CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 26 septembre 2019 (1)
Affaire C‑532/18
GN, représentéelégalement par HM
contre
ZU, en tant que liquidateur de Niki Luftfahrt GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]
« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 17, paragraphe 1 – Responsabilité des transporteurs aériens envers les passagers – Notion d’“accident” – Lésion corporelle subie par un passager en raison du renversement d’une boisson chaude survenu à bord d’un avion en vol »
I. Introduction
1. La demande de décision préjudicielle présentée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (2) (ci‑après la « convention de Montréal »), disposition qui détermine les conditions dans lesquelles un passager ayant subi une lésion corporelle au cours d’un vol peut engager la responsabilité du transporteur aérien ayant opéré ce vol.
2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant une passagère mineure, représentée par son père, au responsable de la liquidation d’une compagnie aérienne. La requérante au principal sollicite une indemnisation au titre des brûlures lui ayant été causées par le renversement d’une boisson chaude survenu, pour une raison inconnue, durant un vol transfrontalier opéré par ladite compagnie.
3. La Cour est invitée, de façon inédite, à cerner les contours de la notion d’« accident » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, notamment au regard des critères d’applicabilité ayant déjà été retenus par certaines juridictions nationales. Plus spécifiquement, elle est interrogée, en substance, sur le point de savoir s’il est nécessaire que l’événement survenu à bord d’un avion non seulement ait été soudain ou inhabituel et extérieur au passager concerné, mais aussi soit dû à un risque inhérent au transport aérien ou lié à ce transport. Pour les raisons exposées dans les présentes conclusions, je considère que seuls les premiers de ces critères doivent être remplis, et non les derniers d’entre eux.
II. Le cadre juridique
A. La convention de Montréal
4. Le préambule de la convention de Montréal expose notamment, à son troisième alinéa, que les États parties « reconnaiss[e]nt l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation ». En outre, son cinquième alinéa énonce que « l’adoption de mesures collectives par les États en vue d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international est le meilleur moyen de réaliser un équilibre équitable des intérêts ».
5. L’article 17 de la convention de Montréal, intitulé « Mort ou lésion subie par le passager – Dommage causé aux bagages », prévoit, à son paragraphe 1, que « [l]e transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement ».
6. En vertu de l’article 20 de cette convention, intitulé « Exonération », « [d]ans le cas où il fait la preuve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits a causé le dommage ou y a contribué, le transporteur est exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité à l’égard de cette personne, dans la mesure où cette négligence ou cet autre acte ou omission préjudiciable a causé le dommage ou y a contribué. Lorsqu’une demande en réparation est introduite par une personne autre que le passager, en raison de la mort ou d’une lésion subie par ce dernier, le transporteur est également exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité dans la mesure où il prouve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de ce passager a causé le dommage ou y a contribué. Le présent article s’applique à toutes les dispositions de la convention en matière de responsabilité, y compris le paragraphe 1 de l’article 21 ».
7. L’article 21 de ladite convention, intitulé « Indemnisation en cas de mort ou de lésion subie par le passager », est libellé comme suit :
« 1. Pour les dommages visés au paragraphe 1 de l’article 17 et ne dépassant pas 100 000 droits de tirage spéciaux par passager, le transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité.
2. Le transporteur n’est pas responsable des dommages visés au paragraphe 1 de l’article 17 dans la mesure où ils dépassent 100 000 droits de tirage spéciaux par passager, s’il prouve :
a) que le dommage n’est pas dû à la négligence ou à un autre acte ou omission préjudiciable du transporteur, de ses préposés ou de ses mandataires, ou
b) que ces dommages résultent uniquement de la négligence ou d’un autre acte ou omission préjudiciable d’un tiers. »
8. L’article 29 de cette même convention, intitulé « Principe des recours », prévoit que « [d]ans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages‑intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d’un contrat ou d’un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d’agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages‑intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation ».
B. Le droit de l’Union
9. Les considérants 5 à 7 et 10 du règlement (CE) nº 889/2002 (3), modifiant le règlement (CE) nº 2027/97 du Conseil relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident (4), sont libellés comme suit :
« (5) La Communauté a signé la convention de Montréal en manifestant son intention de devenir partie à l’accord en le ratifiant.
(6) Il est nécessaire de modifier le règlement (CE) nº 2027/97 afin de l’aligner sur les dispositions de la convention de Montréal, en créant ainsi un système uniforme de responsabilité pour les transports aériens internationaux.
