Language of document : ECLI:EU:T:2001:142

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

21 mai 2001 (1)

«Procédure de référé - Fonctionnaires - Réaffectation - Recevabilité - Fumus boni juris - Urgence»

Dans l'affaire T-52/01 R,

Jürgen Schaefer, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me J. R. Iturriagagoitia Bassas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et E. Gippini-Fournier, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à obtenir, d'une part, le sursis à l'exécution de la décision de la Commission du 12 février 2001 portant réaffectation du requérant à Bruxelles et, d'autre part, la suspension de toute procédure engagée en vue de pourvoir au poste rendu vacant par cette réaffectation,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Faits et procédure

    

1.
    Le requérant, fonctionnaire de la Commission de grade A 4, échelon 7, était membre de la délégation de celle-ci à Montevideo (Uruguay) depuis le 13 octobre 1998. Il était, notamment, en charge des relations avec le Paraguay, pays dans lequel la Commission n'a pas encore de délégation.

2.
    Le 26 janvier 2001, la Commission a publié un avis de vacance visant à pourvoir le poste occupé par le requérant.

3.
    Le 12 février 2001, la Commission a adopté une décision portant réaffectation du requérant à Bruxelles (ci-après l'«acte litigieux»). Cet acte devait prendre effet le 12 mars 2001. Le requérant en a accusé réception le 19 février 2001 à Bruxelles.

4.
    Le 2 mars 2001, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), auprès de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), contre l'acte litigieux.

5.
    Le 6 mars suivant, il a formé un recours, enregistré sous le numéro T-52/01, en vertu de l'article 236 CE et de l'article 91, paragraphe 4, du statut, tendant, notamment, à l'annulation de l'acte litigieux.

6.
    Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, par laquelle il demande le sursis à l'exécution de l'acte litigieux et la suspension immédiate de toute procédureengagée en vue de pourvoir au poste rendu vacant par cette réaffectation ainsi que la condamnation de la Commission aux dépens.

7.
    Le 9 mars 2001, le président du Tribunal, avant que la Commission ait pu déposer ses observations, a estimé nécessaire, afin de préserver la situation professionnelle du requérant et de limiter l'étendue du préjudice moral que celui-ci aurait pu subir en cas de réaffectation prématurée à Bruxelles, d'ordonner, en application de l'article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la suspension de l'exécution de l'acte litigieux jusqu'au prononcé de l'ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

8.
    La Commission a déposé ses observations le 15 mars 2001.

9.
    Dans ses observations, la Commission mentionne les différentes étapes de la procédure ayant précédé l'adoption de l'acte litigieux.

10.
    Ainsi, selon elle, le 12 avril 2000, dans la perspective de sa prochaine mise à la retraite, le requérant a proposé, dans une note adressée, notamment, à M. Legras, directeur général de la direction générale des relations extérieures (ci-après la «DG Relex») de la Commission, d'être réaffecté à Bruxelles. Cette suggestion était fondée sur le fait que la création d'une délégation de la Commission à Asunción (Paraguay) interviendrait très peu de temps avant sa mise à la retraite.

11.
    Le 2 octobre 2000, dans une note envoyée à M. Stathopoulos, directeur à la DG Relex, le requérant, dans la perspective de sa réaffectation à Bruxelles, a proposé un calendrier selon lequel son dernier jour de travail à Montevideo serait le 14 février 2001 et la reprise de ses fonctions à Bruxelles le 5 mars 2001.

12.
    Dans une note ultérieure adressée à M. Legras, le 4 octobre 2000, le requérant s'est déclaré surpris de l'intention de celui-ci de le réaffecter à Bruxelles.

13.
    Dans une note adressée à MM. Legras et Stathopoulos, en date du 11 novembre 2000, dont l'objet était «Mon rappel à Bruxelles à la suite des indications de M. Legras du 3 octobre 2000 et de la confirmation orale de M. Stathopoulos, directeur à la DG Relex», le requérant, tout en exprimant ses inquiétudes quant aux modalités d'adoption de la décision de le rappeler à Bruxelles, a signalé qu'il la respecterait.

14.
    Dans une note supplémentaire du 30 novembre 2000, adressée à M. Stathopoulos, le requérant se référait à une conversation avec celui-ci et M. Legras du 3 novembre 2000, à ses notes précédemment adressées à ces derniers ainsi qu'à un entretien téléphonique avec M. Stathopoulos du même mois. Il signalait que, tout en reconnaissant avoir été informé par téléphone que sa réaffectation à Bruxelles était basée sur des réserves exprimées par les autorités paraguayennes à son sujet, il attendait toujours une confirmation écrite des motifs de celle-ci. Il soutenait quela Commission ne pouvait fonder sa décision de réaffectation sur des réserves d'un pays tiers qu'au cas où elle les partageait. Toutefois, il ne contestait pas une telle décision et se montrait résigné, au dernier alinéa de sa note, à être réaffecté, notamment à Bruxelles.

