Language of document : ECLI:EU:T:2011:366

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 juillet 2011 (*)

« FEDER – Réduction du concours financier – Programme opérationnel relevant de l’objectif n° 1 (1994-1999), ‘Accessibilité et axes routiers’ en Grèce – Délégation de tâches auxiliaires par la Commission à des tiers – Secret professionnel – Taux de correction financière – Marge d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire T‑81/09,

République hellénique, représentée initialement par Mme M. Tassopoulou, en qualité d’agent, assistée de Mes C. Meïdanis et E. Lampadarios, avocats, puis par MM. P. Mylonopoulos et K. Boskovits, en qualité d’agents, assistés de Me G. Michailopoulos, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 8573 de la Commission, du 15 décembre 2008, relative à la réduction du concours financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) octroyé à la Grèce, d’un montant de 30 104 470,47 euros, au titre du programme opérationnel « Accès et axes routiers », par la décision C (94) 3579 de la Commission, du 16 décembre 1994, approuvant un concours du FEDER,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi, président, N. Wahl (rapporteur) et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 janvier 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        De 1989 à 1999, les règles relatives à la mise en œuvre de la cohésion économique et sociale prévue à l’article 158 CE étaient définies par le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9). Ce règlement constituait le principal instrument régissant les fonds structurels, et notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER). Le règlement n° 2052/88 a été modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5).

2        Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4253/88 portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1). Le règlement n° 4253/88 a été modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20).

3        L’article 24 du règlement n° 4253/88, intitulé « Réduction, suspension et suppression du concours », disposait :

« 1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission […] »

4        Par ailleurs, les articles 8 et 12 du règlement (CE) n° 2064/97 de la Commission, du 15 octobre 1997, arrêtant les modalités détaillées d’application du règlement nº 4253/88 en ce qui concerne le contrôle financier effectué par les États membres sur les opérations cofinancées par les fonds structurels (JO L 290, p. 1), disposaient :

« Article 8 

1. Au plus tard lors de la demande de versement du paiement final et lors de la présentation du certificat final des dépenses pour chaque forme d’intervention, les États membres font parvenir à la Commission une déclaration établie, dont un modèle indicatif est joint comme annexe II, par une personne ou un service indépendant dans ses fonctions du service d’exécution. La déclaration fait la synthèse des conclusions des contrôles effectués les années précédentes et se prononce sur la validité de la demande de versement du paiement final ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations concernées par le certificat final des dépenses.

2. La déclaration visée au paragraphe 1 fait état des déficiences importantes constatées au niveau de la gestion ou du contrôle ainsi que de la fréquence élevée des irrégularités constatées, si ces déficiences et irrégularités empêchent de se prononcer positivement sur la validité de la demande de versement du paiement final et du certificat final des dépenses. La déclaration doit également, dans ces circonstances, estimer l’étendue du problème et évaluer son impact financier.

Dans un tel cas, la Commission peut faire effectuer un contrôle supplémentaire en vue d’identifier les irrégularités et d’en obtenir la correction dans un délai déterminé.

[…]

Article 12

1. Les personnes ou organismes d’exécution d’opérations cofinancées par la Communauté prennent les mesures voulues pour que tous les documents comptables et autres nécessaires pour les contrôles soient fournis aux fonctionnaires responsables de ces contrôles ou aux personnes mandatées à cet effet.

2. Les fonctionnaires responsables des contrôles ou les personnes mandatées à cet effet peuvent exiger la présentation d’extraits ou de copies des documents comptables ou autres visés au paragraphe 1. »

5        L’article 52, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1), et abrogeant les règlements nos 2052/88 et 4253/88 avec effet au 1er janvier 2000, disposait, s’agissant des dispositions transitoires :

« Le présent règlement n’affecte pas la poursuite ni la modification, y compris la suppression totale ou partielle, d’une intervention approuvée par le Conseil ou par la Commission sur la base des règlements [nos 2052/88 et 4253/88] et de toute autre législation applicable à cette intervention le 31 décembre 1999. »

 Antécédents du litige

6        Par décision C (94) 3579, du 16 décembre 1994, modifiée par la décision C (2000) 2040, du 8 août 2000, la Commission des Communautés européennes a approuvé, en application des règlements nos 2052/88 et 4253/88, un concours financier de 1 572 887 000 écus au programme opérationnel « Accès et Axes routiers » en Grèce, pour la période allant de 1994 à 1999 (ci-après le « Programme »). La contribution de la Communauté a été fixée à 66,4 % de la totalité de la dépense publique éligible du Programme.

7        Par lettre du 21 novembre 2002, la République hellénique a présenté la demande de paiement du solde, à savoir 141 689 619,10 euros. Conformément à l’article 8 du règlement n° 2064/97, la déclaration du service national indépendant chargé du contrôle financier de la réalisation du Programme était jointe à cette demande de paiement (ci-après la « déclaration de 2002 »). La déclaration de 2002 aurait fait état d’un taux d’erreur général de l’ordre de 5,2 % pour les dépenses du Programme. Par ailleurs, ladite déclaration aurait également fait état d’une défaillance systémique grave dans la gestion du projet « Axe routier septentrional de Crète ». En août 2003, la République hellénique a présenté à la Commission une déclaration modifiée concernant l’article 8 du règlement n° 2064/97 (ci-après la « déclaration de 2003 »).

8        En avril et en mai 2004, la Commission a réalisé une mission d’audit afin de vérifier la fiabilité de la déclaration de 2002.

9        Entre mai 2004 et septembre 2008, la Commission et la République hellénique ont échangé de multiples courriers portant sur d’éventuelles irrégularités dans la mise en œuvre du Programme et leurs conséquences pour le montant final de la contribution du FEDER. Au cours de cette période, la Commission a notamment communiqué à la République hellénique le rapport d’audit qu’elle avait effectué sur la fiabilité de la déclaration de 2002 (ci-après le « rapport d’audit ») et a organisé une audition avec la République hellénique.

10      Par décision C (2008) 8573, du 15 décembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, conformément à l’article 24 du règlement n° 4253/88, réduit de 30 104 470,47 euros la contribution du FEDER au Programme. En effet, au cours de la procédure administrative, la Commission a transféré à la République hellénique un montant total de 89 997 573,72 euros et s’est engagée à transférer la somme additionnelle de 21 587 575,28 euros.

11      En substance, la réduction avait été effectuée au motif que les conditions d’adjudication auraient été modifiées au cours de la procédure, que plusieurs projets seraient restés inachevés et que les projets terminés ne seraient pas conformes aux contrats les prévoyant.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2009, la République hellénique a introduit le présent recours.

13      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à répondre aux questions écrites posées par le Tribunal. La République hellénique et la Commission ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 janvier 2011.

15      Lors de l’audience, la Commission a produit un tableau contenant des données chiffrées afin d’étayer sa contestation du neuvième moyen. La République hellénique a contesté la véracité de ces données sans toutefois s’opposer à ce que ledit tableau soit versé au dossier. Partant, le Tribunal a invité la République hellénique à produire par écrit des données chiffrées ayant trait à sa position dans le cadre du neuvième moyen. En outre, lors de l’audience, le Tribunal a également invité la Commission à fournir, par écrit, la preuve qu’elle avait signifié à la République hellénique ses orientations internes du 15 octobre 1997, relatives aux corrections financières nettes dans le cadre de l’application de l’article 24 du règlement n° 4253/88 (ci-après les « orientations internes de 1997 »).

16      Les parties ont déposé les documents sollicités dans le délai imparti. Tant les documents produits au cours de l’audience que ceux produits par les parties en réponse aux demandes du Tribunal ont été versés au dossier.

