Language of document : ECLI:EU:T:2014:53

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 janvier 2014(*)

« Recours en annulation - Dumping – Importations de carreaux en céramique originaires de Chine – Droit antidumping définitif – Défaut d’affectation individuelle – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑596/11,

Bricmate AB, établie à Stockholm (Suède), représentée par Mes C. Dackö, A. Willems et S. De Knop, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.‑P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes G. Berrisch et A. Polcyn, puis de Me Polcyn, avocats.

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

et par

Cerame-Unie AISBL, établie à Bruxelles (Belgique),

Asociación Española de Fabricantes de Azulejos y Pavimentos Cerámicos (ASCER), établie à Castellón de la Plana (Espagne),

Confindustria Ceramica, établie à Sassuolo (Italie),

Casalgrande Padana SpA, établie à Casalgrande (Italie),

Etruria Design Srl, établie à Modène (Italie),

représentées par Mes V. Akritidis et Y. Melin, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 917/2011 du Conseil, du 12 septembre 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine (JO L 238, p. 1),

      LE TRIBUNAL (cinquième chambre),      

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par avis d’ouverture du 19 juin 2010, la Commission européenne a initié une procédure antidumping concernant les importations de carreaux en céramique provenant de la République populaire de Chine (JO C 160, p. 20) (ci-après l’« avis d’ouverture »). L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010. L’examen des tendances aux fins de l’évaluation du préjudice et des causalités a couvert la période allant du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010. L’enquête s’est étendue à tous les carreaux de céramique importés sous les codes 6907 et 6908 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO L 28, p. 16, ci-après la «NC»).

2        La requérante, Bricmate AB, a été sélectionnée avec six autres sociétés pour faire partie de l’échantillon des importateurs indépendants. Le 10 septembre 2010, elle a remis une réponse au questionnaire de la Commission, qu’elle a complété le 10 décembre 2010.

3        Le 16 mars 2011, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 258/2011, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine (JO L 70, p. 5, ci-après le « règlement provisoire »). Le 15 avril 2011, la requérante a remis à la Commission sa réponse en réaction audit règlement. Le 4 juillet 2011, la Commission a envoyé à la requérante un document de divulgation général sur la base duquel elle proposait de recommander au Conseil de l’Union européenne d’imposer des mesures antidumping définitives et a répondu aux commentaires de la requérante du 15 avril 2011. Le 11 juillet 2011, la requérante a remis ses observations sur les documents qui lui ont été envoyés par la Commission le 4 juillet 2011. À la suite de l’intervention du conseiller-auditeur, le 15 juillet 2011, elle a complété ses commentaires. Par lettre datée du 27 juillet 2011, la Commission a répondu aux observations de la requérante, cette dernière ayant remis des commentaires sur cette réponse le 23 août 2011.

4        Le 12 septembre 2011, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 917/2011, du 12 septembre 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine (JO L 238, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). L’article premier de celui-ci dispose:

« 1. Un droit antidumping définitif est institué sur les importations de carreaux et dalles de pavement ou de revêtement, vernissés ou émaillés et non vernissés ni émaillés, en céramique ainsi que les cubes, dés et articles similaires pour mosaïques, vernissés ou émaillés et non vernissés ni émaillés, en céramique, même sur support, relevant actuellement des codes NC 6907 10 00, 6907 90 20, 6907 90 80, 6908 10 00, 6908 90 11, 6908 90 20, 6908 90 31, 6908 90 51, 6908 90 91, 6908 90 93 et 6908 90 99, et originaires de la République populaire de Chine.

2. Le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, s’établit comme suit pour le produit décrit au paragraphe 1 et fabriqué par les sociétés citées suivantes:

Société

Droit

Code additionnel TARIC

Dongguan City Wonderful Ceramics Industrial Park Co. Ltd; Guangdong Jiamei Ceramics Co. Ltd; Qingyuan Gani Ceramics Co. Ltd; Foshan Gani Ceramics Co. Ltd

26,3 %

B011

Guangdong Xinruncheng Ceramics Co. Ltd

29,3 %

B009

Shandong Yadi Ceramics Co Ltd

36,5 %

B010

Sociétés énumérées à l’annexe I

30,6 %

 

Toutes les autres sociétés

69,7 %

B999


[…] »

5        Le 15 septembre 2011, la Commission a envoyé à la requérante une dernière lettre répondant à ses observations datées du 23 août 2011.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

7        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2012, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2012, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mars 2012, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 mars 2012, Cerame-Unie, Asociación Española de Fabricantes de Azulejos y Pavimentos Cerámicos (ASCER), Confindustria Ceramica, Casalgrande Padana SpA et Etruria Design Srl (ci-après, prises ensemble, « Cerame‑Unie e.a. ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 avril 2012, la requérante a soulevé des objections quant à l’intervention d’ASCER, de Confindustria Ceramica, de Casalgrande Padana SpA et d’Etruria Design Srl. Le Conseil n’a soulevé aucune objection.