(7) Le présent règlement et la convention de Montréal renforcent la protection des passagers et de leurs ayants droit et ne peuvent être interprétés d’une façon qui affaiblirait leur protection par rapport à la législation en vigueur à la date d’adoption du présent règlement.
[...]
(10) Un système de responsabilité illimitée en cas de décès ou de blessure des passagers est approprié dans le cadre d’un système de transport aérien sûr et moderne. »
10. Aux termes de l’article 1er du règlement nº 2027/97, tel que modifié par le règlement nº 889/2002 (ci‑après le « règlement nº 2027/97 »), « [l]e présent règlement met en œuvre les dispositions pertinentes de la convention de Montréal relatives au transport aérien de passagers et de leurs bagages, et fixe certaines dispositions supplémentaires. Il étend également l’application de ces dispositions aux transports aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre ».
11. L’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2027/97 énonce que « [l]es notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont équivalentes à celles utilisées dans la convention de Montréal ».
12. L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que « [l]a responsabilité d’un transporteur aérien communautaire envers les passagers et leurs bagages est régie par toutes les dispositions de la convention de Montréal relatives à cette responsabilité ».
III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour
13. Au mois d’août 2015, la requérante au principal, alors âgée de 6 ans, a effectué un vol, entre l’Espagne et l’Autriche, opéré par la compagnie aérienne Niki Luftfahrt GmbH, société de droit autrichien.
14. L’enfant était assise à côté de son père, qui, durant le vol, a reçu de l’assistante de cabine un gobelet sans couvercle contenant du café chaud et l’a posé sur la tablette pliante située devant lui. Par la suite, ce récipient a glissé et son contenu s’est répandu sur l’enfant, qui a subi des brûlures au deuxième degré sur une partie du corps. Il n’a pu être établi si le renversement du gobelet de café était dû à une défectuosité de la tablette ou à la vibration de l’avion.
15. La requérante au principal, représentée légalement par son père, a introduit un recours visant à obtenir que Niki Luftfahrt soit condamnée à réparer le préjudice causé par l’accident survenu au cours dudit vol, à hauteur de 8 500 euros outre intérêts et frais, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal.
16. L’administrateur judiciaire de la compagnie aérienne, désormais en faillite, a réfuté l’existence d’une responsabilité, en invoquant qu’il n’y avait pas eu d’accident au sens de cette disposition, puisqu’aucun « événement soudain et inattendu » n’aurait conduit au renversement du gobelet de café. En tout état de cause, aucun « risque inhérent au transport aérien », à savoir typique de ce transport, ne se serait réalisé, alors que cette condition devrait aussi être remplie.
17. Par décision du 15 décembre 2015, le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche) a fait droit à la demande de la requérante au principal. Ce tribunal a estimé qu’un « accident », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, était constitué dans les circonstances de l’espèce, car le renversement du gobelet de café avait résulté d’un « événement inhabituel d’origine extérieure ». En outre, il a jugé qu’un « risque inhérent au transport aérien » s’était réalisé, étant donné qu’un aéronef serait soumis, dans le cadre de son exploitation, à des degrés d’inclinaison variables pouvant conduire à ce que des objets posés sur une surface horizontale dans l’avion glissent sans qu’une manœuvre particulière soit nécessaire. Enfin, il a constaté l’absence de faute du transporteur aérien, au motif que le fait de servir des boissons chaudes dans des récipients dépourvus de couvercle est une pratique habituelle et socialement adéquate.
18. Par arrêt du 30 août 2016, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) a réformé la décision rendue en première instance, après avoir considéré que la responsabilité du transporteur aérien était exclue, dès lors que l’article 17 de la convention de Montréal couvrirait uniquement les accidents causés par un « risque inhérent au transport aérien » et que, dans le cas d’espèce, la requérante au principal n’avait pas pu en apporter la preuve.
19. Saisi d’un recours en Revision, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême), par décision du 26 juin 2018 reçue au greffe de la Cour le 14 août 2018, a décidé de surseoir à statuer et de poser à cette dernière la question préjudicielle suivante :
« Y a‑t‑il “accident” fondant la responsabilité du transporteur aérien au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention [de Montréal] lorsqu’un gobelet de café chaud, posé sur la tablette d’un siège d’un avion en vol, glisse pour une raison inconnue, se renverse et cause des brûlures à un passager ? »
20. Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par la défenderesse au principal, par le gouvernement polonais ainsi que par la Commission européenne. Lors de l’audience du 19 juin 2019, le gouvernement français et la Commission ont présenté leurs observations orales.
