Language of document : ECLI:EU:T:2003:309

Ordonnance du Tribunal

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
25 novembre 2003 (1)

«Programme Esprit – Actions dans le domaine de la recherche et du développement technologique – Financement communautaire – Sommes éligibles – Clause compromissoire – Recours en annulation – Recevabilité – Demande reconventionnelle – Compétence du Tribunal»

Dans l'affaire T-85/01,

IAMA Consulting Srl, établie à Milan (Italie), représentée par Me V. Salvatore, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. de March, en qualité d'agent, assisté de Me A. Dal Ferro, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des actes de la Commission des 12 et 21 février 2001 relatifs aux dépenses éligibles au financement communautaire en ce qui concerne les projets REGIS 22337 et Refiag 23200, réalisés dans le cadre du programme stratégique européen de recherche et de développement relatif aux technologies de l'information (Esprit),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),



composé, lors du délibéré, de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi, M. Vilaras, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Faits à l’origine du litige

1
Le 24 mai 1996, la Commission a conclu avec les sociétés IAMA International Management Advisors Srl (ci-après «IAMA International»), Capa Conseil, Diagramma et Società Reale Mutua di Assicurazioni un contrat fixant les modalités de la participation financière de la Commission à un projet relevant du programme stratégique européen de recherche et de développement relatif aux technologies de l’information (Esprit), dénommé «l’agence modulable; reconfiguration à l’aide d’outils du réseau des services d’assurance» («the flexible agency; tools supported business reengineering of the insurance services distribution», ci-après le «contrat REGIS»). Le contrat désignait IAMA International comme coordinateur du projet. La durée de celui-ci était fixée à 27 mois, du 1er mai 1996 au 31 juillet 1998.

2
Le 14 octobre 1996, la Commission a conclu un contrat analogue avec IAMA International, dans le rôle de coordinateur, et quatre autres sociétés, établies en Italie, en France et au Royaume-Uni, fixant les modalités de la participation financière de la Commission à un second projet relevant du programme Esprit, dénommé «Reconfiguration de l’organisme financier» («Reengineering of the Financial Agency», ci‑après le «contrat Refiag»). La durée du projet prévue par ledit contrat était de 24 mois, du 1er novembre 1996 au 31 octobre 1998.

3
Les deux contrats prévoyaient, à l’article 10, une clause désignant comme applicable la loi italienne.

4
Les deux contrats comportaient chacun deux annexes, l’une contenant la description technique du projet (annexe I) et l’autre les conditions générales applicables au contrat (annexe II). Les éléments de cette dernière annexe étaient identiques pour les deux contrats.

5
En particulier, l’article 2 de l’annexe II, intitulé «Gestion du projet», précisait les obligations du coordinateur et des autres sociétés contractantes. Le coordinateur devait, notamment, assurer la liaison entre la Commission et les autres contractants. Ces derniers et le coordinateur devaient désigner la personne ou les personnes, parmi leurs employés, chargée(s) de la gestion et de la direction du projet. En cas d’attribution de ces fonctions à une tierce partie, l’approbation écrite de la Commission était demandée. Toute modification concernant la propriété ou le contrôle d’un des contractants, d’une personne morale affiliée («affiliate») ou d’un contractant associé devait être immédiatement notifiée à la Commission.

6
L’article 3 de l’annexe II prévoyait le cas de la participation de tiers à l’exécution du contrat moyennant la conclusion de sous-contrats ou de contrats associés. Concernant les accords conclus avec des personnes morales affiliées, notion désignant, notamment, les entités contrôlées par l’une des sociétés contractantes, l’article 3.2 faisait l’obligation aux parties de les notifier à la Commission. Une approbation de la part de cette dernière n’était pas nécessaire pour les accords n’affectant pas les conditions auxquelles les contrats de financement avaient été conclus.

7
L’article 18 de l’annexe II, intitulé «Gestion financière», définissait comme éligibles, dans le cadre des deux contrats de financement, les dépenses nécessaires au projet, réellement exposées, dûment justifiées et supportées au cours de la période contractuelle.

8
Conformément à l’article 7 de la même annexe II, la compétence exclusive pour résoudre tout litige entre la Commission et les sociétés contractantes portant sur la validité, l’application et l’interprétation des deux contrats était attribuée au Tribunal et, en cas d’appel, à la Cour de justice.