17      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 En droit

19      Dans le cadre du présent litige, la République hellénique avance dix moyens, dont la plupart visent à faire valoir que les corrections appliquées par la Commission quant aux montants de la contribution au titre du FEDER sont non fondées. La République hellénique prétend notamment que ses autorités ont déjà, en fixant les dépenses déclarées, pris en compte les irrégularités observées par la Commission. Elle invoque également des vices de procédure, tels que des défauts de motivation, l’exercice d’autorité publique par des entités de droit privé et la violation de l’obligation de secret professionnel.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des formes substantielles

 Arguments des parties

20      La République hellénique considère que la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles, étant donné que la Commission, en effectuant l’audit qui a abouti à ce qu’elle impose, dans la décision attaquée, des corrections financières, aurait utilisé les services de la société d’audit M. D’après la République hellénique, la Commission n’a pas le droit de mandater des employés d’une société privée pour effectuer les audits prévus par le règlement n° 4253/88.

21      Partant, le fait que des personnes ne faisant pas partie du personnel de la Commission ont participé à l’audit violerait l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 et l’obligation de secret professionnel, prévue à l’article 13 du règlement n° 2064/97, à laquelle est soumise la Commission. Selon la République hellénique, le principe de confidentialité a été violé lorsque la Commission a transmis les informations recueillies lors des vérifications à la société M.

22      De plus, la République hellénique reproche le fait que le rapport d’audit ne mentionne pas les noms, et ne porte pas les signatures, des employés de la société M. qui ont participé à l’audit. Cela violerait le principe de transparence qui implique que les participants à un contrôle soient connus de la personne contrôlée.

23      La République hellénique conclut, au regard de ce qui précède, qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son intégralité.

24      La Commission conclut au rejet du moyen et souligne notamment qu’il lui est loisible, conformément à l’article 12 du règlement n° 2064/97, d’être assistée par des tiers lorsqu’elle effectue des audits.

 Appréciation du Tribunal

25      À titre liminaire, il convient de relever que le règlement n° 4253/88 ne contient aucune disposition accordant explicitement à la Commission le pouvoir d’avoir recours, au cours de ses contrôles, à des sociétés privées agissant sous sa supervision. En revanche, le règlement n° 2064/97, qui a été adopté par la Commission, prévoit cette possibilité à son article 12. Cependant, ladite disposition ne suffit pas, à elle seule, pour rejeter le grief de la République hellénique, à moins qu’elle précise les modalités d’exercice d’un pouvoir dont la Commission dispose déjà au titre d’une norme de rang supérieur.

26      Dans ce contexte, il importe de relever qu’il est de principe général de droit administratif, ainsi qu’il est manifesté dans les articles 54 et 57 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), que, bien que la Commission ne puisse confier à des entités ou à des organismes de droit privé l’exercice de prérogatives de puissance publique, à moins que cela ne soit prévu par voie de législation, il lui est loisible de confier à de telles entités des tâches de nature auxiliaire, telles que des tâches d’expertise technique ou des tâches administratives.

27      Il s’ensuit que, en l’espèce, il y a lieu d’examiner si, en recourant aux services de la société M., la Commission a confié à cette dernière l’exercice de prérogatives de puissance publique. À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de ce moyen, la République hellénique ne précise pas dans quelle mesure les services fournis par la société M. équivaudraient à l’exercice de prérogatives de puissance publique.

28      Au contraire, l’examen des clauses du contrat conclu entre la Commission et la société M. corrobore l’affirmation de la Commission selon laquelle ladite société ne fournissait que des services d’assistance technique aux contrôleurs de la Commission, qui étaient les seuls à décider de la matière à contrôler, de la méthode et des conclusions du contrôle et à en endosser l’entière responsabilité en signant les rapports. En effet, il ressort dudit contrat que les services d’audit de la société M. étaient exécutés et fournis sous la supervision de la Commission et que cette dernière ne déléguait à travers le contrat en cause aucun pouvoir relevant de l’exercice de puissance publique à la société M.

29      En outre, les première et dernière pages du rapport d’audit indiquent la direction générale et le nom des fonctionnaires de la Commission responsables de l’élaboration du rapport d’audit. La société M. est citée, au point 6 du rapport d’audit, comme étant l’un des participants à l’audit.

30      Il découle de ce qui précède que rien n’indique dans le dossier que le rôle joué par la société M. dans l’enquête aurait été autre que celui d’effectuer des tâches de nature auxiliaire.

31      En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le principe de confidentialité aurait été violé lorsque la Commission a transmis les informations réunies lors des vérifications à la société M., il importe de relever que le fait qu’il est loisible à la Commission de déléguer des tâches administratives et techniques à des entités de droit privé implique qu’elle doive être en mesure de mettre à la disposition de ces dernières les données nécessaires, y compris celles couvertes par le secret professionnel, afin qu’elles puissent effectuer leurs missions, à condition que la Commission veille à ce que lesdites entités privées traitent les données communiquées avec la confidentialité requise.

32      Dans ce contexte, il convient de constater, d’une part, que la République hellénique n’a pas précisé quelles auraient été les données transmises à la société M. qui allaient au-delà de ce qui aurait été nécessaire pour que celle-ci effectue sa mission et, d’autre part, que le contrat conclu entre la Commission et la société M. soumet cette dernière à l’obligation de prendre les mesures nécessaires afin de garantir la confidentialité et de prévenir tout risque de conflit d’intérêts.

33      Enfin, s’agissant de la prétendue violation du principe de transparence, tirée du fait que le rapport d’audit ne porte pas les signatures des collaborateurs de la société M., il convient de relever ce qui suit. Étant donné qu’il n’a pas été prouvé que la société M. aurait été responsable des conclusions retenues dans le rapport d’audit, la décision attaquée ne saurait être considérée comme étant entachée d’une erreur en raison de l’absence des signatures des collaborateurs de la société M.

34      Cette conclusion n’est pas en contradiction avec le droit de la République hellénique de connaître l’identité des personnes ayant effectué l’enquête, y compris les collaborateurs de la société M. Cette information peut cependant être communiquée sous d’autres formes que celle de signatures apposées sur le rapport d’audit.

35      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 253 CE

 Arguments des parties

36      Par le deuxième moyen, la République hellénique soutient qu’une grande partie de la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation ou d’une motivation insuffisante.

37      Premièrement, la République hellénique prétend que la correction d’un montant de 11 946 583,53 euros, au titre du projet « Axe routier septentrional de Crète », a été imposée sans aucune motivation. À cet égard, elle relève que ledit projet n’a pas fait l’objet d’un contrôle par la Commission et qu’il n’est pas visé dans le rapport d’audit. En outre, au cours de la procédure administrative, la Commission se serait bornée, dans ses courriers, à alléguer en termes vagues et génériques de « graves carences systématiques de gestion par les autorités helléniques » sans fournir davantage d’explications.

38      La République hellénique réfute l’argument de la Commission selon lequel la correction aurait été motivée par le fait que la déclaration de 2002 faisait état d’un taux d’erreur de l’ordre de 25 % pour le projet « Axe routier septentrional de Crète ». D’après elle, les irrégularités découvertes par les autorités helléniques relatives au projet avaient suscité de la part de celles-ci une correction financière, ce qui rendrait la correction imposée par la Commission incompréhensible.

39      Deuxièmement, la République hellénique prétend que les corrections appliquées par la Commission au titre des projets « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 », « Kakia Skala », « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta-Yliki », « Grevena-Kozani (deuxième sous-section) (924) », « Carrefour de Polymylos (contrat 928) », « Port de Corfou », « Aerino-M. monastère », « M. monastère – Début de la déviation Larissa » et « Déviation Larissa », sont viciées d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation.

