Language of document : ECLI:EU:T:2007:97

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

28 mars 2007 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement communautaire – Tomates et agrumes – Contrôles par échantillons – Force majeure »

Dans l’affaire T‑220/04,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme L. Fraguas Gadea et M. F. Díez Moreno, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. M. Nolin et Mme S. Pardo Quintillán, puis par MM. Nolin et F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2004/136/CE de la Commission, du 4 février 2004, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 40, p. 31),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 octobre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre réglementaire

 Réglementation relative au financement de la politique agricole commune

1        La réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune est constituée, en ce qui concerne les dépenses effectuées avant le 1er janvier 2000, par le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), et, en ce qui concerne les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000, par le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103).

2        Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 729/70 et du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles. L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 et l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999 précisent que sont financées au titre de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        Aux termes de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), ainsi qu’aux termes de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, la Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre. À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation, conformément à la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 182, p. 45). Les résultats de cette procédure font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

4        Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 et du règlement n° 1258/1999, les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, prévenir et poursuivre les irrégularités et récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

5        Le 8 décembre 1997, la Commission a adopté le document n° VI/5330/97, qui révise un précédent document n° VI/216/93 définissant les « orientations sur l’évaluation des conséquences financières lors de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »). Selon ces orientations, si des carences sont constatées dans le système de contrôle ou de gestion d’un État membre au cours d’une enquête, le fondement de la correction financière se trouve dans le manquement de l’État membre au respect des règles communautaires, avec les conséquences financières qui en découlent pour les dépenses communautaires.

6        Selon l’annexe 2 des orientations, des corrections financières doivent être appliquées lorsque la Commission constate que les États membres n’ont pas effectué les contrôles spécifiquement exigés par les règlements applicables ou, en tout état de cause, essentiels pour garantir la régularité de la dépense effectuée au titre de la section « Garantie » du FEOGA. Lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières, et donc le montant des pertes financières subies, ne peut être déterminé, la Commission applique des corrections forfaitaires en fonction de l’évaluation du risque auquel les fonds communautaires ont été exposés par suite de la carence du contrôle.

7        Ainsi, lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour prévenir les irrégularités, il convient, selon les orientations, d’appliquer une correction de l’ordre de 10 %. Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés, il convient d’appliquer une correction de l’ordre de 5 %. Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient d’appliquer une correction de l’ordre de 2 %. Dans des cas exceptionnels, il est possible de décider d’appliquer des pourcentages de correction plus élevés.

8        Enfin, selon les orientations, la correction doit être appliquée à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Ainsi, lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée.

 Réglementation des aides à la production destinées aux transformateurs de tomates

9        Le règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29), a instauré un régime d’aide à la production pour les produits figurant en son annexe I, qui sont obtenus à partir de fruits et de légumes récoltés dans la Communauté.

10      Le règlement (CE) n° 504/97 de la Commission, du 19 mars 1997, portant modalités d’application du règlement nº 2201/96 en ce qui concerne le régime d’aide à la production dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 78, p. 14), constitue le régime applicable aux campagnes de commercialisation visées dans la présente affaire.

11      Selon le douzième considérant du règlement n° 504/97, « en vue d’assurer une application correcte du régime d’aide à la production, les transformateurs doivent être soumis à l’obligation de tenir à jour une documentation appropriée aux fins de toutes mesures d’inspection ou de contrôle jugées nécessaires ». Selon le treizième considérant de ce règlement, il est « nécessaire […] de renforcer les dispositions applicables en matière de contrôle en prévoyant que les vérifications opérées portent sur un nombre suffisamment représentatif de demandes d’aide ».

12      Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97 :

« 1.      Pour chaque campagne de commercialisation, les autorités compétentes vérifient les registres des transformateurs et procèdent par sondage à des contrôles sur place sur un nombre de demandes d’aide représentant au moins 25 % des quantités des produits finis en cause, pour vérifier notamment :

a)      si les produits finis qui peuvent faire l’objet d’une demande d’aide à la production respectent les normes de qualité applicables. Si, en définitive, l’analyse des échantillons officiellement prélevés donne des résultats qui diffèrent des résultats consignés dans le registre du transformateur et permet de conclure que les normes de qualité minimales communautaires n’ont pas été respectées, aucune aide n’est versée pour la transformation en cause ;

b)      si les quantités de matières premières utilisées pendant la transformation correspondent à celles indiquées dans la demande d’aide ;

c)      si le prix payé pour les matières premières utilisées pour transformer les produits visés [sous] a) est au moins égal au prix minimal fixé

et

d)      si les matières premières respectent les exigences établies en matière de qualité. »

13      Aux termes de l’article 15, paragraphe 5, du règlement n° 504/97, « [l]es États membres prennent toutes mesures utiles pour prévenir et réprimer les fraudes relatives au régime d’aide à la production et assurer l’application correcte de ce régime ».

14      À partir de la campagne 2001/2002, le règlement n° 504/97 a été remplacé par le règlement (CE) n° 449/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, portant modalités d’application du règlement nº 2201/96 en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 64, p. 16). Ainsi qu’il ressort des articles 18 et 19 du règlement n° 449/2001, les États membres sont tenus d’effectuer des contrôles pour chaque organisation de producteurs, pour chaque produit et pour chaque campagne.

 Réglementation des aides destinées aux producteurs de certains agrumes

15      Le règlement (CE) n° 2202/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, instituant un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes (JO L 297, p. 49), prévoit, en son article 1er, l’instauration d’un régime communautaire d’aide aux organisations de producteurs qui livrent à la transformation certains agrumes récoltés dans la Communauté, notamment les oranges.

16      Selon le troisième considérant du règlement n° 2202/96, « il apparaît opportun de mettre en œuvre ce régime dans le cadre de contrats conclus entre les transformateurs et les organisations de producteurs afin d’assurer, d’une part, un approvisionnement régulier des industries et, d’autre part, un contrôle efficace des produits à livrer ainsi que leur transformation effective par l’industrie ».

17      Aux termes de l’article 2 du règlement n° 2202/96, ledit régime est fondé sur des contrats liant, d’une part, les organisations de producteurs et, d’autre part, les transformateurs ou leurs associations ou unions.

18      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 2202/96, les montants de l’aide sont indiqués dans le tableau 1 de l’annexe du règlement. Toutefois, lorsque le contrat porte sur plusieurs campagnes de commercialisation et sur une quantité minimale d’agrumes, les montants de l’aide sont ceux qui sont indiqués dans le tableau 2 de l’annexe. Il ressort d’une comparaison des tableaux 1 et 2 de ladite annexe que les montants de l’aide indiqués dans le tableau 2 sont plus élevés que ceux indiqués dans le tableau 1.

19      Le règlement (CE) n° 1169/97 de la Commission, du 26 juin 1997, portant modalités d’application du règlement nº 2202/96 (JO L 169, p. 15), détermine notamment le type, la durée et le contenu des contrats à conclure entre les organisations de producteurs et les transformateurs.

20      Selon le cinquième considérant du règlement n° 1169/97, ces contrats doivent être conclus avant une date déterminée, « afin d’établir une programmation de la part des organisations de producteurs et d’assurer l’approvisionnement régulier des transformateurs », mais il convient néanmoins « d’autoriser les parties contractantes à modifier, par des avenants et dans une certaine limite, les quantités initialement prévues dans le contrat afin que ce régime atteigne un maximum d’efficacité ».

21      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1169/97, les contrats doivent porter sur :

a)      la totalité de la campagne en cause lorsqu’il s’agit de contrats de campagne ;

b)      au moins trois campagnes lorsqu’il s’agit de contrats pluriannuels, au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 2202/96.

22      Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement n° 1169/97, les contrats devaient comporter notamment la quantité de matières premières à livrer en vue de leur transformation, ventilée par campagne dans le cas de contrats pluriannuels, et le calendrier des livraisons aux transformateurs, par trimestre de livraison à partir du début de la campagne.

23      Dans sa version en vigueur pendant la campagne de commercialisation 1997/1998, l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1169/97 disposait :

« 2.      Pour les contrats de campagne, les quantités prévues dans le calendrier des livraisons visé à l’article 3, paragraphe 3, [sous] d) peuvent être modifiées par voie d’avenants écrits. Ces avenants […] sont conclus au plus tard le 15 du mois précédant le trimestre de livraison en cause. Pour chaque trimestre de livraison, les quantités à livrer fixées par ces avenants ne peuvent s’écarter de plus de 40 % des quantités initialement fixées dans le contrat pour ce trimestre […]

3.      Pour les contrats pluriannuels, les quantités prévues pour chaque campagne, visées à l’article 3, paragraphe 3, [sous] c), peuvent être modifiées par voie d’avenants écrits. Ces avenants […] sont conclus avant le 1er juin de la campagne en cause pour les citrons et avant le 1er novembre de la campagne en cause pour les autres produits. Pour chaque campagne, les quantités à livrer fixées par ces avenants ne peuvent s’écarter de plus de 40 % des quantités initialement fixées par le contrat pour cette campagne. Les quantités à livrer pour chaque période de livraisons sont adaptées en conséquence. »

24      À partir de la campagne 1998/1999, l’article 5 du règlement n° 1169/97 a été modifié par l’article 1er du règlement (CE) n° 1145/98 de la Commission, du 2 juin 1998, modifiant le règlement n° 1169/97 (JO L 159, p. 29). Selon le premier considérant de ce règlement, il convenait de rendre plus flexible la gestion du nouveau système instauré par le règlement n° 2202/96.

25      D’une part, pour les contrats de campagne, l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1169/97 a été modifié de façon à permettre la conclusion d’un avenant écrit à l’intérieur de chaque période de livraison.

26      D’autre part, pour les contrats pluriannuels, l’alinéa suivant a été ajouté à l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1169/97 :

« Les quantités à livrer pour chaque période de livraison pourront être reportées à la période suivante dans la limite maximale de 15 %, par voie d’un accord écrit entre les parties et pour autant que la quantité globale de la campagne en cause est respectée.

Cet accord est transmis par l’organisation de producteurs à l’[organisme désigné par l’État membre concerné], de telle sorte qu’il parvienne à cet organisme au plus tard quinze jours ouvrables avant la fin de la période en cause. »

27      À partir de la campagne 1999/2000, l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1169/97 a été modifié à nouveau par le règlement (CE) n° 1082/1999 de la Commission, du 26 mai 1999, modifiant le règlement n° 1169/97 (JO L 131, p. 24). En particulier, s’agissant de la possibilité de transferts dans le cadre des contrats pluriannuels, les deuxième et troisième alinéas de cette disposition ont été remplacés par le texte suivant :

« La quantité à livrer pour chaque période de livraison peut être soit reportée à la période suivante, soit avancée à la période précédente, dans la limite maximale de 25 % de la quantité en cause, par voie d’un seul accord écrit par période entre les parties et pour autant que la quantité globale de la campagne en cause soit respectée.

Cet accord est transmis par l’organisation de producteurs à l’[organisme désigné par l’État membre concerné], de telle sorte qu’il parvienne à cet organisme avant la fin de la période en cause dans le cas de report à la période suivante ou trente jours avant la fin de la période précédente dans le cas d’avance. »

28      Enfin, le règlement n° 1169/97 a été abrogé, avec effet à la fin de la campagne de commercialisation 2000/2001, par l’article 25 du règlement (CE) n° 1092/2001 de la Commission, du 30 mai 2001, portant modalités d’application du règlement n° 2202/96 (JO L 150, p. 6).

 Antécédents du litige

 Contrôle du régime d’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates

29      Entre les 16 et 20 octobre 2000, une visite de contrôle a été effectuée en Espagne par les services de la Commission, concernant l’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates. Selon la Commission, il a pu être constaté, pendant cette inspection, que l’exécution des contrôles par sondage sur un échantillon de bénéficiaires, destinés à vérifier le respect des normes qualitatives des produits finis, n’était pas conforme aux dispositions de l’article 15 du règlement n° 504/97.

30      Selon les conclusions de ce contrôle, communiquées aux autorités espagnoles par lettre de la Commission du 1er août 2001, compte tenu de la procédure appliquée par les autorités espagnoles et, notamment, des différences qui existaient dans la fréquence des contrôles entre les industries sélectionnées dans l’échantillon et les autres, les industries pouvaient savoir dès le début de la campagne si elles feraient partie ou non de l’échantillon. Celles qui n’en feraient pas partie savaient donc que, pendant la campagne en question, elles ne feraient pas l’objet d’un contrôle complet sur place comportant une analyse qualitative de leurs produits finis.

31      Après la tenue d’une réunion bilatérale le 23 janvier 2002 et au vu des observations présentées par les autorités espagnoles, les services de la Commission ont confirmé à celles-ci leur position par lettre du 24 janvier 2003, en proposant d’exclure du financement communautaire une partie des dépenses concernées, correspondant à une correction de 10 % de leur montant total.