11      Par ordonnance du 16 avril 2012, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission. Celle-ci a, par son mémoire en intervention limité à la question de la recevabilité du recours, déposé au greffe du Tribunal le 14 mai 2012, soutenu l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

12      Par ordonnance du 11 juillet 2012, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis l’intervention de Cerame-Unie e.a.

13      Dans le cadre des mesures d’organisation de procédure, le Tribunal (deuxième chambre) a invité les parties à produire certains documents et à répondre à certaines questions. Les parties ont répondu dans le délai imparti.

14      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil et les parties intervenantes aux dépens.

16      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, surseoir à statuer dans la présente procédure en attendant la reprise de la procédure dans l’affaire T-134/10, FESI/Conseil.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

18      Cerame-Unie e.a. concluent à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 En droit

19      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

20      L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil est articulée en deux branches. En premier lieu, la requérante ne serait pas individuellement concernée par le règlement dont elle demande l’annulation. En second lieu, le règlement attaqué comporterait des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur la première branche tirée de l’absence d’affectation individuelle de la requérante

21      Le Conseil et les parties intervenantes font en substance valoir que les institutions n’ont utilisé les prix de vente fournis par la requérante ni pour déterminer le prix à l’exportation en vue d’évaluer l’existence du dumping ni pour calculer le droit antidumping lui-même. Ils estiment également que la requérante n’est ni dépendante des importations des produits concernés en provenance de Chine ni concernée par le règlement attaqué d’une manière différente de celle des autres importateurs indépendants.

22      La requérante estime, d’une part, être, en substance, individualisée en raison de la prétendue utilisation des informations qu’elle a fournies pour la construction du prix à l’exportation, de la marge de dumping, voire pour le calcul du droit antidumping lui-même. D’autre part, elle soutient avoir été individuellement concernée par le règlement attaqué en raison de certaines qualités qui lui sont particulières et qui la caractérisent par rapport à toute autre personne, au sens de l’arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C‑358/89, Rec. p. I‑2501, points 16 et 17), et de l’arrêt du Tribunal du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil (T‑598/97, Rec. p. II‑1155, point 48).

23      À cet égard, il convient de rappeler que, s’il est vrai que, au regard des critères de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques [arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 11 ; arrêts du Tribunal du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T‑597/97, Rec. p. II‑2419, point 43 ; BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22 supra, point 43, et du 19 avril 2012, Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, T‑162/09, non publié au Recueil, point 21].

24      Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, point 14).

25      En premier lieu, le juge de l’Union a considéré que certaines dispositions des règlements instituant des droits antidumping peuvent concerner individuellement ceux des producteurs et des exportateurs du produit en cause auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Tel est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir, en ce sens, arrêts Allied Corporation e.a./Commission, point 23 supra, points 11 et 12 ; Euromin/Conseil, point 23 supra, point 45, et BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22 supra, point 45).

26      En deuxième lieu, sont individuellement concernés par certaines des dispositions de règlements instituant des droits antidumping ceux des importateurs du produit en cause dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l’exportation et qui sont, dès lors, concernés par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping (arrêts de la Cour du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, Rec. p. I‑719, point 15, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, point 18 ; arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22 supra, point 46).

27      La Cour a également jugé que des importateurs associés avec des exportateurs de pays tiers dont les produits sont frappés de droits antidumping peuvent attaquer les règlements instituant lesdits droits, notamment dans le cas où le prix à l’exportation a été calculé à partir des prix de vente sur le marché de l’Union pratiqués par lesdits importateurs (voir arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22 supra, point 47, et la jurisprudence citée) ainsi que dans le cas où ce n’est pas l’existence d’une pratique de dumping qui est constatée en fonction des prix de revente de ces importateurs, mais le calcul du droit antidumping lui-même (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, Rec. p. I‑2945, points 19 et 20, et ordonnance du Tribunal du 27 janvier 2006, Van Mannekus/Conseil, T‑278/03, non publiée au Recueil, point 119).