15.
    Dans une note de M. Legras en date du même jour, la Commission expliquait par écrit au requérant que les réticences des autorités paraguayennes constituaient bien le motif de son rappel, dans l'intérêt du service, à Bruxelles. Cependant, elle précisait que cette mesure ne présentait aucun caractère disciplinaire.

16.
    En réponse à cette note, le 26 décembre 2000, le requérant, tout en contestant le caractère bien fondé du motif susvisé, a néanmoins confirmé à M. Legras qu'il respecterait la décision de le réaffecter et que toutes les démarches administratives nécessaires pour son départ étaient en cours.

17.
    Le 30 janvier 2001, le requérant, dans une télécopie adressée à M. Stathopoulos, a indiqué qu'il allait quitter la délégation de la Commission à Montevideo dans un délai de six jours ouvrables et qu'il fallait s'assurer que les autorités uruguayennes et paraguayennes en soient officiellement informées.

18.
    Par note du 1er février 2001, M. Stathopoulos a confirmé au requérant la réaffectation de celui-ci à Bruxelles en lui précisant qu'il serait nommé à la DG Relex.

19.
    Les parties ont été entendues en leurs observations orales et en leurs réponses aux questions posées par le juge des référés lors de l'audition qui s'est déroulée le 4 avril 2001. En réponse à une de ces questions, le requérant a affirmé avoir quitté l'Uruguay au début du mois de février et être revenu en Europe le 14 ou le 15 de ce mois.

En droit

20.
    En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE et de l'article 4 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), tel que modifié par la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L 144, p. 21), le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

21.
    L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit qu'une demande en référé doit spécifier les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu'une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l'une d'elles fait défaut (ordonnances du président du Tribunal du 10 février 1999, Willeme/Commission,T-211/98 R, RecFP p. I-A-15 et II-57, point 18, et du 12 octobre 2000, Mongolue et Rivas/Conseil et Parlement, T-208/00 R, non encore publiée au recueil, point 14).

Arguments des parties

22.
    En ce qui concerne l'existence des moyens tendant à justifier, à première vue, l'octroi des mesures provisoires sollicitées, le requérant allègue que la Commission voulait l'empêcher de continuer à occuper son emploi à la représentation de cette institution en Uruguay et, accessoirement, d'exercer des fonctions à la délégation au Paraguay, si cette dernière devait être créée, ce qui entraînerait pour lui un «periculum in mora». Le comportement de la Commission, surtout en ce qu'elle n'a pas autorisé le requérant à défendre sa réputation professionnelle, constituerait une violation du droit inaliénable de celui-ci «au perfectionnement professionnel», conféré par l'article 24, troisième alinéa, du statut. Ce droit serait renforcé par les articles 27, 31 et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (JO 2000, C 364, p. 1), proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (ci-après la «Charte»).

23.
    Lors de l'audition, il a précisé que l'acte litigieux avait été également adopté en violation de l'article 7, paragraphe 1, du statut. Il ne suffirait pas, pour réaffecter «dans le seul intérêt du service», aux termes de cette disposition, un fonctionnaire exerçant des fonctions diplomatiques et, a fortiori, expérimenté comme l'est le requérant, que des réserves à son sujet soient émises par des autorités d'un État tiers auprès duquel il représente la Commission. Le requérant prétend que l'explication fournie par la Commission dans la note de M. Legras du 30 novembre 2000 n'est pas conciliable avec les explications orales communiquées auparavant et que, en conséquence, l'institution a violé l'obligation de donner une explication cohérente.

24.
    Quant à la condition relative à l'urgence, le requérant soutient que, si la procédure de recrutement engagée à la suite de sa réaffectation se poursuit, les candidats intéressés par le poste qu'il occupait à Montevideo seront convoqués par la Commission au titre de l'avis de vacance du 26 janvier 2001, ce qui augmentera le nombre de personnes lésées. Il invoque aussi l'impossibilité pour lui de trouver à Bruxelles un poste comparable à celui qu'il occupait avant l'acte litigieux en raison du fait qu'il est proche de l'âge de la retraite. Il a précisé lors de l'audition qu'il invoque également, en tant que préjudice lié à l'exécution de l'acte litigieux, la perte de rémunération en découlant.

