Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME TAMARA ĆAPETA
présentées le 8 février 2024 (1)
Affaire C‑598/22
Società Italiana Imprese Balneari Srl
contre
Comune di Rosignano Marittimo,
Ministero dell’Economia e delle Finanze,
Agenzia del demanio – Direzione regionale Toscana e Umbria,
Regione Toscana
[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]
« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Marchés publics et liberté d’établissement – Concessions pour l’occupation de biens du domaine public maritime – Expiration et renouvellement – Réglementation nationale prévoyant, à l’expiration de la concession, la cession à titre gratuit à l’État des ouvrages inamovibles construits sur le domaine public – Autres caractéristiques d’une telle réglementation – Notion de “restriction” »
I. Introduction
1. Le littoral italien, y compris ses plages, appartient au domaine public. L’exploitation d’une activité commerciale sur les plages italiennes nécessite donc une concession.
2. Une disposition nationale régissant ces concessions prévoit que les ouvrages inamovibles construits sur une plage publique deviennent automatiquement la propriété de l’État à l’expiration de la période de concession, sans aucune indemnité pour le concessionnaire qui les a érigés.
3. Une telle disposition constitue-t-elle une restriction à la liberté d’établissement, telle que prévue par l’article 49 TFUE ?
II. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
4. Depuis 1928, la Società Italiana Imprese Balneari Srl (SIIB) exploite le complexe balnéaire « Bagni Ausonia » dans la Comune di Rosignano Marittimo (commune de Rosignano Marittimo, Italie). Ce complexe est situé en grande partie sur une zone appartenant au domaine public maritime, pour lequel SIIB s’est vu octroyer une série de concessions consécutives.
5. Au fil des ans, cette société a érigé différentes constructions sur cette zone appartenant à l’État.
6. Le dernier inventaire des ouvrages incorporés au domaine public maritime a été effectué par la municipalité de Rosignano Marittimo (ci‑après la « municipalité ») en 1958.
7. Le 20 novembre 2007, alors qu’était en cours la concession no 27/2003 de SIIB, qui a duré de 2003 à fin 2008, la municipalité a adopté une décision par laquelle elle a recalculé les redevances dues au titre de cette concession. L’augmentation des redevances résultait de la requalification de certains ouvrages sur la zone concédée comme étant difficiles à enlever, avec pour conséquence qu’ils devaient être considérés comme des accessoires du domaine public. Ces ouvrages inamovibles se trouvaient déjà sur cette zone domaniale à la date d’expiration de la précédente concession, no 36/2002, qui avait été en vigueur du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002 et dont avait bénéficié le même concessionnaire, SIIB.
8. La décision no 31787, du 20 novembre 2007, est fondée sur l’article 49 du Codice della navigazione (code de la navigation). Ce dernier prévoit :
« Sauf s’il en est disposé autrement dans l’acte de concession, lorsque la concession arrive à terme, les ouvrages inamovibles construits sur la zone domaniale restent acquis à l’État, sans aucune compensation ou remboursement, sous réserve de la faculté pour l’autorité concédante d’en ordonner la démolition avec la restitution du bien domanial dans son état d’origine. »
9. En 2008, la municipalité a ouvert une procédure administrative en vue de l’incorporation au domaine public maritime des biens accessoires constitués après 1958. En réponse aux questions écrites posées par la Cour, la juridiction de renvoi a précisé que cette procédure n’avait jamais été menée à son terme. La juridiction de renvoi a toutefois expliqué dans sa réponse qu’une décision administrative concernant le transfert de propriété à l’État n’aurait en tout état de cause qu’un caractère déclaratoire, l’acquisition de la propriété par l’État se produisant ex lege à l’expiration de la période de concession, en vertu de l’article 49 du code de la navigation.
10. En mai 2009, la municipalité a octroyé à SIIB une nouvelle concession (no 181/2009) (2) pour le même emplacement. Lors de la procédure d’octroi de cette concession, SIIB a indiqué que toutes les constructions érigées sur le domaine public étaient faciles à enlever (3). À la suite d’une inspection du site, la municipalité a finalement rejeté cette qualification, par décision du 26 novembre 2014. Elle a considéré que la zone concédée du domaine public contenait des ouvrages inamovibles qui avaient déjà été acquis par l’État en vertu de l’article 49 du code de la navigation.
11. La municipalité a réitéré cette conclusion dans une décision du 16 avril 2015 (4). Sur le fondement de cette conclusion, la municipalité a également augmenté le montant des redevances dues par SIIB, avec effet à compter de 2009.
12. SIIB a attaqué les décisions du 26 novembre 2014 et du 16 avril 2015 devant le Tribunale amministrativo regionale della Toscana (tribunal administratif régional de Toscane, Italie). Elle a fait valoir que, dès lors que la concession avait été renouvelée, l’incorporation au domaine public ne pouvait avoir eu lieu. La juridiction en question a joint les deux affaires et a rejeté toutes les demandes dans leur intégralité par un jugement du 10 mars 2021.