28      En troisième lieu, la Cour a jugé qu’un fabricant d’équipements d’origine, sans qu’il y eût lieu de le qualifier d’importateur ou d’exportateur, était individuellement concerné par les dispositions du règlement instituant des droits antidumping relatives aux pratiques de dumping du producteur auprès duquel il achetait les produits en raison des particularités de ses relations commerciales avec ce producteur. En effet, elle a considéré que c’était pour tenir compte de ces particularités que le Conseil avait fixé un certain taux de marge bénéficiaire dans le cadre de la construction de la valeur normale, laquelle avait ensuite été prise en compte dans le calcul de la marge de dumping sur la base de laquelle le droit antidumping avait été fixé, de sorte que le fabricant d’équipements d’origine était concerné par les constatations relatives à l’existence de la pratique de dumping incriminée (voir, en ce sens, arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 26 supra, points 17 à 20, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 26 supra, points 20 à 23).

29      Cette reconnaissance du droit de certaines catégories d’opérateurs économiques d’introduire un recours en annulation d’un règlement antidumping ne saurait cependant empêcher que d’autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne (arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, point 16).

30      La Cour a reconnu que tel était le cas pour un importateur indépendant ayant établi l’existence d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière le caractérisant, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique. En particulier, l’importateur indépendant concerné avait prouvé, premièrement, qu’il était l’importateur le plus important du produit faisant l’objet de la mesure antidumping et, en même temps, l’utilisateur final de ce produit, deuxièmement, que ses activités économiques dépendaient, dans une très large mesure, de ces importations et, troisièmement, que ces activités étaient sérieusement affectées par le règlement litigieux, compte tenu du nombre restreint de producteurs du produit concerné et du fait qu’il éprouvait des difficultés à s’approvisionner auprès du seul producteur de l’Union, qui était, au surplus, son principal concurrent pour le produit transformé (arrêts Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, point 17, et BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22 supra, point 50 ; ordonnance Van Mannekus/Conseil, point 27 supra, point 122).

31      En l’espèce, il convient, premièrement, de relever que Bricmate n’appartient à aucune des trois catégories d’opérateurs visées aux points 25 à 28 ci-dessus, auxquelles la jurisprudence a reconnu le droit d’introduire un recours direct contre des règlements instituant des droits antidumping.

32      En effet, la requérante ainsi qu’elle l’affirme elle-même, est un importateur indépendant.

33      Quant à l’argument de la requérante selon lequel elle devrait être assimilée à un importateur associé, force est de constater qu’il ne saurait prospérer. En effet, il ressort, d’une part, de l’article 2, paragraphe 9, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base ») que, lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant. D’autre part, le montant du droit antidumping à éventuellement acquitter se détermine, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué au prix net franco-frontière de l’Union, avant dédouanement. Or, dans les deux cas, ces prix correspondent, pour les importateurs associés, à la valeur en douane au sens de l’article 30, paragraphe 2, sous c), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire »). Selon cette disposition, la valeur en douane se fonde essentiellement sur le prix auquel les marchandises importées sont vendues par l’importateur concerné à des personnes non-associées au vendeur. Contrairement aux importateurs indépendants, les importateurs associés sont donc en mesure d’influencer, par ces prix de revente pratiqués pour les produits en cause vis-à-vis des acheteurs indépendants, le prix à l’exportation ainsi que le montant du droit antidumping à acquitter (voir, en ce sens, arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 27 supra, point 20).

34      Les importateurs indépendants ne sauraient donc pas être assimilés, aux fins de l’examen de leur affectation individuelle par un règlement instituant des droits antidumping définitifs, aux importateurs associés.

35      La requérante estime, en se référant au considérant 59 du règlement provisoire et au considérant 111 du règlement attaqué, qu’elle devait être considérée comme individuellement concernée dans la mesure où ses données auraient été utilisées pour la construction du prix à l’exportation, pour la détermination de la marge de dumping, voire pour le calcul du droit antidumping lui-même. Toutefois, ces arguments ne sauraient prospérer.

36      En l’occurrence, la requérante n’a pas contesté le considérant 60 du règlement provisoire, selon lequel les marges de dumping ont été établies en comparant les prix à l’exportation départ usine individuels des exportateurs inclus dans l’échantillon aux prix de vente intérieurs ou à la valeur normale construite, selon le cas. Ensuite, ainsi que le font valoir le Conseil, la Commission et Cerame-Unie e.a., il ressort du considérant 59 du règlement provisoire et du considérant 80 du règlement attaqué que le prix à l’exportation a été calculé à partir des prix à l’exportation réellement payés ou à payer par le premier client indépendant à l’exception de celui concernant les producteurs et exportateurs associés. Lorsque des producteurs-exportateurs chinois ont réalisé des ventes par l’intermédiaire d’un importateur associé dans l’Union, les institutions avaient construit les prix à l’exportation conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. Pour la construction du prix à l’exportation, le point de départ a été le prix auquel l’importateur associé a vendu le produit au premier acheteur indépendant. Les institutions ont alors procédé à des ajustements de ce prix afin de tenir compte de tous les coûts supportés entre l’importation et la revente, notamment des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi que du bénéfice. Dans ce cadre, les institutions avaient considéré que le bénéfice réel des importateurs associés n’était pas fiable du fait de la relation existant entre les producteurs exportateurs et les importateurs associés. Il ressort des réponses du Conseil et de la Commission aux questions posées par le Tribunal, que, en lieu et place, elles avaient utilisé le bénéfice moyen réalisé par les sept importateurs indépendants échantillonnés du produit concerné, dont la requérante et non pas par un seul importateur indépendant, comme cela pourrait ressortir de la dernière phrase du considérant 59 du règlement provisoire.