9
Par lettre du 7 octobre 1997, adressée à la Commission, M. David, membre du conseil d’administration d’IAMA International, a fait état du transfert de l’ensemble des activités de conseil exercées par cette dernière à IAMA Consulting Srl (ci-après la «requérante» ou «IAMA Consulting»). Ce transfert était la conséquence des changements intervenus dans la structure du groupe dirigé par IAMA International, visant à transformer cette dernière en holding par le transfert aux autres sociétés du groupe de la totalité du secteur opérationnel. Dans ladite lettre, M. David expliquait également que, bien que les contrats REGIS et Refiag aient été conclus par IAMA International, tous les travaux de recherche liés à ces contrats étaient réalisés par IAMA Consulting. Cette situation impliquait le transfert des financements de la Commission à IAMA Consulting, moyennant des factures soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. La récupération de cette taxe s’étant avérée particulièrement difficile, M. David demandait à la Commission de pouvoir substituer IAMA Consulting à IAMA International pour l’exécution des projets prévus par les contrats REGIS et Refiag.

10
La lettre susmentionnée avait été précédée d’un courrier du 26 septembre 1997, se référant uniquement au contrat REGIS, par lequel M. David demandait l’autorisation à la Commission de désigner IAMA Consulting à la place de IAMA International comme contractant principal.

11
Par lettre du 8 mai 1998, adressée à la Commission, la requérante a communiqué les documents nécessaires à sa désignation comme nouveau contractant dans le contrat REGIS. Il était demandé que cette substitution prenne effet à compter du 1er novembre 1997.

12
Afin de préparer un avenant au contrat Refiag, la Commission a envoyé à la requérante, le 24 juin 1998, un courrier électronique en lui demandant de préciser la date à compter de laquelle IAMA Consulting avait remplacé IAMA International.

13
Par courrier électronique du 29 juin 1998, la requérante a répondu que ce remplacement avait pris effet à compter du 1er novembre 1997.

14
La Commission a donc élaboré un projet d’avenant au contrat Refiag, qui a été soumis à la requérante pour acceptation. L’article 2.1 de ce projet fixait le 1er novembre 1997 comme date d’effet du changement de contractant.

15
Le 28 octobre 1998, la requérante a envoyé à la Commission quatre exemplaires originaux dudit avenant dûment signés. La lettre d’accompagnement précisait qu’aucun changement n’y avait été apporté. La Commission a signé l’avenant au contrat Refiag le 18 décembre 1998.

16
Aucun amendement n’a été apporté au contrat REGIS, malgré la demande formulée en ce sens par la requérante dans ses lettres des 26 septembre 1997 et 8 mai 1998.

17
En exécution des contrats, la Commission a versé un montant de 1 357 216 782 lires italiennes (ITL), soit 700 944 euros, pour le projet REGIS et de 1 041 774 438 ITL, soit 538 032 euros, pour le projet Refiag.

18
En utilisant la faculté qui lui était reconnue par l’article 24 des contrats REGIS et Refiag, la Commission a décidé d’effectuer des vérifications comptables concernant les relevés de frais présentés par les sociétés contractantes. Cette mission a été confiée à la société d’audit GDA Revisori Indipendenti.

19
En ce qui concerne le contrat Refiag, le rapport d’audit souligne que, durant la période comprise entre le début du projet et le 31 octobre 1997, les frais dont avait fait état IAMA International avaient été supportés entièrement par IAMA Consulting, qui, à l’époque, n’était pas partie au contrat, celle-ci n’ayant remplacée IAMA International qu’à partir du 1er novembre 1997. Le rapport précise que ces frais n’ont été qu’en partie refacturés à IAMA International et en conclut que seuls ces derniers peuvent être considérés comme remboursables.

20
S’agissant du contrat REGIS, le rapport d’audit, après avoir relevé l’absence d’amendement désignant IAMA Consulting comme nouveau contractant, en lieu et place d'IAMA International, estime uniquement remboursables les frais supportés par IAMA Consulting et refacturés à IAMA International.

21
Se basant sur le rapport d’audit, la Commission a, par lettre du 12 février 2001, informé la requérante que, s’agissant du contrat Refiag, seraient considérées comme éligibles, pour la période allant du 1er  novembre 1996 au 31 octobre 1997, les seules dépenses exposées par IAMA International et, pour la période allant du 1er novembre 1997 au 31 octobre 1998, les seules dépenses supportées par IAMA Consulting.