IV. Analyse
A. Observations liminaires
21. Tout d’abord, je note que la juridiction de renvoi indique que la convention de Montréal est applicable dans les circonstances du litige au principal, dès lors que le vol durant lequel s’est produit l’événement litigieux revêt un caractère international, au sens de l’article 1er de cette convention, les lieux de départ et de destination de ce vol étant situés sur le territoire de deux États parties (5). À cet égard, je souligne que dans les domaines couverts par la convention de Montréal, les États membres de l’Union ont transféré à cette dernière leurs compétences en ce qui concerne la responsabilité pour les dommages subis en cas de décès ou de lésion d’un passager (6) et que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2027/97 prévoit que la responsabilité envers les passagers d’un « transporteur aérien communautaire » (7), tel qu’en l’espèce semble‑t‑il, est régie par toutes les dispositions de ladite convention relatives à cette responsabilité (8).
22. Ensuite, je rappelle (9) que les dispositions de la convention de Montréal font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (10), de sorte que la Cour est compétente pour statuer sur son interprétation, dans le respect des règles du droit international qui s’imposent à l’Union, et en particulier de l’article 31 de la convention de Vienne (11), selon lequel un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière tant de son objet que de son but (12). En outre, eu égard à l’objet de la convention de Montréal, qui est d’unifier les règles relatives au transport aérien international, la Cour a déjà jugé que les concepts figurant dans cette convention sans être définis par celle‑ci « doivent recevoir une interprétation uniforme et autonome, nonobstant les sens différents donnés à ces concepts dans les droits internes des États parties à cette convention » (13).
23. Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, il appartient uniquement aux juges nationaux de définir le cadre factuel et juridique du litige qu’ils sont appelés à trancher (14). À ce titre, je relève qu’en l’espèce, il est acquis, comme la question préjudicielle l’indique explicitement, qu’il a été impossible d’établir la raison pour laquelle le gobelet de café s’est renversé sur la requérante au principal. De surcroît, il ressort de la décision de renvoi que l’objection tirée d’une faute contributive de la victime, qui avait initialement été soulevée par la défenderesse au principal, ne fait plus l’objet de la procédure nationale (15). La Cour est donc tenue de se prononcer sur l’interprétation qui lui est demandée en partant des constatations ainsi opérées par la juridiction de renvoi.
B. Sur la notion d’« accident » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal
1. Sur l’objet de la question préjudicielle et les thèses en présence
24. Dans la présente affaire, la Cour est invitée, en substance, à déterminer si la notion d’« accident » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal doit être interprétée de telle manière qu’elle inclue une situation dans laquelle un gobelet de café chaud, déposé sur une tablette pliante dans un avion en vol, se renverse pour une raison indéterminée et cause une brûlure à un passager, lequel pourrait dès lors exiger, en vertu de ladite disposition, que le transporteur aérien concerné lui verse des dommages‑intérêts au titre de cette lésion corporelle.
25. Si la question posée par la juridiction de renvoi est formulée en des termes s’attachant aux circonstances propres au litige au principal, j’estime néanmoins préférable que la Cour ne se limite pas à apporter une réponse valant seulement pour ce cas de figure spécifique, mais saisisse l’opportunité qui lui est ici donnée de livrer une interprétation de la notion visée fixant des critères d’appréciation abstraits, donc de portée plus générale (16). Il y a lieu de souligner que la présente affaire se trouve être la première dans laquelle la Cour est amenée à interpréter ladite notion.
26. À cet égard, je constate, comme la juridiction de renvoi, que la convention de Montréal ne contient pas de définition de la notion d’« accident », alors même que la survenance d’un tel événement constitue à l’évidence une condition déterminante pour que la responsabilité d’un transporteur aérien puisse être engagée sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, de ladite convention, en cas de préjudice physique (lésion corporelle ou mort) subi par un passager (17). De même, ce terme figurait dans la disposition équivalente que constitue l’article 17 de la convention de Varsovie (18), laquelle a été remplacée par la convention de Montréal (19), mais sans être non plus défini par ce premier instrument.
