Language of document : ECLI:EU:T:2007:226

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 juillet 2007 (*)

« Clause compromissoire – Contrat concernant le projet de développement d’une technologie pour la production de cuirs imperméables – Remboursement de sommes avancées – Intérêts – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑312/05,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent, assisté de Me D. Nikopoulos, avocat,

partie requérante,

contre

Efrosyni Alexiadou, demeurant à Thessalonique (Grèce),

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé par la Commission en vertu de l’article 238 CE en vue d’obtenir le remboursement d’une avance que cette dernière avait consentie à la défenderesse dans le cadre d’un contrat concernant le projet de développement d’une technologie destinée à la production de cuirs imperméables (contrat G1ST-CT-2002-50227),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 juillet 2002, la Communauté européenne, représentée par la Commission, a conclu le contrat G1ST-CT-2002-50227 (ci-après le « contrat ») avec un consortium comprenant la société italienne Sicerp en qualité de coordonnateur (ci-après le « coordonnateur »), et neuf autres contractants, parmi lesquels figure l’entreprise Alexiadou Efrosyni (ALEX), établie à Thessalonique (Grèce), représentée par Mme Alexiadou (ci-après la « défenderesse »).

2        Le contrat prévoit la mise en œuvre du projet « Cold plasma treatment of new, high quality water repellent leathers : innovative, eco-friendly technology to enhance the product performances and the competitiveness of the European tanneries » (Traitement au plasma froid de nouveaux cuirs imperméables de haute qualité : technologie innovante et non polluante pour accroître les performances du produit et la compétitivité des tanneries européennes, ci-après le « projet ») et s’inscrit dans le cadre de la décision 1999/169/CE du Conseil, du 25 janvier 1999, arrêtant un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration dans le domaine « Croissance compétitive et durable » (1998-2002) (JO L 64, p. 40), qui lui-même relève du cinquième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998-2002), établi par la décision n° 182/1999/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 décembre 1998 (JO 1999, L 26, p. 1).

3        Le contrat est rédigé en anglais et, en vertu de son article 5, paragraphe 1, est régi par le droit belge. Il comporte deux annexes qui en font partie intégrante. L’annexe I concerne la description technique du projet et l’annexe II les conditions générales gouvernant le contrat (ci-après les « conditions générales »).

4        L’article 5, paragraphe 2, du contrat contient une clause compromissoire au sens de l’article 238 CE, rédigée comme suit :

« Le Tribunal de première instance des Communautés européennes et, en cas de pourvoi, la Cour de justice des Communautés européennes sont seuls compétents pour connaître des litiges entre la Communauté, d’une part, et les contractants, d’autre part, relatifs à la validité, à l’application et à l’interprétation du présent contrat. »

5        S’agissant de la contribution financière de la Communauté, l’article 3 des conditions générales stipule :

« 1. La contribution financière de la Communauté doit être versée en conformité avec les principes suivants :

a)       Une avance initiale doit être versée par la Commission dans les 60 premiers jours suivant la date de la dernière signature des parties contractantes. Le coordonnateur distribue cette avance en conformité avec les indications contenues dans le relevé détaillé indicatif des dépenses remboursables.

[…]

3. Sous réserve de l’article 26 de cette annexe, tous les paiements doivent être considérés comme des avances jusqu’à l’approbation du rapport final.

[…]

5. Après la date d’expiration du contrat, ou de la résiliation du contrat ou de la fin de participation d’un contractant, la Commission peut ou doit, selon le cas, quand une fraude ou une irrégularité financière grave a été découverte à l’occasion d’un audit financier, demander au contractant le remboursement de toutes les sommes qui lui ont été payées au titre de la contribution financière de la Communauté. Des intérêts au taux fixé par la [Banque centrale européenne] pour ses principales opérations de refinancement au premier jour du mois de la réception des fonds par le contractant, majoré de 2 points de pourcentage, couvrant la période entre la réception des fonds et leur remboursement, seront ajoutés aux sommes dues. »

6        L’article 7, paragraphe 8, des conditions générales stipule :

[…]

En dépit de la résiliation du contrat, ou de la fin de participation du cocontractant, les clauses suivantes continuent à produire leurs effets après cette date, sous réserve des limites qui peuvent y être précisées :

–        articles 5, 6 et 8 de ce contrat,

[…] »

7        En application de l’article 3 du contrat, le total des coûts éligibles du projet était fixé à 1 665 513 euros et le montant total de la participation financière de la Communauté à 832 362 euros. La Commission devait verser une avance initiale de 332 944 euros sur le compte en banque du coordonnateur, à charge pour ce dernier de la distribuer entre les différents contractants selon les indications contenues dans le relevé détaillé indicatif des dépenses remboursables inclus dans le contrat.

8        Il découle du relevé détaillé indicatif des dépenses remboursables que les coûts éligibles de la défenderesse étaient estimés à 61 105 euros. La participation totale de la Communauté était limitée à 3 000 euros. Le versement d’une avance de 1 200 euros était prévu.

