Language of document : ECLI:EU:T:2019:698

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 septembre 2019 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑689/13 DEP,

Bilbaína de Alquitranes, SA, établie à Luchana-Baracaldo, Vizcaya (Espagne), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Mes K. Van Maldegem, P. Sellar, M. Grunchard et S. Saez Moreno, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Wilderspin, R. Lindenthal et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du 7 octobre 2015, Bilbaína de Alquitranes e.a./Commission (T-689/13, non publié, EU:T:2015:767),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. A. Dittrich (rapporteur), faisant fonction de président, Mme V. Tomljenović et M. J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013 et enregistrée sous le numéro T-689/13, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation partielle du règlement (UE) n° 944/2013 de la Commission, du 2 octobre 2013, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO L 261, p. 5). Les requérantes demandaient l’annulation du règlement n° 944/2013 dans la mesure où il a qualifié la substance brai de goudron de houille à haute température (CE n° 266‑028‑2, ci-après le « BGHHT »), à savoir un solide noir composé principalement d’un mélange complexe d’au moins trois hydrocarbures aromatiques à noyaux condensés, parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410).

2        Par arrêt du 7 octobre 2015, Bilbaína de Alquitranes e.a./Commission (T-689/13, non publié, EU:T:2015:767), le Tribunal a partiellement annulé le règlement n° 944/2013 en tant qu’il classifiait le BGHHT parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410) et a condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes.

3        Par son pourvoi, déposé au greffe de la Cour le 17 décembre 2015, la Commission a demandé à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal du 7 octobre 2015. Une demande en référé introduite par les requérantes et tendant à la suspension des effets du règlement partiellement annulé a été rejetée par ordonnance du vice-président de la Cour du 7 juillet 2016, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a. (C‑691/15 P-R, non publiée, EU:C:2016:597). Par arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a. (C‑691/15 P, EU:C:2017:882), la Cour a rejeté le pourvoi contre l’arrêt du Tribunal du 7 octobre 2015, qui est donc devenu définitif, et a condamné la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérantes, y compris ceux afférents à la procédure en référé ayant donné lieu à l’ordonnance du 7 juillet 2016.

4        Par lettres du 29 janvier 2018, les requérantes ont demandé à la Commission le remboursement d’un montant total de 227 900,35 euros pour leurs dépens exposés dans les affaires T‑689/13, C‑691/15 P-R et C‑691/15 P. Après plusieurs échanges de lettres, la Commission a proposé, par lettre du 20 juillet 2018, d’effectuer un paiment de 84 500 euros pour l’ensemble des frais et dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et la Cour. Les requérantes ont décliné cette proposition, par lettre du 13 septembre 2018, tout en faisant une contre-offre qui s’élevait à 160 000 euros. Le 15 novembre 2018, la Commission a effectué une nouvelle proposition de 100 000 euros qui a également été rejetée par les requérantes par lettre du 19 décembre 2018. Partant, aucun accord n’est intervenu entre les requérantes et la Commission sur le montant des dépens récupérables.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2019, les requérantes ont introduit, conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, la présente demande de taxation des dépens.

6        Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 octobre 2015, Bilbaína de Alquitranes e.a./Commission (T‑689/13, non publié, EU:T:2015:767) à 104 356,56 euros ;

–        fixer le montant des dépens récupérables au titre de la présente procédure de taxation des dépens à 20 000 euros ;

–        appliquer à ces sommes les intérêts moratoires à compter de la date de la signification de l’ordonnance sur la demande de taxation de dépens jusqu’à la date de paiement effectif, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en vigueur au premier jour du calendrier du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi.

7        Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 7 août 2019, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de taxation de dépens des requérantes ; et

–        fixer les dépens récupérables selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure à 30 000 euros ou, en tout état de cause, à un montant inférieur à la somme offerte par la Commission dans sa lettre du 20 juillet 2018 ou oralement dans le cadre des négociations.

 En droit

8        Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsqu’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

9        Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du 6 juin 2019, European Dynamics Luxembourg e.a./ECHA, T-477/15 DEP, non publiée, EU:T:2019:419, point 10).

10      S’agissant des honoraires d’avocats, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens (ordonnance du 27 octobre 2017, Heli-Flight/AESA, T-102/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:769, point 19 et jurisprudence citée).

