu trois candidatures, dont celle du
requérant.
- 5.
- Par décision du 30 janvier 1996, la Commission a nommé M. K. à l'emploi en
question.
- 6.
- Par courrier daté du 2 février 1996, le requérant a été informé, au moyen d'un
formulaire type, de la décision de la Commission de ne pas retenir sa candidature.
- 7.
- Par courrier daté du 19 avril 1996, le requérant a invité la Commission, par
l'intermédiaire de son conseil, à lui communiquer les critères retenus pour l'emploi
vacant et à porter à sa connaissance l'examen comparatif des mérites auquel
l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») a procédé en vue
d'attribuer l'emploi en question.
- 8.
- Le requérant, qui n'avait pas reçu de réponse à son courrier, a déposé le 13 mai
1996, une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des
fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).
- 9.
- N'ayant reçu aucune réponse dans un délai de quatre mois, le requérant a
considéré que cette réclamation avait fait l'objet d'une décision implicite de rejet
en date du 13 septembre 1996.
Procédure et conclusions des parties
- 10.
- C'est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 15
octobre 1996, le requérant a introduit le présent recours.
- 11.
- Le 20 novembre 1996, le requérant s'est vu notifier par la Commission une décision
de rejet de sa réclamation datée du 11 septembre 1996.
- 12.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une
part, d'adopter une mesure d'organisation de la procédure en invitant la
Commission à répondre par écrit à une question et à produire certains documents
et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.
- 13.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 11
décembre 1997.
- 14.
- Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision portant rejet de la candidature du requérant à l'emploi
visé par l'avis de vacance COM/121/95, en ce compris la décision notifiée
au requérant moyennant l'envoi d'un formulaire type daté du 2 février 1996;
annuler, pour autant que de besoin, la décision implicite de rejet que la
Commission a adoptée en s'abstenant de répondre à la réclamation du
requérant;
annuler toutes décisions connexes adoptées par la Commission, notamment
celle portant nomination de M. K. à l'emploi litigieux;
condamner la Commission à procéder une nouvelle fois au pourvoi de
l'emploi litigieux, conformément aux dispositions du statut;
condamner la Commission aux dépens.
- 15.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
condamner la Commission à payer au requérant une somme à évaluer ex
aequo et bono à titre de dommages et intérêts pour faute de service;
rejeter le recours comme non fondé sur les autres points;
condamner le requérant aux dépens pour tout acte ultérieur à la requête
introductive d'instance.
Sur le fond
- 16.
- Le requérant soulève trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de
l'illégalité de l'avis de vacance, le deuxième est tiré d'une violation des articles 7,
paragraphe 1, 27 et 45, paragraphe 1, du statut, du principe de protection de la
confiance légitime et du devoir de sollicitude et, enfin, le troisième est tiré d'une
violation de l'article 25 du statut.
1. Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'avis de vacance
Arguments des parties
- 17.
- Le requérant rappelle que tout avis de vacance d'emploi doit informer les
intéressés, d'une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions
requises pour occuper le poste à pourvoir, afin de les mettre en mesure d'apprécier
s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (arrêts de la Cour du 30 octobre
1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 40, du 28 juin 1979, Anselme et
Constant/Commission, 255/78, Rec. p. 2323, et du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement,
289/81, Rec. p. 1731; arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Booss et
Fischer/Commission, T-58/91, Rec. p. II-147, point 67).
- 18.
- Le requérant considère que, en l'espèce, l'avis de vacance ne répondait pas à cette
condition et qu'il est, partant, illégal. En effet, il aurait été formulé en des termes
extrêmement vagues qui n'auraient pas permis à l'éventuel candidat de mesurer
avec précision les qualifications qui étaient requises pour l'emploi à pourvoir et il
se serait limité à indiquer quelques considérations générales qui seraient identiques
pour tous les emplois vacants de chef de délégation de la Commission.
- 19.
- Le requérant en conclut que la Commission a donc opté pour une politique
consistant à publier des avis de vacance extrêmement peu précis afin de pouvoir
recueillir un maximum de candidatures et adapter ensuite les exigences requises de
l'emploi à pourvoir aux qualifications du candidat choisi.
- 20.
- Le requérant estime que cette pratique est totalement illégale, d'une part, parce
qu'elle permet à l'AIPN de prendre connaissance des candidatures avant de fixer
les exigences réelles de l'emploi à pourvoir, le requérant renvoyant dans ce
contexte à l'arrêt du Tribunal du 17 mai 1995, Kratz/Commission (T-10/94, RecFP
p. II-315, points 57 à 59), et d'autre part, parce qu'elle ne permet pas aux
intéressés de mentionner leurs qualifications les plus adaptées à l'emploi qu'ils
convoitent.
- 21.
- Le requérant expose, enfin, que cette illégalité lui fait grief. En effet, en raison de
l'absence de précision de l'avis de vacance, il n'aurait pas pu faire valoir ses
qualités les plus appropriées pour le poste à pourvoir et sa candidature n'aurait
donc pas été retenue. Pour procéder à la nomination de M. K., l'AIPN, pour autant
qu'elle ait procédé à un examen comparatif des mérites, ce que le requérant
conteste, aurait retenu, comme critères déterminants, des qualifications non
précisées dans l'avis de vacance.
- 22.
- Le requérant en conclut que l'illégalité de l'avis de vacance justifie l'annulation de
toutes les décisions que la Commission a adoptées à la suite de la publication de
cet avis, notamment sa décision de rejeter la candidature du requérant ainsi que
sa décision de nommer M. K. à l'emploi litigieux.
- 23.
- La Commission considère que ce moyen n'est pas fondé.
Appréciation du Tribunal
- 24.
- La fonction de l'avis de vacance est, d'une part, d'informer les intéressés d'une
façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper
l'emploi à pourvoir afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu pour eux
de faire acte de candidature (arrêt Grassi/Conseil, cité au point 17 ci-dessus, point
40) et, d'autre part, de fixer le cadre de légalité dans lequel l'institution entend
procéder à l'examen comparatif des mérites des candidats (arrêt de la Cour du 7
février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 19).
- 25.
- L'AIPN ne respecte pas ce cadre de légalité si elle ne s'avise des conditions
particulières requises pour occuper l'emploi à pourvoir qu'après la publication de
l'avis de vacance, au vu des candidats qui se sont présentés, et si elle prend en
considération, lors de l'examen des candidatures, d'autres conditions que celles qui
figurent dans l'avis de vacance. Une telle démarche priverait, en effet, l'avis de
vacance du rôle essentiel qu'il doit assumer dans la procédure de recrutement (voir,
par exemple, les arrêts du Tribunal Booss et Fischer/Commission, cité au point 17
ci-dessus, point 67, et du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T-6/96, RecFP p. II-357,
point 98).
- 26.
- Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, si l'avis de vacance était, comme le prétend
le requérant, rédigé en des termes tellement généraux et imprécis qu'il ne pouvait
permettre à l'AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des différents
candidats et de justifier, le cas échéant, le rejet de sa candidature.
- 27.
- L'emploi à pourvoir, consistant à diriger la délégation de la Commission dans un
pays tiers et donc à assumer et à organiser la représentation de celle-ci dans tousles aspects de ses activités, fait appel, plutôt qu'à une expérience technique
spécifique et limitée, à des connaissances et à des expériences à la fois étendues,
diversifiées et générales.
- 28.
