Language of document : ECLI:EU:C:2024:593

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

8 juillet 2024 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Article 263 TFUE – Recours en annulation – Application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie – Absence d’acte attaquable – Absence d’obtention de l’unanimité requise – Irrecevabilité manifeste du recours en première instance – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑732/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 novembre 2023,

Răzvan-Eugen Nicolescu, demeurant à Bucarest (Roumanie),

Exclusive Car Trading SRL, établie à Băicoi (Roumanie),

Asociația pentru Energie Curată și Combaterea Schimbărilor Climatice, établie à Bucarest,

représentés par Mes Y. Beşleagă, M. Bodea, D. S. Bogdan, C. Pintilie et V. Stoica, avocaţi,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur) et A. Kumin, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, M. Răzvan-Eugen Nicolescu, Exclusive Car Trading SRL et l’Asociația pentru Energie Curată și Combaterea Schimbărilor Climatice (Association pour l’énergie propre et le changement climatique) demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 26 octobre 2023, Nicolescu e.a./Conseil (T‑272/23, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:694), par laquelle celui-ci a rejeté leur recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE et visant l’annulation de la « décision » du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2022 emportant non-adoption du projet no 15218/22 de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie (ci-après l’« acte litigieux »).

 Le cadre juridique

2        Aux termes de l’article 4 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203, ci-après l’« acte d’adhésion »), annexé au traité entre les États membres de l’Union européenne et la République de Bulgarie et la Roumanie, relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 11), en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de ce traité, qui a été signé le 25 avril 2005 et est entré en vigueur le 1er janvier 2007 :

« 1.      Les dispositions de l’acquis de Schengen, qui a été intégré dans le cadre de l’Union européenne [...], et les actes fondés sur celles-ci ou qui s’y rapportent, énumérés à l’annexe II, ainsi que tout nouvel acte de cette nature pris avant la date d’adhésion, sont contraignants et s’appliquent en Bulgarie et en Roumanie à compter de la date d’adhésion.

2.      Les dispositions de l’acquis de Schengen qui a été intégré dans le cadre de l’Union [...] et les actes fondés sur celles‐ci ou qui s’y rapportent et qui ne sont pas visés au paragraphe 1, bien qu’ils soient contraignants pour la Bulgarie et la Roumanie à compter de la date d’adhésion, ne s’appliquent dans chacun de ces États qu’à la suite d’une décision du Conseil à cet effet, après qu’il a été vérifié, conformément aux procédures d’évaluation de Schengen applicables en la matière, que les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties concernées de l’acquis sont remplies dans l’État en question.

Le Conseil, après consultation du Parlement européen, statue à l’unanimité de ses membres représentant les gouvernements des États membres pour lesquels les dispositions du présent paragraphe ont déjà pris effet et du représentant du gouvernement de l’État membre pour lequel ces dispositions doivent prendre effet. [...] »

 Les antécédents du litige

3        Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 2 à 18 de l’ordonnance attaquée et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.

4        Les requérants sont un ressortissant de nationalité roumaine membre de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT), une société établie en Roumanie active dans le secteur des transports internationaux et une organisation non gouvernementale roumaine visant à promouvoir la protection de l’environnement.

5        À la suite de son adhésion à l’Union, le 1er janvier 2007, la Roumanie a entrepris, entre l’année 2009 et l’année 2011, une série de démarches en application des procédures d’évaluation de Schengen, dans l’objectif de réunir les critères requis aux fins de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen.

6        La présidence du Conseil a établi deux projets de décision sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie.

7        Par des conclusions, du 9 juin 2011, sur l’achèvement du processus d’évaluation concernant le degré de préparation de la Roumanie en vue de la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de l’acquis de Schengen (9166/3/11 REV 3), la formation « Évaluation de Schengen » du groupe « Affaires Schengen » du Conseil a pris acte de l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen concernant la Roumanie. Constatant que les conditions dans tous les domaines de l’acquis de Schengen étaient satisfaites en Roumanie, il a conclu que le Conseil pouvait prendre la décision visée à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

8        Les deux projets de décision sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie établis par la présidence du Conseil ont été suivis par l’adoption de différentes résolutions du Parlement exprimant son soutien à l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen et invitant le Conseil à prendre les mesures nécessaires à cet effet. Néanmoins, ces deux projets n’ont pas donné lieu à un vote au sein du Conseil.