40      La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

41      Il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour déterminer si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et de permettre au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. Eu égard au fait qu’une décision portant sur la réduction du montant d’un concours financier communautaire entraîne des conséquences graves pour le bénéficiaire de ce concours, la motivation de cette décision doit faire clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours par rapport au montant initialement agréé. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Stadtsportverband Neuss/Commission, T‑137/01, Rec. p. II‑3103, points 52 à 54, et la jurisprudence citée).

42      De plus, la jurisprudence admet qu’une décision puisse être considérée comme suffisamment motivée lorsqu’elle fait référence à un rapport d’audit transmis à la partie requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T‑551/93, T‑231/94 à T‑234/94, Rec. p. II‑247, points 142 à 144).

43      En ce qui concerne la correction relative au projet « Axe routier septentrional de Crète », il convient de relever que la décision attaquée contient une motivation à cet égard à son considérant 17. Le Tribunal constate que le grief de la République hellénique ne vise en réalité pas à faire valoir un défaut de motivation, mais le fait que la motivation fournie par la Commission au considérant 17 de la décision attaquée, à savoir la référence au taux d’erreur de 25 % contenu dans la déclaration de 2002, est erronée. Toutefois, le fait que la position prise par la Commission puisse être erronée n’est pas susceptible de mettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 66 à 72). Il s’ensuit que, dans le cadre du présent moyen, le grief ayant trait au projet intitulé « Axe routier septentrional de Crète » est inopérant. Le bien-fondé de la réduction relative audit projet est traité dans le cadre du troisième moyen ci-après.

44      S’agissant des autres projets, il convient de constater qu’il ressort du libellé des considérants 21 (concernant le projet « Kakia Skala »), 22 (concernant le projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 »), 23 (concernant le projet « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta-Yliki »), 24 [concernant le projet « Grevena-Kozani (deuxième sous-section) (924) »], 25 (concernant le projet « Carrefour de Polymylos (contrat 928) »), 26 (concernant le projet « Port de Corfou ») et 27 (concernant le projet « Aerino-M. monastère », « M. monastère – Début de la déviation Larissa » et « Déviation Larissa ») que la décision attaquée remplit les conditions rappelées aux points 41 et 42 ci‑dessus. En effet, aux considérants susmentionnés, la Commission a précisé les irrégularités prétendument commises – notamment l’absence de piste d’audit, la modification des conditions de sélection ou de l’objet du contrat après la fin de la procédure de sélection, l’absence de finalisation des projets, l’absence d’étude environnementale, l’exclusion non justifiée de certains adjudicataires – et les montants visés.

45      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 11 946 583,53 euros au titre du projet « Axe routier septentrional de Crète »

 Arguments des parties

46      La République hellénique reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte le fait que les irrégularités, sur lesquelles elle a fondé la correction financière relative au projet « Axe routier septentrional de Crète », n’ont existé que pendant une très courte durée et qu’elles ont été rapidement corrigées. Dans ce contexte, elle renvoie aux résultats de deux contrôles effectués par les autorités helléniques en juin 2002 et en mars 2003.

47      Elle reproche également à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les autorités helléniques avaient déjà procédé à une correction à la suite de la découverte d’irrégularités relatives audit projet.

48      La République hellénique allègue par ailleurs que, en appliquant un taux de correction forfaitaire pour le projet « Axe routier septentrional de Crète », la Commission a mis en œuvre les orientations internes de 1997, qui n’étaient pas directement accessibles au public. Partant, la Commission aurait violé le principe de transparence.

49      De plus, la République hellénique prétend que la correction appliquée par la Commission viole le principe de proportionnalité dès lors que le projet en cause ne présentait que des problèmes de gestion. Il n’y aurait pas eu de difficultés liées à l’application de la législation communautaire ou nationale aux travaux publics, ni de difficulté conduisant à l’absence de réalisation du projet ou à la « dilapidation » de ressources communautaires ou nationales, ni de preuves d’irrégularités ou de négligences de grande ampleur donnant lieu à des pratiques irrégulières ou frauduleuses, pas plus que des infractions graves.

50      À cet égard, la République hellénique soutient que la Commission aurait dû appliquer les critères retenus dans ses lignes directrices de 2001 et de 2002, à savoir les orientations C (2001) 476, définissant les principes, les critères et les barèmes indicatifs à appliquer par les services de la Commission pour la détermination des corrections financières visées à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, et les orientations C (2002) 2871, relatives aux principes, aux critères et aux barèmes indicatifs à appliquer par les services de la Commission pour déterminer les corrections financières visées à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement (CE) n° 1164 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1).

51      Dans ce contexte, la République hellénique souligne que l’imposition d’une correction financière de 25 % est particulièrement disproportionnée, dans la mesure où aucun risque de perte de ressources communautaires n’a été constaté pour le projet « Axe routier septentrional de Crète ». Elle souligne également que la correction aurait été imposée sans qu’aucun contrôle du projet ait été effectué par la Commission et sans que ledit projet ait été mentionné dans le rapport d’audit.

52      Enfin, et à titre subsidiaire, la République hellénique soutient que, même s’il fallait appliquer une correction forfaitaire de 25 %, il y aurait lieu de l’appliquer au montant dépensé après le 1er janvier 2001, c’est-à-dire après la date à laquelle l’autorité, au sein de laquelle les problèmes de gestion ont été constatés, avait été instaurée. Une telle correction correspondrait à la somme de 2 396 792,98 euros.

53      La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

54      À titre liminaire, il convient de relever qu’il est constant que la décision attaquée concerne la réduction de la contribution accordée par le FEDER à la République hellénique pour la période allant de 1994 à 1999.

55      Il ressort également du dossier que les défaillances constatées par l’autorité grecque compétente lors du premier contrôle en juin 2002 concernaient ladite période, tandis que le deuxième contrôle, effectué en mars 2003, visait la période ultérieure, à savoir celle qui a débuté en 2000 et qui était soumise à d’autres règles que celles applicables entre 1994 et 1999.

56      Il s’ensuit que la prétention de la République hellénique, selon laquelle les irrégularités sur lesquelles la Commission a fondé sa correction financière en ce qui concerne le projet « Axe routier septentrional de Crète » existaient pendant une période très courte et avaient rapidement été corrigées, ne saurait être considérée comme démontrée. En effet, la République hellénique s’est fondée sur un rapport dans lequel une amélioration de gestion avait été constatée non au cours de la période 1994-1999, mais au cours d’une période postérieure à celle-ci. De même, la prétention selon laquelle la Commission aurait dû appliquer les lignes directrices de 2001 et de 2002 est non fondée, dès lors qu’il ressort desdites lignes directrices qu’elles visaient les périodes de programmation postérieures à 1999.

57      S’agissant du grief tiré du fait que la Commission a appliqué les orientations internes de 1997 sans que celles-ci aient été communiquées à la République hellénique, il importe de constater qu’il ressort des éléments produits par la Commission devant le Tribunal que lesdites orientations ont été signifiées à la représentation permanente de la République hellénique auprès de l’Union le 23 octobre 1997. Partant, il convient de rejeter ce grief.

58      Quant au grief tiré du fait que la Commission, afin d’appliquer la correction concernant le projet « Axe routier septentrional de Crète », s’est uniquement fondée sur la déclaration de 2002 sans entreprendre sa propre enquête, il y a lieu de le rejeter également. En effet, il ressort des termes de l’article 23 du règlement n° 4253/88 et de la jurisprudence que les autorités nationales, et, en particulier, le service indépendant en charge de la déclaration sur la régularité des dépenses prévu par l’article 8 du règlement n° 2064/97, sont placés au premier rang des autorités de contrôle et c’est, en principe, sur la base de ces informations que la Commission peut décider d’intervenir (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, Italie/Commission, T‑154/06, non publié au Recueil, points 41 et 42).