- Eu égard à cette nature particulière de l'emploi, l'avis de vacance énonce des
exigences suffisamment précises, à savoir, premièrement, celle de disposer de
connaissances approfondies des politiques communautaires et du fonctionnement
de l'Union européenne (aspects économiques et politiques, relations extérieures),
deuxièmement, celle de posséder une aptitude à diriger une équipe dans un
environnement socio-culturel différent de celui de la Communauté et,
troisièmement, celle de bénéficier d'une expérience appropriée à la fonction. Les
deux premières exigences se réfèrent à des qualités manifestement indispensables
à tout titulaire d'une fonction de chef de délégation de la Commission,
indépendamment du pays d'affectation. La troisième exigence oblige le candidat à
mettre en valeur son expérience et, partant, son aptitude à exercer cette fonction
en général et dans le pays d'affectation visé par l'avis de vacance en particulier. Le
candidat est donc nécessairement tenu de démontrer son expérience et, partant, sa
connaissance des exigences spécifiques que comporte l'exercice de la fonction dans
le pays d'affectation en cause. L'avis de vacance a ainsi pu servir, dans l'intérêt du
service, de critère utile de sélection du meilleur candidat parmi les postulants.
- 29.
- Eu égard aux considérations qui précèdent, l'avis de vacance en cause ne saurait
être critiqué en ce qu'il était identique à celui qui est généralement utilisé en vue
de pourvoir à des emplois de chef de délégation de la Commission dans tous les
pays tiers.
- 30.
- Le premier argument, tiré du caractère général et imprécis de l'avis de vacance,
n'est donc pas fondé.
- 31.
- Il y a lieu d'analyser, en deuxième lieu, l'argument du requérant selon lequel
l'AIPN, en adoptant l'avis de vacance, aurait poursuivi le but de ne définir les
exigences véritables de l'emploi à pourvoir qu'après le dépôt des candidatures.
- 32.
- Il résulte de la décision de rejet de la réclamation du requérant ainsi que de
l'argumentation développée par la Commission dans ses mémoires en défense et
en duplique que la candidature de M. K. a été finalement préférée à celle du
requérant parce que l'AIPN estimait que, compte tenu de son expérience plus vaste
acquise dans plusieurs domaines d'activités de la Commission et de ses
connaissances plus générales des diverses politiques communautaires, M. K. était
le candidat le plus adéquat pour occuper l'emploi à pourvoir. Les critères sur la
base desquels la candidature du requérant a été finalement rejetée au profit de
celle de M. K. sont donc exclusivement ceux posé par l'avis de vacance, qui exigeait
notamment des candidats des connaissances approfondies des politiques
communautaires et du fonctionnement de l'Union ainsi qu'une expérience
appropriée à la fonction.
- 33.
- Le requérant, sur qui pèse la charge de la preuve, demeure en défaut d'établir, ou
à tout le moins de présenter des indices de nature à considérer comme
vraisemblable que l'AIPN, après le dépôt des candidatures et au vu de celles-ci, a
défini des qualifications autres que celles figurant dans l'avis de vacance et choisi
le candidat sur cette base.
- 34.
- Le requérant ne peut pas se prévaloir de l'arrêt Kratz/Commission, cité au point
20 ci-dessus. En effet, d'une part, la détermination du niveau de l'emploi à
pourvoir, qui constitue l'objet dudit arrêt, ne fait pas l'objet de contestations dans
la présente affaire et, d'autre part, il n'existe pas d'indices concluants de nature à
établir que des éléments déterminants pour l'attribution de l'emploi à pourvoir, en
particulier la nature des qualifications exigées, n'auraient été définis qu'après le
dépôt des candidatures.
- 35.
- Le deuxième argument, selon lequel l'AIPN n'aurait défini les exigences véritables
de l'emploi à pourvoir qu'après le dépôt des candidatures, n'est donc pas fondé.
- 36.
- Le troisième argument du requérant, selon lequel l'absence de précision de l'avis
de vacance ne lui aurait pas permis de faire valoir ses qualités les plus appropriées
pour l'emploi à pourvoir, doit également être rejeté.
- 37.
- En effet, d'une part, il a été constaté ci-dessus que l'avis de vacance présentait un
caractère de précision suffisant, eu égard à la nature de l'emploi à pourvoir.
D'autre part, le requérant semble bien avoir été en mesure de présenter ses
qualités les plus appropriées, dès lors que, premièrement, sa candidature a été
retenue, au même titre que deux autres seulement parmi les douze candidatures
présentées, par le comité consultatif des nominations et que, deuxièmement, il
résulte de la décision de rejet par la Commission de la réclamation ainsi que de
l'argumentation développée par celle-ci dans ses mémoires en défense et en
duplique que l'AIPN a tenu compte des qualités réelles et de l'expérience
professionnelle certaine du requérant et l'a considéré comme candidat valable. Il
n'existe donc pas d'indices pertinents de nature à établir que le rejet de la
candidature du requérant serait dû à une présentation insuffisante de celle-ci.
- 38.
- Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.
2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 7, paragraphe 1, 27 et 45,
paragraphe 1, du statut, du principe de protection de la confiance légitime et du devoir
de sollicitude
- 39.
- Le deuxième moyen du requérant se subdivise en deux branches tirées,
respectivement, d'irrégularités dans l'examen comparatif des mérites et d'une
violation du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de
sollicitude.
Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d'irrégularités dans l'examen
comparatif des mérites
Arguments des parties
- 40.
- Le requérant rappelle que, dans le cadre d'une mutation ou d'une promotion
opérée conformément à l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, les articles 7,
paragraphe 1, 27 et 45, paragraphe 1, du statut, imposent un examen comparatif
des mérites de tous les fonctionnaires qui sont promouvables et font acte de
candidature. Il ne conteste pas que chaque institution est maître de son
organigramme et dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour organiser ses
services et affecter le personnel qui se trouve à sa disposition. Il estime toutefois
que, selon une jurisprudence constante, ce large pouvoir d'appréciation devrait être
exercé dans le cadre de légalité que l'institution s'est elle-même fixée, dans le strict
respect de la procédure instituée par l'article 45 du statut et dans l'intérêt du
service.
- 41.
- Le requérant soutient que la Commission n'a pas procédé, en l'espèce, à un
examen comparatif des mérites des candidats et a, de ce fait, violé les dispositions
susvisées du statut. Il déduit cette conclusion de l'absence de réponse de la
Commission à son courrier du 19 avril 1996 et à sa réclamation du 13 mai 1996.
L'existence d'un tel examen ne résulterait d'ailleurs d'aucun document produit par
la Commission. Il invoque également le contenu d'une remarque manuscrite qui lui
a été adressée le 5 mai 1996 par le directeur général de la direction générale
Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère
et de sécurité commune, service extérieur (DG IA) remarque apposée sur un
courrier que le requérant avait adressé, le 25 avril 1996, à ce même directeur
général , dans lequel ce dernier explique que les décisions concernant les
nominations aux emplois de chef de délégation doivent être adoptées à l'unanimité
par les directeurs généraux représentés dans le comité de direction, sous réserve
d'une approbation ultérieure par les cabinets des membres de la Commission. Il en
déduit qu'il est légitime de se poser de sérieuses questions sur l'utilité de la
procédure officielle de pourvoi des emplois vacants, alors que la décision finale
dépend des cabinets dont les critères de sélection ne sont pas connus et ne tiennent
certainement pas aux qualités et à l'expérience des candidats, ni aux exigences des
emplois à pourvoir.
