Language of document : ECLI:EU:T:2013:251

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 mai 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative RIDGE WOOD – Marque communautaire figurative antérieure River Woods North-Eastern Suppliers – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑80/11,

Dwarka Nath Kalsi et Ajit Nath Kalsi, demeurant à Agra (Inde), représentés par Me J. Schmidt, avocat,

parties requérantes,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme K. Klüpfel, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

American Clothing Associates, établie à Evergem (Belgique), représentée par Me C. De Keersmaeker, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 19 novembre 2010 (affaire R 599/2010-1), relative à une procédure d’opposition entre, d’une part, American Clothing Associates et, d’autre part, Dwarka Nath Kalsi et Ajit Nath Kalsi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, S. Soldevila Fragoso et G. Berardis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er juin 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 mai 2006, les requérants, Dwarka Nath Kalsi et Ajit Nath Kalsi, ont présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 47/2006, du 20 novembre 2006.

5        Le 20 février 2007, l’intervenante, American Clothing Associates, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque communautaire figurative suivante, déposée le 23 juillet 2002 et enregistrée le 7 novembre 2003, sous le numéro 2785459, pour désigner des produits et des services relevant des classes 18, 25 et 40 :

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7        L’opposition était dirigée à l’encontre de tous les produits visés par la marque demandée et était fondée, notamment, sur la totalité des produits et des services couverts par la marque antérieure n° 2785459, visée au point 6 ci-dessus, à savoir :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 40 : « Services de tailleurs, taxidermie ; reliure ; travaux, traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles ; développement de pellicules photographiques et tirage de photographies ; travaux sur bois ; pressurage de fruits ; meunerie ; traitement, trempe et finissage de surfaces de métaux ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition était ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b) et à l’article 8, paragraphe 5 du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b) et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

9        Par décision du 22 février 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Elle a d’abord estimé que les produits relevant des classes 18 et 25, visés par la marque demandée et couverts par les marques antérieures étaient identiques et que les produits compris dans la classe 24 visés par la marque demandée et les services de « traitement et finissage de matières textiles » relevant de la classe 40, couverts par les marques antérieures, étaient similaires. Elle a ensuite considéré que les signes en conflit étaient différents sur le plan visuel et étaient similaires à un faible degré sur le plan phonétique. S’agissant de leur comparaison sur le plan conceptuel, la division d’opposition a indiqué que pour les consommateurs anglophones, lesdits signes étaient similaires en ce qui concerne les éléments verbaux « wood » et « woods » et que pour les consommateurs non-anglophones, l’absence de signification de ces signes n’avait aucune influence sur l’appréciation de leur similitude. Elle a ajouté que l’opposante n’avait pas établi que les marques antérieures avaient acquis un caractère distinctif élevé et a ainsi conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion. Enfin, elle a estimé que l’opposante n’avait pas fait la preuve que les marques antérieures jouissaient d’une renommée sur les territoires pertinents.

10      Le 14 avril 2010, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 19 novembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours. Elle a d’abord précisé que, aux fins de l’examen du risque de confusion, elle comparerait la marque demandée avec la seule marque antérieure n° 2785459. Elle a ensuite relevé que, pour les produits en cause, le public pertinent était composé de consommateurs moyens et que les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles », relevant de la classe 40, s’adressaient aux professionnels des industries du cuir et du textile. Elle a également constaté que les produits relevant des classes 18 et 25 étaient identiquement visés par la marque demandée et la marque antérieure n° 2785459. Quant aux produits relevant de la classe 24 visés par la marque demandée et aux services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 couverts par la marque antérieure n° 2785459, elle a estimé qu’ils étaient, en raison de leur complémentarité, similaires. S’agissant enfin de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a considéré qu’ils présentaient une « forte ressemblance » sur le plan visuel, compte tenu de la similitude des éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » et de la reproduction similaire des arbres et qu’ils étaient « très similaires » sur le plan phonétique, en raison de la longueur presque identique des éléments verbaux des deux signes, de la prononciation presque identique des mots « woods » et « wood » et de la prononciation très similaire des mots « river » et « ridge ». Quant à la comparaison des signes sur le plan conceptuel, la chambre de recours a indiqué qu’ils étaient similaires pour le public anglophone et que, pour les autres consommateurs de l’Union européenne, leur comparaison conceptuelle ne saurait avoir lieu. Elle a ajouté que le caractère distinctif de la marque antérieure n° 2785459 devait être considéré comme normal. Elle a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit et que, compte tenu de cette conclusion, il n’était pas nécessaire de statuer sur la question de savoir si la marque antérieure n° 2785459 avait acquis un caractère distinctif élevé par l’usage, ni sur la renommée de ladite marque antérieure.

