Language of document : ECLI:EU:T:2016:616

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

18 octobre 2016 (*)

« Dumping – Importation de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de Chine – Droit antidumping définitif – Recours en annulation – Affectation directe – Affectation individuelle – Recevabilité − Détermination de la valeur normale – Article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) n° 1225/2009 − Règle du droit moindre – Article 9, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 − Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑351/13,

Crown Equipment (Suzhou) Co. Ltd, établie à Suzhou (Chine),

Crown Gabelstapler GmbH & Co. KG, établie à Roding (Allemagne),

représentées par Mes K. Neuhaus, H.-J. Freund et B. Ecker, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert et M. B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de M. B. O’Connor, solicitor, et Me S. Gubel, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. M. França et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 372/2013 du Conseil, du 22 avril 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 1008/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine à la suite d’un réexamen intermédiaire partiel en application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1225/2009 (JO 2013, L 112, p. 1),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

Composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La première requérante, Crown Equipment (Suzhou) Co. Ltd, est une société de droit chinois qui produit des transpalettes à main et leurs parties essentielles. La seconde requérante, Crown Gabelstapler GmbH & Co. KG, est une société de droit allemand, apparentée à la première requérante, qui importe dans l’Union européenne des transpalettes à main et leurs parties essentielles, produites par la première requérante.

2        Le 18 juillet 2005, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 1174/2005 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine (JO 2005, L 189, p. 1). Les mesures en question ont pris la forme d’un droit ad valorem, compris entre 7,6 % et 46,7 %.

3        Le 17 juillet 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 684/2008 précisant le champ d’application des mesures antidumping instituées par le règlement n° 1174/2005 (JO 2008, L 192, p. 1). Dans ce règlement, le Conseil a clarifié la définition donnée aux produits concernés dans l’enquête initiale.

4        Le 11 juin 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 499/2009 étendant le droit antidumping définitif institué par le règlement n° 1174/2005 aux importations des mêmes produits expédiés de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays (JO 2009, L 151, p. 1).

5        Le 21 avril 2010, à la suite de la publication d’un avis d’expiration prochaine de certaines mesures antidumping (JO 2010, C 70, p. 29), dans lequel la Commission européenne avait fait savoir que les mesures antidumping définitives en vigueur en application du règlement n° 1174/2005 expiraient le 22 juillet 2010, la Commission a reçu de la part de deux producteurs de l’Union une demande d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration de ces mesures, en application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).

6        Le 10 octobre 2011, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1008/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine, tel qu’étendu aux importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles expédiées de Thaïlande, déclarées ou non originaires de Thaïlande, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009 (JO 2011, L 268, p. 1). Ce règlement a prorogé l’application du droit antidumping institué par le règlement n° 1174/2005 pour cinq années supplémentaires. Les requérantes se sont ainsi vu imposer un droit ad valorem sur leurs importations de 46,7 % pour cinq années supplémentaires.

7        Le 14 février 2012, la Commission a annoncé l’ouverture d’office d’un réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, limité à l’examen du dumping en ce qui concerne les producteurs-exportateurs chinois. L’ouverture était justifiée par un changement de nature durable des circonstances ayant débouché sur l’institution des mesures existantes. L’enquête a porté sur le dumping pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011 (ci-après la « PER »).

8        Les requérantes ont présenté des observations au cours de l’enquête, mais n’ont pas rempli le questionnaire dans le délai imparti. Elles ont participé à la procédure et reçu, le 7 février 2013, le document d’information générale présentant les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission envisageait d’apporter des modifications aux mesures en vigueur. Les requérantes ont présenté leurs observations sur ledit document d’information générale.

9        Le 7 mars 2013, une audition a eu lieu dans les locaux de la Commission, au cours de laquelle les requérantes ont présenté leurs points de vue sur le document d’information générale. Le 8 mars 2013, la Commission a informé les requérantes qu’elle avait décidé d’opérer un ajustement pour les différences d’épaisseur d’acier au cours de la détermination de la marge du dumping, à la suite des observations faites après réception du document d’information générale.

10      Le 22 avril 2013, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 372/2013 modifiant le règlement d’exécution n° 1008/2011 (JO 2013, L 112, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Dans ledit règlement, le Conseil a indiqué que le Brésil avait été considéré comme le pays analogue approprié, puisque la concurrence y était suffisante. En outre, il a estimé que, compte tenu des résultats de l’enquête de réexamen et puisque la nouvelle marge de dumping de 70,8 % était inférieure au niveau d’élimination du préjudice établi dans l’enquête initiale, il y avait lieu de faire passer à 70,8 % le droit antidumping applicable aux importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de Chine.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2013, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

13      Par ordonnance du 19 novembre 2013, le président de la quatrième chambre a admis l’intervention de la Commission.

14      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal (quatrième chambre) a invité les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

15      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer leur recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué en ce qu’il les concerne ;

–        condamner le Conseil à supporter ses propres dépens et les leurs ;

–        condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

16      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, annuler le règlement attaqué uniquement en ce que le droit excède le taux qui aurait été appliqué si le droit à l’importation avait été déduit de la valeur normale en ce qui concerne les requérantes ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

17      La Commission, soutenant le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        à titre encore plus subsidiaire, annuler le règlement attaqué uniquement en ce que le droit excède le taux qui aurait été appliqué si le droit à l’importation avait été déduit de la valeur normale en ce qui concerne les requérantes ;

–        condamner les requérantes aux dépens, y compris à ceux exposés par elle.

 En droit

I –  Sur la recevabilité

A –  Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir de la Commission

18      Dans son mémoire en intervention, la Commission excipe de l’irrecevabilité du recours au motif que, d’une part, le règlement attaqué est un acte réglementaire nécessitant des mesures d’exécution et, d’autre part, les requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées par le règlement attaqué. Les requérantes considèrent que l’exception d’irrecevabilité de la Commission est irrecevable au motif que, dans ses écritures, le Conseil n’a pas conclu à l’irrecevabilité du recours et que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties principales.

19      D’une part, il convient d’observer que le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n’est pas le destinataire aux conditions de recevabilité fixées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE constitue une fin de non-recevoir d’ordre public que les juridictions de l’Union peuvent examiner à tout moment, même d’office (arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 18, et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 32). Il s’ensuit que l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui précise que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties, ne peut faire obstacle à l’examen d’une telle fin de non-recevoir par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, points 37 et 38).

20      D’autre part, lors de l’audience, le Conseil a soulevé l’irrecevabilité du recours en faisant siens les arguments de la Commission. Or, puisque ladite fin de non-recevoir est d’ordre public, le Conseil pouvait valablement la soulever pour la première fois lors de l’audience (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, BP Products North America/Conseil, T‑385/11, EU:T:2014:7, points 65 à 78).

21      Dès lors que la Commission comme le Conseil ont pu valablement soulever l’irrecevabilité du recours des requérantes, il appartient au Tribunal d’examiner leur fin de non-recevoir.

B –  Sur la deuxième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

22      En vertu de la deuxième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale peut former un recours contre un acte qui la concerne directement et individuellement.

23      S’agissant de l’affectation directe, il convient de rappeler que cette condition requiert que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43 ; du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45, et ordonnance du 9 juillet 2013, Regione Puglia/Commission, C‑586/11 P, non publiée, EU:C:2013:459, point 31).

24      En l’espèce, tant la première requérante, productrice-exportatrice des produits en cause, que la seconde requérante, importatrice des produits en cause, sont directement concernées par le règlement attaqué dès lors que le règlement attaqué institue un droit antidumping sur les produits des requérantes qui oblige les autorités douanières des États membres à percevoir ledit droit sans leur laisser une quelconque marge d’appréciation. Cette appréciation est confirmée par la jurisprudence ayant reconnu que des producteurs (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 41 et jurisprudence citée) et des importateurs (voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2014, FESI/Conseil, T‑134/10, non publiée, EU:T:2014:143, point 26 et jurisprudence citée), dont les produits sont soumis à des droits antidumping en application d’un règlement antidumping, sont directement concernés par ce règlement.

