Language of document : ECLI:EU:T:2007:165

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS

11 juin 2007 (*)

« Référé − Demande de sursis à exécution − Suppression d’un concours financier − Fonds de cohésion − Affectation directe − Irrecevabilité − Urgence »

Dans l’affaire T‑324/06 R,

Município de Gondomar (Portugal), représenté par Mes J. da Cruz Vilaça, D. Choussy et L. Pinto Monteiro, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Andrade et A. Weimar, en qualité agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2006) 3782 de la Commission, du 16 août 2006, relative à la suppression de la contribution financière accordée au titre du Fonds de cohésion au projet n° 95/10/61/017 – assainissement du Grand-Porto/sud − sous-réseau de Gondomar, par la décision de la Commission C (95) 3281, du 18 décembre 1995,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS,

remplaçant le président du Tribunal, conformément à l’article 106 du règlement de procédure,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        L’article 12 du règlement (CE) n° 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1), dans sa version applicable au moment des faits, dispose :

« 1. Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général des Communautés européennes, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier des projets. À cette fin, les États membres prennent notamment les mesures suivantes :

[…]

h)      ils récupèrent les montants perdus à la suite d’une irrégularité constatée, en appliquant, le cas échéant, des intérêts de retard.

[…] »

2        L’article 5 du règlement (CE) n° 1831/94 de la Commission, du 26 juillet 1994, concernant les irrégularités et le recouvrement des sommes indûment versées dans le cadre du financement du Fonds de cohésion ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO L 191, p. 9), énonce, dans sa version applicable au moment des faits, ce qui suit :

1. Au cours des deux mois qui suivent la fin de chaque trimestre, les États membres bénéficiaires informent la Commission, en faisant référence à toute communication antérieure faite en vertu de l’article 3, des procédures entamées à la suite des irrégularités communiquées ainsi que des changements significatifs dans ces procédures […]

2. Lorsqu’un État membre bénéficiaire estime que le recouvrement d’un montant ne peut pas être effectué ou attendu, il indique à la Commission, à l’occasion d’une communication spéciale, le montant non recouvré et les raisons pour lesquelles ce montant est, à son avis, à la charge de la Communauté ou de l’État membre bénéficiaire […]

3. Dans le cas visé au paragraphe 2, la Commission peut demander explicitement à l’État membre bénéficiaire de continuer la procédure du recouvrement. »

3        L’article 7 du règlement n° 1831/94 prévoit, dans sa version applicable au moment des faits, ce qui suit :

« Dans le cas où, à la demande explicite de la Commission, les autorités compétentes d’un État membre décident d’engager ou de continuer une action en justice en vue du recouvrement de montants indûment payés, la Commission peut s’engager à rembourser entièrement ou partiellement à l’État membre les frais de justice et ceux en relation directe avec la procédure judiciaire, sur présentation de pièces justificatives, même si cette procédure n’aboutit pas. »

 Faits à l’origine du litige

4        Le 13 juillet 1995, la République portugaise a présenté à la Commission, en vertu du règlement n° 1164/94, une demande visant à obtenir le cofinancement par le Fonds de cohésion du projet relatif à l’assainissement du Grand-Porto/sud − sous-réseau de Gondomar. L’objectif principal du projet était la dépollution de quatre bassins hydrographiques situés sur le territoire de la commune de Gondomar, au moyen de la construction de deux ensembles de collecteurs intercepteurs, de trois émissaires et d’une station de traitement des eaux usées.

5        Par la décision C (95) 3281, du 18 décembre 1995, adressée à la République portugaise, la Commission a approuvé l’octroi d’un concours financier du Fonds de cohésion à hauteur d’un montant de 7 778 535 euros pour le cofinancement du projet susmentionné.

6        Aux termes de l’annexe 1 de la décision susvisée, le requérant a été désigné comme l’autorité responsable de la réalisation du projet.

7        À la suite d’une visite de contrôle des travaux réalisés au Portugal et d’un audit comptable, la Commission a adopté, le 16 août 2006, en vertu de l’article H de l’annexe II du règlement n° 1164/94, la décision C (2006) 3782 relative à la suppression de la contribution financière accordée au titre du Fonds de cohésion au projet n° 95/10/61/017 – assainissement du Grand-Porto/sud − sous-réseau de Gondomar, par la décision de la Commission C (95) 3281, du 18 décembre 1995 (ci-après la « Décision »), laquelle a supprimé totalement le concours financier octroyé en raison de diverses irrégularités constatées dans le cadre de l’exécution du projet en cause.