11      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal est libre d’apprécier les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (ordonnance du 19 juin 2018, Accorinti e.a./BCE, T-79/13 DEP, non publiée, EU:T:2018:365, point 16 et jurisprudence citée).

12      Afin d’apprécier, sur la base des critères énumérés au point 11 ci-dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (ordonnance du 3 novembre 2014, FRA.BO/Commission, T-381/06 DEP, non publiée, EU:T:2014:1123, point 33).

13      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les dépens réclamés par les requérantes ont un caractère récupérable et de déterminer le montant à concurrence duquel ces dépens peuvent être récupérés auprès de la Commission.

14      En l’espèce, il résulte de la demande de taxation que les dépens dont les requérantes demandent le remboursement s’élèvent à 124 356,56 euros, à savoir 104 356,56 euros de dépens exposés dans le cadre de l’affaire au principal et 20 000 euros de dépens afférents à la présente procédure de taxation des dépens.

 Sur les dépens afférents à l’affaire au principal

15      S’agissant de l’affaire au principal, il ressort d’une lecture combinée de la demande de taxation des dépens et des documents annexés à celle-ci, que le montant de 104 356,56 euros mentionné au point 14 ci-dessus correspond à la somme des honoraires d’avocats (98 708 euros) et des dépens demandés au titre de débours (5 648,56 euros).

 Sur les honoraires d’avocats

16      À l’appui de leur demande de fixer les dépens récupérables au titre des honoraires d’avocats à 98 708 euros, les requérantes font valoir que l’affaire au principal présentait un degré élevé de difficulté et de complexité tant du point de vue juridique que du point de vue scientifique et revêtait une grande importance sous l’angle du droit de l’Union. En outre, les requérantes soutiennent que l’affaire présentait également un intérêt économique pour elles en tant que fournisseurs et utilisatrices en aval du BGHHT pour la fabrication d’aluminium. Dans ces conditions, selon les requérantes, l’ampleur du travail consacré à l’affaire au principal était objectivement indispensable.

17      La Commission rejette l’argumentation des requérantes et considère que la somme réclamée au titre d’honoraires d’avocats est excessive. En substance, la Commission conteste le caractère récupérable de plusieurs éléments pris en compte par les requérantes et fait valoir que le nombre d’heures réclamé excède manifestement ce qui est objectivement indispensable au traitement d’une affaire telle que celle au principal.

18      En l’espèce, il y a lieu d’apprécier le montant des honoraires d’avocats récupérable en fonction des critères énumérés au point 11 ci-dessus.

19      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige, de l’importance de l’affaire sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, il convient de rappeler que l’affaire au principal concernait un recours visant à l’annulation partielle du règlement n° 944/2013 de la Commission. La Commission avait déterminé la classification du mélange BGHHT parmis les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 sur la base de la méthode de la somme. Selon les modalités d’application de cette méthode, définies au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement n° 1272/2008, un mélange est classé en toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 et en toxicité aquatique chronique de catégorie 1, si la somme des concentrations de ses composants, classés en ces catégories et multipliés par un facteur M qui dépend du niveau de toxicité du composant en question, est supérieure ou égale à 25 %.

20      À l’appui de leur recours, les requérantes ont soulevé trois moyens, tirés, premièrement, d’une violation des règlements nos 1907/2006 et 1272/2008 ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation et, troisièmement, d’un non-respect du principe de transparence et des droits de la défense. Le deuxième moyen comportait quatre branches, dont la deuxième était tirée d’une erreur manifeste d’appréciation lors de l’application de la méthode de la somme au BGHHT.

21      Dans son arrêt du 7 octobre 2015, Bilbaína de Alquitranes e.a./Commission (T‑689/13, non publié, EU:T:2015:767), le Tribunal s’est limité à l’analyse de la deuxième branche du deuxième moyen. Le Tribunal a considéré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a, lors de l’application de la méthode de la somme au BGHHT, manqué à son obligation de prendre en considération tous les éléments et circonstances pertinents afin de prendre dûment en compte le taux de présence des seize constituants analysés dans le BGHHT et leurs effets chimiques. Ainsi, le Tribunal a considéré que la Commission a limité à tort son appréciation aux seuls éléments expressément visés au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement n° 1272/2008 et n’avait pas pris en compte le fait que le BGHHT, dans son ensemble, présentait un taux maximal de solubilité dans l’eau de 0,0014 % alors que cette circonstance était incompatible avec l’hypothèse sous-jacente à l’application de la méthode de la somme en l’espèce selon laquelle les seize composants analysés, représentant 9,2 % du BGHHT, se dissolvaient complètement dans l’eau.