32      Par lettre du 10 mars 2003, les autorités espagnoles ont demandé l’ouverture de la procédure de conciliation. L’organe de conciliation institué par la décision 94/442 a constaté, dans son rapport final du 14 juillet 2003, qu’il ne lui avait pas été possible de rapprocher les points de vue respectifs des services de la Commission et des autorités espagnoles. En ce qui concerne la mise en œuvre des contrôles qualitatifs, l’organe de conciliation a relevé qu’il existait des possibilités, comme les services de la Commission l’avaient expliqué en se référant à la pratique d’autres États membres, d’éviter les risques constatés, risques dont les autorités espagnoles ne contestaient pas l’existence. L’organe de conciliation a toutefois noté que les contrôles avaient porté sur un échantillon de demandes d’aide dépassant même le seuil de 25 % des quantités de produits finis prévu à l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97. Étant donné, notamment, que les risques signalés par les services de la Commission concernaient les autres contrôles et non ceux visés audit article 15, l’organe de conciliation a estimé que, conformément aux règles habituelles de l’apurement ainsi qu’aux normes courantes des procédures d’audit, il devrait être possible de limiter la correction à la partie de la dépense ayant été affectée par les défaillances constatées. En conséquence, l’organe de conciliation a invité les services de la Commission à réexaminer la partie de la proposition de correction se rapportant aux défaillances qu’ils avaient constatées dans la sélection des demandes d’aide à soumettre au contrôle qualitatif sur échantillons.

33      Les services de la Commission ont communiqué aux autorités espagnoles leur position finale à l’issue de la conciliation, par lettre du 7 octobre 2003, confirmant la proposition de correction financière relative au contrôle de qualité des produits finis, pour les campagnes 1998/1999, 1999/2000 et 2000/20001.

34      Les services de la Commission ont proposé aux autorités espagnoles d’adopter une correction financière, sur la base de la motivation figurant au point B 2 2 du rapport de synthèse du 30 septembre 2003.

 Contrôle du régime d’aide à la production de certains agrumes

35      Les services de la Commission ont effectué des visites de contrôle concernant l’aide à la production de certains agrumes destinés à la transformation, plus précisément des oranges, du 19 au 23 avril et du 3 au 7 mai 1999, dans les communautés autonomes d’Andalousie, de Murcie et de Valence. Lors de ces visites, ils ont pu constater que, pendant la campagne de commercialisation 1997/1998, les autorités espagnoles avaient autorisé, pour les contrats pluriannuels, des transferts de quantités entre les trimestres de livraison.

36      Les conclusions de ces visites de contrôle ont été transmises aux autorités espagnoles par lettre du 15 octobre 1999. Dans leur réponse du 15 février 2000, les autorités espagnoles ont indiqué les motifs qui justifiaient, selon elles, l’autorisation des transferts en question.

37      Ainsi, pour la communauté autonome de Valence, elles ont déclaré que « les autorisations de reports partiels n’ont eu lieu que dans des cas ponctuels et minoritaires par rapport à l’ensemble des contrats, après une demande présentée par écrit par les parties et compte tenu de l’existence de motifs de force majeure évalués par l’organisme de gestion [...] ». S’agissant de l’Andalousie, il était indiqué que, pour les contrats pluriannuels, « le report de certaines quantités sur la période suivante a été autorisé uniquement dans les situations considérées comme des cas de force majeure, sur la base de circonstances exceptionnelles, comme les pluies torrentielles qui se sont abattues sur cette communauté autonome pendant la partie de la campagne concernée et qui ont posé des problèmes pour la récolte des fruits […] » Enfin, dans le cas de Murcie, les autorités espagnoles ont souligné que « les reports de quantités autorisés entre les trimestres pour la campagne 1997/1998 n’ont pas dépassé ceux prévus par la réglementation ».

38      Les autorités espagnoles ont complété leur réponse par une lettre du 7 avril 2000, dans laquelle, tout en reconnaissant que « lors de la campagne 1997/1998, il n’existait pas, pour les contrats pluriannuels, de réglementation pour les reports entre quantités fixées trimestriellement dans le calendrier », elles insistaient sur le fait que « le régime des pluies de leur État membre a été largement supérieur à la moyenne », ce qui « a occasionné dans certaines régions et/ou localités des difficultés dans la récolte des fruits mûrs et des retards dans la maturation de variétés plus tardives […] » C’est pourquoi elles ont considéré que des circonstances de force majeure s’étaient produites dans des cas qui ont été qualifiés de « ponctuels, représentant un très faible pourcentage par rapport au nombre de contrats ».

39      Le 28 juin 2000, les autorités espagnoles et les services de la Commission ont organisé une réunion bilatérale. Le procès‑verbal de cette réunion a été transmis aux autorités espagnoles par une lettre du 30 octobre 2000, qui rappelait également la demande d’informations relative aux quantités reportées. Dans cette lettre, les services de la Commission ont notamment rappelé que la pratique des reports n’était pas admissible pour des quantités illimitées. Ils ont également indiqué que le motif allégué par les autorités espagnoles ne constituait pas, selon eux, un cas de force majeure au sens de la communication C (88) 1696 de la Commission relative à la force majeure en droit agricole européen (JO 1988, C 259, p. 10, ci-après la « communication sur la force majeure »), sous réserve d’une déclaration de catastrophe naturelle, d’un classement en zone sinistrée ou de l’apport de toutes autres preuves.

40      Certaines informations, concernant l’Andalousie, ont été communiquées par une lettre du 27 mars 2001, qui indiquait que les reports d’un trimestre à l’autre avaient concerné 32 % des 76 contrats pluriannuels conclus et correspondaient seulement à 7 % de la quantité totale d’oranges fixée contractuellement pour cette campagne. À cette lettre était annexée la liste des 76 contrats pluriannuels en question.

41      Par lettre du 10 février 2003, les services de la Commission ont confirmé aux autorités espagnoles qu’ils maintenaient leur position initiale et qu’ils proposeraient donc d’exclure certaines dépenses du financement. Cette proposition était motivée par le fait que, durant la campagne de commercialisation 1997/1998, les autorités des communautés autonomes concernées avaient autorisé des transferts de quantités contractées dans le cadre des contrats pluriannuels, alors que cela n’était pas prévu par la réglementation, qui n’a autorisé ce type de transferts qu’à partir de la campagne 1998/1999. Un délai était également accordé à ces autorités pour qu’elles présentent des informations relatives aux reports autorisés et exécutés dans les autres communautés autonomes, afin de pouvoir établir un montant précis pour la correction.

42      Par télécopie du 13 mars 2003, les autorités espagnoles ont transmis les informations demandées. Il ressort de ladite télécopie que des reports entre trimestres avaient également eu lieu dans la communauté autonome de Valence, dans le cadre de 29 contrats pluriannuels, et qu’ils avaient concerné 11,3 % du total des quantités stipulées dans ces 29 contrats et seulement 2,89 % de la quantité totale d’oranges fixée dans les contrats pluriannuels conclus pour cette campagne dans cette région. Il était de surcroît précisé qu’aucun transfert n’avait eu lieu en Aragon, en Catalogne et à Murcie.

43      Par lettre du 25 mars 2003, les autorités espagnoles ont demandé l’intervention de l’organe de conciliation. Cette lettre insistait sur les informations transmises aux services de la Commission par télécopie du 13 mars 2003 et mentionnait l’adoption, concernant spécifiquement l’Andalousie, du Real Decreto-ley n° 2/1998, de 17 abril, por el que se adoptan medidas urgentes para reparar los daños causados por las inundaciones y temporales acaecidos entre noviembre de 1997 y febrero de 1998 (décret-loi royal n° 2/1998, du 17 avril 1998, portant mesures d’urgence destinées à réparer les dommages causés par les inondations et les tempêtes survenues entre novembre 1997 et février 1998) (BOE n° 93, du 18 avril 1998, p. 12950).

44      L’organe de conciliation a adopté son rapport final le 2 septembre 2003. Dans ce rapport, l’organe de conciliation a émis des doutes sur l’interprétation restrictive que faisaient les services de la Commission des règles applicables en matière de force majeure. Sur la base des éléments dont il avait pu avoir connaissance, l’organe de conciliation a considéré que la situation de catastrophe naturelle était réelle et reconnue officiellement pour au moins l’une des deux communautés autonomes concernées. Ces éléments montraient également que les quantités dont le transfert avait été autorisé étaient limitées et nettement inférieures à 10 % de la production totale de chaque région. Ils ne semblaient pas établir, enfin, que les transferts autorisés par les autorités espagnoles avaient mis en cause le respect des objectifs de la réglementation. Dans ces conditions, l’organe de conciliation a exprimé le sentiment que les services de la Commission auraient pu interpréter la réglementation de façon plus favorable. Il a cependant rappelé aux autorités espagnoles qu’elles auraient normalement dû se mettre en rapport avec ces services avant de reconnaître la force majeure dans un cas où celle-ci n’était pas explicitement prévue. En conclusion, l’organe de conciliation a constaté qu’il ne lui avait pas été possible de rapprocher les points de vue respectifs des services de la Commission et des autorités nationales. Il a néanmoins invité les services de la Commission à réévaluer leur appréciation des conditions de reconnaissance de la force majeure tout au moins dans le cas de la communauté autonome d’Andalousie.

45      Par lettre du 27 octobre 2003, les services de la Commission ont notifié aux autorités espagnoles leur position finale à l’issue de la procédure de conciliation. Au vu des données transmises par les autorités espagnoles, ils ont limité leur proposition de correction financière aux transferts effectués dans les communautés autonomes d’Andalousie et de Valence. Les services de la Commission ont en outre réaffirmé leur position relative aux motifs de cette correction.

46      Les services de la Commission ont proposé aux autorités espagnoles d’adopter une correction financière d’un montant de 1 277 630,65 euros, dont 979 554,48 euros pour l’Andalousie, sur la base de la motivation figurant au point B 2 5 du rapport de synthèse du 30 septembre 2003.

 Décision attaquée

47      Par décision 2004/136/CE, du 4 février 2004, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie » (JO L 40, p. 31, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, notamment, écarté du financement communautaire les dépenses suivantes, qui concernent le Royaume d’Espagne, en raison de leur non‑conformité aux règles communautaires :

–        7 314 117 euros, correspondant à une correction de 10 % de l’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates, pour les exercices financiers 1999 à 2002, en raison de « défaillances des contrôles qualitatifs des produits finis » ;

–        1 277 630,65 euros, correspondant à une correction de l’aide destinée aux producteurs de certains agrumes, pour les exercices financiers 1998 à 2001, en raison du « non-respect du calendrier des livraisons ».

 Procédure et conclusions des parties

48      Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 avril 2004, le Royaume d’Espagne a introduit un recours, enregistré sous le numéro C‑175/04, visant à l’annulation partielle de la décision attaquée.

49      Par ordonnance du 8 juin 2004, la Cour a renvoyé l’affaire C‑175/04 devant le Tribunal, où elle a été enregistrée sous le numéro T‑220/04.

50      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

51      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 25 octobre 2006.

52      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle exclut du financement communautaire certaines dépenses effectuées, d’une part, à concurrence d’un montant de 7 314 117 euros, au titre des aides à la production en faveur des transformateurs de tomates, en raison de prétendues défaillances des contrôles qualitatifs et, d’autre part, à concurrence d’un montant de 1 277 630,65 euros, au titre des aides en faveur des producteurs de certains agrumes, en raison d’un prétendu non-respect du calendrier de livraison ;

–        condamner la Commission aux dépens.

53      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Correction relative à l’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates

54      Le requérant invoque, en substance, un moyen principal, tiré du caractère injustifié de la correction financière adoptée, et un moyen subsidiaire, tiré du caractère disproportionné de cette correction.

 Sur le moyen principal, tiré du caractère injustifié de la correction financière adoptée

–       Arguments des parties

55      Le requérant considère que le règlement n° 504/97 prévoit deux types de contrôles. Le premier serait un « contrôle général », visant l’ensemble des transformateurs et consistant en une vérification administrative des registres et des livres journaux, notamment le livre contenant le résultat des mesures analytiques que doivent réaliser tous les transformateurs. Le second serait un « contrôle spécifique », visant seulement un nombre déterminé de transformateurs et consistant en un contrôle de qualité des produits, par analyse d’échantillons prélevés de façon officielle.

56      Le requérant expose que, en Espagne, l’« ensemble universel » des entreprises qui participent au régime d’aide dans le cadre d’une campagne déterminée est divisé en deux groupes, à savoir le « groupe panel », constitué d’un nombre limité d’entreprises (« entreprises échantillon ») et le « groupe exempté ».

57      Le « groupe exempté » serait soumis au contrôle général ainsi qu’aux contrôles spécifiques prévus par le règlement n° 504/97, à l’exception du contrôle physique officiel de la qualité par des mesures analytiques d’échantillons prélevés, prévu par l’article 15, paragraphe 1, sous a), de ce règlement. Le « groupe panel » serait soumis à la totalité de ces contrôles. Le respect des normes de qualité par les opérateurs relevant du « groupe exempté » serait toutefois lui aussi assuré tant par des contrôles généraux non prévus par la réglementation communautaire que par la vérification administrative du registre ou du livre journal consignant les contrôles de qualité effectués quotidiennement par les entreprises elles-mêmes (« autoanalyse » ou « autocontrôle »), conformément au règlement (CEE) n° 1764/86 de la Commission, du 27 mai 1986, fixant les exigences minimales de qualité pour les produits à base de tomate pouvant bénéficier d’une aide à la production (JO L 153, p. 1).

58      Ainsi, toutes les entreprises feraient l’objet d’une visite in situ dès le début de la campagne et elles se verraient appliquer les mêmes types de contrôles, à l’exception du prélèvement d’échantillons du produit transformé pour les entreprises relevant du « groupe exempté ». Par ailleurs, selon le requérant, les entreprises ne savent pas à l’avance de quel groupe elles feront partie ni, dès lors, si elles feront ou non l’objet des contrôles spécifiques, même si elles peuvent le déterminer à mesure que la campagne se déroule.