25      S’agissant de l’affectation individuelle des requérantes, il convient de rappeler que, s’il est vrai que les règlements instituant des droits antidumping ont une portée générale en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, point 11 ; du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T‑597/97, EU:T:2000:157, point 43, et du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T‑598/97, EU:T:2002:52, point 43).

26      Il résulte de cette jurisprudence que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère de portée générale, concerner individuellement, dans certaines circonstances, certains opérateurs économiques, qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 14).

27      Ainsi, il a été jugé que les règlements instituant un droit antidumping concernent directement et individuellement, notamment, celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, point 12 ; du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, EU:C:1990:295, point 19, et du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 21).

28      Un producteur-exportateur qui est nommément désigné dans un règlement antidumping a de la sorte été considéré comme individuellement concerné (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, 255/84, EU:C:1987:203, point 6, et Koyo Seiko/Conseil, 256/84, EU:C:1987:204, point 5).

29      En l’espèce, le considérant 35 du règlement attaqué fait référence à la première requérante en ce qu’il indique que « deux producteurs-exportateurs […] se sont opposés au choix du Brésil comme pays analogue », qu’« [i]ls ont fait valoir que la concurrence sur le marché brésilien était faible pour les transpalettes à main en raison du très petit nombre de producteurs locaux et que, de ce fait, les prix à la vente, les bénéfices et les coûts de production au Brésil [étaie]nt gonflés » et qu’« [i]ls ont suggéré d’utiliser plutôt l’Inde, la Malaisie ou Taïwan ». En effet, dans la lettre du 24 février 2012, adressée par le représentant de la première requérante à la Commission, celui-ci s’est opposé au choix du Brésil comme pays analogue en raison du fait qu’il n’y avait que deux producteurs brésiliens de transpalettes à main et a proposé que l’Inde fût utilisée comme pays analogue. Il a précisé que, pour établir la valeur normale, il importait pour les institutions de rechercher la coopération des producteurs en Inde, en Malaisie ou à Taïwan.

30      Par ailleurs, le considérant 43 du règlement attaqué indique qu’une partie avait fait valoir qu’un ajustement devrait être effectué pour tenir compte du prétendu effet de distorsion causé par le droit à l’importation de 14 % pratiqué dans le pays analogue. Or, il ressort tant de la lettre du représentant de la première requérante du 24 février 2012 que de celle du 20 février 2013 que celui-ci avait fait valoir que le Brésil imposait un droit à l’importation de 14 % sur les transpalettes à main. De plus, dans la lettre du 20 février 2013, le représentant de la première requérante a estimé que le prix des transpalettes à main du producteur brésilien devait être diminué de 14 %.

31      Enfin, le considérant 84 du règlement attaqué expose qu’une partie a fait valoir qu’un prix minimal à l’importation serait plus adapté en l’espèce ou qu’un droit fixe devrait être institué, faisant ainsi référence également à la lettre du 20 février 2013, dans laquelle le représentant de la première requérante avait fait valoir cet argument.

32      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la première requérante, qui était un producteur-exportateur de transpalettes à main, a été clairement identifiée dans le règlement attaqué et que, donc, en application de la jurisprudence citée aux points 27 et 29 ci-dessus, elle doit être considérée comme individuellement affectée par le règlement attaqué.

33      Le fait que la première requérante n’ait pas été nommément désignée ne peut remettre en cause cette conclusion. En effet, une telle approche est formaliste et contraire à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Huvis/Conseil, T‑536/08, non publié, EU:T:2013:432, points 25 et 27). Par ailleurs, est également sans incidence le fait que la première requérante se soit vu imposer un taux de droits antidumping commun à d’autres opérateurs chinois, dès lors que, dans l’arrêt du 13 septembre 2013, Cixi Jiangnan Chemical Fiber e.a./Conseil (T‑537/08, non publié, EU:T:2013:428, points 2 et 25 à 27), le recours du producteur-exportateur Xiake Color Spinning, qui était identifié dans un des considérants du règlement en cause, a été considéré comme recevable nonobstant le fait qu’il se voyait imposer, par le règlement en cause, le taux de 49,7 %, qui était le taux commun à tous les producteurs-exportateurs des produits en cause qui ne s’étaient pas vu imposer un taux spécifique.

34      Par ailleurs, il convient d’observer que les requérantes ont participé à l’enquête préparatoire. En effet, par le biais de leur représentant, elles ont soumis leurs observations sur le caractère approprié du pays analogue choisi (voir lettre du 24 février 2012), ont fait valoir leur point de vue sur le recours à un échantillonnage (voir lettre du 29 février 2012), ont commenté le document d’information générale de la Commission (voir lettre du 20 février 2013) et ont participé à l’audition organisée par la Commission qui s’est tenue le 7 mars 2013. Cette participation a été mentionnée dans le règlement attaqué.

35      Certes, les requérantes n’ont pas répondu au questionnaire de la Commission, au motif qu’une telle réponse représentait une surcharge de travail lors de la préparation de ses comptes annuels. Toutefois, cette absence de réponse ne suffit pas à considérer que les requérantes n’ont pas participé à suffisance de droit à la procédure administrative, compte tenu de leurs autres interventions au cours de celle-ci.

36      En outre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque la décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques et qu’il peut en être notamment ainsi lorsque la décision modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (voir arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59 et jurisprudence citée).

37      En l’occurrence, la qualité de membre d’un cercle restreint d’opérateurs économiques de la première requérante repose sur le fait que, comme d’autres producteurs-exportateurs chinois de transpalettes à main, elle était soumise au droit antidumping définitif imposé par le règlement d’exécution n° 1008/2011 au moment où ce règlement avait fait l’objet d’un réexamen intermédiaire partiel limité à l’examen du dumping en ce qui concerne les producteurs-exportateurs chinois. Ledit réexamen a abouti à l’adoption du règlement attaqué. Or, au moment de l’adoption de ce règlement, le nombre de sociétés qui s’étaient vu imposer le droit antidumping définitif par le règlement d’exécution n° 1008/2011 et l’identité de celles-ci étaient exactement déterminés. En outre, le règlement attaqué a eu pour effet de modifier, à partir de son entrée en vigueur, le taux de droit antidumping définitif applicable auxdits importateurs chinois. En effet, ce dernier est passé d’un droit ad valorem de 47,6 % à un droit de 70,8 % sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de Chine. Il s’ensuit que la première requérante appartient à un cercle fermé d’opérateurs, ce qui l’individualise par rapport au règlement attaqué.

38      Partant, pour les motifs qui précèdent, la première requérante doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée par le règlement attaqué et son recours doit être déclaré recevable.

39      En ce qui concerne la seconde requérante, il y a lieu d’observer que celle-ci jouit d’une qualité particulière par rapport à toute autre requérante en raison de son appartenance au même groupe d’entreprises que la première requérante. En outre, dès lors que le recours de la première requérante est recevable et que la première requérante et la seconde requérante ont introduit un seul et même recours, il a été jugé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la qualité pour agir de la seconde requérante [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 33 (non publié) et jurisprudence citée].

II –  Sur le fond

40      Les requérantes invoquent trois moyens à l’appui de leur recours. Par leur premier moyen, elles font valoir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé son obligation de motivation en choisissant le Brésil comme pays analogue. Par leur deuxième moyen, les requérantes allèguent que le Conseil a commis une erreur et violé son obligation de motivation en n’ajustant pas la valeur normale afin de tenir compte de l’effet de distorsion causé par le droit à l’importation de 14 % imposé dans le pays analogue. Enfin, par leur troisième moyen, les requérantes reprochent au Conseil d’avoir fait une application erronée de la règle du droit moindre.

41      Au vu de ces moyens, le Tribunal estime qu’il convient de traiter le troisième moyen avant d’examiner les premier et deuxième moyens.

A –  Sur le troisième moyen, portant sur l’application incorrecte de la règle du droit moindre

42      Les requérantes estiment que le Conseil a commis une erreur de droit et a violé l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, consacrant la règle du droit moindre, en comparant, au considérant 80 du règlement attaqué, la marge de dumping de 70,8 %, établie dans le règlement attaqué, au niveau d’élimination du préjudice établi lors de l’enquête initiale en 2005.