 Conclusions des parties

12      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de leur recours, les requérants invoquent le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      Les requérants critiquent la décision attaquée en ce qu’elle conclut à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

16      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments des requérants.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

20      Il convient de relever, à titre liminaire, qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à la comparaison de la marque demandée avec la seule marque antérieure n° 2785459 (ci-après la « marque antérieure »).

21      La marque antérieure étant une marque communautaire, il y a lieu d’approuver la constatation de la chambre de recours que le territoire pertinent aux fins de l’examen du risque de confusion est celui de l’Union.

22      Il y a également lieu d’entériner la constatation de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause s’adressent au « grand public » et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles », relevant de la classe 40, s’adressent aux « professionnels des industries du cuir et du textile », ce que, du reste, les requérants ne contestent pas.

 Sur la comparaison des produits et des services

23      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport pouvant exister entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [voir arrêt du Tribunal du 24 septembre 2008, Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE), T‑116/06, Rec. p. II‑2455, point 42, et la jurisprudence citée]. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

24      Il y a également lieu de rappeler que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (voir arrêt easyHotel, point 19 supra, points 57 et 58, et la jurisprudence citée).

25      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, d’abord, que les produits relevant des classes 18 et 25 étaient visés de manière identique par les marques en conflit. Elle a ensuite estimé que les produits relevant de la classe 24, visés par la marque demandée, et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 et couverts par la marque antérieure, étaient similaires. Elle a fait valoir à cet égard leur complémentarité.

26      Il n’est pas contesté par les requérants que les produits relevant des classes 18 et 25 couverts par la marque antérieure et visés par la marque demandée, sont identiques. Les requérants soutiennent, en revanche, que, au motif qu’ils « sont destinés à des publics différents », les produits relevant de la classe 24, visés par la marque demandée, sont différents des services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 et couverts par la marque antérieure.

27      En premier lieu, il convient d’entériner la constatation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée et la marque antérieure désignent de manière identique les produits relevant des classes 18 et 25.

28      En deuxième lieu, en ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 24, à savoir « tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table », et les services couverts par la marque antérieure, relevant de la classe 40, à savoir « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles », il y a d’abord lieu de constater, ainsi que l’a constaté la chambre de recours et le soutiennent les requérants, que ces produits et ces services s’adressent à des publics différents.

29      Or, la définition jurisprudentielle de la complémentarité entre des produits ou des services, énoncée au point 24 ci-dessus, implique que les produits ou les services complémentaires soient susceptibles d’être utilisés ensemble, ce qui présuppose qu’ils soient adressés au même public [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal easyHotel, point 19 supra, point 58, et du 12 juillet 2012, Hand Held Products/OHMI – Orange Brand Services (DOLPHIN), T‑361/11, non publié au Recueil, point 48].

30      Il s’ensuit qu’un lien de complémentarité ne saurait exister entre, d’une part, les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles », couverts par la marque antérieure, qui s’adressent à un public restreint de professionnels des industries du cuir et du textile et, d’autre part, les produits « tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table », visés par la marque demandée, qui s’adressent au grand public. Ces deux catégories de services et de produits ne sont pas utilisés ensemble, dès lors que ceux de la première catégorie sont utilisés par les professionnels concernés eux-mêmes, alors que ceux de la seconde sont utilisés par les consommateurs moyens (voir, en ce sens, arrêt easyHotel, point 19 supra, point 58, et arrêt DOLPHIN, point 29 supra, point 48).