59      En particulier, lorsque les autorités nationales ont procédé à un contrôle approfondi du respect de ses obligations financières par le bénéficiaire d’une subvention communautaire, la Commission peut légitimement se fonder sur leurs constatations factuelles circonstanciées et déterminer si ces constatations permettent d’établir l’existence d’irrégularités justifiant une sanction au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié. Elle ne saurait être tenue de procéder à une nouvelle enquête. La répétition d’une telle enquête priverait en effet la coopération avec les autorités nationales de tout effet utile et serait contraire au principe de bonne administration (arrêt du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II‑3731, point 45).

60      Partant, en l’occurrence, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir entrepris sa propre enquête relative au projet « Axe routier septentrional de Crète ». À cet égard, il y a lieu de rappeler que la République hellénique ne conteste pas l’existence des irrégularités constatées, concernant ledit projet, dans la déclaration de 2002 et auxquelles la Commission a fait référence dans la décision attaquée. Elle conteste néanmoins l’importance que la Commission leur a accordée. Selon elle, la correction de 25 % est disproportionnée par rapport aux défaillances identifiées dans la déclaration de 2002. De plus, elle prétend que les autorités helléniques avaient déjà appliqué une correction à la suite desdites irrégularités et que la correction appliquée par la Commission serait par conséquent superflue.

61      L’argument tiré de ce que les autorités grecques avaient déjà appliqué la correction nécessaire ne saurait prospérer. Dans ce contexte, il importe de relever que la déclaration de 2002 faisait état de l’existence, d’une part, de dépenses non éligibles à concurrence de 282 millions de drachmes grecques (GRD) et, d’autre part, dans le cadre des dépenses éligibles, de nombreuses irrégularités qui ont généré de graves difficultés dans le cadre de la procédure de contrôle.

62      Il ressort du dossier que la correction appliquée par les autorités helléniques et communiquée à la Commission dans la déclaration de 2003 ne faisait que rectifier l’erreur concernant les dépenses non éligibles, en déduisant le montant de 282 millions de GRD des dépenses éligibles. En revanche, il ne ressort pas des déclarations de 2002 et de 2003, ainsi que l’a confirmé la République hellénique au cours de l’audience, que les autorités grecques auraient procédé à des corrections en ce qui concerne les montants éligibles afin de prendre en compte les irrégularités s’y rapportant.

63      S’agissant de l’argument tiré du principe de proportionnalité, il convient, à titre liminaire, de rappeler la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées en conformité avec les règles communautaires sont à la charge du budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec. p. I‑8027, point 26). Par conséquent, dès que la Commission décèle l’existence d’une violation des dispositions communautaires dans les paiements effectués par un État membre, elle est tenue de procéder à la rectification des comptes présentés par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 67).

64      Cependant, lorsque la Commission procède à une telle rectification, elle dispose, en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, d’une marge d’appréciation quant à l’étendue de la correction financière, qu’elle doit exercer dans les limites du respect du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 mars 2010, Sviluppo Italia Basilicata/Commission, C‑414/08 P, non encore publié au Recueil, point 129).

65      En l’occurrence, les irrégularités constatées par les autorités grecques dans la déclaration de 2002 sont loin d’être futiles. Au contraire, il s’agit de défaillances sérieuses, notamment les irrégularités concernant l’approbation des états récapitulatifs des travaux, l’absence de piste d’audit et l’absence de respect des procédures de publicité. De telles défaillances impliquent un risque flagrant de perte de ressources de l’Union, dès lors qu’elles rendent difficile la vérification de la correspondance exacte entre les dépenses effectivement réalisées dans le cadre des projets éligibles et les demandes de concours financier communautaire qui y sont relatives.

66      De plus, il convient de relever que, au cours de la procédure devant le Tribunal, la République hellénique n’a avancé aucun élément démontrant que la constatation des défaillances exposées dans la déclaration de 2002 aurait été erronée. Sa tentative de minimiser l’importance desdites défaillances ne saurait prospérer, dès lors que la République hellénique fait référence aux circonstances propres à une période postérieure à celle visée par la décision attaquée.

67      Partant, l’affirmation de la République hellénique selon laquelle il n’y aurait pas eu de problème dans d’application de la législation communautaire ou nationale quant au projet « Axe routier septentrional de Crète » ne saurait être retenue, dès lors qu’elle est en contradiction avec la constatation des autorités helléniques mentionnée dans la déclaration de 2002 selon laquelle « des défaillances sont signalées dans le respect de la légalité/régularité, et concrètement dans le respect des procédures de publicité, dans l’imputation illégale aux candidats des frais de production des documents relatifs à l’appel d’offres, dans l’application injustifiée d’un montant minoré (par rapport au budget de l’étude) dans la formule mathématique pour la désignation de l’adjudicataire ».

68      En outre, il convient de constater que l’argument selon lequel il n’y a pas eu de défaillance ayant conduit à l’absence de réalisation du projet est inopérant, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence que le fait que le bénéficiaire d’un financement ne respecte pas toutes ses obligations justifie, d’une manière générale, la révision de la contribution communautaire et le simple fait que le projet ait été réalisé ne suffit pas à justifier le versement de la contribution communautaire (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, Allemagne/Commission, T‑349/06, T‑371/06, T‑14/07, T‑15/07 et T‑332/07, Rec. p. II‑2181, point 77).

69      Eu égard aux défaillances sérieuses constatées dans la déclaration de 2002 et en tenant compte du fait que l’article 24 du règlement nº 4253/88 n’opère aucune distinction d’ordre quantitatif ou qualitatif en ce qui concerne les irrégularités pouvant donner lieu à la réduction d’un concours, le Tribunal considère que le taux de correction forfaitaire appliqué par la Commission, à savoir 25 %, n’est pas disproportionné.

70      Enfin, il convient de rejeter comme manifestement dépourvu de fondement l’argument selon lequel il faut appliquer un taux de correction de 25 % au montant qui a été dépensé après la date à laquelle avait été instaurée l’autorité au sein de laquelle les problèmes de gestion ont été constatés. En effet, rien ne permet de conclure que les défaillances constatées dans la déclaration de 2002 auraient été moins sérieuses pour la période ayant précédé la mise en place du service responsable.

71      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 506 303 euros au titre du projet « Isthmos – Galota »

 Arguments des parties

72      La République hellénique conteste le raisonnement retenu par la Commission dans la décision attaquée afin de justifier la correction de 506 303 euros au titre du projet « Isthmos – Galota ».

73      D’après la République hellénique, le fait que le pouvoir adjudicateur, à savoir le ministère des Travaux publics grec, a réexaminé les notations effectuées par le comité ayant examiné en premier lieu les dossiers des soumissionnaires postulant pour le projet « Isthmos – Galota » (ci-après le « comité du rapport ») n’enfreint ni le droit national ni le droit communautaire.

74      La décision motivée du ministère des Travaux publics grec, qui a réexaminé l’appréciation du comité du rapport, ferait suite aux réclamations que les soumissionnaires avaient introduites à l’encontre de l’appréciation du comité du rapport. Conformément aux dispositions nationales, à savoir l’article 12, paragraphes 1 et 2, du Nomos 1418/1984 « Dimosia erga kai rythmiseis synafwn thematwn » (loi n° 1418/1984, sur les travaux publics) (FEK A’23/28-29.2.84) et l’article 20 du Proedriko Diatagma 609/1985 « Kataskevi dimosiwnn ergwn » (décret présidentiel n° 609/1985, sur la réalisation des travaux publics) (FEK A’223/24-31.12.85), le ministère des Travaux publics grec est l’autorité compétente pour se prononcer sur de telles réclamations. La République hellénique souligne que lesdites dispositions ne sont pas contraires au droit communautaire, ce qui n’a pas été contredit par la Commission dans la décision attaquée. Au contraire, il existerait en droit communautaire une obligation de prévoir la possibilité d’une voie de recours administratif. De plus, cette voie de recours et le rôle qu’y joue le pouvoir adjudicateur auraient été déclarés compatibles avec la législation grecque par le conseil juridique de l’État.