22
Dans cette même lettre, la Commission a reconnu que, en ce qui concernait le contrat REGIS, l’absence d’amendement faisant état du remplacement de IAMA International par la requérante était imputable à une inaction de sa part. Par conséquent, elle a informé la requérante que, même en l’absence d’avenant au contrat, ce remplacement serait considéré comme ayant pris effet à compter de la date indiquée dans la lettre de la requérante du 8 mai 1998, à savoir le 1er novembre 1997. À cet égard, la Commission, en s’écartant des conclusions du rapport d’audit, a précisé qu’elle considérerait comme éligibles, pour la période allant du 1er mai 1996 au 31 octobre 1997, les seules dépenses exposées par IAMA International et, pour la période allant du 1er novembre 1997 au 23 juillet 1998, uniquement celles supportés par IAMA Consulting.

23
Par lettre du 21 février 2001, adressée à la requérante, la Commission a confirmé les conclusions contenues dans sa lettre du 12 février 2001 et a informé la requérante qu’elle procéderait au recouvrement des sommes versées dans le cadre des projets REGIS et Refiag, dans la mesure où ces dernières excéderaient les dépenses éligibles.

24
Par télécopie du 8 mars 2001, la requérante s’est opposée aux conclusions de la Commission et a demandé à cette dernière de reconnaître, tant pour le contrat REGIS que pour le contrat Refiag, l’éligibilité des dépenses supportées par IAMA Consulting à compter de la date d’entrée en vigueur des contrats.

25
Par lettre recommandée du 5 avril 2001, se référant au seul contrat Refiag, la Commission a répondu à la requérante que, en l’absence de documents établissant que l’amendement au contrat conclu en décembre 1998 contenait une erreur quant à la date à laquelle la substitution d'IAMA International par IAMA Consulting avait pris effet, aucune modification par rapport aux conclusions contenues dans ses lettres des 12 et 21 février 2001 n’était envisagée.

26
Par télécopie du 9 avril 2001, la requérante a informé la Commission que, n’ayant reçu aucune réponse au sujet du contrat REGIS, elle considérait que, s’agissant de ce dernier contrat, sa demande du 5 avril 2001, visant à ce que la Commission reconnaisse le caractère éligible des dépenses exposées par IAMA Consulting, avait été implicitement acceptée. Concernant le contrat Refiag, la requérante a réitéré sa demande de révision des conclusions contenues dans les lettres de la Commission des 12 et 21 février 2001.


Procédure et conclusions des parties

27
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2001, la requérante a introduit le présent recours.

28
Le 17 juillet 2001, la Commission a déposé au greffe du Tribunal son mémoire en défense, dans le cadre duquel elle a formulé une demande à titre reconventionnel.

29
Au titre des mesures d’organisation de la procédure, les parties ont été invitées à répondre à une question écrite posée par le Tribunal. Conformément à l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal, elles ont également été invitées à se prononcer sur une éventuelle suspension de la procédure en application des articles 54 du statut de la Cour et 77, sous a), du règlement de procédure. Elles ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

30
Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler les actes contenus dans les lettres de la Commission des 12 et 21 février 2001, dans la mesure où ils refusent d’admettre le caractère éligible des dépenses exposées par la requérante durant la période allant du 1er mai 1996 au 31 octobre 1997, pour le contrat REGIS, et allant du 1er  novembre 1996 au 31 octobre 1997, pour le contrat Refiag;

à titre subsidiaire, après avoir considéré la Commission comme solidairement responsable de l’exécution éventuellement irrégulière du contrat, revoir les montants figurant dans la décision du 21 février 2001, en réduisant ceux portant sur des frais qui n’ont pas été reconnus comme éligibles au préjudice de la requérante, à concurrence d’une somme qui ne saurait être inférieure à 600 millions de ITL, son montant exact demeurant à déterminer par le Tribunal selon une appréciation en équité;

condamner la Commission aux dépens.

