Language of document : ECLI:EU:T:2007:344

ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS

15 novembre 2007 (*)

« Référé – Décision du Parlement européen – Vérification des pouvoirs des élus – Invalidation d’un mandat parlementaire résultant de l’application du droit électoral national – Demande de sursis à exécution – Recevabilité – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑215/07 R,

Beniamino Donnici, demeurant à Castrolibero (Italie), représenté par Mes M. Sanino, G. M. Roberti, I. Perego et P. Salvatore, avocats,

partie requérante,

soutenu par

République italienne, représentée par M. I. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie intervenante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. Krück, N. Lorenz et A. Caiola, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Achille Occhetto, demeurant à Rome (Italie), représenté par Mes P. De Caterini et F. Paola, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision du Parlement européen du 24 mai 2007, sur la vérification des pouvoirs de Beniamino Donnici [2007/2121(REG)], jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au principal,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS,

remplaçant le président du Tribunal, conformément à l’article 106 du règlement de procédure et aux décisions de la conférence plénière du Tribunal des 5 juillet 2006, 6 juin et 19 septembre 2007,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Les articles 6 à 8, l’article 12 et l’article 13, paragraphe 3, de l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct (JO 1976, L 278, p. 5), tel qu’il a été modifié et renuméroté en dernier lieu par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO L 283, p. 1, ci-après l’« acte de 1976 »), prévoient :

« Article 6

1. Les membres du Parlement européen votent individuellement et personnellement. Ils ne peuvent être liés par des instructions ni recevoir de mandat impératif.

2. Les membres du Parlement européen bénéficient des privilèges et immunités qui leur sont applicables en vertu du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes.

Article 7

1. La qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de :

–        membre du gouvernement d’un État membre,

–        membre de la Commission des Communautés européennes,

–        juge, avocat général ou greffier de la Cour de justice des Communautés européennes ou du Tribunal de première instance,

–        membre du directoire de la Banque centrale européenne,

–        membre de la Cour des comptes des Communautés européennes,

–        médiateur des Communautés européennes,

–        membre du Comité économique et social de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique,

–        membre de comités ou organismes créés en vertu ou en application des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique en vue de l’administration de fonds communautaires ou d’une tâche permanente et directe de gestion administrative,

–        membre du conseil d’administration, du comité de direction ou employé de la Banque européenne d’investissement,

–        fonctionnaire ou agent en activité des institutions des Communautés européennes ou des organes ou organismes qui leur sont rattachés ou de la Banque centrale européenne.

2. À partir de l’élection au Parlement européen en 2004, la qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de membre d’un parlement national.

Par dérogation à cette règle et sans préjudice des dispositions du paragraphe 3 :

–        les membres du Parlement national irlandais élus au Parlement européen lors d’un scrutin ultérieur peuvent exercer concurremment les deux mandats jusqu’à la prochaine élection pour le Parlement national irlandais, moment auquel le premier alinéa du présent paragraphe est d’application,

–        les membres du Parlement national du Royaume-Uni qui sont aussi membres du Parlement européen pendant la période quinquennale précédant l’élection au Parlement européen en 2004 peuvent exercer concurremment les deux mandats jusqu’à l’élection de 2009 pour le Parlement européen, moment auquel le premier alinéa du présent paragraphe est d’application.

[…]

Article 8

Sous réserve des dispositions du présent acte, la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales.

Ces dispositions nationales, qui peuvent éventuellement tenir compte des particularités dans les États membres, ne doivent pas globalement porter atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin.

[...]

Article 12

Le Parlement européen vérifie les pouvoirs des membres du Parlement européen. À cet effet, il prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions du présent acte, à l’exclusion des dispositions auxquelles celui-ci renvoie.

Article 13

[…]

3. Lorsque la législation d’un État membre établit expressément la déchéance du mandat d’un membre du Parlement européen, son mandat expire en application des dispositions de cette législation. Les autorités nationales compétentes en informent le Parlement européen. »

2        L’article 3 et l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement intérieur du Parlement européen sont ainsi libellés :

« Article 3

Vérification des pouvoirs

1. À l’issue des élections au Parlement européen, le [p]résident invite les autorités compétentes des États membres à communiquer sans délai au Parlement les noms des députés élus, afin que l’ensemble de ceux-ci puissent siéger au Parlement dès l’ouverture de la première séance suivant les élections.

Le [p]résident attire en même temps l’attention de ces mêmes autorités sur les dispositions pertinentes de l’[acte de 1976] et les invite à prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la survenance de toute incompatibilité avec le mandat de député au Parlement européen.

2. Tout député dont l’élection est communiquée au Parlement est tenu de déclarer par écrit, avant de siéger au Parlement, qu’il n’exerce pas une fonction incompatible avec celle de député au Parlement européen, aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’[acte de 1976]. À l’issue d’une élection générale, cette déclaration doit être faite dans la mesure du possible six jours au plus tard avant la séance constitutive du Parlement. Aussi longtemps que ses pouvoirs n’ont pas été vérifiés ou qu’il n’a pas été statué sur une contestation éventuelle, tout député siège au Parlement et dans ses organes en pleine jouissance de ses droits, à la condition qu’il ait effectué au préalable la déclaration susmentionnée.

Dans le cas où des faits vérifiables à partir de sources accessibles au public permettent d’établir qu’un député exerce une fonction incompatible avec celle de député au Parlement européen, aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’[acte de 1976], le Parlement, sur la base des informations fournies par son [p]résident, constate la vacance.

3. Sur la base d’un rapport de sa commission compétente, le Parlement procède sans délai à la vérification des pouvoirs et statue sur la validité du mandat de chacun de ses membres nouvellement élus, ainsi que sur les contestations éventuelles présentées conformément aux dispositions de l’[acte de 1976], à l’exclusion de celles fondées sur les lois électorales nationales.

4. Le rapport de la commission compétente est fondé sur la communication officielle par chaque État membre de l’ensemble des résultats électoraux précisant le nom des candidats élus, ainsi que celui des remplaçants éventuels avec leur ordre de classement tel qu’il résulte du vote.

Le mandat d’un député ne pourra être validé qu’après que celui-ci a effectué les déclarations écrites exigées par le présent article ainsi que par l’annexe I du présent règlement.

Le Parlement, sur la base d’un rapport de sa commission compétente, peut à tout moment se prononcer sur toute contestation concernant la validité du mandat de l’un de ses membres.

5. Lorsque la nomination d’un député résulte du désistement de candidats figurant sur la même liste, la commission chargée de la vérification des pouvoirs veille à ce que ce désistement soit intervenu conformément à l’esprit et à la lettre de l’[acte de 1976], ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, du présent règlement.

6. La commission compétente veille à ce que toute information pouvant affecter l’exercice du mandat d’un député au Parlement européen ou l’ordre de classement des remplaçants soit communiquée sans délai au Parlement par les autorités des États membres ou de l’Union avec mention de la prise d’effet lorsqu’il s’agit d’une nomination.

Lorsque les autorités compétentes des États membres entament une procédure susceptible d’aboutir à la déchéance du mandat d’un député, le [p]résident leur demande à être régulièrement informé de l’état de la procédure. Il en saisit la commission compétente sur proposition de laquelle le Parlement peut se prononcer.

Article 4

Durée du mandat parlementaire

[…]

3. Tout député démissionnaire notifie sa démission au [p]résident, ainsi que la date à laquelle celle-ci prend effet, qui ne doit pas dépasser les trois mois suivant la notification ; cette notification prend la forme d’un procès-verbal rédigé en présence du secrétaire général ou de son représentant, signé par lui et le député concerné et soumis sans délai à la commission compétente qui l’inscrit à l’ordre du jour de sa première réunion suivant réception de ce document.

Si la commission compétente estime que la démission est incompatible avec l’esprit ou la lettre de l’[acte de 1976], elle en informe le Parlement, afin que celui-ci décide de constater ou non la vacance.

Dans le cas contraire, la constatation de la vacance intervient à compter de la date indiquée par le député démissionnaire dans le procès-verbal de démission. Il n’y a pas de vote du Parlement en la matière.

[...]

4. Lorsque l’autorité compétente d’un État membre notifie au [p]résident la fin du mandat d’un député au Parlement européen conformément à la législation de l’État membre en question, en raison soit d’incompatibilités au regard de l’article 7, paragraphe 3, de l’[acte de 1976], soit de la déchéance du mandat conformément à l’article 13, paragraphe 3, du même [a]cte, le [p]résident informe le Parlement du fait que le mandat a pris fin à la date notifiée par l’État membre et invite l’État membre à pourvoir le siège vacant sans délai.