59      Le requérant est d’avis que le système espagnol de contrôle est fiable et opérationnel. La Cour des comptes et la Commission auraient examiné plusieurs fois le secteur concerné, sans qu’aucun problème lié à la qualité des contrôles ait été relevé. Par conséquent, aucun élément ne prouverait que les contrôles soient inadaptés ou inefficaces. Aucune irrégularité importante n’aurait d’ailleurs jamais été relevée dans ce secteur.

60      Le système espagnol serait également rigoureusement conforme tant à la lettre qu’à l’objectif de la réglementation communautaire en matière de contrôles, et il en respecterait l’effet utile. Selon cette réglementation, en effet, le contrôle administratif de la qualité par analyse d’échantillons officiellement prélevés par sondage, en complément des garanties déjà offertes par le « contrôle général » et par l’« autocontrôle », serait à effectuer exclusivement auprès des « entreprises échantillon » incluses au début de la campagne dans le « groupe panel » en tant que groupe « suffisamment représentatif » des demandes d’aide.

61      Ainsi, si les entreprises faisant partie du « groupe exempté » peuvent « deviner » qu’elles ne feront pas l’objet d’un contrôle exhaustif durant la campagne, cela ne serait pas dû à l’action des contrôleurs espagnols, mais à la différence de traitement que la réglementation communautaire impose entre ces entreprises et celles faisant partie du « groupe panel ». Le requérant est d’avis que, si la Commission n’a pas confiance dans les autocontrôles, elle devrait modifier la réglementation afin que 100 % des entreprises fassent l’objet des contrôles spécifiques.

62      Par ailleurs, l’éventuelle possibilité pour les opérateurs de deviner s’ils feront ou non l’objet d’un contrôle qualitatif spécifique n’affecterait pas l’efficacité des contrôles, compte tenu du « contrôle général » et de l’« autocontrôle » auxquels sont soumis tous les transformateurs.

63      Le requérant ajoute que les pourcentages de produits finis sur lesquels ont porté les contrôles spécifiques ont largement dépassé le seuil minimal réglementaire de 25 % : ainsi que le relèverait l’organe de conciliation dans son rapport final, 43,24 % des entreprises auraient fait l’objet d’un tel contrôle lors de la campagne 1998/1999, 47,69 % lors de la campagne 1999/2000 et 31,21 % lors de la campagne 2000/2001.

64      Le requérant fait également grief aux services de la Commission de lui avoir opposé, en l’espèce, la pratique différente de certains États membres, qui effectueraient un prélèvement généralisé d’échantillons dans toutes les entreprises, y compris celles incluses ultérieurement dans le « groupe exempté », mais qui n’analyseraient ces échantillons que pour les entreprises du « groupe panel ». Le requérant souligne qu’il ignorait ces pratiques et que jamais auparavant lesdits services n’avaient formulé pareille recommandation ni émis de critiques à l’égard de la procédure espagnole de contrôle, bien que celle-ci ait été connue d’eux. En particulier, lors d’une mission de contrôle qui a eu lieu du 17 au 20 octobre 1995, les services de la Commission auraient déjà examiné cette question, mais ils n’auraient ni formulé d’observations ou de recommandations ni appliqué de correction financière. Le requérant invoque, en ce sens, une lettre de la Commission du 1er mars 1996 et la réponse du Fondo Español de Garantía agraria (Fonds espagnol de garantie agricole) du 16 avril 1996.

65      Le requérant considère, dès lors, qu’il n’y avait pas lieu pour la Commission d’appliquer la correction litigieuse, même si cette institution estimait que la procédure espagnole de contrôle pouvait être améliorée. À cet égard, le requérant invoque un principe de collaboration et d’assistance mutuelle entre administrations et relève que, pour ce qui concerne l’application des corrections forfaitaires, la Commission s’est exprimée comme suit dans les orientations :

« [L]orsque des contrôles sont effectués, mais de manière imparfaite, la gravité de la déficience doit alors être évaluée. Pratiquement toutes les procédures de contrôle sont perfectibles et l’une des missions des contrôleurs de la Commission est de formuler des recommandations visant à améliorer les procédures et à effectuer des contrôles additionnels qui, bien que n’étant pas prévus par le législateur, offrent une garantie supplémentaire quant à la régularité des dépenses dans les conditions propres à l’État membre concerné. Toutefois, le fait qu’une procédure de contrôle soit perfectible ne suffit pas en soi pour justifier une correction financière. Il doit exister une carence significative dans l’application des règles communautaires explicites et celle-ci doit exposer le FEOGA à un risque réel de perte ou d’irrégularité. Le manquement devient plus grave si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires. »

66      À titre liminaire, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, si elle est obligée de justifier sa décision de refuser d’imputer au FEOGA, section « Garantie », des dépenses effectuées par un État membre en présentant des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable quant à l’existence ou au caractère approprié des contrôles effectués dans cet État membre, elle n’est toutefois pas tenue de démontrer de manière détaillée l’insuffisance des contrôles ou l’inexactitude des données transmises par l’État membre. En effet, c’est ce dernier qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires et présenter les preuves de la réalité des contrôles et de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Grèce/Commission, C‑331/00, Rec. p. I‑9085, point 66, et la jurisprudence citée).

67      Il découlerait également d’une jurisprudence constante que l’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission par de simples allégations qui ne sont pas étayées par des éléments tendant à établir l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. S’il ne parvient pas à démontrer qu’elles sont inexactes, les constatations de la Commission constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, Italie/Commission, C‑242/96, Rec. p. I‑5863, point 59, et la jurisprudence citée).

68      En l’espèce, il ressortirait des lettres adressées aux autorités espagnoles lors de la procédure précontentieuse et, notamment, du rapport de synthèse du 30 septembre 2003 que la Commission a communiqué à suffisance les éléments qui la faisaient sérieusement douter du caractère efficace et opérationnel des contrôles de qualité des produits finis réalisés par les autorités espagnoles et qui justifiaient, de son point de vue, l’application de la correction financière litigieuse.

69      En effet, les conditions dans lesquelles les autorités espagnoles effectuaient les contrôles et, notamment, la fréquence de ces derniers, auraient été telles que les transformateurs qui faisaient partie de l’échantillon visé à l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97 en auraient été informés dès le début de la campagne. Ainsi, les industries auraient pu savoir à l’avance si elles feraient ou non l’objet d’un contrôle complet sur place.

70      Par conséquent, les transformateurs non inclus dans l’échantillon auraient su que leurs produits ne seraient pas soumis à des analyses qualitatives officielles au cours de la campagne concernée, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 504/97. Ces transformateurs auraient simplement fait l’objet de contrôles essentiellement administratifs.

71      Ainsi, la manière dont le contrôle par sondage a été effectué par les autorités espagnoles au cours des campagnes concernées impliquerait que ce contrôle n’a pas eu l’efficacité requise pour garantir raisonnablement que la majorité des bénéficiaires ne commette des irrégularités. Selon la Commission, en effet, un contrôle par sondage perd de son efficacité si la composition de l’échantillon est connue d’avance, car dans ce cas les résultats du contrôle ne sont pas représentatifs de l’ensemble des bénéficiaires et ne peuvent donc apporter aucune garantie, concernant les bénéficiaires qui n’ont pas été contrôlés, de l’éligibilité des produits.

72      Au cours de la procédure précontentieuse, les autorités espagnoles auraient reconnu que les analyses qualitatives réalisées au moyen d’un prélèvement officiel d’échantillons n’étaient faites que pour un groupe d’industries sélectionnées au préalable.

73      Ces affirmations des autorités espagnoles auraient amené l’organe de conciliation à conclure que celles-ci n’avaient pas contesté les risques qu’impliquaient les défaillances constatées par les services de la Commission dans la réalisation des contrôles par sondage de la qualité des produits finis.

74      Dans sa requête, le requérant aurait également reconnu les défaillances constatées par les services de la Commission, en admettant qu’il s’était contenté de « prélever des échantillons uniquement auprès des industries visées par le sondage ».

75      De l’avis de la Commission, les différents arguments invoqués par le requérant ne sauraient justifier le manque de fiabilité de son système de contrôle.

76      En premier lieu, l’argument du requérant selon lequel les résultats des contrôles de qualité effectués par les transformateurs eux-mêmes faisaient en tout état de cause l’objet de contrôles administratifs de la part des autorités espagnoles serait contraire aux termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97, qui prévoyait la réalisation, par les autorités nationales, aussi bien de la vérification des registres que du contrôle par sondage, notamment en ce qui concerne la qualité des produits finis.

77      Cet argument serait également contraire à la finalité des dispositions en question, qui serviraient à renforcer le système de contrôle. Selon la Commission, l’on ne saurait prétendre que le manque d’efficacité du contrôle analytique officiel par sondage peut être pallié par des contrôles administratifs portant sur les résultats des analyses effectuées par les transformateurs eux-mêmes. Celles-ci ne pourraient en aucun cas offrir le même degré de fiabilité et de représentativité que l’analyse des échantillons prélevés officiellement.

78      En deuxième lieu, en se référant à la manière dont le contrôle de qualité par sondage est réalisé dans d’autres États membres, la Commission se serait bornée à souligner que le contrôle en question peut être appliqué correctement et de façon efficace sans augmentation excessive de la charge de travail des autorités compétentes. Ainsi, dans certains États membres, un prélèvement d’échantillons serait effectué pour tous les transformateurs, mais l’analyse porterait seulement sur les échantillons provenant des industries sélectionnées. Dans d’autres États membres, des prélèvements officiels seraient effectués et analysés pour les produits finis de chacun des transformateurs.

79      En troisième lieu, en réponse à l’argument du requérant selon lequel de précédents contrôles n’avaient pas donné lieu à l’expression d’objections à l’encontre de la procédure de contrôle litigieuse, la Commission expose que, après une mission de contrôle menée du 17 au 20 octobre 1995 en Espagne, ses services avaient émis des doutes quant au caractère représentatif de l’échantillon visé par le contrôle, à titre général et pas uniquement à l’égard du contrôle de qualité du produit fini.

80      Cela ne préjugerait cependant pas de la possibilité que la Commission adopte la correction financière visée dans le présent recours. Il découlerait en effet d’une jurisprudence constante que, si la Commission n’a pas procédé à la rectification due pendant un exercice précédent, mais qu’elle a toléré les irrégularités pour des raisons d’équité, l’État membre concerné n’acquiert aucun droit à exiger la même attitude pour les irrégularités de l’exercice suivant sur la base du principe de la sécurité juridique ou de la confiance légitime (arrêts de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 67, et du 6 décembre 2001, Grèce/Commission, C‑373/99, Rec. p. I‑9619, point 56).

–       Appréciation du Tribunal

81      Il découle de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97 que, pour chaque campagne de commercialisation, les autorités compétentes doivent, d’une part, vérifier les registres des transformateurs et, d’autre part, procéder par sondage à des contrôles sur place, portant sur un nombre de demandes d’aide représentant au moins 25 % des quantités des produits en cause. Ces contrôles sont notamment destinés à vérifier que les matières premières et les produits finis respectent les normes de qualité applicables, que les quantités de matières premières utilisées correspondent à celles indiquées dans la demande d’aide et que le prix payé pour celles-ci est au moins égal au prix minimal fixé.

82      Le Tribunal considère que, de par sa nature, tout contrôle par sondage doit porter, en principe de façon aléatoire, sur un certain nombre d’unités (échantillon ou panel) de la population contrôlée, considéré comme statistiquement représentatif de celle-ci. Dans le cas d’un contrôle par sondage destiné à vérifier le respect d’une norme dont la violation est assortie de sanctions, tel celui prévu par le règlement n° 504/97, il est impératif que les éléments de la population contrôlée ne puissent pas déterminer à l’avance s’ils feront ou non partie de l’échantillon sélectionné. À défaut, non seulement les éléments de l’échantillon seraient en mesure d’adapter leur comportement de façon à satisfaire à la norme alors qu’ils ne l’auraient pas nécessairement fait de façon spontanée, mais, surtout, les éléments n’appartenant pas à l’échantillon, qui par définition sont majoritaires, seraient en mesure de violer la norme avec un risque de détection minimal. Il s’ensuivrait également, d’un point de vue statistique, que les résultats du sondage seraient faussés et qu’il serait impossible de les extrapoler à l’ensemble de la population contrôlée.

83      En l’espèce, il est constant (voir points 55 à 58 et 72 à 74 ci-dessus) que les contrôles effectués par les autorités espagnoles au titre de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97 sont organisés de manière telle qu’ils permettent aux transformateurs de savoir, dès le début de la campagne de commercialisation en cause, s’ils seront uniquement soumis aux contrôles administratifs (vérification des registres) ou s’ils feront de surcroît partie de l’échantillon soumis aux contrôles qualitatifs effectués sur place, pendant tout le déroulement de la campagne en question. Partant, lesdits contrôles ne satisfont pas à l’exigence d’indéterminabilité a priori de la composition de l’échantillon contrôlé, qui caractérise normalement les contrôles par sondage, ainsi qu’il a été exposé au point 82 ci‑dessus. Ils ne peuvent, dès lors, être considérés comme étant des contrôles par sondage.

