Language of document : ECLI:EU:T:2015:207

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 avril 2015(*)

« Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire verbale ARKTIS –Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Forme de l’usage de la marque – Preuve de l’usage pour les produits enregistrés – Consentement du titulaire de la marque »

Dans l’affaire T‑258/13,

Matratzen Concord GmbH, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes I. Selting et J. Mertens, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Schifko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

KBT & Co. Ernst Kruchen agenzia commerciale sociétá in accomandita, établie à Locarno (Suisse), représentée par Me K. Schulze Horn, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 4 mars 2013 (affaire R 2133/2011-4), relative à une procédure de déchéance entre Matratzen Concord GmbH et KBT & Co. Ernst Kruchen agenzia commerciale sociétá in accomandita,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : Mme J. Weichert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 août 2013,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2013,

vu le mémoire en duplique de l’intervenante, déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2014 et versé au dossier par décision du 28 avril 2014,

vu la réattribution de l’affaire à la sixième chambre,

à la suite de l’audience du 15 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’intervenante, KBT & Co. Ernst Kruchen agenzia commerciale sociétá in accomandita, est la titulaire actuelle, après plusieurs titulaires successifs, de la marque communautaire verbale ARKTIS (ci-après la « marque contestée »), enregistrée le 11 février 2004 à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)], et renouvelée depuis jusqu’au 15 août 2022.

2        Les produits visés par l’enregistrement relèvent des classes 20 et 24 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 20 : « Oreillers, sacs de couchage » ;

–        classe 24 : « Literie, couvertures de lit ».

3        Le 6 janvier 2010, la requérante, Matratzen Concord GmbH, a demandé la déchéance de la marque contestée pour non-usage, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

4        Par décision du 6 septembre 2011, la division d’annulation a partiellement accueilli cette demande et a déclaré la déchéance de la marque contestée, avec effet au 6 janvier 2010, pour les produits « oreillers, sacs de couchage », tandis qu’elle a rejeté cette demande pour les produits « literie, couvertures de lit ».

5        Le 13 octobre 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation, en ce que cette décision avait rejeté la demande de déchéance s’agissant des produits « literie, couvertures de lit ».

6        Par décision du 4 mars 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours comme non fondé, après avoir considéré que, contrairement à ce que prétendait la requérante, l’intervenante avait prouvé l’usage permettant d’assurer le maintien des droits sur la marque contestée pour les produits en cause.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, en ce compris, s’agissant de l’intervenante, les dépens exposés durant la procédure devant la chambre de recours.

 En droit

9        La requérante fait valoir, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

10      Selon la requérante, les preuves déposées par l’intervenante ne démontrent ni un usage de la marque contestée pour les produits « literie, couvertures de lit » ni un usage d’une ampleur suffisante pour constituer un usage sérieux.

11      Dans le mémoire en réplique, la requérante fait valoir que la société Breiding Vertriebs GmbH (ci-après « Breiding »), licenciée de la requérante pour la commercialisation de ses produits sous la marque contestée, n’aurait acquis cette qualité qu’en janvier 2011. L’usage de la marque contestée par Breiding se serait donc fait sans le consentement du titulaire de cette marque durant la période pertinente pour l’appréciation de l’usage de ladite marque.

12      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, « le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office […] si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage […] ».

13      Il résulte du considérant 10 du règlement n° 207/2009 que le législateur de l’Union européenne a entendu soumettre le maintien des droits liés à la marque communautaire à la condition qu’elle soit effectivement utilisée. Une marque communautaire qui n’est pas utilisée pourrait faire obstacle à la concurrence en limitant l’éventail des signes qui peuvent être enregistrés par d’autres en tant que marque et en privant les concurrents de la possibilité d’utiliser cette marque ou une marque similaire lors de la mise sur le marché intérieur de produits ou de services identiques ou similaires à ceux qui sont protégés par la marque en cause (arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, Rec, EU:C:2012:816, point 32, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI, C‑610/11 P, Rec, EU:C:2013:593, point 54).

14      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par l’enregistrement. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, notamment l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec, EU:C:2007:514, point 72 et jurisprudence citée).

15      La charge de la preuve de l’usage sérieux incombe au titulaire de la marque visée par la demande de déchéance (voir, en ce sens, arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI, point 13 supra, EU:C:2013:593, point 63).