22      Il s’ensuit que l’affaire au principal présentait un certain niveau de complexité sur le plan factuel en raison de la nature scientifique des données pertinentes pour la classification du mélange BGHHT. Sur le plan juridique, il y a lieu de considérer que la question au cœur de l’affaire telle qu’elle ressort des points 19 et 21 ci-dessus, ne pouvait pas être résolue par une simple application du droit de l’Union. Cependant, l’affaire ne saurait pas non plus être qualifiée d’atypique ou comme présentant une complexité juridique particulièrement élevée. Ainsi, la difficulté en droit des questions posées dans l’affaire au principal n’a pas été jugée suffisante au point de justifier son renvoi à une formation de jugement élargie. De plus, ainsi qu’il ressort du point 29 de l’arrêt rendu dans l’affaire au principal, le Tribunal a pu se fonder sur la considération déjà reconnue dans la jurisprudence et notamment dans l’arrêt du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA (T‑93/10, EU:T:2013:106), selon laquelle il ne saurait être considéré du seul fait qu’un constituant d’une substance possède un certain nombre de propriétés que la substance les possède également, mais qu’il faut considérer le pourcentage et les effets chimiques de la présence d’un tel constituant. Dans ce contexte, il convient de relever que l’arrêt précité porte sur un recours formé par les neuf premières requérantes de l’affaire au principal (ou leur prédécesseur en droit), que ces dernières étaient représentées, tout comme dans l’affaire au principal, par Mes K. Van Maldegem et P. Sellar, et que l’arrêt précité concerne également le mélange BGHHT.

23      Pour ce qui est de l’importance de l’affaire au principal sous l’angle du droit de l’Union, elle a certes apporté des précisions concernant les obligations de la Commission dans le cadre de l’application de la méthode de la somme. Toutefois, il convient également de tenir compte des considérations effectuées au point 22 ci-dessus et du fait que les questions juridiques soulevées par l’affaire au principal se limitent à un domaine spécifique et étroitement défini du droit de l’Union, sans répercussion majeure pour le droit de l’Union dans son ensemble.

24      En deuxième lieu, s’agissant de l’intérêt économique que le litige a représenté pour les parties, il y a lieu de rappeler que les requérantes dans l’affaire au principal sont soit des fournisseurs du BGHHT soit des utilisatrices en aval du BGHHT pour la fabrication d’aluminium, de carbone, de graphite, de ferroalliages ou d’acier. Du fait de l’adoption et de l’entrée en vigueur subséquente du règlement n° 944/2013, les requérantes étaient tenues de prendre des mesures pour se conformer aux conséquences juridiques de la classification du BGHHT comme substance de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1. Il convient donc d’admettre que l’affaire au principal revêtait une certaine importance économique pour les requérantes.

25      En troisième lieu, s’agissant de l’appréciation de l’ampleur du travail que la procédure devant le Tribunal a pu causer aux avocats des requérantes, il ressort des factures reproduites à l’annexe A.14 et du tableau figurant à la page 161 de celle-ci que les requérantes estiment que le temps de travail indispensable aux fins de la procédure au principal était de 349,35 heures qui ont été facturées à un tarif horaire moyen d’environ 280 euros.

26      Les tâches accomplies comprenaient, en substance, la rédaction de la requête (125,1 heures, 34 pages), du mémoire en réplique (80,95 heures, 26 pages), des observations sur les mémoires en intervention déposés par les parties intervenantes GraftTech Iberica et ECHA (28,8 heures, 11 pages), de la réponse aux questions posées aux parties par le Tribunal (36,3 heures, 7 pages) et, au titre de la phase orale, la préparation et la participation à l’audience du 10 juin 2015 (78,2 heures, durée de l’audience : 3 heures).

27      L’accomplissement de ces tâches a impliqué 35,6 heures de travail par un avocat associé au taux horaire de 440 euros (M. K. Van Maldegem), 192,5 heures de travail par une avocate collaboratrice expérimentée au taux horaire se situant entre 250 et 280 euros (Mme M. Grunchard), 98,25 heures de travail par un avocat externe au taux horaire d’environ 253 euros (M. P. Sellar), 20 heures de travail par quatre collaborateurs au taux horaire se situant entre 190 et 290 euros et 3 heures de travail par une conseillère externe au taux horaire d’environ 65 euros (Mme P. Dilkova).