Lorsque les autorités compétentes des États membres ou de l’Union ou le député concerné notifient au [p]résident une nomination ou une élection à des fonctions incompatibles avec l’exercice du mandat de député au Parlement européen, aux termes de l’article 7, paragraphe 1 ou 2, de l’[acte de 1976], le [p]résident en informe le Parlement qui constate la vacance. »

3        En outre, en vertu de l’article 9 du règlement intérieur du Parlement et de l’annexe I de celui-ci, les députés au Parlement sont tenus de déclarer avec précision leurs activités professionnelles ainsi que toute autre fonction ou activité rémunérée.

4        Les articles 2 et 30 de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), disposent :

« Article 2

1. Les députés sont libres et indépendants.

2. Les accords relatifs à une démission du mandat avant l’expiration ou à la fin d’une législature sont nuls et non avenus.

[...]

Article 30

Le présent statut entre en vigueur le premier jour de la législature du Parlement européen qui débute en 2009. »

5        Par ailleurs, le considérant 4 du statut des députés est ainsi libellé :

« La liberté et l’indépendance du député, qui sont consacrées à l’article 2, devraient être réglementées. Elles ne figurent dans aucun texte du droit primaire. Les déclarations par lesquelles des députés s’engagent à se démettre de leur mandat à un moment donné, ou les actes en blanc au sujet de la démission, qui peuvent être utilisés à loisir par tel ou tel parti, devraient être considérés comme incompatibles avec la liberté et l’indépendance du député, et ne devraient par conséquent avoir aucune force juridique contraignante. »

 Faits à l’origine du litige

6        Lors de l’élection des membres du Parlement européen qui a eu lieu les 12 et 13 juin 2004, Beniamino Donnici, le requérant, s’est porté candidat sur la liste commune « Società Civile – Di Pietro Occhetto », dans la circonscription de l’Italie méridionale. Cette liste a obtenu deux sièges, le premier dans cette circonscription et le second dans la circonscription–de l’Italie Nord-occidentale. M. A. Di Pietro, arrivé en tête dans les deux circonscriptions, a opté pour la circonscription de l’Italie méridionale.

7        M. A. Occhetto figurait en deuxième position sur les listes électorales compte tenu du nombre de votes obtenus dans les deux circonscriptions, celui-ci devançant le requérant dans la circonscription de l’Italie méridionale et M. G. Chiesa dans celle de l’Italie Nord-occidentale. M. Di Pietro ayant opté pour le siège de la circonscription de l’Italie méridionale, M. Occhetto aurait dû être proclamé élu dans la circonscription de l’Italie Nord-occidentale. Toutefois, par déclaration écrite, signée devant notaire le 6 juillet 2004 et parvenue le 7 juillet suivant à l’Ufficio elettorale nazionale per il Parlamento europeo presso la Corte di cassazione (Bureau électoral national pour le Parlement européen auprès de la Cour de cassation italienne, ci-après le « bureau électoral italien »), M. Occhetto, qui avait à l’époque un mandat au sénat italien, a « irrévocablement  » renoncé à l’obtention d’un mandat de parlementaire européen dans l’une et l’autre circonscription.

8        À la suite de cette renonciation, le bureau électoral italien a, le 12 novembre 2004, communiqué au Parlement les résultats officiels des élections européennes avec la liste des candidats élus et leurs remplaçants. Le bureau électoral italien a proclamé comme étant élus M. Chiesa dans la circonscription de l’Italie Nord-occidentale et M. Di Pietro dans celle de l’Italie méridionale, le requérant devenant le premier des non-élus dans cette dernière circonscription.

9        Lors des élections législatives des 9 et 10 avril 2006 en Italie, M. Di Pietro a été élu député au parlement italien et a opté en faveur de son mandat national, avec effet à compter du 28 avril 2006. Cette fonction étant, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de l’acte de 1976, incompatible avec la qualité de membre du Parlement, ce dernier a constaté, le 27 avril 2006, la vacance du siège en cause, avec effet le lendemain et en a informé la République italienne.

10      Par déclaration du 27 avril 2006, adressée au bureau électoral italien, M. Occhetto a révoqué sa renonciation du 7 juillet 2004, en exprimant « sa volonté de succéder, en tant que premier des non-élus de la circonscription [de l’Italie méridionale], à M. [Di] Pietro, de sorte qu’il y a[vait] lieu de tenir pour invalide, dépourvue d’effet et en toute hypothèse révoquée toute déclaration de volonté différente faite antérieurement […] et qu’il [fallait] en tout cas tenir compte à cet égard de la volonté exprimée à la date de la proclamation des élus ».

11      À la suite de cette déclaration, le bureau électoral italien a proclamé, le 8 mai 2006, M. Occhetto comme ayant été élu membre du Parlement.

12      Par son jugement du 21 juillet 2006, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) a rejeté comme étant non fondé le recours en annulation introduit par le requérant contre cette proclamation. En substance, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio a considéré que la renonciation de M. Occhetto, du 7 juillet 2004, relative à la proclamation des élus, ne valait pas renonciation à sa place dans l’ordre de classement postélectoral. Il a motivé sa décision en soulignant que le respect de la volonté populaire impose de considérer les résultats électoraux comme indisponibles et non modifiables, qu’une telle renonciation n’a pas d’effet sur l’adoption des éventuels actes de subrogation en cas d’incompatibilité, de déchéance, d’inéligibilité ou de renonciation à la nomination ou au mandat de la part des ayants droit, et que, par conséquent, le candidat qui a renoncé à l’élection a le droit, dès lors que sont réunies les conditions d’une subrogation, de retirer sa décision de renonciation pour occuper le siège à pourvoir par subrogation.

13      Le requérant a également contesté devant le Parlement la proclamation de M. Occhetto en tant que député européen à la place de M. Di Pietro. Cette contestation a été examinée par la commission des affaires juridiques du Parlement, lors de sa réunion du 21 juin 2006. Après avoir constaté que, conformément à l’article 12 de l’acte de 1976, cette contestation n’était pas recevable du fait qu’elle était fondée sur la loi électorale italienne, la commission des affaires juridiques a proposé, à l’unanimité, au Parlement la validation du mandat de M. Occhetto, avec effet au 8 mai 2006. Le 3 juillet 2006, le Parlement a ratifié le mandat de M. Occhetto.

14      Par arrêt définitif du 6 décembre 2006, ayant force de chose jugée, le Consiglio di Stato (Conseil d’État), a accueilli l’appel du requérant contre le jugement du Tribunale amministrativo regionale del Lazio susvisé, reformé ledit jugement et annulé la proclamation de M. Occhetto comme membre du Parlement, à laquelle avait procédé le bureau électoral italien, le 8 mai 2006. Le Consiglio di Stato a estimé, premièrement, que la distinction entre la renonciation à l’élection et la renonciation à la place dans l’ordre de classement était illogique, car l’élection est une conséquence de la place dans l’ordre de classement et la renonciation à l’élection implique que l’intéressé ne figure plus dans cet ordre de classement avec tous les effets qui en découlent. Le Consiglio di Stato a estimé, deuxièmement, qu’il était contradictoire de prétendre que la renonciation à l’élection est sans effet aux fins des subrogations et que le candidat qui renonce à un mandat de député européen a le droit de revenir sur sa renonciation, dès lors qu’il s’agit de procéder à un remplacement. Enfin, le Consiglio di Stato a estimé, troisièmement, que la renonciation à l’élection représentait une déclaration irrévocable, lorsque l’organe ou le bureau compétent, destinataire de la renonciation, en a pris acte, ce qui produit l’effet de modifier l’ordre de classement initial, établi par le bureau électoral.

15      Le 29 mars 2007, le bureau électoral italien a pris acte de l’arrêt du Consiglio di Stato susvisé et a proclamé l’élection du requérant comme membre du Parlement pour la circonscription de l’Italie méridionale, révoquant ainsi le mandat de M. Occhetto.

16      Cette proclamation ayant été communiquée au Parlement, ce dernier en a pris acte dans le procès-verbal de la session plénière du 23 avril 2007 dans les termes suivants :

« Les autorités italiennes compétentes ont communiqué que la proclamation de l’élection [de M. Occhetto] avait été annulée et que le siège ainsi devenu vacant avait été attribué [au requérant]. Le Parlement prend acte de ces décisions avec effet au 29.3.2007.