75      La République hellénique fait également valoir que c’est à tort que la Commission a maintenu, dans la décision attaquée, que le comité du rapport avait considéré que la modification effectuée par le ministère violait les dispositions nationales et que l’offre financière de l’attributaire n’était pas la plus avantageuse. Selon la République hellénique, il ressort du procès-verbal de la réunion du comité du rapport du 23 août 1994 que ces affirmations reflétaient le point de vue de la minorité des membres du comité du rapport (trois sur huit).

76      La décision d’attribution prise par le ministère des Travaux publics grec serait conforme à l’avis de la majorité du comité du rapport. À cet égard, la République hellénique soutient que ni la législation nationale ni la législation communautaire ne requièrent que la décision d’attribuer un projet à un soumissionnaire fasse suite à un avis pris à l’unanimité par le comité du rapport.

77      La Commission conteste la conformité de la décision d’attribution prise par le ministère des Travaux publics grec avec l’avis du comité du rapport. En outre, elle soutient que, en tout état de cause, la procédure suivie par les autorités grecques implique un risque de perte de ressources communautaires et justifie la correction financière appliquée dès lors que cette procédure ne garantit ni la transparence ni l’impartialité.

 Appréciation du Tribunal

78      Il ressort du considérant 20 de la décision attaquée et du rapport d’audit que, pour calculer la correction relative au projet « Isthmos – Galota », la Commission est partie de la prémisse selon laquelle le pouvoir adjudicateur avait enfreint la législation nationale en modifiant les notations effectuées par le comité du rapport.

79      Cependant, cette prémisse n’a pas été établie par la Commission. Il ressort en effet du dossier que les dix consortiums qui avaient soumis des offres avaient tous contesté auprès du pouvoir adjudicateur les notations effectuées par le comité du rapport le 18 mai 1993. Après avoir invité le comité du rapport à présenter ses observations sur les multiples griefs des soumissionnaires, le pouvoir adjudicateur a rendu le 7 juillet 1994 une décision détaillée et motivée examinant lesdits griefs.

80      Dans sa décision, le pouvoir adjudicateur a considéré que, d’une manière générale, les notations initiales du comité du rapport n’étaient pas suffisamment motivées et que ledit comité n’avait pas remédié à cette insuffisance dans son avis sur les griefs des soumissionnaires. Le pouvoir adjudicateur a aussi considéré que, bien que l’appel d’offres admettait des solutions alternatives pour la construction de ponts, le comité du rapport aurait néanmoins clairement pris position en faveur d’une seule catégorie de solutions. Après avoir examiné en détail les réclamations des soumissionnaires, le pouvoir adjudicateur a jugé nécessaire de les accueillir partiellement et, partant, de modifier les notations effectuées par le comité du rapport.

81      Il ressort du procès-verbal de la réunion du comité du rapport du 27 juillet 1994 que certains des membres de ce dernier ont remis en question la légalité des modifications entreprises par le pouvoir adjudicateur. Par conséquent, le comité du rapport a sollicité l’avis du conseil juridique de l’État hellénique sur la question de savoir si, en droit hellénique, il était loisible au pouvoir adjudicateur de modifier les notations du comité du rapport à la suite de réclamations de la part des soumissionnaires.

82      Le 10 août 1994, le conseil juridique de l’État hellénique a rendu l’avis sollicité (avis n° 390/94). Il a conclu que le pouvoir adjudicateur avait la compétence de donner suite à des réclamations à l’encontre des notations du comité du rapport et de les réformer. Plus particulièrement, l’avis n° 390/94 précise :

« La disposition prévue à l’article 4, paragraphe 6, sous b), de la loi n° 1418/1984, selon laquelle ‘l’approbation du résultat de l’adjudication relève de l’appréciation de l’organe compétent et a lieu sur avis conforme du comité du rapport’, concerne, non pas la phase intermédiaire de la notation des offres techniques, mais la phase finale par laquelle s’achève l’opération administrative complexe qui désigne l’adjudicataire […]

Par conséquent, de l’avis unanime de la présente chambre, […] en cas d’adjudication de travaux publics […], l’autorité hiérarchiquement supérieure peut noter les solutions techniques proposées par les soumissionnaires d’une manière différente de celle du comité du rapport, en imposant son point de vue à cet égard, mais sa décision doit être particulièrement motivée en ce qui concerne les points sur lesquels elle s’écarte de la notation du comité du rapport. »

83      Le Tribunal constate que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas mentionné l’existence de l’avis n° 390/94 et l’a encore moins examiné.

84      En outre, il découle des procès-verbaux des réunions du comité du rapport des 23 et 31 août 1994 que ce dernier, malgré les réserves de certains de ses membres à l’égard de la conclusion tirée dans l’avis n° 390/94, a finalement décidé de poursuivre la procédure d’attribution dans le projet « Isthmos – Galota » sur la base des notations du pouvoir adjudicateur. En effet, il y avait uniquement un membre qui refusait de donner son avis conforme à l’attribution de ce marché.

85      Il découle de tout ce qui précède que la conclusion de la Commission selon laquelle le pouvoir adjudicateur a enfreint la législation nationale n’a pas été établie.

86      Au cours de l’audience, la Commission a fait valoir que la constatation relative à l’infraction à la législation nationale, contenue dans la décision attaquée, n’était que d’une importance secondaire. Selon elle, même s’il n’y a pas eu violation de la législation nationale, il n’en demeure pas moins que le considérant 20 de la décision attaquée fait également état de ce que l’application de ladite législation est en soi contraire au droit de l’Union, à savoir aux principes de bonne gestion financière et d’égalité de traitement. Force est de constater que cette allégation n’est pas davantage développée et encore moins démontrée dans la décision attaquée.

87      Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir le quatrième moyen en annulant la décision attaquée en ce qu’elle prévoit une correction d’un montant de 506 303 euros au titre du projet « Isthmos – Galota ».

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 1 906 887 euros au titre du projet « Kakia Skala »

 Arguments des parties

88      La République hellénique réfute la constatation retenue par la Commission dans la décision attaquée selon laquelle il y avait une absence de piste d’audit concernant le projet « Kakia Skala » au sens de l’article 2 du règlement n° 2064/97. Selon elle, le fait que les auditeurs de la Commission ont pu effectuer une vérification complète du projet « Kakia Skala » et que le rapport d’audit ne mentionne aucun écart par rapport aux exigences requises par le règlement n° 2064/97 démontre que la piste d’audit était suffisante.

89      D’après la République hellénique, l’observation exposée dans le rapport d’audit, selon laquelle l’« absence d’études avant le lancement de l’appel d’offres, la modification de l’objet physique du marché principal, l’approbation de travaux supplémentaires, les différents objets des marchés (voies routières et voies ferrées), le cofinancement des marchés par deux Fonds (le FEDER et le Fonds de cohésion) et au cours de deux périodes de programmation (1994-1999 et 2000-2006) » ne conduit nullement à constater l’impossibilité d’établir un lien entre le financement et l’ensemble des dépenses et des paiements pour le projet « Kakia Skala ».

90      À titre subsidiaire, la République hellénique affirme, en s’appuyant sur l’avis n° 10/98 de la Cour des comptes des Communautés européennes, que le règlement n° 2064/97 ne constitue pas une « base juridique claire » aux fins de la correction appliquée.

91      La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

92      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’exigence d’une piste d’audit sert à permettre à des tiers de vérifier la correspondance entre les données de départ d’un et le résultat final dudit projet. Cet exercice doit nécessairement comprendre tant des éléments quantitatifs (correspondance entre les fonds attribués et les dépenses exécutées) que des éléments qualitatifs (correspondance entre les objectifs fixés et les résultats obtenus).

