Language of document : ECLI:EU:T:2009:431

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

11 novembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Clina – Marque communautaire verbale antérieure CLINAIR – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑150/08,

REWE-Zentral AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes M. Kinkeldey, A. Bognár et S. Schäffler, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur      (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. R. Pethke, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes N. Lützenrath, U. Rademacher, L. Kolks et C. Fürsen, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 15 février 2008 (affaire R 1484/2006‑4), relative à une procédure d’opposition entre Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG et REWE-Zentral AG,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 avril 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 septembre 2008,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 septembre 2008,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 juillet 2004, la requérante, REWE-Zentral AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Clina.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits pour laver, nettoyer et blanchir ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, eaux de toilette, produits pour le soin du corps et les soins de beauté, également pour bébés et petits enfants ; produits de nettoyage, soin et embellissement des cheveux, de la peau et des dents, bains de bouche ; produits pour la douche et le bain ; produits contre la transpiration et déodorants à usage personnel, rasoirs, crème, mousse et gel à raser, lotions et gels après-rasage, serviettes imprégnées à usage personnel, serviettes humides à usage hygiénique et cosmétique ; produits de soins et cosmétiques » ;

–        classe 21 : « Brosses à cheveux, brosses à ongles et brosses à dents ».

4        Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2005/014, du 4 avril 2005.

5        Le 1er juillet 2005, l’intervenante, Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, a formé opposition en vertu de l’article 42 du règlement nº 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure CLINAIR déposée le 24 juillet 2000 et enregistrée le 2 décembre 2004 pour les produits suivants, relevant des classes 3 et 5 :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009].

8        L’opposition était fondée sur tous les produits visés par la marque antérieure et formée à l’encontre de tous les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

9        Par décision du 22 septembre 2006, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition.

10      Le 17 novembre 2006, l’intervenante a saisi l’OHMI d’un recours dirigé contre cette décision.

11      Par décision du 15 février 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et rejeté la demande de marque. Après avoir relevé que la marque antérieure possédait un caractère distinctif moyen, elle a estimé, d’une part, que les produits visés par les marques en conflit étaient identiques ou fortement similaires et, d’autre part, que la marque demandée et la marque antérieure étaient fortement similaires sur les plans visuel et phonétique pour les consommateurs concernés, une comparaison conceptuelle n’étant pas possible en raison du caractère fantaisiste des signes en cause. La chambre de recours a déduit de ces éléments l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Procédure et conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI, soutenu, en substance, par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur la similitude des signes en conflit

 Arguments des parties

15      La requérante fait valoir qu’il n’existe pas de similitude phonétique, visuelle ou conceptuelle de nature à créer un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure.

16      Quant à la comparaison phonétique, la requérante estime que, tant du point de vue de leurs syllabes, de leur accentuation, de leur deuxième voyelle, de la sonorité de leur finale que du point de vue de la longueur de leur prononciation, les signes en conflit sont suffisamment différents pour que tout risque de confusion sur le plan phonétique puisse être écarté.

17      Bien que composés chacun de deux syllabes et présentant le même élément « clin » placé en début de mot, les signes en conflit comporteraient une suite de syllabes différentes, « cli » et « na » pour la marque demandée et « clin » et « air » pour la marque antérieure, car la dernière voyelle « a » du signe demandé ne serait pas prononcée seule, mais en liaison avec la consonne précédente.

18      L’écart phonétique existant entre les syllabes finales « na » et « air » serait très net. Il en irait de même pour les syllabes initiales, qui ne sont pas identiques, ce qui, compte tenu du caractère dense et bref des signes en conflit, se percevrait très nettement sur le plan phonétique. Alors que la seconde syllabe « air » porte l’accent tonique dans la marque antérieure, la prononciation du signe demandé serait accentuée sur sa première syllabe « cli ».

19      Les signes en conflit étant composés de deux syllabes et, partant, étant brefs et compréhensibles, toute différence phonétique se remarquerait plus facilement que dans le cas d’éléments verbaux longs et inintelligibles. Les signes en conflit se distingueraient donc nettement par l’emplacement décisif de leurs voyelles. Or, la diphtongue « ai » contenue dans la marque antérieure CLINAIR produirait un son indépendant qui ne peut être regardé comme un simple « a » altéré, mais comme un son qui s’en éloigne au contraire assez nettement.