31
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter les conclusions présentées à titre principal par la requérante comme irrecevables ou non fondées;

rejeter les conclusions présentées à titre subsidiaire par la requérante comme non fondées;

à titre reconventionnel, déclarer que la requérante est tenue de verser à la Commission la somme de 1 099 405 866 ITL, soit 567 796 euros;

à titre reconventionnel, condamner la requérante au paiement de ladite somme, majorée des intérêts moratoires en vertu de l’article 94 du règlement (Euratom, CECA, CE) n° 3418/93 de la Commission, du 9 décembre 1993, portant modalités d’exécution de certaines dispositions du règlement financier du 21 décembre 1977 (JO L 315, p. 1), abrogé et remplacé par le règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1);

condamner la requérante aux dépens.

32
Dans son mémoire en réplique, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal;

rejeter la demande reconventionnelle de la Commission comme irrecevable;

accorder à la requérante le bénéfice des conclusions formulées dans sa requête.


En droit

33
Aux termes de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public (ordonnances du Tribunal du 15 septembre 1998, Michailidis e.a./Commission, T‑100/94, Rec. p. II-3115, point 49, du 25 octobre 2001, M 6/Commission, T‑354/00, Rec. p. II‑3177, point 27, et du 10 juillet 2002, Comitato organizzatore del convegno internazionale/Commission, T-387/00, Rec. p. II-3031, point 36; arrêt du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T-174/95, Rec. p. II-2289, point 80).

34
En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

35
La requérante invoque quatre moyens à l’appui de son recours. Les deux premiers moyens sont tirés de la violation et de l’application erronée, respectivement, des articles 1362, 1366, 1368, 1370, 1374 et 1375 du code civil italien. Le troisième moyen est pris d’un détournement de pouvoir et le quatrième moyen d’un défaut de motivation dont seraient entachés les actes contenus dans les lettres de la Commission des 12 et 21 février 2001.

36
Dans son mémoire en défense, la Commission formule une demande à titre reconventionnel, visant à ce que le Tribunal condamne la requérante au remboursement de la partie du financement accordé pour l’exécution des projets susmentionnés correspondant au montant des dépenses reconnues comme non éligibles. En particulier, elle réclame la restitution, d’une part, de 913 874 209 ITL, correspondant aux montants des dépenses exposées par la requérante, pour les deux contrats, au cours de la période antérieure au 1er novembre 1997, et, d’autre part, des sommes, s’élevant à un total de 185 531 657 ITL, résultant des rectifications effectuées à la suite de l’audit demandé par la défenderesse concernant les frais éligibles exposés par la requérante.

Sur la recevabilité et sur la compétence du Tribunal

Arguments des parties

37
La défenderesse fait observer que les lettres des 12 et 21 février 2001, par lesquelles elle a informé la requérante qu’une partie de ses dépenses ne serait pas remboursée, relèvent de la nature contractuelle des rapports entre la requérante et la Commission et ne constituent donc pas des actes dont l’annulation est réservée à la compétence du juge communautaire par l’article 230, paragraphe 4, CE. En effet, lorsque, comme en l’espèce, le juge communautaire est appelé à trancher un litige en vertu d’une clause compromissoire insérée dans un contrat conclu par une institution, sa compétence ne résulterait pas de l’article 230 CE, qui vise l’annulation d’un acte administratif pour des vices spécifiques comme la violation de la règle de droit ou le détournement de pouvoir. Il s’ensuit, selon la Commission, que les conclusions à titre principal de la requérante, en ce qu’elles tendent à l’annulation d’actes relevant du droit privé, doivent être déclarées irrecevables.

38
S’agissant de la demande qu’elle forme à titre reconventionnel, la Commission, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, fait valoir que la compétence de ce dernier pour connaître de ladite demande découle de sa compétence quant à l’instance principale.

39
La requérante soutient que les contrats litigieux comportent des aspects de droit public, qui découlent non seulement de la nature de l’un des contractants, à savoir la Commission, mais également du fait que cette dernière a poursuivi, moyennant un instrument de droit privé, des objectifs d’intérêt public. Il s’ensuit, selon la requérante, que, dans une situation comme celle de l’espèce, la Commission est investie, dans le cadre du même rapport juridique contractuel, de prérogatives relevant tant de la loi des parties que de son pouvoir discrétionnaire. Or, l’exercice de ces différentes prérogatives serait soumis au contrôle juridictionnel, qui doit viser à en apprécier la conformité aux principes de droit privé et administratif applicables en l’espèce.

