Language of document : ECLI:EU:T:2003:272

Affaire T-47/01

Co-Frutta Soc. coop. rl

contre

Commission des Communautés européennes

«Recours en annulation - Accès aux documents -

Décision 94/90/CECA, CE, Euratom - Rejet - Règle de l'auteur -

Détournement de pouvoir»

    Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 16 octobre 2003
?II - 0000

Sommaire de l'arrêt

1.
    Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Actes préparatoires - Exclusion - Décision du secrétaire général remplaçant la prise de position initiale dans le cadre d'une demande d'accès aux documents de la Commission - Inclusion

    (Art. 230 CE; décision de la Commission 94/90, art. 2, § 2)

2.
    Commission - Droit d'accès du public aux documents de la Commission - Décision 94/90 - Limitations du principe d'accès aux documents - Règle de l'auteur - Portée - Rassemblement par la Commission, dans une base informatique unique, des données communiquées par les États membres

    (Décision de la Commission 94/90)

3.
    Commission - Droit d'accès du public aux documents de la Commission - Décision 94/90 - Limitations du principe d'accès aux documents - Règle de l'auteur - Interprétation restrictive - Documents à la base du processus décisionnel

    (Décision de la Commission 94/90)

4.
    Commission - Droit d'accès du public aux documents de la Commission - Décision 94/90 - Limitations du principe d'accès aux documents - Règle de l'auteur - Documents émanant des États membres - Difficultés d'accéder aux documents en s'adressant aux États membres - Absence d'incidence

    (Décision de la Commission 94/90)

5.
    Commission - Droit d'accès du public aux documents de la Commission - Décision 94/90 - Limitations du principe d'accès aux documents - Règle de l'auteur - Possibilité d'invoquer le règlement n° 1049/2001 à l'appui d'une interprétation stricte de cette règle - Absence

    (Règlement n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil; décision de la Commission 94/90)

6.
    Commission - Droit d'accès du public aux documents de la Commission - Décision 94/90 - Réexamen d'une décision initiale de refus - Divergence des motivations - Détournement de pouvoir - Absence

    (Art. 230 CE; décision de la Commission 94/90)

1.
    Seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d'un requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 230 CE. Lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale.

    À cet égard, dans le cadre de la procédure aménagée par la décision 94/90, relative à l'accès du public aux documents de la Commission, lorsque, en cas de réponse initiale négative, l'intéressé formule une demande confirmative auprès du secrétaire général de la Commission tendant à obtenir la révision de cette position, la décision dudit secrétaire général constitue la prise de position définitive de l'institution. Dès lors, seule la mesure adoptée par le secrétaire général, ayant la nature d'une décision et remplaçant intégralement la prise de position précédente, est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du demandeur et, partant, de faire l'objet d'un recours en annulation en vertu de l'article 230 CE.

(voir points 28-29, 31)

2.
    Ne suffit pas à faire perdre aux États membres leur qualité d'auteur des documents au sens de la décision 94/90, relative à l'accès du public aux documents de la Commission, le fait que la Commission rassemble dans une base informatique unique des données communiquées par lesdits États, lorsque cette institution se borne à les rassembler, aux simples fins de faciliter les tâches de comparaison et de vérification des doubles comptages des données, mais sans pouvoir procéder elle-même à des modifications, corrections ou tout autre traitement, les vérifications ou corrections opportunes de ces données devant être demandées aux autorités nationales.

(voir point 47)

3.
    S'il est vrai que la règle de l'auteur, établissant une limitation au droit d'accès prévu dans la décision 94/90, relative à l'accès du public aux documents de la Commission, doit être interprétée et appliquée restrictivement, de manière à ne pas limiter ce droit d'accès, néanmoins, la thèse selon laquelle cette règle, devant être interprétée restrictivement, ne serait pas applicable à des cas où les documents des tiers demandés seraient à la base du processus décisionnel communautaire, ne peut être accueillie. Dans la mesure où le code de conduite adopté par la décision 94/90 ne prévoit pas de limitation à l'application de ladite règle, il y a lieu d'interpréter celle-ci en ce sens qu'elle est pleinement applicable à toute sorte de documents des tiers dont l'accès est demandé, sans qu'il soit possible d'établir des niveaux d'applicabilité différents selon que ces documents peuvent affecter les agents économiques concernés ou selon l'utilisation faite par la Commission dans son processus de décision.

    Par ailleurs, le critère jurisprudentiel de l'interprétation et de l'application restrictives de la règle de l'auteur s'impose notamment quand il y a des doutes sur l'auteur du document demandé. Lorsqu'il n'existe pas de doutes à cet égard, les États membres étant les seuls auteurs des documents en cause, une telle jurisprudence ne peut être valablement invoquée.

(voir points 57-58, 60-61)

4.
    Dans le cadre de la procédure prévue par la décision 94/90, relative à l'accès du public aux documents de la Commission, les difficultés d'accéder aux documents sollicités en s'adressant aux États membres n'ont aucune incidence sur la légalité d'une décision de cette institution refusant l'accès aux documents demandés au motif qu'ils ont pour auteur lesdits États. En effet, la position des États membres à l'égard des informations demandées, relevant de leurs ordres juridiques internes respectifs et étant soumise aux limitations établies par les législations nationales applicables à cet effet, ne nuit pas à l'application correcte faite par la Commission de la règle de l'auteur prévue par le législateur communautaire.

(voir point 64)

5.
    Le règlement n° 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, étant entré en vigueur le 3 juin 2001 et n'étant applicable qu'à partir du 3 décembre 2001, ne saurait pas être invoqué à l'encontre d'une décision de la Commission prise à une date antérieure conforme au régime prévu par la décision 94/90, relative à l'accès du public aux documents de la Commission, pour soutenir une interprétation stricte de la règle de l'auteur conduisant à son inapplicabilité.

(voir point 65)

6.
    Un acte n'est entaché de détournement de pouvoir que s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d'atteindre des fins autres que celles excipées, ou d'éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l'espèce.

    À cet égard, dès lors que le système instauré par le code de conduite concernant l'accès du public aux documents du Conseil et de la Commission, et mis en place en ce qui concerne la Commission par la décision 94/90, soumet le refus d'octroi des documents demandés à une procédure de double demande où seule la décision confirmative du secrétaire général constitue la prise de position finale de l'institution, la divergence des motivations exposées par la Commission dans le cadre de la procédure de réexamen ne peut pas être considérée comme un indice d'un détournement de pouvoir, puisque cette procédure a précisément pour objet de permettre au secrétaire général de reconsidérer la question, sans se voir contraint par des prises de position précédentes de la part des services compétents.

(voir points 72-73)