20      Alors que la fin du signe demandé paraît ouverte, celle de la marque antérieure donnerait, sous l’effet de la consonne « r », l’impression d’être fermée. Enfin, la longueur de la prononciation des deux signes en conflit serait différente, ce qui ne passerait pas inaperçu, eu égard notamment à leur brièveté.

21      La chambre de recours aurait présumé à tort que l’accent tonique était placé plutôt sur le début des mots que sur leur terminaison, laquelle demeurerait souvent indistincte. Au contraire, la requérante estime que l’accent tonique pourrait être, en général, aussi bien placé sur la première syllabe ou le début d’une marque que sur la deuxième, la troisième, voire la dernière syllabe, en fonction, précisément, de l’accentuation de la suite de syllabes considérée.

22      La requérante reproche encore à la chambre de recours d’avoir considéré que la lettre finale « r » de la marque CLINAIR serait à peine accentuée dans de nombreuses langues, dont l’allemand, et qu’elle ne serait audible qu’en tant que prolongement de la voyelle précédente. Or, si elle n’est pas directement accentuée, la lettre « r » n’en concourrait pas moins à former la sonorité globale de la syllabe finale en écartant toute prononciation ouverte comme dans le signe Clina et en lui donnant un son fermé.

23      La requérante allègue enfin que, dans sa décision du 13 août 2003 (B 371932 ‑CLINAIR/CLINAC), la division d’opposition a considéré que les marques CLINAIR et CLINAC étaient phonétiquement dissemblables, au motif que la prononciation très différente de leur syllabe finale dans toutes les langues concernées suffisait à les distinguer phonétiquement l’une de l’autre.

24      S’agissant de la comparaison visuelle, la requérante affirme que, en raison de la concision relative des signes en conflit, les deux lettres supplémentaires de la marque antérieure suffiraient à lui conférer un aspect visuel nettement plus long. Les éléments finaux en cause « na » et « air » feraient également apparaître de sensibles différences en ce qu’ils n’ont qu’une seule lettre commune, à savoir la voyelle « a ». Celle-ci, au demeurant, se situerait au début de l’élément final dans la marque antérieure et à la fin dans le signe demandé.

25      Quant à la similitude conceptuelle, la requérante rappelle le caractère quasi descriptif de la marque antérieure CLINAIR, alors que le signe Clina est purement fantaisiste. En tout état de cause, la marque antérieure présenterait, du seul fait de l’existence de son élément « air », un contenu sémantique tout particulier, alors que ce même élément, pris au sens de l’air ambiant, ne se retrouve nullement dans le signe demandé. Soit les consommateurs européens connaîtraient le sens de l’élément « air » et ne risqueraient pas de confondre les signes en conflit, soit ils ignoreraient, en raison de leurs faibles connaissances de l’anglais, que l’élément « air » signifie l’air ambiant, mais ne confondraient pas les deux signes en conflit, du fait de leurs différences visuelles et phonétiques marquées.

26      Il en irait de même pour la référence à l’adjectif « clean » contenue dans la première syllabe « clin » de la marque antérieure, dont la présence a été reconnue par l’intervenante elle-même, mais que les consommateurs ne pourraient pas percevoir directement dans le signe Clina. Vu la différence de césure entre les syllabes et la brièveté de la dénomination, les consommateurs concernés ne décèleraient pas dans le signe CLINA un renvoi à l’adjectif anglais « clean ». Contrairement à la marque antérieure CLINAIR, qui se divise en deux éléments pratiquement ou totalement descriptifs, « clina » serait un terme de fantaisie « indivisible » et présentant plus de ressemblances ou d’associations avec des prénoms féminins comme Lina.

27      Selon la requérante, il résulte d’une appréciation globale de l’ensemble des facteurs pertinents, dont relèvent l’identité ou la similarité des produits en cause et le faible caractère distinctif de la marque antérieure, que les similitudes visuelles des signes en conflit sont largement neutralisées par leurs différences phonétiques et conceptuelles.