9        Le 29 novembre 2022, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, la présidence du Conseil a établi le projet no 15218/22 de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie.

10      Lors de sa réunion du 8 décembre 2022, la formation « Justice et affaires intérieures » (JAI) du Conseil a siégé afin de statuer sur le projet no 15218/22, inscrit au point 3, sous a), de l’ordre du jour de cette réunion, lequel prévoyait qu’un vote pouvait être demandé en vue d’une éventuelle adoption par les représentants des gouvernements des États membres. À défaut d’avoir obtenu l’unanimité des suffrages, ce projet n’a pas été adopté.

11      Le 22 mars 2023, les requérants auraient reçu communication du procès-verbal de ladite réunion et pris ainsi connaissance de l’absence d’adoption du projet no 15218/22.

 Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

12      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mai 2023, les requérants ont introduit, au titre de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de l’acte litigieux.

13      Le 26 octobre 2023, le Tribunal a, en application de l’article 126 de son règlement de procédure, sans poursuivre la procédure, rejeté ce recours comme étant manifestement irrecevable.

14      Le Tribunal a constaté, tout d’abord, au point 28 de l’ordonnance attaquée, que la décision du Conseil, visée à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, ne pouvait exister, malgré l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen, et alors produire des effets de droit obligatoires pour les requérants, que si elle avait été adoptée à l’unanimité dans les conditions prévues au deuxième alinéa de ce paragraphe.

15      Le Tribunal a ensuite relevé, d’une part, au point 29 de l’ordonnance attaquée, que, malgré l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen et l’adoption de plusieurs résolutions du Parlement, l’unanimité requise des représentants des gouvernements des États membres concernés à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion n’avait pas été obtenue au sein du Conseil lors du vote sur le projet no 15218/22 et, d’autre part, au point 30 de cette ordonnance, que l’article 4 de l’acte d’adhésion ne fixait aucun délai à l’expiration duquel la décision du Conseil devait ou était réputée intervenir.

16      Le Tribunal a considéré, au point 31 de ladite ordonnance, qu’il serait en contradiction avec le libellé de cet article, lequel prévoit expressément une procédure en plusieurs étapes et sans fixer de délai à cette fin, de faire découler de l’aboutissement des étapes préalables la déchéance du pouvoir du Conseil d’adopter, à l’unanimité des représentants des gouvernements des États membres concernés, une décision, au sens dudit article, et que, partant, la décision du Conseil prévue au même article ne saurait être regardée comme étant un acte revêtant un caractère purement confirmatif de la satisfaction de « critères techniques » établis en amont dans le cadre des procédures d’évaluation de Schengen.

17      En outre, le Tribunal a précisé, au point 32 de l’ordonnance attaquée, qu’il demeurait toujours loisible au Conseil de réinscrire le projet no 15218/22 à l’ordre du jour d’une nouvelle réunion ou à la présidence du Conseil d’établir un nouveau projet de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie.

18      Ainsi, au point 33 de cette ordonnance, le Tribunal a conclu que, l’unanimité requise n’ayant pas été obtenue lors du vote du projet no 15218/22, aucune décision du Conseil n’avait été prise, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, et que le vote emportant l’absence d’adoption de ce projet n’équivalait pas, en tant que tel, à un refus du Conseil de prendre ultérieurement une telle décision.

19      Partant, le Tribunal a jugé, au point 34 de ladite ordonnance, que l’acte litigieux ne saurait être considéré comme étant un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE.

 Les conclusions des requérants et la procédure devant la Cour

20      Par leur pourvoi, introduit le 30 novembre 2023, les requérants demandent à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée.

 Sur le pourvoi

21      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette juridiction peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

22      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

23      Au soutien de leur pourvoi, les requérants soulèvent trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce que, lors de la détermination du point de savoir si l’acte litigieux produit des effets juridiques, le Tribunal aurait dû prendre en compte le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union ainsi que l’obligation qui incombe tant à l’Union qu’aux États membres d’accepter l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen une fois que les conditions techniques prévues à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion sont satisfaites, le deuxième, d’une erreur de droit en ce que l’acte litigieux constituerait un acte attaquable susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, et, le troisième, soulevé à titre subsidiaire, d’une erreur de droit en ce que l’absence d’adoption d’un acte pourrait constituer un acte attaquable, au sens de cet article, dans des circonstances exceptionnelles.