[…]

Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du [règlement intérieur du Parlement], tant que [ses] pouvoirs n’ont pas été vérifiés ou qu’il n’a pas été statué sur une contestation éventuelle, […] [le requérant] […] sièg[e] au Parlement européen et dans ses organes en pleine jouissance de [ses] droits, à la condition qu’[il] ai[t] effectué au préalable la déclaration qu’[il n’exerce] pas une fonction incompatible avec celle de député au Parlement européen. »

17      Entre-temps, par lettre du 5 avril 2007, laquelle a été complétée par une note du 14 avril suivant, M. Occhetto a soulevé une contestation et a demandé au Parlement de confirmer son mandat ainsi que de ne pas valider celui du requérant. Par décision du 24 mai 2007 (ci-après la « décision attaquée »), adoptée sur rapport de la commission des affaires juridiques du 22 mai 2007 (A6‑0198/2007), le Parlement a déclaré non valide le mandat de député au Parlement du requérant, dont l’élection a été communiquée par les autorités nationales compétentes, et a confirmé le mandat de M. Occhetto. Le Parlement a également chargé son président de transmettre cette décision à l’autorité nationale compétente ainsi qu’au requérant et à M. Occhetto.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 22 juin 2007, le requérant a formé, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

19      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, en vertu de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 242 CE, le requérant a introduit la présente demande en référé, visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée et à condamner le Parlement aux dépens de la présente procédure ou à réserver la décision sur ce point.

20      Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 8 juillet 2007, le Parlement conclut, à titre principal, au rejet de la demande en référé comme étant irrecevable, à titre subsidiaire, au rejet de cette demande comme étant non fondée et, enfin, à la condamnation du requérant aux dépens.

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2007, M. Occhetto a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement.

22      Les parties principales ont présenté leurs observations sur cette demande dans les délais impartis.

23      Par ordonnance du 13 juillet 2007, le juge des référés a admis l’intervention de M. Occhetto et l’a invité à déposer un mémoire en intervention.

24      Dans son mémoire en intervention, déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2007, M. Occhetto conclut au rejet de la demande en référé et à la condamnation du requérant aux dépens ou à ce que toute décision soit réservée sur ce point.

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2007, la République italienne a demandé à intervenir dans la présente procédure, au soutien des conclusions du requérant. La République italienne a été invitée à présenter ses observations lors de l’audition, la décision sur son admission ayant été réservée.

26      Les parties ont été entendues en leurs explications orales lors d’une audition qui s’est tenue le 12 septembre 2007.

27      Lors de l’audition, les parties ont été invitées à présenter oralement leurs observations sur la demande en intervention de la République italienne. Les parties n’ont pas soulevé d’objections à cet égard. Dans ces conditions et compte tenu de l’article 40, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de son article 53, premier alinéa, le juge des référés a admis l’intervention de la République italienne, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audition.

28      La République italienne, dans ses observations orales présentées lors de l’audition, a conclu à ce qu’il soit fait droit à la demande en référé.

29      Lors de l’audition, le juge des référés a décidé de verser au dossier de l’affaire, d’une part, un extrait du procès-verbal de la session plénière du Parlement, du 23 avril 2007, reproduisant le point 10 de celui-ci et, d’autre part, une copie du deuxième rapport de la commission de vérification des pouvoirs du Parlement, du 7 janvier 1983. Les parties n’ont pas soulevé d’objections à cet égard.

 En droit

30      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. À cet effet, il tient compte des conditions prévues par l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, telles que précisées par la jurisprudence.

31      Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnances du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 41, et du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73 ; ordonnance du président du Tribunal du 16 février 2007, Hongrie/Commission, T‑310/06 R, non publiée au Recueil, point 19).

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

32      Le Parlement fait valoir que la présente demande est irrecevable. Selon le Parlement, la décision attaquée comporterait seulement un point susceptible d’être exécuté, à savoir l’instruction donnée au président du Parlement de transmettre cette décision aux organes et personnes concernés. En ce qui concerne le requérant, le dispositif de la décision attaquée aurait un contenu négatif inexécutable, dès lors qu’il se limiterait simplement à déclarer son mandat non valide. Or, le sursis à l’exécution de la décision attaquée ne pourrait pas se transformer en acte positif, à savoir en décision validant le mandat du requérant. En effet, selon la jurisprudence, en principe, une demande de sursis à exécution ne se conçoit pas contre une décision administrative négative, l’octroi d’un tel sursis ne pouvant avoir pour effet de modifier la situation du requérant (ordonnance du président de la Cour du 21 février 2002, Front national et Martinez/Parlement, C‑486/01 P‑R et C‑488/01 P‑R, Rec. p. I‑1843, point 73 ; ordonnance du président Tribunal du 12 mai 2006, Gollnisch/Parlement, T‑42/06 R, non publiée au Recueil, point 30), et n’ayant pas, de ce fait, d’utilité pratique pour lui (ordonnances du président du Tribunal du 2 juillet 2004, Bactria/Commission, T‑76/04 R, Rec. p. II‑2025, point 52, et Gollnisch/Parlement, précitée, points 36 et 37).

 Appréciation du juge des référés

33      Il a été itérativement jugé que, en principe, une demande de sursis à l’exécution d’une décision administrative négative ne se conçoit pas, l’octroi d’un tel sursis ne pouvant avoir pour effet de modifier la situation du requérant [ordonnances du président de la Cour du 30 avril 1997, Moccia Irme/Commission, C‑89/97 P(R), Rec. p. I‑2327, point 45, et Front national et Martinez/Parlement, point 32 supra, point 73 ; ordonnances du président du Tribunal du 11 juillet 2002, Lormines/Commission, T‑107/01 R et T‑175/01 R, Rec. p. II‑3193, point 48 ; du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 62, et Gollnisch/Parlement, point 32 supra, point 30].

34      Dans ce contexte, constitue une décision négative une décision refusant l’adoption de la mesure sollicitée (voir, en ce sens, ordonnance Lormines/Commission, point 33 supra, point 48).

35      En l’espèce, la qualification, par le Parlement, de la décision attaquée d’acte négatif ne paraît pas correcte. Cette décision procède, en effet, à la vérification des pouvoirs du requérant en tant que membre du Parlement et, à la suite de cette vérification, déclare son mandat non valide. Dans le même temps, la décision attaquée valide le mandat de M. Occhetto, mettant ainsi fin à la situation provisoire favorable dont le requérant bénéficiait, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement, depuis le 29 mars 2007.

36      Or, ainsi que le Parlement lui-même l’admet (voir point 99 ci-après), l’octroi d’un sursis à l’exécution de la décision attaquée entraînera une modification de la situation juridique du requérant, dès lors qu’il aura pour effet de maintenir la situation provisoire et favorable susvisée, pendant laquelle il continuera de siéger au Parlement et dans ses organes avec la pleine jouissance de ses droits. Dans ces conditions, et contrairement à ce que fait valoir le Parlement, la décision attaquée ne saurait être qualifiée, en ce qui concerne le requérant, d’acte négatif au sens de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus.

37      Il s’ensuit que le requérant justifie à suffisance de droit d’un intérêt au sursis à exécution sollicité et que, partant, la présente demande doit être déclarée recevable.

 Sur le fumus boni juris

38      Le requérant indique que, dans son recours au principal, il avance deux moyens d’annulation de la décision attaquée. Par le premier moyen, il fait valoir, en substance, que, en adoptant la décision attaquée, le Parlement a méconnu les règles et principes qui déterminent sa compétence en matière de vérification des pouvoirs de ses membres. Par le second moyen, le requérant met en cause le caractère adéquat de la motivation de la décision attaquée.

39      Afin de déterminer si la condition relative au fumus boni juris est remplie en l’espèce, il y a lieu de procéder à un examen prima facie du bien-fondé des moyens de droit invoqués par le requérant à l’appui du recours principal et donc de vérifier si au moins l’un d’entre eux présente un tel caractère sérieux qu’il ne saurait être écarté dans le cadre de la présente procédure en référé [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 26 ; ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 132, et ordonnance du juge des référés du Tribunal du 28 septembre 2007, France/Commission, T‑257/07 R, non encore publiée au Recueil, point 59].

40      Le juge des référés estime qu’il convient de procéder, d’abord, à l’examen prima facie du bien-fondé de l’argumentation développée par le requérant dans le cadre de son premier moyen.

