Language of document : ECLI:EU:T:2017:894

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 décembre 2017 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Contrat à durée déterminée – Article 47, sous b), du RAA – Annulation d’une décision de résiliation anticipée – Article 266 TFUE – Exécution d’un arrêt du Tribunal de la fonction publique – Adoption d’une nouvelle décision de résiliation anticipée – Effet rétroactif »

Dans l’affaire T‑692/16,

CJ, ancien agent contractuel, représenté par Me V. Kolias, avocat,

partie requérante,

contre

Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), représenté par Mmes J. Mannheim et A. Daume, en qualité d’agents, assistées de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation, premièrement, de la décision de l’ECDC du 2 décembre 2015 portant résiliation, avec effet rétroactif au 30 avril 2012, du contrat d’agent contractuel du requérant et, deuxièmement, de la décision de l’ECDC du 27 juin 2016 portant rejet de la réclamation introduite par le requérant contre cette décision de résiliation ainsi que, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Faits initiaux et procédure devant le Tribunal de la fonction publique

1        Le requérant, CJ, a été recruté par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) le 1er janvier 2010 en tant qu’agent contractuel dans le groupe de fonctions IV, grade 14, pour une durée de cinq ans, expirant le 31 décembre 2014.

2        Le requérant était employé comme assistant juridique au sein de la section « Affaires juridiques et marchés publics » de l’unité « Gestion des ressources et coordination » de l’ECDC.

3        Le 1er novembre 2011, Mme B a pris ses fonctions en tant que chef de ladite section, devenant ainsi le supérieur hiérarchique direct du requérant.

4        Par décision du directeur de l’ECDC notifiée au requérant le 24 février 2012 (ci-après la « décision de résiliation initiale »), il a été mis fin de manière anticipée au contrat d’agent contractuel du requérant avec effet le 1er mai 2012, en vertu de l’article 47, sous b), ii), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), moyennant un préavis de deux mois expirant le 30 avril 2012 et le paiement d’une compensation financière équivalente au tiers du salaire de base pour la partie non exécutée dudit contrat.

5        La décision de résiliation initiale était motivée, en substance, par la rupture irrémédiable du lien de confiance entre, d’une part, le requérant et, d’autre part, le directeur et les autres membres du personnel de l’ECDC, laquelle aurait résulté d’une insubordination persistante du requérant, caractérisée par d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie, des refus répétés d’accomplir les tâches qui lui étaient confiées ainsi qu’un comportement obstructionniste et provocateur. Cette décision faisait notamment référence aux conclusions du rapport final d’une enquête administrative concernant des accusations de non-respect des obligations découlant des articles 21 et 21 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») portées par Mme B à l’égard du requérant.

6        Par ailleurs, par un courriel du 22 décembre 2011, le requérant avait informé le directeur de l’ECDC que, à son avis, des irrégularités avaient été commises dans le recrutement d’un agent intérimaire. Saisi par ledit directeur de cette dénonciation, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a décidé de ne pas ouvrir d’enquête compte tenu de la faiblesse des indices laissant présumer des irrégularités, ce dont le requérant a été informé par lettre du 29 juin 2012.

7        Après avoir introduit une réclamation infructueuse contre la décision de résiliation initiale, le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne visant à l’annulation de cette décision et à la réparation du préjudice matériel qui aurait été consécutif à cette dernière. Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire F‑159/12.

8        Le Tribunal de la fonction publique a statué sur ledit recours ainsi que sur un autre recours, visant à l’indemnisation d’un préjudice moral allégué, introduit par le requérant contre l’ECDC et enregistré sous le numéro d’affaire F‑161/12, par l’arrêt du 29 avril 2015, CJ/ECDC (F‑159/12 et F‑161/12, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:F:2015:38).

9        Par l’arrêt d’annulation, le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de résiliation initiale sur la base du troisième grief du premier moyen présenté par le requérant dans l’affaire F‑159/12, au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de résiliation initiale, tiré de la violation du droit d’être entendu quant aux conséquences que l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de l’ECDC entendait tirer du constat de rupture du lien de confiance. Tous les autres moyens et griefs présentés par le requérant à l’appui de ses recours ont été examinés et rejetés.

10      Eu égard aux faits allégués dans le cadre du présent recours, il convient de relever qu’il en fut ainsi, notamment, des neuvième, onzième et douzième moyens présentés dans l’affaire F‑159/12, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation des faits, dans le cadre desquels le requérant contestait, premièrement, être responsable du grave différend qu’il avait eu avec Mme B, dont il était fait état dans la décision de résiliation initiale et dont il soutenait que la responsabilité lui avait été imputée sans preuve, deuxièmement, la réalité de tous les comportements qui lui étaient reprochés dans la décision de résiliation initiale, en particulier une série d’actes d’insubordination dénoncés par Mme B, qui auraient eu lieu entre le 10 janvier et le 24 février 2012, dès lors que Mme B ne serait pas crédible du fait que, notamment, elle aurait été inadaptée à ses fonctions, et, troisièmement, en substance, l’impartialité de l’enquête administrative concernant des accusations de non-respect des obligations découlant des articles 21 et 21 bis du statut, au motif que des éléments à décharge auraient systématiquement été omis par l’enquêteur.

11      Aux points 188 à 190 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal de la fonction publique a, d’une part, rappelé que la décision de résiliation initiale, adoptée en vertu de l’article 47, sous b), ii), du RAA, était fondée sur un comportement du requérant ayant entraîné la rupture irrémédiable du lien de confiance entre celui-ci et l’ECDC, et que, dans ce contexte, l’AHCC de ce dernier disposait d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du juge de l’Union européenne se limitant à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir. D’autre part, il a relevé que, en l’occurrence, la rupture irrémédiable du lien de confiance entre le requérant et sa hiérarchie était due à un enchaînement de comportements du requérant entre les mois de novembre 2011 et de février 2012, consistant, notamment, en d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie, des refus d’accomplir des tâches ainsi que dans le fait de s’être comporté de manière obstructionniste et provocatrice.

12      À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a constaté, en premier lieu, aux points 192 à 197 de l’arrêt d’annulation, une série de faits établissant que le requérant avait, de façon répétée, refusé de se conformer à de simples demandes ou à des instructions légitimes, normalement insusceptibles de donner lieu à une remise en cause des capacités managériales du supérieur hiérarchique dont émanent ces demandes ou instructions. En second lieu, le Tribunal de la fonction publique a constaté, aux points 191, 196 et 198 à 202 du même arrêt, une série de faits dont il ressort que le requérant avait mis en cause, à plusieurs reprises et de manière obstructionniste et provocatrice, la compétence comme chef de service et comme juriste de son supérieur hiérarchique direct, Mme B.

13      Sur cette base, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 203 de l’arrêt d’annulation, que l’auteur de la décision de résiliation initiale n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits en considérant que le requérant avait d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie et s’était comporté de manière provocatrice, avec pour conséquence la rupture irrémédiable du lien de confiance.

B.      Procédures de pourvoi devant le Tribunal

14      L’arrêt d’annulation a fait l’objet d’un pourvoi de chacune des parties.

15      Le pourvoi introduit par l’ECDC a été rejeté par l’arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ (T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598).

16      Le pourvoi introduit par le requérant a été rejeté par l’arrêt du 5 octobre 2016, CJ/ECDC (T‑370/15 P, non publié, EU:T:2016:599), sous la seule exception du quatrième grief présenté dans le cadre du quatrième moyen de pourvoi, qui visait l’arrêt d’annulation en tant que celui-ci statuait sur la demande de réparation d’un préjudice moral introduite dans le cadre du recours dans l’affaire F‑161/12. Ce chef de demande fait actuellement l’objet de l’affaire T‑703/16 RENV.