16      Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a jugé que, considérés dans leur totalité, les documents produits par l’intervenante prouvaient l’usage sérieux de la marque contestée. La chambre de recours a indiqué que les copies des pochettes et de fiches de produits « premium products » prouvaient l’utilisation de la marque notamment pour des édredons, donc de la literie. Elle a relevé que l’usage avait eu lieu par apposition d’une bande oblique comportant le logo ARKTIS LINE au coin des produits, par l’utilisation du terme « arktis » dans la brochure de la licenciée de l’intervenante Bavaria Vertriebs- und Handelsgesellschaft mbH (ci-après « Bavaria »), par l’utilisation des termes « Arktis Line » dans les fiches de produit, ainsi que par l’utilisation de ces deux termes sur les factures et les bons de livraison. La chambre de recours a relevé que, dans la mesure où les produits mentionnés sur les factures et les bons de livraison ne contenaient pas une mention directe de la marque contestée, la majeure partie des produits pouvait être identifiée en tant que produits « ARKTIS » ou « ARKTIS LINE » par le biais de la description de produit jointe et au regard des numéros d’article qui y étaient mentionnés. Elle a relevé que la même considération était valable pour les pochettes, qui, en raison de la mauvaise qualité des documents, ne laissaient pas entièrement apparaître certaines parties des logos et reproductions, mais contenaient une indication clairement perceptible des numéros d’article des édredons « ARKTIS LINE ». La chambre de recours a considéré que les factures et bons de livraisons prouvaient que la marque contestée avait été utilisée au cours de la période pertinente. Elle a relevé que les factures, bons de livraison, pochettes et fiches de produit étaient rédigés en allemand et qu’il y avait donc lieu de présumer que la marque contestée avait en tout cas été utilisée en Allemagne. De plus, l’OHMI aurait reçu des factures et bons de livraison de Breiding, qui auraient été adressés à des destinataires au Danemark, en Belgique et en Autriche. La chambre de recours a considéré que le nombre de factures et de bons de livraison, les sommes inscrites et les statistiques de vente des licenciées de l’intervenante prouvaient un chiffre d’affaires suffisant. Dans leur globalité, les factures et statistiques de vente auraient prouvé la vente continuelle de plus de 3.500 couvertures de lit sur la période pertinente. Il serait ressorti également des factures adressées par MHS-Etiketten GmbH à Antex GmbH, un fournisseur de la licenciée de l’intervenante, qu’un nombre appréciable de pochettes portant la mention « ARKTIS LINE » (par exemple 1.060 pièces) ainsi que de bandes obliques portant la mention « ARKTIS » (par exemple 1.000 pièces), aurait été acquis en 2007/2008 et que les factures produites ne constitueraient que des exemples.

17      En premier lieu, il convient de considérer que, sans préjudice de la question de savoir si un usage sérieux a été prouvé, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au vu des nombreux éléments de preuve produits devant l’OHMI par l’intervenante et examinés au point 19 de la décision attaquée, que la preuve de l’usage, pris en tant que tel, avait été suffisamment rapportée par l’intervenante.

18      Cette appréciation n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

19      Premièrement, s’agissant des critiques de la requérante au sujet de la cohérence des preuves de l’usage de la marque contestée produites par l’intervenante, il convient de les rejeter, pour les raisons suivantes.

20      Il ressort d’un examen attentif du dossier de l’OHMI et, en particulier, des nombreux documents comptables et commerciaux produits par l’intervenante devant l’OHMI, que, sur la période pertinente pour l’examen de l’usage de la marque contestée, au moins 18 références de produits commercialisés par Bavaria et Breiding et répondant à la description « literie ; couverture de lit », relevant de la classe 24, peuvent être reliées, de manière fiable, au signe ARKTIS, utilisé seul ou en combinaison avec le terme « line ».

21      Ces 18 références de produit sont identifiées, dans la documentation produite par l’intervenante devant l’OHMI, par 18 numéros d’article unique (GTIN-/Art.-Nr.), à savoir : 403666 002740, 403666 002764, 403666 002771, 403666 002795, 400437 9002708, 400437 9002715, 400437 9003323, 400437 9000872, 400437 9000865, 400437 9000940, 403666 6001903, 400437 9002623, 400437 9002630, 403666 6003655, 400437 9000964, 400437 9002814, 400437 9004009 et 400437 9005211.