25.
    La balance des intérêts pèserait en sa faveur au motif que, en l'absence du sursis demandé, son âge ne lui permettrait pas, dans le cas où le recours au fond serait accueilli, d'exercer effectivement le droit de reprendre le poste en question.

26.
    La Commission, à titre liminaire, met en doute la recevabilité du recours au principal et, partant, de la présente demande en référé, en raison du caractère tardif de la réclamation du requérant. Bien que l'acte litigieux ait été notifié au requérant le 19 février 2001, il ressortirait de la note du requérant du 2 octobre 2000, adressée à M. Stathopoulos, que la décision selon laquelle il était réaffecté à Bruxelles lui avait été oralement communiquée bien avant le 30 novembre 2000. Selon la Commission, cette décision orale constitue un acte attaquable (arrêt du Tribunal du 23 avril 1996, Mancini/Commission, T-113/95, RecFP p. I-A-185 et II-543). Par conséquent, la réclamation, introduite le 2 mars 2001, n'aurait pas été présentée dans le délai de trois mois fixé par l'article 90, paragraphe 2, du statut.

27.
    En tout état de cause, la demande de suspension de la procédure de recrutement ayant suivi l'avis de vacance du 26 janvier 2001 serait irrecevable parce que seul un préjudice personnel fonderait un intérêt à agir. Lors de l'audition, la Commission a ajouté, sans être contredite sur ce point par le requérant, que ce dernier n'a pas fait acte de candidature dans le cadre de cette procédure.

28.
    Elle soutient ensuite, au cas où le juge des référés déclarerait recevable la présente demande, que celle-ci ne satisfait à aucune des conditions requises.

29.
    Quant au fumus boni juris, la Commission fait valoir que l'article 7 du statut permet à l'AIPN de déplacer le fonctionnaire dans le seul intérêt du service. Se fondant, notamment, sur l'arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission (C-294/95 P, Rec. p. I-5863, points 41 à 43), la Commission considère que, dans le contexte particulier des relations diplomatiques avec les pays tiers, l'AIPN est en droit de réaffecter le fonctionnaire qui fait l'objet d'une plainte ou d'une réticence de la part du pays auprès duquel il doit être accrédité, sans devoir, au préalable, vérifier si une telle réserve est fondée. La Commission invoque aussi l'article 3 de l'annexe X du statut qui permet à l'AIPN d'affecter un fonctionnaire exerçant ses fonctions hors Communauté dans un emploi dont le lieu d'affectation se situe dans la Communauté pour une période qui ne peut pas dépasser quatre ans, même en l'absence d'une déclaration de vacance d'emploi.

30.
    La Commission met en doute le fait que l'article 24, troisième alinéa, du statut confère un droit subjectif au fonctionnaire. La possibilité de faciliter la formation professionnelle demeurerait expressément subordonnée à l'intérêt du service. Quant aux dispositions de la Charte invoquées par le requérant, la Commission considère qu'elles ne paraissent pas incompatibles avec l'article 7 du statut et le droit de déplacer un fonctionnaire dans le seul intérêt du service.

31.
    Quant à l'urgence, la Commission fait valoir que le requérant, tout en exprimant ses inquiétudes pour de supposés préjudices subis ou pouvant être subis par des tiers à cause de la publication de l'avis de vacance du 26 janvier 2001, n'avance aucun argument convaincant qui démontre, eu égard à sa propre situation, l'urgence à obtenir le sursis à l'exécution de l'acte litigieux.

32.
    La Commission soutient que les seuls arguments qui sembleraient concerner le requérant lui-même sont ceux tirés de l'approche de l'âge de la retraite. Elle fait observer, toutefois, que, en avril 2000, c'est également pour ce même motif que le requérant avait demandé sa réaffectation à Bruxelles. Le seul fait que le requérant soit devenu par la suite, au moins à certains moments, intéressé par le poste de chef de la délégation de la Commission au Paraguay ne saurait rendre urgente la suspension de l'acte litigieux. Puisque son déménagement et celui de sa famille ont déjà eu lieu à la charge de la Commission, cette dernière estime que le vrai motif pour lequel le requérant cherche à obtenir son maintien à Montevideo est d'ordre financier, à savoir continuer à percevoir les indemnités prévues par l'annexe X du statut.

Appréciation du juge des référés

Sur la recevabilité de la demande en référé

33.
    En vertu des dispositions de l'article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, une demande de sursis à l'exécution d'un acte n'est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. Cette règle n'est pas une simple formalité mais présuppose que le recours au fond, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être examiné par le Tribunal.