13. En ce qui concerne la qualification des constructions comme appartenant au domaine public en vertu de l’article 49 du code de la navigation, le Tribunale amministrativo regionale della Toscana (tribunal administratif régional de Toscane) a considéré que le transfert en cause était le fruit d’une reconnaissance de commun accord matérialisée par le titre de concession signé par les deux parties plutôt que d’une décision unilatérale de l’administration. Selon cette juridiction, le transfert de propriété sans compensation financière résulte, conformément à l’article 49 du code de la navigation, de l’absence de stipulation contraire des parties. Dès lors que les parties n’avaient pas expressément prévu, dans la convention de concession, un régime juridique différent pour les accessoires du domaine public maritime, elles devaient être considérées comme ayant consenti au régime supplétif prévu à l’article 49 du code de la navigation.
14. SIIB a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire.
15. Dans le cadre de son recours, elle a fait valoir notamment que l’effet de transfert sans compensation pour les structures difficiles à enlever est contraire au droit de l’Union et, en particulier, au principe de proportionnalité, en relation avec les restrictions aux libertés de marché consacrées aux articles 49 et 56 TFUE, tel qu’énoncé par la Cour dans l’arrêt Laezza (5).
16. Éprouvant des doutes quant à la compatibilité de l’article 49 du code de la navigation avec le droit de l’Union, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les articles 49 et 56 TFUE et les principes qui peuvent être tirés de l’arrêt Laezza, dans la mesure où ils sont jugés applicables, s’opposent‑ils à l’interprétation d’une disposition nationale telle que l’article 49 [du code de la navigation] en ce sens qu’elle prévoit, à l’expiration de la concession, lorsque celle-ci est renouvelée, sans interruption, fût-ce en vertu d’une nouvelle décision, la cession par le concessionnaire, à titre gratuit et sans indemnisation, des ouvrages immobiliers réalisés sur la zone du domaine public qui font partie de l’ensemble des biens organisés en vue de l’exploitation de l’établissement balnéaire, cet effet d’incorporation immédiate pouvant constituer une restriction qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif effectivement poursuivi par le législateur national et qui est donc disproportionnée par rapport à cet objectif ? »
17. SIIB, la municipalité, le gouvernement italien, ainsi que la Commission européenne, ont déposé des observations écrites devant la Cour.
18. La Cour a demandé à la juridiction de renvoi un certain nombre d’éclaircissements supplémentaires, que cette juridiction a fourni le 8 septembre 2023.
III. Analyse
A. Recevabilité
19. Dans leurs observations écrites, la Commission et le gouvernement italien ont discuté de la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle.
20. La Commission remarque que la situation de la présente affaire est purement interne. Un concessionnaire italien conteste en effet les dispositions italiennes relatives aux concessions sur le domaine public maritime italien. La Commission juge néanmoins la question recevable et cite en ce sens l’arrêt Ullens de Schooten, par lequel il a été précisé que la Cour peut établir sa compétence dans des affaires purement internes si les réglementations nationales dont la validité est en cause sont susceptibles d’affecter des citoyens ou des sociétés d’autres États membres (6).
21. Je partage ce point de vue. Premièrement, les dispositions italiennes en matière de concessions s’appliquent de la même manière à tout concessionnaire, qu’il soit de nationalité italienne ou de celle d’un autre État membre. Deuxièmement, l’attractivité économique de la création d’une entreprise dans les zones maritimes (ou lacustres) italiennes confirme l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, ainsi que la Cour l’a déjà confirmé dans l’arrêt Promoimpresa (7). En outre, un tel effet transfrontalier potentiel a été confirmé par la juridiction de renvoi dans sa réponse à la demande d’éclaircissements de la Cour.
22. Dès lors, même en l’absence d’indication claire en ce sens dans la décision de renvoi (8), la Cour peut conclure, en l’espèce, que la disposition nationale en cause présente un intérêt transfrontalier (9).
23. L’argument soulevé par le gouvernement italien sur la question de la recevabilité est d’une autre nature. Ce gouvernement estime que la réponse à la question préjudicielle n’est pas utile à la solution du litige dont est saisie la juridiction de renvoi. Selon lui, même si la réponse donnée par la Cour aboutissait à l’obligation d’écarter l’article 49 du code de la navigation, cela n’aurait aucune incidence sur l’affaire au principal.
24. Toutefois, dans sa réponse à la demande d’éclaircissements, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a indiqué que SIIB a un intérêt personnel, concret et actuel à contester la validité du transfert au domaine public des ouvrages inamovibles qu’elle a réalisés. La question de savoir si ces ouvrages ont été incorporés valablement au domaine public a une incidence sur le montant des redevances dues pour occuper le domaine public en question.