22      Il ressort également de l’examen du dossier de l’OHMI que, si la description d’une référence de produit donnée peut légèrement varier selon le type de document (fiche de produit ; facture ; statistique de vente), cette description ne recèle, pour autant, aucune incohérence s’agissant du produit considéré. Ainsi, par exemple, la référence de produit 403666 002740 correspond, de manière stable et dans tous les documents produits par l’intervenante au sujet de ce produit, à une « Kassettendecke » (édredon) de dimension 135 cm par 200 cm. La circonstance que les documents comptables et commerciaux précisent que cette référence correspond à un édredon « Arktis Line », de référence client 716200 et de caractéristiques NG (3 cm, 960 g), ne retire rien à la cohérence de l’identification du produit, mais complète seulement cette identification.

23      Par ailleurs, la circonstance, relevée en substance par la requérante, que plusieurs numéros d’article unique (GTIN) coexistent pour de mêmes dimensions de produit n’implique nullement une incohérence dans le système d’identification. En effet, comme l’indique l’intervenante et comme cela ressort du dossier, les numéros d’article unique sont attribués selon la nature du produit, laquelle ne dépend pas seulement des dimensions (largeur par longueur) du produit, mais aussi d’autres caractéristiques (matelassage, rembourrage). C’est ainsi que la fiche de produit Arktis Line « premium products » mentionne deux édredons de mêmes dimensions (155 cm par 220 cm), mais de caractéristiques et, partant, de numéros d’article unique différents.

24      Enfin, l’existence de variations dans l’identification, notamment au niveau des factures (certains des produits y étant identifiés par leur « référence client » tandis que d’autres le sont en référence au terme « Arktis »), ne met pas en cause, dans le cadre de l’examen global des preuves, la valeur de ces documents comme éléments de preuve. Ces variations résultent tout au plus, comme l’explique l’intervenante, d’un encodage des données non pas erroné, mais seulement insuffisamment systématique, par l’opérateur chargé de la saisie.

25      Il ressort des constatations qui précèdent que les incohérences et divergences dans l’identification des produits, alléguées par la requérante pour contester les preuves de l’usage de la marque contestée produites par l’intervenante, ne sont pas avérées.

26      Deuxièmement, s’agissant de la contestation par la requérante de ce que l’usage de la marque contestée en combinaison avec le terme « line » était un usage de cette marque au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que tel était le cas.

27      En effet, le terme anglais « line » (ligne), synonyme du terme allemand « Linie », est utilisé communément dans le contexte publicitaire et commercial en relation avec une ligne de produits. Il est susceptible d’être spontanément perçu par le consommateur moyen, notamment en Allemagne, où des preuves de commercialisation des produits sont fournies, comme un élément supplémentaire renvoyant le public à une ligne de produits Arktis. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce n’est pas de manière erronée que la chambre de recours a évoqué l’arrêt du 12 janvier 2000, DKV/OHMI (COMPANYLINE) (T‑19/99, Rec, EU:T:2000:4). Dans cet arrêt (point 26), le Tribunal a déjà eu l’occasion d’évoquer l’utilisation générique du terme « line » en relation avec une ligne de produits [voir, pour des appréciations similaires, arrêt du 22 mai 2012, Olive Line International/OHMI – Umbria Olii International (O·LIVE), T‑273/10, EU:T:2012:246, point 60]. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le terme « line » n’altérait pas le caractère distinctif de la marque contestée et que l’utilisation de cette marque, en combinaison avec ce terme, était un usage de cette marque.

28      Troisièmement, s’agissant de la contestation par la requérante de l’existence de preuve de l’apposition de la marque, il convient de relever que le dossier de l’OHMI contient des preuves de l’existence et de l’achat de bandes obliques et d’étiquettes comportant la marque contestée, utilisée le cas échéant en combinaison avec le terme « line ». Il s’agit de représentations de bandes obliques comportant les termes combinés « arktis » (en majuscules noires sur fond blanc) et « line » (en dessous et en majuscules blanches sur fond noir), de factures et de bons de livraisons de MHS Etiketten à Antex, fournisseur de Bavaria, datés des 14 novembre 2007 et 7 janvier 2008, pour un total de 1 060 étiquettes Arktis et 1 000 bandes obliques Arktis Line, et du 24 août 2009 pour 2 500 étiquettes Arktis.