8        Le dispositif de la Décision est libellé ainsi :

« Article premier

1. Le concours maximal de 7 778 535 euros attribué au titre du Fonds de cohésion au projet n° 95/10/61/017 par la décision C (95) 3281, du 18 décembre 1995, est supprimé en raison des irrégularités constatées à l’examen du projet en question.

2. Un montant indu de 6 222 828 euros sera récupéré par remboursement. Les modalités du remboursement seront précisées dans une note de débit qui sera adressée à l’État membre par le gestionnaire. Un solde d’autorisation de 1 555 707 euros sera libéré.

Article 2

Le Portugal prend les mesures adaptées pour informer le bénéficiaire final affecté par la présente décision.

Article 3

Le destinataire de la présente décision est la République portugaise. »

9        Par lettre reçue par le requérant le 25 septembre 2006, la chargée d’affaire du ministère de l’Environnement portugais pour le Fonds de cohésion a communiqué la Décision au requérant en précisant que ce dernier devait procéder, conformément à la Décision, au reversement de l’intégralité du concours du Fonds de cohésion, d’un montant équivalent aux sommes déjà payées, soit 6 222 828 euros, et ce dans un délai de 30 jours.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 novembre 2006, le requérant a introduit, sur le fondement de l’article 230 CE, un recours visant à l’annulation de la Décision.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2007, la Commission a soulevé, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité du recours au principal, par laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours en annulation de la Décision comme étant manifestement irrecevable en raison d’un défaut de qualité pour agir du requérant et condamner ce dernier aux dépens.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 janvier 2007, en vertu de l’article 104 du règlement de procédure et de l’article 242 CE, le requérant a introduit la présente demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution de la Décision jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le recours au principal.

13      Le 1er février 2007, la Commission a présenté ses observations écrites sur la demande en référé, dans lesquelles elle conclut au rejet de cette dernière comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée.

14      Le 23 mars 2007, le juge des référés a invité le requérant à présenter ses observations sur les conclusions d’irrecevabilité de la demande en référé formulées par la Commission, au regard des arrêts de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission (C‑417/04 P, Rec. p. I‑3881), et du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission (C‑15/06 P, non encore publié au Recueil) (ci-après, pris ensemble, les arrêts « Regione Siciliana »).

15      Le 10 avril 2007, le requérant a déposé ses observations dans lesquelles il indique maintenir sa demande de sursis à l’exécution de la Décision et solliciter, subsidiairement, l’adoption d’une « décision [lui] permettant de faire reconnaître par l’État portugais son droit à un acte administratif susceptible de recours, de manière à préserver le principe de la protection juridictionnelle effective ».

 En droit

16      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. À cet effet, il tient compte des conditions prévues par l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, telles que précisées par la jurisprudence.

17      Ainsi, le sursis à l’exécution et les mesures provisoires peuvent être accordées par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudicie grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149/95 P‑R, Rec. p. I‑2165, point 22, et du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P (R), Rec. p. I‑4971, point 30].

18      Eu égard aux pièces du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

19      Le requérant fait valoir que, en vertu de la jurisprudence, l’objectif de l’article 230, quatrième alinéa, CE est d’accorder une protection juridictionnelle adéquate à toutes les personnes, physiques ou morales, qui sont directement et individuellement concernées par les actes des institutions communautaires. Cette solution s’imposerait également quand la partie requérante est, comme en l’espèce, une entité publique qui satisfait à ces critères et qui a, en tant que titulaire de l’intérêt public régional, dans le cadre de la cohésion économique et sociale consacrée à l’article 158 CE et à l’article 159, premier alinéa, CE, un intérêt légitime au maintien du concours du Fonds de cohésion.

20      Après avoir relevé l’absence de contestation par la Commission de son affectation individuelle, le requérant prétend qu’il est directement concerné par la Décision qui, bien qu’adressée à la République portugaise, a entraîné directement des effets sur sa situation juridique et n’a laissé aucun pouvoir d’appréciation au destinataire chargé de son application, puisque ces effets se sont produits de manière automatique, sans qu’il ait été besoin de prendre des mesures intermédiaires.

21      Cette interprétation serait la seule conforme à la lettre de la Décision et plus particulièrement à celle des articles 1er et 2 de la Décision, lesquels comportent des impératifs clairs et des ordres spécifiques adressés à la République portugaise, ayant un impact négatif direct sur la situation du requérant, qui serait passé du statut juridique de créancier du Fonds de cohésion à celui de débiteur des montants reçus au titre de ce même Fonds (arrêt du Tribunal du 18 octobre 2005, Regione Siciliana/Commission, T‑60/03, Rec. p. II‑4139). Il résulterait également du libellé des correspondances adressées au requérant par l’administration portugaise que cette dernière a mis à exécution la Décision sans exercer aucun pouvoir d’appréciation et en tenant un simple rôle de messager de la Commission.