17      En revanche, le Tribunal a écarté l’ensemble des autres moyens de pourvoi du requérant.

C.      Mesures prises par l’ECDC à la suite de l’arrêt d’annulation

18      Indépendamment des pourvois susmentionnés, l’ECDC a donné suite à l’arrêt d’annulation par une lettre du 19 mai 2015 informant le requérant de son intention d’adopter une nouvelle décision portant résiliation anticipée du contrat d’agent contractuel de ce dernier, avec effet rétroactif au 30 avril 2012, en raison de la rupture irrémédiable de la nécessaire relation de confiance entre le requérant et ses supérieurs pour les raisons exposées dans la lettre du 24 février 2012 contenant la décision de résiliation initiale, à laquelle il était renvoyé. Le requérant a fait part de ses observations à l’égard de la décision projetée par un courriel du 31 mai 2015√. Ce courriel contenait, au point 2, sous c), le passage suivant, relatif aux fonctions précédemment exercées par Mme B au sein de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) :

« En toute hypothèse, la vérité de l’allégation d’insubordination [...] devrait être réexaminée pour les motifs suivants : Mme [B] fut elle-même licenciée avec effet immédiat au printemps 2014, sans doute pour une faute grave [...] Cela met en doute sa crédibilité générale. C’est d’autant plus le cas si on considère, ainsi que je suppose que vous en êtes avisés, qu’elle avait été recrutée à l’ECDC [...] en affirmant qu’elle avait travaillé à Europol pendant six ans en qualité de “conseiller juridique principal”, en traitant la plupart des domaines de compétence concernés par son poste à l’ECDC et qu’elle avait dirigé le service des achats d’Europol. En fait, cependant, elle avait été une employée subalterne au sein de ce service, et avait quitté Europol en raison de l’insatisfaction de son employeur. »

19      Par ailleurs, par un courriel du 4 septembre 2015√, le requérant a fait savoir à l’ECDC que, dans le cadre d’un règlement transactionnel, il pourrait admettre comme solution amiable soit l’intervention de l’ECDC en vue de faciliter son engagement par une autre organisation de l’Union, soit le paiement d’une indemnité compensatoire de rémunération pour la partie non exécutée de son contrat d’agent contractuel.

20      Une nouvelle décision de résiliation a été notifiée au requérant le 2 décembre 2015 (ci-après la « nouvelle décision de résiliation »). Celui-ci a introduit une réclamation contre cette décision par un courriel du 29 février 2016 (ci-après la « réclamation du 29 février 2016 »). Cette réclamation a été rejetée par décision de l’ECDC du 27 juin 2016 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

D.      Procédure de demande en révision

21      Par un recours du 27 septembre 2016, le requérant a introduit une demande en révision relative à l’arrêt d’annulation en tant qu’il avait été constaté dans cet arrêt que le requérant avait agi de manière insubordonnée (ci-après la « demande en révision »). Le requérant faisait valoir que, le 27 juin 2016, un fait d’importance décisive avait été découvert concernant ledit arrêt, à savoir que Mme B, qui, peu après son entrée en fonctions à l’ECDC, l’avait accusé de mettre en cause sa compétence et d’agir de manière insubordonnée, et avait donc incité l’ECDC à le licencier, aurait été recrutée frauduleusement à l’ECDC, ayant exagéré largement son expérience professionnelle.

22      La demande en révision a été déclarée irrecevable par l’ordonnance du 27 avril 2017, CJ/ECDC (T‑696/16 REV et T‑697/16 REV, non publiée, EU:T:2017:318). Dans cette ordonnance, le Tribunal a constaté, à la fois, que ladite demande était tardive et que le fait allégué à l’appui de celle-ci ne pouvait pas être considéré comme susceptible, s’il avait été connu du Tribunal de la fonction publique, d’avoir amené ce dernier à consacrer une solution différente de celle apportée au litige par l’arrêt d’annulation.

23      À cet égard, le Tribunal a constaté, aux points 45 et 46 de l’ordonnance rejetant la demande en révision, que cette demande était basée sur le postulat selon lequel le manque d’expérience professionnelle managériale de Mme B, alléguée par le requérant, aurait été de nature à modifier le jugement du Tribunal de la fonction publique quant à l’appréciation portée par le directeur de l’ECDC en ce qui concerne l’insubordination reprochée au requérant et la rupture du lien de confiance entre celui-ci et l’ECDC qui en aurait résulté, laquelle avait motivé la décision de résiliation initiale.

24      Il résulte des points 47, 48 et 53 de cette ordonnance que le Tribunal a considéré, en substance, que le fait allégué par le requérant à l’appui de la demande en révision, s’il avait été pris en considération par le Tribunal de la fonction publique, n’aurait pas amené ce dernier à constater qu’il privait de plausibilité l’appréciation du directeur de l’ECDC concernant la rupture du lien de confiance liée, notamment, à l’insubordination du requérant et, en conséquence, à juger que cette appréciation était entachée d’une erreur manifeste, de sorte qu’il y aurait eu lieu d’annuler la décision de résiliation initiale pour ce motif.

25      En effet, le Tribunal a notamment relevé, aux points 49 à 52 de l’ordonnance rejetant la demande en révision, que, conformément aux constatations opérées dans l’arrêt d’annulation, l’insubordination du requérant avait concerné la hiérarchie de ce dernier, et non uniquement Mme B, que cette insubordination s’était manifestée à propos d’instructions dont la pertinence avait été reconnue et que la question centrale, s’agissant de l’appréciation des comportements qui étaient reprochés au requérant, concernait le fait que ce dernier avait des difficultés à accepter les demandes qui lui étaient adressées, et non pas l’expérience managériale ou la compétence de Mme B.

II.    Procédure et conclusions des parties

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 septembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la nouvelle décision de résiliation et, pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        en conséquence, condamner l’ECDC à lui payer une somme correspondant aux rémunérations contractuellement prévues pour la période allant du 1er mai 2012 au 31 décembre 2014, estimée provisoirement à 140 000 euros, à majorer des intérêts au taux légal ;

–        condamner l’ECDC à lui payer une somme de 13 000 euros à titre de réparation du préjudice moral ;

–        condamner l’ECDC aux dépens.

28      L’ECDC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

29      Par décision du 30 mai 2017, le Tribunal (première chambre) a chargé le juge rapporteur d’explorer les possibilités de régler le litige par la voie d’un règlement amiable, conformément à l’article 125 bis, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal.

30      Le Tribunal a constaté l’échec de la tentative de règlement amiable, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffe du 9 août 2017.

III. En droit

A.      Sur la demande en annulation

1.      Sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation

31      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8 ; du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43, et du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑41/14, EU:F:2015:24, point 40).

32      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la nouvelle décision de résiliation, il y a lieu de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci, même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

2.      Sur les conclusions en annulation de la nouvelle décision de résiliation

33      Eu égard aux termes de sa demande en annulation, il peut être considéré que le requérant présente, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 266 TFUE et, le second, d’un détournement de pouvoir, de la violation de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut et d’un défaut de motivation.

34      Complémentairement, le requérant considère que l’annulation de la nouvelle décision de résiliation, du fait de l’irrégularité de celle-ci, implique la condamnation de l’ECDC à lui payer les rémunérations qu’il aurait dû percevoir entre le 1er mai 2012, jour suivant la date de cessation effective de son contrat d’agent contractuel, et le 31 décembre 2014, date à laquelle ce contrat aurait dû venir à échéance en l’absence de résiliation anticipée, après déduction de l’indemnité de résiliation anticipée qu’il a perçue, soit une somme estimée provisoirement à 140 000 euros.

35      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant affirme également que, dans l’hypothèse où l’arrêt à intervenir annulerait la nouvelle décision de résiliation, l’application correcte de l’article 266 TFUE impliquerait que l’ECDC renouvelle son contrat d’agent contractuel à partir du 1er janvier 2015. Cette affirmation ne faisant toutefois pas l’objet d’un chef de demande, le Tribunal ne se prononcera pas quant à celle-ci.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE

36      Par son premier moyen, le requérant soutient que l’exécution correcte de l’arrêt d’annulation impliquait que l’ECDC s’abstînt de prendre quelque décision que ce soit à la suite de l’annulation de la décision de résiliation initiale.