40
S’agissant de la demande reconventionnelle formée par la Commission, la requérante conclut à son irrecevabilité.

Appréciation du Tribunal

41
Au sens de l’article 238 CE, le juge communautaire est compétent pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par la Communauté ou pour son compte.

42
La compétence du Tribunal pour trancher un litige naissant d’un contrat auquel la Communauté est partie se fonde sur la disposition susmentionnée et sur la clause compromissoire insérée dans ce contrat.

43
En l’espèce, l’article 7 de l’annexe II aux contrats litigieux stipule que «le Tribunal […] et, en cas d’appel, la Cour […], ont compétence exclusive pour trancher tout litige entre la Commission et les sociétés contractantes portant sur la validité, l’application et l’interprétation du présent contrat».

44
Il y a, tout d’abord, lieu de constater que le présent litige porte sur l’interprétation de certaines stipulations des contrats litigieux, concernant, notamment, la participation de tiers à l’exécution des obligations mises à la charge des cocontractants et sur le caractère éligible des coûts exposés par ces tiers. La requérante fait également valoir que, en raison des relations qu’elle a entretenues avec la Commission depuis la conclusion des contrats en cause, sa position était, dès le début, celle d’un cocontractant.

45
Malgré le cadre contractuel dans lequel s’inscrit le rapport juridique qui fait l’objet du présent litige, force est de constater que, en l’espèce, le Tribunal a été en réalité saisi, à titre principal, non pas d’une demande fondée sur l’article 238 CE, mais d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE.

46
Cette conclusion ressort clairement de l’analyse de la requête introductive d’instance et des autres écritures de la requérante.

47
En effet, la requérante qualifie son action de recours en annulation et formule, à titre principal, des conclusions visant à ce que le Tribunal déclare entachés d’illégalité et, par conséquent, annule les actes prétendument contenus dans les lettres de la Commission des 12 et 21 février 2001, par lesquelles cette dernière a informé la requérante qu’une partie des dépenses exposées par elle ne seraient pas reconnues comme éligibles au financement communautaire en cause. Ainsi, la requérante demande au Tribunal d’exercer un contrôle de légalité concernant des actes pris par une institution, lesquels, bien que s’inscrivant dans un contexte contractuel, seraient, selon la requérante, de nature administrative. À l’appui de cette demande, la requérante développe des moyens visant à faire constater que les actes en cause sont entachés de vices caractéristiques des actes administratifs, tels que la violation de la règle de droit, le détournement de pouvoir et le défaut de motivation.

48
En réplique, développant ses moyens et arguments et répondant aux fins de non-recevoir soulevées par la Commission, la requérante insiste sur la nature administrative des actes attaqués, qu’elle déduit, d’une part, de l’identité de leur auteur, qui agirait, bien que dans un contexte contractuel, en tant que puissance publique, et, d’autre part, des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’institution défenderesse, par l’intermédiaire de la conclusion des contrats litigieux. Sur ce fondement, la requérante réitère ses conclusions en annulation.

49
Enfin, s’agissant de la demande formée à titre reconventionnel par la Commission, la requérante soutient qu’elle est irrecevable, notamment, parce qu’elle vise à obtenir du Tribunal qu’il condamne la requérante au paiement de sommes que la Commission, à supposer que les actes attaqués s’avèrent régulièrement adoptés, pourrait réclamer de manière autonome en adoptant à l’égard de la requérante une décision ayant force exécutoire.

50
Or, la thèse de la requérante, qui constitue le fondement de sa demande en annulation, selon laquelle les lettres de la Commission des 12 et 21 février 2001 auraient la nature d’actes administratifs, ne peut être retenue.

51
En effet, aucun élément dans ces lettres ne permet de conclure que la Commission aurait agi, en l’espèce, en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique. Par lesdites lettres, l’institution défenderesse s’est, en substance, bornée, sur la base de l’interprétation des faits et des stipulations pertinentes des contrats litigieux, à communiquer à la requérante sa position quant au caractère éligible d’une partie des dépenses exposées par cette dernière. Ce faisant, la Commission a agi uniquement dans le cadre des droits et des obligations nés des contrats litigieux. Cette conclusion ne saurait être remise en question par la constatation que les buts poursuivis par la Commission, par l’intermédiaire de la conclusion desdits contrats, participeraient de la mission d’intérêt général dont elle est chargée dans le cadre du programme Esprit.