27. Cependant, quelques juridictions nationales ont développé des jurisprudences, que la juridiction de renvoi évoque expressément, portant sur la notion d’« accident » au sens de la convention de Varsovie et/ou de la convention de Montréal (20). Je précise que, malgré des différences entre l’article 17 de la convention de Varsovie et l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, je suis d’avis que la seconde de ces dispositions doit néanmoins être interprétée également à la lumière des décisions relatives à la première, vu l’équivalence existant entre elles en substance (21).
28. La juridiction de renvoi indique que l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal lui paraît applicable dans le cas d’espèce, dès lors que la lésion corporelle subie par la requérante au principal résulte, selon la terminologie employée par lesdites juridictions nationales, d’un événement « soudain », ayant pour origine une « action extérieure » à la victime et entraînant un « préjudice inattendu » pour celle‑ci. Elle souligne que le litige au principal se focalise sur le point de savoir si la notion d’« accident » au sens de cette disposition suppose, outre la réunion des critères ainsi mentionnés, qu’« un risque inhérent au transport aérien » (22) se soit matérialisé.
29. Cette juridiction expose que plusieurs approches s’opposent s’agissant de la nécessité de remplir ce dernier critère, au vu de certaines décisions rendues par des juridictions d’États parties à la convention de Varsovie et/ou à la convention de Montréal ainsi que de diverses opinions doctrinales.
30. Selon une première approche, qui d’après la juridiction de renvoi serait retenue par la plus grande partie de la doctrine et de la jurisprudence allemandes (23), la notion d’« accident » en question devrait être restreinte aux situations où s’est réalisé un risque découlant typiquement de la nature de l’aéronef, de son état ou de son exploitation (24), ou bien d’une installation aéronautique utilisée lors de l’embarquement ou du débarquement. Cela serait justifié par le fait que l’intention des États parties à la convention de Montréal n’était pas que les transporteurs aériens assument les risques généraux de la vie courante. Dès lors, la personne lésée supporterait la charge de prouver la matérialisation d’un risque ne pouvant survenir que dans le domaine du transport aérien. Or, dans le cas d’espèce, vu l’impossibilité de déterminer la cause de l’événement litigieux, cette interprétation aboutirait au rejet du recours formé par la requérante au principal.
31. À l’inverse, selon une seconde approche, il ne serait pas nécessaire d’établir qu’un risque inhérent au transport aérien s’est réalisé pour pouvoir se fonder sur l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, eu égard au libellé de cette disposition, au régime de responsabilité instauré par celle‑ci et au besoin de préserver son efficience. La juridiction de renvoi estime que ces derniers arguments sont convaincants. Elle précise que certains auteurs en ont déduit que constitue un « accident » susceptible d’engager la responsabilité d’un transporteur aérien, notamment, le renversement d’une boisson chaude sur le corps d’un passager (25). Dans le litige au principal, cette interprétation conduirait à reconnaître la responsabilité du transporteur aérien.
32. Enfin, la juridiction de renvoi envisage une autre approche, qualifiée de « solution intermédiaire », selon laquelle la responsabilité prévue audit article 17, paragraphe 1, découlerait du simple fait que l’événement considéré s’est produit à bord de l’avion, ou bien lors de l’embarquement ou du débarquement, sans nécessité qu’un risque inhérent au transport aérien se soit matérialisé, mais avec la possibilité pour le transporteur de s’exonérer de cette responsabilité en prouvant l’absence de lien avec la nature ou l’exploitation de l’aéronef. En l’espèce, cette interprétation mènerait aussi à admettre la responsabilité de la défenderesse au principal, étant donné que la cause de l’accident concerné n’a pas pu être identifiée.
33. Les observations ayant été soumises à la Cour dans la présente affaire reflètent ces différentes approches. La défenderesse au principal soutient que la responsabilité des transporteurs aériens ne saurait être engagée, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, que lorsque l’accident, événement soudain et inattendu résultant d’une intervention extérieure, a été provoqué par un risque inhérent au transport aérien. Or, le risque de lésion corporelle due au renversement d’une boisson chaude serait susceptible de se matérialiser également dans le cadre de la vie privée (26).
34. En revanche, le gouvernement polonais écarte l’exigence d’un risque inhérent au transport aérien, mais estime néanmoins qu’un lien de causalité plausible est nécessaire entre l’événement concerné – lequel devrait être soudain ou inattendu et de source extérieure au passager – et le mouvement ou l’exploitation de l’aéronef, lien qui existerait dans le cas d’espèce (27).