25. Dans le cadre d’une procédure préjudicielle, c’est en principe à la juridiction de renvoi qu’il appartient de déterminer si la réponse à la question d’interprétation ou de validité du droit de l’Union est nécessaire à la solution effective du litige (10). Compte tenu des précisions apportées par la juridiction de renvoi, il n’y a aucune raison pour la Cour de douter de sa compétence dans la présente affaire.
26. Je propose donc à la Cour de considérer la demande de décision préjudicielle comme étant recevable.
B. Les dispositions applicables du droit de l’Union
27. Les réglementations nationales relatives aux concessions concernant des ressources naturelles rares relèvent du champ d’application de la directive « services » (11). Toutefois, le délai de transposition de cette directive n’est arrivé à expiration que le 28 décembre 2009 (12), alors que les faits pertinents de la présente affaire se sont déroulés à une date antérieure (13).
28. La directive « services » n’étant pas applicable ratione temporis à l’affaire en cause au principal, la question préjudicielle nécessite l’interprétation du droit primaire (14).
29. La juridiction de renvoi mentionne tant l’article 49, relatif à la liberté d’établissement, que l’article 56 TFUE, relatif à la libre prestation des services.
30. La Cour a déjà précisé que des concessions telles que celles de la présente affaire, qui permettent une exploitation économique à des fins touristico-récréatives, relèvent du droit d’établissement dans la zone domaniale (15).
31. Il s’ensuit que c’est à la lumière de l’article 49 TFUE qu’il y a lieu de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi.
C. Sur le fond
32. Dans la présente affaire, la Cour est appelée à répondre à la question de savoir si l’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les ouvrages qui ne sont pas aisément amovibles, réalisés par le concessionnaire sur le domaine public, deviennent la propriété de l’État à l’expiration de la concession, sans aucune contrepartie ni indemnité, même en cas de renouvellement de la concession.
33. SIIB considère qu’un tel transfert automatique sans compensation est contraire au droit de l’Union et, en particulier, au principe de proportionnalité des restrictions aux libertés de marché, consacré aux articles 49 et 56 TFUE. Elle invoque, à cet égard, l’arrêt Laezza.
34. L’analyse des restrictions alléguées aux libertés de marché garanties par les traités se déroule en deux étapes. En premier lieu, la juridiction nationale doit vérifier si la réglementation nationale en cause relève de l’interdiction visée par le traité, en l’occurrence l’interdiction d’une restriction à la liberté d’établissement. Si la réglementation nationale relève du champ d’application de l’article 49 TFUE, la deuxième étape consiste à déterminer si elle peut être justifiée. Pour parvenir à cette dernière conclusion, la juridiction nationale doit établir l’intérêt général qui pourrait légitimement justifier la réglementation et déterminer si elle est appropriée et nécessaire à la poursuite de cet intérêt général.
35. J’examinerai donc, dans un premier temps, si une réglementation nationale telle que l’article 49 du code de la navigation constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE. Je suis d’avis qu’une telle réglementation nationale peut ne pas relever de l’interdiction prévue à l’article 49 TFUE (1). À titre subsidiaire, j’apprécierai si une telle réglementation nationale peut être justifiée (2).
1. La mesure nationale en cause constitue-t-elle une restriction à la liberté d’établissement ?
36. L’article 49 TFUE interdit les mesures qui restreignent l’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre.
37. Il est de jurisprudence constante que constitue une restriction au sens de l’article 49 TFUE toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, interdit, gêne ou rend moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté d’établissement garantie par le traité (16).
38. Deux approches permettent de déterminer quels types de mesures rendent la liberté d’établissement moins attrayante pour les ressortissants d’autres États membres : soit l’ensemble de la réglementation nationale doit être considéré comme constituant à tout le moins une forme d’entrave à la création d’une entreprise, soit certains types de réglementation du marché pertinent peuvent être exclus du champ d’application de l’article 49 TFUE. Selon moi, le choix entre ces deux interprétations possibles n’est pas clairement opéré dans la jurisprudence de la Cour.
39. D’une part, il existe des arrêts qui indiquent que toute entrave, même d’importance mineure, déclenche l’application des réglementations du traité prévoyant l’interdiction des restrictions aux libertés de marché, y compris la liberté d’établissement (17).
40. Si la Cour devait adopter une telle approche dans la présente affaire, une réglementation telle que celle en cause au principal devrait être qualifiée automatiquement d’entrave. Une telle qualification n’implique toutefois pas qu’une telle réglementation serait interdite. Elle peut toujours être justifiée.
41. D’autre part, une autre série d’affaires exclut de l’application du traité les mesures nationales qui ne constituent pas réellement un obstacle à l’accès au marché (18).