 Arguments des parties

41      Le requérant, soutenu par la République italienne, avance que les actes nationaux relatifs aux mandats de membres du Parlement relèvent, conformément à l’article 190, paragraphe 4, CE et à l’article 8 de l’acte de 1976, de la compétence des États membres et sont adoptés selon les normes, procédures et garanties prescrites par l’ordre juridique interne desdits États. En matière de vérification des pouvoirs, le Parlement devrait, conformément à l’article 12 de l’acte de 1976, se limiter à prendre acte des décisions prises au niveau national et ne saurait remettre en cause la proclamation des résultats électoraux et l’attribution du mandat à un élu, en tant qu’ils constituent l’expression des prérogatives des autorités nationales, reconnues à ces dernières par les dispositions communautaires. La vérification du respect de la procédure prévue par le droit national, la validité des règles nationales, notamment celles régissant les renonciations à l’élection, ainsi que le respect des droits fondamentaux des intéressés appartiendraient exclusivement aux juridictions nationales compétentes ou, si elle est saisie, à la Cour européenne des droits de l’homme et non au Parlement.

42      Les précédentes considérations seraient corroborées par la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Le Pen/Parlement, T‑353/00, Rec. p. II‑1729, points 92 et 93, et arrêt de la Cour du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, C‑208/03 P, Rec. p. I‑6051, point 51), qui aurait confirmé « l’absence totale de compétence du Parlement s’agissant d’une vacance de siège résultant de l’application de dispositions nationales » et par la pratique du Parlement lui-même, telle qu’elle ressortirait tant de la décision du Parlement, du 3 juillet 2006, ayant rejeté la contestation du requérant comme irrecevable, que du rapport de la commission des affaires juridiques du Parlement, du 26 novembre 2004 (A6-0043/2004) sur la vérification des pouvoirs. En effet, ce dernier rapport établirait une distinction entre les contestations portant sur des dispositions spécifiques de l’acte de 1976 et celles portant sur la législation nationale, lesquelles auraient été rejetées comme irrecevables.

43      En outre, le requérant estime comme dépourvues de pertinence les autres dispositions évoquées par la commission des affaires juridiques du Parlement, dans son rapport du 22 mai 2007 (A6-0198/2007), sur la vérification des pouvoirs du requérant et, plus particulièrement, celle de l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement, qui renvoie à l’article 4, paragraphe 3, de celui-ci.

44      D’une part, en l’espèce, il serait question de la vérification des pouvoirs, au sens de l’article 12 de l’acte de 1976, d’un nouvel élu et non d’une vacance de siège, à laquelle s’appliquerait l’article 4, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement. En tout état de cause, l’acte de 1976 distinguerait clairement entre les vacances résultant d’une démission, seules visées par cette dernière disposition, et les causes de déchéance régies par l’ordre juridique national, dont le Parlement se limiterait à prendre acte, conformément à l’article 13 dudit acte. En l’occurrence, la vacance du siège occupé par M. Occhetto et son remplacement par le requérant seraient la conséquence directe de la communication du bureau électoral italien, du 29 mars 2007, par laquelle celui-ci a informé le Parlement de l’annulation, devenue définitive, de la proclamation de M. Occhetto en tant que remplaçant de M. Di Pietro ainsi que de la proclamation du requérant en tant que député dans la circonscription de l’Italie méridionale. Ce serait pour cette raison que le Parlement aurait dû s’en remettre aux décisions prises au niveau national sans vérifier ni si la renonciation de M. Occhetto était conforme à l’acte de 1976 ni si elle l’était avec les conditions formelles de l’article 4, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

45      D’autre part, la référence faite « à l’esprit et à la lettre » de l’acte de 1976, figurant à l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement, ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle permettrait au Parlement de procéder au réexamen des décisions prises par les autorités nationales, puisque l’article 12 de l’acte de 1976 énoncerait clairement que le Parlement « prend acte » de la proclamation officielle de résultats des élections, faite par les autorités nationales. Une interprétation contraire de l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement impliquerait inévitablement son invalidité, dès lors qu’il introduirait une dérogation incompatible avec les dispositions de l’acte de 1976.

46      Par ailleurs, même lu en combinaison avec l’article 6 de l’acte de 1976, l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement ne saurait être invoqué par le Parlement pour remettre en cause la proclamation faite par l’autorité nationale compétente. Premièrement, l’article 6 de l’acte de 1976 concernerait uniquement l’exercice par les membres du Parlement régulièrement élus de leur mandat et ne s’appliquerait pas à l’élection d’un membre du Parlement, laquelle constituerait une question située en amont. Deuxièmement et en toute hypothèse, cette disposition ne permettrait pas d’affirmer l’invalidité d’actes ou de décisions prises par les candidats, y compris dans le cadre d’accords de nature politique, tel que le désistement irrévocable d’un candidat, emportant renonciation à un mandat parlementaire. Cela serait confirmé par les termes de la résolution du Parlement sur les contestations de la validité des mandats parlementaires en rapport avec le « système du tourniquet » (JO 1983, C 68, p. 31) et par ceux du deuxième rapport de la commission de vérification des pouvoirs, du 7 janvier 1983, mentionnée dans cette résolution. Pour ce qui est de l’article 2 du statut des députés, contrairement à ce que relève la décision attaquée, il s’agirait d’une disposition entièrement nouvelle, ainsi qu’il ressortirait du considérant 4 dudit statut, et, en tout état de cause, inapplicable au cas d’espèce.

47      Enfin, le requérant estime que la décision attaquée viole le principe d’autorité de la chose jugée, dans la mesure où elle priverait d’effet l’arrêt du Consiglio di Stato, qui aurait acquis une telle autorité. Le requérant invoque, à cet égard, l’arrêt de la Cour du 30 novembre 2003 (Köbler, C‑224/01, Rec. p. I‑10239, points 38 et 39), lequel exclut, selon lui, toute possibilité d’écarter l’autorité de la chose jugée, même en cas de violation du droit communautaire, celui-ci laissant seulement ouverte la possibilité de revendiquer devant le juge national, sous certaines conditions, la réparation par l’État du dommage éventuellement subi.

48      En premier lieu, le Parlement relève que la compétence que lui confère la première phrase de l’article 12 de l’acte de 1976 constitue la partie centrale de cette disposition. La capacité du Parlement de vérifier les pouvoirs de ses membres consisterait à vérifier si l’acte de nomination transmis par les autorités nationales sur la base de l’application du droit électoral national respecte les principes de l’acte de 1976. Tel serait le sens de cette procédure, ainsi qu’il ressortirait du rapport de la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités du Parlement, sur la modification des articles 7 et 8 du règlement intérieur du Parlement, concernant la vérification des pouvoirs et la durée du mandat parlementaire (A3-0166/94) et correspondant, respectivement, aux articles 3 et 4 du règlement intérieur du Parlement actuellement en vigueur.

49      Par conséquent, lorsque, comme en l’espèce, le Parlement constate que la désignation, par l’autorité nationale compétente, d’un membre du Parlement est contraire au droit communautaire, il ne saurait valider ce mandat, et ce même dans le cas où l’acte national en question a été adopté de manière définitive par un organe juridictionnel suprême de l’État membre concerné. En définitive, dans un tel cas, le Parlement disposerait de la compétence pour vérifier le respect des principes et des normes communautaires susmentionnés, afin d’assurer la primauté du droit communautaire en rendant inapplicables les actes de droit national contraires à celui-ci. Le Parlement ne saurait se limiter, dans un tel cas, à attirer l’attention de la Commission sur une éventuelle violation de l’acte de 1976, puisque cela impliquerait l’obligation pour le Parlement d’adopter une décision relative à la vérification des pouvoirs qui serait incompatible avec l’acte de 1976, à savoir, en l’occurrence, la confirmation du mandat du requérant, en violation de l’article 6 dudit acte.

50      En deuxième lieu, le Parlement soutient que la décision attaquée est conforme à l’article 6 de l’acte de 1976. Selon le Parlement, le système italien pour l’élection des membres du Parlement européen permet la présentation de candidatures dans plusieurs circonscriptions électorales. Cette possibilité pourrait inciter les candidats à conclure des accords sur le futur mandat parlementaire éventuellement obtenu après les élections. Or, de tels accords non seulement ignoreraient la volonté populaire exprimée lors des élections, mais aussi limiteraient l’exercice par les candidats élus de leur mandat parlementaire. Il appartiendrait alors au Parlement de veiller au respect du droit communautaire et d’éviter que des illégalités éventuelles ne se répercutent sur les actes adoptés par lui.