37      Il en serait ainsi pour les motifs invoqués dans les quatre branches de ce moyen, à savoir :

–        lorsque l’arrêt d’annulation est intervenu, en 2015, le contexte factuel aurait été entièrement différent de celui ayant présidé à l’adoption, en 2012, de la décision de résiliation initiale, car, d’une part, la décision à adopter comportait désormais un enjeu financier lié aux rémunérations dues pour la période courant du 1er mai 2012 au 31 décembre 2014 et, d’autre part, les deux personnes qui auraient été impliquées dans la décision de résiliation initiale, à savoir le directeur de l’époque et Mme B, ne faisaient plus partie du personnel de l’ECDC (première branche) ;

–        l’objectif du licenciement du requérant, qui aurait été de mettre fin à l’atteinte au bon fonctionnement de l’ECDC prétendument causée par l’insubordination du requérant, avait été réalisé dans les faits, puisque le requérant n’avait plus exécuté son contrat à partir du 1er mai 2012 et jusqu’au terme de celui-ci (deuxième branche) ;

–        l’objectif d’éviter de devoir payer un complément de rémunération pour la période courant du 1er mai 2012 au 31 décembre 2014, à supposer qu’un tel objectif soit régulier, pouvait être atteint sans procéder rétroactivement à un nouveau licenciement, puisque le requérant avait fait une proposition transactionnelle comportant l’abandon de toute revendication à cet égard, de sorte que la nouvelle décision de résiliation serait inutile et, en tout cas, disproportionnée au regard des inconvénients qu’elle implique pour le requérant (troisième branche) ;

–        les accusations de Mme B quant à l’insubordination du requérant auraient perdu toute crédibilité en 2015 eu égard à certains faits qui étaient connus alors, à savoir le licenciement avec effet immédiat de Mme B et la possibilité qu’elle ait été recrutée sur la base d’informations inexactes quant à son expérience professionnelle, de sorte que, en licenciant le requérant sur la seule base de ces accusations, l’ECDC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation (quatrième branche).

38      À titre liminaire, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’annulation d’un acte par le juge a pour effet d’éliminer rétroactivement cet acte de l’ordre juridique (voir arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 84 et jurisprudence citée).

39      Par ailleurs, conformément à l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation.

40      L’institution défenderesse est dès lors tenue, en vertu de cette disposition, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées (voir ordonnance du 29 juin 2005, Pappas/Comité des régions, T‑254/04, EU:T:2005:260, point 37 et jurisprudence citée, et arrêt du 12 avril 2016, CP/Parlement, F‑98/15, EU:F:2016:76, point 59 et jurisprudence citée).

41      Lorsque l’acte annulé a déjà été exécuté, l’anéantissement de ses effets impose, en principe, de rétablir la situation juridique dans laquelle la partie requérante se trouvait antérieurement à son adoption (voir arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 84 et jurisprudence citée).

42      Enfin, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’autorité dont l’acte a été annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer la portée exacte de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé. La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis où l’illégalité est intervenue (voir ordonnance du 20 septembre 2013, Van Neyghem/Conseil, T‑113/13 P, EU:T:2013:568, point 21 et jurisprudence citée).

43      C’est notamment à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

1)      Sur le second grief de la première branche et la quatrième branche du premier moyen

44      Par le second grief de la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que l’exécution correcte de l’arrêt d’annulation impliquait que l’ECDC s’abstînt de prendre une nouvelle décision de licenciement à son égard à la suite de l’annulation de la décision de résiliation initiale, en raison de la modification essentielle du contexte factuel en 2015 par rapport à celui existant en 2012, résultant de la cessation de fonctions des deux seules personnes qui auraient été impliquées dans la décision de résiliation initiale, à savoir le directeur de l’ECDC, signataire de cette décision, qui aurait indiqué avoir perdu confiance vis-à-vis du requérant, et Mme B, supérieur hiérarchique de ce dernier, qui aurait été l’unique personne concernée dans le cadre de l’enquête sur des accusations d’insubordination visant le requérant.

45      Par la quatrième branche du premier moyen, le requérant soutient que le motif même de la décision de résiliation initiale, à savoir son insubordination à l’égard de Mme B, avait perdu toute consistance au moment de l’adoption de la nouvelle décision de résiliation, car les accusations de cette personne, sur lesquelles ce motif était fondé, auraient perdu toute crédibilité à ce moment. En effet, il aurait alors été connu que Mme B se serait fait frauduleusement engager en 2011 par l’ECDC sur la base de renseignements inexacts quant à ses compétences ainsi qu’à son expérience professionnelles et qu’elle aurait fait l’objet d’un licenciement avec effet immédiat en 2014. Or, en ne prenant pas en considération ces éléments lorsqu’elle a examiné à nouveau les faits d’insubordination reprochés au requérant, en 2015, l’AHCC de l’ECDC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, puisqu’elle a accordé du crédit à des accusations dont les faits dévoilés entre-temps auraient démontré qu’elles n’étaient pas crédibles, alors que ces mêmes faits auraient, au contraire, établi, a posteriori, le bien-fondé des doutes qu’avait exprimés le requérant quant aux qualités professionnelles de Mme B.

46      L’ECDC conteste le bien-fondé de ce grief et de cette branche ainsi que de l’argumentation présentée par le requérant au soutien de ceux-ci.

47      Conformément à la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus, la portée exacte d’un arrêt portant annulation d’un acte doit être déterminée en tenant compte des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de cet arrêt, dans la mesure où ils permettent d’identifier la disposition exacte considérée comme illégale et font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée, que l’autorité concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé.

48      À cet égard, il y a lieu de relever que la décision de résiliation initiale, telle que citée au point 47 de l’arrêt d’annulation et analysée à la lumière des motifs de celui-ci, comportait deux parties.

49      La première consistait, en substance, dans le constat motivé que le requérant avait d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie, qu’il avait refusé à plusieurs reprises d’accomplir les tâches qui lui avaient été confiées et qu’il s’était comporté de manière obstructionniste et provocatrice, que ce comportement était intervenu au détriment de l’ECDC et qu’il s’opposait à la possibilité d’une relation de travail normale, en conséquence de quoi il était apparu au directeur de l’ECDC qu’il avait été irrémédiablement porté atteinte à la relation nécessaire de confiance entre le requérant et ledit directeur ainsi que les autres membres du personnel de l’ECDC.

50      La seconde partie de la décision de résiliation initiale consistait dans la conséquence tirée de ce constat, à savoir la résiliation du contrat d’agent contractuel du requérant en vertu de l’article 47 du RAA, avec effet le 1er mai 2012.

51      Or, à cet égard, il importe de relever qu’il résulte de l’arrêt d’annulation, en particulier de la réponse du Tribunal de la fonction publique aux premier, deuxième et quatrième griefs du premier moyen (points 111 à 121 de l’arrêt d’annulation) ainsi qu’aux deuxième à sixième, huitième, neuvième, onzième et douzième moyens présentés par le requérant dans le cadre du recours introduit devant cette juridiction dans l’affaire F‑159/12, au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de résiliation initiale (points 133 à 204 de l’arrêt d’annulation), que la première partie de la décision de résiliation initiale a été jugée régulière, y compris quant au respect du droit d’être entendu.

52      Notamment, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 203 de l’arrêt d’annulation, que le directeur de l’ECDC n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits en considérant, dans la décision de résiliation initiale, que le requérant avait d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie et s’était comporté de manière provocatrice, avec pour conséquence la rupture irrémédiable du lien de confiance. Il apparaît en outre, à la lecture, notamment, des documents évoqués aux points 90 et 116 de l’arrêt d’annulation, que le comportement du requérant concernait non pas uniquement son supérieur direct, Mme B, mais également le supérieur hiérarchique de celle-ci et, plus généralement, l’ECDC dans son ensemble.