37      Toutefois, même si l’information sur le bénéfice de la requérante a été utilisée par les institutions, avec les informations sur le bénéfice des autres importateurs indépendants retenus dans l’échantillon pour remplacer le bénéfice, jugé non fiable, des importateurs associés, et qui formait ainsi l’un des éléments pour la construction du prix à l’exportation, cela ne saurait suffire pour considérer que la requérante a ainsi été concernée par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping. En effet, ce fait doit plutôt être compris dans le cadre plus général de sa participation à la procédure administrative menant à l’adoption du règlement attaqué [voir, par analogie, arrêt Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, point 23 supra, point 32]. Étant donné que tout importateur indépendant échantillonné et coopérant est susceptible de fournir un nombre de données pouvant être pris en compte par les institutions au cours de l’enquête, une solution contraire irait à l’encontre de la jurisprudence bien établie, selon laquelle, si la participation d’une entreprise à une procédure antidumping peut être prise en compte, parmi d’autres éléments, afin d’établir que cette entreprise est individuellement concernée par le règlement instituant les droits antidumping adoptés à l’issue de cette procédure, en l’absence d’autres éléments constitutifs d’une situation particulière de nature à caractériser ladite entreprise, au regard des mesures en cause, par rapport à tout opérateur économique, une telle participation n’est pas, en soi, de nature à faire naître à son profit un droit à intenter un recours direct contre ledit règlement (arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22 supra, point 61).

38      En ce qui concerne le considérant 111 du règlement attaqué sur lequel la requérante base certains de ses arguments pour prouver que les informations qu’elle a fournies ont été utilisées aux fins de la détermination du prix à l’exportation dans le cadre de l’établissement du dumping, voire dans le cadre du calcul du droit antidumping lui-même, il est libellé comme suit :

« Une partie a fait valoir que les calculs communiqués aux parties en ce qui concerne le prix à l’exportation ne correspondaient pas à l’explication fournie au considérant 76 du règlement provisoire. Après vérification, il est confirmé que ledit considérant comportait une erreur rédactionnelle. En effet, au stade provisoire, l’ajustement du niveau commercial a été opéré sur les prix de vente au niveau départ usine facturés par les producteurs de l’Union aux clients indépendants sur le marché de l’Union, et aucun ajustement pour les coûts postérieurs à l’importation n’a été effectué lors du calcul du prix moyen à l’exportation. Au stade définitif, les prix caf frontière de l’Union des producteurs-exportateurs du pays concerné ont été ajustés pour tenir compte des droits de douane existants et des coûts postérieurs à l’importation (coûts engagés au niveau d’un port de l’Union pour l’importation, le transport et l’entreposage avant la revente par les importateurs), sur la base des informations fournies par les importateurs indépendants ayant coopéré. »

39      Il en ressort que le prix à l’exportation dont il est fait mention dans le considérant 111 du règlement attaqué est le prix caf, incluant les coûts de la marchandise, assurance et fret nécessaires pour amener les biens jusqu’au port de l’Union, utilisé pour le calcul de la sous-cotation, dans le cadre de l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union. En revanche, le prix à l’exportation utilisé dans le cadre de la détermination de l’existence de dumping est un prix départ usine, qui ne comprend pas les coûts d’assurance et de fret. Il s’agit du prix à la porte de l’usine du producteur-exportateur. Il s’ensuit, que les informations fournies par les importateurs indépendants échantillonnés, y compris la requérante, dont il est fait part au considérant 111 du règlement attaqué n’ont pas été utilisés dans le cadre de l’établissement de l’existence de dumping, mais dans le cadre du calcul de la sous-cotation, et donc dans le cadre de l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union. Au demeurant, cette conclusion est corroborée par le fait que ledit considérant se trouve sous les intitulés « D. Préjudice » et « 3. Sous-cotation des prix ».

40      Les informations en cause ne peuvent non plus être considérées comme ayant été utilisées pour le calcul du droit antidumping lui-même, puisque ce dernier a été établi, sur la base des marges de dumping et non sur des marges de préjudice ainsi que cela ressort du considérant 198 du règlement attaqué.