35. Pour leur part, le gouvernement français et la Commission (28) sont d’avis que la situation en cause au principal est bien couverte par la notion d’« accident » au sens dudit article 17, paragraphe 1, dès lors qu’il s’agit d’un événement soudain, survenu pendant le transport aérien, et extérieur à la personne de la victime, sans qu’il soit nécessaire d’établir la réalisation d’un risque inhérent au transport aérien – thèse soutenue par la défenderesse au principal –, ni même l’existence d’un lien de causalité avec ce transport – thèse prônée par le gouvernement polonais. Tel est aussi mon avis, pour les motifs suivants, qui se conforment aux règles d’interprétation susmentionnées (29).
2. Sur l’interprétation littérale
36. Tout d’abord, s’agissant du libellé de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, je rappelle (30) que seules font foi les six versions linguistiques de cet instrument ayant été qualifiées d’« authentiques », parmi lesquelles figurent trois versions correspondant à des langues officielles de l’Union, à savoir l’anglais, l’espagnol et le français (31).
37. Cet article 17, paragraphe 1, énonce que « [l]e transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement ».
38. D’emblée, je constate, à l’instar de la juridiction de renvoi, que l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal ne formule pas d’exigence selon laquelle la responsabilité du transporteur aérien pourrait être engagée, sur le fondement de cette disposition, uniquement lorsque l’événement litigieux a été causé par un risque inhérent au transport aérien, comme le soutient la défenderesse au principal, ou bien présente un lien de causalité avec la nature ou l’exploitation de l’aéronef, comme le propose le gouvernement polonais. Or, je considère que si les auteurs de ladite convention avaient eu l’intention de prévoir de tels critères restrictifs, ils n’auraient pas manqué d’en faire état de façon explicite (32), ce qui n’est pas le cas en l’occurrence. En outre, les travaux préparatoires ne portent pas d’indication de cette intention (33).
39. Dans le même sens, je souligne, comme le gouvernement français, qu’une précision notable a été ajoutée, dans cet article 17, paragraphe 1, par rapport à la disposition correspondante de la convention de Varsovie (34) qui a précédé celui‑ci, à savoir la formule « par cela seul » (35), laquelle est révélatrice de la volonté desdits auteurs de ne pas subordonner la responsabilité du transporteur aérien à des conditions autres que celles d’un « accident » s’étant produit dans les circonstances et ayant eu les effets qui sont ensuite énoncés audit article 17, paragraphe 1. Il résulte de cette précision, à mon avis, que la notion d’« accident », au sens de cette dernière disposition, doit faire l’objet d’une interprétation n’ayant pas pour effet de réduire le champ d’application matériel de celle‑ci.
40. S’agissant de ladite notion, je constate que la terminologie employée à l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, au titre de la responsabilité du transporteur aérien en cas de mort ou de lésion subie par des passagers, contraste avec celle employée au paragraphe 2 de cet article 17 et à l’article 18 de ladite convention, au titre de la responsabilité du transporteur aérien en cas de destruction, perte ou avarie, respectivement, de bagages enregistrés et de marchandises. En effet, contrairement à cette première disposition, ces dernières visent non pas un « accident », mais le simple « fait » ayant causé les dommages subis par des bagages enregistrés ou par une marchandise (36). Il ressort de ce contraste, selon moi, que pour appliquer ledit article 17, paragraphe 1, il faut que l’événement ayant causé la mort ou la lésion du passager non seulement se soit produit à bord ou bien lors de l’embarquement ou du débarquement (37), mais aussi puisse revêtir la qualification d’« accident », en fonction de critères restant à déterminer par la Cour.
41. Si le terme « accident » est utilisé à plusieurs reprises dans la convention de Montréal, il n’est cependant pas davantage explicité par les autres dispositions où il figure également (38). Tout au plus, l’article 28 de cette convention, qui est relatif aux paiements anticipés en cas de mort ou de lésion subie par des passagers, mentionne‑t‑il que ces derniers préjudices doivent résulter d’un « accident d’aviation » (39), mais sans autre précision.
42. Je rappelle que, conformément à ce que prévoit l’article 31 de la convention de Vienne, la notion d’« accident » visée à l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal doit être interprétée en s’attachant au « sens ordinaire à attribuer [au terme concerné] ».