43      Préalablement à l’examen de ce moyen, il importe de rappeler que le règlement attaqué a été adopté après que la Commission eut observé, au cours du réexamen effectué au titre de l’expiration des mesures, que la structure de la concurrence sur le marché de l’Union avait subi une mutation en raison des mesures instituées initialement. En particulier, elle avait observé que le producteur-exportateur chinois qui affichait le taux de droit le plus bas et qui avait bénéficié du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché était parvenu à reprendre virtuellement une très grande partie du marché de l’Union et avait sensiblement accru sa part dans les importations de l’Union et que la détermination initiale du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché devait être mise en doute au vu d’éléments attestant à première vue que le marché de l’acier chinois était faussé.

44      Par conséquent, la Commission et le Conseil ont jugé que les circonstances ayant débouché sur l’institution des mesures existantes avaient durablement changé et qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’office d’un réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, limité à l’examen du dumping en ce qui concerne les producteurs-exportateurs chinois (voir considérants 5 et 6 du règlement attaqué).

45      À la suite de l’enquête de réexamen, le Conseil a fixé la nouvelle marge de dumping à 70,8 %. Au considérant 80 du règlement attaqué, le Conseil a précisé que, « [c]ompte tenu des résultats de l’enquête de réexamen et puisque la nouvelle marge de dumping de 70,8 % [était] inférieure au niveau d’élimination du préjudice établi dans l’enquête initiale […], il y a[vait] lieu de faire passer à 70,8 % le droit antidumping applicable aux importations du produit concerné à la fois pour Noblelift et pour les autres producteurs-exportateurs ». Le Conseil a en outre estimé que la règle du droit moindre avait été respectée, en comparant la marge de dumping nouvellement fixée au niveau d’élimination du préjudice établi lors de l’enquête initiale, qui correspondait à la dernière détermination de l’existence d’un préjudice (voir considérant 83 du règlement attaqué).

46      Les requérantes estiment, en substance, que cette dernière comparaison viole la règle du droit moindre consacrée à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base. Il découlerait du libellé et de la finalité de cette dernière disposition que les institutions seraient dans l’obligation de calculer, dans chaque cas, une nouvelle marge de préjudice avant d’instituer un nouveau droit antidumping. Cette obligation n’affecterait pas la possibilité d’un réexamen intermédiaire partiel limité au dumping dès lors qu’elle requerrait l’établissement d’une nouvelle marge de préjudice − qui nécessite uniquement la détermination du prix de vente ou du prix indicatif de l’industrie de l’Union − et non une nouvelle évaluation d’un préjudice. L’omission commise dans le règlement attaqué en ce que celui-ci n’établit pas de nouvelle marge de préjudice pourrait avoir pour conséquence une marge de préjudice inférieure à celle établie lors de l’enquête initiale, de sorte que cette erreur suffirait pour annuler le règlement attaqué.

47      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste cette appréciation, au motif que, lorsque le réexamen est limité au dumping, les institutions sont juridiquement tenues d’utiliser la marge de préjudice établie dans le cadre de l’enquête initiale pour appliquer la règle du droit moindre. Le Conseil allègue, par ailleurs, que la contestation des requérantes sur ce point revient à soulever une exception d’illégalité qui est irrecevable, car tardive.

48      Au vu de ces arguments, tout d’abord, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 9, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, consacrant la règle du droit moindre, « [l]e montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire ».

49      La règle du droit moindre impose ainsi d’utiliser la marge de préjudice pour déterminer le taux du droit antidumping lorsque la marge de dumping est plus élevée que la marge de préjudice (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 153, et du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 111).

50      Cette règle a pour objectif d’éviter que le droit antidumping imposé excède ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, l’institution des droits antidumping constitue une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping et non une sanction ou une mesure conférant un avantage concurrentiel à l’industrie de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 91).

51      Comme l’a indiqué l’avocat général Trstenjak dans le contexte des subventions, la finalité de la règle du droit moindre est de neutraliser uniquement l’avantage concurrentiel des importations subventionnées qui est nécessaire pour protéger l’industrie de l’Union. Les prix des importations subventionnées ne doivent être augmentés du droit compensateur que dans la mesure où cela est nécessaire à la protection de l’industrie de l’Union. Ils ne sauraient toutefois conférer à cette industrie un avantage concurrentiel par rapport aux importations subventionnées, qui irait au-delà de cela (conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2008:532, point 170).

52      Ensuite, il convient d’observer que les parties ne contestent pas le fait que la règle du droit moindre s’applique dans le contexte du réexamen visé par l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base. Pour les motifs exposés ci-après, cette appréciation des parties doit être partagée.

53      En principe, une procédure de réexamen se distingue de la procédure d’enquête initiale, qui est régie par d’autres dispositions du règlement de base. La Cour a ainsi déjà considéré que certaines de ces dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer à la procédure de réexamen, eu égard à l’économie générale et aux objectifs du système. La différence objective entre ces deux types de procédures réside dans le fait que les importations soumises à une procédure de réexamen sont celles ayant déjà fait l’objet de l’institution de mesures antidumping définitives et à l’égard desquelles il a, en principe, été apporté des éléments de preuve suffisants pour établir que la suppression de ces mesures favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. En revanche, lorsque des importations sont soumises à une enquête initiale, l’objet de celle-ci est précisément de déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué [voir, en ce sens, arrêts du 27 janvier 2005, Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, C‑422/02 P, EU:C:2005:56, point 50 ; du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, points 65 et 66, et du 28 avril 2015, CHEMK et KF/Conseil, T‑169/12, EU:T:2015:231, points 59 et 60].

54      S’agissant, en particulier, de la règle du droit moindre, il a été jugé que celle-ci ne s’appliquait pas dans le cadre du réexamen des mesures antidumping effectué au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, au motif que, dans le cadre du réexamen des mesures antidumping parvenant à expiration visé par ce paragraphe, les autorités de l’Union pouvaient uniquement abroger ou maintenir lesdites mesures. La Cour a dès lors considéré que, eu égard à l’économie générale et aux objectifs du système dans lequel s’insérait l’article 9, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, celui-ci n’avait pas vocation à s’appliquer dans le cadre de la procédure prévue par l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, points 77 et 78).

55      Toutefois, l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base prévoit que, dans toutes les enquêtes de réexamen effectuées en vertu de l’article 11 dudit règlement, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit. Il s’ensuit que, en règle générale, dans le cadre d’un réexamen, les institutions sont tenues d’appliquer la même méthode que celle utilisée lors de l’enquête initiale ayant abouti à l’imposition du droit antidumping (arrêt du 17 novembre 2009, MTZ Polyfilms/Conseil, T‑143/06, EU:T:2009:441, point 42).

56      Or, la règle du droit moindre est constitutive de la méthode utilisée lors de l’enquête initiale ayant abouti à l’imposition du droit antidumping.

57      De plus, ainsi que l’a indiqué la Cour, le réexamen de mesures antidumping effectué au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base se distingue de celui effectué en application de l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement, en ce qu’il permet non seulement d’abroger ou de maintenir les mesures antidumping, mais également de les modifier. En effet, l’article 11, paragraphe 6, du règlement de base prévoit expressément que les mesures antidumping peuvent être abrogées, maintenues ou modifiées en vertu de l’article 11, paragraphe 3, dudit règlement par les institutions de l’Union responsables de leur adoption (arrêt du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, point 76). Étant donné la possibilité de modifier les mesures antidumping lors d’un réexamen effectué au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, à la différence de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, il convient de considérer que la règle du droit moindre a vocation à s’appliquer dans la procédure de réexamen de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base.

58      Partant, compte tenu de la portée de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base et, a contrario, de l’appréciation effectuée dans l’arrêt du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys (C‑373/08, EU:C:2010:68), en ce qui concerne l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, la règle du droit moindre doit s’appliquer dans le contexte du réexamen intermédiaire visé par l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base.

59      Enfin, s’agissant de l’application de la règle du droit moindre lors d’un réexamen partiel limité au dumping, il n’est pas contesté par les parties et est reconnu par la jurisprudence que l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base permet aux institutions de procéder à un tel réexamen partiel (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2015, CHEMK et KF/Conseil, T‑169/12, EU:T:2015:231, points 35 à 37).