53      Eu égard à l’ensemble des motifs susmentionnés de l’arrêt d’annulation, et tenant compte, d’une part, de l’arrêt du 5 octobre 2016, CJ/ECDC (T‑370/15 P, non publié, EU:T:2016:599), dans la mesure où celui-ci a rejeté le pourvoi introduit par le requérant contre l’arrêt d’annulation en tant que ce pourvoi concernait les appréciations figurant dans ces motifs, et, d’autre part, de l’ordonnance du 27 avril 2017, CJ/ECDC (T‑696/16 REV et T‑697/16 REV, non publiée, EU:T:2017:318), ayant rejeté la demande en révision, il s’impose de considérer que le Tribunal de la fonction publique n’a pas entendu remettre en cause toutes les étapes de l’adoption de la décision de résiliation initiale, mais a uniquement censuré cette décision en tant que le requérant n’avait pas été entendu quant aux conséquences que l’AHCC de l’ECDC envisageait de tirer du constat selon lequel il avait été irrémédiablement porté atteinte à la relation nécessaire de confiance entre lui et l’ECDC (voir, par analogie, arrêt du 17 avril 2007, C et F/Commission, F‑44/06 et F‑94/06, EU:F:2007:66, points 42 et 43), et donc qu’il a été définitivement jugé que le requérant avait d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie et s’était comporté de manière provocatrice, avec pour conséquence ladite rupture irrémédiable du lien de confiance. Partant, la première partie de la décision de résiliation initiale doit être définitivement considérée comme régulière. Or, dans la mesure où la nouvelle décision de résiliation ne comporte, à cet égard, qu’un rappel et une confirmation des faits et des appréciations déjà mentionnés dans la décision de résiliation initiale, à laquelle renvoyait d’ailleurs expressément la lettre de l’ECDC du 19 mai 2015 invitant le requérant à faire part de ses observations à propos de la nouvelle décision de licenciement dont l’adoption était envisagée, le requérant ne saurait remettre en cause ces faits et appréciations dans le cadre du présent recours.

54      En revanche, il découle de l’arrêt d’annulation, et plus précisément de la réponse du Tribunal de la fonction publique au troisième grief présenté par le requérant dans le cadre de son premier moyen dans l’affaire F‑159/12, au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de résiliation initiale (points 122 à 131 de l’arrêt d’annulation), vainement critiquée par l’ECDC dans le cadre de son pourvoi rejeté par l’arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ (T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598), que seule la seconde partie de la décision de résiliation initiale était irrégulière, au motif que le requérant n’avait pas été entendu sur les conséquences que l’AHCC de l’ECDC entendait tirer du comportement de celui-ci, alors que la résiliation anticipée du contrat d’un agent contractuel constitue un acte d’une extrême gravité.

55      Par conséquent, dès lors qu’il apparaît que la nouvelle décision de résiliation est fondée sur la rupture irrémédiable de la relation de confiance entre le requérant et l’ECDC liée au comportement du requérant décrit dans la décision de résiliation initiale, telle que cette rupture a été actée à la date de cette dernière décision, soit le 24 février 2012, le requérant ne saurait remettre en cause la réalité de cette rupture ou de son motif, une telle remise en cause se heurtant à l’autorité définitive de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation et au caractère confirmatif, à cet égard, de la nouvelle décision de résiliation.

56      En outre, il convient de rappeler que l’annulation d’une décision comporte un effet rétroactif qui impose à l’autorité d’adopter une nouvelle décision en se replaçant à la date à laquelle la décision annulée a été adoptée (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2011, Kalmár/Europol, F‑83/09, EU:F:2011:66, point 89 et jurisprudence citée).

57      Enfin, à titre surabondant, il y a lieu de relever que les éléments invoqués par le requérant ne sont pas de nature à affecter le constat de la rupture du lien de confiance telle qu’acté dans la décision de résiliation initiale.

58      En effet, s’agissant, d’une part, du second grief de la première branche du premier moyen, par lequel le requérant invoque les conséquences qu’il y aurait lieu de tirer, concernant cette rupture du lien de confiance, du fait que Mme B et le directeur de l’ECDC, signataire de la décision de résiliation initiale, avaient entre-temps cessé d’exercer des fonctions au sein de l’ECDC, il doit être souligné que la partie de la décision de résiliation initiale non annulée par l’arrêt d’annulation constatait une rupture de la relation de confiance entre le requérant et non pas Mme B et le directeur de l’ECDC, mais l’ensemble des membres du personnel de l’ECDC, de sorte que, en toute hypothèse, la cessation de fonctions des deux personnes précitées n’était pas de nature à modifier fondamentalement le constat opéré en 2012. Par ailleurs, le même constat conduit à considérer comme inopérant l’argument du requérant quant à l’impossibilité, pour l’ECDC, de se référer au rapport d’évaluation le concernant relatif à l’année 2011 pour établir que le comportement qui lui était reproché aurait également concerné d’autres personnes que Mme B.

59      S’agissant, d’autre part, de la quatrième branche du premier moyen, par laquelle le requérant fait valoir les conséquences qu’il y aurait lieu de tirer du fait que les accusations d’insubordination portées à son égard par Mme B auraient perdu toute crédibilité en raison d’éléments la concernant et qui auraient été révélés ou seraient survenus ultérieurement, il convient de relever que ces éléments, à savoir les prétendues inexpérience et incompétence professionnelles de Mme B, sont sans pertinence quant à la qualité de supérieur hiérarchique de celle-ci vis-à-vis du requérant au sein de l’ECDC et au bien-fondé des instructions qu’elle lui avait données en cette qualité et que le requérant avait remises en question, et donc à la réalité de l’insubordination reprochée à ce dernier. En effet, il ressort de l’arrêt d’annulation que le bien-fondé de plusieurs de ces instructions a incidemment été constaté soit par le Tribunal de la fonction publique, pour les instructions visées au point 197 de l’arrêt d’annulation, soit par le supérieur hiérarchique direct de Mme B, auquel le requérant avait demandé de confirmer certaines instructions en application de l’article 21 bis du statut.

60      Partant, il y a lieu d’écarter comme étant non fondés le second grief de la première branche ainsi que la quatrième branche du présent moyen.

2)      Sur le premier grief de la première branche et les deuxième et troisième branches du premier moyen

61      Par le premier grief de la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que l’exécution correcte de l’arrêt d’annulation impliquait que l’ECDC s’abstînt de prendre une nouvelle décision de licenciement à son égard à la suite de l’annulation de la décision de résiliation initiale, car l’ECDC se trouvait dans l’impossibilité de se replacer dans la situation qui était la sienne au moment où cette décision avait été adoptée.

62      En effet, en raison du temps écoulé, l’ECDC n’aurait plus disposé d’un libre arbitre en ce qui concerne l’appréciation du caractère adéquat de la résiliation anticipée du contrat du requérant, car l’adoption, en 2015, d’une décision ayant une autre portée aurait entraîné l’obligation de payer au requérant des rémunérations pour la période écoulée entre le 1er mai 2012, date de prise d’effet de la décision de résiliation initiale, qui avait été annulée, et le 31 décembre 2014, date de l’échéance normale de son contrat d’agent contractuel.

63      Par la deuxième branche du premier moyen, le requérant affirme que le seul objectif pouvant justifier la décision de résiliation initiale, à savoir la cessation de l’atteinte au bon fonctionnement de l’ECDC qui aurait été liée à la présence du requérant au sein de ce dernier, avait été réalisé, dans les faits, dès lors que son contrat, dont le terme normal était le 31 décembre 2014, avait cessé d’être exécuté à partir du 1er mai 2012, de sorte qu’une nouvelle décision de licenciement avec effet rétroactif n’aurait pas été nécessaire pour atteindre cet objectif.