31      À cet égard, l’argument de l’OHMI selon lequel il y aurait, en l’espèce, un chevauchement entre le grand public et le public spécialisé en ce que, parmi les consommateurs des produits relevant de la classe 24, certains seraient susceptibles de travailler dans le traitement et le finissage des textiles, ne saurait être accueilli. En effet, un tel raisonnement conduirait, s’il était admis, à faire échec, dans le cadre de la comparaison de marques en conflit, à la distinction entre, d’une part, le grand public et, d’autre part, le public composé de professionnels, dès lors que, parmi les consommateurs moyens, il est toujours possible que certains soient également des professionnels du secteur d’activité duquel relève le produit acheté en tant que consommateur privé. Si certains consommateurs moyens peuvent également avoir la qualité de professionnels du secteur d’activité duquel dépendent lesdits produits relevant de la classe 24, il y a lieu de relever que ceux-ci manifesteront un degré d’attention plus élevé dans le cadre d’achat de ces produits, leur permettant de faire la différence entre l’origine des produits en question et celle des services relevant de la classe 40, utilisés dans le cadre de leur activité professionnelle [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 octobre 2011, SLV Elektronik/OHMI – Jiménez Muñoz (LINE), T‑449/08, non publié au Recueil, point 43] ».

32      C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré qu’il existait une similitude entre les produits relevant de la classe 24, visés par la marque demandée, et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 et couverts par la marque antérieure au motif qu’ils seraient complémentaires.

  Sur la comparaison des signes

33      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

34      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 33 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 33 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

35      La chambre de recours a considéré, en substance, que, sur les plans visuel et phonétique, les signes en conflit étaient similaires et que, sur le plan conceptuel, en raison de l’élément verbal commun « wood », ils pouvaient être considérés comme similaires pour le public anglophone.

36      Les requérants critiquent d’abord la décision attaquée au motif que la chambre de recours a conclu à la similitude visuelle des signes en conflit en se fondant « presque exclusivement » sur les éléments verbaux de ces signes. Or, non seulement les éléments figuratifs desdits signes seraient différents, mais de plus les éléments verbaux de ces signes présenteraient des différences graphiques. Sur le plan phonétique, les signes en cause seraient différents en ce que, d’une part, l’élément verbal « north-eastern suppliers » figurerait dans la seule marque antérieure et en ce que, d’autre part, leur prononciation serait différente. Quant à la comparaison des signes en question sur le plan conceptuel, les requérants soutiennent qu’ils présentent une légère similitude compte tenu des éléments verbaux « wood » et « woods », laquelle disparaîtrait toutefois du fait de la référence au nord-est des États-Unis, présente uniquement dans la marque antérieure.

37      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, il y a d’abord lieu de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la chambre de recours n’a pas conclu à leur similitude en se fondant « presque exclusivement » sur les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood ».

38      Dans un premier temps, la chambre de recours a rappelé la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, de laquelle il ressort que, si l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque, cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Elle a estimé, dans un deuxième temps, que, même si les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » n’étaient pas dominants dans chacune de ces marques, ils présentaient néanmoins « une plus grande pertinence lors de la mémorisation et de la comparaison des signes ». Elle a relevé, dans un troisième temps, que les éléments figuratifs des signes en conflit ne jouaient pas un rôle important lors de la mémorisation des signes, en ce qu’il s’agissait d’éléments décoratifs et qu’il en était de même de l’élément verbal « north-eastern suppliers » de la marque antérieure, reproduit en lettres de taille beaucoup plus réduite que celles des autres éléments verbaux. Dans un quatrième et dernier temps, elle a considéré que les signes en conflit présentaient des ressemblances importantes tant en ce qui concerne leurs éléments verbaux que leurs éléments figuratifs.

39      Dans ces conditions, les requérants ne sauraient valablement soutenir que la chambre de recours s’est « presque exclusivement » fondée sur les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » et n’a « absolument pas » tenu compte des autres éléments de différenciation des signes en conflit.

40      Il convient, ensuite, d’approuver la chambre de recours en ce qu’elle a conclu à la similitude visuelle des signes en conflit. À cet égard, il y a lieu de constater, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, que les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » sont tous deux composés de deux mots, dont le premier débute par la combinaison de lettres « ri » et contient cinq lettres et dont le second est identique, excepté l’ajout de la lettre « s » dans la marque antérieure.

41      Si des éléments de différenciation sont à observer, tels que le relèvent les requérants, à savoir les troisième, quatrième et cinquième lettres des mots « river » et « ridge » ainsi que la représentation graphique des éléments verbaux « river woods » et « ridge wood », il y a néanmoins lieu de constater que, pris dans leur ensemble, les points de ressemblance de ces éléments verbaux dominent.