28      Il y a lieu de constater que, même en tenant compte d’une certaine complexité et difficulté de l’affaire au principal, le nombre d’heures de travail réclamées par les requérantes paraît excessif pour ce qui est de l’appréciation du montant des dépens récupérables.

29      À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, la jurisprudence citée au point 10 ci-dessus selon laquelle le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens.

30      Deuxièmement, force est de constater que des avocats dont les prestations sont, comme en l’espèce, facturées à un tarif horaire moyen d’environ 280 euros, doivent justifier d’une qualification et d’une expérience élevées et sont présumés traiter les affaires qui leur sont confiées, y compris celles qui présentent une certaine complexité, avec efficacité et célérité. Partant, la prise en compte d’une rémunération de ce niveau doit avoir pour contrepartie une évaluation stricte du nombre total d’heures de travail indispensable aux fins de la procédure concernée (voir, en ce sens, ordonnance du 11 janvier 2019, Orange/Commission, T-444/04 RENV-DEP, non publiée, EU:T:2019:24, point 70 et jurisprudence citée).

31      Troisièmement,  le fait que le travail a été réparti entre cinq avocats d’un cabinet d’avocats et deux conseillers externes, a eu, en l’espèce, pour conséquence d’entraîner un chevauchement et une répétition des efforts entrepris ainsi qu’une multiplication des frais à tous les stades de la procédure contentieuse, de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées comme objectivement indispensables aux fins de cette procédure  [voir, en ce sens, ordonnance du 18 octobre 2018, Moravia Consulting/EUIPO – Citizen Systems Europe (SDC-554S), T-316/16 DEP, non publiée, EU:T:2018:743, point 27].

32      Quatrièmement, s’avèrent particulièrement excessives les 28,8 heures réclamées pour la rédaction de onze pages d’observations sur les mémoires en intervention. En effet, il convient de souligner que les représentants des requérantes ont également représenté l’intervenante GraftTech Iberica et que le mémoire en intervention déposé par l’ECHA ne comptait que quatre pages. De même les 36,3 heures consacrées à la rédaction des sept pages de la réponse aux quatre questions posées aux parties par le Tribunal, excèdent manifestement ce qui peut être considéré comme objectivement indispensable aux fins de la procédure.

33      Cinquièmement, il ressort de la demande de taxation des dépens et de l’état des factures fournies par les requérantes que ces dernières prennent en compte un certain nombre de frais qui, en l’espèce, ne peuvent être considérés comme récupérables.

34      Tout d’abord, il ressort d’une lecture combinée du dossier de l’affaire au principal et de la facture 104 013 6, reproduite aux pages 96 et 97 de l’annexe A. 14, que le montant réclame de 2 635 euros corresponde aux honoraires exposés au titre de la régularisation de la requête. Toutefois, selon la jurisprudence, les dépens supplémentaires engendrés par la régularisation, qui sont les conséquences de l’inobservation de certains critères de forme lors du dépôt initial du mémoire, ne sauraient être imputés à l’autre partie [ordonnance du 6 octobre 2017, Keil/EUIPO – NaturaFit Diätetische Lebensmittelproduktions (BasenCitrate), T-330/15 DEP, non publiée, EU:T:2017:708, point 26].

35      En outre, la récupération par les requérantes des frais liés à la représentation de l’intervenante GraftTech Iberica doit également être écartée. En effet, il ressort de la facture 104 123 9, reproduite à la page 102 de l’annexe A. 14, que les requérantes demandent le remboursement du montant total de 12 183,12 euros qui leur a été facturé pour les services de l’avocat externe M. Sellar au cours des mois de juillet et août 2014. Toutefois, il découle de la page 106 de l’annexe A. 14 que la facture adressée par M. Sellar au cabinet d’avocat des requérantes intègre également des coûts liés à la rédaction du mémoire en intervention de l’intervenante GraftTech Iberica. De même, les requérantes réclament le montant total de 9 874,14 euros qui leur a été facturé pour les services de M. Sellar en juin 2015 (voir facture 104 797 3, p. 113 de l’annexe A. 14), alors qu’il ressort de la facture établie par M. Sellar, reproduite à la page 142 de l’annexe A. 14, qu’elle inclut des heures consacrées à la rédaction de la plaidoire pour l’intervenante GraftTech Iberica.