9        Le 13 septembre 2002, le coordonnateur a déposé, à titre d’avance, sur le compte de la défenderesse la somme de 23 036,31 euros avec la communication suivante : « acompte projet plasmaleather G1ST CT 2002/50227 ».

10      Le 30 septembre 2002, la défenderesse a écrit à l’entreprise Unic Servizi, chargée d’assister le coordonnateur dans la gestion administrative du projet, pour l’informer qu’elle avait cessé sa production d’articles en cuir et qu’elle avait l’intention de se retirer du projet.

11      Par lettres du 4 et du 25 novembre 2002, le coordonnateur a tenté, sans succès, d’obtenir le remboursement de l’avance versée.

12      Par lettre du 13 décembre 2002 adressée à l’entreprise Unic Servizi, la société Elkede, participant au projet en tant qu’exécutant du programme de recherche et de développement technologique, a rendu compte d’une conversation téléphonique qu’elle aurait eue avec la défenderesse concernant le remboursement des sommes avancées et en concluait qu’une action judiciaire devait être entreprise.

13      Par lettre du 17 décembre 2002, le coordonnateur a informé la Commission de l’intention de la défenderesse de ne plus participer au projet, ainsi que de ses tentatives infructueuses de recouvrement de l’avance versée.

14      Le 20 décembre 2002, la Commission a adressé à la défenderesse l’ordre de recouvrement numéro S12.276983 d’un montant de 23 036,31 euros correspondant à l’avance versée. L’ordre de recouvrement se référait au « retrait » de la défenderesse.

15      Le 13 janvier 2003, la Commission a émis la note de débit numéro 3240409847 d’un montant de 23 036,31 euros à charge de la défenderesse, l’invitant à opérer le versement le 28 février 2003 au plus tard et mentionnant le paiement d’intérêt de retard à compter de cette date.

16      Le 13 mai 2003, par lettre recommandée, la Commission a adressé un rappel à la défenderesse concernant la dette litigieuse. Cette lettre a été renvoyée à la Commission par les services postaux grecs, avec la mention « non réclamée ».

17      Le 26 juin 2003, par lettre recommandée, la Commission a adressé un second rappel à la défenderesse concernant la dette litigieuse et les intérêts y afférents. Cette lettre a également été renvoyée à la Commission par les services postaux grecs, avec la mention « non réclamée ».

18      Le 27 novembre 2003, le dossier de la défenderesse a été transmis au service juridique de la Commission.

 Procédure

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 août 2005, la Commission a introduit le présent recours.

20      La défenderesse, après avoir reçu notification de la requête, n’a pas déposé de mémoire en défense dans le délai qui lui était imparti. Le 10 février 2006, la Commission a demandé au Tribunal de lui adjuger le bénéfice de ses conclusions, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le greffe a signifié cette demande à la défenderesse.

21      Le Tribunal doit, dès lors, statuer par défaut. La recevabilité du recours ne faisant aucun doute et les formalités ayant été régulièrement accomplies, il lui appartient, conformément à l’article 122, paragraphe 2, du règlement de procédure, de vérifier si les conclusions de la requérante paraissent fondées.

22      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a été invitée à répondre à des questions écrites du Tribunal et celle-ci a déféré à cette demande dans le délai imparti.

23      Le Tribunal considère qu’il dispose d’éléments suffisants pour rendre un arrêt par défaut, sans qu’il y ait lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Conclusions de la Commission

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la défenderesse à verser à la Commission le montant de 26 068,11 euros, qui correspond à la dette de 23 036,31 euros de capital et à 3 031,80 euros d’intérêts de retard pour la période allant du 1er mars 2003 au 31 août 2005 ;

–        condamner la défenderesse à verser à la Commission des intérêts d’un montant de 3,31 euros par jour, à compter du 1er septembre 2005, jusqu’au remboursement intégral de la dette ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

 En droit

 Arguments de la Commission

25      La Commission se réfère à l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales, en soulignant que cette clause devrait être interprétée en liaison avec les autres clauses du contrat et de ses annexes, ainsi qu’à la lumière des principes de bonne foi et de bonne pratique commerciale qui font partie du droit belge applicable au litige. La Commission soutient également que sa demande équivaut à exercer ses droits contractuels et légaux, au vu du comportement illégal et non conforme au contrat de la défenderesse.

26      Elle en déduit que dès lors qu’il est prouvé que la défenderesse, d’une part, n’a participé à aucune activité de recherche dans le cadre de ce projet et, d’autre part, n’a pas utilisé le montant de l’avance litigieuse pour effectuer une quelconque activité de recherche dans le cadre dudit projet, celle-ci retient illégalement, et en violation du contrat, l’avance de 23 036,31 euros.

27      En outre, des intérêts de retard seraient dus depuis la date d’arrivée à échéance de la note de débit adressée à la défenderesse le 13 janvier 2002, soit le 28 février 2003, au taux de 5,25 %.