42. Si la Cour devait adopter une telle approche en l’espèce, elle devrait apprécier si une mesure nationale telle que celle en cause est effectivement susceptible de dissuader un entrepreneur de s’implanter sur les plages italiennes. Si la Cour devait considérer qu’il n’en est rien, une telle réglementation nationale ne devrait pas être considérée comme une restriction au droit d’établissement et ne devrait donc pas faire l’objet d’une justification.
43. L’un des critères appliqués par la Cour dans sa jurisprudence est celui de l’« effet trop aléatoire et trop indirect ». Si l’« effet » d’une réglementation nationale sur l’exercice d’une liberté de marché devait être considéré comme étant « trop aléatoire et trop indirect », cette réglementation devrait être exclue du champ d’application de la disposition pertinente du traité.
44. Un tel critère a été appliqué dans la jurisprudence en relation avec l’ensemble des libertés de marché (19), y compris la liberté d’établissement (20).
a) Le transfert sans compensation à l’expiration de la période de concession
45. Un entrepreneur sera-t-il dissuadé de développer une entreprise sur les plages italiennes sachant que, à l’issue de la période de concession, il ne sera pas indemnisé pour les ouvrages inamovibles qu’il a construits, qui reviendront de plein droit à l’État ?
46. Le gouvernement italien et la Commission suggèrent que l’article 49 du code de la navigation ne constitue pas nécessairement une restriction à la liberté d’établissement. Selon la Commission, le transfert d’ouvrages inamovibles construits dans une zone relevant du domaine public est inhérent à cette notion. La disponibilité d’une telle zone en vue de son utilisation par le public serait considérablement réduite si les concessionnaires demeuraient propriétaires des ouvrages inamovibles construits dans ces zones.
47. Je partage cette position. Il s’agit de l’essence-même de l’inaliénabilité du domaine public (21).
48. En droit italien, comme l’a exposé le gouvernement italien, les droits qu’un concessionnaire acquiert sur la zone concédée sont comparables au droit de superficie (22). Le concessionnaire n’est titulaire d’un tel droit que pour la durée de la concession (23).
49. S’il était permis à un concessionnaire de conserver des droits sur des ouvrages inamovibles construits sur le domaine public, le caractère public et la disponibilité pratique de ce domaine pour l’État seraient considérablement réduits.
50. La présente affaire ne met aucunement en question la possibilité pour l’Italie de maintenir ses plages dans le domaine public. Une telle décision relève, en effet, de la compétence des États membres. Une telle décision politique a pour conséquence que tout opérateur économique désireux d’exploiter un complexe balnéaire sur les plages italiennes doit obtenir une concession, dont la nature veut que, à l’expiration de la durée de la concession, tout ce qui se trouve sur cette zone et est inamovible est incorporé au domaine public.
51. La seule possibilité d’exploiter un complexe balnéaire sur les plages italiennes est donc de conclure un contrat de concession avec l’État. La réglementation italienne litigieuse s’applique de la même manière à tous les concessionnaires potentiels (24). Par conséquent, tous les opérateurs économiques sont confrontés à la même préoccupation, qui est de savoir s’il est économiquement viable d’entrer en concurrence pour une concession en sachant que, à son expiration, les ouvrages inamovibles construits seront incorporés au domaine public. Cette réglementation est dès lors simplement l’un des éléments à prendre en considération pour effectuer les calculs économiques permettant à l’opérateur de déterminer s’il s’engagera dans l’activité économique qu’est l’exploitation d’un complexe balnéaire sur les plages italiennes.
52. Bien entendu, si l’État était tenu d’indemniser le concessionnaire pour les ouvrages inamovibles qui restent sur la zone à l’expiration de la concession, l’investissement en serait rendu d’autant plus attrayant. Toutefois, si l’investisseur sait à l’avance qu’il n’obtiendra pas une telle compensation, il n’en sera pas en soi dissuadé de déposer une offre en vue de l’octroi de la concession.
53. Je partage dès lors la position de la Commission selon laquelle, si la durée de la concession est suffisamment longue pour permettre l’amortissement d’un investissement et si le concessionnaire sait à l’avance que les ouvrages inamovibles qu’il construit sur le domaine public seront incorporés à celui-ci au moment où la concession prendra fin, une telle réglementation n’est pas de nature à dissuader un investisseur d’implanter une activité commerciale sur les plages italiennes.
54. Deux autres aspects de l’article 49 du code de la navigation méritent d’être mentionnés. Premièrement, cette disposition prévoit la faculté de stipuler une compensation financière dans le contrat de concession. Par conséquent, si la durée de la concession s’avérait insuffisante pour obtenir un retour sur investissement, un certain montant de compensation pourrait être convenu avec l’État.