28      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

29      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

30      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, points 49 et 50, et la jurisprudence citée].

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. En effet, il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 que la perception des marques qu’a le consommateur moyen du type de produit ou de service en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du Tribunal du 3 mars 2004, Mülhens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec. p. II‑791, point 41, et la jurisprudence citée ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. 6191, point 23, et la jurisprudence citée].

32      En l’espèce, il convient d’observer, à titre liminaire, que l’identité ou la forte similitude des produits en cause n’a pas été contestée par les parties.

33      Par ailleurs, il résulte de la décision attaquée, qui n’est pas remise en cause sur ce point, que, dans la mesure où la marque antérieure est une marque communautaire et que les produits visés par les marques en conflit sont des produits de consommation courante, il convient de considérer que le territoire pertinent pour l’analyse du risque de confusion est l’ensemble du territoire de la Communauté européenne et que le public pertinent est constitué par le grand public, c’est-à-dire le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑ 5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I ‑5719, point 25).

34      La requérante conteste en revanche l’appréciation portée par la chambre de recours sur la similitude des signes en conflit et la conclusion qu’elle en a tirée en ce qui concerne le risque de confusion. Il y a donc lieu d’examiner si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en retenant qu’il existait entre les signes en conflit des similitudes suffisantes pour conclure à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

35      Il résulte de la jurisprudence que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española), T‑363/04, Rec. p. II‑3355, point 98 ; voir, par analogie, arrêt SABEL, point 31 supra, point 23].

36      La chambre de recours a constaté, aux points 22 à 25 de la décision attaquée, qu’il existait, entre les deux marques verbales en conflit Clina et CLINAIR, des similitudes importantes qui permettent de conclure à des similitudes visuelle et phonétique. Elle a ensuite considéré que, conceptuellement, aucune des deux marques n’avait de signification apparente.

37      Il convient de vérifier la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne l’appréciation de la similitude des marques en conflit opérée par la chambre de recours.

38      S’agissant de la comparaison visuelle, il convient de constater que, comme l’a relevé la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, la marque demandée est entièrement contenue dans la marque antérieure, de sorte que les deux marques coïncident en leur cinq premières lettres, à savoir « clina », la marque antérieure comportant en outre l’élément « ir ». Cette partie commune aux deux signes en conflit entraîne une similitude visuelle significative des marques en conflit, d’autant plus que le public est normalement plus attentif au début d’une marque [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI‑Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p.II‑2251, point 47, et du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM‑PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 51], ce que les parties ne contestent pas. Il résulte de ces constatations qu’il existe une forte similitude visuelle entre ces deux signes.

39      En ce qui concerne la comparaison phonétique des signes en conflit, la chambre de recours a relevé à juste titre que, dans de nombreuses langues de la Communauté, la lettre finale « r » était à peine accentuée et était entendue comme le prolongement de la voyelle qui précède. Si, comme le fait valoir la requérante, la lettre « r » contribue à former la sonorité globale de la syllabe finale de la marque CLINAIR, sa faible accentuation a pour conséquence qu’elle n’influence pas de manière significative la prononciation de cette dernière. Il s’ensuit que, d’une part, la longueur de sa prononciation ne s’en trouve pas influencée et, d’autre part, l’élément commun « clina » crée une similitude phonétique entre les marques en conflit.

40      Il y a lieu de relever que la requérante se borne à invoquer des « règles de prononciation » pour justifier le découpage en syllabes des marques en conflit. Bien qu’elle reconnaisse que ces dernières comportent chacune deux syllabes, la requérante n’expose pas les raisons pour lesquelles il devrait être constaté que ledit découpage est différent, aux fins de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, selon la marque envisagée, la marque demandée devant être prononcée « cli-na » et la marque antérieure « clin-air ».

41      De plus, comme le fait valoir à juste titre l’OHMI, la division syllabique des signes comportant deux syllabes a une importance réduite, car elle n’est pas de nature à créer une différence de prononciation entre les signes concernés.