60      Pour l’application de la règle du droit moindre dans un tel cas, il importe de rappeler que ladite règle a pour objectif de garantir que les droits antidumping imposés ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour compenser le préjudice encouru par l’industrie de l’Union en raison du dumping (voir le point 50 ci-dessus).

61      Par conséquent, dans un réexamen intermédiaire limité au dumping, l’appréciation du respect de la règle du droit moindre sur la base de la marge de préjudice établie lors de l’enquête initiale ne peut être entérinée que pour autant qu’il puisse être considéré que ladite marge est toujours représentative du préjudice au moment de la détermination de la nouvelle marge de dumping à la suite du réexamen.

62      En effet, à défaut d’une telle représentativité, la règle du droit moindre ne peut garantir que les droits antidumping imposés à la suite d’un réexamen intermédiaire ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour compenser le préjudice encouru par l’industrie de l’Union en raison du dumping et, partant, devient inopérante.

63      Il importe donc de déterminer si, en l’espèce, les institutions pouvaient considérer que la marge de préjudice était toujours représentative du préjudice encouru par l’industrie de l’Union au moment de la détermination des droits antidumping à la suite d’un réexamen intermédiaire limité au dumping.

64      À cet égard, il convient d’observer que les institutions ont limité le réexamen intermédiaire au seul dumping, parce qu’elles ont considéré qu’elles ne possédaient pas d’éléments de preuve suffisants justifiant l’ouverture du réexamen portant sur le préjudice.

65      En vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, les requérantes avaient la possibilité de demander un réexamen du préjudice dès lors que cette disposition conférait aux exportateurs la possibilité de demander un réexamen de la nécessité du maintien des mesures antidumping. Les requérantes n’ont cependant pas fait une telle demande.

66      Toutefois, durant la procédure administrative, elles ont contesté la limitation du réexamen intermédiaire au seul dumping, au motif qu’il ressortirait du règlement d’exécution n° 1008/2011, adopté postérieurement au règlement n° 1174/2005 établissant le niveau d’élimination du préjudice, que la situation de l’industrie de l’Union avait changé en raison du départ de deux producteurs européens et d’une sous-cotation des prix de l’Union se situant dans une fourchette comprise entre 43 % et 78 %. Les institutions ont, à juste titre, rejeté cette contestation. En effet, les éléments invoqués ne suffisent pas à affecter la plausibilité de l’analyse du niveau d’élimination du préjudice effectuée aux considérants 120 et 123 du règlement (CE) n° 128/2005 de la Commission, du 27 janvier 2005, instituant un droit antidumping provisoire sur les transpalettes à main et leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine (JO 2005, L 25, p. 16), et entérinée par le règlement n° 1174/2005. En particulier, la sous-cotation invoquée n’est pas foncièrement différente de celle établie dans le règlement n° 1174/2005, où elle se situe à plus de 55 % (voir considérant 58 du règlement n° 1174/2005). En tout état de cause, force est de constater que, devant le Tribunal, les requérantes n’ont pas contesté le rejet, par les institutions, de leurs arguments contre la limitation du réexamen intermédiaire au seul dumping.

67      Les institutions pouvaient dès lors considérer que leurs appréciations initiales du préjudice et, partant, de la marge de préjudice étaient toujours valables au moment du réexamen du dumping. Dans de telles conditions, les institutions pouvaient légitimement considérer que la marge de préjudice établie initialement était représentative du préjudice au moment de la détermination du droit antidumping à la suite dudit réexamen.

68      Partant, les institutions n’ont pas commis d’erreur de droit ou d’erreur manifeste d’appréciation en vérifiant, en l’espèce, le respect de la règle du droit moindre sur la base de la marge de préjudice fixée lors de l’enquête initiale. Pour ces motifs, le troisième moyen doit être rejeté.

B –  Sur le premier moyen, portant sur la détermination de la valeur normale sur la base de données provenant du Brésil

1.     Sur l’erreur manifeste d’appréciation

a)     Introduction

69      À titre principal, les requérantes estiment que le choix du Brésil comme pays analogue est contraire à l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, parce que les forces normales du marché n’opèrent pas sur le marché brésilien des produits en cause. Les requérantes estiment que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en soutenant qu’il existait une concurrence suffisante sur le marché brésilien et qu’il n’a pas sélectionné le pays analogue d’une manière non déraisonnable. Cette erreur justifierait que le règlement attaqué fût annulé. Le Conseil conteste avoir violé l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base ou commis une erreur manifeste d’appréciation dans le choix du Brésil comme pays analogue.

70      Au vu de ces arguments, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base dispose ce qui suit :

« Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris [l’Union], ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans [l’Union] pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu. »

71      L’objectif des dispositions de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base est d’éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans un pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (voir arrêts du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 20 et jurisprudence citée, et du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 66 et jurisprudence citée).

72      En outre, il a été précisé que l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement de base impose qu’un pays tiers à économie de marché approprié soit choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix, car il incombe aux institutions de l’Union, en tenant compte des solutions de remplacement qui se présentent, d’essayer de trouver un pays tiers où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation, pourvu qu’il s’agisse d’un pays à économie de marché (arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 21).

73      Il ressort du libellé de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base que la valeur normale est prioritairement déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, ou du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 24).

74      Le Tribunal a en outre indiqué que le fait qu’il soit nécessaire d’ajuster les données requises pour la détermination de la valeur normale afin de les adapter le plus possible aux conditions qui s’appliqueraient à des producteurs d’un pays n’ayant pas une économie de marché ne démontre pas que l’utilisation des données relatives à un producteur d’un pays analogue était impossible ou même inappropriée (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, Changzhou Hailong Electronics & Light Fixtures et Zhejiang Yankon/Conseil, T‑255/01, EU:T:2003:282, point 59).

75      Il ressort de ce qui précède que, lors du choix d’un pays tiers afin de déterminer une valeur normale, il importe que ledit pays soit un pays à économie de marché. En particulier, le marché des produits en cause dans ledit pays doit être régi par les forces normales du marché et, par conséquent, le prix des produits en cause doit être le résultat d’une concurrence réelle. S’il est exigé que cette concurrence soit réelle, il ne peut être exigé qu’elle soit parfaite. D’une part, parce qu’une concurrence parfaite est une utopie et, d’autre part, parce que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence précitée, le choix d’un pays tiers comme pays analogue n’exclut pas des ajustements afin de tenir compte des spécificités du marché. La nécessité d’apporter des ajustements ne suffit pas à démontrer que le marché en cause n’était pas régi par une concurrence réelle.

76      Par ailleurs, il importe d’observer que le choix du pays de référence s’inscrit dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont les institutions compétentes disposent dans l’analyse de situations économiques complexes (arrêt du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, point 10).

77      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, conformément à une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union, dans le cadre de ce contrôle, vérifient le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, point 11 et jurisprudence citée).

78      De plus, s’agissant du choix du pays de référence, il appartient au juge de vérifier si les institutions ont omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable (arrêts du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, EU:C:1991:402, point 13, et du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 22).

b)     Règlement attaqué

79      Dans le règlement attaqué, le Conseil a considéré ce qui suit en ce qui concerne le choix du Brésil comme pays analogue :

« (38) En ce qui concerne le caractère approprié du Brésil en tant que pays analogue, il y a lieu de noter que, si le producteur du pays analogue est le principal producteur sur le marché brésilien, il n’occupe pas une position de monopole sur ce marché. Il existe une concurrence entre au moins deux producteurs locaux et le niveau des importations est significatif ; par ailleurs, la marge bénéficiaire du producteur du pays analogue a été jugée conforme à un marché libre.

(39) Comme indiqué au considérant 36, à la suite de commentaires présentés à un stade précoce de la procédure contre l’utilisation du Brésil en tant que pays analogue, la Commission a contacté quarante-cinq producteurs dans quatre pays différents, y compris les sociétés proposées par Noblelift. En dépit des contacts répétés par téléphone et par courrier électronique avec ces sociétés, un seul producteur établi au Brésil a fourni les informations demandées et a coopéré à l’enquête.