34.
    Toutefois, selon une jurisprudence constante, statuer sur la recevabilité du recours devant le juge du fond au stade du référé lorsque celle-ci n'est pas, prima facie, totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant au principal (ordonnance du président du Tribunal du 4 février 1999, Peña Abizanda e.a./Commission, T-196/98 R, RecFP p. I-A-5 et II-15, point 10, et la jurisprudence citée).

35.
    Il y a lieu d'examiner si, à première vue, le recours au principal, pour ce qu'il vise à l'annulation de l'acte litigieux, est irrecevable comme le soutient la Commission.

36.
    Selon l'article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant doit saisir l'AIPN d'une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief «dans un délai de trois mois» à compter, s'il s'agit d'une mesure de caractère individuel, du jour auquel cet acte lui a été notifié et, en tout état de cause, du jour où il en a eu connaissance. En outre, il ressort clairement d'une jurisprudence constante qu'un tel acte peut lui être communiqué oralement (arrêt de la Cour du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes, 316/82 et 40/83, Rec. p. 641, points 9 à 11, et arrêt Mancini/Commission, précité, points 23 à 25).

37.
    Lors de l'audition, le requérant a reconnu que la décision de réaffectation comprise dans l'acte litigieux lui avait été communiquée par la note de M. Legras du 30novembre 2000. Toutefois, il a souligné que cette note ne lui était parvenue à Montevideo que le 11 décembre 2000. La réclamation, introduite le 2 mars 2001 par le requérant ne serait, par conséquent, pas hors délai.

38.
    Certes, il ressort des notes du requérant en date des 2 et 4 octobre 2000 que celui-ci avait été informé oralement, avant le 30 novembre 2000, de ce qu'il devait être réaffecté à Bruxelles.

39.
    Cependant, le requérant a insisté lors de l'audition sur le fait que le motif de sa réaffectation contenue dans la note du 30 novembre 2000 n'était pas conforme aux explications qui lui avaient été fournies antérieurement par la Commission. De plus, il a indiqué que, à son retour en Europe en février 2001, il avait agi promptement en cherchant un avocat connaissant le droit communautaire à Bruxelles. Il ne saurait donc être exclu que la communication faite oralement au requérant de la décision de le réaffecter à Bruxelles dès le mois d'octobre 2000, invoquée par la Commission, ait été dépourvue de la clarté nécessaire pour constituer un acte faisant grief au requérant. À première vue, la Commission n'a pas apporté la preuve contraire et il est de jurisprudence constante qu'il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d'un recours, au regard des délais fixés par le statut, de faire la preuve de la date à laquelle la décision litigieuse a été communiquée à son destinataire et à laquelle celui-ci en a pris connaissance (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Olbrechts/Commission, 58/88, Rec. p. 2643, point 10).

40.
    Dès lors, le recours au principal en ce qu'il tend à l'annulation de l'acte litigieux n'est pas, au moins à première vue, manifestement irrecevable.

Sur le fumus boni juris

41.
    S'agissant d'abord de la condition relative au fumus boni juris, l'argument, tiré par le requérant de l'article 24, troisième alinéa, du statut, selon lequel l'acte litigieux violerait son droit «au perfectionnement professionnel» est manifestement dépourvu de tout fondement. En premier lieu, il n'est pas établi que l'obligation de faciliter ce perfectionnement, mise à la charge des Communautés, consacre réellement un droit subjectif du fonctionnaire. En second lieu, il ressort clairement du libellé de cette disposition que l'obligation est soumise, notamment, à la condition que «[ce perfectionnement soit] compatible avec les exigences du bon fonctionnement des services».

42.
    Concernant ensuite l'argument du requérant, tel qu'il a été réitéré lors de l'audition, selon lequel des réserves émises par un État tiers auprès duquel un fonctionnaire exerce des fonctions diplomatiques pour le compte de la Commission ne justifieraient sa mutation que si cette dernière, à la suite d'une enquête, trouvait ces réserves bien fondées, ne présente pas non plus un caractère sérieux. La Cour de justice a clairement constaté que «des difficultés relationnelles internes peuvent justifier la mutation d'un fonctionnaire dans l'intérêt du service [...] indépendamment de la question de la responsabilité des incidents en cause» (arrêtOjha/Commission, précité, point 41), confirmant ainsi la position qu'elle avait adoptée, notamment, dans son arrêt du 12 juillet 1979, List/Commission (124/78, Rec. p. 2499, point 13). Cette jurisprudence trouve à s'appliquer, a fortiori, lorsque de telles difficultés concernent un fonctionnaire exerçant ses fonctions dans un cadre diplomatique (arrêt Ojha/Commission, précité, point 42).