- 42.
- Le requérant expose, à titre subsidiaire, que, à supposer que la Commission ait
procédé à un examen comparatif des mérites, elle aurait alors commis une erreur
manifeste d'appréciation, dans la mesure où, eu égard à sa formation et à son
expérience professionnelle, il possèderait des qualifications et des compétences
particulièrement appropriées pour l'emploi en question, alors que celles du
candidat retenu, M. K., ne seraient pas comparables aux siennes.
- 43.
- En ce qui concerne ses propres qualifications et compétences, le requérant relève
qu'il était en charge, entre 1985 et 1988, de l'établissement, de l'ouverture et de la
direction permanente d'une délégation dans un environnement socio-culturel
totalement différent de celui de la Communauté, à savoir l'Indonésie. Dans le cadre
de cette activité, il aurait abordé tous les domaines touchant aux relations
bilatérales, mais également multilatérales [ANASE (Association des nations de
l'Asie du Sud-Est)-CEE] et principalement la coopération au développement, la
coopération économique et la coopération commerciale. La délégation aurait aussi
eu une vocation régionale puisqu'elle se serait également occupée de Singapour et
de Brunei. Il aurait dirigé une équipe de dix personnes. Son travail accompli lui
aurait valu de nombreux éloges, notamment ceux de M. Claude Cheysson, membre
de la Commission.
- 44.
- Il ajoute que son expérience en Indonésie est venue compléter celle antérieure de
dix années dans le domaine de la coopération acquise au Niger, au Mali et au
Kenya.
- 45.
- Il fait, par ailleurs, état de ses fonctions actuelles de conseiller à la délégation de
la Commission au Venezuela, exercées depuis novembre 1992, ainsi que de son
expérience non négligeable au siège de la Commission, acquise pendant ses sept
années d'activité à la direction générale Développement (relations extérieures et
de coopération au développement avec l'Afrique, les Caraïbes et le Pacifique;
convention de Lomé) (DG VIII) et ses quatre années d'activité à la direction
générale Transports (DG VII), dont deux ans comme chef de division faisant
fonction.
- 46.
- Il fait observer que ses capacités et mérites à occuper une fonction de chef de
délégation ont été soulignés à plusieurs reprises, notamment dans son rapport de
notation pour l'exercice 1993/1995 et dans un courrier du directeur général de la
direction générale Relations économiques extérieures (DG I) de la Commission du
16 juillet 1993, dans lequel celui-ci déclare avoir soutenu la candidature du
requérant à un emploi de chef de délégation.
- 47.
- Il en conclut qu'il dispose de connaissances approfondies sur les aspects
économiques et politiques de l'Union européenne et sur ses relations extérieures,
acquises aussi bien au siège de la Commission que dans quatre délégations
réparties sur trois continents différents, qu'il a démontré son aptitude à diriger une
équipe dans un environnement socio-culturel différent et qu'il bénéficie d'une
expérience tout à fait appropriée à l'emploi à pourvoir. En effet, il serait spécialisé
dans le domaine de la coopération au développement, ce qui constituerait
justement la tâche principale de la délégation de la Commission au Costa Rica. Ce
serait pour cette raison que le directeur de la direction I (Amérique latine) à la
DG I aurait proposé sa candidature à l'emploi litigieux.
- 48.
- En ce qui concerne les qualifications et compétences du candidat retenu, le
requérant estime que ce dernier ne peut faire état d'aucune expérience en
délégation, exception faite de celle acquise pendant trois ans à New York (États-Unis d'Amérique) comme conseiller auprès de l'Organisation des Nations unies (ci-après «ONU»), sa mission consistant seulement, cependant, à suivre les débats au
Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale des Nations unies et à préparer des
projets de rapport. Dans le cadre de cette tâche, M. K. se serait occupé de la
coopération politique et des affaires sociales et juridiques, mais non pas d'aspects
économiques ou commerciaux, ni de la coopération au développement, qui seraient
pourtant les tâches principales de la délégation au Costa Rica. L'expérience de
M. K. se serait d'ailleurs exclusivement inscrite dans les relations multilatérales,
alors que la délégation au Costa Rica ne serait concernée que par les relations
bilatérales.
- 49.
- Il est d'avis que M. K. n'a donc jamais été en délégation dans le cadre de relations
bilatérales, qu'il n'a aucune expérience particulière hors Union européenne en ce
qui concerne notamment les aspects économiques et commerciaux, les relations
extérieures bilatérales et la coopération au développement et qu'il n'a jamais dirigé
une équipe, ni a fortiori, une délégation. Il ajoute que l'environnement socio-culturel de New York ne pourrait pas être considéré comme fondamentalement
différent de celui de Bruxelles.
- 50.
- Il en déduit que la Commission, en nommant M. K. à l'emploi à pourvoir, est sortie
du cadre de légalité qu'elle s'était elle-même fixée et a violé l'avis de vacance.
L'AIPN aurait dû écarter sa candidature dans la mesure où il ne répondait pas aux
exigences qui auraient été formellement requises par l'avis de vacance (arrêt du
Tribunal du 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T-356/94, RecFP p. II-1251, points
50 à 58).
- 51.
- Il conclut qu'il dispose de toutes les capacités et de toute l'expérience nécessaires
pour l'emploi litigieux, qu'il répondait parfaitement aux conditions de l'avis de
vacance et que M. K. ne disposait pas de la même expérience que lui et ne
répondait pas à toutes les conditions de l'avis de vacance. Il s'ensuivrait que, dans
le cadre de l'examen comparatif des mérites, le choix aurait dû se porter sur sa
candidature. En nommant M. K. à l'emploi en question, la Commission aurait
commis une erreur manifeste d'appréciation.
- 52.
- La Commission considère que les griefs ainsi formulés par le requérant ne sont pas
fondés.
Appréciation du Tribunal
- 53.
- Il convient d'examiner d'abord les arguments par lesquels le requérant conteste
l'existence d'un examen comparatif des mérites et ensuite ceux, subsidiaires, par
lesquels il reproche à la Commission d'avoir commis, dans le cadre de cet examen,
une erreur manifeste d'appréciation.
Sur le grief tiré de l'absence d'un examen comparatif des mérites
- 54.
- Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que l'examen des candidatures à la mutation
ou à la promotion au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, doit
s'effectuer, conformément aux dispositions de l'article 45 du statut, qui prévoit
expressément un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation
à la promotion (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Weißenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095, point 66). L'obligation de procéder à cet examen comparatif
est l'expression à la fois du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires et
du principe de leur vocation à la carrière (voir arrêt du Tribunal du 12 février 1992,
Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 24).
- 55.
- En présence d'un faisceau d'indices suffisamment concordants venant étayer
l'argumentation du requérant relative à l'absence d'un véritable examen comparatif
des candidatures, c'est à l'institution défenderesse qu'il incombe de rapporter la
preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle
juridictionnel, qu'elle a respecté les garanties accordées par l'article 45 du statut au
fonctionnaire ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif
(arrêts du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63, point
25, et du 19 septembre 1996, Allo/Commission, T-386/94, RecFP p. II-1161, point
39).
- 56.
- Le requérant invoque, en substance, trois indices qui rendraient vraisemblable
l'absence, en l'espèce, d'un examen comparatif des mérites.
- 57.