84      Le requérant soutient toutefois, premièrement, que le système espagnol de contrôles est conforme tant à la lettre qu’à l’esprit du règlement n° 504/97 et qu’il en respecte l’effet utile, deuxièmement, que le respect des normes de qualité par les transformateurs n’appartenant pas à l’échantillon est garanti par les autres contrôles mis en place par les autorités espagnoles et, troisièmement, que, eu égard à sa passivité lors de précédents contrôles, la Commission aurait dû se borner à formuler des recommandations ou des critiques, plutôt que d’appliquer immédiatement la correction litigieuse.

85      S’agissant du premier argument, il a déjà été constaté que la réglementation communautaire prévoit des contrôles par sondage, alors que les contrôles mis en place par les autorités espagnoles n’en sont pas. Le système espagnol de contrôles ne saurait dès lors être qualifié de conforme à la lettre de la réglementation communautaire.

86      À cet égard, il convient de rejeter également l’argument selon lequel la possibilité qu’ont les transformateurs espagnols de « deviner » s’ils feront partie ou non de l’échantillon serait inhérente à ladite réglementation communautaire. Ainsi que l’a relevé la Commission, cet argument est contredit par la pratique d’autres États membres, qui ont su mettre en place un véritable système de contrôles par sondage conforme à cette réglementation (voir points 64 et 78 ci-dessus). Par ailleurs, le requérant n’explique pas pourquoi les autorités nationales de contrôle devraient nécessairement procéder à des contrôles sur place dès le début de la campagne de commercialisation, en courant ainsi le risque d’alerter prématurément les transformateurs tentés de ne pas respecter les normes de qualité en cours de campagne. Cette exigence n’est en tout cas pas prescrite par l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97.

87      Il convient d’ajouter que les contrôles qualitatifs mis en place par les autorités espagnoles, quoique pleinement efficaces en ce qui concerne les transformateurs faisant partie de l’échantillon contrôlé, équivalent, pour tous les autres transformateurs, à la garantie d’une absence totale de contrôles qualitatifs sur place tout au long de la campagne de commercialisation en cause. De tels contrôles ne sont manifestement pas conformes à l’esprit de la réglementation communautaire ni susceptibles d’en assurer l’effet utile.

88      S’agissant du deuxième argument, selon lequel le respect des normes de qualité par les transformateurs n’appartenant pas à l’échantillon serait effectivement garanti tant par les contrôles administratifs prévus par le règlement n° 504/97 que par les « autocontrôles » qualitatifs auxquels se soumettent les transformateurs au titre du règlement n° 1764/86 (voir point 57 ci-dessus), il est sans pertinence dès lors que la réglementation communautaire prescrit non seulement les contrôles en question, mais également les contrôles par sondage de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 504/97, dont il est constant qu’ils n’ont pas été réalisés.

89      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien‑fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (voir arrêt de la Cour du 10 novembre 2005, Italie/Commission, C‑307/03, non publié au Recueil, point 40, et la jurisprudence citée).

90      En tout état de cause, ainsi que l’a relevé la Commission, les contrôles administratifs, y compris ceux portant sur les résultats des analyses effectuées par les transformateurs eux-mêmes, ne peuvent en aucun cas offrir le même degré de fiabilité et de représentativité que l’analyse des échantillons prélevés officiellement.

91      S’agissant, enfin, du troisième argument, selon lequel la Commission aurait dû se borner en l’espèce à formuler des recommandations, conformément à ce qui serait indiqué dans les orientations, dès lors que de précédents contrôles n’avaient pas donné lieu à l’émission de critiques à l’encontre du système espagnol de contrôle, il est fondé sur une prémisse factuelle erronée, même s’il est vrai que, dans le passé, les services de la Commission n’avaient pas appliqué de corrections financières à la suite de ces critiques.

92      Le requérant se réfère ainsi, en particulier, à une lettre de la Commission du 1er mars 1996, relative à une mission de contrôle effectuée par ses services en Espagne, du 17 au 20 octobre 1995. Or, ainsi qu’il ressort du point 1 des commentaires joints à cette lettre, la substance des critiques formulées à l’encontre du système espagnol, au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée, avait déjà été exprimée lors de cette précédente visite de contrôle en 1995.

93      La Commission était dès lors en droit, conformément à ce qui est indiqué dans les orientations, de considérer que le manquement était devenu plus grave et de nature à justifier cette fois une correction financière, dès lors que le requérant avait omis d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui avait déjà signalé les améliorations nécessaires.

94      Cette conclusion n’est pas affectée par la circonstance que, en réponse aux critiques contenues dans l’annexe à ladite lettre de la Commission du 1er mars 1996, les autorités espagnoles ont fait valoir une série de considérations censées justifier la conformité et l’efficacité de leur système de contrôle, dans une lettre du 16 avril 1996. En effet, il n’est pas établi, ni même allégué, que ces considérations, qui sont identiques, en substance, à celles avancées par le requérant dans le cadre du présent recours, auraient été acceptées par la Commission comme apportant une réponse satisfaisante aux critiques qu’elle avait formulées.

95      En tout état de cause, le troisième argument du requérant ne peut qu’être rejeté au regard de la jurisprudence de la Cour invoquée, à juste titre, par la Commission (arrêts Italie/Commission, point 80 supra, point 67, et Grèce/Commission, point 80 supra, point 56).

96      Le moyen principal doit dès lors être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen subsidiaire, tiré du caractère disproportionné de la correction financière litigieuse

–       Arguments des parties

97      Le requérant soutient que, à supposer même que l’éventuelle imperfection du système espagnol de contrôle soit d’une gravité susceptible d’affecter l’intégrité du budget communautaire et qu’elle exige l’application d’une correction financière, celle appliquée en l’espèce devrait être tenue pour non conforme au principe de proportionnalité.

98      Selon le requérant, en effet, la Commission ne remet pas en cause l’application, la fréquence ou la qualité des contrôles pratiqués en Espagne, mais uniquement le fait que leur exécution peut amener les entreprises à « deviner » qu’elles ne feront pas l’objet d’un contrôle « renforcé ».

99      Par ailleurs, les contrôles effectués tant par les services de la Commission que par les autorités espagnoles n’auraient révélé aucune irrégularité chez les transformateurs de tomates. À cet égard, le requérant affirme que le fait d’avoir prélevé des échantillons en vue d’une analyse qualitative uniquement auprès des entreprises relevant du « groupe panel » n’implique pas que les autres entreprises ont pu commettre des irrégularités.

100    À tout le moins en ce qui concerne le « groupe panel », les conditions réglementaires auraient été scrupuleusement remplies, de sorte que la correction à appliquer, le cas échéant, devrait, selon le requérant, porter exclusivement sur les entreprises du « groupe exempté ». À cet égard, le requérant indique que les pourcentages de produits finis sur la base desquels le contrôle de qualité a été effectué (« entreprises échantillon ») ont largement dépassé le seuil réglementaire. L’organe de conciliation aurait ainsi constaté, dans son rapport final, que 43,24 % des entreprises avaient fait l’objet d’un tel contrôle pour la campagne 1998/1999, 47,69 % pour la campagne 1999/2000 et 31,21 % pour la campagne 2000/2001. L’organe de conciliation aurait, dès lors, considéré qu’il devrait être possible de limiter la correction à la partie de la dépense ayant été affectée par les défaillances constatées (voir point 32 ci-dessus).

101    La Commission considère que l’argumentation subsidiaire du requérant va à l’encontre de la jurisprudence et des critères établis dans les orientations, selon lesquels la correction doit être appliquée à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. En particulier, lorsque la carence résulte de la non‑adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction devrait être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée.

–       Appréciation du Tribunal

102    Selon une jurisprudence constante, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par le FEOGA de l’intégralité des dépenses exposées, si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 125). De même, si, dans le cadre de sa mission d’apurer les comptes, la Commission s’efforce, au lieu de refuser le financement de la totalité des dépenses, d’établir des règles visant à différencier selon le degré de risque que présentent, pour le FEOGA, différents niveaux de carence de contrôle, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C‑50/94, Rec. p. I‑3331, point 28).

103    En l’espèce, le requérant se contente d’affirmer que la correction appliquée, de 10 % des dépenses concernées, n’est pas justifiée au motif que la Commission ne conteste pas l’application, la fréquence ou la qualité des contrôles. Or, ainsi qu’il ressort des points qui précèdent, la Commission a établi que les défaillances détectées avaient altéré le fonctionnement correct de contrôles essentiels pour garantir la régularité des dépenses visées.

104    S’agissant plus particulièrement de l’argument du requérant selon lequel les contrôles de qualité prévus par le système espagnol auraient porté sur un pourcentage compris entre 31,21 et 43,24 % des entreprises, alors que le règlement n° 504/97 se borne à exiger des contrôles par sondage portant sur au moins 25 % des productions, c’est à bon droit que la Commission répond que les entreprises, dans un pourcentage compris entre 56,76 à 68,79 %, savaient donc qu’elles ne subiraient aucun contrôle sur place pendant la campagne de commercialisation en cause. Si l’on ne saurait certes présumer que l’ensemble de ces entreprises ont commis des irrégularités, il n’en demeure pas moins que le pourcentage élevé de ces entreprises entraîne un risque sérieux de pertes élevées pour le FEOGA, justifiant, selon les orientations, une correction forfaitaire de 10 %.

105    Aussi, le requérant ne démontre pas que le système de contrôles mis en place en Espagne garantit qu’un même nombre de transformateurs ont respecté la réglementation que le nombre de transformateurs qui l’auraient fait en cas de véritable contrôle par sondage portant sur au moins 25 % de l’échantillon.

106    Quant à l’appréciation de l’organe de conciliation selon laquelle « il devrait être possible de limiter la correction à la partie de la dépense qui a été frappée par les manquements observés », dont le requérant infère que la correction de 10 % devrait seulement porter sur 56,76 à 68,79 % des productions, c’est à juste titre que la Commission objecte qu’elle n’est pas conforme aux critères établis dans les orientations. En effet, selon ces critères, qu’il y a lieu d’approuver, lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit, en raison même de son caractère forfaitaire, être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée, et non pas aux seules dépenses exposées à un risque d’irrégularités du fait des manquements observés.

107    Le moyen subsidiaire doit dès lors être rejeté comme non fondé.

108    Partant, le recours doit être rejeté comme non fondé en ce qu’il est dirigé contre la correction relative à l’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates.

 Correction relative à l’aide destinée aux producteurs de certains agrumes

109    Le requérant invoque, en substance, un moyen unique, tiré du caractère injustifié de la correction financière adoptée.

 Arguments des parties

110    Renvoyant aux justifications données par les autorités espagnoles dans leur lettre du 7 avril 2000 (voir point 38 ci-dessus), le requérant expose que, au cours de la campagne 1997/1998, un niveau de pluies considérablement plus élevé que la moyenne a été relevé, ce qui aurait entraîné dans certaines régions ou localités des difficultés dans la récolte des fruits mûrs et des retards de maturation des variétés plus tardives. Au moment de la récolte, ces difficultés auraient perturbé le calendrier des livraisons prévu dans les contrats, sans toutefois affecter le montant total des productions attendues.

111    Depuis le début de la procédure administrative, les autorités espagnoles auraient invoqué ces inondations catastrophiques comme constitutives d’un cas de force majeure ayant entraîné une « impossibilité transitoire imprévisible », dans le but d’obtenir une modification non pas des quantités contractuelles stipulées, mais du calendrier des livraisons.

112    En ce qui concerne l’Andalousie, le requérant se réfère, notamment, à la lettre des autorités espagnoles du 27 mars 2001 (voir point 40 ci-dessus). La preuve requise par la communication sur la force majeure serait plus particulièrement constituée par le Real Decreto-ley n° 2/1998 (voir point 43 ci-dessus), par l’Orden de 21 mayo de 1998, por la que se determinan los terminos municipales y núcleos de población a los que son de aplicación las medias previstas en el Real Decreto-ley n° 2/1998 (arrêté ministériel du 21 mai 1998 fixant les municipalités et les agglomérations pour l’application des mesures prévues dans le Real Decreto-ley n° 2/1998) (BOE n° 130, du 1er juin 1998, p. 17994), par les coupures de presse de l’époque et par un rapport du directeur général du Fondo Andaluz de Garantía Agraria (FAGA) (Fonds andalou de garantie agricole) du 25 mars 2003. Conformément à une pratique courante des États membres, ces actes officiels constitueraient précisément la justification d’une « déclaration de catastrophe naturelle » ou d’un « classement en zone sinistrée », demandée par la Commission dans sa lettre aux autorités espagnoles du 30 octobre 2000 (voir point 39 ci‑dessus). Dans sa réplique, le requérant se réfère également à des cartes portant relevé des municipalités affectées par les inondations, jointes en annexe.

113    En ce qui concerne la communauté autonome de Valence, aucune déclaration officielle de catastrophe naturelle n’aurait été faite pour la campagne en cause, mais, sans atteindre une situation aussi extrême, des situations météorologiques peu favorables aux exploitations agricoles auraient été relevées. Les gelées, le vent, les hautes températures et les épisodes ponctuels de grêle et de pluie auraient causé de graves dommages aux cultures et aux infrastructures. Plus particulièrement, au début de l’année 1998, l’excès d’humidité et les fortes pluies enregistrés entre le 23 janvier et le 9 février auraient eu des conséquences dommageables pour les cultures d’agrumes. Ainsi, une partie des fruits se seraient détachés des arbres et la récolte des oranges mûres s’en serait trouvée perturbée. Quant aux variétés plus tardives, elles auraient connu des retards de maturation. Toutes ces circonstances seraient attestées au point 3 du rapport 1998 du sector agrario valenciano (secteur agricole de la communauté autonome de Valence). Par conséquent, les autorités espagnoles auraient autorisé ponctuellement des transferts partiels, sur demande écrite préalable des parties et sous réserve de la constatation de l’existence d’un cas de force majeure par l’organisme gestionnaire.