 Sur les premier et deuxième moyens

24      Par les premier et deuxième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, en premier lieu, les requérants font valoir, en substance, que le point 28 de l’ordonnance attaquée est entaché d’erreur étant donné que le Tribunal aurait dû qualifier l’acte litigieux d’« acte attaquable », au sens de l’article 263 TFUE.

25      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec le premier alinéa de cet article, toutes dispositions ou mesures adoptées par les institutions, organes ou organismes de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’une personne physique ou morale, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci. Afin de déterminer si un acte produit de tels effets et est, partant, susceptible de faire l’objet d’un tel recours, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ces effets au regard de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution, de l’organe ou de l’organisme qui en est l’auteur (arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU, C‑551/22 P, EU:C:2024:520, point 65 et jurisprudence citée).

26      S’agissant du contexte de l’adoption de l’acte litigieux et des pouvoirs de l’institution de l’Union qui en est l’auteur, il y a lieu de relever que l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion prévoit plusieurs étapes procédurales et que seul l’accomplissement de toutes ces étapes peut conduire à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie. Lesdites étapes comprennent la vérification, conformément aux procédures d’évaluation de Schengen applicables en la matière, que les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties concernées de cet acquis sont satisfaites dans l’État en question, une consultation du Parlement (ci-après ensemble les « conditions techniques ») et l’adoption d’une décision du Conseil, statuant à l’unanimité, sur l’application intégrale des dispositions dudit acquis en Roumanie.

27      En outre, force est de constater que, s’agissant du contenu de l’acte litigieux, celui-ci consiste, comme indiqué par le Tribunal au point 17 de l’ordonnance attaquée, en une constatation, lors de la réunion de la formation JAI du Conseil du 8 décembre 2022, de l’absence d’adoption du projet n°15218/22 de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie à défaut d’avoir obtenu l’unanimité des suffrages des représentants des gouvernements des États membres lors du vote sur ce projet.

28      Eu égard à la substance de l’acte litigieux, que le Tribunal a dûment prise en compte, l’argumentation des requérants selon laquelle ce vote constitue une prise de position du Conseil sur l’absence d’application intégrale de l’acquis de Schengen dès lors qu’il avait été convenu que l’adoption de la décision visée à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion devait intervenir au plus tard au mois de septembre 2011 et que, à cette dernière date, le Conseil a reporté ce vote doit être écartée.

29      En effet, s’il est vrai qu’il a été convenu, le 24 juin 2011, que cette décision devait être prise au plus tard au mois de septembre 2011, cela n’équivaut pas à l’adoption d’une décision du Conseil, au sens de cette disposition, laquelle est soumise aux conditions énumérées au point 26 de la présente ordonnance et notamment à une condition procédurale, à savoir celle d’un vote à l’unanimité au sein de cette institution.

30      Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 28 de l’ordonnance attaquée, que la décision du Conseil, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, ne pouvait exister, malgré l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen, et ainsi produire des effets de droit obligatoires pour les requérants, que si elle était adoptée à l’unanimité dans les conditions figurant à cette disposition.

31      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation des requérants tirée de l’arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32). Certes, la Cour a jugé dans cet arrêt que la délibération du Conseil du 20 mars 1970, relative à la négociation et à la conclusion, par les États membres de la Communauté économique européenne, de l’accord européen relatif au travail des équipages de véhicules effectuant des transports internationaux par route, constituait un acte attaquable, au sens de l’article 173, premier alinéa, première phrase, CE (devenu article 263, premier alinéa, TFUE).

32      Néanmoins, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, le Conseil avait arrêté, au cours de cette session, un ensemble de « conclusions » au sujet de l’attitude à prendre par les gouvernements des États membres dans les négociations décisives sur cet accord. Or, la Cour avait constaté que cette délibération du Conseil avait eu pour objet de fixer une ligne de conduite obligatoire pour les institutions de l’Union comme pour les États membres et que le Conseil avait pris des dispositions susceptibles de déroger aux procédures prévues par le traité concernant les négociations avec les États tiers, raison pour laquelle ladite délibération avait entraîné des effets de droit obligatoires, indépendamment de sa nature ou de sa forme (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, points 44 et 53 à 55). Or, l’acte litigieux n’a pas entraîné de tels effets.