29      En outre, il n’est pas sérieusement contesté que l’utilisation d’étiquettes ou de bandes obliques apposées aux coins des produits est usuelle pour le marquage commercial des produits de literie. D’ailleurs, en l’espèce, outre les représentations de bandes obliques portant la mention « ARKTIS LINE » produites au dossier de l’OHMI, la fiche de produits Arktis Line « premium products » indique expressément que les produits en cause portent une bande oblique de coin en satin polyester imprimé portant la mention « ARKTIS LINE » et la copie – sombre – d’une photo permet de discerner, au coin d’un édredon, une telle bande oblique sur laquelle apparaissent le terme « ARKTIS » en majuscules noires sur fond blanc et la séquence de lettres majuscules « IN », provenant de « line », en blanc sur fond noir.

30      Par ailleurs, il convient de relever que la marque contestée apparait sur la brochure commerciale de Bavaria, parmi les marques commerciales distribuées par cette licenciée, brochure pour laquelle figure au dossier une facture d’imprimeur de mars 2009, pour 550 exemplaires.

31      Enfin, la circonstance que, s’agissant de certaines références de produits, le lien entre ces références et la marque contestée résulte moins de reproductions graphiques du produit revêtu de cette marque que de factures ou de statistiques de vente ne permet pas d’exclure ces références en ce qui concerne l’appréciation de l’usage de la marque contestée. En effet, il convient de rappeler que, aux fins de l’examen de l’usage de la marque, l’OHMI doit procéder à une appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve fournis devant lui [arrêt du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, Rec, EU:T:2010:505, point 106]. Or, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu à la fois des mentions figurant sur les factures et dans les statistiques de vente, des éléments de preuve concernant l’achat de bandes obliques et d’étiquettes et de la pratique non sérieusement mise en doute ‑ et d’ailleurs attestée par les documents publi-commerciaux déposés devant l’OHMI ‑ de marquage des produits de literie par ces moyens, il n’est pas sérieusement contestable que la commercialisation de ces références a comporté elle aussi un usage de la marque contestée.

32      Il résulte des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient la requérante, la preuve de l’usage pris en tant que tel a été, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, suffisamment rapportée par l’intervenante.

33      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si, au-delà de la preuve de l’usage de la marque contestée, celle du caractère sérieux de cet usage a été rapportée, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant [arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, points 38 et 39, et du 16 novembre 2011, Buffalo Milke Automotive Polishing Products/OHMI – Werner & Mertz (BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products) T‑308/06, Rec, EU:T:2011:675, points 46 et 51].

34      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que les factures et les statistiques de vente ont prouvé la vente continuelle de plus de 3 500 couvertures de lit sur la période pertinente.

35      L’examen du dossier de l’OHMI, qui aboutit, sur la base des 18 produits mentionnés aux points 19 et 20 ci-dessus, à un peu plus de 3 490 produits vendus sur une période de temps d’au moins quatre ans (de 2006 à 2009), confirme, en substance, la position de la chambre de recours sur le volume de commercialisation. Dans ce contexte, le Tribunal estime que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le volume de commercialisation en cause correspondait non à un usage symbolique, mais à un usage sérieux de la marque contestée.

36      La requérante fait cependant valoir, dans le mémoire en réplique, que les ventes de Breiding n’auraient pas dû être prises en considération, au motif que cette société ne serait devenue licenciée de l’intervenante pour la commercialisation de ses produits sous la marque contestée qu’en janvier 2011. Il ressortirait, en effet, des déclarations de Breiding dans une procédure introduite contre la requérante devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne), que cet usage n’aurait pas eu lieu avec le consentement préalable de l’intervenante, tout au moins jusqu’à l’année 2009 incluse. En outre, ce serait le 2 janvier 2011 que le contrat de licence, produit devant le Landgericht Düsseldorf, aurait été conclu entre l’intervenante et Breiding.

37      À titre liminaire, il convient de relever que l’étendue de l’examen que la chambre de recours de l’OHMI est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours ne dépend pas de ce que la partie ayant formé le recours soulève un moyen spécifique à l’égard de cette décision, en critiquant l’interprétation ou l’application d’une règle de droit par l’unité de l’OHMI statuant en première instance ou encore l’appréciation, par cette unité, d’un élément de preuve [voir, en sens, arrêt du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec, EU:T:2003:241, point 32]. Dès lors, même si la partie ayant introduit le recours devant la chambre de recours de l’OHMI n’a pas soulevé un moyen spécifique, la chambre de recours est néanmoins tenue d’examiner, à la lumière de tous les éléments de droit et de fait pertinents disponibles, si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non légalement être adoptée au moment où il est statué sur le recours (arrêt KLEENCARE, précité, EU:T:2003:241, point 29). Fait partie de cet examen la question de savoir si, au regard des faits et preuves présentés par l’autre partie à la procédure de déchéance devant la chambre de recours, celle-ci a apporté la preuve d’un usage sérieux de la marque contestée, soit par le titulaire de cette marque, soit par un tiers autorisé, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009.

