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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

30 avril 2020 (*)

« Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Dépenses effectuées par la République hellénique – Règlement (CE) no 1782/2003 – Règlement (CE) no 796/2004 – Règlement (CE) no 1120/2009 – Règlement (UE) no 1306/2013 – Régime d’aides à la surface – Notion de “pâturages permanents” – Corrections financières forfaitaires – Règlement (CE) no 1698/2005 – Appréciation de l’éligibilité des dépenses – Autorité de gestion – Règlement (CE) no 1290/2005 – Dépenses couvertes par le délai de 24 mois – Règlement (CE) no 817/2004 – Régime de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives – Méthode de calcul de la correction »

Dans l’affaire C‑797/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 décembre 2018,

République hellénique, représentée par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes E. Leftheriotou et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. M. Konstantinidis et D. Triantafyllou ainsi que par Mme J. Aquilina, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. D. Šváby (rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 octobre 2018, Grèce/Commission (T‑272/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:651), par lequel celui-ci a rejeté son recours contre la décision d’exécution (UE) 2016/417 de la Commission, du 17 mars 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 75, p. 16, ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 2988/95

2        Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), (ci-après le « règlement n° 2988/1995 ») contient un titre II intitulé « Mesures et sanctions administratives », dans lequel figure l’article 5 de ce règlement. Le paragraphe 1 de cet article dispose :

« Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes :

[...]

c)      la privation totale ou partielle d’un avantage octroyé par la réglementation communautaire, même si l’opérateur a bénéficié indûment d’une partie seulement de cet avantage ;

d)      l’exclusion ou le retrait du bénéfice de l’avantage pour une période postérieure à celle de l’irrégularité ;

[...] »

 Le règlement (CE) no 1782/2003

3        Le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1), (ci-après le « règlement n° 1782/2003 »), contenait un titre III, intitulé « Régime de paiement unique », dans lequel figurait un chapitre 3, portant sur les « [d]roits au paiement ». La section 1 de ce chapitre, portant sur les « [d]roits au paiement fondés sur les superficies », comprenait l’article 43 de ce règlement, relatif à la « détermination des droits au paiement ». Cet article prévoyait :

« 1.      Sans préjudice de l’article 48, tout agriculteur bénéficie d’un droit au paiement par hectare qui est calculé en divisant le montant de référence par le nombre moyen calculé sur trois ans de l’ensemble des hectares qui a donné droit, au cours de la période de référence, aux paiements directs dont la liste figure à l’annexe VI.

Le nombre total de droits au paiement est égal au nombre moyen d’hectares susmentionné.

[...]

2.      Le nombre d’hectares visé au paragraphe 1 inclut également :

[...]

b)      toutes les superficies fourragères au cours de la période de référence.

3.      Aux fins du paragraphe 2, point b), du présent article, on entend par “superficie fourragère” la superficie de l’exploitation disponible pendant toute l’année civile, conformément à l’article 5 du règlement (CE) no 2419/2001 de la Commission, [du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement (CEE) no 3508/92 du Conseil (JO 2001, L 327, p. 11)], pour l’élevage d’animaux, y compris les superficies utilisées en commun et les superficies soumises à une culture mixte. Ne sont pas comptés dans cette superficie :

–        les bâtiments, les bois, les étangs, les chemins,

–        [...] »

4        L’article 44 du règlement no 1782/2003, relatif à l’« [u]tilisation des droits au paiement », énonçait, à son paragraphe 2 :

« Par “hectare admissible au bénéfice de l’aide”, on entend toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies occupées par des cultures permanentes et des forêts ou affectées à une activité non agricole. »

 Le règlement (CE) no 796/2004

5        L’article 2, premier alinéa, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par les règlements du Conseil no 1782/2003 et (CE) no 73/2009, ainsi que de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) no 479/2008 du Conseil (JO 2004, L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 380/2009 de la Commission, du 8 mai 2009 (JO 2009, L 116, p. 9) (ci-après le « règlement no 796/2004 »), était libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

1bis)      “parcelle agricole” : une surface continue de terres sur laquelle un seul groupe de cultures est cultivé par un seul agriculteur ; cependant, dans le cas où une déclaration séparée d’utilisation concernant une surface faisant partie d’un groupe de cultures est requise dans le cadre du présent règlement, cette utilisation spécifique limite également la parcelle agricole ;

[...]

2)      “pâturages permanents” : les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des terres relevant de régimes de jachère conformément à l’article 107, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1782/2003 et des terres mises en jachère conformément aux dispositions du règlement (CEE) no 2078/92 du Conseil[, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel (JO 1992, L 215, p. 85)], aux articles 22, 23 et 24 du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil[, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80)] et à l’article 39 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil[, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1)] ;

2 bis)            “herbe et autres plantes fourragères herbacées” : toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux). Les États membres peuvent inclure les cultures figurant à l’annexe IX du règlement [no 1782/2003] ».

6        À cet égard, le considérant 1 du règlement no 239/2005 de la Commission, du 11 février 2005 (JO 2005, L 42, p. 3), qui a modifié le règlement no 796/2004 dans sa version initiale, énonçait :

« L’article 2 du règlement no 796/2004 [...] contient plusieurs définitions qui doivent être clarifiées. Il est en particulier nécessaire de clarifier la définition des “pâturages permanents” au point 2 dudit article, et il est également nécessaire d’introduire une définition du terme “herbe et autres plantes fourragères herbacées”. Cependant, dans ce contexte, il faut considérer que les États membres ont besoin d’une certaine flexibilité pour pouvoir tenir compte des conditions agronomiques locales. »

7        L’article 8 du règlement no 796/2004, intitulé « Principes généraux applicables aux parcelles agricoles », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice de l’article 34, paragraphe 2, du règlement [(CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16) (ci-après le « règlement n° 73/2009 »)], une parcelle agricole boisée est considérée comme une surface admissible aux fins des régimes d’aide “surfaces”, sous réserve que des activités agricoles ou, le cas échéant, que la production envisagée puissent se dérouler comme elles se dérouleraient sur des parcelles non boisées situées dans la même zone. »

8        Le titre III du règlement no 796/2004, relatif aux « [c]ontrôles » comprenait l’article 30 de celui-ci, intitulé « Détermination des superficies ». Le paragraphe 2 de cet article disposait :

« La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte.

Dans les régions où certaines caractéristiques, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de cultures ou d’utilisation des sols, les États membres peuvent considérer que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une valeur traditionnelle en usage dans la région concernée, sans toutefois excéder deux mètres.

[...] »

 Le règlement (CE) no 1290/2005

9        Sous le titre IV, intitulé « Apurement des comptes et surveillance par la Commission », du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), figurait l’article 31 de ce dernier, lui-même intitulé « Apurement de conformité ». Les paragraphes 2 à 4 de cet article étaient libellés comme suit :

« 2.      La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

3.      Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

4.      Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à des mesures pluriannuelles faisant partie des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, ou des programmes visés à l’article 4, pour lesquelles la dernière obligation imposée au bénéficiaire est intervenue plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications ;

c)      les dépenses relatives aux mesures prévues dans les programmes visés à l’article 4 autres que celles visées au point b), pour lesquelles le paiement ou, le cas échéant, le paiement du solde, par l’organisme payeur, a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications. »

 Le règlement (CE) no 817/2004

10      L’article 73 du règlement (CE) no 817/2004 de la Commission, du 29 avril 2004, portant modalités d’application du règlement no 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le FEOGA (JO 2004, L 153, p. 30, et rectificatif JO 2004, L 231, p. 24), énonçait :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement, et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

 Le règlement (CE) no 1698/2005

11      Les considérants 61 et 64 du règlement no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1) (ci-après le « règlement n° 1698/2005 »), énonçaient :

« 61      Il convient, conformément au principe de subsidiarité, que, sous réserve d’exceptions, les règles nationales pertinentes régissent l’éligibilité des dépenses.

[...]

64      Il convient que les États membres prennent les mesures adéquates pour garantir le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle. À cet effet, il est nécessaire d’établir les principes généraux et les fonctions essentielles que tout système de gestion et de contrôle devrait garantir. Il y a donc lieu de maintenir la désignation d’une autorité de gestion unique pour chaque programme et de préciser ses responsabilités. »

12      Ce règlement comportait un titre V, intitulé « Participation du Feader », dans lequel figurait l’article 71 de ce règlement, relatif à l’« [é]ligibilité des dépenses ». Les paragraphes 2 et 3 de cet article prévoyaient :

« 2.      Les dépenses ne sont éligibles pour la participation du [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)] que si elles sont effectuées pour des opérations décidées par l’autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité, selon les critères de sélection fixés par l’organe compétent.

3.      Les règles d’éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre du présent règlement pour certaines mesures de développement rural.

[...] »

 Le règlement (CE) no 1974/2006

13      Le règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 (JO 2006, L 368, p. 15), comprenait un chapitre III, intitulé « Mesures de développement rural », dans lequel figurait une section 2 relative aux « [d]ispositions communes applicables à plusieurs mesures ». L’article 43 de ce règlement figurait dans cette section et disposait :

« En ce qui concerne les mesures d’investissement, les États membres veillent à ce que l’aide soit ciblée sur des objectifs clairement définis reflétant les besoins structurels et territoriaux ainsi que les handicaps structurels qui ont été identifiés. »

14      Sous le titre « Caractère vérifiable et contrôlable des mesures et règles en matière d’admissibilité », la section 1 du chapitre IV, lui-même intitulé « Admissibilité et dispositions administratives », de ce règlement comportait l’article 48 de celui-ci, aux termes duquel :

« 1.      Aux fins de l’article 74, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1698/2005, les États membres veillent à ce que toutes les mesures de développement rural qu’ils entendent mettre en œuvre puissent faire l’objet de contrôles et de vérifications. Ils élaborent à cet effet des dispositions en matière de contrôles leur permettant de s’assurer de façon satisfaisante du respect des critères d’admissibilité et autres engagements.