(40) En ce qui concerne les prétendues lacunes, il convient de noter qu’un seul producteur dans le pays analogue a coopéré à l’enquête. Une telle situation n’est pas rare, mais elle pose des problèmes en ce qui concerne la divulgation de données. Étant donné les difficultés fréquemment rencontrées pour obtenir la coopération des producteurs du pays analogue, la Commission doit garantir un haut niveau de protection des informations confidentielles. En l’espèce, la présentation de données non confidentielles a suscité quelques malentendus concernant de prétendues lacunes, mais ils ont été clarifiés avec les parties. Une partie a notamment fait valoir que les lacunes dans la réponse du producteur du pays analogue empêcheraient de prendre le Brésil comme pays analogue et qu’il conviendrait de clore l’enquête dans la mesure où la Commission n’est pas en mesure d’établir la valeur normale. Il est fait remarquer à cet égard que, dans la présente enquête, la Commission disposait de toutes les informations nécessaires pour déterminer le dumping.

(41) Par conséquent, les arguments relatifs au caractère inapproprié du Brésil en tant que pays analogue ne pouvaient être acceptés.

(42) En ce qui concerne les demandes d’ajustement, il y a lieu de noter que, pour prendre en compte les différences de stade commercial entre le producteur brésilien et le producteur-exportateur chinois, un ajustement au titre du stade commercial a été opéré (voir considérant 59).

(43) Enfin, une partie a fait valoir qu’un ajustement devrait être effectué pour tenir compte du prétendu effet de distorsion causé par le droit à l’importation de 14 % pratiqué dans le pays analogue. Cet argument ne peut être reçu étant donné qu’aucun lien n’a pu être établi entre un droit à l’importation en tant que tel et le niveau de prix sur le marché intérieur.

(44) En conséquence, le Brésil est considéré comme un pays analogue approprié, puisque la concurrence y est suffisante compte tenu du fait qu’il y a au moins deux producteurs et que le niveau des importations y est significatif. »

c)     Appréciation

80      Les requérantes contestent le choix du Brésil comme pays analogue, parce que, d’une part, la production brésilienne des transpalettes à main serait monopolisée par Paletrans, le producteur ayant coopéré, et, d’autre part, la position de Paletrans serait protégée par des droits à l’importation élevés sur les transpalettes à main, de sorte que ces importations ne pourraient concurrencer librement la production nationale.

81      Plus particulièrement, les requérantes observent qu’il n’existait que deux producteurs de transpalettes à main au Brésil, à savoir le producteur ayant coopéré, Paletrans, et une autre entreprise. La production de Paletrans représenterait environ 93 % de la production intérieure et celle du deuxième producteur du Brésil, s’élevant à environ 7 % de la production intérieure, serait quasiment négligeable. Elles estiment qu’il est douteux qu’une entreprise puisse exercer une pression concurrentielle sur une autre entreprise alors que cette dernière est environ treize fois plus grande que la première. Partant, le Conseil ne pouvait pas, sur la base de ces éléments et sans autre explication, présumer qu’il existait une concurrence locale suffisante entre Paletrans et le deuxième producteur en cause. Selon les requérantes, la théorie économique indiquerait plutôt que, avec une part de 93 % dans la production locale et une position quasiment équivalente à celle d’un monopoleur local, Paletrans pouvait jouer le rôle d’un chef de file tarifaire par rapport aux autres producteurs. D’autant que le marché des transpalettes à main serait un marché mature, faiblement innovant et avec une part de marché de Paletrans dans la production intérieure restée stable entre le dernier exercice et la PER. Cette stabilité des parts de marché dans un oligopole constituerait un indice de collusion entre les membres de l’oligopole par le biais d’un comportement non coordonné.

82      Au vu de ces arguments, en premier lieu, le Tribunal précise que le Conseil a pu considérer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, aux considérants 38 et 44 du règlement attaqué, qu’il existait au moins deux producteurs locaux de transpalettes à main au Brésil. En effet, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil a précisé que Paletrans, qui était le plus grand producteur de transpalettes à main du Brésil, lui avait indiqué que, mis à part lui et l’autre producteur arrivant deuxième à l’échelle nationale, il existait encore d’autres très petits producteurs nationaux. Cette affirmation a été étayée par un document de Paletrans que les requérantes n’ont pas remis en cause.

83      En second lieu, le Tribunal considère que les arguments des requérantes fondés sur la dominance de Paletrans sur le marché brésilien de la production des transpalettes à main ne suffisent pas à démontrer que le choix du Brésil comme pays analogue était manifestement erroné.

84      En effet, le caractère adéquat du choix d’un pays analogue aux fins de la détermination de la valeur normale ne s’apprécie pas au regard de la seule production intérieure des produits en cause. En vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, la valeur normale est déterminée sur la base « du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché » ou « du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays ». L’adéquation du choix du pays analogue s’apprécie dès lors au regard de la concurrence sur le marché de la vente des produits en cause.

85      Ainsi, il a été jugé que le seul fait qu’il n’existe qu’un producteur dans le pays de référence n’exclut pas en soi que les prix y soient le résultat d’une concurrence réelle dès lors qu’une telle concurrence peut tout aussi bien résulter, en l’absence d’un contrôle des prix, de la présence d’importations significatives en provenance d’autres pays (voir, en ce sens, arrêts du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, point 15, et du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 66).

86      Partant, l’absence de concurrence suffisante entre producteurs locaux, l’existence d’un marché de la production parvenu à maturité et peu innovant ainsi que la stabilité des parts de marché de Paletrans sur ledit marché, quand bien même avérées, ne permettent pas de constater que les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation en choisissant le Brésil comme pays analogue.

87      Les requérantes allèguent également à l’appui de leur moyen tiré du choix erroné du Brésil comme pays analogue que, outre le fait que Paletrans était le plus important producteur brésilien de transpalettes à main, il possédait entre 43 % et 54 % du marché brésilien des ventes de transpalettes à main. Cette importante part de marché serait l’indicateur par excellence d’un pouvoir significatif de marché et de la position dominante de Paletrans [voir paragraphe 17 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5), ainsi que les législations allemandes et autrichiennes en matière de concurrence instaurant des présomptions légales de dominance]. Or, selon les requérantes, le pouvoir de marché fausse les niveaux des prix même en l’absence d’abus. En outre, les requérantes soulignent que Paletrans, par rapport à son plus proche concurrent sur le marché brésilien, était 13 fois plus grande en termes de dimension et de 43 à 54 fois plus grande en termes de parts de marché. Il en résulterait que ce concurrent serait donc d’une dimension trop modeste pour limiter le pouvoir de marché de Paletrans. Selon les requérantes, les institutions n’ont pas tenu compte de l’incidence effective du pouvoir de marché de Paletrans sur les prix au Brésil. De plus, les faits en cause créeraient une présomption renversant la charge de la preuve.

88      Il ressort du dossier déposé devant le Tribunal que, pour la vente des transpalettes à main au Brésil, Paletrans possédait les parts de marché mentionnées dans le tableau ci-après :

 

Total des ventes au Brésil en unités de mesure

Ventes de Paletrans au Brésil en unités de mesure

Part de marché de Paletrans en %

Dernier exercice

13 730

7 403

54 %

PER

17 270

7 411

43 %


89      Dans le mémoire en défense, le Conseil a précisé que si, durant la PER, Paletrans possédait 43 % des parts de marché, le deuxième producteur brésilien et quelques petits producteurs locaux détenaient environ 1 % desdites parts de marché. Le Conseil a également indiqué, sans que cela ne soit contesté par les requérantes, que des 56 % de parts de marché restantes, 47 % étaient détenues par des importateurs chinois et 9 % étaient détenues par des importateurs de l’Union.

90      Au vu de ces faits, il est avéré que Paletrans occupait une position importante sur le marché brésilien des ventes de transpalettes à main. Le fait que cette entreprise possédait plus de 50 % des parts de marché durant le dernier exercice ne suffit cependant pas à conclure qu’elle bénéficiait d’une position dominante sur ce marché.

91      En effet, il convient de rappeler qu’une position dominante est définie dans le droit de l’Union comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 65 ; du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 38, et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 175).