43.
    En l'espèce, puisque la note de M. Legras du 30 novembre 2000 a confirmé l'existence de certaines réserves de la part des autorités paraguayennes à l'égard du requérant, nonobstant le fait que la Commission ne partageait pas les motifs qui les sous-tendaient, il est évident, au moins à première vue, que l'institution était en droit de réaffecter celui-ci dans l'intérêt du service.

44.
    Cette conclusion ne saurait être affectée par la Charte. Le requérant se réfère aux articles 27, 31 et 41 de celle-ci qui traitent, respectivement, du droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise, des conditions de travail justes et équitables ainsi que du droit à une bonne administration. À supposer même que la Charte puisse avoir une influence sur l'interprétation du statut, nonobstant son absence de caractère contraignant, la référence générale et non étayée faite dans la demande en référé à certaines de ses dispositions ne pourrait, en aucun cas, remettre en cause la jurisprudence relative au pouvoir des institutions communautaires de réaffecter un fonctionnaire dans l'intérêt du service.

45.
    Dès lors, les arguments invoqués par le requérant dans le cadre de la présente demande en référé sont loin de justifier, même au terme d'un premier examen, sa conclusion dans l'affaire au principal tendant à l'annulation de l'acte litigieux.

Sur l'urgence

46.
    En tout état de cause, la condition relative à l'urgence n'est manifestement pas remplie en l'espèce.

47.
    S'agissant de l'argument du requérant tiré du supposé préjudice aux intérêts des tiers, invoqué au soutien de sa demande de suspension de toute procédure engagée à la suite de l'avis de vacance du 26 janvier 2001 aux fins de pourvoir au poste rendu vacant par sa réaffectation, il y a lieu de le rejeter comme dépourvu de tout fondement. Le juge des référés, dans le cadre de son examen de la condition relative à l'urgence, ne saurait prendre en compte un préjudice grave et irréparable allégué que dans la mesure où il est susceptible d'être occasionné aux intérêts de la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99 R, Rec. p. II-1961, point 136). Or, en l'espèce, le requérant ne démontre pas que l'achèvement de cette procédure de recrutement lui causerait un préjudice grave et irréparable dès lors qu'elle n'empêcherait pas sa réaffectation à Montevideo s'il était fait droit à son recours dans l'affaire au principal. En outre, le requérant n'a pas fait acte decandidature dans le cadre de cette procédure. La demande de suspension de celle-ci doit donc, en tout état de cause, être rejetée.

48.
    Pour autant que le requérant fonde sa demande de sursis à l'exécution de l'acte litigieux sur la perte des indemnités spécifiques prévues par l'annexe X du statut pour les fonctionnaires affectés hors de la Communauté, il est manifeste qu'un tel préjudice est de nature purement financière et, donc, en principe réparable. Dans les circonstances de l'espèce, la Commission aurait l'obligation et serait en mesure de compenser le préjudice subi par le requérant à cet égard, au cas où le recours au principal serait accueilli. Il est aussi évident que les frais qui découleraient d'une réaffectation du requérant à Montevideo seraient, comme l'ont été les frais du déménagement de celui-ci à Bruxelles, à la charge de la Commission.

49.
    Il en est ainsi, également, pour le prétendu préjudice professionnel qui serait occasionné au requérant par sa réaffectation à Bruxelles. Il convient de souligner que cette réaffectation n'a aucun caractère disciplinaire. Elle ne signifie pas, comme la note du 30 novembre 2000 de M. Legras en fait la preuve, que la Commission n'était pas satisfaite du travail accompli par le requérant à Montevideo. À supposer même qu'il existe un tel préjudice, il est également réparable puisque rien n'empêche que le requérant puisse être réaffecté à son ancien poste, comme il l'a effectivement reconnu lors de l'audition, au cas où l'acte litigieux serait annulé.

50.
    S'agissant, en dernier lieu, du supposé préjudice moral qui serait causé par l'acte litigieux, force est de constater, sans prendre position sur la pertinence d'un tel préjudice pour satisfaire à la condition de l'urgence, qu'il ne serait ni grave ni irréparable comme il ressort du point précédent. En outre, le requérant avait lui-même, par note du 12 avril 2000 (voir point 10 ci-dessus), proposé sa réaffectation à un poste à Bruxelles, lieu où il est maintenant affecté.

51.
    Dès lors, ni la condition relative au fumus boni juris ni celle relative à l'urgence n'est remplie en l'espèce.

52.
    Il découle de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1)    La demande en référé est rejetée.

2)    Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 21 mai 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'espagnol.