38      Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, l’usage de la marque communautaire avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire.

39      Il convient de relever que, compte tenu de l’importance de son effet d’extinction du droit exclusif du titulaire d’une marque communautaire d’utiliser cette marque, le consentement doit être exprimé d’une manière qui traduise de façon certaine une volonté de renoncer à ce droit. Une telle volonté résulte normalement d’une formulation expresse du consentement. Toutefois, il ne saurait être exclu que, dans certains cas, elle puisse résulter d’une manière implicite de circonstances et d’éléments antérieurs, concomitants ou postérieurs à l’usage de la marque en cause par un tiers, qui traduisent également, de façon certaine, une renonciation du titulaire à son droit [voir arrêt du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, EU:T:2011:7, point 61 et jurisprudence citée].

40      Selon la jurisprudence, lorsque le titulaire d’une marque faisant l’objet d’une procédure de déchéance invoque des actes d’usage de cette marque par un tiers, aux fins d’établir l’usage sérieux au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, ce titulaire prétend implicitement que cet usage a été fait avec son consentement [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI - Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 24 ; arrêt PINE TREE, point 39 supra, EU:T:2011:7, point 62].

41      En l’espèce, l’intervenante, loin de se contenter de cette signification implicite ainsi attachée par la jurisprudence à cette invocation, a, de surcroît, expressément spécifié devant l’OHMI que l’usage de la marque contestée par Breiding constituait un usage réalisé avec son consentement (voir point 1 du mémoire de l’intervenante, du 13 avril 2010, devant l’OHMI.

42      L’intervenante a produit, pour prouver la réalité de cet usage, un grand nombre de documents commerciaux et comptables de Breiding, documents que l’OHMI a pris en considération pour conclure à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée.

43      Il convient de relever que c’est à juste titre que l’OHMI a retenu, en substance, l’existence d’un consentement en faveur de Breiding et a pris en considération les documents produits par l’intervenante, dès lors qu’il semble peu probable que l’intervenante pouvait disposer de ces documents et les soumettre comme preuves de l’usage de la marque contestée si cet usage avait été fait par Breiding contre son gré (voir, par analogie, arrêt VITAFRUIT, point 40 supra, EU:T:2004:225, point 25).

44      Au surplus, il convient d’ajouter que l’OHMI pouvait d’autant plus procéder ainsi et se fonder sur ces documents que la requérante n’avait pas contesté que l’usage de la marque par Breiding l’avait été avec le consentement de l’intervenante (voir, par analogie, arrêt VITAFRUIT, point 40 supra, EU:T:2004:225, point 26).

45      C’est seulement devant le Tribunal que la requérante a prétendu, pour la première fois, dans le mémoire en réplique, qu’il n’y aurait pas eu de consentement, en se fondant sur un extrait d’une requête introduite à son égard le 18 décembre 2012 par Breiding, devant le Landgericht Düsseldorf.

46      Il convient, toutefois, de rappeler que, aux termes de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec, EU:T:2004:190, point 45]. De même, une partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par elle-même et par l’intervenante (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec, EU:C:2007:252, point 43). En outre, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments présentés pour la première fois devant lui [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

47      Or, force est de constater que, par cette objection et la pièce produite à son soutien, la requérante modifie le cadre du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours et invite le Tribunal a réexaminer les circonstances de fait et de droit à la lumière d’éléments présentés pour la première fois devant lui.

48      Il s’ensuit que la contestation par la requérante, dans le mémoire en réplique, de l’existence d’un consentement de l’intervenante à l’utilisation de la marque contestée par Breiding entre 2006 à 2009, ainsi que la pièce produite au soutien de cette contestation, sont irrecevables en application de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure.

49      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 doit être rejeté.

50      La requérante ayant succombé en son unique moyen, il convient de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces parties.

53      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure administrative devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante, ayant succombé en ses conclusions, soit condamnée aux dépens de la procédure administrative devant l’OHMI doit être accueillie s’agissant des dépens indispensables exposés par l’intervenante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté ;

2)      Matratzen Concord GmbH est condamnée aux dépens, y compris les frais indispensables exposés par KBT & Co. Ernst Kruchen agenzia commerciale sociétá in accomandita aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 avril 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.