92      Selon la Cour, l’existence d’une position dominante résulte en général de la réunion de facteurs divers, qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (voir arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 175 et jurisprudence citée). La Cour a, en outre, déjà eu l’occasion de préciser que, si la signification des parts de marché peut différer d’un marché à l’autre, la possession, dans la durée, d’une part de marché extrêmement importante constitue, sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 41) et que des parts de marché de plus de 50 % constituent des parts de marché extrêmement élevées (arrêts du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, EU:C:1991:286, point 60, et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 176).

93      En l’espèce, force est de constater qu’il est uniquement établi pour le dernier exercice que Paletrans détenait une part de marché de plus de 50 %. Durant la PER, cette part de marché était inférieure à 50 %. Or, en application de la jurisprudence reprise au point 92 ci-dessus, seule une part de marché de plus de 50 % dans la durée crée une présomption de dominance sur ledit marché.

94      En outre, dans leur présentation faite lors de l’audition du 7 mars 2013 dans les locaux de la Commission, dont une copie a été jointe à la requête, les requérantes ont affirmé que « les producteurs brésiliens ne p[ouvai]ent pas satisfaire la demande locale » [et que] « les importations n[‘étaient] pas seulement nécessaires à la concurrence, mais l[‘étaie]nt de toute façon » (Brazilian producers cannot supply local demand ; imports do not need to compete but are needed anyway). Ainsi, les requérantes reconnaissent que les producteurs brésiliens ne pouvaient satisfaire la demande de transpalettes à main sur le marché brésilien. Cette circonstance, considérée avec celle selon laquelle il y avait d’importantes importations de transpalettes à main au Brésil, remet en cause la qualification d’entreprise dominante sur ledit marché de Paletrans.

95      Lors de l’audience, les requérantes ont été interrogées par le Tribunal à propos de ladite affirmation. Dans leurs réponses, elles ont indiqué que le fait que l’offre sur le marché brésilien était inférieure à la demande était un signe de la dominance de Paletrans parce que cette dernière se trouvait ainsi dans une position lui permettant d’augmenter les prix des transpalettes à main sur ledit marché. Une telle déduction n’est correcte que pour autant qu’il puisse être établi que les importations de transpalettes à main ne permettaient pas de satisfaire la demande en cause. Or, en l’espèce, près de la moitié des transpalettes à main vendues au Brésil étaient importées et les requérantes ne sont pas en mesure d’expliquer comment, dans une telle situation, Paletrans était dans une position lui permettant d’augmenter les prix des transpalettes à main sur le marché brésilien.

96      Partant, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, les parts de marché importantes de Paletrans sur le marché brésilien des ventes de transpalettes à main ne suffisent pas à établir une présomption de dominance de cette entreprise sur ledit marché. La circonstance que Paletrans occuperait une position dominante sur le marché brésilien de production de transpalettes à main n’affecte pas cette conclusion. En effet, ladite dominance n’a manifestement pas eu pour conséquence de lui conférer une part de marché constante de 50 % ou plus sur le marché des ventes.

97      Par ailleurs et en tout état de cause, la circonstance que Paletrans puisse être considérée comme occupant une position dominante sur le marché brésilien des transpalettes à main, quod non, ne suffit pas à établir que ledit marché n’était pas soumis à une concurrence réelle et, partant, que le choix du Brésil comme pays analogue était manifestement erroné.

98      En effet, la dominance ne confère à ladite entreprise que le pouvoir d’avoir des comportements indépendants (voir le point 91 ci-dessus). Il ne s’ensuit pas nécessairement que ladite entreprise exerce ledit pouvoir. Partant, les requérantes allèguent à tort qu’une position dominante fausse, en tant que telle, les niveaux des prix.

99      Par conséquent, nonobstant la position importante de Paletrans sur le marché brésilien de la production et des ventes de transpalettes à main, le Conseil pouvait conclure, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le marché brésilien des transpalettes à main était soumis à une réelle concurrence, étant donné que les importateurs de transpalettes à main possédaient une part de marché cumulée de 56 % durant la PER et de 46 % durant le dernier exercice.

100    Les requérantes considèrent encore que la concurrence liée aux importations était insuffisante pour contrer le pouvoir de Paletrans dès lors que le Brésil imposait un droit à l’importation de 14 % sur les produits concernés. Ce droit rendrait les importations plus onéreuses, protégerait les producteurs locaux contre la concurrence et fausserait ainsi les conditions normales du marché. Le Conseil n’aurait pas tenu compte de l’incidence de ces droits sur le fonctionnement du marché brésilien. Les requérantes estiment que c’est précisément parce que les importations font l’objet d’un droit à l’importation élevé que Paletrans jouirait d’un pouvoir de marché qui est caractérisé par une part de marché très élevée, située entre 43 % et 54 %, et un écart extrêmement important avec le producteur brésilien suivant, dont la part de marché est inférieure à 1 %. Les requérantes estiment que, comme les importations représentent environ 50 % du marché brésilien, il y a lieu de présumer que 50 % des produits concernés vendus sur le marché brésilien ont été vendus avec une marge commerciale de 14 % et, en outre, que la production brésilienne a été vendue à des prix sensiblement supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la concurrence. Partant, les prix des transpalettes à main au Brésil seraient supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la concurrence. Les ventes de Paletrans et les importations représenteraient 99 % des ventes du produit concerné au Brésil, de sorte que, même si le deuxième producteur national, avec une part de marché inférieure à 1 %, pratiquait des prix compétitifs, 99 % des produits vendus sur le marché brésilien seraient toujours vendus à des prix supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la concurrence. Le Conseil conteste ces arguments.

101    Au vu de ces arguments, il convient de distinguer la question de savoir si l’imposition de ce droit à l’importation peut affecter le bien-fondé du choix du Brésil comme pays analogue, soulevée dans le premier moyen, de celle de la nécessité d’ajuster la valeur normale à la suite du constat dudit droit, soulevée dans le deuxième moyen. À ce stade, seule la première question doit être examinée.

102    À cet égard, le Tribunal observe que l’imposition d’un droit à l’importation n’implique pas automatiquement que le marché en cause n’est plus régi par les forces normales du marché et, par conséquent, que le prix des produits en cause n’est pas le résultat d’une concurrence réelle. En effet, ce n’est que pour autant que le droit à l’importation réduit considérablement, voire annihile, les forces normales du marché que ledit droit fait obstacle à la prise en compte du marché en cause pour la détermination de la valeur normale.

103    En l’espèce, le droit à l’importation s’élevait à 14 %. Ni l’imposition de ce droit ni la position de Paletrans sur le marché n’ont empêché de substantielles importations de transpalettes à main au Brésil. En effet, malgré la position importante de Paletrans sur ledit marché et le droit à l’importation en cause, les produits importés représentaient entre 45 % et 56 % des ventes des produits sur le marché brésilien. Ces importations ont dès lors réellement concurrencé les producteurs brésiliens sur le marché brésilien des transpalettes à main, et cela nonobstant l’imposition d’un droit à l’importation de 14 %.

104    Ainsi, si ledit droit à l’importation a pu avoir un effet sur les prix des transpalettes à main vendues au Brésil, il ne permet pas de considérer que le marché brésilien des transpalettes à main n’était pas soumis à une concurrence réelle.

105    Partant, les institutions pouvaient déduire, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, au considérant 38 du règlement attaqué, qu’il existait une concurrence réelle sur le marché brésilien des transpalettes à main du fait que, nonobstant le droit à l’importation de 14 %, ledit marché se caractérisait par la présence, à côté de Paletrans, d’au moins deux autres producteurs locaux et par d’importantes importations.

106    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, les institutions n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le Brésil constituait un pays analogue approprié pour la détermination de la valeur normale. Compte tenu de la hiérarchie entre les méthodes exposées aux points 73 et suivants ci-dessus et du fait que le Brésil constituait un pays tiers à économie de marché approprié, la valeur normale devait être établie sur la base de ce pays analogue et non sur la base d’une autre méthode raisonnable.

107    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation, par les requérantes, de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et du Conseil. En effet, la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur la base de la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission et du Conseil.