51      En l’espèce, le Parlement aurait constaté une violation de l’article 6 de l’acte de 1976 par les autorités italiennes. En effet, le principe du libre mandat parlementaire, consacré par cette disposition, serait incompatible avec la reconnaissance d’une quelconque valeur juridique des accords sur l’exécution du mandat parlementaire. Ce serait donc à juste titre que l’arrêt du Tribunale amministrativio regionale del Lazio aurait considéré que la renonciation de M. Occhetto n’aurait jamais pu concerner sa candidature. En revanche, l’arrêt rendu en sens contraire par le Consiglio di Stato aurait méconnu la portée du principe du libre mandat.

52      En troisième lieu, le Parlement considère que l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement est une disposition pertinente pour la vérification des pouvoirs du requérant, puisque sa désignation en tant que membre du Parlement découlerait de la prise en considération, par les autorités italiennes compétentes, de la validité de la renonciation de M. Occhetto exprimée le 7 juillet 2004. Or, à partir du moment où le Parlement a validé un mandat parlementaire, comme celui de M. Occhetto, en juillet 2006, il lui incomberait de vérifier, dans le cas où ce député serait révoqué par les autorités nationales, si cette révocation respecte les principes énoncés dans l’acte de 1976. Contrairement à ce que prétendrait le requérant, il ne s’agirait pas d’un cas de déchéance de mandat parlementaire, survenue en application du droit national et dont le Parlement devrait seulement prendre acte. Si tel était le cas, la décision du Parlement, du 3 juillet 2006, concernant la validité du mandat de M. Occhetto, n’aurait pas de valeur juridique. En effet, une telle limitation du pouvoir du Parlement, dans une telle situation, priverait de tout effet utile le pouvoir de contrôle que lui confère expressément l’article 12 de l’acte de 1976 et serait manifestement incompatible avec les règles d’interprétation du droit communautaire. Pour cette raison, l’exception d’illégalité formulée par le requérant à l’encontre de l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement devrait être rejetée, ledit article étant conforme aux articles 6 et 12 de l’acte de 1976.

53      La résolution du Parlement sur les contestations de la validité des mandats parlementaires en rapport avec le « système de tourniquet » (voir point 46 ci-dessus) ne saurait remettre en cause les précédentes considérations, le Parlement ayant également adopté, dans cette résolution, une position confirmant le respect du principe du libre mandat, consacré à l’article 6 de l’acte de 1976. Dans la décision attaquée, le Parlement n’aurait pas non plus violé le principe d’autorité de la chose jugée, puisque, au point O des considérants de celle-ci, il aurait constaté que l’arrêt du Consiglio di Stato avait cette autorité.

54      En dernier lieu, le Parlement considère que c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, il s’est inspiré du statut des députés. Ce statut serait un acte adopté par le législateur communautaire depuis 2005, même s’il n’entrera en vigueur qu’en 2009. L’interprétation de l’article 6 de l’acte de 1976 devrait donc tenir compte de l’opinion déjà exprimée par le législateur communautaire. En outre, il existerait une obligation des États membres de ne pas adopter des dispositions nationales contraires à une disposition du droit communautaire déjà adoptée, même si cette dernière n’est pas encore entrée en vigueur.

55      M. Occhetto affirme que sa renonciation à l’élection, déposée auprès du bureau électoral italien le 7 juillet 2004 (voir point 7 ci-dessus), est intervenue à la suite d’un accord électoral, portant sur la répartition des sièges obtenus aux élections européennes par la liste commune « Società Civile – Di Pietro Occhetto » et passé entre les chefs de file des deux composantes de cette liste, à savoir entre lui et M. Di Pietro. Cela ressortirait, d’ailleurs, des affirmations avancées par le requérant et par M. Di Pietro, dans le cadre d’un recours en indemnité, introduit devant le Tribunale civile di Roma (tribunal civil de Rome) contre M. Occhetto et visant à la réparation du préjudice qu’ils auraient prétendument subi du fait de la révocation par M. Occhetto de sa renonciation à la nomination en tant que membre du Parlement. M. Occhetto aurait formé, dans le cadre de la même procédure, une demande reconventionnelle, concluant à la nullité absolue de sa renonciation qui résulterait d’un accord selon lui illicite et, partant, nul.

56      M. Occhetto précise que, en exécution de l’accord susvisé, il a signé devant notaire, le 6 juillet 2004, quatre renonciations à la nomination en tant que député, dont celle déposée auprès des autorités italiennes compétentes le lendemain. Ces documents auraient permis à M. Di Pietro, élu dans les deux circonscriptions concernées, de devenir « maître » et « arbitre » des effets de ses pouvoirs d’option, celui-ci contrôlant la répartition du second siège assigné à la liste commune en cause.

57      Or, selon M. Occhetto, l’accord en question, destiné à modifier l’ordre de classement des candidats dans la liste concernée, tel qu’il résultait des votes des électeurs, serait illicite et nul. Par conséquent, toute renonciation, en exécution d’un tel accord, serait également nulle. En outre, une telle renonciation contreviendrait à l’article 3 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, selon lequel les États contractants sont obligés d’organiser des élections libres « dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif », ainsi qu’à l’article 4 de l’acte de 1976. Par ailleurs, une telle renonciation violerait non seulement les « droits électoraux passifs » de M. Occhetto, mais également les « droits électoraux actifs » des électeurs qui ont voté pour lui.

58      M. Occhetto expose que l’argument tiré de la nullité absolue de sa renonciation, en tant que résultant d’un accord illicite, n’a pas été invoqué devant les juridictions administratives italiennes, puisqu’il ne pouvait pas faire l’objet d’un examen par elles. Le système juridictionnel italien prévoirait une répartition des compétences entre les juridictions administratives et les juridictions ordinaires, et le Consiglio di Stato, étant une juridiction administrative, ne pourrait pas connaître de la question de la nullité de la renonciation à l’élection de M. Occhetto, laquelle relèverait de la compétence des juridictions civiles italiennes.

59      Ce serait donc à bon droit que le Parlement a adopté la décision attaquée, dans l’exercice de ses propres prérogatives, reconnues par l’acte de 1976 et par le règlement intérieur du Parlement. En effet, il incomberait, en définitive, au Parlement de s’assurer que les procédures nationales sont conformes aux principes fondamentaux d’une démocratie constitutionnelle.

60      À cet égard, il ressortirait des dispositions de l’acte de 1976 et de la CEDH que le classement des candidats à l’élection par nombre de vote est intangible et ne peut être modifié par des actes de volonté de nature privée. Dès lors, le seul moment auquel les autorités compétentes en matière électorale pourraient tenir compte d’une éventuelle renonciation du candidat classé en première position serait celui de l’ouverture de la procédure de proclamation des élus, le candidat concerné ayant la faculté de révoquer une éventuelle renonciation faite antérieurement ou, le cas échéant, de la confirmer, même tacitement. Nier au candidat concerné cette faculté, ainsi que l’a fait le Consiglio di Stato dans son arrêt (voir point 14 ci-dessus), impliquerait que la renonciation ne fût pas révocable même dans le cas où elle résulterait de vices de consentement ou de marchandages et d’escroqueries politiques ou électorales.

61      L’arrêt susvisé du Consiglio di Stato aurait donc violé la CEDH et M. Occhetto aurait introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme à la suite de cet arrêt.

62      Enfin, M. Occhetto estime que la résolution du Parlement sur les contestations de la validité des mandats parlementaires en rapport avec le « système de tourniquet », évoquée par le requérant (voir point 46 ci-dessus), n’est pas pertinente, puisqu’il s’agirait, dans le cas d’espèce, de faits intervenus à l’intérieur d’un même parti politique et non, comme en l’espèce, à l’intérieur d’une liste électorale rassemblant des formations politiques différentes. Par ailleurs, il n’aurait été question ni d’un accord contractuel ni d’une pression quelconque exercée sur un candidat, mais d’un simple choix visant à garantir la représentativité diffuse et égale des éléments composant le parti concerné, sans exclure les droits de représentation d’aucun candidat, en partant du principe que c’était le même projet politique qui avait été exprimé.

63      Pour ces raisons, M. Occhetto estime que la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris n’est pas remplie en l’espèce.

 Appréciation du juge des référés

64      À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, CE et à l’article 189, premier alinéa, CE, le Parlement exerce les pouvoirs et agit dans les limites des attributions qui lui sont conférés par les traités.