43. À cet égard, j’estime que, comme l’ont fait tant la juridiction de renvoi que toutes les parties ayant soumis des observations dans la présente affaire, il y a lieu de prendre en considération l’interprétation de ladite notion ayant été retenue par diverses juridictions d’États parties à la convention de Varsovie et/ou à la convention de Montréal (40), afin de s’inspirer éventuellement de ces précédents jurisprudentiels, même si la Cour n’est pas liée par ceux‑ci.
44. En premier lieu, j’observe que certains critères ont été largement admis, nonobstant quelques variations dans le choix des mots utilisés par les juges nationaux, comme étant pertinents au titre de la notion d’« accident » figurant à l’article 17 de la convention de Varsovie et à l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal. Selon ces juges, en substance, la victime doit démontrer que l’événement qui s’est produit pendant la période de transport aérien, soit à bord de l’aéronef, soit au cours des opérations d’embarquement ou de débarquement, et qui a généré le préjudice physique invoqué, d’une part, revêt un caractère « soudain » ou « inhabituel » et, d’autre part, a une origine « extérieure » à la personne du passager concerné (41). Autrement dit, n’est pas susceptible d’être qualifié d’« accident » un fait dommageable qui résulte de réactions propres de la victime au fonctionnement habituel, normal et prévisible de l’aéronef, ou qui a été provoqué par l’état de santé préexistant de la victime. Le consensus trouvé en faveur de tels facteurs d’appréciation ressort, en particulier (42), de la jurisprudence américaine (43), de la jurisprudence allemande (44) ainsi que de la jurisprudence française (45). Les observations déposées dans la présente affaire sont également convergentes à cet égard.
45. Je considère que ces critères, qui sont tout à fait conformes à la définition usuelle du terme concerné (46), pourraient être utilement retenus aussi par la Cour dans la présente affaire, afin de déterminer quelles situations sont susceptibles de relever de la qualification d’« accident » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal. À ce sujet, je rappelle que la juridiction de renvoi estime, à bon droit selon moi, que tous les critères mentionnés ci‑dessus sont remplis dans des circonstances telles que celles du litige au principal (47). De même, d’autres juridictions nationales, notamment américaines (48), ont jugé que le renversement d’une boisson chaude sur un passager à bord d’un aéronef constitue un « accident » au sens de l’article 17 de la convention de Varsovie.
46. En second lieu, comme l’évoque la décision de renvoi, je constate qu’il existe, en revanche, une controverse sur le point de savoir s’il conviendrait d’exiger, au titre desdites dispositions, la vérification d’un critère supplémentaire, afférent à l’existence d’un « risque inhérent au transport aérien ». La défenderesse au principal fait valoir que ce critère a été adopté dans la jurisprudence autrichienne (49), mais la juridiction de renvoi doute de la justesse d’une telle position, notamment eu égard à l’évolution que la jurisprudence allemande a semble‑t‑il suivie vers une modération de la place accordée à ce critère (50). Par ailleurs, dans la jurisprudence américaine, si certaines juridictions ont fait application d’un critère de ce type (51), la Cour suprême et d’autres juridictions n’ont cependant pas opté pour une telle approche restrictive (52). Enfin, je relève que, dans la jurisprudence française, la recherche d’un risque propre au transport aérien a parfois été opérée aux fins de l’article 17 de la convention de Varsovie, mais sans que cette recherche soit faite directement sous l’angle de la notion d’« accident » ni qu’elle soit encore d’actualité (53).
47. Pour ma part, comme je l’ai indiqué d’emblée (54), je considère que l’exigence d’un tel risque, dont l’adoption jurisprudentielle m’apparaît restée limitée, n’est nullement reflétée dans la terminologie employée à l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal. Ma position est renforcée au regard des finalités de cette disposition.
3. Sur l’interprétation téléologique
48. À l’instar de la juridiction de renvoi et du gouvernement français (55), j’estime qu’il ne serait pas conforme aux finalités de la convention de Montréal, et en particulier à celles de son article 17, paragraphe 1, d’imposer à la personne demandant la réparation d’un préjudice physique, sur le fondement de cette disposition, de prouver l’existence d’un « risque inhérent au transport aérien » ou d’un lien de causalité plausible avec ce transport, conditions qui devraient être vérifiées, respectivement selon la défenderesse au principal et selon le gouvernement polonais, pour qu’un événement puisse être qualifié d’« accident » au sens de ladite disposition.