93      En l’espèce, l’argumentation de la République hellénique est centrée sur la vérification des éléments quantitatifs, dans la mesure où celle-ci fait valoir, en substance, que les défauts relevés dans la décision attaquée n’excluent pas l’établissement d’« un lien avec l’ensemble des dépenses et paiements pour le projet en question ». Pourtant, elle ne conteste pas la matérialité des faits exposés au considérant 21 de la décision attaquée et aux points 8.5.1.7 et 8.5.1.8 du rapport d’audit. Parmi ces faits, figurent notamment plusieurs procédures de passation de marché sans qu’il y ait eu d’études ou d’études complètes ou encore d’études dûment approuvées par l’autorité compétente.

94      Il va de soi que, en l’absence d’études préalables exposant les objectifs et les spécifications techniques d’un projet, il est difficile, voire impossible, d’examiner dans quelle mesure le projet finalisé correspond aux conditions et aux solutions préalablement fixées. De plus, l’absence d’études rend également difficile la vérification ultérieure concernant la question de savoir si le pouvoir adjudicateur a effectivement choisi l’offre la plus concurrentielle.

95      Au vu de ce qui précède et en tenant compte du fait que la République hellénique ne conteste pas l’absence d’études satisfaisantes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir réduit la contribution financière liée au projet « Kakia Skala » au motif que ce projet était entaché d’une absence de piste d’audit.

96      Enfin, il convient d’écarter l’argument tiré du fait que le règlement n° 2064/97 ne constituerait pas une « base juridique claire » aux fins de la correction financière appliquée. À cet égard, il suffit de constater que, même en l’absence de ce règlement, les États membres bénéficiaires d’un concours financier communautaire sont soumis à l’obligation d’apporter toutes les garanties permettant de vérifier la correspondance exacte entre les dépenses effectivement réalisées dans le cadre de projets cofinancés et les demandes de concours financier communautaire qui y sont relatives. En particulier, l’article 23 du règlement nº 4253/88, sur le fondement duquel le règlement nº 2064/97 a été adopté, enjoignait à l’époque des faits aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement, prévenir et poursuivre les irrégularités ainsi que récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence (voir, en ce sens, arrêt Irlande/Commission, point 63 supra, point 46).

97      Le cinquième moyen est donc rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 1 385 318 euros au titre du projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 »

 Arguments des parties

98      Par ce moyen, la République hellénique conteste les constatations exposées au considérant 22 de la décision attaquée concernant le projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 ».

99      En substance, elle fait valoir que c’est à tort que, dans la décision attaquée, la Commission a fait état de ce que les conditions d’adjudication du projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 » auraient été modifiées, après sa première phase, par la décision ministérielle D1d/0/15/59-A, du 2 août 1988. La République hellénique prétend que cette décision avait uniquement apporté des précisions concernant certaines conditions que les quatre entreprises participant à la seconde phase devaient satisfaire pour obtenir des contrats.

100    La République hellénique conteste également que l’une des conditions prévues par ladite décision ministérielle, à savoir l’interdiction pour les entreprises de présenter plus de deux offres pour les quatre projets dont les procédures d’attribution étaient menées en parallèle, enfreigne les dispositions nationales et communautaires.

101    En ce qui concerne le fait que les entreprises participant à la seconde phase avaient présenté leurs offres respectives en consortium avec des sociétés tierces, qui n’avaient pas été sélectionnées lors de la première phase, la République hellénique considère que cela n’enfreint aucune disposition pertinente.

102    Enfin, la République hellénique prétend que c’est à tort qu’il lui est fait le reproche, dans la décision attaquée, de ne pas avoir suffisamment réagi concernant l’allégation de collusion et d’entente entre les soumissionnaires. D’après elle, la collusion ne concernait pas la procédure d’attribution du projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 », mais les procédures d’attribution de deux projets parallèles qui ont été annulées à la suite de la découverte de la collusion.

103    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

104    Le Tribunal rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie que, en ce qui concerne les marchés publics, le pouvoir adjudicateur est tenu au respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires. Il ressort également de la jurisprudence que ledit principe implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, points 108 à 109).

105    Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs. Quant au principe de transparence, qui en constitue le corollaire, il a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 104 supra, points 110 à 111).

106    Il s’ensuit qu’il n’est pas admis pour le pouvoir adjudicateur de modifier les conditions et modalités d’attribution du marché au cours de la procédure, à moins que cette possibilité n’ait été prévue dès le début dans l’avis d’adjudication (voir, en ce sens, arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 104 supra, points 118 à 121).

107    En l’espèce, force est de constater que les affirmations de la Commission, exposées au considérant 22 de la décision attaquée, sont confirmées par les éléments contenus dans le dossier. En effet, par la décision ministérielle du 2 août 1988, les conditions et modalités d’attribution ont été modifiées au cours de la procédure, à savoir après la phase de présélection.

108    Une de ces modifications permettait aux entreprises qui n’avaient pas été présélectionnées lors de la première phase de néanmoins participer à la seconde en tant que membres d’un consortium. Cela constitue une violation des principes énoncés aux points 104 à 106 ci-dessus. En effet, cette modification constitue une violation du principe d’égalité de traitement dans le sens où certaines entreprises ont effectivement été exemptées des charges et de l’effort de se soumettre, au titre de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), à la phase de présélection et du contrôle de leur capacité technique et financière.

109    La décision ministérielle de 2 août 1988 a également introduit une nouvelle règle selon laquelle chaque entreprise ayant passé la phase de présélection ne pouvait soumettre plus de deux offres pour les quatre projets qui étaient menés en parallèle. Force est de constater que cette règle modifie incontestablement les conditions de mise en concurrence par rapport à la situation lors de la publication de l’avis initial et enfreint donc les principes énoncés aux points 104 à 106 ci-dessus, dès lors que cette modification contraint les soumissionnaires à limiter a posteriori leurs ambitions à deux projets au profit d’autres concurrents.

110    De même, il ne peut être exclu que, si cette condition avait été prévue dans l’avis initial, la composition des candidats et le contenu de leurs offres auraient été différents, dans la mesure où il est possible que certaines entreprises, en calculant la rentabilité potentielle de leurs soumissions, aient pris en compte la possibilité de pouvoir emporter les quatre projets.

111    Enfin, il convient de constater que la Commission ne saurait être sanctionnée pour avoir reproché aux autorités grecques de ne pas avoir suffisamment réagi à la suite de la constatation d’une entente frappant deux projets menés en parallèle avec le projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 ». Bien que les procédures d’attribution des projets faisant l’objet d’une entente aient été annulées à la suite de la révélation de ladite entente, il ne ressort pas du dossier que l’autorité compétente aurait pris les mesures nécessaires afin de vérifier l’impact éventuel de l’entente sur le projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 ».

112    Or, c’est ce qu’elle aurait dû faire au titre du principe de bonne gestion financière, puisque les entreprises étant en concurrence pour les deux projets faisant l’objet d’une entente l’étaient également pour obtenir le projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 », qui, rappelons-le, était mené en parallèle avec les deux projets entachés.

113    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le sixième moyen.

 Sur le septième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 226 591 euros au titre du projet « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta-Yliki »

 Arguments des parties

114    La République hellénique conteste la conclusion de la Commission retenue au considérant 23 de la décision attaquée, selon laquelle les principes de bonne gestion financière et d’égalité de traitement des soumissionnaires ont été enfreints dès lors que l’« objet physique » du marché aurait été substantiellement modifié après la signature du contrat et que le projet n’aurait finalement pas été achevé par l’attributaire.

115    Selon la République hellénique, les défauts observés par la Commission ont tous été pris en compte par les autorités helléniques qui, dans leur demande de financement au titre du FEDER, ont déclaré éligible un montant ne s’élevant qu’à 42 % de la valeur de l’objet contractuel initial et exclu les frais liés aux contrats portant sur la réalisation de travaux complémentaires.