2.     Sur le défaut de motivation

108    À titre subsidiaire, les requérantes allèguent que l’hypothèse formulée par le Conseil, selon laquelle il existerait une concurrence suffisante au Brésil, n’est pas expliquée dans le règlement attaqué, de sorte que, sur ce point, le règlement attaqué est entaché d’une violation de l’obligation de motivation imposée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En réponse aux arguments du Conseil, les requérantes indiquent que les prétendues « explications détaillées » quant aux facteurs que le Conseil a pris en compte se limiteraient aux affirmations selon lesquelles il existerait une concurrence entre au moins deux producteurs locaux et le niveau des importations serait significatif. Ces affirmations ne seraient pas convaincantes. La motivation du Conseil ne serait pas susceptible d’éclairer les raisons pour lesquelles les arguments pertinents invoqués par les parties lors de la procédure administrative ont été écartés.

109    Le Conseil estime avoir suffisamment motivé l’approche suivie, y compris l’existence d’une concurrence suffisante sur le marché brésilien, aux considérants 33 à 44 du règlement attaqué.

110    Le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67 ; du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, EU:T:1998:92, point 41, et BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, EU:T:1998:93, point 66).

111    La motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’autorité de l’Union, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle [arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 88 ; du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T‑48/96, EU:T:1999:251, point 141, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 129].

112    Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait ou de droit pertinents, les exigences de motivation devant être appréciées au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière. En outre, il convient de souligner que les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés. Il suffit que l’auteur de l’acte expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie du règlement (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié, EU:C:2007:6, point 30, et du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, points 113 et 114).

113    En l’espèce, il ressort à suffisance de droit des considérants 38 à 41 du règlement attaqué pour quels motifs le Conseil a considéré comme approprié le choix du Brésil comme pays analogue. Le Conseil a ainsi exposé que le principal producteur sur le marché brésilien n’était pas en position de monopole, qu’il existait au moins deux producteurs locaux, que le niveau des importations était significatif et que la marge bénéficiaire du producteur du pays analogue était conforme à celle obtenue dans un marché libre.

114    Ces explications ont permis aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. En effet, ces explications leur ont permis de contester le bien-fondé de ces appréciations et ont permis au juge de prendre position sur ces contestations, comme il ressort des points 80 et suivants ci-dessus. Le fait que les requérantes qualifient les motifs exposés dans le règlement attaqué de « non convaincants » démontre qu’elles entendent confondre la forme et le fond et constitue la reconnaissance implicite de l’existence d’une motivation suffisante au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

115    Partant, le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté, ainsi que le premier moyen dans son ensemble.

C –  Sur le deuxième moyen, portant sur l’absence d’ajustement de la valeur normale afin de tenir compte de l’effet de distorsion causé par le droit à l’importation de 14 % imposé dans le pays analogue

116    Par leur deuxième moyen, les requérantes estiment, à titre subsidiaire par rapport à leur premier moyen, que le règlement attaqué viole, notamment, l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, parce que, lors de la détermination de la valeur normale, le Conseil n’a pas tenu compte de l’impact du droit à l’importation de 14 % imposé par les autorités brésiliennes sur les produits en cause. Le Conseil conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de ce moyen.

1.     Sur la recevabilité du deuxième moyen

117    Le Conseil estime que le deuxième moyen est irrecevable, parce qu’il est fondé sur l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, qui ne s’applique pas aux ajustements. En effet, selon le Conseil, la valeur normale a, en l’espèce, été déterminée sur la base des prix réels et des prix construits au Brésil. Les questions relatives à tout ajustement des prix disponibles seraient couvertes par l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et non par son article 2, paragraphe 7. Les requérantes rétorquent que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base est la disposition centrale lorsque la valeur normale est déterminée sur la base de données provenant d’un pays analogue et que, en l’espèce, la valeur normale n’a pas été déterminée de façon appropriée par le Conseil.

118    Au vu de ces arguments, il importe d’observer que le Conseil invoque l’absence de bien-fondé du deuxième moyen pour remettre en cause sa recevabilité. En effet, la question de savoir si l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base a été violé en raison de l’absence de prise en compte d’ajustements demandés est une question ayant trait au bien-fondé dudit moyen. Une telle question ne rend pas le moyen irrecevable. Partant, le deuxième moyen doit être déclaré recevable.

2.     Sur le bien-fondé du deuxième moyen

119    Les requérantes estiment que la valeur normale aurait dû être ajustée afin de tenir compte de l’effet de distorsion induit par le droit à l’importation de 14 % imposé aux produits en cause. En raison de cette absence d’ajustement, le règlement attaqué violerait l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. En outre, en réponse aux arguments du Conseil, les requérantes reprochent à ce dernier de ne pas avoir procédé à un ajustement sur la base de l’article 2, paragraphe 10, sous b) ou k), du règlement de base.

120    L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base régit la détermination de la valeur normale dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Cette disposition prévoit que, dans un tel cas, la valeur normale peut être déterminée soit sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, soit sur la base du prix pratiqué à partir d’un pays tiers à économie de marché à destination d’autres pays, y compris l’Union, soit, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans l’Union pour le produit similaire dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

121    En l’espèce, la valeur normale a été établie, en application de cette disposition, tant sur la base du prix des produits en cause au Brésil que sur la base de la valeur construite à partir de ces prix au Brésil. Pour la valeur construite, le Conseil a fait application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.

122    En effet, ainsi qu’il ressort du document d’information générale du 7 février 2013 et des considérants 48 et 49 du règlement attaqué, lorsque le volume des ventes d’un type de produit, effectuées à un prix de vente net égal ou supérieur au coût de production calculé, représentait plus de 80 % du volume total des ventes du type de produit en question et lorsque le prix de vente moyen pondéré de ce type de produit était égal ou supérieur au coût de production, les institutions ont déterminé la valeur normale sur la base du prix intérieur réel. Tel était le cas de tous les types de produits comparables et la valeur normale a été calculée sous la forme d’une moyenne pondérée des prix de toutes les ventes effectuées durant la PER sur le marché brésilien pour chaque type de produit comparable. En ce qui concerne les types de produit non comparables, les institutions ont établi la valeur normale conformément aux dispositions de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, en ajoutant aux coûts de fabrication, éventuellement ajustés, un pourcentage raisonnable pour les frais de vente intérieure, les dépenses administratives et autres frais généraux ainsi qu’une marge bénéficiaire raisonnable. Les montants correspondant aux frais de vente, aux dépenses administratives et autres frais généraux ainsi qu’aux bénéfices ont été fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes du produit similaire, au cours d’opérations commerciales normales réalisées par Paletrans, le producteur du pays analogue, le Brésil.

123    Dans leur lettre du 20 février 2013 et au cours de l’audition du 7 mars 2013, les requérantes ont affirmé que, dans l’éventualité où le Brésil serait confirmé comme pays analogue, la valeur normale devrait être ajustée afin de tenir compte du prétendu effet de distorsion causé par le droit de 14 % imposé par ce pays lors de l’importation des transpalettes à main. À cette fin, tous les produits, et pas seulement les produits comparables, devaient, selon elles, être construits en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base. En particulier, les requérantes ont allégué que la marge de profit, les coûts de fabrication, les frais de vente et les dépenses administratives et autres frais généraux de Paletrans pris en compte pour déterminer la valeur normale étaient artificiellement élevés en raison du droit à l’importation de 14 % et devaient par conséquent être ajustés.

124    Dans le règlement attaqué, le Conseil a estimé qu’une telle demande d’ajustement des requérantes ne pouvait pas être accueillie, « étant donné qu’aucun lien n’a[vait] pu être établi entre un droit à l’importation en tant que tel et le niveau de prix sur le marché intérieur ».

125    Les requérantes estiment que cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et qu’elle viole l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. En outre, le Conseil leur aurait ainsi imposé une charge de la preuve déraisonnable.