114    La Commission ayant relevé, dans sa défense, que d’autres communautés autonomes visées par le Real Decreto-ley n° 2/1998, à savoir la Catalogne et l’Aragon, n’avaient pas fait l’objet de transferts entre trimestres, le requérant réplique que, dans le cas de la Catalogne, de tels transferts n’ont pas été nécessaires dès lors que la superficie sur laquelle les oranges sont cultivées se trouve à environ 99,8 % dans la province de Tarragone, alors que les municipalités affectées par les inondations se trouvent dans la province de Lleida. Par ailleurs, il n’y aurait pratiquement aucune culture d’oranges en Aragon. De surcroît, les récoltes d’agrumes seraient beaucoup plus précoces en Andalousie que dans les communautés autonomes du nord de l’Espagne.

115    En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel le règlement n° 1169/97 ne contenait pas de clause de force majeure explicite, le requérant relève que, au point 2 II, dernier alinéa, de la communication sur la force majeure, la Commission a elle-même indiqué que « le respect des exigences du principe de proportionnalité impose de ne pas rejeter totalement, dans des cas exceptionnels, l’application d’une règle de force majeure non écrite ». Une jurisprudence constante de la Cour reconnaîtrait également que, dans des cas exceptionnels, même en l’absence d’une exception de force majeure explicite dans la réglementation pertinente, il peut être justifié, pour éviter une inégalité de traitement excessive, d’exonérer un opérateur de certaines obligations prévues par la réglementation, par exemple le respect de certains délais, si le non‑respect de ces obligations a été provoqué par des circonstances pouvant être assimilées à un cas de force majeure et dans la mesure où l’exonération n’entre pas en conflit avec les objectifs essentiels de la réglementation en cause. Le requérant invoque, en ce sens, les arrêts de la Cour du 27 octobre 1987, Theodorakis (109/86, Rec. p. 4319, points 6 et 7), et du 19 avril 1988, Inter-Kom (71/87, Rec. p. 1979, points 9, 10, 15 à 18 et 23).

116    Le requérant estime, par ailleurs, que le règlement n° 1169/97 permet de retenir la cause d’exonération liée à la force majeure, dans la mesure où l’article 20, paragraphe 7 (tel qu’introduit par le règlement n° 1145/98), et l’article 21, paragraphe 2, prévoient des exemptions de responsabilité en cas de non-respect de certaines obligations contractuelles, lorsque l’irrégularité ne résulte pas d’un comportement intentionnel ou d’une négligence grave de l’intéressé. Il s’ensuivrait, a fortiori, que l’on doit admettre l’exonération de manquements dus à des événements totalement étrangers à la volonté des parties.

117    En réponse au reproche fait par la Commission aux autorités espagnoles de ne pas avoir respecté la procédure prévue par la communication sur la force majeure, qui invite les administrations nationales à se mettre en rapport avec les services de la Commission « en cas de doute » quant à l’existence d’un cas de force majeure (voir points 134 et 136 ci-après), et d’avoir ainsi manqué à l’obligation de coopération loyale découlant de l’article 10 CE, le requérant affirme qu’un tel doute ne se présentait aucunement en l’espèce et que l’administration espagnole a toujours coopéré à tout moment avec les institutions communautaires.

118    Dans sa réplique, le requérant ajoute que, dans son évaluation du risque financier qu’impliquerait le manquement en cause pour le budget communautaire, la Commission n’a pas pris en compte les deux éléments suivants. Premièrement, la différence minime de 0,87 euro par 100 kg entre le montant de l’aide prévue pour les contrats annuels (5,82 euros par 100 kg) et le montant de l’aide prévue pour les contrats pluriannuels (6,69 euros par 100 kg) s’expliquerait par une durée contractuelle d’engagement plus longue, déterminée sans que le prix à appliquer soit connu d’avance, et non par la rigidité du calendrier des livraisons. Deuxièmement, la volonté des organisations de producteurs de respecter leurs obligations contractuelles ainsi que la philosophie du règlement communautaire serait démontrée par le fait qu’elles ont préféré introduire une demande de modification des calendriers de livraisons, alors qu’elles auraient pu retirer leurs produits du marché contre une aide communautaire de 14,33 euros par 100 kg, option qui aurait présenté pour elles un intérêt économique supérieur. À cet égard, le requérant expose que, lorsqu’une agrumeraie se trouve couverte par plusieurs mètres d’eau pendant un certain temps, la plante entame un processus à l’issue duquel les fruits se détachent. Ainsi, selon lui, lorsque les eaux se retirent, les fruits tombent sur la terre imbibée d’eau et pourrissent s’ils ne sont pas récoltés rapidement. Cela répondrait à l’objection, contenue dans la lettre de la Commission du 10 février 2003 (voir point 41 ci-dessus), selon laquelle « au moins dans un cas, les quantités ont été imputées à une période antérieure ». Par ailleurs, dans d’autres cas, il aurait été impossible de récolter les fruits en raison de l’inondation des terres. Ainsi, en l’espèce, il ne s’agirait pas de transferts de convenance, mais bien de transferts nécessaires à la sauvegarde des récoltes et à l’exécution des obligations résultant des contrats pluriannuels. Non seulement l’action des autorités espagnoles ne serait pas entrée en conflit avec les objectifs du régime, mais elle aurait permis de les atteindre en garantissant l’exécution des contrats et l’approvisionnement de l’industrie tout en évitant que les fruits soient retirés du marché et détruits aux frais de la Communauté.

119    Le requérant souligne, par ailleurs, l’extrême prudence dont auraient fait preuve les organismes payeurs d’Andalousie (FAGA) et de la communauté autonome de Valence, en acceptant des transferts minimes de, respectivement, 7 et 2,89 % des quantités, alors même que la Commission avait accepté de tels transferts à concurrence de 15 % en 1998. Cela démontrerait que les cas ont été traités individuellement et non de façon générale.

120    Le requérant invoque également l’invitation faite aux services de la Commission par l’organe de conciliation de « réévaluer leur appréciation des conditions de reconnaissance de la force majeure tout au moins dans le cas de la communauté autonome d’Andalousie » (voir point 44 ci-dessus).

121    Enfin, le requérant souligne l’évolution qu’a subie la réglementation communautaire d’application du règlement n° 2202/96, pour ce qui concerne les transferts des quantités contractées entre différents trimestres de livraison dans le cadre des contrats pluriannuels, entre les campagnes de commercialisation 1997/1998 et 2000/2001.

122    Ainsi, lors de la campagne 1997/1998, l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1169/97, alors en vigueur, n’aurait ni autorisé ni interdit explicitement lesdits transferts. Par conséquent, selon le requérant, ces transferts ne pouvaient pas être considérés comme illicites, surtout s’ils répondaient à des circonstances extraordinaires et s’ils visaient à atteindre les objectifs de la réglementation, sans nuire au budget communautaire ni aux droits des tiers. Lors de la campagne 1998/1999, le règlement n° 1145/98 aurait modifié ladite disposition pour autoriser des reports dans une limite maximale de 15 % (voir points 24 à 26 ci‑dessus). Lors de la campagne 1999/2000, l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1169/97 aurait été modifié à nouveau par le règlement n° 1082/1999, de façon à reporter cette limite maximale de 15 à 25 % (voir point 27 ci-dessus). Enfin, lors de la campagne 2000/2001, le règlement n° 1092/2001 aurait supprimé les périodes de livraison (voir point 28 ci-dessus).

123    Ces modifications successives auraient été adoptées en vue de rendre plus flexible la gestion du nouveau système mis en place par le règlement n° 2202/96, dans le cadre des contrats pluriannuels, sans que soient remis en cause les objectifs du système et sans modification du règlement de base ni, surtout, du montant supérieur de l’aide dont bénéficient les contrats pluriannuels par rapport aux contrats annuels (voir les premier et troisième considérants des règlements nos 1145/98 et 1082/1999). À cet égard, le requérant ajoute que ce n’est pas le strict respect des dates des livraisons trimestrielles, mais essentiellement la durée de l’engagement, ainsi que la stabilisation du marché et la garantie d’approvisionnement qui s’ensuivent, qui distinguent les contrats pluriannuels des contrats annuels et qui justifient une aide plus importante dans le cadre des premiers.

124    Le requérant en déduit que les périodes de livraison ne sont pas un élément essentiel de la réglementation. L’action qui a donné lieu à la correction financière litigieuse ne devrait pas être considérée comme une violation de cette réglementation, mais comme une réponse prudente et proportionnée face à des circonstances extraordinaires, visant à atteindre les objectifs de celle-ci. Ainsi, les transformateurs auraient reçu les quantités de fruits contractées qui garantissent leur approvisionnement, les organisations de producteurs auraient rempli leurs obligations contractuelles et reçu le prix stipulé, le budget communautaire n’aurait pas été grevé de frais de retrait supplémentaires et il n’aurait pas été porté atteinte aux droits des tiers.

125    À titre liminaire, la Commission fait valoir qu’elle a l’obligation de refuser le financement par le FEOGA des dépenses contraires à la réglementation communautaire en vigueur. Il ressortirait ainsi d’une jurisprudence constante que les articles 2 et 3 du règlement n° 729/70 ne permettent à la Commission de mettre à la charge du FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans les différents secteurs des produits agricoles, laissant à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de l’organisation commune des marchés. La Commission est, dès lors, d’avis que, s’il lui appartient de prouver l’existence d’une violation des règles communautaires, il incombe à l’État membre de démontrer le cas échéant qu’elle a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, France/Commission, C‑232/96, Rec. p. I‑5699, points 53 et 54, et la jurisprudence citée).

126    En l’espèce, ainsi qu’il aurait été allégué au cours de la procédure précontentieuse, l’article 5 du règlement n° 1169/97, dans sa version en vigueur pendant la campagne 1997/1998, ne prévoyait pas, en ce qui concerne l’aide aux producteurs de certains agrumes, la possibilité de reporter entre les trimestres de livraison les quantités fixées dans le cadre des contrats pluriannuels.

127    Par conséquent, il serait évident que, lorsque les autorités espagnoles ont permis lesdits reports dans le cadre des contrats pluriannuels, elles ont enfreint les dispositions de la réglementation communautaire applicable. Les dépenses correspondant aux aides versées au titre des quantités faisant l’objet d’un report ne sauraient donc, selon la Commission, être à la charge du FEOGA.

128    Le Royaume d’Espagne ayant invoqué l’assouplissement du régime applicable aux contrats pluriannuels qui s’est produit lors des campagnes ultérieures, la Commission souligne que les modifications en question n’étaient pas valables pour la campagne 1997/1998, sur laquelle porte la correction financière litigieuse. Elle fait valoir, en outre, que la possibilité d’effectuer des reports de quantités entre les périodes de livraison, prévue à partir de la campagne 1998/1999, était en tout état de cause soumise à des limites strictes, notamment quantitatives et temporelles (voir points 24 à 27 ci-dessus).

129    En réponse à l’invocation, par le requérant, d’un cas de force majeure, lié notamment à des pluies largement supérieures à la moyenne en Espagne lors de la campagne considérée, la Commission rappelle, à titre liminaire, que la jurisprudence n’a pas, jusqu’ici, explicitement reconnu l’existence d’un principe général de droit communautaire permettant d’invoquer la force majeure en l’absence de la mention expresse d’une telle possibilité dans la réglementation applicable (arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, APOL et AIPO/Commission, T‑61/00 et T‑62/00, Rec. p. II‑635, point 72).

130    Or, le règlement n° 1169/97 n’aurait pas prévu la possibilité, pour le bénéficiaire d’une aide, d’invoquer un cas de force majeure pour justifier le manquement à ses obligations.

131    En particulier, l’article 20, paragraphe 7, et l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 1169/97, invoqués par le requérant, n’auraient aucun rapport avec l’éligibilité à l’aide, mais porteraient sur l’application des sanctions prévues par la réglementation en cause, tant pour les organisations de producteurs que pour les transformateurs. Par ailleurs, l’article 20, paragraphe 7, aurait été introduit par le règlement n° 1145/98, applicable seulement à partir de la campagne 1998/1999.

132    La Commission admet que la jurisprudence a reconnu dans des cas exceptionnels que, même en l’absence d’une exception de force majeure explicitement prévue dans la réglementation pertinente, il peut être justifié, pour éviter une inégalité de traitement excessive, d’exonérer un opérateur de certaines obligations prévues par la réglementation (par exemple le respect de certains délais) si le non‑respect de ces obligations a été provoqué par des circonstances pouvant être assimilées à un cas de force majeure et dans la mesure où l’exonération n’entre pas en conflit avec les objectifs essentiels de la réglementation en cause.