22      Le requérant soutient qu’il existe des différences notables entre la présente affaire et celles ayant donné lieu aux arrêts Regione Siciliana, lesquelles impliquent une solution différente de celle retenue dans lesdits arrêts.

23      Il indique, à cet égard, que, dans le cadre des arrêts Regione Siciliana, il a été admis que l’État membre concerné disposait de la possibilité de ne pas répercuter la suppression du concours du Fonds européen de développement régional (FEDER) sur le bénéficiaire final s’il le jugeait bon. Tel ne serait pas le cas, en l’espèce, de la République portugaise. Selon le requérant, la suppression du concours du Fonds de cohésion, qui l’a affecté en tant que bénéficiaire final, est due au caractère automatique de la Décision, « la législation portugaise de mise en œuvre des règlements relatifs au Fonds de cohésion [ne permettant pas] de dispenser les entités d’exécution responsables d’abus ou de négligence dans l’utilisation des fonds de l’obligation de rembourser les montants indûment payés, majorés des intérêts au taux légal ». Dans ce contexte, l’ordre donné à la République portugaise de prendre « les mesures adéquates pour informer le bénéficiaire final affecté par la présente décision » ne pourrait avoir d’autre signification que celle de procéder auprès dudit bénéficiaire à la récupération des montants considérés comme indûment payés.

24      Le requérant soutient que, en cas d’application en l’espèce de la solution retenue dans les arrêts Regione Siciliana, il pourrait être privé de la protection juridictionnelle effective à laquelle il a droit et qui constitue un principe général du droit communautaire. Le requérant fait valoir que, selon la jurisprudence, la protection juridictionnelle des personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires doit être assurée de manière efficace par les voies de recours devant les juridictions nationales et qu’il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect de ce droit.

25      Or, en l’espèce, le requérant ne disposerait pas de voies de recours au niveau interne pour contester la suppression illicite du concours financier octroyé au titre du Fonds de cohésion. En effet, la République portugaise se serait bornée à répercuter la Décision dans la sphère juridique du requérant au moyen d’une simple notification, laquelle constituerait un acte d’information et de mise à exécution matérielle de ladite Décision, non susceptible de recours dans l’ordre juridique portugais. Dans une telle situation, si le Tribunal venait à conclure que le requérant n’est pas directement concerné par la Décision, une décision du Tribunal serait nécessaire pour permettre au requérant de faire reconnaître par la République portugaise son droit à un acte administratif susceptible de recours, afin de préserver le principe de la protection juridictionnelle effective dans le cadre de l’ordre juridique portugais.

26      La Commission conclut à l’irrecevabilité de la présente demande en référé en raison de l’irrecevabilité manifeste du recours au principal, le requérant étant dépourvu de qualité pour agir, n’étant pas directement concerné par la Décision.

 Appréciation du juge des référés

27      Selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours au principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure en référé. Il peut, néanmoins, s’avérer nécessaire, lorsque l’irrecevabilité manifeste du recours au principal sur lequel se greffe la demande en référé est soulevée, ce qui est le cas en l’espèce, d’établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité d’un tel recours. En effet, pour qu’une demande en référé soit déclarée recevable, le requérant doit établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité du recours au principal sur lequel se greffe sa demande, afin d’éviter qu’il puisse, par la voie du référé, obtenir le bénéfice de mesures provisoires auxquelles il ne pourrait pas avoir droit si son recours au principal était déclaré irrecevable (ordonnance du président de la Cour du 27 janvier 1988, Distrivet/Conseil, 376/87 R, Rec. p. 209, point 21, et ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 42).

28      Dès lors, il y a lieu de vérifier si le requérant a établi, dans sa demande en référé, l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, que le recours en annulation au principal, sur lequel se greffe cette demande, n’est pas manifestement irrecevable.

29      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, une entité régionale ou locale peut, dans la mesure où elle jouit de la personnalité juridique en vertu du droit national, former un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement (arrêts de la Cour du 22 novembre 2001, Nederlandse Antillen/Conseil, C‑452/98, Rec. p. I‑8973, point 51, et du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C‑142/00 P, Rec. p. I‑3483, point 59).

30      Dans les arrêts Regione Siciliana, la Cour a rappelé que, conformément à une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue par l’article 230, quatrième alinéa, CE, requiert que la mesure communautaire produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires, qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires.