- Le premier indice est l'absence de réponse de la Commission au courrier du
requérant du 19 avril 1996 et à sa réclamation. Cet indice est, toutefois, dénué de
pertinence depuis la notification au requérant, le 20 novembre 1996, de la décision
de rejet de sa réclamation. Bien qu'intervenue tardivement, puisque
postérieurement à l'introduction du présent recours, la Commission y prend
amplement position sur l'application des critères qui l'ont amenée à retenir la
candidature de M. K. et à rejeter celle du requérant. L'exposé détaillé de l'examen
et de la comparaison des mérites des deux candidats qu'elle contient, et de la
conclusion qui en a été déduite, n'est pas de nature à rendre vraisemblable le fait
que l'AIPN n'aurait pas procédé, en l'espèce, à un examen comparatif des mérites.
- 58.
- Le second indice est que la Commission aurait omis de produire un quelconque
document établissant la réalité de l'examen comparatif des mérites. Cet indice n'est
pas non plus pertinent en l'espèce. D'une part, et à défaut d'être accompagné
d'autres indications, il n'est pas en soi de nature à rendre vraisemblable l'absence
d'un examen comparatif des mérites. D'autre part, la Commission a, dans le cadre
de la mesure d'organisation de la procédure ordonnée par le Tribunal, en premier
lieu, décrit le déroulement de la procédure de nomination à un emploi de chef de
délégation en général, en second lieu, apporté des précisions sur la mise en oeuvre
de cette procédure dans le cas d'espèce et, finalement, en troisième lieu, produit
des documents confirmant ces précisions. Il en ressort que le comité consultatif des
nominations a rendu, le 7 décembre 1995, son avis n° 138/95 proposant, après
examen des douze candidatures à l'emploi à pourvoir et du dossier personnel de
chacun des candidats, et après audition du directeur général de la DG IA, que trois
candidatures, dont celles du requérant et de M. K., soient prises en considération.
Le 12 décembre 1995, dans une note à l'attention des membres du comité de
direction du service extérieur, ledit directeur général a proposé, parmi ces trois
candidatures, celle de M. K. Le 20 décembre 1995, le comité de direction du
service extérieur a proposé la nomination de M. K. Le 21 décembre 1995, l'AIPN
a été saisie de cette proposition de nomination. Il s'ensuit que la Commission a
bien été en mesure de produire des documents établissant l'existence d'un examen
comparatif des mérites, qui a été effectué, d'une part, par le comité consultatif des
nominations et, d'autre part, par le comité de direction du service extérieur, sur
proposition du directeur général de la DG IA. Le Tribunal rappelle à ce sujet que,
conformément à une jurisprudence bien établie, les institutions disposent du
pouvoir statutaire de procéder à l'examen comparatif des mérites des candidats
selon la procédure ou la méthode qu'elles estiment la plus appropriée (arrêt
Allo/Commission, cité au point 55 ci-dessus, point 29).
- 59.
- Le troisième indice est le courrier adressé le 26 avril 1996 par le requérant au
directeur général de la DG IA, sur lequel le second a apposé, le 5 mai 1996, des
remarques manuscrites à l'attention du premier. L'objet du courrier était de
confronter le directeur général aux multiples promesses d'emplois non tenues, dont
celles relatives à la fonction de chef de délégation de la Commission au Costa Rica,
qui aurait été faites au requérant par des représentants de la Commission. Le
directeur général y explique que «les décisions concernant les postes de chef de
délégation doivent en effet être prises à l'unanimité (par les directeurs généraux
représentés dans le comité de direction, avec la 'bénédiction ultérieure des
cabinets). Ceci entraîne malheureusement un degré élevé d'incertitude. Il n'existe
pas de droit à une nomination». Le requérant en déduit qu'il serait, partant,
légitime de se poser de sérieuses questions sur l'utilité de la procédure officielle de
pourvoi des emplois, alors que la décision finale dépendrait des cabinets dont les
critères ne tiendraient certainement pas aux qualités et à l'expérience des candidats,
ni aux exigences des emplois à pourvoir.
- 60.
- Ces interrogations sont toutefois dépourvues de pertinence en l'espèce, dès lors
qu'il résulte des documents susvisés produits par la Commission que non seulement
la procédure officielle de pourvoi des emplois a été respectée, mais que, de
surcroît, la décision finale prise par l'AIPN s'est bornée à entériner la proposition
de nomination issue de cette procédure et que, par conséquent, la décision n'a pas
été modifiée par les cabinets des membres de la Commission.
- 61.
- Il résulte de ce qui précède que le requérant n'a pas été en mesure d'établir
l'existence d'indices suffisamment concordants venant étayer son argumentation
relative à l'absence d'un véritable examen comparatif des candidatures. En
revanche, le Tribunal considère que la Commission a démontré qu'elle avait
effectivement examiné les mérites des différents candidats et que c'est à la suite de
cet examen, d'abord par le comité consultatif des nominations et ensuite par le
comité de direction du service extérieur sur proposition du directeur général de la
DG IA, que la candidature du requérant n'a pas été retenue.
- 62.
- Le premier grief tiré de l'absence d'examen comparatif des mérites des candidats
n'est donc pas fondé et doit, par conséquent, être rejeté.
Sur le grief tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation
- 63.
- Le Tribunal rappelle que l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont dispose
l'AIPN en matière de nomination suppose un «examen scrupuleux» des dossiers
de candidature et une «observation consciencieuse» des exigences énoncées dans
l'avis de vacance, de sorte que celle-ci est tenue d'écarter tout candidat qui ne
répond pas à ces exigences. L'avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal
que l'AIPN s'impose à elle-même et qu'elle doit «respecter scrupuleusement»
(arrêt de la Cour du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C-35/92 P, Rec. p. I-991, points 15 et 16, et arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Giannini/Commission,
T-21/96, RecFP p. II-211, point 19).
- 64.
- En vue de contrôler si l'AIPN n'a pas dépassé les limites de ce cadre légal et a agi
dans le seul intérêt du service au sens de l'article 7 du statut, il appartient au
Tribunal d'examiner tout d'abord, quelles étaient, en l'occurrence, les conditions
requises par l'avis de vacance et de vérifier ensuite si le candidat choisi par l'AIPN
pour occuper le poste vacant satisfaisait effectivement à ces conditions (arrêt
Parlement/Frederiksen, cité au point 63 ci-dessus, point 17, et
Giannini/Commission, cité au point 63 ci-dessus, point 20). Un tel examen doit se
limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire
l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites raisonnables
et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêt du
Tribunal du 11 décembre 1991, Frederiksen/Parlement, T-169/89, Rec. p. II-1403,
point 69; voir également les arrêts de la Cour du 12 février 1987,
Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 5, et du Tribunal du 9 février 1994,
Latham/Commission, T-82/91, RecFP p. II-61, point 62, et Giannini/Commission,
cité au point 63 ci-dessus, point 20). Le Tribunal ne saurait donc substituer son
appréciation des qualifications des candidats à celle de l'AIPN (arrêt de la Cour du
21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, Rec. p. 1245, point 9, et arrêts du
Tribunal Schönherr/CES, cité au point 55 ci-dessus, point 20, du 25 février 1992,
Schloh/Conseil, T-11/91, Rec. p. II-203, point 51, du 6 juin 1996,Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 66, et du 18 décembre 1997,
Delvaux/Commission, T-142/95, non encore publié au Recueil, point 38).
- 65.