2.      Afin d’étayer et de confirmer l’adéquation et l’exactitude des calculs des paiements au titre des articles 31, 38, 39, 40 et 43 à 47 du règlement (CE) no 1698/2005, les États membres veillent à ce qu’une expertise appropriée soit fournie par des organismes ou des services fonctionnellement indépendants de ceux responsables pour ces calculs. Des justificatifs du recours à une telle expertise doivent figurer dans les programmes de développement rural. »

 Le règlement (CE) no 73/2009

15      Le chapitre 1, relatif aux « [d]ispositions générales », du titre III, intitulé « Régime de paiement unique », du règlement no 73/2009 comportait un article 34 relatif à l’« [a]ctivation des droits au paiement par hectare admissible ». Aux termes du paragraphe 1 de cet article :

« L’aide au titre du régime de paiement unique est octroyée aux agriculteurs après activation d’un droit au paiement par hectare admissible. Les droits au paiement activés donnent droit au paiement des montants qu’ils fixent. »

16      L’article 36 dudit règlement, intitulé « Modification des droits aux paiements », figurait également sous ce chapitre et disposait :

« Sauf disposition contraire du présent règlement, les droits au paiement par hectare ne sont pas modifiés.

La Commission établit, conformément à la procédure visée à l’article 141, paragraphe 2, les modalités régissant la modification des droits au paiement à partir de 2010, notamment en ce qui concerne les fractions de droits. »

17      L’article 137 du même règlement, intitulé « Confirmation des droits au paiement » figurait sous le titre VII de celui-ci, relatif aux « [m]odalités d’application et dispositions transitoires et finales ». Le paragraphe 1 de cet article était libellé comme suit :

« Les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010. »

 Le règlement (CE) no 1120/2009

18      Aux termes de l’article 2 du règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO 2009, L 316, p. 1) (ci-après le « règlement no 1120/2009 ») :

« Aux fins du titre III du règlement (CE) no 73/2009 et aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

c)      “pâturages permanents” : les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des superficies mises en jachère conformément au règlement (CEE) no 2078/92 du Conseil, [du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel (JO 1992, L 215, p. 85),] des superficies mises en jachère conformément aux articles 22, 23 et 24 du règlement (CE) no 1257/1999 et des superficies mises en jachère conformément à l’article 39 du règlement (CE) no 1698/2005 ; à cette fin, on entend par “herbe et autres plantes fourragères herbacées”, toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux). Les États membres peuvent inclure les grandes cultures figurant à l’annexe I ;

[...] »

 Le règlement (CE) no 1122/2009

19      Le règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65) (ci‑après le « règlement n° 1122/2009 »), contenait un article 34, relatif à la « [d]étermination des superficies ». Cet article, qui figurait sous le titre III « Contrôles » de ce règlement, disposait, à ses paragraphes 2 et 4 :

« 2.      La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte.

Dans les régions où certains éléments, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de cultures ou d’utilisation des sols, les États membres peuvent décider que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une valeur traditionnelle en usage dans la région concernée, sans toutefois excéder deux mètres.

Toutefois, lorsque les États membres ont notifié à la Commission, conformément à l’article 30, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement (CE) no 796/2004, avant l’entrée en vigueur du présent règlement, une largeur supérieure à 2 mètres, cette largeur peut encore être appliquée.

[...]

4.      Sans préjudice de l’article 34, paragraphe 2, du règlement (CE) no 73/2009, une parcelle agricole boisée est considérée comme une superficie admissible aux fins des régimes d’aide “surfaces”, sous réserve que des activités agricoles ou, le cas échéant, que la production envisagée puissent se dérouler comme elles se dérouleraient sur des parcelles non boisées situées dans la même zone. »

 Le règlement (UE) no 1306/2013

20      L’article 52, relatif à l’« [a]purement de conformité », du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 13), figure sous la section II, intitulée « Apurement », du chapitre IV, lui-même intitulé « Apurement comptable ». Cet article dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union.

3.      Préalablement à l’adoption de toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre. À ce stade de la procédure, les États membres se voient accorder la possibilité de démontrer que l’ampleur réelle de la non-conformité est moindre que ne l’évalue la Commission.

Si aucun accord ne peut être dégagé, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure destinée à concilier la position de chaque partie dans un délai de quatre mois. Un rapport sur l’issue de la procédure est présenté à la Commission. La Commission tient compte des recommandations du rapport avant de se prononcer sur un refus de financement et si elle décide de ne pas suivre ces recommandations, elle en indique les raisons. »

 Le règlement (UE) no 1307/2013

21      L’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement no 73/2009 (JO 2013, L 347, p. 608), dans sa version initiale, (ci-après le « règlement n° 1307/2013 »), énonçait la définition suivante :

« “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ; les prairies permanentes peuvent également comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ».

22      Cette disposition, telle que modifiée par le règlement (UE) no 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017 (JO 2017, L 350, p. 15), est libellée comme suit :

« “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins et, lorsque les États membres le décident, qui n’ont pas été labourées depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, de même que, lorsque les États membres le décident, d’autres espèces adaptées à la production d’aliments pour animaux comme des arbustes et/ou des arbres, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes. Les États membres peuvent aussi décider de considérer comme des prairies permanentes :

i)      des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ; et/ou

ii)      des surfaces adaptées au pâturage où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas ou sont absentes ».

 Le règlement d’exécution (UE) no 809/2014

23      Sous le titre « Retrait partiel ou total du soutien et sanctions administratives », l’article 63 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), (ci‑après le « règlement n° 809/2014 prévoit :

« 1.      Les paiements sont calculés sur la base de montants jugés admissibles lors des contrôles administratifs visés à l’article 48.

L’autorité compétente examine la demande de paiement reçue du bénéficiaire et fixe les montants admissibles au bénéfice du soutien. Elle détermine :

a)      le montant payable au bénéficiaire sur la base de la demande de paiement et de la décision d’octroi ;

b)      le montant payable au bénéficiaire après examen de l’admissibilité de la dépense dans la demande de paiement.

Si le montant établi conformément au deuxième alinéa, point a), dépasse de plus de 10 % le montant établi conformément au point b) dudit alinéa, une sanction administrative est appliquée au montant établi conformément au point b). Le montant de la sanction correspond à la différence entre ces deux montants et ne va pas au-delà du retrait total de l’aide.

Aucune sanction n’est cependant appliquée si le bénéficiaire peut démontrer, à la satisfaction de l’autorité compétente, qu’il n’est pas responsable de l’inclusion du montant non admissible, ou si l’autorité compétente arrive d’une autre manière à la conclusion que le bénéficiaire concerné n’est pas fautif.

2.      La sanction administrative visée au paragraphe 1 est appliquée mutatis mutandis aux dépenses non admissibles relevées lors des contrôles sur place visés à l’article 49. Dans ce cas, les dépenses examinées sont les dépenses cumulées engagées pour l’opération concernée. Cette disposition est sans préjudice des résultats des précédents contrôles sur place des opérations concernées. »

 Le règlement d’exécution (UE) no 908/2014

24      L’article 34 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59) (ci-après le « règlement no 908/2014 »), prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union, elle communique ses conclusions à l’État membre concerné en précisant les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation et en indiquant le niveau provisoire de correction financière qu’elle considère approprié par rapport à ses conclusions à ce stade de la procédure. La communication prévoit également une réunion bilatérale dans un délai de quatre mois après l’expiration du délai de réponse de la part de l’État membre. La communication fait référence au présent article.

L’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication. Dans sa réponse, l’État membre a la possibilité, en particulier :

a)      de démontrer à la Commission que l’ampleur réelle du non-respect ou le risque pour [le Feader ou le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA)] sont inférieurs à ce qui a été indiqué par la Commission ;

b)      d’informer la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation de l’Union, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Dans des cas justifiés et sur demande motivée de l’État membre, la Commission peut accorder une prolongation de deux mois au maximum de la période de deux mois. La demande en est adressée à la Commission avant le terme de ladite période.

Si l’État membre estime qu’une réunion bilatérale n’est pas nécessaire, il en fait part à la Commission dans sa réponse à la communication de la Commission mentionnée ci-dessus.

3.      Lors de la réunion bilatérale, les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé au budget de l’Union.

[...] »

 Le document n° VI/5330/97

25      Les orientations en matière de corrections forfaitaires avaient été définies dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document n° VI/5330/97 »). Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettaient pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, une correction forfaitaire pouvait être envisagée. Le taux de correction appliqué dépendait de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles. Ce document précisait :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles-clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA)].

[...]

Néanmoins, lorsque la mise en œuvre du système de contrôle par un État membre est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il existe des indices d’irrégularités très fréquentes et de négligences dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 25 %, dans la mesure où il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des pertes extrêmement élevées pour le FEOGA.

[...]

[Les taux forfaitaires de correction] sont appliqués à ce qui reste des dépenses après déduction des montants écartés concernant des dossiers individuels ou en application du règlement 296/96 [...] »

 Les antécédents du litige

26      Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés de la manière suivante.

27      Au mois de septembre 2012, la Commission a procédé à une enquête concernant les dépenses effectuées par la République hellénique au titre des mesures de développement rural Feader (2007-2013) pour les exercices financiers 2010 à 2013. Au mois de novembre 2013, cette institution a ensuite procédé à une enquête concernant les dépenses effectuées par la République hellénique au titre des aides à la surface pour les années de demande 2012 et 2013.

28      En ce qui concerne les aides à la surface, à la suite d’une lettre du 15 janvier 2014, la Commission a fait part de ses observations à la République hellénique. La République hellénique y a répondu le 17 mars 2014, puis la Commission a de nouveau transmis ses remarques à la République hellénique le 28 mai 2014.