42      Quant aux autres éléments des signes en conflit, il est vrai qu’ils présentent des différences. Tandis que, dans la marque antérieure, sont représentés, à la droite des éléments verbaux « river woods », deux conifères de tailles différentes surplombant un drapeau des États-Unis d’Amérique légèrement modifié et figure, en bas de la marque, en petits caractères, l’élément verbal « north-eastern suppliers » écrit en italiques, dans la marque demandée un seul arbre figure au centre, prolongé par une ligne horizontale, de taille et de représentation différentes de celles de la marque antérieure.

43      Il y a toutefois lieu de considérer que ces différences ne sont pas de nature à neutraliser les similitudes visuelles des éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » qui, sans être dominants, occupent chacun une position distinctive autonome au sein de ces marques, en ce sens qu’ils sont perçus par le public concerné comme un élément important de ces dernières, ainsi que l’a constaté, en substance, la chambre de recours. À cet égard, il convient de relever que les polices de caractères utilisées pour écrire ces éléments verbaux, sans être négligeables, ne sont pas particulièrement originales et fantaisistes au point de contribuer à différencier clairement les marques examinées.

44      Par ailleurs, même si la représentation des arbres figurant dans les deux marques est différente, l’impression de similitude visuelle des signes en conflit est renforcée par la seule présence d’arbres dans les deux marques. En outre, ainsi que le relève l’OHMI, dans la marque antérieure, le drapeau des États-Unis d’Amérique ainsi que l’élément verbal « north-eastern suppliers » ne contrebalancent pas la similitude créée par les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » en ce qu’ils sont placés respectivement en bas et sur le côté droit et sont nettement plus petits que ces derniers éléments.

45      Dès lors, il convient de considérer que la chambre de recours a décidé à bon droit que les marques en conflit présentaient, dans leur ensemble, une « forte ressemblance » visuelle.

46      S’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, il y a lieu de constater que les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood » sont tous deux composés de deux mots qui ont presque la même longueur et dont la prononciation est similaire, compte tenu de la combinaison de lettres initiale « ri » des premiers mots « river » et « ridge » et de la quasi identité des seconds mots « woods » et « wood ».

47      Il est vrai, ainsi que le relève les requérants, que la fin des éléments verbaux « river » et « ridge », à savoir « ver » et « dge » sont différents et que, dans la marque antérieure, le mot « wood » est suivi d’un « s », à la différence de la marque demandée. Toutefois, ces différences ne permettent pas, à elles seules, de nier toute similitude des signes en conflit sur le plan phonétique. Dans leurs écritures, les requérants affirment d’ailleurs que, « pour autant que les marques soient similaires sur le plan phonétique, elles ne le sont qu’à un faible degré ».

48      En outre, contrairement à ce que prétendent les requérants, la différence liée à l’ajout de l’expression « north-eastern suppliers » aux termes « river woods » ne remet pas en cause l’existence d’une similitude phonétique, dans la mesure où, comme il a été mentionné au point 43 ci-dessus, l’expression « north-eastern suppliers » occupent une position secondaire dans la marque antérieure et sont, dès lors, peu susceptibles d’être prononcés par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 novembre 2011, Hrbek/OHMI – Outdoor Group (ALPINE PRO SPORTSWEAR & EQUIPMENT), T‑434/10, non publié au Recueil, point 60, et du 20 octobre 2011, Scatizza/OHMI – Jacinto (Horse Couture), T‑238/10, non publié au Recueil, point 36].

49      Il y a lieu de relever à cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que la chambre de recours a tenu compte de la taille des lettres de l’élément verbal « north-eastern suppliers » non aux fins de sa prononciation, mais en vue de justifier qu’il était assez peu probable que les consommateurs le prononcent lors de l’achat des produits en cause.

50      Il convient enfin de constater que l’affirmation des requérants selon laquelle, l’élément verbal « north-eastern suppliers » n’aurait pas lieu d’être pris en compte, dans le cadre de la comparaison des signes en conflit, uniquement s’il était rédigé « dans une écriture tellement petite qu’il serait à peine lisible », n’est nullement étayée.

51      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient très similaires sur le plan phonétique.

52      Quant à la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, il y a certes lieu de constater des différences de signification de leurs éléments verbaux respectifs, ainsi que le soutiennent les requérants et l’a constaté la chambre de recours. Toutefois, pris dans leur globalité, ces éléments verbaux renvoient à l’idée de nature. Ainsi que l’indique l’OHMI, la combinaison des mots « woods » et « wood » avec des termes renvoyant à des formes de paysages et la représentation figurative d’arbres, font allusion à la nature et aux arbres.