- Conformément à ces principes, il y a donc lieu de vérifier si le candidat choisi par
l'AIPN pour occuper l'emploi à pourvoir satisfaisait effectivement aux conditions
requises par l'avis de vacance.
- 66.
- La première condition exigeait des candidats des connaissances approfondies des
politiques communautaires et du fonctionnement de l'Union européenne dans ses
aspects économiques et politiques, ainsi qu'en ce qui concerne ses relations
extérieures. Le Tribunal constate que le candidat retenu, M. K., a exercé, depuis
1968, des fonctions dans cinq services différents, qui couvraient des domaines
diversifiés des compétences de l'Union, touchaient aux mécanismes de son
fonctionnement et étaient partiellement en rapport avec ses relations extérieures,
en particulier avec l'Amérique latine. En effet, le candidat retenu a successivement
exercé ses fonctions dans le cabinet d'un membre de la Commission, à la direction
générale Energie (direction «énergie nucléaire, autres sources primaires,
électricité», dans l'unité «électricité»), au secrétariat général (où il était en charge
des liaisons avec le Parlement et le Comité économique et social), à la DG VIII
(«relations avec les institutions») et à la DG I (où il faisait partie de la direction
«Amérique latine», unité «Amérique du Sud», et de la délégation de la
Commission à New York, auprès de l'ONU).
- 67.
- En considérant, dans ces circonstances, que le candidat retenu remplissait cette
première condition, l'AIPN n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
- 68.
- La seconde condition exigeait des candidats une aptitude à diriger une équipe dans
un environnement socio-culturel différent de celui de la Communauté économique
européenne. Il suffit de constater à cet égard que M. K. a, depuis 1991, exercé des
fonctions dirigeantes au sein de la délégation de la Commission auprès de l'ONU.
- 69.
- Le requérant estime que cette fonction n'a pas été exercée dans un environnement
socio-culturel fondamentalement différent de celui de Bruxelles. Cette critique
méconnaît toutefois le fait que l'avis de vacance n'a pas exigé, à titre de
qualification, l'exercice effectif de fonctions analogues dans un tel environnement
différent, mais l'aptitude à exercer de telles fonctions. Or, eu égard à la carrière
très diversifiée de M. K., et à son expérience acquise auprès de l'ONU à New
York, l'AIPN n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant
que ce candidat remplissait cette condition.
- 70.
- Quant au troisième critère tenant à l'expérience appropriée à la fonction, il suffit
de constater, ainsi qu'il résulte de son curriculum vitae, que le candidat retenu a
exercé, depuis 1983, des tâches en rapport avec la politique du développement,
depuis 1987, des fonctions en rapport avec l'Amérique latine et, depuis 1991, une
activité au sein d'une délégation de la Commission, à savoir celle auprès de l'ONU
à New York. Il s'ensuit que l'AIPN n'a pas commis une erreur manifeste
d'appréciation en considérant que ce candidat remplissait cette condition.
- 71.
- Le Tribunal constate donc que l'AIPN n'a pas commis d'erreur manifeste
d'appréciation en considérant que les qualifications du candidat retenu
correspondaient aux trois exigences imposées par l'avis de vacance, qui ont été
consciencieusement observées, et qu'elle a donc respecté scrupuleusement le cadre
légal qu'elle s'était elle-même imposé.
- 72.
- Le Tribunal doit finalement examiner si, eu égard aux aptitudes du requérant,
l'AIPN n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui préférant M. K.
- 73.
- L'AIPN a justifié son choix en faveur de M. K. en considérant qu'il avait, par
rapport au requérant, une expérience plus vaste acquise dans plusieurs domaines
d'activités de la Commission et des connaissances plus généralisées des diverses
politiques communautaires.
- 74.
- Le Tribunal constate, d'abord, que, en procédant sur la base de ces critères à la
comparaison des candidatures du requérant et de M. K., l'AIPN a fondé son
appréciation exclusivement sur les exigences résultant de l'avis de vacance. Le
requérant n'a ni allégué ni à plus forte raison établi l'existence d'indices conduisant
à conclure que l'AIPN avait fondé son appréciation sur des critères différents de
ceux résultant de l'avis de vacance.
- 75.
- Le Tribunal relève ensuite que, s'il résulte du dossier que le requérant était,
comme le reconnaît d'ailleurs la Commission, un candidat valable pour l'emploi à
pourvoir, il en découle aussi, comme il a été exposé ci-dessus, que le candidat
retenu, M. K., remplissait aussi parfaitement les conditions définies par l'avis de
vacance.
- 76.
- Au vu de l'ensemble de ces appréciations, le Tribunal considère que la Commission
a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que M. K. avait,
par rapport au requérant, une expérience plus vaste acquise dans plusieurs
domaines d'activités de la Commission et des connaissances plus générales des
diverses politiques communautaires.
- 77.
- Il s'ensuit que le requérant n'a pas établi que la Commission avait usé de son
pouvoir de manière manifestement erronée ou abusive dans l'examen comparatif
des mérites. Le deuxième grief tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans
l'examen comparatif des mérites des candidats doit, par conséquent, être rejeté.
- 78.
- Il s'ensuit également que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée
dans son intégralité.
Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe de
protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude
Arguments des parties
- 79.
- Le requérant soutient que la Commission a violé le principe de protection de la
confiance légitime.
- 80.
- Il reconnaît qu'il ne peut pas fonder des attentes légitimes sur la base de promesses
ou de déclarations illicites.
- 81.
- Il tient, toutefois, à faire remarquer qu'il n'a jamais suscité la moindre promesse
de la part de l'administration.
- 82.
- Il affirme, néanmoins, que la Commission n'a pas tenu les promesses qu'elle lui
avait faites et qu'elle a fait naître dans son chef de faux espoirs.
- 83.
- Il relève ainsi que, dans un courrier du 11 novembre 1988, M. Claude Cheysson,
membre de la Commission, a signalé, en rapport avec l'activité du requérant au
titre de chargé d'affaires de la Commission en Indonésie que, «le requérant [...] a
su surmonter les obstacles et créer les fondements de la relation normale qui
pourra maintenant se développer», qu'il tenait «à noter [s]on appréciation par écrit
afin qu'elle soit portée au crédit de M. Wenk» et qu'il adresse «la présente note
également à la direction générale du personnel, afin qu'elle soit portée au dossier»
du requérant. Il aurait, par la suite, fait l'objet de multiples promesses d'emplois,
qui ne se seraient toutefois jamais concrétisées. Chaque fois qu'il nourrissait l'espoir
d'être nommé à un emploi pour lequel il avait postulé, l'administration l'aurait
contacté pour lui conseiller d'accepter un autre emploi dont la publication allait
paraître.
- 84.