42      Il s’ensuit que l’argument de la requérante, selon lequel la sonorité de la dernière syllabe du signe CLINAIR se différencie nettement de la dernière syllabe du signe Clina, se fonde sur une division syllabique non démontrée et n’est pas de nature à remettre en cause les constatations opérées par la chambre de recours dans la décision attaquée.

43      La requérante soutenant, sans le démontrer, qu’il existe une différence entre les signes en conflit tenant à la syllabe sur laquelle se trouve l’accent tonique, cet argument doit être écarté.

44      Par ailleurs, la présente affaire ne saurait être comparée au litige ayant donné lieu à la décision de la division d’opposition CLINAIR/CLINAC, précitée. En effet, la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi‑Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 48, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65).

45      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant qu’il existait une forte similitude phonétique entre les signes en conflit.

46      En ce qui concerne la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, qu’une comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel n’était pas possible dans la mesure où elles consistaient en des mots de fantaisie et que, par conséquent, les similitudes phonétique et visuelle n’étaient pas altérées par un contenu conceptuel différent.

47      La requérante invoque la neutralisation, par leurs différences phonétiques et conceptuelles, de la similitude visuelle existant entre les signes en conflit. Le grief tiré de l’existence de différences phonétiques ayant été écarté, il y a lieu d’examiner le présent grief du seul point de vue de la neutralisation des similitudes visuelles et phonétiques par les différences conceptuelles invoquées.

48      Il convient de rappeler que des différences conceptuelles entre les marques en conflit peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelles et phonétiques existant entre ces marques. Une telle neutralisation requiert toutefois qu’au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement, et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou qu’elle ait une signification entièrement différente [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI–Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II-4335, point 54].

49      En l’espèce, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours, les signes en conflit ne sont pas dénués de toute signification.

50      En effet, ces derniers ont en commun l’élément « clin », qui présente une certaine force évocatrice, dans la mesure où il fait référence à l’adjectif de langue anglaise « clean » (propre), même si cet élément est plus aisément décelable dans la marque CLINAIR que dans la marque Clina. De plus, dans la marque antérieure, l’élément « clin » est suivi de l’élément « air » (air), pour former un mot qui peut être rapproché de la combinaison des mots anglais « clean air » et qui, contrairement à la marque demandée CLINA, évoque des idées, telle celle de la propreté de l’air, susceptibles d’être comprises par le public pertinent anglophone ou disposant à tout le moins d’une connaissance suffisante de l’anglais.

51      Il s’ensuit que la marque CLINAIR a une signification évocatrice des idées susceptibles d’être saisies par ce public.

52      Toutefois, cette erreur de droit n’affecte pas la solution du litige retenue par la chambre de recours, car l’élément « clin », commun aux signes en conflit et évocateur de l’adjectif anglais « clean » (propre), est de nature à atténuer toute différence conceptuelle.

53      Il en résulte que, les similitudes visuelle et phonétique des deux marques étant, en outre, très fortes pour le public pertinent, une éventuelle différence conceptuelle risquerait d’échapper à son attention [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2005 Duarte y Beltrán/OHMI – Mirato (INTEA), T‑353/02, non publié au Recueil, point 34].

54      Il s’ensuit que le contenu conceptuel du signe antérieur n’est pas de nature à neutraliser les similitudes visuelle et phonétique entre les signes en cause.

55      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que les marques en conflit présentaient une forte similitude et que les similitudes visuelle et phonétique n’étaient pas altérées par un contenu conceptuel différent de ces signes.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

 Arguments des parties

56      La requérante considère que, en attribuant à la marque antérieure un caractère distinctif moyen, la chambre de recours a méconnu que son premier élément « clin » n’est que faiblement distinctif. En effet, il rappellerait fortement le terme courant anglais « clean », issu d’une langue universelle et donc compris par la quasi-totalité des consommateurs européens moyens.

57      Par ailleurs, l’utilisation du mot « clean », sous une forme légèrement modifiée, serait fréquente dans l’ensemble du marché européen à titre d’élément de marques de cosmétiques ou de produits de nettoyage.