64      Par la troisième branche du premier moyen, le requérant soutient que, dès lors qu’il avait proposé, en septembre 2015, de renoncer à toute rémunération pour autant que l’ECDC facilite son engagement dans une autre institution, organe ou organisme de l’Union, par exemple en s’abstenant de prendre une nouvelle décision portant résiliation de son contrat, l’ECDC ne pourrait pas justifier l’adoption d’une telle décision par l’objectif d’éviter de devoir payer au requérant un arriéré de rémunération, à supposer qu’un tel objectif soit régulier. En toute hypothèse, dans ce contexte, la nouvelle décision de résiliation serait une mesure disproportionnée, eu égard aux implications qu’elle comporterait quant aux possibilités du requérant de retrouver un emploi auprès d’une institution, d’un organisme ou d’un organe de l’Union.

65      L’ECDC conteste le bien-fondé de ces branches ou grief et de l’argumentation présentée par le requérant au soutien de ceux-ci.

66      Il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 38 ci-dessus et compte tenu des considérations figurant au point 54 ci-dessus, l’arrêt d’annulation a eu pour effet de faire disparaître rétroactivement, à la date de la décision de résiliation initiale, c’est-à-dire le 24 février 2012, la seconde partie de cette décision, par laquelle l’AHCC de l’ECDC avait arrêté que le constat d’une rupture irrémédiable de la relation de confiance entre le requérant et les membres du personnel de l’ECDC liée au comportement du requérant décrit dans ladite décision devait conduire à résilier le contrat d’agent contractuel de ce dernier au 30 avril 2012 conformément à l’article 47, sous b), ii), du RAA.

67      Partant, à la suite de l’arrêt d’annulation, ledit contrat était réputé ne pas avoir pris fin, sous réserve des mesures qu’il incombait à l’ECDC de prendre en exécution dudit arrêt, afin d’anéantir les effets de l’illégalité constatée, à savoir la méconnaissance du droit du requérant d’être entendu quant aux conséquences dudit constat d’une rupture irrémédiable de la relation de confiance entre le requérant et les membres du personnel de l’ECDC liée au comportement du requérant.

68      À cet égard, il est constant que, le 19 mai 2015, l’ECDC a informé le requérant de son intention d’adopter une nouvelle décision portant résiliation de son contrat d’agent contractuel, avec effet rétroactif au 1er mai 2012, en l’invitant à faire part de ses observations quant à cette intention, ce que fit le requérant le 30 mai 2015, la nouvelle décision de résiliation étant intervenue ultérieurement.

69      Par le premier grief de la première branche et les deuxième et troisième branches du premier moyen, qui ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation, le requérant soutient donc que la nouvelle décision de résiliation est irrégulière, car le respect de l’article 266 TFUE aurait impliqué que l’ECDC s’abstînt d’adopter une nouvelle décision à la suite de cet arrêt.

70      Partant, il y a donc lieu d’examiner si la nouvelle décision de résiliation est entachée des irrégularités invoquées par le requérant en tant que, sur le fondement du constat factuel régulier exposé dans la décision de résiliation initiale et confirmé dans la nouvelle décision de résiliation, elle arrête qu’il y a lieu de résilier rétroactivement le contrat d’agent contractuel du requérant avec effet au 1er mai 2012.

71      S’agissant du premier grief de la première branche du premier moyen, il s’impose de constater que celui-ci revient à soutenir qu’une autorité ayant adopté, en vertu de l’article 47 du RAA, une décision de licenciement ultérieurement annulée pour quelque motif que ce soit ne pourrait pas adopter une nouvelle décision de licenciement avec effet rétroactif, au motif qu’il existerait une présomption irréfragable qu’une telle décision soit motivée non par les implications du comportement de l’agent concerné, mais par la volonté de l’institution, de l’organisme ou de l’organe qui l’employait de ne pas être redevable d’une rémunération envers cet agent pour tout ou partie de la période s’étant écoulée depuis la prise d’effet de la décision de licenciement annulée.

72      Or, une telle présomption n’existe pas.

73      Au contraire, dans une telle situation, l’autorité concernée est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant annulé la décision de licenciement en se plaçant à la date à laquelle celle-ci a été adoptée et sans qu’il soit exclu ni que cette autorité adopte à nouveau une décision de résiliation du contrat de l’agent concerné ni qu’elle donne à cette dernière décision un effet rétroactif, à tout le moins lorsque l’annulation de la décision initiale a été motivée par un vice de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2011, Kalmár/Europol, F‑83/09, EU:F:2011:66, points 89 à 92 et jurisprudence citée).

74      Il convient d’ajouter que le fait que, en fonction de la nature et de la portée de la nouvelle décision adoptée en remplacement d’une décision de résiliation qui a été annulée, il puisse ou non exister une dette de rémunération constitue simplement une conséquence de cette nouvelle décision.

75      Partant, le premier grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

76      Par les deuxième et troisième branches du premier moyen, le requérant soutient, en substance, que l’adoption de la nouvelle décision de résiliation, avec l’effet rétroactif qu’elle comporte, ne saurait être justifiée par les objectifs qui seraient poursuivis par cette décision. En effet, elle n’aurait été nécessaire ni pour mettre fin aux perturbations liées à l’insubordination qui lui était reprochée, qui avaient concrètement cessé dès la prise d’effet de la décision de résiliation initiale, ni pour éviter à l’ECDC de devoir lui payer les rémunérations qui lui étaient dues en raison de l’annulation de la décision de résiliation initiale, puisque le requérant avait proposé d’y renoncer dans le cadre de la proposition de règlement transactionnel formulée dans son courriel du 4 septembre 2015.

77      À cet égard, il convient de constater que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 40 et 42 ci-dessus, à la suite de l’arrêt d’annulation, l’ECDC était tenu de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’illégalité constatée dans cet arrêt en se référant non seulement à son dispositif, mais également aux motifs qui sont le soutien nécessaire de celui-ci, afin d’identifier les raisons exactes de cette illégalité, de sorte que la procédure visant à remplacer l’acte annulé puisse être reprise au point précis où l’illégalité était intervenue.

78      Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 51 à 54 ci-dessus, l’arrêt d’annulation a invalidé la seconde partie de la décision de résiliation initiale, relative aux conséquences que l’AHCC de l’ECDC avait tirées du constat d’une rupture irrémédiable du lien de confiance liée au comportement du requérant, constat constituant la première partie de ladite décision, qui avait également été contestée par le requérant, mais au sujet de laquelle le Tribunal de la fonction publique n’avait relevé aucune irrégularité.

79      En revanche, aux points 128 à 130 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal de la fonction publique a constaté que l’AHCC de l’ECDC n’avait pas envisagé d’autres solutions à l’insubordination avérée du requérant que de mettre fin à son contrat, alors qu’il ne pouvait pas être exclu que, si le requérant avait été entendu, il aurait pu convaincre cette autorité d’adopter une décision différente, sans toutefois que ledit tribunal se prononce sur la faisabilité d’éventuelles autres solutions.

80      À cet égard, il est opportun de rappeler que le contenu du droit fondamental d’être entendu implique que l’intéressé ait la possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause, ce qui est de nature à garantir, notamment, que la décision constitue le résultat d’une mise en balance appropriée de l’intérêt du service et de l’intérêt personnel de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2014, Psarras/ENISA, F‑63/13, EU:F:2014:177, point 41 et jurisprudence citée), ce dernier devant être pris en considération dans le cadre du devoir de sollicitude auquel l’AHCC est tenue lorsqu’elle envisage la possibilité d’adopter une décision de licenciement (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2013, ETF/Schuerings, T‑107/11 P, EU:T:2013:624, point 91).

81      En l’occurrence, à la suite de l’arrêt d’annulation, le requérant a été invité à faire part de ses observations quant à l’intention de l’ECDC d’adopter une nouvelle décision de licenciement en raison de la rupture irrémédiable du lien de confiance entre le requérant et sa hiérarchie ainsi que de conférer à cette décision un effet rétroactif. Le requérant a répondu par le courriel du 31 mai 2015. Dans ce courriel, outre l’énonciation de divers doutes quant à la légalité d’une telle décision et de dénégations quant à la réalité du comportement qui lui était reproché, il a fait part, sur la question précise des conséquences à tirer par l’AHCC de l’ECDC de ladite rupture irrémédiable du lien de confiance, du fait, notamment, qu’il s’était marié en 2014, qu’il avait eu un enfant, que son reclassement professionnel était problématique et que son épouse était sans emploi, de sorte que son licenciement serait une mesure excessive et inappropriée, et que d’autres mesures, non précisées, devraient être envisagées.