29      Une réunion bilatérale a eu lieu le 23 juin 2014 et la République hellénique y a fait suite en envoyant une lettre le 18 septembre 2014.  

30      Par la suite, la Commission a proposé d’imputer à la République hellénique un montant total, forfaitaire et ponctuel, de 167 399 260,04 euros en raison du fait que, selon cette institution, l’application du système d’octroi des aides directes à la surface en Grèce n’était pas conforme aux règles de l’Union européenne pour les années de demande 2012 et 2013.

31      Une procédure de conciliation a été engagée et un avis de l’organe de conciliation a été rendu le 13 juillet 2015.

32      Le 23 novembre 2015, la Commission a arrêté sa position finale, en maintenant sa position initiale et en proposant d’exclure du financement le montant final brut de la correction imposée à la République hellénique dans le domaine des aides directes, qui s’élevait à 167 399 260,04 euros.  

33      En ce qui concerne les mesures de développement rural, à la suite d’une lettre du 9 janvier 2013, la Commission a fait part de ses observations à la République hellénique. La République hellénique y a répondu le 6 mars 2013.

34      Une réunion bilatérale s’est tenue le 5 septembre 2013, à la suite de laquelle la République hellénique a transmis ses observations le 27 décembre 2013.

35      Le 27 mai 2014, la Commission a notifié à la République hellénique son intention d’écarter un montant de 4 106 349,91 euros du financement de l’Union. Cette institution estimait en effet que des faiblesses avaient été constatées dans l’application, en Grèce, du régime des mesures entrant dans le cadre du programme de développement rural du Feader (2007-2013) au cours des exercices financiers 2010 à 2013.

36      À la suite de la demande de conciliation formulée par la République hellénique le 1er juillet 2014, l’organe de conciliation a émis son avis dans un rapport final du 28 janvier 2015.

37      Le 29 septembre 2015, la Commission a formulé sa position finale en limitant la correction proposée à 3 880 460,50 euros, soit 3 107 504,18 euros au titre de la mesure 125 faisant partie du programme de développement rural du Feader visé au point 35 du présent arrêt (ci-après la « mesure 125 »), auxquels s’ajoutaient 772 956,32 euros au titre de la mesure 121 de ce même programme (ci-après la « mesure 121 »).

38      Le 17 mars 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse par laquelle elle a indiqué les montants des dépenses engagées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader exclus du financement de l’Union. S’agissant de la République hellénique, la Commission a appliqué des corrections forfaitaires et ponctuelles en ce qui concerne les exercices financiers 2010 à 2013 dans les domaines pertinents pour la présente affaire, à savoir les aides directes découplées et le développement rural Feader. S’agissant des aides directes, la Commission a imposé une correction d’un montant global de 167 399 260,04 euros net, dont le montant de 166 797 866,22 euros net concernait particulièrement des faiblesses dans la définition des pâturages permanents éligibles, des erreurs manifestes et des faiblesses dans les contrôles sur place par télédétection. S’agissant du développement rural, la Commission a imposé une correction d’un montant de 3 880 460,50 euros net.

39      Dans le rapport de synthèse joint à la décision litigieuse, mentionné aux points 16 à 22 de l’arrêt attaqué (ci-après le « rapport de synthèse »), la Commission a justifié l’imposition des corrections forfaitaires et ponctuelles en cause par les motifs suivants.

40      S’agissant des aides directes découplées, la Commission a constaté que, au cours des années de demande 2012 et 2013, la République hellénique avait considéré comme éligibles au paiement des pâturages permanents qui ne satisfaisaient pas aux critères de l’article 34 du règlement no 73/2009 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, parce que la végétation sur ces surfaces ne pouvait pas être considérée comme de l’« herbe ou du fourrage herbacé », au sens de ces dispositions. Cette qualification erronée de la part des autorités grecques aurait également été retenue pour les contrôles croisés au titre du règlement no 1122/2009.

41      Au titre de l’année de demande 2012, les autorités grecques avaient évalué les conséquences de l’erreur à un montant de 40 113 184,84 euros. La Commission a cependant estimé que ce montant avait été obtenu par l’application des taux d’éligibilité définis au mois d’octobre 2013, lesquels ne tenaient pas compte de la finalisation du plan d’action révisé au mois d’avril 2014. Elle a également considéré que le montant calculé par les autorités grecques n’avait pas pris en compte les sanctions qui devaient être imposées pour les cas de sur-déclaration. En ce qui concerne l’année de demande 2013, cette institution a constaté que le montant calculé par les autorités grecques n’avait pas pris en compte les sanctions qui devaient être imposées pour les cas de sur-déclaration concernant les montants qui n’avaient pas été payés. De plus, en ce qui concerne ces deux années de demande, la Commission a également considéré que ces montants avaient été obtenus sans tenir compte de l’impact financier des modifications des facteurs prorata concernant les pâturages permanents, telles qu’elles avaient été achevées le 30 avril 2014.

42      Par ailleurs, la Commission a aussi constaté que des insuffisances caractérisaient les contrôles sur place dont les conclusions étaient, dans certains cas, fondamentalement différentes de celles de la télédétection, ce qui avait conduit à un réexamen de 9 470 parcelles agricoles pour l’année de demande 2013 (mais pas pour l’année de demande 2012). Enfin, la Commission a estimé que, dans certains cas et par une application extensive de la pratique pertinente, les autorités grecques avaient considéré qu’une « erreur manifeste » existait, en vue de corriger le montant des paiements, sans pour autant appliquer les sanctions prévues.

43      Le 4 décembre 2014, les informations fournies par les autorités grecques à la Commission indiquaient que celles-ci proposaient une correction s’élevant à un montant de 52 225 465,79 euros pour l’année de demande 2012 et à un montant de 37 133 161,78 euros pour l’année de demande 2013. Cependant, la Commission a considéré que ces corrections étaient insuffisantes, en raison du taux élevé d’erreurs constatées lors des contrôles, qui indiquaient des irrégularités répandues et non encore suffisamment combattues.

44      En ce qui concerne l’année de demande 2012, la Commission a donc appliqué une correction de 25 % pour la population à risque. Tenant compte de l’amélioration de la situation, elle a réduit la correction à 10 % pour l’année de demande 2013, sur une base elle-même réduite du montant de 37 163 161,78 euros que les autorités grecques avaient déclarée en tant qu’erreur connue.

45      S’agissant du développement rural, et plus particulièrement de la mesure 125, principalement relative à des infrastructures d’irrigation, la Commission a estimé que la sélection des projets éligibles ne correspondait pas aux exigences de l’article 71 du règlement no 1698/2005. L’enquête avait en effet révélé que cette sélection comportait une deuxième étape de présélection problématique de la part de la direction d’études et de constructions techniques du ministère du Développement rural grec (ci-après la « DTEC »). Au cours de cette phase de présélection, étaient ainsi contrôlées non seulement la maturité des projets, mais également leur adéquation quant aux priorités, sur la base de critères connus uniquement de cette direction. Des critères de sélection qui n’étaient pas ceux fixés par l’autorité de gestion compétente (OPEKEPE) auraient de la sorte été introduits.  Par conséquent, la Commission a décidé d’appliquer une correction forfaitaire de 5 %, correspondant à un montant de 3 107 504,18 euros.

46      En ce qui concerne la mesure 121, essentiellement consacrée à la modernisation d’entreprises, l’enquête avait révélé que, dans certains cas de déclaration de dépenses inéligibles, les demandes des bénéficiaires avaient été réduites sans qu’aucune sanction leur soit imposée. Or, l’impunité pourrait, selon la Commission, encourager les bénéficiaires à déclarer des dépenses non éligibles, puisque, dans le pire des cas, ils se verraient simplement refuser le paiement du montant correspondant. Elle a donc considéré que cette pratique créait un risque pour le fonds concerné et décidé d’appliquer, sur le fondement d’une application par analogie de l’article 63 du règlement d’exécution no 809/2014, une correction correspondant à un montant de 772 956,32 euros.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

47      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2016, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en invoquant, en substance, huit moyens à l’appui de celui-ci.

48      Le premier moyen portait sur la correction forfaitaire de 25 % au titre de l’année de demande 2012, sur la correction forfaitaire de 10 % au titre de l’année de demande 2013 ainsi que sur la correction ponctuelle de 37 163 161,78 euros, appliquées en raison des faiblesses constatées dans la définition des pâturages permanents éligibles. Ce moyen était tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009.

49      Le deuxième moyen était tiré d’une interprétation et d’une application erronées du document n° VI/5330/97 quant à la réunion des conditions d’imposition d’une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’année de demande 2012.

50      Le troisième moyen était relatif à la correction forfaitaire de 10 % et à la correction ponctuelle appliquées pour les faiblesses et les erreurs dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles au titre de l’année de demande 2013 et était tiré du caractère illégal et abusif de celles-ci, de leurs motifs contradictoires, de l’interprétation et de l’application erronées du document n° VI/5330/97 quant à la réunion des conditions d’imposition d’une correction forfaitaire de 10 %, ainsi que de la violation des principes de bonne administration, de proportionnalité, de non bis in idem et des droits de la défense.

51      Les quatrième et cinquième moyens concernaient la décision litigieuse, en ce qu’elle prévoit une correction forfaitaire de 5 % pour des faiblesses dans l’application des critères de sélection des projets de la mesure 125. Le quatrième moyen était tiré du défaut de base légale et de motivation de la décision litigieuse ainsi que d’une erreur de fait quant à cette correction forfaitaire appliquée au titre des exercices financiers 2010 à 2013 tandis que le cinquième moyen était tiré de la violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005.