58      Pris au sens de « propre », le mot « clean » serait purement descriptif à l’égard des « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser », relevant de la classe 3, et des « produits pour la destruction des animaux nuisibles, fongicides, herbicides », relevant de la classe 5.

59      En remplaçant la suite de voyelles « ea » par la voyelle « i », qui se prononce de la même manière, la requérante aurait procédé à une légère transformation qui n’est ni exceptionnelle ni nouvelle dans le secteur des produits d’entretien et du nettoyage ainsi que dans celui des cosmétiques.

60      La connotation nettement descriptive de l’élément « clin » serait attestée par la fréquence de son utilisation au début du nom de marques déposées ou enregistrées pour des produits d’entretien ou de nettoyage, désinfectants, et matériel de nettoyage, ainsi que pour des cosmétiques et des produits de beauté, et leur effet conjugué entraînerait une banalisation de la marque.

61      Le terme « air », second élément de la marque antérieure CLINAIR, constituerait également un terme anglais de base susceptible d’être traduit par « air » (ambiant) dans toute l’Europe, même par des consommateurs moyens possédant de faibles connaissances de la langue. La plupart des consommateurs européens comprendraient le terme « air » et l’associeraient à l’air ambiant.

62      Sur le plan phonétique, la marque antérieure CLINAIR se prononcerait exactement de la même manière que les termes anglais « clean air » (air propre, air pur). Il ne pourrait être exclu d’emblée que le public pertinent pense alors à de l’« air propre » au regard, précisément, des produits en cause.

63      La marque antérieure CLINAIR offrirait même une suite correcte, d’un point de vue linguistique, des éléments « clean » (ou « clin ») et « air ». Elle ne se différencierait du syntagme descriptif « clean air » que par la substitution au couple de voyelles « ea » de la voyelle « i », dont la prononciation resterait, au demeurant, identique, et par l’accolement des éléments « clin » et « air », dépourvu d’incidence sur la prononciation.

64      La marque antérieure serait protégée non seulement pour les articles de parfumerie et les produits de beauté, mais aussi pour les fongicides et herbicides, produits pour lesquels les termes « air propre » peuvent être clairement considérés comme une indication descriptive. Elle devrait être également considérée comme comportant une indication descriptive par rapport aux « produits de nettoyage, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques et produits pour les soins du corps et les soins de beauté, dentifrices », dont relèvent les déodorants à usage personnel. En particulier, les produits de nettoyage et de parfumerie pourraient contribuer à la propreté de l’air d’une pièce et les sprays d’intérieur évoqués par la chambre de recours relèveraient généralement de la classe 5.

65      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

66      Selon une jurisprudence constante, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (voir, par analogie, arrêt SABEL, point 31 supra, point 24). Les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent, alors, d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 20).

67      Il convient de rejeter comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel la marque antérieure aurait un caractère distinctif faible et non, comme l’a relevé la chambre de recours, un caractère distinctif moyen. En effet, même en présence d’une marque à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment en raison de l’existence d’une similitude des signes et des produits ou des services visés. Il en est ainsi lorsque le degré de similitude entre les produits visés par les marques en cause ainsi que le degré de similitude entre celles-ci, considérés cumulativement, s’avèrent suffisamment élevés pour permettre de conclure à l’existence d’un risque de confusion [arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Athinaiki Oikogeniaki Artopoiia/OHMI – Ferrero (FERRÓ), T‑35/04, Rec. p. II‑785, point 69].

68      En l’espèce, il résulte de l’examen effectué ci‑dessus que les produits en cause sont identiques ou fortement similaires, et que les signes en conflit présentent un degré élevé de similitudes visuelle et phonétique qu’une éventuelle différence conceptuelle n’est pas en mesure de neutraliser.

69      En outre, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours, les produits en cause étant des produits d’usage courant, il n’y a pas lieu de s’attendre à un niveau d’attention accru de la part du public pertinent.

70      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure.

71      Il convient donc de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

73      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions présentées par l’OHMI et, en substance, par l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      REWE-Zentral AG est condamnée aux dépens.

Meij

Vadapalas

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 novembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.