52
Dès lors, les deux lettres en cause ne participent aucunement de l’exercice des prérogatives de puissance publique de la Commission, si bien que, ainsi que cette dernière le souligne à juste titre, ni ces lettres ni les actes qu’elle serait amenée, le cas échéant, à adopter ultérieurement en vue de recouvrer les sommes correspondant aux dépenses qu’elle estimerait non couvertes par les financements octroyés ne sauraient, contrairement à ce que maintient la requérante, être dotés de force exécutoire.

53
Il découle de ce qui précède que les lettres de la Commission faisant l’objet du présent recours s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont elles sont indissociables et que, de par leur nature même, elles ne figurent pas parmi les actes visés par l’article 249 CE, dont l’annulation peut être demandée à la juridiction communautaire aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑186/96, Rec. p. II-1633, points 50 et 51, et du 9 janvier 2001, Innova/Commission, T‑149/00, Rec. p. II-1, point 28).

54
Par conséquent, les conclusions formulées à titre principal par la requérante, dans la mesure où elles tendent à l’annulation d’actes ayant une nature purement contractuelle, ne sauraient être considérées comme recevables.

55
Il y a, dès lors, lieu de déclarer irrecevables les conclusions formulées à titre principal par la requérante.

56
Par ses conclusions subsidiaires, la requérante demande au Tribunal, dans le cas où il ne serait pas fait droit à la demande formulée à titre principal, de constater «que la Commission est solidairement responsable de l’exécution éventuellement erronée du contrat» et, sur ce fondement, de «revoir les montants figurant dans la décision [de la Commission] du 21 février 2001, en réduisant ceux [portant sur des frais qui n’ont pas été] reconnus [comme éligibles] au préjudice de IAMA Consulting, à concurrence d’une somme qui ne saurait être inférieure à 600 millions de ITL, son montant exact demeurant à déterminer par le Tribunal selon une appréciation en équité».

57
Il y a lieu de constater que le libellé des conclusions formulées à titre subsidiaire par la requérante, reproduit ci-dessus, ne permet pas au Tribunal de saisir la teneur exacte de la demande dont il est saisi.

58
À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel (ordonnance du Tribunal du 28 mars 1994, B/Commission, T‑515/93, RecFP p. I-A-115 et II-379, point 12). Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour que des conclusions soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celles-ci se fondent ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 décembre 1990, Commission/Grèce, C-347/88, Rec. p. I-4747, point 28, et du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C-52/90, Rec. p. I-2187, points 17 et suivants; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, Rec. p. II-961, point 106; du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T-113/96, Rec. p. II-125, point 29, et du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II-1825, points 29).

59
En l’espèce, force est de constater que, au-delà de la simple énonciation des conclusions à titre subsidiaire, ni la requête ni d’ailleurs le mémoire en réplique ne contiennent le moindre élément permettant d’apprécier sur quels motifs la requérante fonde ces conclusions ni de comprendre comment celles-ci peuvent être étayées. En particulier, ni le libellé desdites conclusions ni les écritures de la requérante ne permettent de déterminer si la demande en révision des montants considérés par la Commission comme non éligibles au financement communautaire trouve son fondement dans les contrats litigieux ou dans un prétendu comportement fautif de la Commission, susceptible d’engager la responsabilité à titre extracontractuel des Communautés.

60
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les conclusions formulées à titre subsidiaire par la requérante manquent de la clarté et de la précision nécessaires pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle juridictionnel. Dès lors, elles doivent être déclarées irrecevables.

61
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours comme irrecevable dans son ensemble.

62
S’agissant de la demande formée à titre reconventionnel par la Commission, le Tribunal estime, sur la base des dispositions combinées des articles 225, paragraphe 1, CE et 51 du statut de la Cour, qu’il n’est pas compétent, dans les circonstances de l’espèce, pour en connaître et décide, en application de l’article 54, paragraphe 2, du statut de la Cour, de la renvoyer à cette dernière.


Sur les dépens

63
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé dans la présente instance et la Commission ayant présenté des conclusions en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)



ordonne:

1)
Les conclusions formulées à titre principal et à titre subsidiaire par la requérante sont rejetées comme irrecevables.

2)
La demande formée à titre reconventionnel par la Commission est renvoyée devant la Cour.

3)
La requérante est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 novembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1
Langue de procédure: l'italien.