52      Les sixième et septième moyens étaient relatifs à une correction ponctuelle appliquée au titre des exercices financiers 2011 à 2013 en raison de faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction s’agissant de la mesure 121. Le sixième moyen était tiré de l’illégalité de la méthode de calcul de la correction qui mènerait à des résultats disproportionnés au regard des faiblesses constatées, tandis que le septième moyen était tiré du défaut de base légale et de motivation de la décision litigieuse ainsi que de la violation du document n° VI/5330/97.

53      La République hellénique a renoncé au huitième moyen en cours d’instance devant le Tribunal.

54      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties devant la Cour

55      La République hellénique demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

56      La Commission conclut au rejet du pourvoi comme étant non fondé. Elle demande également la condamnation de la République hellénique aux dépens.

 Sur le pourvoi

57      À l’appui de son pourvoi, la République hellénique soulève six moyens. Le premier moyen concerne la décision litigieuse en ce qu’elle applique des corrections forfaitaires de 25 % et de 10 % aux aides à la surface pour les pâturages au titre des années de demande 2012 et 2013 ainsi qu’une correction ponctuelle de 37 163 161,78 euros au titre de l’année de demande 2013. Ce moyen est tiré de l’interprétation erronée, par le Tribunal, de la notion de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Le deuxième moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées, par le Tribunal, du document n° VI/5330/97 quant à la réunion des conditions justifiant une correction financière forfaitaire de 25 % appliquée aux aides à la surface pour les pâturages au titre de l’année de demande 2012. Le troisième moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées, par le Tribunal, de l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005, de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et de l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014, tels que visés par le document n° VI/5330/97, du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité en raison du cumul de la correction financière forfaitaire de 10 % appliquée aux aides à la surface pour les pâturages au titre de l’année de demande 2013 et d’une correction ponctuelle. Les quatrième et cinquième moyens portent sur l’appréciation, par le Tribunal, de la correction financière forfaitaire de 5 % appliquée à la République hellénique pour des faiblesses dans l’application des critères de sélection des projets de la mesure 125 au titre des exercices financiers 2010 à 2013. Tandis que le quatrième moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 71, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1698/2005 ainsi que d’une motivation insuffisante de l’arrêt attaqué, le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 ainsi que d’une motivation insuffisante et contradictoire de cet arrêt. Le sixième moyen vise l’appréciation du Tribunal portant sur la correction ponctuelle appliquée à la République hellénique au titre des exercices financiers 2011 à 2013 en raison de faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction s’agissant de la mesure 121. Ce moyen est tiré de la violation de l’article 73 du règlement no 817/2004 et de l’article 63 du règlement d’exécution no 809/2014.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

58      Par son premier moyen, la République hellénique fait grief, en substance, au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée, aux points 35 à 66 de l’arrêt attaqué, l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi que l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, qui énoncent la définition de « pâturages permanents ».

59      La République hellénique reproche au Tribunal d’avoir retenu, aux points 39, 40, 49 et 56 de l’arrêt attaqué, un critère erroné tenant au type de végétation recouvrant les surfaces prises en considération par la Commission pour déterminer si ces surfaces constituaient bien des « pâturages permanents », au sens du droit de l’Union. En effet, le Tribunal aurait limité la qualification de « pâturages permanents » aux seules surfaces recouvertes d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées, à l’exclusion des surfaces recouvertes de broussailles et de végétations ligneuses, qui caractérisent les pâturages dits « de type méditerranéen ». Or, selon la République hellénique, le Tribunal aurait dû retenir un autre critère en vertu duquel constituent des « pâturages permanents » des surfaces qui relèvent de pratiques locales établies, qui sont traditionnellement affectées au pâturage et sur lesquelles l’herbe et les végétations fourragères herbacées ne prédominent pas. Aussi, la prédominance sur les surfaces en cause d’une végétation de type ligneux ne saurait servir d’indicateur d’abandon d’activités agricoles.

60      Selon la République hellénique, cette interprétation est autorisée par le libellé de l’article 2 du règlement no 796/2004 et de l’article 2 du règlement no 1120/2009, ainsi que par le contexte et les objectifs poursuivis par ces règlements. Elle souligne ainsi que cette conception large de la notion de « pâturages permanents » ressort du guide destiné à fournir aux États membres des orientations sur les meilleures façons de respecter les dispositions légales en vigueur relatives à la politique agricole commune (PAC), publié par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission, le 2 avril 2008, ainsi que du plan d’action, élaboré au mois d’octobre 2012, par les autorités helléniques en collaboration avec la Commission, comprenant l’évaluation de l’admissibilité des pâturages par photo-interprétation d’images satellites au niveau de la parcelle de référence (unité) et l’application d’un système de calcul proportionnel (au prorata) dans les cas où il existe des arbustes diffus (ci-après le « plan d’action de 2012 »). En outre, ladite conception large de la notion de « pâturages permanents » serait également confirmée par le libellé tant de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, dans sa version initiale, que de celui résultant de la modification de cette disposition par l’article 3 du règlement no 2017/2393.

61      La Commission propose de rejeter ce moyen comme étant non fondé. Cette institution est d’avis que le Tribunal a correctement interprété et appliqué la notion de « pâturages permanents », figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi qu’à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Il ressortirait de cette définition que le critère tenant à la nature de la végétation recouvrant la surface agricole concernée serait déterminant. En outre, ni les orientations visées au point 60 du présent arrêt, ni le plan d’action de 2012, ni le règlement no 1307/2013, applicable à compter du 1er janvier 2015, et qui contient une définition élargie de la notion de « pâturages permanents » ne seraient pertinents pour interpréter le droit applicable au moment des faits de l’espèce ainsi que pour apprécier la correction financière décidée par la Commission.

 Appréciation de la Cour

62      Par son premier moyen, la République hellénique reproche en substance au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, ainsi que de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, en constatant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que seules relèvent de cette notion les surfaces couvertes d’herbe et de plantes fourragères herbacées, en excluant les surfaces couvertes de plantes ligneuses ou arbustives, caractéristiques des pâturages dits « de type méditerranéen ». En effet, selon la République hellénique, le critère tenant à la nature de la végétation recouvrant la surface agricole concernée n’est pas déterminant quant à la qualification des « pâturages permanents ».

63      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 contient une définition de la notion de « pâturages permanents » en des termes très analogues à ceux utilisés à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004. D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le critère déterminant quant à la définition de « pâturages permanents » n’est pas le type de végétation couvrant la surface agricole, mais l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole typique aux fins de « pâturages permanents ». Par conséquent, la présence de plantes ligneuses ou arbustives ne saurait faire, en tant que telle, obstacle à la qualification d’une surface de « pâturages permanents », tant que cette présence ne porte pas atteinte à l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole (arrêts du 15 mai 2019, Grèce/Commission, C‑341/17 P, EU:C:2019:409, point 54, et du 13 février 2020, Grèce/Commission, C‑252/18 P, EU:C:2020:95, point 50).

64      Dès lors, en jugeant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que le critère pertinent était le type de végétation présent sur la surface en cause et en effectuant ensuite son examen au regard de ce critère, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion de « pâturages permanents », telle qu’elle résulte de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Il s’ensuit que la considération du Tribunal, figurant au point 46 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la République hellénique reste en défaut de démontrer l’inexactitude des appréciations de la Commission est erronée.

65      Par conséquent, le premier moyen de la République hellénique doit être accueilli. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique portant sur les corrections forfaitaires de 25 % et de 10 % appliquées aux aides à la surface pour les pâturages au titre des années de demande 2012 et 2013 ainsi que la correction ponctuelle de 37 163 161,78 euros au titre de l’année de demande 2013, imposées en raison des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles pour les années de demande 2012 et 2013.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

66      Par son deuxième moyen, la République hellénique fait valoir, en substance, que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée, aux points 78, 93, 96, 101, 104, 106 et 107 de l’arrêt attaqué, le document n° VI/5330/97 quant à la réunion des conditions nécessaires à l’application d’un taux de correction de 25 % au titre de l’année de demande 2012. Ce moyen comprend neuf branches.

67      Par la première branche de son deuxième moyen, la République hellénique fait valoir que, au point 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les paiements définitifs pour l’année de demande 2012 ont été effectués le 30 juin 2013 après un réexamen des demandes sur la base du plan d’action de 2012, tel qu’il était mis en œuvre à cette date. Dès lors, ce réexamen exclurait un risque de pertes particulièrement élevées justifiant un taux de correction forfaitaire de 25 % et contredirait l’existence d’une faiblesse récurrente, d’une négligence ou d’une récidive commise par la République hellénique. Dès lors, les points 78, 93, 96, 101, 104, 106 et 107 de l’arrêt attaqué seraient dénués de fondement juridique.

68      Le deuxième moyen, en sa deuxième branche, est tiré d’une dénaturation, par le Tribunal, du contenu du rapport de synthèse et d’une modification de l’objet du litige, en ce qu’il a jugé, au point 79 de l’arrêt attaqué, que les limites des parcelles de référence et leur superficie maximale admissible pour l’aide doivent être définies de manière exacte. Or, l’objet du litige ne serait pas la délimitation précise des parcelles, mais porterait sur l’admissibilité de ces dernières au regard de la définition de « pâturages permanents ».

69      La troisième branche du deuxième moyen de la République hellénique est tirée d’une contradiction de motifs, en ce que le Tribunal aurait considéré, au point 88 de l’arrêt attaqué, que, nonobstant une mise en œuvre progressive du plan d’action de 2012, le risque pour le FEAGA s’était accru et que les pertes extrêmement élevées étaient vraisemblables, ce qui justifiait le taux de 25 %.

70      Par la quatrième branche à l’appui de son deuxième moyen, la République hellénique soutient que le Tribunal aurait violé le document n° VI/5330/97 en exigeant, au point 88 de l’arrêt attaqué, que, pour réduire le taux de correction financière, il serait nécessaire que l’État membre concerné ait fait disparaître tout risque pour le FEAGA.

