Language of document : ECLI:EU:T:2010:169

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 avril 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire tridimensionnelle Claro – Marque communautaire verbale antérieure CLARO – Irrecevabilité du recours introduit devant la chambre de recours – Articles 59 et 62 du règlement (CE) n° 40/94 [devenus articles 60 et 64 du règlement (CE) n° 207/2009] – Règle 49, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑225/09,

Claro, SA, établie à São Paulo (Brésil), représentée par Mes E. Armijo Chávarri et A. Castán Pérez-Gómez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. F. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Telefónica, SA, établie à Madrid (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 26 février 2009 (affaire R 1079/2008-2), relative à une procédure d’opposition entre Telefónica, SA et BCP S/A,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2009,

à la suite de l’audience du 11 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 juillet 2006, TELET S/A a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :

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3        L’enregistrement a été demandé pour divers produits et services relevant des classes 9 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 1/2007, du 8 janvier 2007.

5        Le 26 mars 2007, Telefónica, SA a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits et des services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure CLARO, désignant, notamment, divers produits et services relevant des classes 9 et 38.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 28 novembre 2006, à la suite d’une fusion par absorption, TELET S/A a été absorbée par BCP S/A, ce dont l’OHMI a été informé par lettre du 2 avril 2007. Le 17 avril 2007, BCP S/A a été inscrite comme demanderesse de la marque demandée dans la base de données de l’OHMI.

9        Le 22 mai 2008, la division d’opposition a fait droit à l’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement. Elle a considéré qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque antérieure.

10      Le 26 mai 2008, la raison sociale de BCP S/A a été modifiée en Claro, SA. Cette modification n’a pas été portée à la connaissance de l’OHMI et, par conséquent, celui‑ci a continué à faire référence à la requérante, Claro, en utilisant son ancienne dénomination BCP S/A.

11      Le 22 juillet 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition. Elle a envoyé à l’OHMI un formulaire d’introduction d’un recours, sur lequel elle avait indiqué, en cochant les cases appropriées, qu’elle contestait la décision de la division d’opposition dans sa totalité et que les motifs du recours seraient communiqués ultérieurement.

12      Par lettre du 22 octobre 2008, l’OHMI a informé la requérante qu’il n’avait pas reçu le mémoire exposant les motifs de son recours et que le délai pour la présentation de ce mémoire avait expiré. Il lui a, par conséquent, indiqué que son recours pourrait être rejeté comme irrecevable et l’a invitée à soumettre ses observations avant le 22 décembre 2008. La requérante n’a pas répondu à cette lettre.

13      Par décision du 26 février 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a, en application de la règle 49, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), rejeté le recours comme irrecevable, au motif qu’aucun mémoire exposant les motifs du recours n’avait été déposé dans le délai prévu à l’article 59 du règlement n° 40/94 (devenu article 60 du règlement n° 207/2009).

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante invoque un moyen unique, tiré d’une erreur de droit commise par la chambre de recours, laquelle aurait, à tort et en violation du principe de continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’OHMI, découlant de l’article 62 du règlement n° 40/94 (devenu article 64 du règlement n° 207/2009), rejeté le recours comme irrecevable sans tenir compte du fait que, sur le formulaire d’introduction du recours, la requérante avait indiqué qu’elle contestait la décision de la division d’opposition dans son intégralité, ce qui impliquerait que le dépôt d’un mémoire exposant les motifs du recours aurait été inutile en l’espèce.

17      En premier lieu, la requérante fait valoir que son recours visait la décision de la division d’opposition, ayant fait droit à l’opposition sur la base du motif relatif de refus visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dans son intégralité. Il serait, dès lors, évident que le recours était fondé sur une erreur de droit commise par la division d’opposition dans l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Par conséquent, la présentation d’un mémoire exposant les motifs du recours aurait été inutile.

18      En second lieu, la requérante fait valoir que, compte tenu de la continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’OHMI, les chambres de recours de celui‑ci ne sont pas tenues de fonder leurs décisions uniquement sur les éléments de fait ou de droit invoqués dans la procédure de recours devant elles, mais, à défaut de tels éléments, doivent se référer à la procédure devant l’instance inférieure. Elles ne sauraient, en aucun cas, s’abstenir de trancher, au motif que les parties n’auraient pas présenté de nouveaux arguments. Par conséquent, en l’espèce, la chambre de recours aurait dû statuer sur le recours de la requérante sur la base des éléments de fait et de droit invoqués par cette dernière devant la division d’opposition.