116    D’après la République hellénique, il va de soi que le projet en cause ne pouvait faire l’objet de deux corrections pour la même raison, conformément au principe ne bis in idem. Elle prétend, par ailleurs, que la Commission avait reconnu, au cours de la procédure administrative, la correction appliquée par les autorités helléniques.

117    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

118    Par ce moyen, la République hellénique fait essentiellement valoir que la correction appliquée par ses autorités a suffisamment tenu compte des irrégularités constatées par la Commission et que la correction appliquée par la Commission est superflue.

119    Il ressort du considérant 23 de la décision attaquée que la correction imposée par la Commission concernant le projet « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta-Yliki » était fondée sur le fait que l’« objet physique » du projet avait été substantiellement modifié après la signature du contrat et que les autorités grecques n’avaient pas fourni de documentation relative à l’achèvement du projet. Lesdites irrégularités auraient violé les principes de bonne gestion financière et d’égalité de traitement.

120    En réponse à une question écrite du Tribunal, la République hellénique a déclaré que la correction qu’elle avait appliquée quant au montant déclaré pour le projet « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta‑Yliki » ne visait pas à remédier au degré d’inachèvement de ce projet. D’après elle, il n’y avait pas lieu de réduire la contribution du FEDER pour cette raison, dès lors que ledit projet n’était pas censé se terminer au cours du deuxième cadre communautaire d’appui, mais dans le cadre du troisième.

121    À cet égard, il importe de souligner que, même dans l’hypothèse où le projet « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta‑Yliki » n’aurait pas été censé se terminer au cours de la période en cause, il n’en reste pas moins que la République hellénique avait l’obligation de démontrer, documents à l’appui, l’état d’avancement du projet ainsi que les phases intermédiaires achevées. Au cours de l’audience, la République hellénique a affirmé qu’aucun avancement n’avait été réalisé au cours de la période en cause. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir réduit de 25 % la contribution du FEDER, dès lors que le fait qu’aucun avancement n’avait été réalisé au cours de la période en cause justifiait, à lui seul, la correction appliquée par la Commission.

122    Eu égard à ce qui précède, le septième moyen est rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 2 640 160 euros au titre du projet « Grevena-Kozani (deuxième sous-section) »

 Arguments des parties

123    Dans le cadre de ce moyen, la République hellénique fait valoir que la correction appliquée par la Commission manque de base juridique, dès lors que la décision attaquée est fondée sur une règle qui n’existait pas à l’époque de la mise en œuvre du projet « Grevena-Kozani (deuxième sous-section) ».

124    D’après elle, la Commission a appliqué une correction de 11 % du fait qu’elle avait constaté que, après la signature du contrat, l’« objet physique » du marché avait été modifié d’un taux de 41 %. Pourtant, la République hellénique souligne que ce n’est qu’en 2005 qu’une règle a été instituée selon laquelle, dans le cadre des corrections financières, il était possible de tolérer un pourcentage de 30 % de travaux non exécutés, tout dépassement de ce pourcentage conduisant à une réduction correspondante du concours financier.

125    Au demeurant, la République hellénique prétend que la modification de l’« objet physique » du marché et la réalisation des travaux complémentaires n’ont pas pesé sur le budget de l’Union, dès lors que ces frais avaient été exclus de la demande de financement communautaire.

126    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

127    Il convient de rejeter d’emblée la thèse principale de la République hellénique selon laquelle la correction appliquée par la Commission manque de base juridique. En effet, il ne ressort nullement de la décision attaquée que, en appliquant la correction relative au projet « Grevena-Kozani (deuxième sous-section) », la Commission se serait appuyée sur d’autres bases juridiques que l’article 24 du règlement n° 4253/88, qui était incontestablement la disposition applicable en l’espèce (voir point 5 ci-dessus).

128    En ce qui concerne le taux de correction, il convient de rappeler que la Commission disposait d’une marge d’appréciation (voir point 64 ci-dessus) pour le fixer. De plus, force est de constater que la République hellénique n’a pas contesté la proportionnalité du taux retenu en l’occurrence par la Commission.

129    Dans la mesure où la République hellénique conteste la correction en affirmant que les autorités helléniques ont suffisamment réduit la demande de financement communautaire, il convient de relever qu’il y a lieu de distinguer l’exclusion des dépenses non éligibles, d’une part, et la réduction de la contribution de la Communauté aux dépenses éligibles en raison des irrégularités entachant la procédure ou la mise ne œuvre du projet, d’autre part.

130    En l’espèce, la République hellénique ne prétend pas que la rectification effectuée par ses services serait allée au-delà de l’exclusion des dépenses non éligibles. Cependant, au considérant 24 de la décision attaquée, la Commission a réduit la contribution de la Communauté aux dépenses éligibles au motif que l’« objet physique » du projet avait été substantiellement modifié, ce qui aurait enfreint les conditions de l’adjudication et, partant, l’égalité de traitement des soumissionnaires. Ainsi qu’il ressort des points 104 à 106 ci-dessus, une correction pour de telles raisons est justifiée.

131    Partant, il y a lieu de rejeter le huitième moyen.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 684 343 euros au titre du projet « Carrefour de Polymylos (contrat 928) »

 Arguments des parties

132    Dans le cadre de ce moyen, la République hellénique fait valoir, à l’instar de son huitième moyen, que la correction appliquée par la Commission manque de base juridique, dès lors que la décision attaquée est fondée sur une règle qui n’existait pas à l’époque de la mise en œuvre du projet « Carrefour de Polymylos (contrat 928) ».

133    D’après elle, la Commission a appliqué une correction de 16 % du fait qu’elle avait constaté que, après la signature du contrat, l’« objet physique » du marché avait été modifié d’un taux de 46 %. Pourtant, la République hellénique souligne que ce n’est qu’en 2005 qu’a été instituée une règle selon laquelle, dans le cadre des corrections financières, il était possible de tolérer un pourcentage de 30 % de travaux non exécutés, tout dépassement de ce pourcentage conduisant à une réduction correspondante du concours financier.

134    La République hellénique fait également valoir que la Commission a, en tout état de cause, fait une erreur en calculant la valeur des travaux non exécutés à 3 292 147 euros. D’après elle, les travaux qui n’ont pas été effectués se chiffraient à 1 491 416 euros, ce qui signifierait que l’« objet physique » du marché après la signature du contrat avait été modifié d’un taux inférieur à 30 %.

135    Au demeurant, la République hellénique prétend que, même dans l’hypothèse où la valeur des travaux non exécutés se serait élevée à 3 292 147 euros, la Commission a néanmoins commis une erreur en calculant le taux de correction. Selon elle, le contrat initial était de 8 988 258 euros, ce qui aboutirait à un taux de correction de 6,6 %.

136    Enfin, la République hellénique prétend que la modification de l’« objet physique » du marché et la réalisation des travaux complémentaires n’ont pas pesé dans le budget de l’Union, dès lors que ces frais avaient été exclus de la demande de financement communautaire.

137    La Commission soutient, en substance, que le taux de correction appliqué est proportionné, dès lors que, même en utilisant les chiffres présentés par la République hellénique, le pourcentage d’inachèvement du projet initial serait au moins de 16 %.

 Appréciation du Tribunal

138    L’affirmation selon laquelle la correction appliquée par la Commission manque de base juridique doit être rejetée selon le même raisonnement que celui exposé au point 127 ci-dessus.

139    De même, l’allégation selon laquelle les autorités helléniques auraient appliqué une correction suffisante ne saurait prospérer dès lors que la République hellénique n’a pas démontré que ladite correction est allée au-delà d’une rectification des dépenses non éligibles.