71      Par la cinquième branche de ce moyen, la République hellénique fait valoir que, au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé les articles 34 et 36 du règlement no 73/2009 ainsi que les articles 43 et 44 du règlement no 1782/2003 en considérant que l’erreur reprochée à cet État membre concernant l’éligibilité des pâturages avait affecté le calcul des droits au paiement des agriculteurs, et partant, le nombre de ces droits, ce qui engendrerait pour le FEAGA un risque très élevé. Au demeurant, une telle appréciation serait entachée d’illégalité car elle ferait une application rétroactive des articles 2 des règlements nos 796/2004 et 73/2009 à la période de référence pour le calcul des droits au paiement (2000-2002).

72      Par la sixième branche de son deuxième moyen, la République hellénique soutient que le Tribunal a dénaturé le contenu du rapport final de l’organe de conciliation visé au point 36 du présent arrêt en jugeant, au point 92 de l’arrêt attaqué, qu’une partie des superficies auxquelles l’aide a été octroyée n’était pas éligible à celle-ci. Or, il ressortirait de ce rapport que, à la suite du plan d’action de 2012, une surface de 1,6 million d’hectares de pâturages demeurait éligible à l’aide.

73      Par la septième branche de ce moyen, la République hellénique soutient que, au point 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’article 52, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 1306/2013, en se bornant à constater que la Commission n’est pas liée par les rapports de l’organe de conciliation sans vérifier si cette dernière avait motivé sa décision de s’écarter des conclusions desdits rapports.

74      La huitième branche du deuxième moyen est tirée d’une contradiction entre les motifs figurant respectivement aux points 85 et 104 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où les conditions établissant l’existence d’une « circonstance exceptionnelle », au sens du document n° VI/5330/97, ne seraient pas réunies.

75      Par la neuvième branche à l’appui de son deuxième moyen, la République hellénique fait valoir que, aux points 114 à 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur dans l’interprétation et l’application des orientations figurant dans le document n° VI/5330/97, en ne tenant pas compte de la mise en œuvre rétroactive du plan d’action de 2012. Celle-ci aurait résorbé les faiblesses tenant à l’identification incorrecte des surfaces de pâturages dans le système d’identification des parcelles agricoles (ci-après le « SIPA »), de telle sorte que, à supposer qu’une correction forfaitaire puisse être appliquée, le taux de correction de 25 % ne serait pas justifié.

76      La Commission conclut au rejet de ce moyen comme non fondé, aucun des griefs avancés par la République hellénique à l’appui de celui-ci n’étant susceptible de remettre en question l’appréciation du Tribunal concernant la légalité de l’application d’un taux de correction forfaitaire de 25 %.

77      Ainsi, en réponse à la première branche du deuxième moyen, la Commission rétorque que, dans le cadre de son pourvoi, la République hellénique isole l’élément du réexamen des demandes sur la base du plan d’action de 2012 et passe sous silence les nombreuses autres irrégularités et déficiences graves du système de contrôle que le Tribunal a rappelées au point 77 de l’arrêt attaqué et qui ont justifié, prises ensemble, l’existence d’un risque de pertes extrêmement élevées pour le FEAGA.

78      En réponse à la deuxième branche de ce moyen, la Commission fait valoir que, au point 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé les nombreuses déficiences graves du système de contrôle qui justifient la correction forfaitaire de 25 %. La question de la délimitation des parcelles, abordée au point 79 de l’arrêt attaqué, ne constituerait qu’un élément de motivation général qui s’ajouterait à la motivation du Tribunal et qui viserait à souligner l’importance d’un système efficace de contrôle.

79      S’agissant de la troisième branche dudit moyen, tirée d’une contradiction de motifs, la Commission répond que, au point 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à constater que la mise en œuvre progressive du plan d’action de 2012 comportait des mesures qui n’étaient pas toutes destinées à produire des effets immédiats, de telle sorte que la mise en œuvre progressive de ce plan d’action se révélait insuffisante pour faire disparaître le risque pour l’année de demande 2012.

80      En réponse à la quatrième branche du même moyen, la Commission soutient que, au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas soumis la réduction de la correction forfaitaire à la démonstration de l’absence de risque, mais il a simplement constaté que la mise en œuvre du plan d’action de 2012 n’avait eu aucune incidence concrète sur le risque encouru par le FEAGA en 2012.

81      La Commission avance que le deuxième moyen, en sa cinquième branche, dirigée contre le point 89 de l’arrêt attaqué, est inopérant, dans la mesure où le moyen, en cette branche, vise une motivation subsidiaire. En tout état de cause, la République hellénique ne réfuterait pas utilement le constat opéré par le Tribunal, à ce point de l’arrêt attaqué, selon lequel l’erreur de calcul portant sur les hectares disponibles est à l’origine d’un risque très élevé pour le FEAGA.

82      En réponse à la sixième branche de ce moyen, qui vise le point 92 de l’arrêt attaqué, la Commission fait valoir que la République hellénique ne remet pas en cause le fait que de nombreuses superficies auxquelles l’aide avait été octroyée n’étaient pas, de manière générale, éligibles à ladite aide car elles ne répondaient pas aux conditions exigées pour être regardées comme des pâturages permanents.

83      En ce qui concerne la septième branche dudit moyen, visant le point 100 de l’arrêt attaqué, la Commission soutient que la République hellénique n’a pas fait valoir devant le Tribunal de moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse du fait que, par cette dernière, la Commission s’est écartée des recommandations de l’organe de conciliation. Dès lors, le Tribunal aurait répondu à suffisance de droit aux allégations de la République hellénique.

84      En réponse à la huitième branche du même moyen, dirigée contre le point 104 de l’arrêt attaqué, la Commission rétorque que, par ces motifs surabondants, le Tribunal a considéré que, même si l’établissement d’une « circonstance exceptionnelle » était nécessaire pour justifier l’application d’un taux de correction forfaitaire de 25 %, une telle circonstance serait en l’espèce établie.

85      Enfin, s’agissant de la neuvième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de prise en compte du plan d’action de 2012 et visant les points 114 à 116 de l’arrêt attaqué, la Commission réitère sa position selon laquelle ce plan d’action est dépourvu de pertinence quant à la question de savoir si l’étendue financière de l’irrégularité peut être établie avec précision ou si une correction financière doit être imposée.

 Appréciation de la Cour

86      Il ressort du document n° VI/5330/97 qu’un taux de correction forfaitaire de 25 % est justifié lorsque les conditions cumulatives qu’il énonce sont réunies, à savoir lorsque la mise en œuvre du système de contrôle par un État membre est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il existe des indices d’irrégularités très fréquentes ainsi que de négligences dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, dans la mesure où il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des pertes extrêmement élevées pour le FEAGA.

87      Or, aux points 78 à 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a décidé que c’est à bon droit que la Commission avait considéré que, en l’espèce, une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle pouvait être reprochée à la République hellénique au regard d’une conjugaison d’irrégularités récurrentes parmi lesquelles figuraient, ainsi que l’expose le point 77 de l’arrêt attaqué, les faiblesses relatives à la définition des pâturages permanents éligibles qui avaient conduit à une mauvaise application, par cet État membre, des contrôles croisés et des contrôles sur place.

88      Dès lors que, d’une part, l’appréciation par le Tribunal des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents repose, par définition, sur l’interprétation de la notion de « pâturages permanents » et, d’autre part, ainsi qu’il a été constaté au point 65 du présent arrêt, le Tribunal a retenu une interprétation erronée de cette notion, cette erreur affecte nécessairement son appréciation, effectuée au point 78 de l’arrêt attaqué, de la condition portant sur la mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle au regard d’une conjugaison d’irrégularités.

89      Par conséquent, eu égard au fait que les griefs soulevés par la République hellénique au titre du contrôle des pâturages permanents éligibles se rapportent tous à l’interprétation erronée de la notion de « pâturages permanents » retenue par le Tribunal, il convient d’accueillir le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

90      Par son troisième moyen, la République hellénique fait valoir, en substance, que, aux points 138 à 141 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014 ainsi que le document n° VI/5330/97 quant à la méthode de calcul de la correction forfaitaire au titre de l’année de demande 2013, de telle sorte qu’il aurait considéré comme légal, conforme au principe ne bis in idem et au principe de proportionnalité, le cumul d’une correction forfaitaire de 10 % et d’une correction ponctuelle pour les mêmes irrégularités. Or, selon la République hellénique, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le cumul d’une correction forfaitaire et d’une correction ponctuelle n’est possible qu’en cas de constatations multiples.

91      La Commission conclut au rejet de ce moyen comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

92      Il convient de rappeler, d’une part, que l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 ainsi que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 n’interdisent pas à la Commission de cumuler une correction ponctuelle et une correction forfaitaire.

93      Ainsi, la Cour a déjà admis la possibilité de cumuler des corrections financières forfaitaires et d’autres corrections. S’il s’avère que le risque encouru par le FEAGA ne peut pas être uniquement couvert par des corrections ponctuelles, d’autres corrections forfaitaires doivent être possibles. En effet, il serait contraire au système de financement du FEAGA que, s’il existe des motifs d’opérer une correction ponctuelle, d’autres dommages ou risques, qui ne sont pas aussi clairement déterminables, restent à la charge du FEAGA. Aucune raison de principe ne s’oppose, par conséquent, au cumul d’une correction ponctuelle et d’une correction forfaitaire (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, EU:C:1999:527, points 72 à 74, et du 15 juin 2017, Espagne/Commission, C‑279/16 P, non publié, EU:C:2017:461, point 72).