19      Aux termes de l’article 59, première phrase, du règlement n° 40/94 (devenu article 60, première phrase, du règlement n° 207/2009), le recours devant la chambre de recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision faisant l’objet du recours. L’article 59, troisième phrase, du même règlement (devenu article 60, troisième phrase, du règlement n° 207/2009) énonce qu’un mémoire exposant les motifs du recours « doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision ».

20      En outre, la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 prévoit que, si le recours ne remplit pas, notamment, les conditions prévues à l’article 59 du règlement n° 40/94, la chambre de recours le rejette comme irrecevable, à moins qu’il n’ait été remédié, avant l’expiration du délai correspondant fixé à ce dernier article, à toutes les irrégularités constatées.

21      Au regard des termes utilisés dans l’article 59, troisième phrase, du règlement n° 40/94 et, notamment, du terme « doit », il ne saurait y avoir de doute sur le fait que le dépôt, dans le délai prévu, du mémoire exposant les motifs du recours constitue une condition indispensable de la recevabilité du recours et que, à défaut d’un tel dépôt, le recours doit être rejeté comme irrecevable, en application de la règle 49 du règlement n° 2868/95 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Classen Holding/OHMI − International Paper (BECKETT EXPRESSION), T‑71/02, Rec. p. II‑3181, points 50 à 55].

22      En l’espèce, il est constant que la requérante n’a pas déposé le mémoire exposant les motifs de son recours dans le délai prévu. Par conséquent, c’est sans commettre une quelconque erreur de droit que la chambre de recours a, dans la décision attaquée, rejeté le recours comme irrecevable.

23      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante.

24      En premier lieu, s’agissant de l’argumentation de la requérante énoncée au point 17 ci‑dessus, selon laquelle, en substance, la chambre de recours aurait dû déduire les motifs du recours de l’indication, sur le formulaire d’introduction du recours, que la décision de la division d’opposition était contestée dans son intégralité, tout d’abord, il convient de rappeler que la requérante avait elle‑même indiqué, en cochant la case appropriée sur le même formulaire, qu’elle communiquerait les motifs de son recours ultérieurement. Elle ne saurait donc reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir déduit les motifs du recours du formulaire en question.

25      Ensuite, il y a lieu de relever que, certes, la seule disposition prise en considération par la division d’opposition dans sa décision faisant droit à l’opposition était l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Toutefois, il ne saurait être déduit du seul fait que la requérante contestait cette même décision dans son intégralité qu’elle reprochait à la division d’opposition une interprétation erronée de la disposition en question. Un recours mettant en cause la décision de la division d’opposition dans son intégralité aurait pu également être fondé, notamment, sur une application erronée de la disposition concernée.

26      Par ailleurs, le simple fait d’invoquer une interprétation prétendument erronée de la disposition applicable n’est pas suffisant pour constituer un motif de recours. Encore faut‑il préciser en quoi consiste la prétendue erreur d’interprétation et quel serait le vrai sens de la disposition en question. Or, ces indications ne ressortaient ni explicitement ni implicitement du formulaire d’introduction du recours de la requérante.

27      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le dépôt d’un mémoire exposant les motifs de son recours n’aurait aucunement été inutile en l’espèce.

28      Enfin, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort clairement de l’article 59 du règlement n° 40/94, il appartient à la partie ayant formé un recours devant la chambre de recours d’exposer les motifs sur lesquels ce recours est fondé. Il n’incombe pas, en revanche, à la chambre de recours de déterminer, par des déductions, les motifs sur lesquels le recours dont elle a à connaître est fondé.

29      En second lieu, l’argumentation de la requérante, tirée de la continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’OHMI, ne saurait non plus prospérer.

30      Certes, l’article 62, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009) prévoit que, à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours et qu’elle peut, ce faisant, « exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée », c’est‑à‑dire, en l’occurrence, se prononcer elle‑même sur l’opposition en la rejetant ou en la déclarant fondée, confirmant ou infirmant en cela la décision qui est attaquée.

31      Ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul (C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 57), il résulte de cette disposition que, de par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait.

32      Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 61, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 63, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), un tel examen suppose que le recours devant la chambre de recours est recevable. Si le recours est irrecevable, la chambre de recours doit le rejeter, sans l’examiner au fond.

33      Or, il a déjà été relevé que le recours n’est recevable que si le mémoire exposant les motifs du recours est déposé dans le délai prévu à cet effet à l’article 59 du règlement n° 40/94, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. C’est pour ce motif et non, comme la requérante semble le prétendre, au motif qu’elle n’aurait pas invoqué de nouveaux arguments, que la chambre de recours a, à juste titre, rejeté son recours comme étant irrecevable.

34      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours n’est pas fondé et doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

36      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Claro, SA est condamnée aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.