82      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’AHCC dispose d’une large marge d’appréciation dans le cadre de l’application de l’article 47 du RAA. Certes, lorsqu’elle détermine si une circonstance ou un fait particulier justifie le licenciement d’un agent, l’AHCC doit tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais également, pour satisfaire à son devoir de sollicitude, de l’intérêt de l’agent concerné. Néanmoins, l’AHCC dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service, de sorte que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si elle s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, EU:T:2009:313, point 215 et jurisprudence citée, et du 4 décembre 2013, ETF/Schuerings, T‑107/11 P, EU:T:2013:624, point 91).

83      Par les deuxième et troisième branches du premier moyen, le requérant poursuit l’annulation de la nouvelle décision de résiliation non pas réellement au motif qu’elle procèderait d’une erreur manifeste d’appréciation liée aux raisons d’ordre personnel qu’il avait exposées dans son courriel du 31 mai 2015, mais, en substance, parce qu’elle ne saurait être considérée comme conforme à l’intérêt de l’ECDC, car, d’une part, son contrat d’agent contractuel avait pris fin à son terme conventionnel, soit le 31 décembre 2014, et, d’autre part, il avait offert de renoncer à d’éventuels arriérés de rémunération, de sorte que, après cette date, il n’était pas nécessaire d’adopter une nouvelle décision de licenciement en remplacement de la décision de résiliation initiale pour atteindre les objectifs que pouvait viser l’ECDC.

84      Il convient de constater que la thèse ainsi soutenue revient de nouveau à remettre en cause la jurisprudence rappelée au point 73 ci-dessus, en vertu de laquelle il ne saurait être exclu qu’une nouvelle décision de licenciement puisse être adoptée. En effet, dans la logique de la thèse du requérant, l’adoption d’une nouvelle décision de licenciement en remplacement d’une décision de licenciement annulée ne serait admissible qu’à la condition que le terme normal du contrat concerné n’ait pas été atteint entre-temps et uniquement pour la partie de ce contrat postérieure à la nouvelle décision de licenciement. Or, conformément à ladite jurisprudence, il ne saurait être exclu qu’une nouvelle décision de licenciement, destinée à remplacer une précédente décision de licenciement ayant fait l’objet d’un arrêt d’annulation, rétroagisse à la date de la décision annulée.

85      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’autorité amenée à prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation ne peut conférer un effet rétroactif à l’acte qu’elle adopte en remplacement de la décision annulée que si un tel effet est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi par la mesure en cause et qu’il respecte la confiance légitime de la personne ou des personnes concernées par cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2010, OHMI/Simões Dos Santos, T‑260/09 P, EU:T:2010:461, point 48 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, le requérant, qui n’allègue pas que le caractère rétroactif de la nouvelle décision de résiliation aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime, soutient donc que cette rétroactivité ne serait pas indispensable pour atteindre les objectifs que viserait cette décision, à savoir mettre fin au trouble lié à son comportement et, subsidiairement, éviter de devoir lui payer les rémunérations liées à son contrat d’agent contractuel pour la période postérieure au 30 avril 2012.

87      Il convient toutefois de constater que le requérant se méprend quant aux buts de la nouvelle décision de résiliation.

88      En effet, l’objectif essentiel de celle-ci était de tirer les conséquences adéquates, sur le plan contractuel, de la rupture irrémédiable du lien de confiance entre l’ECDC et le requérant, liée à l’insubordination de ce dernier, pour les raisons qui avaient été actées, de façon régulière, dans la première partie de la décision de résiliation initiale, après avoir remédié à l’illégalité constatée dans l’arrêt d’annulation en invitant le requérant à faire part de ses observations quant à la mesure envisagée, de telle manière que son intérêt personnel soit également mis en balance, dans toute la mesure où il peut être considéré comme légitime.

89      Dans le contexte de l’espèce, s’agissant des conséquences adéquates, sur le plan contractuel, de la rupture irrémédiable du lien de confiance entre l’ECDC et le requérant, il y a lieu de rappeler que la décision de résiliation initiale, à laquelle l’ECDC se référait expressément dans la lettre adressée le 19 mai 2015 au requérant, actait que le comportement de ce dernier n’était pas compatible avec les valeurs de l’ECDC et constituait une négation de la possibilité d’une relation de travail normale, d’où découlait la conclusion qu’il avait été irrémédiablement porté atteinte à la nécessaire relation de confiance entre le requérant et l’ECDC dans son ensemble.

90      Or, il convient de souligner que la confiance mutuelle est un élément nécessaire à l’exécution des contrats des agents contractuels, de sorte que, sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir, l’administration, qui dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, est en principe fondée à adopter une décision de licenciement lorsqu’il existe une rupture du lien de confiance (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, points 63 et 64, et du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, EU:T:2011:338, points 83 et 84). Partant, lorsque ce lien est rompu de manière irrémédiable, à moins qu’il n’existe des circonstances exceptionnelles, les éventuelles limites à l’action de l’administration découlant du devoir de sollicitude ne sauraient empêcher l’adoption d’une décision de licenciement fondée sur ce motif.

91      À cet égard, il doit être relevé, premièrement, que les circonstances personnelles dont le requérant a fait état dans son courriel du 31 mai 2015, lorsqu’il a été invité à émettre ses observations quant à l’intention de l’ECDC d’adopter une nouvelle décision de licenciement dont les effets remonteraient à la date d’effet de la décision de résiliation initiale, à savoir qu’il exerçait la profession d’avocat et que ses revenus étaient les seules ressources du ménage qu’il formait avec son épouse et leur enfant, constituent non pas des circonstances exceptionnelles, mais correspondent à une situation économique relativement courante, sans que le fait qu’il réside avec sa famille en Grèce soit de nature à modifier fondamentalement l’appréciation à cet égard, le contexte économique difficile que connaît cet État membre concernant l’ensemble de la population de celui-ci. En outre, lesdites circonstances personnelles sont postérieures au moment auquel l’AHCC de l’ECDC devait se replacer pour adopter une nouvelle décision, conformément à la jurisprudence rappelée au point 56 ci-dessus.

92      Deuxièmement, dans le courriel du 31 mai 2015, le requérant s’est limité à indiquer que d’autres solutions qu’un licenciement devraient être envisagées, sans toutefois donner de précisions. À cet égard, il peut être rappelé que, dans le cadre de son recours dans l’affaire F‑159/12, il avait mentionné d’autres mesures qui, selon lui, auraient été possibles, mais dont le Tribunal de la fonction publique avait constaté, au point 208 de l’arrêt d’annulation, qu’elles présupposaient toutes, à tout le moins, la possibilité de rétablir un rapport de confiance qui avait été rompu, de sorte que la décision de résilier le contrat du requérant ne pouvait pas être considérée comme une mesure disproportionnée.

93      Compte tenu de ce constat, que le Tribunal fait sien, ainsi que du caractère nécessaire du lien de confiance dans le cadre de l’exécution d’un contrat d’agent contractuel, il y a lieu de considérer que, eu égard aux autres mesures évoquées par le requérant, l’AHCC de l’ECDC n’a ni commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la résiliation du contrat du requérant constituait la seule conséquence adéquate, sur le plan contractuel, pouvant être tirée de la rupture irrémédiable du lien de confiance constatée en l’occurrence, ni, ce faisant, adopté une mesure disproportionnée.