55. Deuxièmement, l’absence de toute compensation financière pour les ouvrages inamovibles transférés doit être appréciée à la lumière de la possibilité pour la municipalité d’obliger le concessionnaire à rétablir, à ses frais, le domaine public dans son état initial.
56. Il est donc possible de qualifier une réglementation telle que celle figurant à l’article 49 du code de la navigation comme ayant des effets trop indirects et trop incertains pour être de nature à dissuader un opérateur de s’établir sur les plages italiennes. Elle ne déclenche donc pas l’application de l’interdiction de l’article 49 TFUE.
57. Une telle réglementation doit cependant être suffisamment transparente pour permettre aux opérateurs économiques de décider s’ils investiront ou non en vue d’implanter une activité commerciale sur les plages italiennes. C’est au juge national qu’il appartient d’apprécier si l’article 49 du code de la navigation est suffisamment transparent.
b) Le fait que la concession a été renouvelée a-t-il une incidence ?
58. SIIB considère que le fait que sa concession a été renouvelée fait une différence en ce sens que l’incorporation au domaine public n’a pas pu se produire.
59. Selon moi, un tel élément ne change rien à la conclusion qui précède, selon laquelle la réglementation en cause ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement.
60. Bien au contraire, une réglementation qui traiterait les opérateurs économiques qui obtiennent une concession pour la première fois différemment de ceux qui poursuivent leurs activités sur la base d’une concession renouvelée serait contraire au droit de l’Union.
61. Une telle réglementation placerait les concessionnaires existants dans une situation plus avantageuse que les nouveaux concessionnaires. Si les ouvrages inamovibles ne pouvaient être transférés au domaine public lorsqu’un même opérateur économique se voit octroyer une nouvelle concession sur la même zone, il n’y aurait aucune incidence sur la valeur de la concession et, partant, sur les redevances dues. Cependant, un nouvel entrant dans une telle concession devrait payer des redevances plus élevées, puisque le transfert de propriété se serait produit dans un tel cas et que la valeur de la concession en aurait ainsi été augmentée.
62. Étant donné qu’il est plus probable que les concessionnaires existants soient de nationalité italienne, une telle réglementation constituerait une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, interdite par l’article 49 TFUE (25).
63. Dès lors, une réglementation selon laquelle les ouvrages inamovibles construits sur le domaine public sont incorporés à ce domaine à l’expiration de la durée de la concession, même lorsque le même opérateur économique se voit octroyer une nouvelle concession sur la même zone, ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE.
c) La violation du principe de protection de la confiance légitime
64. SIIB a également invoqué le principe de protection de la confiance légitime. Même si la juridiction de renvoi ne l’a pas inclus dans la question préjudicielle, je traiterai brièvement cet argument.
65. Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, aient été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes. Ce droit appartient à tout justiciable à l’égard duquel une autorité, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées (26).
66. Les opérateurs économiques ne sont toutefois pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (27).
67. Comme l’a exposé le gouvernement italien, il apparaît que la réglementation italienne, telle qu’elle existait à l’époque, accordait une préférence aux concessionnaires existants lors de l’attribution de nouvelles concessions. Cette législation n’a été modifiée qu’en 2011, à la suite d’une procédure d’infraction engagée par la Commission pour défaut de transposition par l’Italie de la directive « services » (28).
68. Une telle réglementation, qui serait en soi contraire au droit de l’Union (29), pourrait peut-être avoir été de nature à faire naître une certaine présupposition, pour le concessionnaire précédent, qu’il l’emporterait dans la mise en concurrence de la nouvelle concession. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra d’apprécier lorsqu’elle tranchera le litige dont elle est saisie.
69. La présente affaire ne tourne toutefois pas autour d’une telle présupposition. En d’autres termes, il importe peu que SIIB puisse prétendre avoir eu une confiance légitime dans le renouvellement de sa concession. Ce qui importe, c’est qu’elle ne peut prétendre qu’elle a pu avoir une confiance légitime dans le fait qu’après le renouvellement, les ouvrages inamovibles ne seraient pas incorporés dans le domaine public et qu’ainsi, ils n’influenceraient pas la valeur de la concession.
70. Au moment de la survenance des faits au principal, l’article 49 du code de la navigation était déjà interprété et appliqué en pratique comme donnant lieu, à l’expiration du délai de concession, à l’incorporation sans indemnité des ouvrages inamovibles au domaine public.
71. Dès lors, le principe de protection de la confiance légitime ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle, dans la présente affaire, la réglementation nationale, qui prévoit que l’incorporation des ouvrages inamovibles au domaine public se fait sans indemnisation, même si le même concessionnaire se voit attribuer une nouvelle concession, ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement.
d) La pertinence de l’arrêt Laezza
72. Dans sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur la pertinence de l’arrêt Laezza.
73. Cette affaire concernait une réglementation italienne qui régissait les concessions pour la gestion et la collecte des paris. La réglementation imposait aux concessionnaires l’obligation de céder à titre gratuit, à l’expiration de la concession, l’usage des biens matériels et immatériels détenus en leur possession et constituant le réseau de gestion et de collecte du jeu.