126    Le Conseil, soutenu par la Commission, réfute ces allégations. Il estime que les requérantes n’ont apporté aucun élément de preuve concret pendant la procédure administrative ou pendant la procédure devant le Tribunal, démontrant l’incidence réelle du droit à l’importation sur la valeur normale ou sur le prix à l’exportation, et n’ont pas démontré que les exigences techniques de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base étaient remplies. Le Conseil conteste avoir ainsi imposé une charge de la preuve déraisonnable aux requérantes et observe qu’une série d’ajustements ont été opérés lorsque l’influence sur les prix et leur comparabilité avaient été démontrées. Le Conseil estime que les institutions ont décidé, à juste titre, dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, que le droit à l’importation ne justifiait pas un ajustement de la valeur normale, en raison de son niveau relativement faible.

127    S’agissant de l’appréciation figurant au considérant 43 du règlement attaqué, selon laquelle aucun lien n’a pu être établi entre le droit à l’importation en tant que tel et le niveau de prix sur le marché intérieur, il importe d’observer que, si le Conseil ne conteste pas l’existence dudit droit de 14 % sur les importations des transpalettes à main pendant la PER au Brésil, il n’en demeure pas moins qu’il ressort du libellé dudit considérant, lu dans son contexte, que, par cette appréciation, le Conseil n’a pas refusé le principe selon lequel les droits à l’importation pouvaient entraîner une augmentation des niveaux des prix, mais a uniquement constaté qu’un tel lien n’avait pas été établi en l’espèce.

128    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du dossier que, lors de la procédure administrative, les requérantes avaient demandé un « ajustement » de la valeur normale pour prendre en compte ledit droit à l’importation et pour que cette valeur pût « refléter les conditions normales de marché » et ont invoqué, dans ce cadre, l’article 2, paragraphes 3 et 7, du règlement de base. Plus particulièrement, elles affirmaient que la valeur normale aurait dû être entièrement construite en application de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement. En revanche, les requérantes n’ont pas fondé leur demande sur l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

129    Quant à la procédure devant le Tribunal, les requérantes invoquent une violation de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. Dans la réplique, en réponse aux arguments du Conseil, elles avancent qu’un ajustement en application de l’article 2, paragraphe 10, sous b) ou k), du même règlement aurait également été justifié.

130    En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 7, sous a), vise à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (voir arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 66 et jurisprudence citée). Selon les requérantes, le marché brésilien était caractérisé par les distorsions induites par le droit à l’importation de 14 % concerné.

131    L’argumentation des requérantes doit être rejetée. Ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen (voir les points 102 à 105 ci-dessus), les institutions pouvaient considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que, nonobstant le droit à l’importation de 14 %, il existait une concurrence réelle sur le marché brésilien des transpalettes à main. Les institutions ont ainsi pu déterminer correctement la valeur normale sur la base des prix ou de la valeur construite dans celui-ci.

132    En second lieu, à comprendre l’argumentation des requérantes comme une violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, celle-ci doit également être rejetée. Aux termes de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité […] »

133    Il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et, donc, leur comparabilité. Cela signifie, en d’autres termes, que l’ajustement a pour but de rétablir la symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation d’un produit (voir arrêt du 23 septembre 2009, Dongguan Nanzha Leco Stationery/Conseil, T‑296/06, non publié, EU:T:2009:347, point 42 et jurisprudence citée).

134    En outre, si une partie demande, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. En effet, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s’en prévaloir (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 60 et 61).

135    Or, en l’espèce, les requérantes n’ont pas précisé, lors de la procédure administrative, sur quelle disposition concrète de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base leur demande était éventuellement fondée et n’ont pas développé une quelconque argumentation concrète dans ce sens. Le seul document qu’elles ont présenté à l’appui de leur argumentation fait état d’un droit à l’importation de 14 % sur une liste de produits, droit que les institutions ne contestent pas. Ainsi que les requérantes l’affirment elles-mêmes dans la requête, leur revendication était fondée sur l’existence d’un droit à l’importation au Brésil qu’elles qualifient de « substantiel » et sur un prétendu principe selon lequel les droits à l’importation entraînaient une augmentation des niveaux des prix sur le marché intérieur. Dans ces conditions, le Conseil a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, rejeter la demande des requérantes.

136    À cet égard, les requérantes allèguent aussi que le Conseil leur aurait imposé une charge de la preuve déraisonnable en remettant en cause, sans explication, au considérant 43 du règlement attaqué, le principe selon lequel les droits à l’importation entraînaient une augmentation des niveaux des prix sur le marché intérieur. Dans la réplique, les requérantes ajoutent qu’elles se sont également acquittées de la charge de la preuve conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

137    Cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, premièrement, il convient de rappeler que, par l’appréciation formulée au considérant 43 du règlement attaqué, le Conseil n’a pas exclu que les droits à l’importation puissent entraîner une augmentation des niveaux des prix, mais a uniquement constaté qu’un tel lien n’avait pas été établi en l’espèce (voir le point 127 ci-dessus). Deuxièmement, il découle, certes, du principe de bonne administration que la charge de la preuve que les institutions imposent aux producteurs-exportateurs demandant un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base ne peut pas être déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 77).

138    Or, en l’espèce, si les requérantes voulaient valablement formuler une demande d’ajustements au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, il leur incombait d’apporter les éléments de preuve démontrant que, en l’espèce, un droit à l’importation de 14 % affectait réellement le niveau des prix constituant la valeur normale et la possibilité de comparer ces prix aux prix à l’exportation, ce qui ne saurait, assurément, être considéré comme une charge de la preuve déraisonnable.

139    Enfin, les requérantes font valoir que les institutions ont évalué l’augmentation des prix de l’Union résultant des droits à l’importation dans de nombreuses procédures antidumping et antisubventions et qu’elles ont reconnu avec constance les hausses de prix provoquées sur le marché intérieur par des droits à l’importation, sans établir un lien de causalité spécifique entre ces droits et le niveau des prix. Or, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus (voir les points 126, 136 et 137), une telle possibilité n’a pas été remise en cause par les institutions en l’espèce. En outre, il convient de rappeler que le pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, sur la base de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, doit être exercé au cas par cas en fonction de tous les faits pertinents (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, EU:C:1990:116, point 43, et du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, EU:T:2010:549, point 93). En conséquence, l’argumentation des requérantes à cet endroit doit également être rejetée.

140    En ce que les requérantes allèguent, à titre subsidiaire, que le Conseil a violé son devoir de motivation, en dérogeant sans motivation ni explication au principe général selon lequel les droits à l’importation entraînent une augmentation des prix du produit concerné sur le marché intérieur, il convient d’observer que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’autorité de l’Union, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 88, et du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T‑48/96, EU:T:1999:251, point 141).

141    Toutefois, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait ou de droit pertinents, les exigences de motivation devant être appréciées au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière. En outre, il convient de souligner que les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés. Il suffit que l’auteur de l’acte expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie du règlement (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié, EU:C:2007:6, point 30, et du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, points 113 et 114).

142    Or, en l’espèce, le Conseil a pris position sur la demande des requérantes et l’a rejetée en indiquant qu’aucun lien n’a pu être établi entre un droit à l’importation en tant que tel et le niveau de prix sur le marché intérieur. Au vu de l’argumentation des requérantes et des éléments de preuve présentés lors de la procédure administrative, cette motivation doit être considérée comme suffisante.

143    Par voie de conséquence, il convient de rejeter le deuxième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

144    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de celui-ci.

145    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Crown Equipment (Suzhou) Co. Ltd et Crown Gabelstapler GmbH & Co. KG supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur la recevabilité

A –  Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir de la Commission

B –  Sur la deuxième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

II –  Sur le fond

A –  Sur le troisième moyen, portant sur l’application incorrecte de la règle du droit moindre

B –  Sur le premier moyen, portant sur la détermination de la valeur normale sur la base de données provenant du Brésil

1.  Sur l’erreur manifeste d’appréciation

a)  Introduction

b)  Règlement attaqué

c)  Appréciation

2.  Sur le défaut de motivation

C –  Sur le deuxième moyen, portant sur l’absence d’ajustement de la valeur normale afin de tenir compte de l’effet de distorsion causé par le droit à l’importation de 14 % imposé dans le pays analogue

1.  Sur la recevabilité du deuxième moyen

2.  Sur le bien-fondé du deuxième moyen

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.