94      Or, une telle mesure impliquait en elle-même, dans les circonstances de l’espèce, qu’elle soit adoptée avec effet rétroactif, d’une part, pour ne pas être privée de toute portée et, d’autre part, pour assurer une coïncidence logique avec le moment auquel la situation factuelle sur laquelle cette mesure était fondée avait été actée de manière régulière. Cela était possible, dans le respect de la jurisprudence rappelée au point 85 ci-dessus, dès lors que, dans les circonstances de l’espèce, l’effet rétroactif de la mesure de remplacement n’était pas de nature à tromper la confiance légitime du requérant. En revanche, la thèse du requérant, selon laquelle l’ECDC n’aurait pas pu adopter une nouvelle mesure de licenciement avec effet rétroactif, revient à nier l’existence même d’une rupture irrémédiable du lien de confiance résultant de son comportement, pourtant dûment constatée (voir, par analogie, arrêt du 17 avril 2007, C et F/Commission, F‑44/06 et F‑94/06, EU:F:2007:66, point 46).

95      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient le requérant dans la deuxième branche du premier moyen, il ne saurait être considéré que la nouvelle décision de résiliation avait pour seul objectif de mettre fin à l’atteinte au fonctionnement du service de l’ECDC causée par le comportement du requérant et que cette décision est incompatible avec cet objectif.

96      De même, il ne saurait être considéré que le non-paiement des rémunérations prévues au contrat d’agent contractuel du requérant entre le 1er mai 2012, date de prise d’effet de la décision de résiliation initiale, et le 31 décembre 2014, date d’échéance normale de ce contrat, constituait un objectif de la nouvelle décision de résiliation, ce non-paiement n’étant qu’un effet d’une décision fondée sur d’autres considérations.

97      Par conséquent, le fait que le requérant ait adressé une proposition transactionnelle dans le cadre de laquelle il envisageait de renoncer auxdites rémunérations ne saurait être considéré comme susceptible de priver de raison d’être la nouvelle décision de résiliation.

98      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier grief de la première branche ainsi que les deuxième et troisième branches du présent moyen comme étant non fondés et, dès lors, ce moyen dans son intégralité.

b)      Sur le second moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, de la violation de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut et d’un défaut de motivation

99      Par la première branche de son second moyen, le requérant soutient que la résiliation de son contrat aurait été motivée non par son insubordination et la rupture irrémédiable du lien de confiance qui en a résulté, mais par la volonté d’exercer contre lui des représailles parce qu’il avait dénoncé des faits susceptibles de mettre en cause la gestion financière de l’ECDC, relatifs à des prestations de travail qui auraient été irrégulièrement fournies à l’ECDC dans le cadre d’un contrat conclu avec une agence intérimaire.

100    Par la deuxième branche de ce moyen, il fait valoir que, en toute hypothèse, dans ce contexte, la résiliation de son contrat serait irrégulière au regard de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut.

101    À cet égard, le requérant indique qu’il réitère le septième moyen qu’il avait présenté à l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de résiliation initiale, dans l’affaire F‑159/12, qui aurait été déclaré irrecevable, au point 88 de l’arrêt d’annulation, au motif qu’il avait été formulé partiellement dans les annexes de la requête introductive d’instance, dont les passages pertinents sont désormais reproduits dans la requête par laquelle il a introduit le présent recours.

102    Enfin, par la troisième branche du second moyen, le requérant allègue que, dès lors qu’il aurait soulevé ce grief dans le cadre de la réclamation du 29 février 2016, l’ECDC, en n’y répondant pas dans la décision de rejet de la réclamation, aurait violé l’obligation de motivation qui s’imposait à lui.

103    L’ECDC conteste le bien-fondé de ce moyen et de l’argumentation présentée par le requérant au soutien de celui-ci.

104    S’agissant de la première branche du présent moyen, il convient de constater qu’il résulte à la fois de la lettre de l’ECDC du 19 mai 2015 invitant le requérant à faire part de ses observations quant à la décision qu’il était envisagé d’adopter en remplacement de la décision de résiliation initiale et des termes de la nouvelle décision de résiliation que celle-ci est expressément fondée sur la rupture irrémédiable du lien de confiance entre le requérant et l’ECDC, liée au comportement du requérant, telle que déjà actée dans la décision de résiliation initiale. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que la lettre précitée du 19 mai 2015 renvoyait expressément à l’exposé des faits contenu dans la décision de résiliation initiale, dont la nouvelle décision de résiliation a rappelé et repris l’essentiel des termes à cet égard.

105    Il y a lieu de rappeler, en outre, que la réalité du comportement reproché au requérant et le caractère régulier de l’appréciation de l’ECDC selon laquelle il en découlait une rupture irrémédiable du lien de confiance entre lui et le requérant ont été constatés dans l’arrêt d’annulation.

106    Or, il convient de relever que, au point 91 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal de la fonction publique a déjà constaté que l’allégation de détournement de pouvoir dirigée contre la décision initiale de résiliation reposait sur de pures spéculations.

107    Face à de tels éléments, les allégations du requérant quant au fait que la nouvelle décision de résiliation serait fondée sur la volonté d’exercer sur lui des représailles sont dénuées de plausibilité et, en tout cas, de force probante. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑424/04, EU:T:2006:376, point 72 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, rien n’indique que l’ECDC se soit fondé sur d’autres considérations que celles liées à l’insubordination du requérant.

108    Partant, la première branche du second moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

109    S’agissant de la deuxième branche de ce moyen, l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut énonce la règle selon laquelle, pour autant qu’il ait agi de bonne foi, le fonctionnaire qui a informé sa hiérarchie de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qui peuvent laisser présumer soit une activité illégale éventuelle, soit une conduite en rapport avec l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union, ne subit aucun préjudice de la part de l’institution.

110    Il convient néanmoins de rappeler que cette disposition n’offre pas au fonctionnaire une protection contre toute décision susceptible de lui faire grief, mais seulement contre les décisions liées aux dénonciations effectuées par lui (voir arrêt du 11 juillet 2013, AN/Commission, F‑111/10, EU:F:2013:114, point 90 et jurisprudence citée).

111    Partant, dès lors qu’il résulte de la réponse à la première branche du présent moyen que le requérant ne démontre pas que la nouvelle décision de résiliation était liée à la dénonciation des irrégularités qui, selon lui, avaient été commises dans le recrutement d’un agent intérimaire, il s’impose de constater que l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut n’est pas applicable.

112    En conséquence, la deuxième branche du second moyen doit également être rejetée comme étant non fondée.

113    S’agissant de la troisième branche du second moyen, il y a lieu de constater que, au point 33 de sa requête, le requérant renvoie aux points 25 et 27 de sa réclamation du 29 février 2016. Ces deux derniers points figurent, avec le point 24 de cette réclamation, sous le titre « Motivation insuffisante ». Audit point 24, il est invoqué que l’ECDC aurait laissé sans réponse la plupart des arguments de fait que le requérant avait présenté dans sa réclamation consécutive à la décision de résiliation initiale. Le point 25 de la réclamation du 29 février 2016 concerne de nombreux arguments que le requérant indiquait avoir présentés dans le cadre des affaires F‑159/12 et F‑161/12, identifiés par des références à certains passages de l’arrêt d’annulation ou du pourvoi qu’il avait introduit contre cet arrêt, et dont il soutenait que le Tribunal de la fonction publique avait omis de les examiner. Le point 26 de la réclamation du 29 février 2016 faisait grief à l’AHCC de l’ECDC de n’avoir pas répondu aux allégations et arguments concernant le parcours professionnel de Mme B que le requérant avait mentionnés au point 2, sous c), de son courriel du 31 mai 2015. Enfin, au point 27 de la réclamation du 29 février 2016, le requérant exposait que, « en étant en défaut de prendre en considération, dans la [nouvelle décision de résiliation], les arguments susmentionnés qui montr[ai]ent qu’[il n’avait] pas agi de manière insubordonnée, l’ECDC a[vait] manqué à son obligation de donner une motivation suffisante, subsidiairement à son devoir de sollicitude, subsidiairement a commis une erreur manifeste d’appréciation[ ; e]n tout cas, [il se référait] de nouveau aux arguments susmentionnés et demand[ait] qu’ils soient correctement examinés et admis ».