74. La Cour a d’abord conclu que la réglementation en cause dans cette affaire relevait du champ d’application de l’article 49 TFUE (30), puis l’a jugée disproportionnée par rapport au but légitime qu’elle poursuivait (31).
75. La situation dans cette affaire diffère sensiblement de celle de l’affaire actuellement soumise à la Cour, même si, à première vue, la réglementation en cause dans l’arrêt Laezza peut sembler comparable à celle pertinente en l’espèce. À l’instar de l’article 49 du code de la navigation, la réglementation en cause dans l’affaire Laezza exigeait que les actifs créés pendant la durée de la concession soient transférés gratuitement aux autorités publiques à l’expiration de la concession. Il est toutefois immédiatement évident qu’il existe une différence importante entre ces deux réglementations. Alors que la réglementation de la présente affaire ne concerne que les ouvrages inamovibles, la réglementation en cause dans l’affaire Laezza portait sur tous les actifs, corporels et incorporels, créés pendant la durée de validité de la concession. Ce seul élément pourrait en fait suffire à distinguer ces deux affaires.
76. Toutefois, ce qui, selon moi, permet de distinguer de manière encore plus importante ces deux cas de figure, c’est le contexte dans lequel s’inscrit la réglementation en cause.
77. D’une part, dans l’affaire Laezza, la concession était nécessaire pour exercer un contrôle sur une activité économique sur un marché considéré comme socialement problématique, ce qui était la raison même pour laquelle la concession était imposée. Selon la jurisprudence de la Cour, en principe, l’exigence d’une concession en vue d’exercer une activité doit être considérée comme une restriction en termes de libertés de marché. Et en effet, dans l’arrêt Laezza, la Cour a fait un simple renvoi aux affaires antérieures en matière de concessions, sans préciser les raisons pour lesquelles l’obligation d’en obtenir une, en cause dans cette affaire, constituait une restriction (32).
78. D’autre part, la décision d’un État de conserver un certain type de zones dans le domaine public, avec pour conséquence la nécessité d’une concession pour toute activité économique privée sur cette zone, s’inscrit dans un contexte différent de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laezza. La décision politique qui sous-tend une telle réglementation est fondée sur l’idée que certaines zones doivent être conservées pour la jouissance publique et qu’elles doivent donc rester dans le domaine public.
79. Il existe différents types de concessions, qui peuvent ainsi faire l’objet d’une qualification différente en droit de l’Union. Par exemple, la concession octroyée dans la présente affaire diffère des concessions de services, par lesquelles un État satisfait à certains besoins publics au moyen de concessions octroyées à des investisseurs privés (comme la construction d’une route ou la construction d’un aéroport) (33). C’est la nature et l’objet d’une concession qui déterminent son traitement juridique.
80. Les concessions liées à la décision de maintenir certaines zones dans le domaine public présentent certaines caractéristiques intrinsèques. L’une d’elles tient à ce que l’activité économique faisant l’objet de la concession est indissociable de la zone appartenant au domaine public. Alors que les paris peuvent être organisés dans ou sur des biens privés, voire de manière virtuelle, la concession, dans la présente affaire, est directement liée à l’utilisation d’une zone déterminée appartenant au domaine public.
81. Pour cette raison, le fait que la Cour a considéré comme une restriction à la liberté d’établissement une réglementation exigeant un transfert aux autorités publiques des biens acquis en relation avec les paris n’est pas transposable, en soi, à une situation dans laquelle le transfert au domaine public des biens inamovibles qui se trouvent sur celui-ci se fait de plein droit à l’expiration de la concession.
82. Une telle réglementation ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement, et ce pour des raisons qui lui sont propres, différentes de celles qui permettent de qualifier de restriction la concession pour des services de paris. J’ai développé, aux points 45 à 63 des présentes conclusions, les raisons pour lesquelles la réglementation en cause dans la présente affaire ne constitue pas une restriction.
83. Pour les raisons qui précèdent, je considère que les circonstances de l’affaire Laezza sont trop éloignées des circonstances de l’affaire au principal pour que cette jurisprudence soit applicable mutatis mutandis dans la présente affaire.
Conclusion intermédiaire
84. Sur la base des considérations qui précèdent, je considère qu’une réglementation nationale telle que l’article 49 du code de la navigation ne constitue pas une restriction au droit d’établissement, raison pour laquelle l’interdiction de l’article 49 TFUE ne trouve pas à s’appliquer.