41      En tout état de cause, en premier lieu, la jurisprudence citée aux points 25 et 26 ci-dessus prévoit que peuvent être individualisés au regard d’un règlement antidumping des importateurs associés dont les prix de revente ont été utilisés pour le calcul du droit antidumping lui-même. Cependant, d’une part, la requérante ne peut pas être assimilée à un importateur associé et, d’autre part, ce ne sont pas ses prix de revente, mais bien ses coûts engagés au niveau d’un port de l’Union pour l’importation, le transport et l’entreposage avant la revente qui ont été utilisés par les institutions.

42      En second lieu, même s’il devait être considéré que les informations mentionnées dans la dernière phrase du considérant 111 du règlement attaqué avaient en vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base une influence indirecte sur l’établissement du taux du droit antidumping, en ce sens que les institutions avaient eu recours aux marges de dumping pour leur établissement, en raison du fait que les marges de sous-cotation étaient supérieures, force est de constater que l’usage par les institutions des données fournies par les importateurs indépendants échantillonnés, comme les coûts postérieurs à l’importation (coûts engagés au niveau d’un port de l’Union pour l’importation, le transport et l’entreposage avant la revente par les importateurs), ne doit être compris que dans le cadre plus général de la participation de ces derniers à la procédure administrative menant à l’adoption du règlement attaqué, et non pas comme une circonstance qui les individualise au regard du règlement attaqué [voir, par analogie, arrêt Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, point 23 supra, point 32].

43      Pour le reste, les informations fournies par les importateurs indépendants, dont la requérante, n’ont été utilisées que dans le cadre de l’évaluation de l’intérêt de l’Union à instaurer les droits antidumping. Or, il est de jurisprudence constante que, bien que la participation d’une entreprise à une procédure antidumping puisse être prise en compte, parmi d’autres éléments, afin d’établir que cette entreprise est individuellement concernée par le règlement instituant les droits antidumping adopté à l’issue de cette procédure, en l’absence d’autres éléments constitutifs d’une situation particulière de nature à caractériser ladite entreprise, au regard des mesures en cause, par rapport à tout autre opérateur économique, une telle participation n’est pas, en soi, de nature à faire naître à son profit un droit d’intenter un recours direct contre ledit règlement [voir arrêt Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, point 23 supra, point 34, et jurisprudence citée].

44      L’allégation de la requérante, tirée des conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra (Rec. p. I‑2507, point 66), selon laquelle toute entreprise, dont la participation à la procédure devant la Commission peut être considérée comme ayant affecté le résultat de celle-ci, devrait être recevable à introduire un recours contre les règlements antidumping en question ne saurait non plus prospérer. En effet, il importe d’observer que ni la Cour dans l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, ni le Tribunal dans sa jurisprudence ultérieure à cet arrêt, n’ont retenu ledit critère aux fins de l’appréciation de la qualité à agir.

45      Deuxièmement, en ce qui concerne la question de savoir si la requérante peut être considérée comme individuellement concernée au regard du règlement attaqué en raison de certaines qualités qui lui sont particulières et qui la caractérisent par rapport à toute autre personne, au sens de l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, il y a lieu de rappeler que ni cet arrêt ni l’arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 22, supra, n’ont établi une liste exhaustive des critères auxquels devrait correspondre la situation des importateurs indépendants. Il n’est donc pas exclu que d’autres éléments puissent, à cet effet, être pris en considération par le juge de l’Union.

46      Toutefois, les faits allégués par la requérante ne suffisent pas pour la considérer comme individuellement concernée au sens de l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra. À cet égard, il convient de rappeler que le recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, a été déclaré recevable en raison de la situation particulière dans laquelle la partie requérante se trouvait, notamment du fait qu’elle était l’importateur le plus important et l’utilisateur final du produit faisant l’objet des mesures antidumping et qu’il existait un nombre restreint de producteurs du produit concerné et un seul producteur de l’Union auprès duquel elle éprouvait des difficultés à s’approvisionner (arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra, point 17).

47      Or, la situation de Bricmate n’est aucunement semblable à celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra.

48      Tout d’abord, il convient de constater que la requérante n’est ni l’importateur le plus important ni l’utilisateur final des produits en question.