133    À cet égard, toutefois, la Commission fait valoir, premièrement, que le fonctionnement correct du système d’aide aux producteurs de certains agrumes et, notamment, la nécessité d’une programmation et d’un approvisionnement régulier de l’industrie (voir le troisième considérant du règlement n° 2202/96 et le cinquième considérant du règlement n° 1169/97) étaient liés, dans la réglementation applicable aux contrats pluriannuels, à la possibilité d’insérer des avenants relatifs aux quantités initialement prévues pour chaque campagne, et non au report de quantités d’une période de livraison à une autre.

134    En effet, à la différence du régime applicable aux contrats de campagne, le régime des contrats pluriannuels, plus conforme à la finalité mentionnée de la réglementation, aurait laissé moins de marge pour modifier les conditions de livraison fixées, mais aurait prévu en revanche une aide d’un montant plus élevé.

135    Deuxièmement, s’agissant de la procédure à suivre pour invoquer des circonstances exceptionnelles du type de celles invoquées par le requérant, la Commission renvoie aux conclusions de la communication sur la force majeure, aux termes desquelles :

« […] les administrations nationales chargées d’appliquer concrètement la clause de force majeure doivent s’y engager avec la plus grande prudence tant en ce qui concerne l’appréciation des faits invoqués que des preuves apportées à l’appui des demandes concernées. En cas de doute, elles sont invitées à se mettre en rapport avec les services de la Commission. »

136    Or, en l’espèce, le Royaume d’Espagne ne se serait pas adressé aux services de la Commission avant de reconnaître les cas de force majeure qu’il invoque à présent, en dépit non seulement de la communication sur la force majeure, mais aussi du devoir de coopération loyale prévu à l’article 10 CE, selon lequel l’État qui rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles soumet ces problèmes à l’appréciation de la Commission (arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Italie, C‑99/02, Rec. p. I‑3353, point 17).

137    Troisièmement, la Commission relève que, selon la jurisprudence, il incombe à l’opérateur de prouver que les conditions nécessaires à l’existence d’un cas de force majeure sont réunies (arrêts de la Cour du 11 juillet 1968, Schwarzwaldmilch, 4/68, Rec. p. 549, point 67, et du 17 octobre 2002, Parras Medina, C‑208/01, Rec. p. I‑8955, point 21). Le point III et les conclusions de la communication sur la force majeure se référeraient également à la question de la preuve, en indiquant que « les preuves exigées des opérateurs invoquant la force majeure doivent être incontestables ».

138    Par conséquent, selon la Commission, les autorités espagnoles avaient l’obligation de présenter individuellement la situation de chaque organisation de producteurs concernée. Or, ces autorités n’auraient pas démontré qu’elles avaient, pour chaque opérateur, acquis la certitude que les circonstances climatiques exceptionnelles ne lui avaient pas permis de respecter le calendrier des livraisons prévu dans le contrat correspondant.

139    À cet égard, la Commission commence par relever, en se référant à l’annexe de la lettre des autorités espagnoles du 27 mars 2001 et aux tableaux qui accompagnent la lettre des autorités espagnoles du 18 mars 2003, que les pourcentages moyens de reports de quantités autorisés, qui d’après elle sont de 32 % dans le cas de l’Andalousie et de 11,3 % dans le cas de Valence, sont élevés, contrairement à ce qu’affirme le requérant. Le requérant ayant contesté ces chiffres dans sa réplique, la Commission ajoute, dans sa duplique, que, en tout état de cause, les pourcentages de 7 et de 2,89 % invoqués par lui concernent la totalité des quantités fixées contractuellement, alors que le pourcentage de 15 % introduit par le règlement n° 1145/98 s’appliquait strictement à chaque contrat.

140    La Commission souligne ensuite que le requérant s’est contenté d’affirmer de manière extrêmement vague que le « régime des pluies largement supérieur à la moyenne » avait affecté « certaines régions et/ou localités ».

141    S’agissant de Valence, le requérant reconnaîtrait qu’« il n’existe pas, pour la campagne 1997/1998, de déclaration officielle de catastrophe naturelle, mais sans aller jusqu’à cette situation extrême, des situations météorologiques peu favorables se sont tout de même produites ». Par conséquent, le requérant n’aurait apporté aucun élément de preuve que l’une des organisations de producteurs prétendument lésées aurait le cas échéant fait valoir.

142    La Commission ajoute que le rapport du sector agrario valenciano, annexé à la requête (voir point 113 ci‑dessus), n’a pas de valeur probatoire. Ce rapport contiendrait en effet des considérations générales sur les pertes liées à des « conditions météorologiques peu favorables » en 1998 dans la communauté autonome de Valence. En définitive, non seulement ce rapport ne constituerait pas une déclaration de catastrophe naturelle, comme le reconnaîtrait le Royaume d’Espagne, mais il n’apporterait pas non plus d’élément de preuve concernant les organisations de producteurs qui ont été autorisées à effectuer des reports de quantités entre trimestres de livraison dans cette communauté autonome.

143    Quant à l’Andalousie, les autorités espagnoles auraient certes transmis, au moment où elles ont demandé l’intervention de l’organe de conciliation, une copie du Real Decreto‑ley n° 2/1998.

144    Toutefois, la Commission estime que ni ce décret‑loi royal ni les cartes jointes en annexe à la réplique ne constituent en soi des preuves incontestables au sens de la communication sur la force majeure. Les autorités espagnoles ne pouvaient pas, selon elle, se soustraire à l’obligation de vérifier cas par cas que les opérateurs avaient démontré à suffisance l’existence de circonstances exceptionnelles rendant impossible le respect des périodes de livraison prévues contractuellement. La Commission ne disposerait toujours pas, à l’heure actuelle, des éléments démontrant que les autorités espagnoles ont respecté cette obligation. Ainsi, il serait impossible de vérifier que les mesures adoptées par ces autorités avaient pour objet de compenser directement les pertes subies, comme l’exigerait la jurisprudence (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié au Recueil, point 38).

145    De surcroît, la Commission relève que le Real Decreto-ley n° 2/1998 porte également sur d’autres communautés autonomes productrices d’oranges, à savoir l’Aragon et la Catalogne, dans lesquelles il n’y aurait pas eu de report de quantités entre les trimestres de livraison.

146    En conclusion, la Commission estime qu’elle ne pouvait en aucun cas prendre en considération l’existence de circonstances pouvant être assimilées à un cas de force majeure, puisque les autorités espagnoles n’avaient pas fourni les informations et les éléments de preuve nécessaires.

 Appréciation du Tribunal

147    Il est constant que, pendant la campagne de commercialisation 1997/1998, plus précisément au début de l’année 1998, les autorités espagnoles ont autorisé certaines organisations de producteurs d’oranges des communautés autonomes d’Andalousie et de Valence, liées aux transformateurs par des contrats pluriannuels, à opérer des reports de livraisons entre trimestres. Dans le cas de la communauté autonome d’Andalousie, ces reports de livraisons ont concerné 24 des 76 contrats pluriannuels conclus et ont porté sur 7 % de la quantité totale d’oranges stipulée dans ces contrats pour cette campagne, ainsi qu’il ressort de l’annexe 2 à la lettre des autorités espagnoles du 27 mars 2001 (point 40 ci‑dessus). Dans le cas de la communauté autonome de Valence, ces reports de livraisons ont concerné 29 contrats pluriannuels et ont porté sur 11,3 % de la quantité totale d’oranges stipulée dans ces 29 contrats, correspondant à 2,89 % de la quantité totale d’oranges fixée contractuellement pour cette campagne, ainsi qu’il ressort de la télécopie des autorités espagnoles du 13 mars 2003 (point 42 ci‑dessus).

148    Les motifs de la correction financière appliquée par la Commission à ces reports, dans la décision attaquée, figurent au point B 2 5 5 du rapport de synthèse. Ils peuvent être résumés comme suit :

–        les reports de livraisons en question n’étaient pas autorisés par la réglementation communautaire en vigueur lors de la campagne 1997/1998, même s’il est vrai qu’ils l’ont été par la réglementation en vigueur lors des campagnes ultérieures ;

–        la réglementation en question ne prévoyait pas expressément d’exception de force majeure ;

–        en réponse à l’observation de l’organe de conciliation selon laquelle il devrait être possible d’invoquer la force majeure dans des cas exceptionnels même en l’absence de disposition expresse en ce sens, les services de la Commission ont considéré que le fonctionnement correct du régime et les nécessités de la programmation (voir le cinquième considérant du règlement n° 1169/97) étaient liés, selon les dispositions de l’article 5 dudit règlement, à la possibilité de conclure des avenants écrits, et non à une hypothétique possibilité de reporter les quantités contractuelles d’un trimestre à un autre ;

–        le régime des contrats pluriannuels donne droit à une aide d’un montant plus élevé, mais en contrepartie il est moins flexible que le régime des contrats de campagne, qui permet de modifier jusqu’à 40 % des quantités contractées pour chaque trimestre ;

–        les autorités espagnoles n’ont pas consulté les services de la Commission, ainsi que la communication sur la force majeure les invitait à le faire en cas de doute.

149    Eu égard aux arguments des parties, il convient d’examiner, en premier lieu, la question de savoir si les reports de livraisons en question étaient autorisés par la réglementation communautaire en vigueur lors de la campagne 1997/1998, à savoir les règlements nos 2202/96 et 1169/97. Dans la négative, il conviendra d’examiner, en deuxième lieu, la question de savoir si la force majeure peut être invoquée comme justifiant exceptionnellement de tels reports, par dérogation au strict respect du calendrier des livraisons trimestrielles prévu par ladite réglementation. Dans l’affirmative, il conviendra d’examiner, en troisième lieu, la question de savoir si la preuve d’un tel cas de force majeure a été dûment rapportée en l’espèce par les autorités espagnoles, en ce qui concerne les reports de livraisons litigieux.

–       Sur la question de savoir si les reports de livraisons entre trimestres étaient autorisés, au cours de la campagne 1997/1998, par les règlements nos 2202/96 et 1169/97

150    Il y a lieu de rappeler que le règlement n° 2202/96 institue un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes. Aux termes du troisième considérant de ce règlement, ce régime est mis en œuvre dans le cadre de contrats conclus entre les transformateurs et les organisations de producteurs « afin d’assurer, d’une part, un approvisionnement régulier des industries et, d’autre part, un contrôle efficace des produits à livrer ainsi que leur transformation effective par l’industrie », dans le but également « d’assurer l’approvisionnement des consommateurs à des niveaux de qualité et de prix raisonnables ».

151    Le règlement n° 2202/96 distingue entre les contrats de campagne et les contrats pluriannuels, l’aide accordée étant plus importante dans le cas des seconds (voir son article 3, paragraphe 2, et les tableaux 1 et 2 de son annexe). Aux termes du sixième considérant dudit règlement, cette bonification du montant de l’aide à l’égard des organisations de producteurs qui signent des contrats pour plusieurs années et pour des quantités minimales est justifiée par des « raisons structurelles », à savoir les « déficiences structurelles » qui caractérisent la production d’agrumes au niveau de la commercialisation, et qui « se manifestent par une trop grande dispersion de l’offre ».

152    Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, sous c), du règlement d’application n° 1169/97, en vigueur lors de la campagne 1997/1998, les contrats doivent comporter, notamment, la quantité de matières premières à livrer en vue de leur transformation. Dans le cas des contrats pluriannuels, cette quantité doit être ventilée par campagne. Il découle, par ailleurs, de l’article 3, paragraphe 3, sous d), du règlement n° 1169/97 que tant les contrats pluriannuels que les contrats de campagne doivent comporter le calendrier des livraisons aux transformateurs, par trimestre de livraison à partir du début de la campagne.

153    Le cinquième considérant du règlement n° 1169/97 reconnaît néanmoins que les parties contractantes doivent être autorisées à modifier, par des avenants et dans une certaine limite, les quantités initialement prévues dans les contrats, « afin que le régime atteigne un maximum d’efficacité ». Cet objectif est mis en œuvre par l’article 5 du règlement n° 1169/97, qui distingue entre les contrats de campagne, visés par son paragraphe 2, et les contrats pluriannuels, visés par son paragraphe 3.

154    Pour les contrats de campagne, l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1169/97 prévoit que les quantités prévues dans le calendrier des livraisons trimestrielles peuvent être modifiées par voie d’avenants écrits, conclus au plus tard le 15 du mois précédant le trimestre de livraison en cause. Pour chaque trimestre de livraison, les quantités à livrer fixées par ces avenants ne peuvent s’écarter de plus de 40 % des quantités initialement fixées par le contrat pour ce trimestre.

155    Pour les contrats pluriannuels, l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1169/97 prévoit que les quantités prévues pour chaque campagne – laquelle s’étend, pour les oranges, du 1er octobre au 30 septembre, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement – peuvent être modifiées par voie d’avenants écrits, conclus avant le 1er novembre de la campagne en cause pour les oranges. Pour chaque campagne, les quantités à livrer fixées par ces avenants ne peuvent s’écarter de plus de 40 % des quantités initialement fixées par le contrat pour cette campagne. Les quantités à livrer pour chaque trimestre sont adaptées en conséquence.

156    Bien que la raison d’être d’une telle différenciation n’apparaisse pas clairement, notamment au regard du sixième considérant du règlement n° 2202/96 (voir point 151 ci-dessus) et du cinquième considérant du règlement n° 1169/97 (voir point 153 ci-dessus), force est de constater, au terme d’une comparaison entre les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 5 de ce dernier règlement, que les modifications des quantités prévues dans le calendrier des livraisons trimestrielles ne sont expressément autorisées, à certaines conditions, que dans le cas des contrats de campagne. Dans le cas des contrats pluriannuels, les modifications des quantités prévues pour chaque campagne sont expressément autorisées, à certaines conditions, mais rien n’est dit en ce qui concerne la possibilité de modifier les quantités trimestrielles au cours d’une même campagne.