2. La mesure nationale en cause peut-elle être justifiée ?
85. Si la Cour décide néanmoins de qualifier une réglementation telle que l’article 49 du code de la navigation de restriction à la liberté d’établissement, il convient d’apprécier si une telle restriction peut être justifiée.
86. Les restrictions non discriminatoires à la liberté d’établissement ne sont pas interdites si elles satisfont de manière proportionnée à une raison impérieuse d’intérêt général. La restriction est proportionnée lorsqu’elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi de manière cohérente et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (34).
87. Le gouvernement italien, pour le cas où cette disposition devrait être qualifiée de restriction au droit d’établissement, a fait valoir plusieurs raisons d’intérêt général à titre de justification de l’article 49 du code de la navigation : la protection du domaine public, la protection des finances publiques ainsi que le tourisme, la culture et l’environnement. Toutes ces raisons peuvent effectivement servir d’objectifs légitimes au regard du droit de l’Union (35).
88. Dans la répartition des compétences entre la Cour et les juridictions nationales, dans le cadre de la procédure préjudicielle, il appartient à ces dernières de vérifier si une mesure nationale qui restreint l’une des libertés de marché est effectivement apte et nécessaire à la réalisation des objectifs publics déclarés.
89. Si la Cour ne peut procéder elle-même à un contrôle de proportionnalité des mesures nationales, elle peut en revanche donner des indications sur les méthodes qu’implique l’appréciation de la proportionnalité de la réglementation. À cet égard, il est utile de rappeler que l’appréciation de l’adéquation et de la nécessité doit être effectuée par rapport à chaque motif de justification avancé distinctement. La juridiction nationale doit s’interroger en premier lieu sur le point de savoir si la mesure nationale en cause contribue vraiment à l’objectif recherché et, en second lieu, si le même objectif pourrait être atteint par une autre mesure, moins restrictive de la liberté d’établissement.
90. S’agissant de la protection du domaine public à titre de justification, le gouvernement italien fait valoir que la réglementation en cause empêche qu’une zone devienne indisponible pour la jouissance de tous du fait de la conversion d’une partie de cette zone en propriété privée. Comme je l’ai déjà fait valoir, une telle réglementation est inhérente à la notion de « domaine public » (point 47 des présentes conclusions). Il est à la fois approprié et nécessaire que les ouvrages inamovibles construits sur une zone appartenant au domaine public reviennent à celui-ci à l’expiration de la concession. Il en résulte, selon moi, que l’article 49 du code de la navigation ne constitue pas une restriction. Si toutefois cette thèse ne devait pas être suivie, les mêmes arguments pourraient être avancés aux fins de justifier cette réglementation.
91. On peut ajouter que la réglementation italienne ne concerne que les ouvrages qui ne peuvent être facilement enlevés. Dès lors, contrairement à la réglementation qui était en cause dans l’arrêt Laezza, précité, elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour préserver le domaine public.
92. Toutefois, la protection du domaine public ne justifie pas nécessairement un transfert sans compensation. L’incorporation au domaine public pourrait également être réalisée si l’État accordait au concessionnaire une compensation pour les ouvrages qu’il a réalisés, mais qui resteront sur la zone appartenant au domaine public. À cet égard, le gouvernement italien a invoqué la protection des finances publiques à titre de justification.
93. La réglementation en cause est sans aucun doute propre à protéger les finances publiques, en ce qu’aucun paiement ne devra être effectué à partir du budget de l’État. Toutefois, existe-t-il une alternative moins restrictive pour atteindre le même objectif ?
94. À ma connaissance, les conditions d’une concession doivent offrir à un entrepreneur la possibilité de réaliser un bénéfice raisonnable sur son investissement pendant la durée de la concession. La compensation pourrait avoir une raison d’être si la réalisation d’un tel bénéfice s’avérait impossible. Tel pourrait être le cas si les ouvrages inamovibles (tels que des marches conduisant à la mer, des bâtiments pour le stockage ou un restaurant) sont nécessaires à la prestation du service sur la plage, mais que le coût de leur construction dépasse les bénéfices qu’ils génèrent pendant la durée de la concession.
95. Une telle préoccupation économique était importante pour la Cour dans l’arrêt Laezza, s’agissant de constater que la mesure en cause dans cette affaire constituait une restriction à la liberté d’établissement. La Cour a considéré que le risque pour une entreprise de devoir céder, sans contrepartie financière, l’usage de biens en sa possession est susceptible de l’empêcher de rentabiliser son investissement (36).
96. L’article 49 du code de la navigation prévoit que la propriété est transférée sans compensation, à moins qu’une convention contraire soit conclue entre l’État et le concessionnaire. Cette réglementation prend en considération la préoccupation d’ordre économique des concessionnaires potentiels, qui est que leur activité pourrait ne générer aucun bénéfice ou accuser une perte si les ouvrages dans lesquels ils ont investi ne faisaient pas l’objet d’une compensation à l’expiration de la concession.