49      Ensuite, en ce qui concerne sa prétendue dépendance aux importations des produits concernés en provenance de Chine, la requérante a avancé un argument tiré du pourcentage de son chiffre d’affaires, représenté par la vente de carreaux céramiques, ainsi que de la proportion qu’y représentent ces importations. Cependant, elle n’a pas indiqué dans quelle mesure cette situation, à la supposer établie à suffisance de droit, suffirait à la caractériser par rapport à tout autre opérateur économique important les produits concernés. La possibilité que d’autres importateurs de l’Union importent des quantités comparables à celles avancées par la requérante, voire plus importantes en termes de chiffres d’affaires, n’est aucunement écartée.

50      La requérante s’est également prévalue de deux refus de fourniture à la suite de demandes faites à un producteur brésilien et à un producteur de l’Union. Or, à les supposer établis, ces refus de fourniture, eu égard à leur nombre réduit, ne sauraient constituer, au vu du très grand nombre de producteurs tant dans l’Union que dans des États tiers, une preuve de l’impossibilité de la requérante de s’approvisionner en produits concernés, en quantité, en qualité, en conditionnement et en marquage souhaités, sur d’autres marchés, voire des indices concordants établissant une tendance générale en ce sens.

51      Par ailleurs, la requérante n’a pas démontré que sa relative petite taille, à la supposer établie, devait être considérée comme un facteur de nature à créer une dépendance vis-à-vis des producteurs chinois. En particulier, elle n’a aucunement établi que le niveau plus bas des commandes effectuées auprès des producteurs chinois par un importateur de taille relativement petite, comme elle-même, par rapport \/ au niveau des commandes effectuées auprès desdits producteurs par des importateurs plus grands, ne saurait être satisfait par l’offre d’un ou de plusieurs fabricants des produits en question de taille toute aussi limitée sur d’autres marchés que le marché chinois.

52      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le considérant 145 du règlement provisoire n’a pas reconnu que celle-ci va être dans l’impossibilité de s’approvisionner sur d’autres marchés que le marché chinois. Il n’a fait que rappeler les arguments de la requérante, présentés lors de la procédure administrative, tout en ajoutant que, selon d’autres importateurs, l’approvisionnement auprès de fournisseurs sur d’autres marchés devrait être possible. De surcroît, le considérant 146 dudit règlement, cité par le Conseil, conclut que « l’institution des mesures n’empêcherait pas les importateurs de l’Union d’acquérir des produits similaires auprès d’autres sources d’approvisionnement ».

53      Par conséquent, la requérante n’a pas démontré sa dépendance aux importations des produits concernés en provenance de Chine.

54      Il en découle nécessairement que la requérante n’est pas non plus fondée à soutenir que l’institution des droits antidumping en question, qui ne concernent que les importations des produits en question en provenance de Chine, aurait forcément des conséquences sérieuses sur ses activités économiques.

55      En tout état de cause, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas de conclure que les conséquences économiques subies par celle-ci seraient à ce point plus importantes, voire même différentes, que celles auxquelles sont confrontées les autres importateurs, qu’elles pourraient être considérées comme un facteur militant dans le sens de son affectation individuelle par le règlement attaqué. La jurisprudence a déjà précisé à ce sujet qu’il ne suffisait pas que certains opérateurs fussent économiquement plus touchés par un acte que leurs concurrents pour qu’ils fussent considérés comme individuellement concernés par cet acte (ordonnance du Tribunal du 13 novembre 2008, Lemaître Sécurité/Commission, T-301/06, non publiée au Recueil, point 24).

56      Il importe également de constater, ainsi que le font valoir à bon droit le Conseil, la Commission et Cerame-Unie e.a., que, d’une part, l’enchérissement des produits en cause n’est qu’une conséquence habituelle de tout règlement instituant des droits antidumping définitifs, pesant de la même manière sur tous les importateurs, spécialisés dans l’importation et la revente de carreaux en céramique, telles que la requérante et, d’autre part, qu’il est également habituel que les ventes de produits importés, faisant l’objet d’une enquête antidumping, augmentent substantiellement avant l’imposition des droits, puisque les consommateurs anticipent l’éventuelle augmentation de leur prix, mais que cette croissance baisse à la suite de l’instauration desdits droits, comme ce fut le cas de la requérante, voire s’inverse, dès lors que la demande a déjà été saturée. Il n’a donc pas été démontré que le niveau des ventes s’établirait durablement dans le futur à un niveau inférieur à celui avant l’instauration des droits antidumping litigieux.

57      En outre, l’allégation de la requérante selon laquelle l’institution des droits antidumping de plus de 30,6 % entraînerait et entraîne déjà une baisse de la croissance des ventes n’est pas étayée par des éléments de preuve concernant le lien de causalité reliant cette diminution des ventes à l’institution desdits droits. Une baisse de croissance peut être liée à différents facteurs, comme la crise économique actuelle par exemple, qui entraîne une diminution des dépenses des ménages et des entreprises. L’argument de la requérante en ce sens est donc infondé.