140    S’agissant de la question de savoir si le taux de correction de 16 % appliqué par la Commission est approprié, il convient de constater que, en déterminant ce taux, la Commission s’est inspirée, au considérant 25 de la décision attaquée, du taux de travaux non exécutés (46 %), en extrapolant les 16 points dépassant les 30 %. En effet, la motivation fournie par la Commission au considérant 25 de la décision attaquée est la suivante : « Étant donné que les travaux non exécutés s’élevaient à 46 % du marché initial, une correction financière de 16 % est proposée. »

141    Il s’ensuit qu’il importe de vérifier le bien-fondé de l’allégation de la République hellénique selon laquelle le calcul de la Commission du taux des travaux non exécutés est erroné. Dans ses mémoires, la Commission a refusé de prendre position sur les calculs proposés par la République hellénique en soutenant que le taux des travaux non exécutés ne serait pas, en tout état de cause, inférieur au taux de correction retenu dans la décision attaquée.

142    Cette argumentation n’est pas tenable, dès lors que la Commission ne saurait complètement échapper à un contrôle juridictionnel quant au taux de correction qu’elle a choisi. En effet, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation quant à la politique de fixation du taux de correction, il n’en demeure pas moins qu’il ne lui est pas permis de modifier sa politique au cours d’un contrôle juridictionnel afin de combler une lacune ou de remédier à une erreur entachant l’exercice de cette marge dans une de ses décisions. Si tel était le cas, sa marge d’appréciation deviendrait en réalité un pouvoir quasi arbitraire, à l’écart du contrôle du juge de l’Union.

143    Par conséquent, le Tribunal a invité la Commission à prendre position sur l’allégation de la République hellénique selon laquelle son calcul du taux des travaux non exécutés était erroné. À cet égard, la Commission a, au cours de l’audience, produit un tableau sur la base duquel elle a affirmé avoir calculé le taux des travaux non exécutés, représentant 46 % du marché initial. La République hellénique a contesté la pertinence de ce tableau en affirmant qu’il n’avait été ni dûment signé ni approuvé par les autorités helléniques. Elle a, à son tour, déposé devant le Tribunal, après l’audience, un tableau qui devrait, selon elle, constituer la base du calcul du taux des travaux non exécutés.

144    Après examen de ces deux tableaux, le Tribunal constate que le tableau produit par la République hellénique, dont les données chiffrées s’écartent de celles contenues dans le tableau déposé par la Commission au cours de l’audience, a effectivement été signé et approuvé par les autorités helléniques. Ce qui n’est pas le cas du tableau déposé par la Commission. En outre, et ainsi que la République hellénique l’a soulevé, les données chiffrées reprises dans le tableau déposé par la République hellénique correspondent, contrairement aux données contenues dans le tableau déposé par la Commission, à celles figurant dans l’extrait d’un tableau exposé au point du rapport d’audit qui concerne le projet en cause, à savoir « Carrefour de Polymylos (contrat 928) ».

145    Il découle de ce qui précède que, pour calculer le taux des travaux non exécutés, la Commission s’est appuyée sur d’autres données chiffrées que celles figurant dans le rapport d’audit et approuvées par les autorisées helléniques sans expliquer pourquoi sa démarche aboutirait à un résultat plus opportun. Partant, la Commission n’a pas établi à suffisance de droit la pertinence des données chiffrées sur lesquelles elle prétend avoir calculé le taux de travaux non exécutés, ni, par voie de conséquence, la véracité du résultat de son calcul, tel que retenu au considérant 25 de la décision attaquée.

146    Par conséquent, il convient d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle impose une correction de 16 % en raison de la constatation d’un taux de 46 % de travaux non exécutés en ce qui concerne le projet « Carrefour de Polymylos (contrat 928) ».

 Sur le dixième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 10 139 020 euros au titre des projets « Aerino-M. monastère », « M. monastère – Début de la déviation Larissa » et « Déviation Larissa »

 Arguments des parties

147    La République hellénique conteste la conclusion tirée par la Commission dans la décision attaquée selon laquelle c’est à tort que les adjudicataires de l’un des trois projets ont été exclus des deux autres adjudications auxquelles s’appliquaient les mêmes critères de sélection. D’après elle, il découle de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37 qu’il est loisible au pouvoir adjudicateur, dans le cadre d’une procédure restreinte, d’ajouter des critères de sélection afin d’arriver au nombre souhaité d’offres. Elle affirme que, parmi ces critères de sélection, peut figurer l’absence de participation aux projets parallèles.

148    La République hellénique conteste également que le cahier des charges particulières aurait exigé le recours à des bureaux d’études grecs, enfreignant ainsi le principe de non-discrimination. À cet égard, elle conteste l’authenticité de la référence faite par la Commission dans le mémoire en défense.

149    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

150    S’agissant de la condition excluant la possibilité pour un adjudicataire d’emporter plus d’un projet parmi les trois menés en parallèle, il convient de constater que, dans la mesure où cette condition ne faisait pas partie de l’avis initial, mais avait été imposée ultérieurement, elle modifie incontestablement les conditions de mise en concurrence par rapport à la situation existant à la date de la publication de l’avis initial et enfreint donc les principes énoncés aux points 104 à 106 ci-dessus. En effet, cette modification a contraint les soumissionnaires à limiter a posteriori leurs ambitions.

151    De même, il ne peut pas être exclu que, si cette condition avait été prévue dans l’avis initial, la composition des candidats et le contenu de leurs offres auraient été différents, dans la mesure où il est possible que certaines entreprises, en calculant la rentabilité potentielle de leurs soumissions, aient pris en compte la possibilité de pouvoir emporter les trois projets. Il conviendrait donc d’écarter ce grief.

152    Enfin, il convient de constater que les éléments présents dans le dossier ne permettent pas de conclure que la Commission a commis une erreur de fait en constatant que les provisions applicables aux projets « Aerino-M. monastère », « M. monastère – Début de la déviation Larissa » et « Déviation Larissa » faisaient état du souhait de recourir à des bureaux d’études grecs, enfreignant ainsi le principe de non-discrimination. En effet, il en ressort que le recours aux services de bureaux d’études grecs était « souhaitable » et constituait un critère qui était, et qui devait, être évalué par les autorités compétentes.

153    Il s’ensuit que ce dernier moyen doit également être rejeté.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou pour des motifs exceptionnels.

155    En l’espèce, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la République hellénique supportera ses propres dépens et 80 % des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant 20 % de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2008) 8573 de la Commission, du 15 décembre 2008, relative à la réduction du concours financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) octroyé à la Grèce est annulée en ce qu’elle prévoit, d’une part, une correction d’un montant de 506 303 euros au titre du projet « Isthmos – Galota » et, d’autre part, une correction d’un montant de 684 343 euros au titre du projet « Carrefour de Polymylos (contrat 928) ».

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République hellénique supportera ses propres dépens et 80 % des dépens exposés par la Commission européenne.

4)      La Commission supportera 20 % de ses propres dépens.

Moavero Milanesi

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2011.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation des formes substantielles

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 253 CE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 11 946 583,53 euros au titre du projet « Axe routier septentrional de Crète »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 506 303 euros au titre du projet « Isthmos – Galota »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 1 906 887 euros au titre du projet « Kakia Skala »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 1 385 318 euros au titre du projet « K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1 »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 226 591 euros au titre du projet « Signalisation et éclairage électrique Oinofyta-Yliki »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le huitième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 2 640 160 euros au titre du projet « Grevena-Kozani (deuxième sous-section) »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le neuvième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 684 343 euros au titre du projet « Carrefour de Polymylos (contrat 928) »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le dixième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 10 139 020 euros au titre des projets « Aerino-M. monastère », « M. monastère – Début de la déviation Larissa » et « Déviation Larissa »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.