49. Tout d’abord, j’observe que la convention de Montréal a pour objet de réaliser une uniformisation des règles qui étaient applicables dans les domaines couverts par son champ d’application, et plus spécifiquement ici en matière de responsabilité des transporteurs aériens. Le cinquième alinéa de son préambule indique que les États parties à cet instrument ont eu pour but « d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international », donc de renforcer le système uniforme précédemment instauré par la convention de Varsovie (56). En outre, l’article 29 de la convention de Montréal énonce que les actions aux fins de dommages‑intérêts, y compris celles fondées sur son article 17, paragraphe 1, ne peuvent être exercées que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par cette convention, ce qui exclut le jeu de règles de droit national pour régir la responsabilité des transporteurs aériens relevant du champ d’application de celle‑ci (57).
50. Dès lors, j’estime qu’il convient de ne pas adopter une interprétation de la notion d’« accident », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, qui conduirait à subordonner les actions fondées sur cette disposition à des conditions restrictives n’ayant pas été voulues par les auteurs de ladite convention, pas même de façon implicite, telles que l’exigence d’un « risque inhérent au transport aérien » ou d’un lien de causalité avec ce transport. Cette approche est, selon moi, corroborée par les indications figurant dans le préambule du règlement nº 889/2002, et en particulier au considérant 7 de celui‑ci, qui suggère que les dispositions de la convention de Montréal ayant un but protecteur soient interprétées en suivant une approche favorable aux passagers et à leurs ayants droit (58).
51. À cet égard, je rappelle que la Cour a déjà itérativement relevé qu’il ressort du préambule de la convention de Montréal (59) que les États parties à celle‑ci ont eu pour buts, sur le plan substantiel, « d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et [...] une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation » ainsi que « de réaliser un équilibre équitable des intérêts » en présence. Dès lors, lesdits États ont adopté un régime de responsabilité stricte des transporteurs aériens (60), tout en veillant à préserver un équilibre entre les intérêts des transporteurs aériens et ceux des passagers (61).
52. Or, s’il était admis que l’événement à l’origine d’un préjudice couvert par l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal doive présenter des spécificités propres au transport aérien, cela induirait pour le passager une limitation, voire une privation, de ses droits, en raison des conséquences qu’aurait ce critère non seulement sur la charge de la preuve, mais également sur l’effet utile de ladite disposition.
53. En effet, d’une part, comme la personne lésée n’a pas accès à toutes les données techniques concernant la navigation de l’aéronef ou l’exploitation aérienne, dont seul le transporteur aérien dispose, il serait excessivement difficile pour elle de prouver l’existence d’un risque inhérent au transport aérien ou même d’un lien de causalité avec ce dernier, afin de pouvoir demander une indemnisation sur le fondement de cet article 17, paragraphe 1.
54. D’autre part, la règle prévue à ce dernier se trouverait largement vidée de sa substance par de telles exigences, puisque de nombreux événements dommageables devraient être exclus de la qualification d’« accident », au sens de cette disposition, comme étant susceptibles de se présenter de manière similaire dans des circonstances autres que celles du transport aérien, c’est‑à‑dire dans la vie courante. Cette exclusion entraînerait une réduction importante des cas où la responsabilité d’un transporteur aérien peut être engagée sur le fondement de ladite disposition, en les limitant aux incidents les plus graves du transport aérien, tels que de fortes turbulences ou l’écrasement d’un aéronef.
55. Les considérations qui précèdent, relatives au libellé de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal et aux finalités de celle‑ci, sont corroborées par une analyse du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition.
4. Sur l’interprétation contextuelle
56. Afin de procéder à l’interprétation sollicitée de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, et plus spécialement de la notion d’« accident » qui y figure, il convient à mon avis, comme l’indiquent la décision de renvoi et toutes les observations déposées devant la Cour, de tenir compte du régime de responsabilité des transporteurs aériens qui découle de cette disposition lue en combinaison avec d’autres dispositions de ladite convention.