114    Or, un tel renvoi global à de multiples arguments ou griefs, dont, pour la plupart, le contenu n’est pas rappelé, fût-ce en synthèse, ne saurait être considéré comme suffisant, compte tenu de son imprécision et de sa généralité, pour engendrer une obligation de motivation spécifique de la part de l’autorité concernée. Il en est ainsi, en particulier, du grief auquel le requérant se réfère dans la présente branche, auquel il n’est fait allusion que par la mention du point 88 de l’arrêt d’annulation, dans lequel ce grief n’est mentionné que par l’indication des dispositions prétendument violées, le Tribunal de la fonction publique s’étant limité à constater qu’il n’était étayé par aucune argumentation.

115    À titre surabondant, il convient de rappeler que, si la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est, en outre, pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte est suffisante doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 188 et jurisprudence citée).

116    Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169, et du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen/Commission, T‑102/07 et T‑120/07, EU:T:2010:62, point 180).

117    Or, d’une part, comme il résulte de la réponse aux deux premières branches du présent moyen, le motif du licenciement du requérant avait été clairement énoncé à plusieurs reprises et tant sa réalité que sa régularité avaient fait l’objet d’une reconnaissance juridictionnelle préalable. Partant, les circonstances de l’espèce et la motivation expresse de l’acte concerné ne laissaient place à aucun doute raisonnable quant au fait que la résiliation du contrat du requérant avait une cause unique, à savoir la rupture irrémédiable du lien de confiance entre l’ECDC et le requérant consécutive au comportement de ce dernier, à l’exclusion, donc, de toute autre cause que ce soit, notamment de l’exercice de prétendues représailles en raison de la dénonciation de prétendues irrégularités, ainsi qu’il ressortait déjà du point 90 de l’arrêt d’annulation concernant la décision de résiliation initiale.

118    D’autre part, s’agissant du contexte juridique à prendre en considération, lequel inclut les règles rappelées ci-dessus dans le cadre de l’examen des deux premières branches du présent moyen, l’AHCC de l’ECDC était d’autant plus fondée à considérer que le requérant en avait une parfaite connaissance que celui-ci est juriste de profession. En outre, ce contexte avait fait l’objet d’un éclairage juridictionnel, lequel avait mis en lumière, notamment, que la thèse selon laquelle le licenciement initial du requérant avait été motivé par la volonté d’exercer sur lui des représailles ne reposait que sur de pures spéculations, au surplus peu plausibles, ainsi qu’il résulte du point 91 de l’arrêt d’annulation, et aucun événement n’était intervenu ultérieurement en relation avec la dénonciation concernée, de sorte que rien ne conduisait à modifier l’analyse à cet égard.

119    En conséquence, la troisième branche du second moyen doit être rejetée comme étant non fondée et, par suite, le second moyen dans son intégralité.

120    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande en annulation et, par voie de conséquence, la demande de condamnation de l’ECDC à payer au requérant la somme, provisoirement estimée à 140 000 euros, correspondant aux rémunérations contractuellement prévues pour la période allant du 1er mai 2012 au 31 décembre 2014.

B.      Sur la demande en indemnité

121    Dans le cadre de sa demande en indemnité, le requérant poursuit la condamnation de l’ECDC à lui payer une somme totale de 13 000 euros se décomposant comme suit :

–        une somme de 10 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral qui résulterait de l’inexécution de l’arrêt d’annulation ;

–        une somme de 3 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral qui résulterait des propos consignés dans la décision de rejet de la réclamation selon lesquels le requérant chercherait à promouvoir le népotisme.

122    S’agissant du premier chef de conclusion indemnitaire, il y a lieu de constater que celui-ci repose sur la prémisse selon laquelle la demande en annulation du requérant serait fondée. Cette demande devant être rejetée, ce chef de conclusion doit, en conséquence, être lui-même rejeté comme étant non fondé (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F‑28/13, EU:F:2014:55, point 105 et jurisprudence citée).

123    S’agissant du second chef de conclusion indemnitaire, le requérant invoque, à titre de faute engageant la responsabilité de l’ECDC, l’emploi du terme « népotisme » dans la décision de rejet de la réclamation, dans le passage suivant : « En outre, ainsi que vous en avez été informé par la [nouvelle décision de résiliation], il est évident qu’il n’est pas possible pour le Centre de “faciliter” votre engagement par une autre agence de l’Union, pour plusieurs raisons. D’une part, il est contraire aux règles de recrutement des agences d’interférer dans les procédures de recrutement d’autres agences et de promouvoir le népotisme (ce que vous semblez proposer) [...] »

124    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52 et jurisprudence citée).

125    En premier lieu, il convient de constater que le terme « népotisme » a, certes, une connotation négative, visant l’abus qu’une personne en place fait de son crédit ou de son influence pour, notamment, procurer des emplois à des personnes qui lui sont liées.

126    Toutefois, d’une part, il peut être admis que ce terme a été utilisé en l’occurrence à seule fin de décrire la proposition que le requérant avait formulée au point 2 de son courriel du 4 septembre 2015 et réitérée au point 20 de sa réclamation du 29 février 2016, selon laquelle l’ECDC pourrait faciliter son engagement par une autre institution, un autre organe ou organisme de l’Union. En effet, l’emploi d’un terme négatif est cohérent avec l’affirmation, au début de la même phrase, selon laquelle un tel comportement est contraire aux règles de comportement des agences de l’Union. Il en est d’autant plus ainsi que, au point 20 de sa réclamation du 29 février 2016, le requérant avait explicité par quels moyens l’ECDC pourrait, selon lui, faciliter son engagement par d’autres institutions, organismes ou organes de l’Union sans interférer dans leurs procédures de recrutement en indiquant qu’il pourrait s’abstenir de tirer des conséquences, sur le plan contractuel, de la rupture irrémédiable du lien de confiance entre les parties, de telle sorte que le requérant apparaîtrait avoir exécuté son contrat d’agent contractuel jusqu’au terme normal de celui-ci, le requérant renonçant, pour sa part, à réclamer des rémunérations pour cette période, et, éventuellement, renouveler ce contrat au 1er janvier 2015, tandis qu’un congé ou un détachement permettrait d’éviter que le requérant exécute effectivement des prestations pour l’ECDC. Or, force est de constater que les procédés ainsi envisagés pouvaient être compris comme visant à créer certaines apparences non entièrement conformes à la réalité.

127    D’autre part, ainsi que l’ECDC le souligne, les propos qui lui sont reprochés ont été formulés avec précaution, puisqu’il était précisé, par les termes « ce que vous semblez proposer », qu’il s’agissait d’une compréhension considérée comme probable, mais non certaine, de la proposition du requérant. Or, il y a lieu de souligner que, dans le cadre du présent chef de conclusion indemnitaire, le requérant vise le fait, pour l’ECDC, d’avoir allégué que, par sa proposition, le requérant cherchait à promouvoir le népotisme, mais non d’avoir cru possible que, par sa proposition, le requérant cherchât à promouvoir le népotisme. Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré que l’emploi de ce terme constitue un comportement irrégulier.

128    En second lieu, et à titre surabondant, il s’impose de constater que le requérant n’établit pas la réalité du préjudice qu’il allègue. D’une part, il ne saurait être question d’une atteinte à sa réputation, dès lors que le passage concerné figurait dans un courrier qui n’était pas destiné à être publié. D’autre part, aucun lien utile ne peut être établi entre la teneur dudit passage, son possible impact sur le requérant et la dénonciation, par ce dernier, de prétendues irrégularités qui auraient été commises dans le recrutement d’un agent intérimaire, le rapprochement effectué par le requérant à cet égard apparaissant artificiel.

129    Partant, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité dans son ensemble comme étant non fondée et, par suite, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

131    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECDC.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CJ est condamné aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.