65      L’article 190, paragraphe 4, CE prévoit que le Parlement élabore un projet en vue de permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à ces derniers, et que le Conseil, statuant à l’unanimité, après avis conforme du Parlement, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent, arrête les dispositions dont il recommande l’adoption par lesdits États, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

66      Ces dispositions ont été arrêtées par l’acte de 1976, dont l’article 8, premier alinéa, énonce que, sous réserve des dispositions dudit acte, la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales. Dès lors, conformément à cet article, la procédure électorale pour l’élection des membres du Parlement qui a eu lieu les 12 et 13 juin 2004 restait régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales pertinentes, en l’occurrence la loi italienne n° 18, du 24 janvier 1979, relative aux élections des représentants italiens au Parlement européen (GURI n° 29, du 30 janvier 1979, p. 947).

67      Afin de préciser le cadre dans lequel s’inscrit le présent litige, il convient de rappeler que la loi italienne n° 18 offre la possibilité de présenter simultanément sa candidature dans plusieurs circonscriptions électorales. C’est ainsi que M. Di Pietro a pu se porter candidat sur la liste commune « Società Civile – Di Pietro Occhetto », à la fois dans la circonscription de l’Italie méridionale et dans celle de l’Italie Nord-occidentale. Ainsi qu’il a déjà été relevé, la liste en cause a obtenu deux sièges, soit un siège dans chacune de ces deux circonscriptions. M. Di Pietro, arrivé en tête dans les deux circonscriptions, a opté, le 6 juillet 2004, pour le siège de la circonscription de l’Italie méridionale et M. Occhetto – qui avait également à l’époque un mandat de parlementaire national – a, « irrévocablement » et par devant notaire, renoncé, le même jour, à l’obtention d’un mandat de parlementaire européen dans l’une et l’autre circonscriptions.

68      C’est à la suite de cette évolution que, le 12 novembre 2004, le bureau électoral italien a transmis au Parlement les résultats officiels des élections européennes avec la liste des candidats élus et leurs remplaçants. Le bureau électoral italien a proclamé élus M. Chiesa dans la circonscription de l’Italie Nord-occidentale et M. Di Pietro dans la circonscription de l’Italie méridionale, le requérant devenant le premier des non-élus dans cette dernière circonscription. M. Occhetto ne figurait pas sur la liste en cause.

69      Toutefois, M. Di Pietro, après avoir été élu au parlement italien lors des élections des 9 et 10 avril 2006 et opté en faveur d’un mandat national, a laissé vacant son siège au Parlement. Ayant révoqué sa renonciation, M. Occhetto a vu son élection proclamée par le bureau électoral italien au titre de la circonscription de l’Italie méridionale. Cette proclamation a fait l’objet d’un contentieux devant les juridictions italiennes compétentes dans le cadre duquel a été évoquée et débattue la renonciation de M. Occhetto et qui s’est achevé par la proclamation officielle de l’élection du requérant, communiquée au Parlement par le bureau électoral italien le 29 mars 2007.

70      Le présent litige s’inscrit donc dans le cadre d’une vérification des pouvoirs du requérant par le Parlement opérée en application de l’article 12 de l’acte de 1976 et à la suite de la contestation soulevée par M. Occhetto, en vertu du même article, qui constitue la base juridique de la compétence du Parlement en la matière.

71      Il résulte du libellé de l’article 12 de l’acte de 1976 que le Parlement ne dispose d’aucune compétence de principe pour veiller au respect par les États membres du droit communautaire, que ce soit de manière générale ou plus particulièrement dans le domaine électoral. Au contraire, les termes de cette disposition révèlent que le pouvoir de vérification dont dispose le Parlement apparaît, à tout le moins à première vue, restreint.

72      Si le Parlement affirme à juste titre, au point P des considérants de la décision attaquée, que c’est à lui et, à lui seul, qu’il appartient de vérifier les pouvoirs de ses membres, il omet de mentionner la seconde phrase de l’article 12 de l’acte de 1976, laquelle est indissociable de la première, en ce qu’elle vient expliciter celle-ci, par l’introduction d’une double limite au pouvoir de vérification dont dispose le Parlement.

73      D’une part, le Parlement, à cet effet, « prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres ».

74      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 8 de l’acte de 1976, « la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales », sous réserve des dispositions de l’acte de 1976. Dès lors, si les États membres sont tenus de respecter les dispositions de l’acte de 1976 en ce qu’elles prévoient certaines modalités électorales, il n’en reste pas moins que c’est à eux qu’appartient, en définitive, la tâche d’organiser, selon la procédure fixée par leurs dispositions nationales, les élections et, dans ce cadre, de procéder également au dépouillement des votes et à la proclamation officielle des résultats électoraux.

75      L’exercice consistant à « prendre acte » desdits résultats semble signifier que le rôle du Parlement se limite à prendre acte de la constatation, déjà faite par les autorités nationales, des personnes élues, à savoir d’une situation juridique préexistante et résultant exclusivement d’une décision de ces autorités, ce qui met en relief l’absence totale de marge d’appréciation du Parlement en la matière. Il paraît donc exclu que le Parlement puisse, dans ce contexte, remettre en cause la régularité même de l’acte national concerné et refuser d’en prendre acte, s’il estime être en présence d’une irrégularité (voir, à propos d’un cas où le Parlement a pris acte d’une déchéance de siège prononcée par l’autorité nationale compétente, arrêt du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, point 42 supra, points 49 et 56, et arrêt du 10 avril 2003, Le Pen/Parlement, point 42 supra, points 90 à 92).

76      D’autre part, la compétence particulière du Parlement pour trancher les contestations soulevées à l’occasion de la vérification des pouvoirs est également limitée ratione materiae aux seules contestations « qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions [de l’acte de 1976], à l’exclusion des dispositions nationales auxquelles celui-ci renvoie ».

77      Or, il apparaît, à tout le moins à première vue, que le Parlement a méconnu la portée de l’article 6 de l’acte de 1976, en le mettant en œuvre dans une situation qui ne relève pas de son champ d’application. En effet, cet article vise les seuls membres du Parlement, qui doivent pouvoir exercer leurs prérogatives de façon indépendante, et non les candidats élus dont les pouvoirs n’ont pas encore été vérifiés par le Parlement, conformément à l’article 12 de l’acte de 1976. La validation du mandat d’une telle personne par le Parlement, dans le cadre de la procédure de vérification de ses pouvoirs, constitue une condition préalable et indispensable pour que l’article 6 de l’acte de 1976 devienne applicable à son égard.

78      L’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, dernière phrase, du règlement intérieur du Parlement ne paraît pas susceptible de remettre en cause cette conclusion. Cette disposition permet à un candidat élu, mais dont les pouvoirs n’ont pas encore fait l’objet d’une vérification, de siéger au Parlement en tant que député et en pleine jouissance de ses droits, y compris ceux découlant de l’article 6 de l’acte de 1976, mais uniquement à titre temporaire et sans préjudice de la décision ultérieure du Parlement sur la vérification de ses pouvoirs.

79      Il convient d’observer, toutefois, que la motivation de la décision attaquée révèle une volonté du Parlement d’assimiler la situation d’un candidat élu à celle d’un membre du Parlement, et ce d’après une lecture de l’article 6 de l’acte de 1976 réalisée à partir des termes de l’article 2 du statut des députés, lequel n’entre en vigueur qu’en 2009 et prévoit que les députés sont libres et indépendants (paragraphe 1) et que les accords relatifs à une démission du mandat avant l’expiration ou la fin d’une législature sont nuls et non avenus (paragraphe 2) (voir le point F des considérants de la décision attaquée).

80      Le Parlement estime ainsi, au point K des considérants de la décision attaquée, que « la portée juridique de l’article 6 de l’acte [de 1976] fait également rentrer dans son champ d’application les candidats qui figurent officiellement dans l’ordre de classement postélectoral, et ce dans l’intérêt du Parlement […], sachant que de tels candidats composent potentiellement [le] Parlement ».

81      Outre le fait que M. Occhetto ne figurait précisément pas dans l’ordre de classement postélectoral des candidats établi par les autorités italiennes après les élections de juin 2004, il est possible de considérer, prima facie, que l’affirmation susmentionnée du Parlement procède d’une interprétation contra legem de l’article 6 de l’acte de 1976 qui ne peut être retenue.

82      La problématique soulevée par la contestation de M. Occhetto ne concerne, a priori, en rien l’exercice effectif de son mandat par un parlementaire mais relève d’une situation qui se situe en amont, celle-ci tenant à la régularité de la proclamation officielle de l’élection d’un candidat par les autorités nationales compétentes. Cette situation et les litiges qui y sont afférents relèvent de la réglementation électorale nationale ainsi que des autorités administratives et juridictionnelles nationales compétentes.