- Il expose également que, en 1992, alors qu'il avait été choisi pour l'emploi de chef
d'antenne à Grenade (Espagne), il aurait été convaincu d'accepter un emploi de
conseiller au Venezuela afin d'être mieux placé pour l'emploi de chef de délégation
en Colombie qui devait s'ouvrir prochainement. En 1993, il aurait été informé qu'il
avait été soutenu par le directeur général de la DG I pour trois emplois de chef de
délégation en Asie, mais que son affectation trop récente au Venezuela avait
finalement constitué un motif de refus. En 1994, il avait fait acte de candidature
pour les emplois de chef de délégation à Haïti et en Bolivie. Sa candidature avait
été prise en considération par le comité consultatif des nominations. Elle a
cependant été rejetée alors que son expérience et son grade semblaient pourtant
nettement plus élevés que ceux des candidats retenus. S'étant apprêté à engager
une procédure précontentieuse, il aurait été, sans motif évident, informé le 24
février 1995, par le directeur de la gestion du service extérieur à la DG IA de la
Commission, que toute la hiérarchie, y compris les cabinets compétents, était
d'accord pour le désigner comme chef de délégation au Mali, cet emploi n'ayant
pas encore été publié à ce moment-là. Une semaine plus tard, il aurait été informé
par la même personne que l'emploi retenu était en réalité celui de chef de
délégation en Mauritanie. Le 31 mars 1995, le directeur de la direction «Amérique
latine» à la direction générale Relations extérieures: Méditerranée du Sud, Moyen-
et Proche-Orient, Amérique latine, Asie du Sud et du Sud-Est et coopération Nord-Sud (DG IB) de la Commission aurait, sans motif évident, pris contact avec lui
pour lui communiquer la même information concernant le Costa Rica, alors que
l'emploi en question n'était pas encore publié.
- 85.
- Il ne peut s'expliquer ces initiatives que par la volonté de le détourner, par ces
promesses, des emplois vacants de chef de délégation à Haïti et en Bolivie, pour
lesquels sa candidature, très valable, aurait été rejetée injustement.
- 86.
- Il explique avoir confronté le directeur de la direction «Amérique latine» de la
DG IB, par courrier daté du 5 février 1996, avec l'ensemble de ces faits, qui ne les
aurait pas contestés. Il ajoute avoir communiqué ces mêmes faits, par un courrier
du 25 avril 1996, au directeur général de la DG IA. Ce dernier lui a répondu, le
5 mai 1996, en inscrivant des remarques manuscrites en marge de ce courrier. Le
requérant relève, en particulier, que le directeur général a confirmé que l'annonce
de l'attribution de l'emploi au Costa Rica, qui lui avait été faite le 31 mars 1995
par le directeur de la direction «Amérique latine», reflétait le déroulement des
délibérations faites à l'époque au sein de la Commission, tout en ajoutant que les
décisions concernant les emplois de chef de délégation devaient être prises à
l'unanimité et seraient soumises à l'approbation des cabinets, ce qui entraînerait un
degré élevé d'incertitude.
- 87.
- Il en conclut qu'il se serait vu promettre, à plusieurs reprises, et par différents
supérieurs hiérarchiques, des emplois de chef de délégation. Il n'aurait donc pas
reçu qu'une seule promesse isolée et illicite. Il aurait, dans ces circonstances, pu
légitimement espérer être nommé à l'emploi à pourvoir. Ses espérances auraient,
en outre, été confortées par les multiples éloges dont il avait fait l'objet, en rapport
avec ses qualités et mérites dans la direction d'une délégation de la Commission.
- 88.
- Il en déduit que la Commission, en ne donnant pas suite à ses attentes légitimes,
a méconnu le principe de protection de la confiance légitime. Par ailleurs, en
promettant à de nombreuses reprises au requérant des emplois de chef de
délégation sans pouvoir respecter ses promesses, l'administration aurait manqué à
son devoir de sollicitude.
- 89.
- La Commission considère que cette branche du deuxième moyen n'est pas fondée.
Appréciation du Tribunal
- 90.
- Il y a lieu de distinguer l'argument principal tiré de la violation du principe deprotection de la confiance légitime de celui, invoqué pour la première fois dans la
réplique, de la violation du devoir de sollicitude.
Sur la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime
- 91.
- Selon une jurisprudence constante, si tout fonctionnaire est en droit de se prévaloir
du principe de protection de la confiance légitime, il ne peut, toutefois, invoquer
ce principe que s'il a obtenu de l'administration des assurances précises (arrêt
Mavridis/Parlement, cité au point 17 ci-dessus, point 21; arrêts du Tribunal du 27
mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec. p. II-131, points 25 et 26, et du 9
juillet 1997, Monaco/Parlement, T-92/96, RecFP p. II-573, point 30) tenant compte
des dispositions statutaires (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Vlachou/Cour des
comptes, 162/84, Rec. p. 481, point 6; arrêts du Tribunal du 7 mai 1991,
Jongen/Commission, T-18/90, Rec. p. II-187, point 36, du 14 mai 1991,
Zoder/Parlement, T-30/90, Rec. p. II-207, point 25, du 17 décembre 1992,
Holtbecker/Commission, T-20/91, Rec. p. II-2599, point 54, du 30 juin 1993,
Devillez e.a./Parlement, T-46/90, Rec. p. II-699, point 38, Weißenfels/Parlement,
cité au point 54 ci-dessus, point 92, du 14 juillet 1994, Grynberg et
Hall/Commission, T-534/93, RecFP p. II-595, point 53, et du 11 juillet 1996, Ortega
Urretavizcaya/Commission, T-587/93, RecFP p. II-1027, point 57).
- 92.
- A cet égard, le Tribunal observe que, dans le cadre d'une décision de pourvoi à un
emploi vacant, sur la base de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, l'AIPN
doit respecter les critères posés par les articles 7 et 27 du statut et doit procéder
à un examen comparatif des mérites en application de l'article 45 du statut. Il
s'ensuit qu'une promesse de promotion, à la supposer établie, n'a pas pu créer une
confiance légitime dans le chef du requérant, étant donné qu'elle aurait été donnée
sans tenir compte des dispositions statutaires applicables (voir, par exemple, l'arrêt
Weißenfels/Parlement, cité au point 54 ci-dessus, point 92).
- 93.
- L'argument tiré d'une prétendue violation du principe de protection de la confiance
légitime doit donc être rejeté.
Sur la prétendue violation de l'obligation de sollicitude
- 94.
- Le requérant soulève, pour la première fois dans la réplique, l'argument selon
lequel l'administration, en promettant à de nombreuses reprises au requérant des
postes de chef de délégation sans pouvoir respecter ses promesses, aurait manqué
à son devoir de sollicitude.
- 95.
- Cet argument, auquel la Commission ne répond pas formellement dans sa
duplique, soulève une question de recevabilité, dès lors qu'il n'a été présenté ni
dans le cadre de la procédure précontentieuse ni dans la requête.
- 96.
- En ce qui concerne l'absence de présentation de cet argument dans le cadre de la
procédure précontentieuse, il suffit de rappeler que, si les conclusions présentées
devant le juge communautaire ne peuvent contenir que des «chefs de contestation»
reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation, ces chefs de
contestation peuvent cependant, devant le juge communautaire, être développés
par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans
la réclamation, mais s'y rattachant étroitement (voir, notamment, l'arrêt de la Cour
du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, points 9 et 10,
et, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T-4/96, Rec.
p. II-1125, point 98). En l'espèce, l'argument en question se rattache au grief du
requérant tiré de la méconnaissance par la Commission des promesses de
nomination à un emploi de chef de délégation qu'elle lui aurait faites. Ce grief a
déjà été formulé dans la réclamation. L'argument est donc, de ce point de vue,
recevable.
- 97.