94      D’autre part, il ressort du document n° VI/5330/97 que le cumul d’une correction ponctuelle et d’une correction forfaitaire est possible, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 136 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où ce document prévoit que les taux forfaitaires sont applicables à ce qui reste des dépenses après déduction des montants écartés concernant les dossiers individuels.

95      En l’espèce, il y a lieu de relever que, à l’appui de son troisième moyen, la République hellénique se limite à reprocher au Tribunal d’avoir, aux points 138 à 141 de l’arrêt attaqué, violé l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, ainsi que le document n° VI/5330/97 en écartant son argumentation tirée de la double correction pour les mêmes irrégularités et pour la même année de demande 2013.

96      Or, dans le cadre de ce moyen, la République hellénique ne conteste pas les appréciations du Tribunal figurant aux points 120 à 125 et 131 de l’arrêt attaqué, dans lesquels il identifie clairement les motifs ayant conduit la Commission à imposer la correction forfaitaire de 10 % et la correction ponctuelle.

97      Ainsi, il ressort du point 123 de l’arrêt attaqué que le taux de correction forfaitaire de 10 % imposé pour l’année de demande 2013 était justifié au regard, d’une part, d’une accumulation d’erreurs relevées par la Commission concernant les éléments relatifs à l’éligibilité des pâturages et au système de contrôle mis en place par la République hellénique et, d’autre part, de l’amélioration de la situation par rapport à l’année de demande 2012. Au point 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le calcul du risque pour le FEAGA d’un montant de 37 163 161,78 euros, réalisé par les autorités grecques sur la base de nouvelles données issues de l’actualisation du SIPA, ne permettait pas de déterminer le montant total du risque auquel avait été exposé ce fonds en raison notamment de l’absence de prise en compte des sanctions qui auraient dû être appliquées et du fait qu’une mission de contrôle effectuée au mois de novembre 2014 avait révélé la persistance d’erreurs concernant le SIPA. Le Tribunal en a déduit, au point 125 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de ces dernières carences, la Commission avait été placée dans l’incapacité de déterminer avec exactitude le montant total du risque encouru par ledit fonds, de telle sorte que, d’une part, l’imposition d’une correction forfaitaire était justifiée et, d’autre part, les calculs effectués par les autorités grecques relatifs à des surfaces qui avaient été contrôlées ne permettaient pas de déterminer le montant total du risque auquel le même fonds avait été exposé.

98      Il en découle que c’est par une exacte application de l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005, de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 ainsi que du document n° VI/5330/97 que le Tribunal a considéré que, en retranchant le montant calculé par les autorités grecques du montant sur la base duquel la Commission a calculé la correction forfaitaire de 10 %, cette institution s’était assurée de ne pas imposer de double correction aux bénéficiaires particuliers qui avaient déjà été pris en considération dans le montant calculé par les autorités grecques. En effet, la correction forfaitaire de 10 % ne couvrait pas les surfaces qui avaient fait l’objet de contrôles par les autorités grecques et sur la base desquelles ces dernières autorités avaient calculé le montant de 37 163 161,78 euros.

99      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 138 et 141 de l’arrêt attaqué, que la méthode de calcul adoptée par la Commission ne conduisait pas à une double correction pour les mêmes irrégularités et pour la même année de demande.

100    Compte tenu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

101    Le quatrième moyen soulevé par la République hellénique est tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 71, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1698/2005, ainsi que de plusieurs manquements du Tribunal à son obligation de motivation.

102    Par la première branche de son quatrième moyen, dirigée contre les points 158 à 160 de l’arrêt attaqué, la République hellénique soutient que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée l’article 71, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1698/2005 en ayant fait grief à la République hellénique le fait que, en amont de la sélection effectuée par l’autorité de gestion, la DTEC procédait à une pré-sélection de projets sur la base de critères propres à cet organisme national, relevant ainsi non pas d’une simple évaluation formelle des projets, mais d’un véritable contrôle au fond, alors même que, en vertu de ces articles, seule l’autorité de gestion serait autorisée à évaluer l’éligibilité des projets susceptibles d’être couverts par la mesure 125. Selon la République hellénique, l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 confère aux États membres la compétence de principe pour fixer les règles d’éligibilité des dépenses afin de garantir une allocation plus efficace des ressources du Feader et, partant, ne leur interdit pas de prévoir l’intervention d’un organisme national tel que la DTEC qui applique les critères d’éligibilité des projets susceptibles d’être couverts par la mesure 125, dans les limites des objectifs dans le programme du développement rural validé par la Commission.

103    La deuxième branche de ce moyen de la République hellénique est tirée d’un défaut de motivation, dans la mesure où, au point 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la DTEC procédait à une véritable évaluation au fond des projets qui lui était soumis sur la base de trois critères qui lui étaient propres. Toutefois, le Tribunal n’aurait pas précisé quels étaient ces critères.

104    Par la troisième branche dudit moyen, cet État membre soutient que, au point 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a complété le contenu du rapport de synthèse et, partant, la motivation de la décision litigieuse en considérant que, à l’issue du contrôle préalable opéré par la DTEC, un certain nombre de projets n’étaient pas transmis à l’autorité de gestion.

105    La quatrième branche du même moyen est tirée d’une violation de l’obligation de motivation, en ce que le Tribunal aurait omis de répondre à l’argument de la République hellénique portant sur le fait que le contrôle préalable opéré par la DTEC était institutionnalisé depuis des décennies sans que la Commission ait jamais formulé d’observations à ce sujet ni que cette intervention ait pu engendrer une quelconque irrégularité.

106    Par la cinquième branche de son quatrième moyen, la République hellénique fait valoir que le Tribunal a également omis de répondre à l’argument selon lequel l’ensemble des opérations qui s’inscrivaient dans le cadre de la mesure 125 concernaient des grands travaux publics d’infrastructure et que, dans ce contexte, la DTEC n’était intervenue qu’au cours d’opérations préparatoires n’ayant aucune incidence sur la sélection elle-même.

107    La Commission conclut au rejet de ce moyen comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Appréciation de la Cour

108    Quant à la première branche, tirée d’une violation de l’article 71 du règlement no 1698/2005, visant les points 158 à 160 de l’arrêt attaqué, il convient de noter qu’il ressort du libellé du paragraphe 3 de cet article, lu à la lumière du considérant 61 de ce règlement, que, dans le cadre du principe de subsidiarité, les règles d’éligibilité des dépenses sont en principe fixées au niveau national (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, Občina Gorje (C‑111/15, EU:C:2016:532, points 37 et 47).

109    Toutefois, la fixation par les États membres de ces règles d’éligibilité des dépenses ne signifie pas que ces derniers puissent confier le pouvoir de sélection des projets à une entité distincte de l’autorité de gestion du programme ou à une entité qui ne relève pas de la responsabilité de cette dernière.

110    En effet, l’article 71, paragraphe 3, dudit règlement, lu à la lumière du considérant 64 de celui-ci, confère ce pouvoir de décision à la seule autorité de gestion ou à une entité exerçant sous sa responsabilité, laquelle exerce ce pouvoir au regard des critères de sélection fixés par l’organe compétent.

111    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 158 à 160 de l’arrêt attaqué, que le contrôle de présélection effectué par la DTEC des projets susceptibles de relever de la mesure 125 méconnaissait l’article 71 dudit règlement en ce qu’il constituait un contrôle au fond de l’éligibilité des projets au regard de critères qui lui étaient propres et qui n’étaient pas fixés par l’organe compétent.

112    Il en découle que cette branche du quatrième moyen de la République hellénique doit être écartée comme non fondée.

113    Quant à la deuxième branche de ce moyen, tirée d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal n’aurait pas précisé, au point 158 de cet arrêt, les critères que la DTEC appréciait dans le cadre de son examen au fond des projets, il suffit de relever que le moyen, en cette branche, repose sur une lecture erronée dudit arrêt, dans la mesure où, à ce point de celui-ci, le Tribunal mentionne trois critères et coefficients de pondération qui étaient propres à la DTEC et qui différaient de ceux appliqués par l’autorité de gestion.

114    Il s’ensuit que, en sa deuxième branche, le quatrième moyen de la République hellénique est non fondé.

115    En ce qui concerne la troisième branche de ce moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation du Tribunal, en ce que celui-ci aurait complété la motivation du rapport de synthèse en jugeant, au point 160 de l’arrêt attaqué, que l’application de ces critères avait entraîné la non-transmission d’un certain nombre de projets à l’autorité de gestion, s’il est certes exact qu’une telle appréciation ne figure pas expressément dans le rapport de synthèse, elle ne constitue cependant qu’une déduction logique de l’application de critères de présélection. Dès lors, il ne saurait être considéré que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation.

116    Il s’ensuit que, en sa troisième branche, le quatrième moyen de la République hellénique est non fondé.

117    Quant à la quatrième branche dudit moyen, tirée d’un défaut de réponse du Tribunal à l’argument de la République hellénique portant sur le fait que le contrôle préalable opéré par la DTEC était institutionnalisé depuis des décennies, il suffit de relever que, au point 161 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté cette argumentation comme étant dénuée d’incidence sur la procédure en cause.

118    Dès lors, contrairement à ce qu’allègue la République hellénique, le Tribunal a répondu à cet argument en l’écartant et, partant, n’a pas manqué à son devoir de motivation.

119    Il s’ensuit que, en sa quatrième branche, le quatrième moyen de la République hellénique est non fondé.

120    En ce qui concerne la cinquième branche du même moyen, tirée d’un défaut de réponse, par le Tribunal, à l’argument de la République hellénique selon lequel les opérations relevant de la mesure 125 concernaient de grands travaux d’infrastructure, il convient de relever que cet argument n’a pas été soulevé en première instance.