83      Il importe de souligner que c’est précisément dans ce sens que le Parlement a adopté sa décision du 3 juillet 2006, qu’il n’a pas mentionnée dans la décision attaquée et dans laquelle, en application de l’article 12 de l’acte de 1976, il a considéré que la contestation du requérant, faisant suite à la proclamation officielle de l’élection de M. Occhetto rétabli préalablement dans sa position de premier non-élu dans la circonscription de l’Italie méridionale, n’était pas recevable du fait qu’elle était fondée sur la loi électorale italienne.

84      Dans ces circonstances, l’allégation du requérant selon laquelle le Parlement a, en adoptant la décision attaquée, violé l’article 12 de l’acte de 1976 n’apparaît pas dépourvue de tout fondement.

85      Cette conclusion ne semble pas pouvoir être infirmée par les termes de l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement, expressément visé au point C des considérants de la décision attaquée. La référence à cette disposition ne saurait, à première vue, permettre au Parlement de modifier le domaine de compétence en matière des pouvoirs de ses membres que lui reconnaît l’article 12 de l’acte de 1976.

86      En effet, une disposition du règlement intérieur du Parlement ne saurait, conformément au principe de hiérarchie des normes, permettre de déroger aux dispositions de l’acte de 1976 et conférer au Parlement des compétences plus étendues que celles qu’il tient de celui-ci (arrêt du 10 avril 2003, Le Pen/Parlement, point 42 supra, point 93). Si donc c’est ainsi que l’on devait comprendre l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement, elle serait, ainsi que le relève à juste titre le requérant, illégale.

87      Le Parlement propose une autre lecture de l’article 3, paragraphe 5, de son règlement intérieur, selon laquelle, « à partir du moment où le Parlement européen a validé un mandat parlementaire, comme celui de M. Occhetto survenu en juillet 2006, il lui incombe[rait] de vérifier – au cas où ce député serait révoqué par les autorités nationales sur la base d’une démission déclarée par le député européen en question, comme ce fut le cas dans la communication [du bureau électoral italien] du 29 mars 2007 –, si la révocation respect[ait] les principes énoncés dans l’acte de 1976 ».

88      À cet égard, il suffit de constater que le requérant n’a pas été nommé député à la suite de la démission du « député » M. Occhetto.

89      L’argument du Parlement selon lequel, en substance, une interprétation du pouvoir de vérification prévu à l’article 12 de l’acte de 1976 autre que celle figurant dans la décision attaquée aurait pour effet de priver cette disposition de tout effet utile ne paraît pas fondé. En effet, il est constant que le Parlement a toute compétence pour se prononcer, dans le cadre de l’article 12 de l’acte de 1976, sur la situation d’un candidat élu possédant une des qualités incompatibles avec celle du membre du Parlement, telles qu’elles sont énumérées à l’article 7 de l’acte de 1976. 

90      Pour ce qui est de l’argument du Parlement, tiré de ce que sa décision sur la vérification des pouvoirs serait elle-même entachée d’une illégalité si elle était fondée sur un acte national illégal, en l’occurrence l’acte national par lequel il a été procédé à la proclamation officielle des résultats électoraux, il ne paraît pas non plus fondé.

91      En effet, selon la jurisprudence, lorsque, comme en l’espèce, un acte national s’intègre dans le cadre d’un processus de décision communautaire et, de par la répartition des compétences opérée dans le domaine considéré, lie l’instance communautaire de décision et détermine, par conséquent, les termes de la décision communautaire à intervenir, les irrégularités dont cet acte national est éventuellement entaché ne peuvent, en aucun cas, affecter la validité de la décision de l’instance communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C‑97/91, Rec. p. I‑6313, points 10 à 12, et ordonnance du président du Tribunal du 21 mai 2007, Kronberger/Parlement, T‑18/07 R, non publiée au Recueil, points 38 à 40).

92      Dès lors, les éventuelles irrégularités dont serait entachée la proclamation officielle des résultats électoraux par l’autorité nationale compétente en la matière ne sauraient aucunement affecter la légalité de la décision du Parlement sur la vérification des pouvoirs des élus.

93      À cet égard, il importe de rappeler qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer, le cas échéant après renvoi préjudiciel à la Cour, au sens de l’article 234 CE, sur la légalité des dispositions et procédures électorales nationales (voir, en ce sens, ordonnance Kronberger/Parlement, point 91 supra, point 41).

94      En l’espèce, un tel contrôle juridictionnel a effectivement eu lieu devant les juridictions italiennes compétentes, en vertu de la loi italienne n° 18. En effet, d’abord le Tribunale amministrativo regionale del Lazio et, ensuite, le Consiglio di Stato ont statué sur la légalité de la procédure électorale italienne, qui a conduit à la proclamation du requérant comme député élu au Parlement. Si ces juridictions italiennes n’ont pas procédé à un renvoi préjudiciel à la Cour dans le cadre de cette procédure, cela paraît tenir au fait que les questions soulevées devant elles ne portaient pas sur l’interprétation du droit communautaire, mais sur le droit national et, plus particulièrement, sur la validité de la renonciation initiale à l’élection de M. Occhetto ainsi que de la révocation ultérieure de cette renonciation.

95      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’argumentation du requérant relative à l’incompétence du Parlement pour adopter la décision attaquée présente un caractère sérieux et ne saurait être écartée sans un examen plus approfondi, qu’il appartient uniquement au juge du fond d’effectuer. Partant, il y a lieu de constater que la condition relative au fumus boni juris est satisfaite en l’espèce, et ce sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments avancés par le requérant.

 Sur l’urgence et la mise en balance des intérêts

 Arguments des parties

96      Le requérant fait valoir que le rejet de la présente demande lui causera un préjudice grave et irréparable, dans la mesure où la décision attaquée l’a privé de son mandat au Parlement européen et l’a, par conséquent, empêché d’assumer les tâches qui lui ont été confiées par les électeurs. La réalisation de ce préjudice aurait déjà commencé, le nom et le profil du requérant ayant disparu du site Internet du Parlement. Le Tribunal aurait déjà admis qu’un tel préjudice était irréparable et que, dans un tel cas, la condition relative à l’urgence était satisfaite (ordonnance du président du Tribunal du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, T‑353/00 R, Rec. p. II‑125, points 96 à 98).

97      Quant à la mise en balance des intérêts en cause, le requérant soutient que le juge des référés doit, en suivant la même approche que celle des ordonnances du président du Tribunal du 25 novembre 1999 (Martinez et de Gaulle/Parlement, T‑222/99 R, Rec. p. II‑3397, point 80), et du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra (points 101 et 103), accorder la priorité à l’intérêt spécifique du requérant, privé par la décision attaquée de la possibilité d’exercer le mandat qui lui avait été légitimement confié. Cet intérêt coïnciderait, par ailleurs, tant avec l’intérêt général du Parlement quant au respect de sa composition légitime et conforme aux normes et procédures du droit national applicable qu’avec les intérêts de l’État membre concerné quant au respect de ses compétences en matière électorale et des décisions définitives prononcées par ses organes juridictionnels (voir, s’agissant de ce dernier intérêt, ordonnance du président de la Cour du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement, C‑208/03 P‑R, Rec. p. I‑7939, point 108).

98      Le Parlement estime que le requérant n’a pas démontré l’existence d’une urgence. L’argument selon lequel la décision attaquée aurait privé le requérant du mandat dont il a été investi par ses électeurs ne saurait être retenu, dès lors que M. Occhetto avait précédé le requérant sur la liste électorale. Selon le Parlement, dans le cas d’un mandat parlementaire, l’urgence ne peut pas être appréciée uniquement en relation avec les droits des élus, mais doit l’être également en relation avec les droits des électeurs. Par ailleurs, M. Occhetto aurait déjà exercé son mandat pendant plus d’un an.

99      Le Parlement estime également qu’une mise en balance des intérêts des parties au litige ne se conclurait pas au bénéfice du requérant. En l’espèce, il ne s’agirait pas de la continuation provisoire du mandat d’un membre du Parlement, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra. Le requérant chercherait plutôt à obtenir le maintien de la situation provisoire dont il bénéficiait en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement depuis le 29 mars 2007 et à laquelle la décision attaquée a mis fin. Or, cette situation du requérant serait plus fragile que celle du requérant dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra, qui chercherait à maintenir un mandat définitivement validé par le Parlement.