97. Dès lors que le concessionnaire connaît à l’avance la réglementation applicable, il peut négocier une compensation adéquate si l’investissement nécessaire est trop important pour être rentabilisé sur la durée de la concession.
98. Enfin, si une compensation supplémentaire, quelle qu’elle soit, était versée au concessionnaire sortant, les nouveaux arrivants, en concurrence pour la nouvelle concession sur la même zone, seraient placés dans une situation moins avantageuse. Une telle possibilité serait contraire au droit de l’Union, qui exige que les États membres garantissent une concurrence transfrontalière loyale lorsqu’ils décident de concéder des zones appartenant au domaine public en vue de l’exercice d’activités économiques privées (37).
99. Dès lors, l’indemnisation du concessionnaire sortant à hauteur d’un montant qui excède l’investissement dans l’objet transféré au domaine public n’est pas une possibilité que permet le droit de l’Union.
100. Dans cette perspective, il me semble que, s’agissant de protéger les finances publiques, il n’existe pas d’alternative moins restrictive que celle prévue par le code de la navigation. Cette réglementation permet une compensation si celle-ci est nécessaire pour remédier à un déséquilibre économique, mais, à défaut, comme l’exige par ailleurs le droit de l’Union, elle empêche tout versement provenant des finances publiques qui entraînerait une discrimination des nouveaux concurrents sur le même domaine public.
101. Il incombe, bien entendu, à la juridiction de renvoi, qui dispose de toutes les informations relatives aux effets et aux interactions de la réglementation italienne applicable, d’apprécier si l’analyse proposée peut effectivement trouver à s’appliquer dans la situation spécifique des concessions sur les plages italiennes. C’est en fin de compte à cette juridiction qu’il appartient de décider si l’article 49 du code de la navigation, placé dans son contexte, est apte et nécessaire à la protection du domaine public et des finances publiques.
102. En ce qui concerne les justifications supplémentaires, à savoir la protection de l’environnement, de la culture et du tourisme, le gouvernement italien n’a pas expliqué le lien qu’il fait entre la réglementation spécifique de l’article 49 du code de la navigation et la protection de ces enjeux. Même si la décision de maintenir les plages dans le domaine public peut être motivée par des raisons environnementales ou culturelles, la protection de ces intérêts publics peut être mieux assurée par des mesures exigeant des concessionnaires qu’ils entreprennent ou de s’abstiennent d’entreprendre des actions spécifiques. Ils pourraient, par exemple, être tenus par certaines réglementations de construire conformément à certaines normes ou de prendre soin de biens historiques ou culturels dans la zone concédée. La municipalité pourrait toutefois développer ces justifications dans le cadre de la procédure nationale et établir un lien plus clair quant aux raisons pour lesquelles ces raisons pourraient être avancées à l’appui de l’article 49 du code de la navigation.
103. SIIB a également invoqué une possible violation du droit d’exercer une activité économique et du droit de propriété. La juridiction de renvoi n’a toutefois pas demandé l’interprétation des articles 16 et 17 de la Charte, qui concernent ces droits. Il peut toutefois être utile de rappeler que la Cour a déjà précisé qu’un examen de la restriction représentée par une réglementation nationale au titre des articles 49 et 56 TFUE couvre également les éventuelles restrictions de l’exercice des droits et des libertés prévus aux articles 15 à 17 de la charte des droits fondamentaux de sorte qu’un examen séparé du droit de propriété consacré à l’article 17 de celle-ci n’est pas nécessaire (38).
Conclusion intermédiaire
104. Si la réglementation nationale en cause dans la présente affaire est qualifiée de restriction non discriminatoire à la liberté d’établissement, j’estime, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, qu’elle est proportionnée à l’objectif de protection de la propriété publique et des finances publiques.
IV. Conclusion
105. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) de la manière suivante :
Une mesure nationale telle que l’article 49 du code de la navigation, qui, à l’expiration de la concession, a pour effet l’incorporation au domaine public, sans compensation, des ouvrages inamovibles construits sur la zone concédée, ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement interdite par l’article 49 TFUE, pour autant que la durée de la concession soit suffisante pour l’amortissement de l’investissement par le concessionnaire. Il en est ainsi même si une nouvelle concession est accordée au même concessionnaire pour la même zone.
À titre subsidiaire, si une réglementation nationale telle que l’article 49 du code de la navigation est qualifiée de restriction non discriminatoire à la liberté d’établissement, une telle restriction n’est pas interdite par l’article 49 TFUE, pour autant qu’elle soit proportionnée aux objectifs légitimes de protection du domaine public et de protection des finances publiques, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.