121    En effet, le point 69 de la requête en première instance, auquel se réfère la République hellénique dans le cadre de sa requête en pourvoi, est purement descriptif et se borne à souligner le fait que les opérations qui s’inscrivent dans le cadre de la mesure 125 concernaient de grands travaux publics d’infrastructure et représentaient des investissements publics importants pour l’économie nationale, sans que la République hellénique tire une quelconque conséquence juridique de cette déclaration générale.

122    Dès lors, cet argument doit être écarté comme étant irrecevable en raison de sa nouveauté au stade du pourvoi. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal (arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 63 ainsi que jurisprudence citée).

123    Il découle de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

124    Le cinquième moyen se divise en deux branches.

125    Par la première branche de son cinquième moyen, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005, ainsi que d’avoir adopté une motivation défaillante et contradictoire aux points 183, 185, 186, 189 et 193 de l’arrêt attaqué.

126    Plus particulièrement, elle conteste l’interprétation de l’article 31 de ce règlement, retenue par le Tribunal à ces points de l’arrêt attaqué, en vertu de laquelle, s’agissant de mesures relatives aux programmes de développement rural, lorsque le paiement du solde de l’aide est précédé de paiements intermédiaires et provisoires, seul le paiement définitif de ce solde doit être pris en considération aux fins de l’application du délai de 24 mois prévu à cet article pour exclure du financement toutes les dépenses des programmes de développement rural concernés. D’une part, cette interprétation serait contredite par le libellé de l’article 31, paragraphe 4, sous c), dudit règlement, en vertu duquel ce délai de 24 mois viserait, de manière indifférenciée, tant les paiements définitifs du solde que les paiements intermédiaires ou avances. À cet égard, la jurisprudence visée par le Tribunal au soutien de son interprétation ne serait pas pertinente car elle concernerait des versements provisoires subordonnés à la constitution de garanties dans le domaine du FEOGA. D’autre part, l’interprétation proposée par la République hellénique serait corroborée par l’objectif de fixer une limite temporelle à la compétence de la Commission de refuser le financement de certaines dépenses.

127    Par la seconde branche de son cinquième moyen, la République hellénique allègue que le Tribunal a adopté une motivation défaillante et contradictoire au point 189 de l’arrêt attaqué en ne vérifiant pas si le paiement du solde pour les projets en cause relevant de la mesure 125 avait été effectué au cours de cette période de 24 mois.

128    La Commission conclut au rejet de ce moyen dans son intégralité.

 Appréciation de la Cour

129    S’agissant de la première branche du cinquième moyen, il ressort du libellé de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 qu’un refus de financement ne saurait porter sur les dépenses relatives aux mesures prévues dans les programmes visés à l’article 4 de ce règlement autres que celles visées à l’article 31, paragraphe 4, sous b), de celui-ci, pour lesquelles le paiement ou le paiement du solde par l’organisme payeur a été effectué plus de 24 mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat de ses vérifications.

130    Il ressort ainsi expressément du libellé de l’article 31, paragraphe 4, sous c), dudit règlement que la période de 24 mois précédant la notification écrite des résultats des vérifications de la Commission est calculée à compter de la date du paiement ou du paiement du solde, c’est-à-dire du paiement définitif.

131    Par conséquent, contrairement à ce que soutient la République hellénique, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, sur la base de cette disposition, aux points 183, 185 et 186 de l’arrêt attaqué, que lorsqu’il est procédé à des paiements intermédiaires et provisoires suivis d’un paiement du solde, seul ce dernier devait être pris en compte aux fins du calcul de ce délai de 24 mois.

132    En ce qui concerne la seconde branche du cinquième moyen, tirée d’un défaut de motivation, en ce que le Tribunal aurait omis d’examiner si le paiement du solde pour les projets en cause avait eu lieu au cours dudit délai, il convient de relever que, aux points 189 à 191 de l’arrêt attaqué, qui sont pour partie non contestés par la République hellénique, le Tribunal a amplement motivé son appréciation quant à cette condition.

133    En effet, au point 189 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la correction financière au titre de la mesure 125 avait été appliquée à l’ensemble des dépenses effectuées au titre des années 2010 à 2013 puisque, à cette époque, aucun de ces projets n’était achevé et qu’aucun des paiements effectués au titre de l’exercice financier de l’année 2010 ne constituait un paiement final.

134    En outre, aux points 190 et 191 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a identifié, dans le cadre de son appréciation factuelle d’un tableau récapitulatif des dépenses portant sur les années 2010 et suivantes versées au titre de la mesure 125 dans le cadre du programme de développement rural 2007–2013, que, d’une part, pour le projet portant la référence 109464, les paiements introduits durant l’année 2010 n’avaient pas perduré au-delà de l’année 2012, sans que la République hellénique établisse que ces paiements ne sauraient être considérés comme finaux, au sens de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005. D’autre part, pour les autres projets mentionnés dans ce tableau, pour lesquels des paiements ont été effectués pour les années 2010 à 2013, le Tribunal a considéré que la République hellénique n’avait pas apporté d’éléments de preuve démontrant que ces projets n’étaient pas encore achevés et qu’aucun paiement final n’avait été effectué.

135    Il s’ensuit que la seconde branche de ce moyen doit être écartée et, partant, le cinquième moyen rejeté dans son intégralité comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

136    Le sixième moyen soulevé par la République hellénique se divise en deux branches.

137    Par la première branche de ce moyen, qui comprend trois griefs, la République hellénique conteste, en substance, l’appréciation du Tribunal selon laquelle cet État membre ne disposait pas d’un régime de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, conforme au prescrit de l’article 73 du règlement no 817/2004.

138    Par un premier grief, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit aux points 207 à 209 de l’arrêt attaqué, en n’ayant pas considéré les mesures de réduction de montant de l’aide et d’exclusion du bénéfice de l’aide comme constituant des « sanctions », au sens de l’article 73 du règlement no 817/2004, au même titre que la mesure d’exclusion de tout soutien du Feader pendant une durée de deux ans. Selon la République hellénique, il résulte tant de l’article 5, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement no 2988/95 que de la jurisprudence de la Cour que la privation totale ou partielle d’un avantage octroyé par le droit de l’Union ainsi que l’exclusion ou le retrait du bénéfice de cet avantage pour une période postérieure à celle de l’irrégularité constituent des sanctions administratives. Dès lors, l’obligation de remboursement en cas d’irrégularité constatée, soit au moyen d’une réduction, soit au moyen d’une exclusion du bénéficiaire de l’aide, constituerait en soi une sanction. En jugeant le contraire, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

139    Par un deuxième grief, la République hellénique allègue que le point 208 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit. En effet, à ce point, le Tribunal aurait considéré que seule une mesure d’exclusion d’un projet pour cause d’irrégularité relative à une condition d’éligibilité de ce dernier peut être regardée comme une sanction. Or, selon la République hellénique, la notion d’irrégularité est plus large et couvre tout manquement à une disposition du règlement no 817/2004.

140    Par un troisième grief, la République hellénique fait valoir que, au point 206 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a manifestement dénaturé le rapport de synthèse. À ce point de l’arrêt attaqué, le Tribunal ferait en effet état de deux constatations de fait opérées par la Commission, alors même que celles-ci ne figureraient pas dans le rapport de synthèse et que la Commission aurait expressément retiré l’une de ces constatations lors de la procédure administrative.

141    Par la seconde branche de son sixième moyen, la République hellénique fait valoir, en substance, que l’application par analogie de l’article 63 du règlement d’exécution no 809/2014, dont l’entrée en vigueur est postérieure aux faits du litige, aux fins du calcul, par la Commission, de la correction financière à appliquer, est constitutive d’une erreur de droit et dénuée de motivation. Plus particulièrement, pour justifier l’imposition d’une correction financière d’un montant de 772 956,32 euros, inférieure à celle qui aurait dû être imposée en application des règles applicables ratione temporis, le Tribunal aurait visé, aux points 224 à 229 de l’arrêt attaqué, une jurisprudence relative à l’application rétroactive de la peine plus légère et se serait référé au règlement no 2988/95 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés. Or, ces considérations seraient étrangères à la détermination de la base de la correction financière appliquée en vertu de l’article 52 du règlement no 1306/2013. Selon la République hellénique, le fait, pour le Tribunal, d’avoir ainsi rejeté le grief par lequel elle contestait l’application par analogie de l’article 63 du règlement d’exécution no 809/2014 sur la base desdites considérations devrait être assimilé à une absence de motivation de l’arrêt attaqué sur ce point.

142    La Commission conclut que la première branche de ce moyen doit être écartée dans son intégralité et rejetée comme non fondée. En réponse à la seconde branche de ce moyen, elle considère, à titre principal, que celle-ci doit être écartée car elle repose sur une argumentation inopérante et, à titre subsidiaire, que celle-ci doit être écartée comme étant non fondée.

 Appréciation de la Cour

143    S’agissant du premier grief à l’appui de la première branche du sixième moyen, il y a lieu de relever que l’article 73 du règlement no 817/2004 exige des États membres qu’ils établissent un régime de sanctions applicables aux violations des dispositions de ce règlement et que ces sanctions soient effectives, proportionnées et dissuasives.

144    Il s’ensuit que, si cet article n’identifie pas précisément le régime de sanctions que doit mettre en place un État membre, il exige néanmoins de celui-ci qu’il prévoie un ensemble de mesures présentant un caractère suffisamment effectif, proportionné et dissuasif pour prévenir toute violation des dispositions de ce règlement.

145    Or, en considérant, aux points 207 et 208 de l’arrêt attaqué, que les actions de vérification de l’éligibilité des demandes de paiement et des dépenses, l’absence de tolérance en cas de dépassement des dépenses éligibles, le remboursement exigé des irrégularités éventuellement constatées ou encore la récupération de montants indûment versés s’apparentent non pas à des sanctions, mais à une démarche nécessaire de contrôle des conditions d’éligibilité des projets pour l’octroi d’une aide, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. En effet, de telles mesures ne revêtent pas un caractère dissuasif, mais se limitent à assurer la légalité de la demande de financement et à écarter du soutien du Feader les dépenses partiellement ou totalement inéligibles, soit, en d’autres termes, à prévenir tout avantage indu.