58      Il en découle que la requérante n’a pas démontré que l’institution de droits antidumping en question aurait des conséquences sérieuses sur ses activités économiques de nature à l’individualiser au regard du règlement attaqué par rapport à toute autre personne au sens de l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 22 supra.

59      Or, il découle des points 46 à 58 ci-dessus que la requérante n’a pas pu établir d’autres éléments constitutifs d’une situation particulière de nature à la caractériser au regard des mesures en cause par rapport à tout autre opérateur économique.

60      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué.

 Sur la seconde branche tirée de l’existence des mesures d’exécution du règlement attaqué

61      Le Conseil et les parties intervenantes soutiennent en substance que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution que la requérante peut attaquer devant les autorités nationales.

62      La requérante fait valoir que le règlement attaqué impose des obligations légales immédiates aux importateurs, sans qu’il y ait besoin de mesures d’exécution au niveau de l’Union ou au niveau des États membres et sans que les autorités de ces derniers disposent d’un pouvoir d’appréciation quelconque dans la mise en œuvre du règlement attaqué.

63      En ce qui concerne plus particulièrement des avis fiscaux et des décisions ordonnant la mainlevée des marchandises, la requérante considère qu’ils ne sauraient être considérés comme des mesures d’exécution des règlements antidumping. En effet, il découlerait de l’article 201 du code des douanes communautaire que, la naissance de la dette douanière serait imputable à la requérante lorsqu’elle déclare des importations originaires de Chine conformément aux codes \/ visés à l’article 1er du règlement attaqué. En pratique, les activités de dédouanement seraient habituellement entièrement effectuées par l’importateur ou par l’opérateur douanier, qui agirait comme représentant de ce dernier. Si le code tarifaire déclaré fait l’objet d’un droit antidumping, il serait alors à l’importateur ou à l’opérateur douanier d’en calculer et d’en déclarer le montant. Celui-ci donnerait lieu à des « mesures fiscales » qui seraient communiquées à l’importateur. Toutefois il n’existerait à ce stade normalement aucun contrôle physique exercé par les agents des douanes afin de vérifier l’exactitude des données. Par conséquent, il n’y aurait aucun « acte » adopté par les autorités douanières susceptible d’être considéré comme une « mesure d’exécution » de la dette douanière en matière de droits antidumping. Un avis fiscal ne serait donc qu’un moyen de communication de la dette, il ne ferait pas naître ladite dette.

64      À cet égard, outre les possibilités de recours en annulation contre les actes de l’Union déjà ouvertes aux particuliers en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit encore que « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours […] contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution » (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, non encore publié au Recueil, points 55 et 57).

65      À titre liminaire, il convient d’observer que le règlement attaqué, adopté par le Conseil sur la base de l’article 9 du règlement de base, est un acte règlementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, le règlement attaqué a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir aussi point 23 ci-dessus). En outre, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 5 février 2013, BSI/Conseil, T‑551/11, non publiée au Recueil, point 43, et la jurisprudence citée).

66      L’existence de mesures d’exécution du règlement attaqué, au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être examinée à la lumière de l’objectif qu’elle poursuit, à savoir, permettre à une personne physique ou morale d’introduire un recours contre des actes de portée générale qui ne sont pas des actes législatifs, la concernant directement, et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, en évitant ainsi les cas où une telle personne devrait enfreindre le droit pour avoir accès à un juge (conclusions de l’avocat général Mme Kokott dans l’affaire Telefónica/Commission, C‑274/12 P, non encore publiées au Recueil, points 39 à 41, et ordonnance du Tribunal du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, non encore publiée au Recueil, point 60).

67      Il importe donc d’examiner si l’acte réglementaire de l’Union est mis en œuvre par un autre acte, qui est susceptible de faire l’objet d’un recours de la part de son destinataire soit devant le Tribunal, soit devant les juridictions des États membres, étant précisé que l’existence de mesures de recouvrement et de détermination de recouvrement satisferait à cette condition (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 mars 2012, Iberdrola/Commission, T‑221/10, non encore publié au Recueil, point 46, et ordonnance BSI/Conseil, point 65 supra, point 58).

68      En l’espèce, il est constant que, en application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base, le droit antidumping imposé à l’article 1er du règlement attaqué est perçu par les autorités douanières des États membres sur l’importation des produits concernés à partir de l’entrée en vigueur de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Büchel/Conseil et Commission, T‑74/97 et T‑75/97, Rec. p. II‑3067, point 50, et la jurisprudence citée).