 Appréciation du Tribunal

28      Les litiges nés lors de l’exécution d’un contrat doivent être tranchés en principe sur la base des clauses contractuelles (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 16 mai 2001, Toditec/Commission, T‑68/99, Rec. p. II‑1443, point 77, et du 15 mars 2005, GEF/Commission, T‑29/02, Rec. p. II‑835, point 108).

29      Ainsi, l’interprétation du contrat au regard des dispositions du droit belge ne se justifie qu’en cas de doute sur le contenu du contrat ou la signification de certaines de ses clauses. Or, c’est lors de l’analyse au fond qu’il pourra être déterminé si et, le cas échéant, dans quelle mesure, il est nécessaire de se référer à certaines dispositions du droit belge afin d’apprécier la portée des obligations pesant sur les parties en l’espèce. Partant, il y a lieu de procéder à l’appréciation du bien-fondé de la requête de la Commission à la lumière des seules stipulations contractuelles et de ne recourir au droit belge que si ces stipulations ne permettent pas de trancher le litige.

30      Il ressort du dossier qu’un paiement de 23 036,31 euros a été effectué par le coordonnateur sur le compte en banque de la défenderesse le 13 septembre 2002. Le coordonnateur agissait en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous e), du contrat, qui l’oblige à répartir dans un délai de 30 jours l’avance versée par la Commission entre les participants au projet. Interrogée par le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, sur l’écart existant entre la somme de 23 036,31 euros effectivement reçue par la défenderesse et la somme de 1 200 euros qui devait lui être versée à titre d’avance, en application du relevé détaillé indicatif des dépenses remboursables inclus dans le contrat, la Commission a répondu que cette différence s’expliquait par le fait que la défenderesse, en tant que partie contractante, pouvait aussi percevoir des sommes à reverser à des sous‑traitants intervenant dans le projet.

31      Conformément à l’article 3, paragraphe 3, des conditions générales, tous les paiements effectués par la Commission sont considérés comme des avances jusqu’à l’approbation du rapport final.

32      La Commission fonde sa demande de remboursement sur l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales. Elle souligne, en outre, que sa demande s’inscrit dans l’exercice de ses droits contractuels et légaux.

33      En premier lieu, s’agissant de l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales, il y a lieu de souligner que cette clause n’est applicable que si deux conditions cumulatives sont réunies, tenant, d’une part, à l’expiration du contrat, la résiliation du contrat ou la fin de la participation d’un contractant et, d’autre part, à l’exercice d’un audit financier laissant apparaître l’existence d’une fraude ou d’une irrégularité financière grave. En ce qui concerne la seconde condition, la Commission, interrogée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, admet ne pas avoir effectué d’audit financier, considérant que l’absence de toute déclaration de dépense de la part de la défenderesse rendait le recours à cette mesure de contrôle sans objet.

34      Toutefois, il ressort de la lecture de l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales que le recours à un audit financier n’est pas une faculté laissée à la discrétion de la Commission, mais une condition préalable à l’utilisation de cette clause pour fonder un droit au remboursement de sommes versées à un cocontractant. Par conséquent, et sans qu’il soit nécessaire de vérifier si la première condition énoncée par l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales est remplie, il y a lieu de constater que cette clause n’est pas applicable en l’espèce.

35      L’interprétation de l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales en liaison avec les autres clauses du contrat et de ses annexes ne permet pas d’infirmer cette conclusion. Au contraire, il résulte de cette interprétation que l’objectif même de cette clause est de fonder une obligation de remboursement en cas d’irrégularité financière ou de fraude apparue à l’occasion d’un audit financier dès lors que d’autres clauses des conditions générales, et en particulier leur article 7, paragraphe 6, sous a), qui n’est pas invoqué, ont précisément pour objet de fonder une obligation de remboursement dans des hypothèses où une telle mesure de contrôle n’est pas nécessaire et, notamment, en cas de retrait d’un contractant.

36      Quant aux références opérées par la Commission aux principes de bonne foi et de bonne pratique commerciale relevant du droit belge applicable au contrat, elles sont inopérantes pour les raisons mentionnées aux points 28 et 29 ci-dessus, dès lors qu’aucun doute n’existe sur le sens de l’article 3, paragraphe 5, des conditions générales et qu’il n’y a, par conséquent, pas lieu de se référer au droit belge.

37      En second lieu, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel sa demande s’inscrirait dans l’exercice de ses droits contractuels et légaux, au vu du comportement illégal et non conforme au contrat de la défenderesse, il doit être rejeté comme irrecevable. En effet, une telle énonciation abstraite et qui ne saurait être interprétée comme une invocation de l’article 7, paragraphe 6, sous a), des conditions générales, ne correspond pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, en ce qu’elle n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, points 333 et 334).

38      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la demande de remboursement des sommes versées présentée par la Commission. Partant, il y a également lieu de rejeter la demande de paiement des intérêts y afférents.

 Sur les dépens

39      La Commission, ayant succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission supportera ses propres dépens.

Legal

Wiszniewska-Białecka

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le grec.