146    Au terme de son analyse des mesures que la République hellénique estime être constitutives d’un régime de sanctions, au sens de l’article 73 du règlement no 817/2004, le Tribunal n’a identifié, au point 209 de l’arrêt attaqué, que la seule mesure d’exclusion de deux ans de tout soutien du Feader comme s’apparentant à une véritable sanction.

147    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 207 à 214 de l’arrêt attaqué, que le panel des mesures prévues par la réglementation grecque ne saurait constituer un régime de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, au sens de l’article 73 du règlement no 817/2004. En effet, bien qu’une telle mesure d’exclusion temporaire puisse être regardée comme une sanction, compte tenu de son caractère punitif et dissuasif adéquat, elle est insuffisante à elle seule pour constater l’existence d’un régime de sanction conforme à l’article 73 du règlement no 817/2004.

148    Dès lors, le premier grief à l’appui de la première branche du sixième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

149    S’agissant du deuxième grief de cette branche, il suffit de relever que l’argumentation exposée par la République hellénique procède d’une lecture erronée du point 208 de l’arrêt attaqué.

150    En effet, à ce point de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas exigé qu’une irrégularité porte nécessairement sur une condition afférente à l’éligibilité, mais s’est limité à répondre à l’argumentation de la République hellénique tirée de ce que les autorités compétentes de cet État membre avaient adopté des mesures d’exclusion aux fins de sanctionner des projets ne répondant pas aux conditions d’éligibilité.

151    Dès lors, le deuxième grief avancé à l’appui de cette branche doit être écarté.

152    En ce qui concerne le troisième grief, tiré d’une prétendue dénaturation du rapport de synthèse, il apparaît exact que le Tribunal fait état, au point 206 de l’arrêt attaqué, de deux cas de réduction de l’aide qui ne sont pas mentionnés dans ce rapport. Toutefois, ces cas ne sont évoqués à ce point de l’arrêt attaqué qu’à titre exemplatif, pour illustrer la mise en œuvre de la « politique de sanctions » de la République hellénique, sans que cette dernière remette en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle cet État ne procédait qu’à une réduction de l’aide sans appliquer de sanction.

153    S’agissant de la seconde branche du sixième moyen, tirée, en substance, de l’application rétroactive et par analogie de l’article 63 du règlement d’exécution no 809/2014 et visant les points 224 à 229 de l’arrêt attaqué, il convient de constater, que, aux points 216 à 221 de cet arrêt, le Tribunal a jugé, d’abord, que, conformément au document n° VI/5330/97, l’absence de sanction dans le cadre de la mesure 121 devait être traitée de manière analogue à une insuffisance portant sur un contrôle clé, ce qui justifierait l’application d’une correction forfaitaire d’au moins 5 %.

154    Ensuite, au point 222 de l’arrêt attaqué, au demeurant non contesté par la République hellénique, le Tribunal a expressément précisé que cette correction avait pour base légale l’article 52 du règlement no 1306/2013, qui a remplacé l’article 31 du règlement no 1290/2005.

155    Enfin, ce n’est qu’aux points 223 à 229 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a approuvé l’application par analogie de l’article 63 du règlement d’exécution no 809/2014, dans la mesure où cette disposition postérieure plus favorable à la République hellénique a conduit la Commission à réduire le montant de ladite correction.

156    Dès lors, l’argumentation avancée par la République hellénique procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que soutient cet État membre, le Tribunal, aux points 224 à 229 de l’arrêt attaqué, n’a pas fondé son raisonnement sur une base juridique non applicable en l’espèce.

157    En outre, il ne saurait être considéré que, en mentionnant, d’une part, au point 225 de l’arrêt attaqué, le principe de rétroactivité de la peine la plus douce, et, d’autre part, au point 226 de cet arrêt, le règlement no 2988/95, le Tribunal aurait substitué ce principe ou ce règlement à l’article 52 du règlement no 1306/2013 en tant que base juridique de la correction financière. Au contraire, ces références s’inscrivent dans la jurisprudence de la Cour selon laquelle, en tant que principe général du droit de l’Union, ledit principe a vocation à s’appliquer aux sanctions administratives plus douces (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2004, Gerken, C‑295/02, EU:C:2004:400, points 56 et 57 ; du 8 mars 2007, Campina, C‑45/06, EU:C:2007:154, points 32, 33 et 60, ainsi que du 11 mars 2008, Jager, C‑420/06, EU:C:2008:152, points 59 et 60).

158    Par conséquent, contrairement à ce que soutient la République hellénique, la motivation retenue par le Tribunal aux points 224 à 229 de l’arrêt attaqué n’est ni insuffisante ni erronée.

159    Partant, le sixième moyen du pourvoi doit être écarté comme étant, dans son ensemble, non fondé.

160    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premier et deuxième moyens devant être accueillis, il convient, d’une part, d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique portant sur les corrections forfaitaires de 25 % et de 10 % appliquées aux aides à la surface pour les pâturages au titre des années de demande 2012 et 2013 ainsi que la correction ponctuelle de 37 163 161,78 euros au titre de l’année de demande 2013, imposées par la décision litigieuse au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles et, d’autre part, de rejeter le pourvoi pour le surplus.

 Sur le recours devant le Tribunal

161    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

162    En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

163    Ainsi qu’il ressort du point 63 du présent arrêt, aux fins de déterminer si la surface concernée doit être qualifiée de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, le critère déterminant à prendre en considération n’est pas le type de végétation couvrant cette surface, mais bien l’utilisation effective de celle-ci pour une activité agricole typique des « pâturages permanents ».

164    Or, il y a lieu de constater que, s’agissant des aides à la surface pour l’année de demande 2012, la Commission a justifié, dans le rapport de synthèse, l’application d’un taux de correction forfaitaire de 25 % au regard d’un ensemble d’irrégularités portant sur la définition et le contrôle des pâturages permanents, qui, prises ensemble, lui ont permis de conclure que la mise en œuvre du système de contrôle qui devait garantir l’exactitude des dépenses était gravement déficiente et avait vraisemblablement entraîné des pertes extrêmement élevées pour le FEAGA.

165    Dans la mesure où, d’une part, la correction forfaitaire de 25 % était fondée sur un ensemble d’irrégularités, dont l’une procède cependant d’une interprétation erronée de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, et, d’autre part, que cette interprétation erronée a pu avoir une incidence sur l’appréciation de la Commission relative aux autres défaillances constatées par celle-ci, il appartient, dans ce contexte, à cette institution de procéder à une nouvelle appréciation d’ensemble pour vérifier que ce taux de correction demeure justifié.

166    S’agissant des aides à la surface pour l’année de demande 2013, la Commission a justifié, dans le rapport de synthèse, d’une part, l’application d’une correction ponctuelle d’un montant de 37 163 161,78 euros au regard d’un ensemble d’irrégularités, parmi lesquelles figuraient des faiblesses portant sur la définition des pâturages permanents et, d’autre part, l’application d’un taux de correction forfaitaire de 10 % en raison d’un ensemble d’irrégularités similaires, parmi lesquelles figurait également la définition des pâturages permanents. S’agissant de cette dernière correction forfaitaire, la Commission a toutefois considéré que le taux de 10 % était approprié compte tenu des irrégularités constatées pour l’année de demande 2013 ainsi que des efforts entrepris par la République hellénique au cours de cette année de demande afin d’améliorer la situation.

167    Il y a également lieu de considérer que, dans la mesure où, d’une part, les corrections visant l’année de demande 2013 étaient fondées sur un ensemble d’irrégularités, dont l’une procède d’une interprétation erronée de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, et, d’autre part, que cette interprétation erronée a pu avoir une incidence sur l’appréciation de la Commission relative aux autres défaillances constatées par celle-ci, il appartient, dans ce contexte, à cette institution de procéder à une nouvelle appréciation d’ensemble pour vérifier que la correction ponctuelle ainsi que le taux de correction forfaitaire de 10 % demeurent justifiés.

168    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le premier moyen du recours introduit devant le Tribunal par la République hellénique et, par conséquent, d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle impose les corrections forfaitaires de 25 % et de 10 % appliquées aux aides à la surface pour les pâturages au titre des années de demande 2012 et 2013 ainsi que la correction ponctuelle d’un montant de 37 163 161,78 euros appliquée au titre de l’année de demande 2013, au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles.

 Sur les dépens

169    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

170    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

171    La République hellénique et la Commission ayant chacune succombé sur un ou plusieurs chefs de demande, elles supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      Le point 1 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 octobre 2018, Grèce/Commission (T272/16, non publié, EU:T:2018:651), est annulé en tant que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique portant sur les corrections forfaitaires de 25 % et de 10 % appliquées aux aides à la surface pour les pâturages au titre des années de demande 2012 et 2013 ainsi que la correction ponctuelle de 37 163 161,78 euros au titre de l’année de demande 2013, imposées par la décision d’exécution (UE) 2016/417 de la Commission, du 17 mars 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles.

2)      Le point 2 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 octobre 2018, Grèce/Commission (T272/16, non publié, EU:T:2018:651), est annulé en tant qu’il a statué sur les dépens.

3)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

4)      La décision d’exécution 2016/417 est annulée en ce qu’elle impose à la République hellénique les corrections forfaitaires de 25 % et de 10 % appliquées aux aides à la surface pour les pâturages au titre des années de demande 2012 et 2013 ainsi que la correction ponctuelle d’un montant de 37 163 161,78 euros appliquée au titre de l’année de demande 2013, au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles.

5)      La République hellénique et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.