36      De plus, il y a lieu de relever que les factures présentées par les requérantes font état d’un certain nombre d’heures de travail consacrées à coordonner le travail entre les cinq avocats du cabinet d’avocats représentant les requérantes et les deux avocats externes (voir factures 103 664 3, 103 743 5, 103 987 7, 104 013 6, 104 797 3, 104 301 5, p. 81, 83, 94, 97, 115, 157 de l’annexe A. 14). Or, il ressort de la jurisprudence que les frais de coordination entre avocats ne peuvent être considérés comme des frais indispensables à prendre en compte afin de calculer le montant des dépens récupérables [ordonnance du 18 octobre 2018, Moravia Consulting/EUIPO – Citizen Systems Europe (SDC-554S), T-316/16 DEP, non publiée, EU:T:2018:743, point 26].

37      Enfin, les requérantes n’ayant pas introduit une demande de mesures provisoires devant le Tribunal, il convient de refuser la récupération auprès de la Commission des honoraires se rapportant à l’analyse des conditions et des chances de succès d’une telle action (voir facture 104 165 9, p. 108 de l’annexe A. 14).

38      Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que le temps de travail indiqué par les requérantes de 349,35 heures, excède manifestement ce qui peut être considéré comme objectivement indispensable aux fins de la procédure au principal. En ce qui concerne la phase écrite de la procédure, le Tribunal considère que, en l’espèce, 60 heures consacrées à la rédaction de la requête, 40 heures consacrées à la rédaction du mémoire en réplique et 15 heures consacrées à la rédaction des observations sur les mémoires en intervention ainsi qu’aux réponses aux questions posées aux parties par le Tribunal, constituent la limite de ce qui pourrait être considéré comme indispensable. En ce qui concerne la phase orale de la procédure, il convient de reconnaître au total 15 heures de travail comme étant indispensables en l’espèce. Le taux horaire moyen facturé par les requérantes de 280 euros apparaît approprié pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon très efficace et rapide.

39      Dès lors, la procédure au principal a objectivement nécessité une activité d’une durée totale de 130 heures de travail à un taux horaire moyen de 280 euros. Ainsi, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables au titre d’honoraires d’avocats en les fixant au montant de 36 400 euros.

 Sur les débours

40      Il résulte d’une lecture combinée de la demande de taxation des dépens et des documents annexés à celle-ci, que le montant de 5 648,56 euros dont les requérantes demandent le remboursement au titre de débours correspond à la somme des frais de voyage et des frais connexes de nature non juridique (2 364,27 euros), des frais administratifs (3 190,34 euros) et des frais de courrier (93,95 euros).

41      À cet égard, il convient d’emblée de rappeler la jurisprudence citée au point 9 ci-dessus selon laquelle il découle de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux indispensables à ces fins.

42      En premier lieu, s’agissant des frais de voyage et des frais connexes de nature non juridique, il ressort d’une lecture combinée des factures reproduites à l’annexe A.14 et du tableau figurant à la page 161 de celle-ci que le montant de 2 364,27 euros est ventilé comme suit :

–        45,06 euros pour les frais engagés pour une conférence téléphonique le 8 décembre 2014 (p. 113 et 118 de l’annexe A.14) ;

–        59,28 euros pour les frais de courrier du 20 mai 2015 (p. 113 et 135 de l’annexe A.14) ;

–        1 311,84 euros pour des frais de déplacement (p. 113, 122 à 125, 144, 149 à 155 de l’annexe A.14) ;

–        949,60 euros pour des frais de logement et de restauration (p. 113, 130, 133 de l’annexe A.14).

43      Toutefois, les conditions de la jurisprudence mentionnée au point 41 ci-dessus ne sont pas réunies pour l’intégralité des frais précités.

44      Premièrement, les requérantes n’ont pas fourni d’éléments permettant d’établir le lien entre les frais engagés pour la conférence téléphonique du 8 décembre 2014 et la procédure au principal. Dès lors, il n’apparaît pas justifié de les imputer à la Commission.