100    En outre, le sursis à l’exécution de la décision attaquée comporterait des conséquences juridiques non seulement pour le Parlement, mais également pour M. Occhetto, puisqu’il interférerait avec l’exercice de son mandat, définitivement validé par le Parlement dans sa décision du 3 juillet 2006. Dans ces conditions, le Parlement estime que l’octroi du sursis à exécution sollicité entraînerait un préjudice très grave pour l’intérêt public. S’agissant d’une question relative aux principes fondamentaux régissant le mandat d’un membre du Parlement, seul l’arrêt au fond pourrait conduire à une modification de la situation actuelle et il ne saurait être admis que les intérêts du requérant puissent prévaloir, puisque, dans le meilleur des cas, celui-ci ne disposerait que d’un fumus boni juris en sa faveur.

101    M. Occhetto fait valoir que seule une appréciation du litige sur le fond pourrait conduire à une nouvelle rotation dans les fonctions parlementaires, une première alternance ayant déjà eu lieu du fait de la proclamation du requérant, le 29 mars 2007. Puisque M. Occhetto exercerait ses fonctions parlementaires depuis sa proclamation le 8 mai 2006 et serait également président de la délégation du Parlement pour les relations avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), une éventuelle interruption de l’exercice de ses fonctions parlementaires lui causerait un préjudice irréparable et porterait atteinte au fonctionnement même du Parlement. Dès lors, les arguments du requérant relatifs à l’urgence seraient dépourvus de fondement.

102    En tout état de cause, compte tenu du fait que M. Occhetto a obtenu un plus grand nombre de voix que le requérant, il semblerait tout à fait inopportun, dans le cadre de la mise en balance des intérêts en présence, de faire droit à la présente demande en référé, sur la base d’une appréciation qui, par la force des choses, ne serait que sommaire.

 Appréciation du juge des référés

103    Selon la jurisprudence constante, la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Pour atteindre cet objectif, il faut que les mesures sollicitées soient urgentes, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elles soient prononcées et sortent leurs effets dès avant la décision au principal [ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), Rec. p. I‑1857, point 62 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 juillet 1999, Giulietti/Commission, T‑167/99 R, RecFP p. I‑A‑139 et II‑751, point 29, et Martinez et de Gaulle/Parlement, point 97 supra, point 79].

104    En l’espèce, étant donné que la durée du mandat d’un membre du Parlement est limitée à cinq ans et que la déclaration comme non valide du mandat du requérant résultant de la décision attaquée rend impossible la poursuite de l’exercice de sa fonction de député européen, il apparaît clairement que, au cas où l’acte attaqué serait annulé par le juge du fond, le préjudice subi par le requérant, s’il n’est pas sursis à l’exécution de cet acte, serait irréparable (voir, en ce sens, ordonnances du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement, point 97 supra, point 102, et du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra, point 96).

105    Ce préjudice a commencé à se réaliser, puisqu’il ressort clairement du dossier et des écritures du Parlement que, après l’adoption de la décision attaquée, celui-ci considère M. Occhetto comme étant le député occupant le siège en cause au titre de la circonscription de l’Italie méridionale et non le requérant.

106    À ce stade de l’appréciation, il incombe encore au juge des référés de mettre en balance les intérêts en présence. Il est constant que le préjudice grave et irréparable, critère de l’urgence, constitue par ailleurs le premier terme de la comparaison effectuée dans le cadre de l’appréciation de la balance des intérêts. Plus particulièrement, cette comparaison doit conduire le juge des référés à examiner si l’annulation éventuelle de l’acte litigieux par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet au cas où le recours au fond serait rejeté (voir ordonnance du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement, point 97 supra, point 106, et la jurisprudence citée).

107    En l’espèce, la déclaration comme non valide du mandat parlementaire du requérant est effective depuis le 24 mai 2007, avec toutes les conséquences défavorables qui en ont découlé pour lui. Par ailleurs, plus le requérant demeurera dans l’impossibilité d’exercer son mandat, dont il reste moins de deux ans à courir, plus le préjudice subi, par nature irréversible, deviendra important (voir, en ce sens, ordonnance du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra, point 102). Il ne saurait, en effet, être exclu qu’un éventuel arrêt sur le fond, favorable au requérant, intervienne à une date postérieure à l’expiration de la législature, à un moment où le préjudice allégué par le requérant – à savoir la privation de son statut de membre du Parlement – se serait réalisé de manière irréversible (voir, en ce sens, ordonnance du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement point 97 supra, point 107).

108    Toutefois, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra (point 105), en l’espèce, il y a lieu de tenir compte également de l’intérêt de M. Occhetto à l’exécution de la décision attaquée, qui implique le maintien du mandat de ce dernier. En effet, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer un préjudice irréversible au requérant, inversement, le même risque existe pour M. Occhetto en cas d’admission de la présente demande, compte tenu de la probabilité qu’un éventuel arrêt rejetant le recours n’intervienne qu’après l’écoulement de la plus grande partie, voire de l’ensemble, du reste de son mandat. Par ailleurs, M. Occhetto ayant, avant sa renonciation du 7 juillet 2004, précédé le requérant sur la liste des élus, l’intérêt de ce dernier ne saurait en aucun cas être qualifié d’antérieur ou prééminent.

109    Dans une telle situation d’égalité entre les intérêts spécifiques et immédiats respectifs du requérant et de M. Occhetto, les intérêts plus généraux qui plaident soit pour l’octroi du sursis à exécution sollicité soit pour son refus revêtent une importance particulière.

110    Or, il est incontestable que l’État membre concerné, en l’occurrence la République italienne, possède un intérêt à voir sa législation en matière électorale respectée par le Parlement (voir, en ce sens, ordonnances du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement, point 97 supra, point 108, et du 26 janvier 2001, Le Pen/Parlement, point 96 supra, point 104). On pourrait, certes, opposer à cet intérêt l’intérêt général du Parlement au maintien de ses décisions (voir, en ce sens, ordonnance du 26 janvier 2001, Le Pen Parlement, point 96 supra, point 99). Toutefois, ce dernier intérêt ne saurait l’emporter dans la mise en balance des intérêts en présence.

111    À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que le caractère plus ou moins sérieux des moyens invoqués pour établir un fumus boni juris peut être pris en considération par le juge des référés lors de son évaluation de l’urgence et, le cas échéant, de la mise en balance des intérêts (voir ordonnance du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement, point 97 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

112    En l’espèce, il ressort des considérations exposées aux points 64 à 95 ci-dessus que les arguments avancés par le requérant à l’appui du fumus boni juris apparaissent, au vu des éléments dont dispose le juge des référés, comme étant solides et comme présentant un caractère sérieux.

113    Ensuite, à supposer même que le Parlement puisse se prévaloir de son pouvoir d’ignorer les résultats électoraux communiqués par l’État membre concerné lorsque ces résultats lui paraissent contraires aux dispositions de l’acte de 1976, il n’en demeure pas moins qu’un tel pouvoir ne saurait être exercé que dans des cas rares et, par conséquent, exceptionnels, dès lors que l’on peut légitimement supposer que, en règle générale, les États membres se conformeront à leur obligation, découlant de l’article 10 CE, d’adapter leur droit électoral aux exigences de l’acte de 1976.

114    Il serait, dès lors, disproportionné de laisser la décision attaquée produire des effets irréversibles alors que l’existence d’un tel cas exceptionnel justifiant son adoption est sérieusement contestée devant le juge communautaire.

115    Enfin, la circonstance que M. Occhetto a pu exercer son mandat de député à compter du 28 avril 2006, jusqu’à la proclamation du bureau électoral italien, du 29 mars 2007, et, de nouveau, à partir de l’adoption de la décision attaquée, à savoir à compter du 24 mai 2007, soit pour une période de plus d’un an, doit également être prise en considération aux fins de la balance des intérêts (voir, par analogie, ordonnance du 31 juillet 2003, Le Pen/Parlement, point 97 supra, point 109).

116    Il résulte de tout ce qui précède que, les conditions d’octroi du sursis à l’exécution de la décision attaquée étant réunies, il y a lieu de faire droit à la demande du requérant.

Par ces motifs,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de la décision du Parlement européen du 24 mai 2007, sur la vérification des pouvoirs de Beniamino Donnici [2007/2121(REG)].

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 novembre 2007.

Le greffier

 

      Le juge

E. Coulon

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : l’italien