33      De même, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir appliqué par analogie l’arrêt du 13 juillet 2004, Commission/Conseil (C‑27/04, EU:C:2004:436), aux points 28 et 34 de l’ordonnance attaquée, dans lequel la Cour a jugé que, lorsque la majorité requise n’est pas atteinte lors d’un vote au sein du Conseil, aucune décision n’est prise, au sens de l’article 104, paragraphes 8 et 9, CE (devenu article 126, paragraphes 8 et 9, TFUE), qu’il n’existe aucune disposition du droit communautaire fixant un délai à l’expiration duquel une décision implicite au titre de cette disposition serait réputée intervenir et définissant le contenu de cette décision, et que l’absence d’adoption des actes prévus à ladite disposition ne saurait être considérée comme un acte attaquable, au sens de l’article 230 CE (devenu article 263 TFUE) (arrêt du 13 juillet 2004, Commission/Conseil, C‑27/04, EU:C:2004:436, points 31, 32 et 34).

34      En effet, si, ainsi que le soulignent les requérants, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Cour a précisé que, dans ce cas de figure, la Commission européenne pouvait recourir à la voie du recours en carence, il y a lieu de rappeler que, outre les institutions de l’Union, sur le fondement de l’article 265, premier alinéa, TFUE, une personne physique ou morale peut également introduire un recours en carence dans les conditions prévues à l’article 265, troisième alinéa, TFUE. Néanmoins, d’une part, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que le Conseil aurait été invité à agir en l’espèce et, d’autre part, il appartiendrait néanmoins au Conseil d’agir dans le respect de la condition d’unanimité rappelée au point 26 de la présente ordonnance.

35      Par ailleurs, s’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle la prétendue inexistence d’un délai à l’expiration duquel la décision du Conseil devrait ou serait réputée intervenir ne serait ni correcte ni pertinente, celle-ci repose sur une lecture erronée du point 30 de l’ordonnance attaquée.

36      En effet, ainsi qu’il ressort du point 29 de la présente ordonnance, l’adoption d’une décision du Conseil, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, est subordonnée, outre aux conditions techniques, à une condition procédurale, à savoir celle d’un vote à l’unanimité au sein de cette institution.

37      À cet égard, la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), invoquée par les requérants, est dénuée de pertinence en l’espèce. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la décision attaquée était une décision du Conseil par laquelle cette institution avait rejeté une proposition de règlement de la Commission présentée sur le fondement de l’article 3 de l’annexe XI du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

38      La Cour a jugé à cet égard que le Conseil avait non pas ajourné, mais rejeté cette proposition, ainsi qu’il ressortait des considérants de cette décision, mettant ainsi fin à la procédure « normale » d’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions, prévue à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe XI de ce statut et entamée au titre de cet article 3, avant de conclure que la décision attaquée visait à produire des effets de droit obligatoires (arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, points 32 et 33).

39      Or, force est de constater que, en l’espèce, l’acte litigieux ne met pas fin à la procédure d’évaluation de Schengen concernant la Roumanie et ne revêt ainsi pas un caractère définitif.

40      Partant, c’est également sans commettre une erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 32 de l’ordonnance attaquée, qu’il demeurait toujours loisible au Conseil de réinscrire le projet no 15218/22 à l’ordre du jour d’une nouvelle réunion ou à la présidence du Conseil d’établir un nouveau projet de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie.

41      En deuxième lieu, les requérants font valoir que, lors de la détermination du point de savoir si l’acte litigieux produit des effets juridiques, le Tribunal aurait dû prendre en compte tant le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union que l’obligation qui incombe tant à l’Union qu’aux États membres, découlant des principes de coopération loyale et de confiance mutuelle, d’accepter l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie une fois que les conditions techniques prévues à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion sont satisfaites, ce qui serait le cas en l’espèce.

42      Or, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 26 et 29 de la présente ordonnance, rien ne permet de considérer que l’adoption d’une décision visée à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion ne serait soumise qu’à l’accomplissement des conditions techniques, et non pas à celui de l’ensemble des étapes procédurales figurant à cette disposition, y compris l’adoption à l’unanimité d’une décision du Conseil. Au contraire, il appartient à cette institution de respecter cette condition d’unanimité.