157    Par ailleurs, aucune de ces deux dispositions ne paraît autoriser les reports de livraisons du trimestre en cours au trimestre suivant. En effet, un report de livraisons du trimestre en cours au trimestre suivant implique, d’une part, une diminution des quantités à livrer pour le trimestre en cours et, d’autre part, une augmentation des quantités à livrer pour le trimestre suivant. Or, s’agissant des contrats de campagne, seule cette dernière paraît pouvoir être autorisée (à concurrence de 40 % au maximum des quantités initialement fixées), dans les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1169/97, à savoir par voie d’avenant écrit « conclu au plus tard le 15 du mois précédant le trimestre de livraison en cause ». Par ailleurs, les contrats pluriannuels n’autorisent même pas expressément la modification des quantités prévues dans le calendrier des livraisons trimestrielles, mais seulement la modification des quantités prévues pour chaque campagne, ainsi qu’il vient d’être dit au point précédent.

158    Le même raisonnement s’applique, mutatis mutandis, pour ce qui est du report des livraisons du trimestre suivant au trimestre en cours.

159    Cette interprétation est confirmée par l’adoption, dès le 2 juin 1998, soit quatre mois avant la fin de la campagne 1997/1998, du règlement n° 1145/98, qui vise précisément, aux termes de son premier considérant, à « rendre plus flexible la gestion du nouveau système instauré par le règlement n° 2202/96 ». D’une part, l’article 1er, point 1, du règlement n° 1145/98 modifie l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1169/97 de façon à permettre, pour les contrats de campagne, la conclusion d’un avenant écrit à l’intérieur de chaque période trimestrielle de livraison, aux fins de modifier la quantité prévue pour la période en question. D’autre part, l’article 1er, point 2, du règlement n° 1145/98 modifie l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1169/97 de façon à permettre, pour les contrats pluriannuels, la conclusion d’un accord écrit entre les parties aux fins de reporter à la période trimestrielle suivante, à concurrence d’un maximum de 15 %, les quantités à livrer pour chaque période trimestrielle de livraison, pour autant que la quantité globale de la campagne en cause soit respectée.

160    Il est à noter que cette flexibilité accrue a encore été augmentée, à partir de la campagne 1999/2000, par le règlement n° 1082/1999, qui a notamment fait passer de 15 à 25 % la quantité maximale susceptible d’être reportée d’un trimestre à l’autre au cours d’une même campagne, dans le cas des contrats pluriannuels, et ensuite, à partir de la campagne 2000/2001, par le règlement n° 1092/2001, qui a supprimé toute restriction aux reports de livraisons.

161    Il découle de ce qui précède que le règlement n° 1169/97, en vigueur à l’époque des faits de l’espèce, ne permettait pas aux autorités espagnoles d’autoriser les reports de livraisons litigieux.

162    Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la Commission n’est pas en droit d’engager, dans la gestion de la politique agricole commune, des fonds qui ne répondent pas aux règles régissant l’organisation commune des marchés en cause et que cette règle est d’application générale (voir arrêt de la Cour du 9 juin 2005, Espagne/Commission, C‑287/02, Rec. p. I‑5093, point 34, et la jurisprudence citée).

163    Par conséquent, le premier des cinq motifs sur lesquels se fonde la correction financière litigieuse (point 148 ci-dessus) est fondé. Le moyen du requérant apparaît dès lors voué à l’échec, sauf à admettre, avec celui-ci, que la force majeure peut être invoquée comme justifiant exceptionnellement une dérogation au respect du calendrier des livraisons prévu par la réglementation applicable.

–       Sur la question de savoir si la force majeure peut en principe être invoquée comme justifiant exceptionnellement une dérogation au respect du calendrier des livraisons trimestrielles prévu par les règlements nos 2202/96 et 1169/97

164    Contrairement à ce que soutient la Commission dans le cadre du deuxième des cinq motifs sur lesquels se fonde la correction financière litigieuse (voir point 148 ci-dessus), et ainsi que cette institution l’a expressément reconnu à l’audience, la circonstance que le règlement n° 1169/97 ne prévoit pas de clause de force majeure explicite n’est pas déterminante, eu égard à la jurisprudence de la Cour en la matière et à la communication sur la force majeure.

165    En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé dans son arrêt du 20 juin 2006, Grèce/Commission (T‑251/04, non publié au Recueil, point 46, actuellement sous pourvoi), la Cour a, dans certains cas, reconnu la possibilité d’invoquer la force majeure même en l’absence de prévision explicite dans la réglementation applicable (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Inter-Kom, point 115 supra, points 10 et 15, et du 7 décembre 1993, Huygen e.a., C‑12/92, Rec. p. I‑6381, point 31). Ainsi, la possibilité d’invoquer la force majeure peut être admise à condition qu’elle n’entre pas en contradiction avec la finalité des dispositions applicables (conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt Inter‑Kom, point 115 supra, Rec. p. 1987, point 21 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Gulmann sous l’arrêt Huygen e.a., précité, Rec. p. 6391, point 26).

166    En l’occurrence, la force majeure est invoquée comme ayant justifié, dans le cas des contrats pluriannuels, certains reports des quantités d’un trimestre à un autre, sans qu’il en soit résulté une modification des quantités globales prévues pour la campagne en question.

167    Contrairement à ce que soutient la Commission, cette invocation de la force majeure n’entre pas en contradiction avec la finalité des dispositions applicables en l’espèce.

168    Premièrement, le Tribunal ne peut souscrire à l’argument de la Commission, avancé au soutien du troisième des cinq motifs sur lesquels se fonde la correction financière litigieuse (point 148 ci-dessus), selon lequel le fonctionnement correct du système et, notamment, la nécessité d’une programmation et d’un approvisionnement régulier de l’industrie étaient liés, dans la réglementation applicable aux contrats pluriannuels, à la possibilité de conclure des avenants écrits relatifs aux quantités initialement prévues pour chaque campagne, mais pas au report de quantités d’un trimestre à un autre. En effet, c’est précisément parce que cette dernière possibilité n’était pas expressément prévue par la réglementation en question qu’il est nécessaire d’invoquer un cas de force majeure. A contrario, cette seule circonstance ne saurait faire obstacle, en tant que telle, à la possibilité d’invoquer un tel cas de force majeure.

169    Deuxièmement, aucun élément ne permet de considérer que la possibilité de reporter exceptionnellement des quantités d’un trimestre à un autre, au cours d’une même campagne, sans modification des quantités globales prévues pour la campagne en question, en raison d’un cas de force majeure, porterait davantage atteinte au bon fonctionnement du système et à l’approvisionnement régulier de l’industrie que la possibilité, expressément prévue par le règlement n° 1169/97, de modifier par avenant les quantités globales contractuellement prévues pour une campagne.

170    Troisièmement, le Tribunal rappelle, d’une part, que des modifications des quantités trimestrielles étaient expressément autorisées, sous certaines conditions, dans le cas des contrats de campagne, sans que la raison pour laquelle elles ne l’étaient pas également, aux mêmes conditions, dans le cas des contrats pluriannuels apparaisse clairement (voir point 156 ci-dessus), et, d’autre part, que les reports de quantités d’un trimestre à l’autre ont été expressément autorisés lors des campagnes suivantes, à des conditions de plus en plus souples, d’abord par le règlement n° 1145/98, puis par le règlement n° 1082/1999 et, enfin, par le règlement n° 1092/2001. À cet égard, la circonstance même que les reports en question ont été autorisés à partir des campagnes suivantes, sans qu’il en résulte une quelconque modification du montant plus élevé de l’aide accordée sous le régime des contrats pluriannuels, suffit à réfuter l’argument de la Commission, invoqué au soutien du quatrième des cinq motifs sur lesquels se fonde la correction financière litigieuse (voir point 148 ci-dessus), selon lequel ce montant plus élevé avait pour contrepartie nécessaire une moindre flexibilité de ce régime, par rapport au régime des contrats de campagne.

171    Dans ces conditions, le Tribunal estime que c’est à bon droit que le requérant affirme que le strict respect des périodes trimestrielles de livraison n’était pas un élément essentiel de la réglementation, qu’il s’agisse des contrats de campagne ou des contrats pluriannuels. À tout le moins, la possibilité d’invoquer la force majeure comme justifiant exceptionnellement une dérogation au strict respect du calendrier des livraisons trimestrielles prévu pour les contrats pluriannuels n’entre pas en contradiction avec la finalité des règlements nos 2202/96 et 1169/97.

172    Partant, la force majeure peut en principe être invoquée, conformément à la jurisprudence citée au point 165 ci-dessus, comme justifiant exceptionnellement une dérogation au strict respect du calendrier des livraisons trimestrielles prévu par les règlements nos 2202/96 et 1169/97.

173    Il convient dès lors de vérifier si la preuve d’un cas de force majeure a été dûment rapportée en l’espèce.

–       Sur la question de savoir si la preuve d’un cas de force majeure a été dûment rapportée en l’espèce

174    À titre liminaire, il convient de rappeler que, la notion de force majeure n’ayant pas un contenu identique dans les divers domaines d’application du droit communautaire, sa signification doit être déterminée en fonction du cadre légal dans lequel elle est destinée à produire ses effets (arrêts de la Cour du 13 octobre 1993, An Bord Bainne Co-operative et Compagnie Inter‑Agra, C‑124/92, Rec. p. I‑5061, point 10 ; du 13 juillet 1995, Perrotta, C‑391/93, Rec. p. I‑2079, point 25, et du 29 septembre 1998, First City Trading e.a., C‑263/97, Rec. p. I‑5537, point 41).

175    La notion de force majeure n’est pas limitée à celle d’impossibilité absolue, mais doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à la personne concernée, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées qu’au prix de sacrifices excessifs, malgré toutes les diligences déployées (arrêts de la Cour Schwarzwaldmilch, point 137 supra, p. 563 ; du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, Rec. p. 1125, point 23 ; du 15 décembre 1994, Transáfrica, C‑136/93, Rec. p. I‑5757, point 14, et Parras Medina, point 137 supra, point 19).

176    La force majeure comporte ainsi un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’opérateur, et un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’opérateur doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (arrêt de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, point 32).

177    Il convient de relever d’emblée que, en l’espèce, les parties n’ont pas soulevé de contestation en rapport avec l’élément subjectif ainsi identifié, de sorte que celui‑ci ne fait pas partie du cadre du litige, tel qu’il a été défini par les parties. Il n’incombe dès lors pas au Tribunal de se prononcer sur cette question.

178    Quant à l’élément objectif, il importe de souligner que la force majeure constitue une exception à la règle générale du respect rigoureux de la réglementation en vigueur et qu’elle doit, à ce titre, être interprétée et appliquée de manière restrictive, ce qui justifie que les preuves exigées des opérateurs l’invoquant soient incontestables, ainsi que la Commission le souligne au point IV de la communication sur la force majeure.

179    Dans l’application de ces principes à la présente espèce, il convient de distinguer le cas de la communauté autonome d’Andalousie de celui de la communauté autonome de Valence.

180    La communauté autonome d’Andalousie est visée, avec d’autres, par le Real Decreto-ley n° 2/1998 comme ayant souffert, entre novembre 1997 et février 1998, de divers épisodes de pluies intenses ayant provoqué des inondations et des crues de fleuves et de rivières, affectant les productions agricoles et les infrastructures. Ledit décret-loi royal a instauré les mesures d’urgence destinées à réparer les dommages causés par ces inondations. La situation de catastrophe naturelle en Andalousie était donc bien réelle et officiellement reconnue au plus haut niveau de l’État.

181    De telles circonstances peuvent, de toute évidence, constituer l’élément objectif d’un cas de force majeure au sens du point I 2, sous a), de la communication sur la force majeure.

182    Au demeurant, c’est moins cette question que celle de la preuve exigible des opérateurs concernés qui oppose, en l’espèce, le requérant à la Commission. Selon la Commission, les preuves invoquées par le requérant ne constituent pas des preuves incontestables au sens des points III et IV de la communication sur la force majeure. Les autorités espagnoles avaient, d’après elle, l’obligation d’examiner individuellement la situation de chaque organisation de producteurs concernée, en vérifiant cas par cas, pour chaque opérateur, que les circonstances climatiques exceptionnelles ne lui avaient pas permis de respecter le calendrier des livraisons trimestrielles prévu contractuellement.

183    À cet égard, il convient de souligner que seuls peuvent être admis, au titre de la force majeure, les reports de livraisons causés directement par les calamités naturelles invoquées. Un lien direct doit donc exister entre les perturbations du calendrier normal des récoltes causées par ces calamités et les reports autorisés, et une évaluation aussi précise que possible des quantités d’oranges ayant fait l’objet de tels reports est nécessaire (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, point 144 supra, points 36 et 37, et la jurisprudence citée). Or, il n’est pas déraisonnable de considérer, à l’instar de la Commission, que ce lien direct n’est pas suffisamment établi par le simple classement en zone sinistrée des municipalités sur le territoire desquelles se trouvent les plantations concernées par les reports en question, indépendamment de toute évaluation cas par cas des dommages spécifiquement causés à ces plantations.