31      La Cour y a également constaté que la Regione Siciliana, partie requérante dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, était désignée dans des annexes de la décision d’octroi des concours du FEDER litigieux comme l’autorité responsable de la réalisation des projets cofinancés par les fonds communautaires. La Cour a considéré qu’aucun élément des dossiers qui lui étaient soumis ne permettait de conclure que la Regione Siciliana était directement affectée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, en cette qualité. À cet égard, la Cour a relevé que la fonction d’autorité responsable de la réalisation du projet FEDER en cause dans ces affaires n’impliquait pas que la Regione Siciliana fût elle-même titulaire du droit au concours litigieux.

32      La Cour a considéré que cette analyse n’était pas infirmée par l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5), et par l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20). En effet, selon la Cour, ces articles, qui énoncent le principe de la complémentarité des concours financiers communautaires par rapport aux financements nationaux, sont sans pertinence pour l’hypothèse dans laquelle la Commission a clos un concours communautaire.

33      La Cour a conclu que la Regione Siciliana n’était pas directement concernée et que ses recours devant le Tribunal étaient irrecevables.

34      En l’espèce, outre le fait que le requérant a également été désigné, dans une annexe de la décision d’octroi du concours, comme le responsable de l’exécution du projet cofinancé par le Fonds de cohésion, il convient de constater que la Décision, tout comme celle en cause dans les arrêts Regione Siciliana, a été adressée par la Commission à l’État membre et n’a nullement imposé à ce dernier l’obligation de récupérer des sommes auprès du bénéficiaire final, contrairement à ce que prétend le requérant et à la différence de la pratique généralement suivie par la Commission en matière d’aides d’État illégales déclarées incompatibles avec le marché commun (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 25 avril 2001, Coillte Teoranta/Commission, T‑244/00, Rec. p. II‑1275, point 45, et du 22 novembre 2006, Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, T‑225/02, non encore publiée au Recueil, point 46).

35      Dans la Décision, la Commission s’est bornée à indiquer, notamment, que la somme de 6 222 828 euros devait être récupérée selon des modalités de remboursement définies dans une note de débit adressée précisément à la République portugaise. La Décision ne contient donc aucune disposition enjoignant à cette dernière de procéder à la récupération des sommes indues auprès du requérant. À cet égard, l’obligation d’information du bénéficiaire final ne saurait être assimilée à une telle injonction (ordonnances Coillte Teoranta/Commission, point 34 supra, point 45, et Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, point 34 supra, point 47).

36      Par ailleurs, la réglementation relative au Fonds de cohésion et celle concernant le FEDER, évoquée dans le cadre des arrêts Regione Siciliana, sont similaires. Il résulte de la lecture combinée de l’article 12, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 1164/94, de l’article 5, paragraphe 2, et de l’article 7 du règlement n° 1831/94 que l’État membre bénéficiaire dispose d’un réel pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le recouvrement des montants indûment payés au titre du Fonds de cohésion, lui permettant, le cas échéant, de renoncer à toute récupération et de supporter lui-même la charge de la restitution au Fonds de cohésion des montants indûment versés et non recouvrés.

37      Dans ces circonstances, le remboursement par le requérant des fonds communautaires indûment versés serait la conséquence directe non de la Décision, ni d’une autre disposition du droit communautaire ayant vocation à régir l’effet de celle-ci, mais de l’action exercée à cette fin par la République portugaise, sur la base de la législation nationale adoptée en exécution de la réglementation communautaire pertinente (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission, T‑341/02, Rec. p. II‑2877, point 70, et Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, point 34 supra, point 48).

38      En ce qui concerne le fait que la Décision emporte également un désengagement du solde du concours communautaire de 1 555 707 euros, il importe de souligner que rien ne fait obstacle à ce que la République portugaise décide d’assumer sur ses fonds propres le financement de l’achèvement des travaux relatifs au projet en cause, étant rappelé que le Fonds de cohésion intervenait, en l’espèce, dans le cadre d’un cofinancement dudit projet.

39      Il convient de considérer, à ce stade, que le requérant n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir à suffisance de droit qu’il est directement concerné par l’acte attaqué.

40      Il doit être relevé, premièrement, que l’argumentation du requérant fondée sur la seule interprétation littérale de la Décision et des lettres qui lui ont été adressées par l’administration portugaise n’est pas suffisante pour établir son affectation directe par la Décision.