45      Deuxièmement, les frais de courrier ont été engagés, ainsi qu’il ressort de la facture reproduite à la page 135 de l’annexe A. 14, pour un envoi du cabinet d’avocat mandaté par les requérantes, basé en Belgique, à l’adresse de l’avocat externe M. Sellar en Écosse. Or, selon la jurisprudence, les frais de communication entre deux avocats d’une même partie ne sauraient être justifiés en tant que frais indispensables (ordonnance du 13 janvier 2017, Idromacchine e.a./Commission, T‑88/09 DEP, EU:T:2017:5, point 25).

46      Troisièmement, en ce qui concerne les frais de déplacement, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas fourni d’éléments permettant d’identifier de manière précise la composition du montant réclamé de 1 311,84 euros. L’absence de telles informations rend particulièrement difficile la vérification des dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et de ceux qui ont été indispensables à ces fins et place le Tribunal, conformément à la jurisprudence citée au point 12 ci-dessus, dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en l’espèce.

47      Il peut être déduit des factures reproduites à l’annexe A. 14 que les requérantes demandent le remboursement des frais de déplacement pour deux événements, à savoir, une réunion à Bruxelles le 26 mai 2015, d’une part, et l’audience dans l’affaire au principal du 10 juin 2015, d’autre part. Les factures liées au 26 mai 2015 correspondent aux frais d’un vol aller-retour entre Édimbourg et Bruxelles (338,25 GBP, soit environ 470 euros à l’époque, p. 122 et 123 de l’annexe A. 14) et d’un trajet en taxi (37 euros, p. 144 de l’annexe A. 14), qui ont été engagés pour permettre à l’avocat externe M. Sellar de se rendre à Bruxelles pour une réunion avec les autres avocats des requérantes. Toutefois, comme il a été indiqué au point 36 ci-dessus, les frais de coordination interne des différents avocats des requérantes ne sauraient être considérés comme ayant été indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal.

48      Pour ce qui est des factures liées à l’audience du 10 juin 2015, il s’agit des frais de billets d’avion entre Édimbourg et Bruxelles (298,55 GBP, soit environ 415 euros à l’époque, p. 124 et 125 de l’annexe A. 14), de train entre Bruxelles et Luxembourg (43,74 euros, p. 154 et 155 de l’annexe A. 14) et de taxi (le montant total des factures lisibles aux p. 130, 132, 144 à 146 et 152 de l’annexe A. 14 s’élève à 120,88 euros). Ces dépens ont permis à M. Sellar de participer à l’audience du 10 juin 2015 et d’y représenter, comme l’atteste le procès-verbal, les intérêts des requérantes. Les montants de ces frais n’étant pas excessifs, il convient de fixer le montant des dépens récupérables au titre des frais de déplacement à 580 euros.

49      Quatrièmement, en ce qui concerne les frais de logement et de restauration, réclamés par les requérantes au titre de la participation à l’audience qui a eu lieu le matin du 10 juin 2015, à savoir 949,60 euros, il convient de relever que si les requérantes n’ont pas fourni d’informations précises sur la composition de cette somme, il peut néanmoins être déduit du décompte des frais de déplacement reproduit à la page 130 et des factures figurant aux pages 131 et 147 de l’annexe A. 14, que, au titre de frais d’hôtel, les requérantes demandent le remboursement d’un montant de 837 euros.

50      Toutefois, cette somme correspond aux frais d’hôtels encourus pour Mme Grunchard (274 euros), M. Sellar (274 euros) et M. Van Maldegem (289 euros). Eu égard au fait, attesté par le procès-verbal de l’audience du 10 juin 2015, que M. Van Maldegem y a représenté l’intervenante GrafTech Iberica, les requérantes ne peuvent pas prétendre au remboursement de ses frais d’hôtel. S’agissant de ceux encourus par la participation de Mme Grunchard, il convient de relever que l’affaire au principal ne comportait pas de circonstances spécifiques justifiant que les frais encourus pour deux conseils, aux fins de leur participation à l’audience, puissent être considérés comme indispensables au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure. Le fait que les requérantes aient jugé opportun que Mme Grunchard participe à l’audience pour assister M. Sellar ne saurait donc être financièrement imputé à la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du 8 octobre 2014, Coop Nord/Commission, T-244/08 DEP, non publiée, EU:T:2014:899, point 33). Il convient donc de ne retenir que les frais encourus pour M. Sellar.