57. En vertu de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, le transporteur aérien est responsable de plein droit, du seul fait que l’accident s’est produit à bord de l’aéronef, ou bien à l’occasion de l’embarquement ou du débarquement (62). En outre, l’article 21 de cette convention prévoit, à son paragraphe 1, que lorsque le dommage ne dépasse pas un certain seuil d’indemnisation (63), comme tel est le cas en l’espèce (64), le transporteur ne peut pas échapper à cette responsabilité objective et, à son paragraphe 2, qu’au‑dessus de ce seuil, il peut en revanche s’exonérer de sa responsabilité pour faute présumée s’il démontre que le dommage soit n’est pas dû à lui‑même, à ses préposés ou à ses mandataires, soit est imputable uniquement à un tiers. Enfin, conformément à l’article 20 de ladite convention, dans les deux cas de figure visés à l’article 21, le transporteur a la possibilité de limiter, voire d’exclure, sa responsabilité s’il prouve l’existence d’une faute de la personne lésée, faute qui a été écartée dans le litige au principal (65).
58. Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que les auteurs de la convention de Montréal ont prévu un régime de responsabilité qui est favorable au passager lésé, étant donné que ce dernier est tenu d’apporter non pas la preuve d’une faute commise par le transporteur aérien, par ses préposés ou par ses mandataires, mais seulement la preuve de son propre préjudice ainsi que du lien de causalité existant entre celui‑ci et le fait générateur qualifiable d’« accident ». Il n’est nullement fait mention, dans les dispositions susmentionnées, de la nécessité que le passager prouve qu’un risque inhérent au transport aérien s’est matérialisé ou que l’événement dommageable est directement lié à ce transport, comme relevant de la nature ou de l’exploitation de l’aéronef. C’est seulement à un stade ultérieur, une fois retenue la qualification d’« accident » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, que le transporteur aérien peut éventuellement, à titre de moyen de défense, chercher à atténuer sa responsabilité, voire s’en dégager entièrement, en apportant à suffisance de droit les preuves requises, en particulier, à l’article 20 du même instrument.
59. De surcroît, une mise en perspective du régime de responsabilité résultant actuellement de la convention de Montréal, en cas d’accident occasionnant la mort ou une lésion corporelle, par rapport au régime qui était prévu par la convention de Varsovie, est particulièrement révélatrice de l’intention de renforcer la protection des passagers qui a présidé à l’adoption de cet instrument plus récent (66). En effet, dans le cadre de la convention de Varsovie, il existait, en ces cas de figure, simplement une responsabilité pour faute présumée du transporteur aérien (67), qui est devenue une responsabilité conçue de façon plus stricte en vertu de la convention de Montréal. Par ailleurs, la convention de Varsovie prévoyait un plafonnement du montant de la réparation susceptible d’être due par les transporteurs aériens (68), limitation qui a disparu dans la convention de Montréal. Cette volonté de durcir le régime applicable à la responsabilité des transporteurs aériens, afin de mieux indemniser les préjudices physiques (mort ou lésion corporelle) des passagers, est aussi évoquée, notamment, par le préambule du règlement n° 889/2002 (69).
60. La prise en compte de cette évolution conforte mon opinion selon laquelle la notion d’« accident » figurant audit article 17, paragraphe 1, ne saurait être interprétée de façon à requérir l’existence d’un risque inhérent au transport aérien ou un lien direct avec ce dernier, critères qui ne seraient conformes ni au sens courant de cette notion, ni aux objectifs de la convention de Montréal, ni à la teneur du régime de responsabilité instauré par celle‑ci. Ainsi, des circonstances telles que celles du litige au principal sont, à mon avis, susceptibles de relever de ladite notion, comme la juridiction de renvoi paraît encline à le juger.
61. En conclusion, j’estime que l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens que constitue un « accident » susceptible de fonder la responsabilité du transporteur aérien, en vertu de cette disposition, tout événement ayant causé la mort ou la lésion corporelle d’un passager et s’étant produit à bord de l’aéronef, ou bien au cours des opérations d’embarquement ou de débarquement, qui revêt un caractère soudain ou inhabituel et a une origine extérieure à la personne du passager concerné, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si ledit événement est dû à un risque inhérent au transport aérien ou est directement lié à ce transport.
V. Conclusion
62. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) de la manière suivante :
L’article 17, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, doit être interprété en ce sens que constitue un « accident » susceptible de fonder la responsabilité du transporteur aérien, en vertu de cette disposition, tout événement ayant causé la mort ou la lésion corporelle d’un passager et s’étant produit à bord de l’aéronef, ou bien au cours des opérations d’embarquement ou de débarquement, qui revêt un caractère soudain ou inhabituel et a une origine extérieure à la personne du passager concerné, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si ledit événement est dû à un risque inhérent au transport aérien ou est directement lié à ce transport.