- En ce qui concerne l'absence de présentation de cet argument dans la requête, il
suffit de rappeler qu'un moyen présenté en cours d'instance qui constitue
l'ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement,
dans la requête introductive d'instance, et qui présente un lien étroit avec celui-ci
ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du
règlement de procédure et doit donc être déclaré recevable (voir, par exemple,
l'arrêt du Tribunal du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T-207/95, RecFP p. II-31, point 51). En l'espèce, l'argument en cause constitue bien une ampliation du
moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, donc
d'un moyen énoncé dans la requête, et présente un lien étroit avec celui-ci.
L'argument apparaît donc comme étant également recevable de ce point de vue.
- 98.
- L'argument n'est toutefois pas fondé.
- 99.
- En effet, en vertu d'une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de
l'administration à l'égard de ses agents reflète l'équilibre des droits et des
obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l'autorité
publique et les agents du service public. Cependant, la protection des droits et des
intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des
normes en vigueur (arrêts du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-249, point 96, et du 10 juillet 1997, Apostolidis
e.a./Commission, T-81/96, RecFP p. II-607, point 90).
- 100.
- Or, une promesse qui, comme en l'espèce, viole les dispositions du statut, ne
saurait fonder un devoir de sollicitude permettant au fonctionnaire de prétendre
obtenir des avantages que le statut ne permet pas de lui octroyer.
- 101.
- L'argument doit donc également être rejeté.
- 102.
- Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 25, paragraphe 2, du statut
Arguments des parties
- 103.
- Le requérant rappelle que l'article 25, paragraphe 2, du statut, dispose que toute
décision faisant grief doit être motivée. Selon une jurisprudence constante, en cas
de décision rejetant une candidature, l'AIPN est tenue à une obligation de
motivation, à tout le moins au stade du rejet de la réclamation contre une telle
décision, et l'introduction du recours lui interdit de régulariser sa décision par une
réponse motivée portant rejet de la réclamation (arrêt Volger/Parlement, cité au
point 54 ci-dessus, points 36 à 40).
- 104.
- Le requérant expose, que, en l'espèce, la décision de rejet de sa candidature est
entachée d'une absence totale de motivation. En effet, d'une part, cette décision
n'aurait été portée à sa connaissance que par l'envoi, le 2 février 1996, d'un
formulaire type de caractère impersonnel n'indiquant aucun motif. D'autre part, la
Commission n'aurait, jusqu'au jour de l'introduction du recours, fourni aucune
réponse à ses demandes de renseignements formulées respectivement dans sa lettre
du 19 avril 1996 et dans sa réclamation du 13 mai 1996.
- 105.
- Le requérant en conclut que la défenderesse a méconnu l'article 25, paragraphe 2,
du statut.
- 106.
- Le requérant considère que, dans la détermination de la sanction de cette absence
de motivation, le Tribunal ne devrait pas perdre de vue les deux autres moyens
soulevés par lui portant contestation de la régularité au fond de la nomination de
M. K. à l'emploi litigieux, à savoir, d'une part, celui tiré de l'illégalité de l'avis de
vacance et, d'autre part, celui tiré de la violation des articles 7, paragraphe 1, 27
et 45, paragraphe 1, du statut, ainsi que du principe de protection de la confiance
légitime et du devoir de sollicitude.
- 107.
- Le requérant relève que la Commission lui a proposé, à la fin du mois de février
1996, de lui verser une somme de 500 écus à titre d'indemnisation du préjudice
moral causé par le retard de la communication de la décision de rejet de sa
réclamation. Il aurait répondu, le 26 février 1996, qu'il n'avait jamais été dans ses
intentions de réclamer une indemnisation financière, mais que le seul but de son
action visait à obtenir sa nomination à un emploi que ses qualités et son expérience
pouvaient lui laisser espérer. Cette indemnisation totalement insuffisante ne saurait,
dès lors, couvrir le préjudice né du rejet injustifié de sa candidature à l'emploi
litigieux. La seule réparation possible consisterait en l'annulation de la nomination
de M. K. et en la nomination du requérant comme chef de la délégation de la
Commission au Costa Rica.
- 108.
- La Commission reconnaît que, si elle n'est pas obligée de motiver une décision de
promotion à l'égard du candidat non promu, elle est tenue, en revanche, de le faire
au moment du rejet de la réclamation (arrêt de la Cour du 9 décembre 1993,
Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. I-6549, point 22).
- 109.
- La Commission expose qu'une décision motivée de rejet de la réclamation du
requérant est parvenue à ce dernier le 20 novembre 1996, donc après la date de
l'introduction du recours. Cette réponse aurait été établie dans les délais. Le retard
de communication serait dû à un égarement interne tout à fait fortuit. Elle
reconnaît que le requérant n'était pas en mesure d'apprécier le bien-fondé du rejet
de sa candidature et qu'il pouvait, dans ces circonstances, légitimement introduire
un recours.
- 110.
- La Commission informe le Tribunal que, ayant pris conscience de la négligence
commise par elle, elle aurait entamé des négociations avec le requérant afin
d'aboutir à un règlement à l'amiable, étant prête à le dédommager du préjudice
moral subi dans le cadre d'une solution transactionnelle du litige. Le requérant
n'aurait, toutefois, en définitive, pas accepté les propositions de la Commission.
- 111.
- La Commission propose de faire application du principe de proportionnalité et
d'essayer de concilier les intérêts du requérant et la confiance légitime du candidat
qui aurait été nommé valablement à l'emploi vacant (arrêt du Tribunal du 23
février 1994, Coussios/Commission, T-18/92 et T-68/92, RecFP p. II-171).
L'annulation de la nomination de M. K. pour cause de motivation tardive du rejet
de la candidature du requérant constituerait, aux yeux de la Commission, une
sanction excessive de l'illégalité commise. Une solution équitable consisterait à
verser au requérant une indemnité pour le dommage moral causé par la faute de
service de la Commission.
- 112.
- La Commission ajoute que, dans la mesure où le requérant exige à titre
d'indemnisation sa nomination comme chef de la délégation de la Commission au
Costa Rica, cette demande reviendrait à inviter le Tribunal à adresser une
injonction à la Commission, ce qui, d'après une jurisprudence constante, excéderait
la compétence de cette juridiction. Cette demande serait, partant, irrecevable.
Appréciation du Tribunal
- 113.
- L'obligation de motiver toute décision faisant grief, édictée par l'article 25,
deuxième alinéa, du statut, constitue un principe essentiel du droit communautaire
auquel il ne saurait être dérogé qu'en raison de considérations impérieuses (voir,
par exemple, arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des
régions, T-178/95 et T-179/95, RecFP p. II-155, point 33). Elle a pour but, d'une
part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé
de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal
et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle (voir, par exemple,
arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Carbajo Ferrero/Parlement, T-237/95, RecFP
p. II-429, point 82).
- 114.
- Selon une jurisprudence constante, l'AIPN n'est cependant pas tenue de motiver
les décisions de promotion à l'égard de candidats non promus. Elle est, en
revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet d'une réclamation déposée en
vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non promu (arrêt
Grassi/Conseil, cité au point 17 ci-dessus, point 13), la motivation de cette décisionétant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la
réclamation était dirigée (arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission,
121/76, Rec. p. 1971, point 12; arrêt Picciolo et Caló/Comité des régions, cité au
point 113 ci-dessus, point 34).
- 115.
- S'il est vrai que l'AIPN n'est pas, en général, tenue de répondre à une réclamation,
il en va différemment lorsque la décision qui en fait l'objet n'est pas motivée. En
effet, une réponse motivée intervenant après l'introduction d'un recours ne
remplirait sa fonction ni à l'égard de l'intéressé ni à l'égard du juge (arrêt du 12
février 1992, Volger/Parlement, cité au point 54 ci-dessus, point 40, et, par exemple,
arrêt du Tribunal du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T-13/95, RecFP p. II-503, point
74).