43      D’autre part, s’agissant d’une prétendue violation de la libre circulation des citoyens roumains dans l’Union, le pourvoi ne contient aucun élément concret permettant de considérer que les griefs soulevés concernent une règle du droit de l’Union qui pourrait être applicable à la Roumanie en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’acte d’adhésion, lu en combinaison avec l’annexe II de celui-ci.

44      De plus, s’agissant d’un prétendu traitement discriminatoire de la Roumanie par rapport à la République de Croatie, il convient de constater que les requérants n’expliquent pas en quoi une telle différence de traitement, à la supposer établie, aurait eu une influence sur l’adoption d’une décision du Conseil, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

45      Partant, c’est sans commettre une erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 31 de l’ordonnance attaquée, que la décision du Conseil prévue à l’article 4 de l’acte d’adhésion ne saurait être regardée comme étant un acte revêtant un caractère purement confirmatif de la satisfaction de « critères techniques » établis en amont et prévus au paragraphe 2 de cet article.

46      En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle, à supposer que l’acte litigieux soit un acte intermédiaire, celui-ci constituerait un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, la Cour a jugé qu’un acte intermédiaire qui produit des effets juridiques autonomes est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en ce qu’il ne peut être remédié à l’illégalité attachée à cet acte à l’occasion d’un recours dirigé contre la décision finale dont il constitue une étape d’élaboration (arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, point 110 et jurisprudence citée).

47      Partant, lorsque la contestation de la légalité d’un acte intermédiaire dans le cadre d’un tel recours n’est pas de nature à assurer une protection juridictionnelle effective au requérant contre les effets de cet acte, celui-ci doit pouvoir faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, point 111 et jurisprudence citée).

48      Néanmoins, force est de constater que les requérants ne parviennent pas à prouver que l’acte litigieux produisait, en tant que tel, des effets juridiques autonomes sur leur situation.

49      Partant, les premier et deuxième moyens de pourvoi doivent être écartés.

 Sur le troisième moyen

50      Enfin, s’agissant du troisième moyen de pourvoi, soulevé à titre subsidiaire, selon lequel le silence d’une institution pourrait être attaqué dans des circonstances exceptionnelles, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, en principe, le seul silence d’une institution ne saurait être assimilé à un refus implicite, sauf lorsque cette conséquence est expressément prévue par une disposition du droit de l’Union et qu’il ne saurait être exclu que, dans certaines circonstances spécifiques, ce principe puisse ne pas trouver application de sorte que le silence ou l’inaction d’une institution puissent être exceptionnellement considérés comme ayant valeur de décision implicite de refus (arrêt du 9 décembre 2004, Commission/Greencore, C‑123/03 P, EU:C:2004:783, point 45).

51      Or, il y a lieu de constater à cet égard, d’une part, que l’arrêt du 9 décembre 2004, Commission/Greencore (C‑123/03 P, EU:C:2004:783), invoqué par les requérants, ne concerne pas la question de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie. D’autre part, contrairement à ce que font valoir les requérants, l’acte litigieux ne constitue ni un silence ni une inaction du Conseil qui seraient constitutifs d’une décision implicite de rejet de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie. En effet, si, à défaut d’avoir obtenu l’unanimité des suffrages, cet acte ne saurait être considéré comme étant une décision, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, il ne s’agit pas non plus d’un simple silence ou d’une inaction, mais d’un acte consistant, ainsi qu’il ressort du point 27 de la présente ordonnance, en l’absence d’adoption du projet no 15218/22 de décision du Conseil relative à cette application intégrale, sans préjudice de la possibilité pour cette institution d’adopter, à un stade ultérieur, une telle décision, au titre de cette disposition. En tout état de cause, les requérants n’ont pas invoqué de telles circonstances spécifiques, au sens de la jurisprudence mentionnée au point précédent de la présente ordonnance.

52      Partant, le troisième moyen de pourvoi doit être écarté.

53      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

54      En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

55      En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérants supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      M. Răzvan-Eugen Nicolescu, Exclusive Car Trading SRL et l’Asociația pentru Energie Curată și Combaterea Schimbărilor Climatice supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.