51      Pour ce qui est des autres éléments fournis dans l’annexe A. 14 qui pourraient se rapporter à la partie restante de la somme demandée par les requérantes au titre des frais de logement et de restauration, il y a lieu de constater que les reçus reproduits au bas de la page 132 ainsi qu‘aux pages 145 et 146 de l’annexe A. 14 sont illisibles et ne peuvent donc pas être pris en considération. En outre, les factures reproduites aux pages 133 et 149 de l’annexe A. 14 correspondent à une livraison de repas le 26 mai 2015 à Bruxelles et ne présentent donc aucun lien avec l’audience du 10 juin 2015.

52      Dans ces conditions, il convient de fixer le montant des dépens récupérables au titre des frais de voyage et des frais connexes de nature non juridique à 854 euros.

53      En deuxième lieu, en ce qui concerne la somme de 3 190,34 euros facturée au titre des frais administratifs, il y a lieu de relever que, même si chacune des factures reproduites aux pages 80, 82, 88, 93, 96, 102, 107, 110, 113, 156 de l’annexe A. 14 indique un montant précis de frais administratifs, les requérantes n’ont pas fourni d’éléments permettant d’apprécier la nature et le caractère indispensables desdits frais. Dans ces conditions, il apparaît justifié de fixer un montant forfaitaire d’environ 5 % des honoraires récupérables tels que fixés au point 39 ci-dessus au titre des frais administratifs, soit 1 820 euros (voir, par analogie, ordonnance du 12 juillet 2019, RA/Cour des comptes, T-874/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:550, point 45).

54      En troisième lieu, s’agissant du montant de 93,95 euros réclamé par les requérantes au titre de frais de courrier, il ressort des factures reproduites aux pages 90 et 91 de l’annexe A. 14 qu’il s’agit des frais exposés pour plusieurs envois, du cabinet d’avocats des requérantes au greffe du Tribunal, les 6 et 24 janvier ainsi que les 4 et 14 février 2014. Il découle des considérations effectuées au point 34 ci-dessus que les requérantes ont dû déposer des versions régularisées de leur requête en janvier et février 2014 et que, selon la jurisprudence, les frais supplémentaires engendrés par une telle régularisation ne sont pas récupérables.

55      Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant des dépens récupérables au titre des débours à 2 674 euros.

 Sur les dépens afférents à la présente procédure de taxation des dépens

56      Quant aux dépens afférents à la présente procédure de taxation des dépens, que les requérantes estiment à 20 000 euros, il y a lieu de rappeler que le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens (voir, ordonnance du 13 février 2008, Verizon Business Global/Commission, T-310/00 DEP, non publiée, EU:T:2008:32, point 55).

57      En l’espèce, compte tenu du résultat de la présente procédure et du fait que la Commission avait proposé, lors de la phase précontentieuse, de verser un montant dépassant celui que le Tribunal considère comme indispensable (voir p. 51 de l’annexe A. 10 et p. 57 de l’annexe A. 12), il n’y a pas lieu d’augmenter le montant des dépens récupérables en ajoutant à ceux-ci une somme relative à la présente procédure en taxation des dépens (voir, en ce sens, ordonnances du 13 février 2008, Verizon Business Global/Commission, T-310/00 DEP, non publiée, EU:T:2008:32, point 56, et du 13 janvier 2017, Idromacchine e.a./Commission, T-88/09 DEP, EU:T:2017:5, point 43).

 Sur la demande d’intérêts de retard

58      En ce qui concerne la demande d’intérêts de retard des requérantes, il y a lieu de l’accueillir pour la période entre la date de la signification de la présente ordonnance de taxation de dépens et la date du remboursement effectif des dépens (ordonnance du 12 octobre 2017, Marcuccio/Commission, T-207/12 P-DEP, non publiée, EU:T:2017:727, points 34 et 35). Le taux d’intérêts applicable est calculé, compte tenu de la disposition de l’article 99, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2018, L 193, p. 1), sur la base du taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement et en vigueur le premier jour de calendrier du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi.

59      Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des dépens récupérables par les requérantes auprès de la Commission au titre de l’affaire T‑689/13 s’élève à 39 074 euros augmentés des intérêts de retard à compter de la date de la signification de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par la Commission européenne à Bilbaína de Alquitranes, SA, et aux autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe est fixé à 39 074 euros.


2)      Ladite somme porte intérêts de retard de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement.

Fait à Luxembourg, le 25 septembre 2019.

Le greffier

 

Le président faisant fonction

E. Coulon

 

A. Dittrich


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.