53      Les requérants admettent d’ailleurs une certaine ressemblance conceptuelle des signes en conflit en raison de la référence au mot « arbre » et de leur représentation.

54      Les requérants prétendent, en revanche, que, en dehors de cette allusion commune aux arbres, les signes en conflit comportent d’importantes différences conceptuelles par la référence de la marque antérieure aux États-Unis et au cadre de vie américain, tant en raison du drapeau américain que de l’élément verbal « north-eastern suppliers ».

55      Cependant, si la référence aux États-Unis ou au style de vie américain est particulièrement soulignée dans la marque antérieure, il y a lieu de rappeler que le drapeau américain ainsi que l’élément verbal « north-eastern suppliers » ne contrebalancent pas la similitude créée par les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood ».

56      Partant, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a décidé à bon droit que les signes en conflit étaient similaires sur le plan conceptuel pour le public anglophone, l’absence de signification des éléments verbaux des signes en conflit pour le public non anglophone n’ayant aucune influence sur l’appréciation de la similitude des signes.

57      Il s’ensuit que, selon une impression d’ensemble, les signes en conflit peuvent être considérés comme étant similaires, ainsi que l’a relevé la chambre de recours.

 Sur le risque de confusion

58      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

59      La chambre de recours a considéré que, étant donné le « degré important de similitude visuelle et phonétique » entre les éléments verbaux « river woods » et « ridge wood », le « caractère distinctif normal » de la marque antérieure, et en tenant compte du fait que les produits et les services en cause « sont essentiellement identiques et partiellement similaires », il existait un risque de confusion entre les deux signes en conflit.

60      Les requérants soutiennent en substance, d’une part, que les signes en conflit présentent des différences significatives sur le plan visuel qui ont pour effet de rendre insignifiante toute similitude pouvant exister sur le plan phonétique ou conceptuel et, d’autre part, que l’intervenante n’a pas établi le caractère distinctif élevé de la marque antérieure. Ils en concluent qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les signes en conflit.

61      Comme il ressort du point 27 ci-dessus, la marque demandée et la marque antérieure désignent de manière identique les produits relevant des classes 18 et 25.

62      En revanche, ainsi qu’il est mentionné aux points 28 à 32 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à tort qu’il existait une similitude entre les produits compris dans la classe 24, visés par la marque demandée, et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » compris dans la classe 40, couverts par la marque antérieure.

63      En outre, ainsi qu’il a été relevé aux points 36 à 56 ci-dessus, la chambre de recours a estimé à bon droit que les signes en conflit étaient similaires sur les plans visuel et phonétique ainsi que, pour le public anglophone, sur le plan conceptuel.

64      Il convient donc de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit en tant qu’ils visent les produits relevant des classes 18 et 25. L’identité desdits produits, visés par les deux marques en cause, ainsi que le degré de similitude entre celles-ci, considérés cumulativement, s’avèrent suffisamment élevés pour pouvoir conclure à l’existence d’un risque de confusion, et ce quel que soit le degré de distinctivité de la marque antérieure. Il y a d’ailleurs lieu de relever, à cet égard, que la chambre de recours a estimé que la marque antérieure présentait un caractère distinctif normal, ce que ne contestent pas les requérants.

65      En revanche, dans la mesure où les produits relevant de la classe 24, visés par la marque demandée, et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 et couverts par la marque antérieure ne sont pas similaires, la chambre de recours a commis une erreur en concluant qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit en ce qui concerne ces produits et ces services.

66      Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour ce qui concerne les produits relevant de la classe 24 et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, les requérants ainsi que l’OHMI ont succombé pour partie en leurs conclusions. Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens exposés au cours de la procédure devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 19 novembre 2010 (affaire R 599/2010-1) est annulée en tant qu’elle concerne les produits relevant de la classe 24 visés par la marque demandée et les services « traitement et finissage de peausserie, de cuir, de fourrures et de matières textiles » relevant de la classe 40 et couverts par la marque antérieure n° 2785459.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Dwarka Nath Kalsi et Ajit Nath Kalsi, ainsi que l’OHMI supporteront chacun leurs propres dépens.

4)      American Clothing Associates supportera ses propres dépens.

Kanninen

Soldevila Fragoso

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.