184    Force est néanmoins de constater que cette position, défendue par la Commission dans le cadre du présent recours, ne correspond pas à la position initialement prise par ses services au cours de la procédure administrative. Ainsi, dans leur lettre du 30 octobre 2000 (voir point 39 ci-dessus), les services de la Commission ont indiqué aux autorités espagnoles que le motif allégué par celles-ci, à savoir des inondations et des précipitations abondantes ayant empêché l’accès aux cultures, n’était pas considéré comme un cas de force majeure au sens de la communication sur la force majeure « sous réserve d’une déclaration de catastrophe naturelle, d’un classement en zone sinistrée ou de l’apport de toutes autres preuves ».

185    Eu égard à cette indication dénuée de toute ambiguïté, les autorités espagnoles pouvaient légitimement s’attendre à ce que la communication à la Commission du Real Decreto-ley n° 2/1998, en annexe à leur lettre du 25 mars 2003 demandant l’intervention de l’organe de conciliation (point 43 ci-dessus), en combinaison avec les informations déjà fournies antérieurement quant à l’identification des contrats pluriannuels concernés ainsi que des quantités reportées pour chacun d’eux (point 40 ci-dessus), suffise pour permettre la reconnaissance d’un cas de force majeure.

186    Il est vrai que, dans la suite de la procédure administrative, les services de la Commission ont également mis en cause l’absence d’examen cas par cas, par les autorités espagnoles, de la situation de chaque organisation de producteurs concernée par les transferts de quantités litigieux (voir, à cet égard, le point 3 du rapport final de l’organe de conciliation du 2 septembre 2003, cité au point 44 ci‑dessus).

187    Au cours de la procédure devant l’organe de conciliation, les autorités espagnoles ont toutefois rétorqué que les quantités pour lesquelles de tels transferts avaient été autorisés avaient été appréciées en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas présenté aux organismes payeurs concernés, la force majeure étant admise sur la base des preuves écrites fournies par les parties, et elles ont offert d’en permettre la vérification sur la base des dossiers individuels détenus par les organismes payeurs.

188    Lors de l’audition devant l’organe de conciliation, les services de la Commission n’ont pas donné suite à cette offre, mais se sont bornés à faire valoir, en substance, que la réglementation en vigueur à l’époque ne prévoyait ni possibilité de reports de quantités ni dérogation pour cause de force majeure (voir le point 4 du rapport final de l’organe de conciliation).

189    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de mettre en doute l’affirmation des autorités espagnoles selon laquelle les reports de quantités litigieux ont fait l’objet d’un examen cas par cas avant d’être autorisés. Il convient dès lors de constater que ces autorités ont satisfait aux exigences de preuve imposées par la Commission au cours de la procédure administrative.

190    En tout état de cause, les éléments d’appréciation soumis au Tribunal, considérés dans leur ensemble, permettent à celui-ci de constater que la preuve d’un cas de force majeure a été rapportée à suffisance de droit, pour ce qui concerne les reports de quantités litigieux.

191    À cet égard, le Tribunal tient compte non seulement du Real Decreto-ley n° 2/1998 et de l’Orden du 21 mai 1998 identifiant les municipalités affectées, notamment celles productrices d’oranges, mais aussi du document joint en annexe 2 à la lettre des autorités espagnoles du 27 mars 2001 (voir point 40 ci-dessus), qui contient la liste des 76 contrats pluriannuels conclus en Andalousie, avec indication, pour chacun d’eux, de l’organisation de producteurs et du transformateur concernés, de la province où ils sont l’un et l’autre établis, des quantités totales stipulées et, le cas échéant, des quantités reportées d’un trimestre à l’autre.

192    Il ressort, notamment, de ce document que, sur les 76 contrats pluriannuels conclus en Andalousie, 24 ont fait l’objet d’un report de quantités au cours de la période concernée, dont 14 des 28 contrats conclus dans la seule province de Séville. Ces 14 contrats représentent à eux seuls près de 80 % du volume total des quantités ayant fait l’objet d’un report. Or, il ressort des autres documents produits devant le Tribunal que c’est précisément dans cette province, et plus particulièrement dans la plaine du Guadalquivir, que les perturbations climatiques ont été les plus importantes au cours de l’hiver 1997/1998. Par ailleurs, il ne ressort d’aucun élément soumis au Tribunal, et il n’a du reste pas été allégué par la Commission, que des reports de quantités auraient également été opérés par les producteurs au cours des périodes ayant précédé ou suivi les événements à l’origine du présent litige.

193    Il ressort ainsi du dossier que les reports de quantités litigieux ont constitué une pratique ponctuelle, localisée à près de 80 % dans la plaine sévillane du Guadalquivir et limitée à un seul trimestre d’une seule campagne, au cours duquel il est constant que l’Andalousie a connu une situation de catastrophe naturelle dûment reconnue par les pouvoirs publics.

194    Les éléments du dossier montrent également que les quantités dont le transfert a été autorisé sont limitées, puisqu’elles ont porté sur 7 % de la quantité totale d’oranges fixée contractuellement pour la campagne 1997/1998 en Andalousie. S’agissant plus particulièrement de la province de Séville, qui représente près de 80 % du volume des transferts litigieux, les quantités dont le transfert a été autorisé représentent 11,23 % de la quantité totale d’oranges fixée contractuellement pour la même campagne dans cette province. Un tel pourcentage ne paraît pas excessif au regard des perturbations climatiques importantes qu’a connues la région pendant l’hiver 1997/1998. Il peut ainsi être tenu pour établi que, d’une façon générale, les organisations de producteurs ont fait preuve de diligence afin de respecter leurs obligations et que les autorités espagnoles ont fait preuve de prudence et de discernement dans l’octroi des autorisations de reports. Par ailleurs, aucun élément d’appréciation soumis au Tribunal ne permet de fonder une quelconque suspicion quant à la nécessité dans laquelle les opérateurs concernés se sont effectivement trouvés de procéder aux reports de livraisons litigieux.

195    Il convient d’ajouter que, tant au cours de la procédure administrative que dans le cadre du présent recours, les autorités espagnoles ont fourni des explications précises, détaillées et convaincantes des raisons d’ordre naturel pour lesquelles les phénomènes climatiques en question ont nécessairement perturbé le calendrier normal des récoltes (voir, notamment, point 118 ci-dessus).

196    Enfin, il convient d’observer que les autorités espagnoles ont fait valoir, sans être contredites par la Commission, que les transferts qu’elles ont autorisés n’ont pas entraîné de modification de la quantité totale d’oranges bénéficiant des aides communautaires au cours de la campagne en question. Sans être en soi déterminant, cet élément tend à confirmer que les transferts en question n’ont été opérés qu’en raison d’une impossibilité temporaire de respecter le calendrier des livraisons contractuelles.

197    Tous ces éléments constituent autant d’indices précis, pertinents et concordants permettant de conclure que les reports de quantités litigieux sont bien intervenus dans des circonstances constitutives d’un cas de force majeure, ainsi que l’a également estimé l’organe de conciliation dans son rapport final.

198    À ce stade, il reste donc à examiner le dernier des cinq motifs sur lesquels se fonde la correction financière litigieuse (voir point 148 ci-dessus), à savoir la circonstance, également relevée par l’organe de conciliation, selon laquelle les autorités espagnoles se sont abstenues de se mettre en rapport avec les services de la Commission, avant de reconnaître la force majeure dans un cas où celle-ci n’était pas explicitement prévue par la réglementation communautaire pertinente. Ce faisant, la Commission reproche aux autorités espagnoles d’avoir méconnu les dispositions de la communication sur la force majeure et manqué tant à leur obligation de coopération loyale au titre de l’article 10 CE qu’à leur devoir général de prudence.

199    Il est vrai que, aux termes du point IV de la communication sur la force majeure, « les administrations nationales chargées d’appliquer concrètement la clause de force majeure doivent s’y engager avec la plus grande prudence tant en ce qui concerne l’appréciation des faits invoqués que des preuves apportées à l’appui des demandes concernées » et, « [e]n cas de doute, elles sont invitées à se mettre en rapport avec les services de la Commission ».

200    En l’espèce, le requérant a confirmé, lors de l’audience, que les autorités espagnoles ne s’étaient pas mises en rapport avec les services de la Commission au cours de la campagne 1997/1998. Il n’a avancé aucune explication ou justification particulière à cette abstention.

201    Cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, n’est toutefois pas de nature à justifier à elle seule la correction financière contenue dans la décision attaquée.

202    Premièrement, si la communication sur la force majeure, qui a été adoptée dans le but « d’apporter plus de clarté et de cohérence dans l’application de la clause de force majeure en droit communautaire », peut, le cas échéant, être considérée comme une règle de conduite indicative que la Commission s’impose à elle‑même, elle n’a pas de caractère contraignant à l’égard des États membres.

203    Deuxièmement, le point IV de ladite communication se borne à « invite[r] » les administrations nationales à se mettre en rapport avec les services de la Commission « en cas de doute ». Or, en l’espèce, le requérant relève à juste titre que l’administration espagnole ne pouvait nourrir aucun doute quant à l’existence d’un cas de force majeure, celui‑ci ayant été officiellement reconnu par un décret‑loi royal. Eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, qui se caractérisent par la mise en place, par les pouvoirs publics, d’un ensemble de mesures destinées à remédier à une catastrophe naturelle, le Tribunal estime qu’il en va de même de l’appréciation cas par cas des preuves invoquées à l’appui des demandes de reports.

204    Troisièmement, ainsi que la Commission l’a reconnu tant au cours de la procédure administrative que lors de l’audience, l’absence de suite donnée par un État membre à l’invitation qui lui est faite de se mettre en rapport avec ses services « [e]n cas de doute », aux termes de la communication sur la force majeure, ne fait pas obstacle à la prise en considération de tout élément de preuve produit par cet État membre à un stade ultérieur, notamment au cours de la procédure administrative. Partant, le cinquième motif invoqué au soutien de la correction financière litigieuse est, en tout état de cause, inopérant.

205    Quant à l’allégation de la Commission selon laquelle les autorités espagnoles auraient également manqué à leur devoir de coopération loyale au titre de l’article 10 CE, il suffit de relever qu’elle ne s’appuie sur aucun autre argument que ceux, tirés de la méconnaissance de la communication sur la force majeure, qui ont déjà été rejetés par le Tribunal. Elle ne peut, dès lors, qu’être rejetée elle aussi.

206    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit à cet aspect du recours et d’annuler la décision attaquée, en tant qu’elle écarte du financement communautaire certaines dépenses correspondant à une correction de l’aide destinée aux producteurs andalous de certains agrumes, pour les exercices financiers 1998 à 2001, en raison du « non‑respect du calendrier des livraisons ». Selon le point B 2 5 3 1 du rapport de synthèse du 30 septembre 2003, ces dépenses s’élèvent à 979 554,48 euros (voir point 46 ci-dessus).

207    Pour ce qui concerne la communauté autonome de Valence, en revanche, les autorités espagnoles n’ont pas avancé d’éléments suffisamment spécifiques et concrets pour que les mauvaises conditions climatiques de l’hiver 1997/1998 puissent être considérées comme constitutives d’un cas de force majeure. L’élément déterminant, à cet égard, est que cette communauté autonome n’est pas visée par le Real Decreto-ley n° 2/1998 ni par l’Orden du 21 avril 1998, son arrêté ministériel d’application – ceux-ci visent seulement les communautés autonomes d’Andalousie, d’Aragon, de Castille‑La‑Mancha, de Castille-León et de Catalogne. Les autres circonstances alléguées par le gouvernement espagnol (voir point 113 ci-dessus) comme ayant amené les autorités compétentes à autoriser, dans des cas ponctuels, des transferts limités entre trimestres, après examen cas par cas des demandes des producteurs et des éléments de preuve produits par eux, ne sont étayées par aucun élément probant et elles ne peuvent donc pas être prises en considération, dès lors que la Commission en conteste la réalité.

208    Il convient donc de rejeter cet aspect du recours.

 Sur les dépens

209    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2004/136/CE de la Commission, du 4 février 2004, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section « Garantie », est annulée en tant qu’elle écarte du financement communautaire un montant de 979 554,48 euros, correspondant à une correction de l’aide destinée aux producteurs andalous de certains agrumes, pour les exercices financiers 1998 à 2001.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


Table des matières


Cadre réglementaire

Réglementation relative au financement de la politique agricole commune

Réglementation des aides à la production destinées aux transformateurs de tomates

Réglementation des aides destinées aux producteurs de certains agrumes

Antécédents du litige

Contrôle du régime d’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates

Contrôle du régime d’aide à la production de certains agrumes

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Correction relative à l’aide à la production destinée aux transformateurs de tomates

Sur le moyen principal, tiré du caractère injustifié de la correction financière adoptée

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen subsidiaire, tiré du caractère disproportionné de la correction financière litigieuse

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Correction relative à l’aide destinée aux producteurs de certains agrumes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la question de savoir si les reports de livraisons entre trimestres étaient autorisés, au cours de la campagne 1997/1998, par les règlements nos 2202/96 et 1169/97

–  Sur la question de savoir si la force majeure peut en principe être invoquée comme justifiant exceptionnellement une dérogation au respect du calendrier des livraisons trimestrielles prévu par les règlements nos 2202/96 et 1169/97

–  Sur la question de savoir si la preuve d’un cas de force majeure a été dûment rapportée en l’espèce

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.