69      Selon les articles 62 et suivants du code des douanes communautaire, les marchandises importées font l’objet d’une déclaration en douane. Dans ce cadre, le rôle des autorités douanières se limite à un éventuel contrôle de la documentation et des marchandises en importation et surtout à l’acceptation ou au rejet de cette déclaration en douane (ordonnance BSI/Conseil, point 65 supra, point 47).

70      En vertu de l’article 217, paragraphe 1 du codes des douanes communautaire « [t]out montant de droits à l’importation […] qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires ».

71      Conformément à l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon les modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte c’est-à-dire établi par les autorités nationales. Cette communication constitue donc, à l’égard du débiteur, une mesure d’exécution du règlement attaqué, prise à son égard par les autorités nationales. Une telle mesure d’exécution d’un règlement antidumping, tel que celui attaqué en l’espèce, existe même dans les cas de figure où, le montant des droits figurant dans la déclaration en douane correspond à celui déterminé par les autorités douanières. En vertu de l’article 221, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code des douanes communautaire, c’est « l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières [qui] vaut communication au débiteur du montant des droits pris en compte » (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Iberdrola/Commission, point 67 supra, point 46 ; du 12 septembre 2013, Valeo Vision/Commission, T‑457/11, non publié au Recueil, point 76, et ordonnance BSI/Conseil, point 65 supra, points 49 et 58).

72      Il convient de conclure de ce qui précède que le système douanier, tel qu’instauré par le code des douanes communautaire et dans lequel s’inscrit le règlement attaqué, prévoit que la perception des droits fixés par ce dernier se fait, dans tous les cas de figure sur la base des mesures adoptées par les autorités nationales (ordonnance BSI/Conseil, point 65 supra, point 53).

73      Or, ainsi que le font valoir à bon droit le Conseil et la Commission, la requérante peut, en vertu des articles 243 à 246 du code des douanes communautaire, et sans qu’elle ne doive préalablement enfreindre le règlement attaqué, contester de telles mesures nationales d’exécution de ce règlement et, dans ce contexte, exciper de l’illégalité de celui-ci devant les juridictions nationales qui peuvent recourir, avant de statuer, aux dispositions de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens ordonnance du Tribunal du 5 février 2007, Sinara Handel/Conseil et Commission, T‑91/05, Rec. p. II‑245). Cette conclusion est par ailleurs confirmée tant par une jurisprudence constante, selon laquelle une éventuelle contestation de l’existence de la dette douanière relève de la compétence exclusive des autorités nationales, sur la base de l’article 236 du code des douanes communautaire, dont les décisions peuvent être attaquées devant les juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors Nederland et Broekman Motorships/Commission, T‑195/97, Rec. p. II‑2907, point 36, et du 18 juin 2012, Biofrescos/Commission, T‑159/09, non publié au Recueil, point 11), que par les arrêts de la Cour, rendus dans les affaires où elle statuait sur renvoi préjudiciel en appréciation de la validité de divers règlements instituant des droits antidumping, à la base des mesures nationales d’exécution contestées devant les juridictions nationales (arrêts de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163 ; du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, Rec. p. I‑2817 ; du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, et du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, non encore publié au Recueil).

74      En outre, afin d’apprécier si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution aux fins de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE la question de savoir si ce règlement laisse ou non un pouvoir d’appréciation aux autorités chargées de le mettre en œuvre n’est pas pertinente, contrairement à ce que fait valoir la requérante. S’il est vrai que l’absence de pouvoir d’appréciation est un critère qui doit être examiné afin de constater si la condition de l’affectation directe d’un requérant est remplie, l’exigence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution, visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, constitue une condition distincte de celle tenant à l’affectation directe (voir ordonnance du Tribunal du 23 septembre 2008, Lafarge Cement/Commission, T‑195/07, non publiée au Recueil, point 22, et la jurisprudence citée, et ordonnance BSI/Conseil, point 65 supra, point 56). En effet, si les rédacteurs de cette disposition n’avaient pas souhaité soumettre la recevabilité des recours des particuliers à l’encontre des actes réglementaires à une condition additionnelle par rapport à celle tenant à l’affectation directe, ils n’auraient pas inséré une référence à l’absence des mesures d’exécution desdits actes réglementaires.

75      Il s’ensuit que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

76      Le recours doit donc être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

78      Par ailleurs, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Par conséquent, la Commission, qui est intervenue au soutien du Conseil, supportera ses propres dépens.

79      Enfin, Cerame-Unie e.a. supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,      

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Bricmate AB supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

4)      Cerame-Unie AISBL, Asociación Española de Fabricantes de Azulejos y Pavimentos Cerámicos (ASCER), Confindustria Ceramica, Casalgrande Padana SpA et Etruria Design Srl supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 21 janvier 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.