41      S’agissant, deuxièmement, des considérations du requérant sur le fait qu’il est directement lésé par la Décision parce qu’il va devoir « supporter intégralement les coûts » du projet en cause, il y a lieu de rappeler que le seul fait qu’un acte soit susceptible d’avoir une influence sur la situation matérielle du requérant ne suffit pas pour que l’on puisse considérer qu’il le concerne directement (ordonnance du Tribunal du 18 février 1998, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, T‑189/97, Rec. p. II‑335, point 48).

42      En ce qui concerne, troisièmement, l’allégation selon laquelle la République portugaise serait dépourvue de tout pouvoir d’appréciation dans la mesure où la législation nationale ne lui permettrait pas de s’abstenir de transférer sur le requérant l’obligation de remboursement des fonds communautaires, elle est dépourvue de toute pertinence, étant rappelé que l’effet direct doit être uniquement imputable à l’acte communautaire attaqué.

43      S’agissant, quatrièmement, de l’affirmation selon laquelle le requérant a, en tant qu’autorité régionale en charge de l’intérêt public sur le plan local, un intérêt propre et légitime au maintien du concours du Fonds de cohésion, il suffit de rappeler que, si des autorités publiques décentralisées ou autonomes peuvent être recevables à introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article 230 CE, la recevabilité de tels recours est, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission (T‑288/97, Rec. p. II‑1871, points 28 à 35), cité par le requérant, subordonnée à la condition que lesdites autorités soient, notamment, directement concernées par l’acte attaqué, ce qui ne paraît pas, à ce stade, être le cas du requérant.

44      Cette dernière appréciation n’est pas remise en cause par l’absence éventuelle de protection juridictionnelle effective du requérant, telle qu’alléguée par ce dernier.

45      Il convient de rappeler que les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique communautaire, le droit à une telle protection faisant partie des principes généraux de droit qui découlent des traditions constitutionnelles communes aux États membres. Ce droit a également été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 39 et jurisprudence citée).

46      La protection juridictionnelle des personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires du type de la Décision doit être assurée de manière efficace par les voies de recours devant les juridictions nationales (arrêt de la Cour du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, point 14 supra, point 39). Ainsi, il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 45 supra, point 41). Dans ce cadre, les juridictions nationales sont, conformément au principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE, tenues d’interpréter et d’appliquer, dans toute la mesure du possible, les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière qui permette auxdites personnes de contester en justice la légalité de toute décision ou de toute autre mesure nationale relative à l’application à leur égard d’un acte communautaire tel que celui en cause, en excipant de l’invalidité de ce dernier et en amenant ainsi ces juridictions à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêt de la Cour du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, point 14 supra, point 39).

47      Il importe, cependant, de souligner que l’exigence d’une protection juridictionnelle effective ne saurait aboutir à écarter la condition de l’affectation directe posée par l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, par analogie, arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 45 supra, point 44, arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo‑Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 36, et ordonnance du Tribunal du 11 juillet 2005, Bonino e.a./Parlement et Conseil, T‑40/04, Rec. p. II‑2685, points 77 et 78).

48      Il résulte des considérations qui précèdent que, sans nullement préjuger la position du Tribunal dans le cadre du recours au principal, il n’apparaît pas, à ce stade, que le requérant a produit des éléments permettant de considérer que le recours en annulation sur lequel la demande en référé se greffe n’est pas, à première vue, manifestement irrecevable.

49      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus, il y a lieu de constater que la demande en référé est irrecevable et de la rejeter.

50      En tout état de cause, et à titre surabondant, il convient de constater que le requérant n’a pas démontré qu’il était urgent d’ordonner la mesure provisoire demandée.

51      Il est constant que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnance du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95). C’est à cette dernière qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 15 juillet 1998, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98 R, Rec. p. II‑2769, point 36).

52      L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, mais il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188].

53      En l’espèce, le requérant fait valoir qu’il est nécessaire de statuer provisoirement dans la mesure où l’exécution immédiate de la Décision entraînerait un préjudice irréparable ou difficilement réparable pour les intérêts collectifs qu’il représente, qui ne pourraient plus être satisfaits, faute du financement nécessaire.

54      Or, il résulte des écritures du requérant lui-même que les autorités portugaises se sont seulement contentées de répercuter la décision de la Commission en lui notifiant cette dernière. Cette notification constitue, selon les propres déclarations du requérant, une « simple information » sur la prise de position de la Commission relative à la suppression du concours financier en cause, non susceptible de recours dans le cadre de l’ordre juridique portugais.

55      Il s’ensuit que, en l’absence de tout commencement d’exécution forcée de la Décision par les autorités nationales, la survenance du préjudice allégué ne saurait être considérée comme imminente (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 89).



Par ces motifs,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 11 juin 2007.

Le greffier

 

       Le juge

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : le portugais.