- 116.
- En l'espèce, l'avis de vacance a été émis, conformément à l'article 29, paragraphe
1, sous a), du statut, en vue d'une promotion ou d'une mutation interne à
l'institution. Le requérant s'est vu notifier le rejet de sa candidature par formulaire
type daté du 2 février 1996. Ce formulaire était dépourvu de toute motivation.
- 117.
- Le requérant a ensuite introduit une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe
2, du statut, en date du 13 mai 1996. L'AIPN ayant omis de lui notifier sa décision
motivée dans un délai de quatre mois à partir de cette date, son défaut de réponse
devait s'interpréter, à partir du 13 septembre 1996, en application de l'article 90,
paragraphe 2, troisième alinéa, du statut, comme une décision implicite de rejet
susceptible de faire l'objet d'un recours au sens de l'article 91 du statut. Le
requérant a introduit son recours en date du 15 octobre 1996, sans avoir
entre-temps reçu notification de la décision de la Commission sur sa réclamation.
- 118.
- Ce n'est que le 20 novembre 1996, donc postérieurement à l'introduction du
recours, que le requérant a reçu notification de la décision de la Commission, datée
du 11 septembre 1996, rejetant sa réclamation.
- 119.
- Il s'ensuit que la Commission, en omettant de transmettre au requérant les motifs
du rejet de la candidature de ce dernier sinon dans un délai de quatre mois à partir
de l'introduction de la réclamation, à tout le moins avant l'introduction du recours,
a violé l'article 25, deuxième alinéa, du statut.
- 120.
- Le moyen tiré de l'absence de motivation du rejet de la candidature du requérant
est, dès lors, fondé.
- 121.
- Toutefois, il y a lieu d'examiner la question de savoir quelles sont les conséquences
à tirer, en l'espèce, de la violation de l'obligation de motiver le rejet de la
candidature du requérant. En application du principe de proportionnalité, il y a lieu
de prendre en considération, à cet égard, non seulement les intérêts du requérant
victime de l'illégalité, mais également les intérêts des tiers dont la confiance
légitime pourrait être lésée si des conclusions en annulation étaient accueillies
(arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T-586/93, RecFP p. II-203,
point 107, du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93, RecFP p. II-737, point
81, et Coussios/Commission, cité au point 111 ci-dessus, point 105).
- 122.
- Le Tribunal rappelle que, eu égard à sa compétence de pleine juridiction dans les
litiges de caractère pécuniaire, il peut, même en l'absence de conclusions régulières
à cet effet, condamner l'institution défenderesse au paiement d'une indemnité pour
le dommage moral causé par sa faute de service (voir, notamment, l'arrêt de la
Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, point 14). En
l'espèce, le Tribunal considère que le versement d'une indemnité constitue la forme
de réparation qui correspond le mieux à la fois aux intérêts du requérant et aux
exigences du service.
- 123.
- Dans l'évaluation du dommage subi, il y a lieu de prendre en considération le fait
que le requérant a été contraint d'introduire une procédure judiciaire pour
connaître la motivation de la décision portant rejet de sa candidature. Dans ces
circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice ex aequo et bono, estime que
l'allocation d'un montant de 400 écus constitue une indemnisation adéquate du
requérant.
Sur les dépens
Arguments des parties
- 124.
- La Commission qui reconnaît que c'est à la suite d'une négligence de ses services
que le requérant a été amené à intenter son recours, est disposée à supporter les
dépens en rapport avec l'introduction du recours.
- 125.
- La Commission n'est, en revanche, pas d'accord pour supporter les dépens du
requérant exposés postérieurement à la réception de la décision de rejet de sa
réclamation et demande, en se fondant sur l'article 87, paragraphe 3, troisième
alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, que le requérant, même gagnant,
soit condamné à lui rembourser les frais qu'elle a exposés postérieurement à
l'introduction du recours et qui devraient être qualifiés de frustratoires ou
vexatoires (arrêts de la Cour du 5 décembre 1963, Leroy/Haute Autorité, 35/62 et
16/63, Rec. p. 399, 401, 421, et du 30 octobre 1969, Rittweger/Commission, 33/68,
Rec. p. 393). En effet, une fois intervenue la décision de rejet de sa candidature,
le requérant aurait, d'après la Commission, dû comprendre qu'il n'avait plus intérêt
à poursuivre le recours, et cela d'autant moins que la Commission était disposée
à prendre à sa charge toute indemnisation pour préjudice moral.
- 126.
- Le requérant conteste que la poursuite de la procédure, postérieurement à la
réception de la décision de rejet de la réclamation, serait frustratoire ou vexatoire.
Il rappelle que l'objet de son recours ne se limiterait pas à faire reconnaître le non-respect par la Commission d'un aspect formel de la procédure précontentieuse, à
savoir la réponse tardive de celle-ci à sa réclamation. L'objet principal de son
recours consisterait à faire annuler la nomination de M. K. comme chef de la
délégation de la Commission au Costa Rica, dans la mesure où cette nomination
constitue une violation des articles 7, paragraphe 1, 27 et 45, paragraphe 1, du
statut, du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude
et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Appréciation du Tribunal
- 127.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui
succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de
l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal
peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens
si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des
motifs exceptionnels. En vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges
entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent
à la charge de celles-ci, sans préjudice des dispositions de l'article 87, paragraphe
3, deuxième alinéa, aux termes desquelles le Tribunal peut condamner une partie,
même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et
qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.
- 128.
- En ce qui concerne, en premier lieu, les dépens de la Commission, le Tribunal
considère qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de se départir du principe posé par
l'article 88 du règlement de procédure, suivant lequel, dans les litiges entre les
Communautés et leurs agents, les dépens exposés par les institutions restent à la
charge de celles-ci. En effet, selon le Tribunal, la poursuite de la procédure par le
requérant après la réception de la décision de rejet de sa réclamation ne revêt
aucun caractère abusif, dès lors que son recours ne portait pas uniquement sur la
réponse tardive de la Commission à sa réclamation, mais aussi et surtout sur les
prétendues violations des articles 7, paragraphe 1, 27 et 45, paragraphe 1, du statut,
du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude.
- 129.
- En ce qui concerne, en second lieu, les dépens du requérant, le Tribunal relève que
celui-ci a été obligé d'introduire le présent recours afin d'obtenir une motivation
de la décision portant rejet de sa candidature. Le Tribunal estime, en conséquence,
qu'il y a lieu, au vu des conclusions du requérant et de la Commission, de
condamner la Commission à rembourser les dépens exposés par le requérant
jusqu'à la date de réception de la décision de rejet de la réclamation. Les dépens
exposés par le requérant postérieurement à cette date seront supportés par lui.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) La Commission est condamnée à payer au requérant une somme de
400 écus à titre de dommages et intérêts pour faute de service.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission supportera ses propres dépens et les dépens exposés par le
requérant jusqu'à la date de réception par celui-ci de la décision de rejet de
sa réclamation. Le requérant supportera les dépens qu'il a dû exposer à
partir de la date de réception de la décision de rejet de sa réclamation.
AziziGarcía-Valdecasas
Jaeger
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
J. Azizi